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PRÉSENTATION À LA PRESSE SUR L’ÉVALUATION DE POLITIQUE PUBLIQUE
DU PROGRAMME FRANCE SERVICES
Mercredi 4 septembre 2024
11h30
Salle André Chandernagor
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames et messieurs,
Bonjour et merci de votre présence.
J’ai grand plaisir à vous accueillir aujourd’hui pour vous
présenter l
’évaluation de politique publique
du programme France services.
C’est la
conférence de presse de rentrée de la Cour, après la dissolution de l’Assemblée nationale, la
période de réserve électorale, et le contexte particulier que nous connaissons depuis les
élections. Nous avons maintenant de nombreux travaux à vous présenter, dans le cadre du
« 100% publication » qui est notre règle, et nos rendez-vous seront fréquents. La Cour, dans
cette période, jouera plus que jamais, en toute indépendance, son rôle de « tiers de
confiance », rendant compte aux citoyens de notre analyse, notre jugement, nos propositions
sur les finances publiques et l’action publique. Nous sommes, j’en suis certain, plus utiles que
jamais, et nous ferons tout pour que la qualité de nos travaux irrigue le débat public.
Cette évaluation est inédite, à plusieurs égards.
D’abord,
elle a mobilisé un grand nombre de membres des juridictions financières, sur
l’ensemble du territoire.
Il s’agit, en effet, d’un travail issu d’une formation dite «
inter-
juridictions »,
qui a mobilisé quatre chambres régionales des comptes
Bourgogne-Franche-
Comté, Centre-Val de Loire, Île-de-France et La Réunion
mais aussi des membres de la
première, de la quatrième et de la cinquième chambres de la Cour des comptes.
J
’en profite pour
saluer le travail transversal et
très approfondi de l’ensemble des artisans
de ce rapport
.
Je remercie chaleureusement le président de la chambre régionale des comptes de
Bourgogne-Franche-Comté,
Emmanuel Roux
, qui a présidé cette formation et qui est présent
à mes côtés ce matin. Je tiens aussi à saluer les
présidentes et présidents de toutes les
chambres régionales et des chambres de la Cour
qui se sont investis dans cette enquête. Sont
également présents ce matin les rapporteurs généraux,
Stéphanie Brat
et
Yannick Klein,
tous
deux de la CRC Bourgogne-Franche-Comté : je les remercie vivement pour ce travail objectif
et rigoureux.
Cette enquête est inédite car il s’agit de la première évaluation d’une politique publique
nationale dont la formation est présidée par une chambre régionale des comptes.
J’ai déjà
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pu le dire publiquement à de nombreuses reprises, mais j’attache une atten
tion particulière à
la montée en puissance de l’évaluation de politiques publiques dans les travaux des
juridictions financières. Cette évaluation du programme France services concrétise encore
davantage la transformation des juridictions financières, leur capacité à travailler ensemble,
et souligne, si besoin en était, la contribution essentielle des chambres régionales des comptes
dans ce processus.
Au-
delà de l’ampleur de la coordination entre chambres, ce rapport est profondément
novateur et utile dans sa méthode.
C’est simple, cette évaluation a mobilisé presque tous les
outils quantitatifs et qualitatifs d’évaluation dont nous disposons
: elle a véritablement été
réalisée
dans les règles de l’art
!
*
Avant d’entrer dans le détail de nos méthodes, d
e nos constats et de nos recommandations,
j’aimerais brièvement revenir
sur le périmètre de notre évaluation : le programme France
services.
Après plusieurs décennies de réorganisation des services publics de proximité, le
programme France services a pour
objectif de renforcer l’accessibilité et la qualité de l’offre
de service.
Dans un contexte d’accélération de la digitalisation des démarches, il promeut un modèle de
médiation administrative ancré dans les territoires pour renouer le lien avec l’usager,
sans se
substituer aux opérateurs publics existants.
L’ambition et l’architecture générale du programme ont été définies par la circulaire du
Premier ministre du 1
er
juillet 2019
. Il vise ainsi à proposer un service d’accompagnement des
populations dans
les démarches administratives usuelles au sein de lieux d’accueil de
proximité, mutualisés et polyvalents.
Ce programme est piloté par l’ANCT et repose sur un réseau de porteurs locaux –
les
collectivités territoriales, La Poste, les associations, et
bien d’autres acteurs. Il associe
désormais onze opérateurs nationaux
neuf jusqu’au 31 décembre 2023. J’y reviendrai.
La première phase du programme, de 2019 à 2022, s’est concentrée sur le déploiement d’un
réseau d’espaces France services.
2 840 structures
leurs antennes comprises
sont
aujourd’hui labellisées sur l’ensemble du territoire, avec une priorité donnée aux territoires
ruraux et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Une phase de consolidation du
réseau a été initiée en 2023, avec une inflexion particulière sur la qualité de service et
l’extension de l’offre.
L’évaluation des juridictions financières couvre la période 2020
-2023 ; elle a cherché à
mesurer les premiers effets de la mise en œuvre du programme et
à vérifier leur adéquation
aux objectifs initiaux.
En débutant cette évaluation, notre objectif était bien de recommander
des ajustements pour la suite du déploiement, en répondant à
deux questions évaluatives
principales
:
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La première question est la suivante
: la nature et la qualité de l’offre de services
répondent-elles aux besoins des usagers ?
La seconde porte sur les moyens financiers et humains du dispositif ; lui permettent-
ils d’assurer un fonctionnement pérenne ?
Pour répondre à ces questions, notre enquête a débuté par une notification transmise en
mars 2023 à pas moins de 134 parties prenantes,
parmi lesquelles l’Agence nationale de la
cohésion des territoires (ANCT), la direction générale des collectivités locales (DGCL), les
opérateurs nationaux impliqués dans le programme France services, mais également les
acteurs départementaux du programme dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-
Val-de-Loire, Île-de-France et La Réunion.
À
l’issue de cette notification, des méthodes innovantes
ont été utilisées pour examiner
l’adéquation entre la nature de l’offre de services et les besoins des usagers, la satisfaction
des utilisateurs des espaces France services, mais aussi les moyens financiers et humains du
dispositif.
D’abord
, comme toute évaluation de politiques publiques, nous avons mis en place un
comité d’accompagnement, réunissant des experts et des parties prenantes
.
Je tiens
d’ailleurs à
remercier ce comité d
’accompagnement
pour son engagement et sa disponibilité.
L
’équipe de contrô
le a réalisé un traitement et une analyse des bases de données de la
plateforme France services
, gérée par l’ANCT.
Nous avons aussi
tenu à la représentativité géographique de l’enquête.
Les juridictions
financières se sont fondées sur une enquête locale conduite dans 12 départements, dont un
ultramarin (La Réunion), au sein de quatre régions représentant plus de 18 millions
d’habitants
.
Cette enquête
a permis de porter un regard local sur la mise en œuvre du
programme France services, dans les territoires ruraux, périurbains et urbains. Un panel de 18
structures France services a aussi été constitué, pour approfondir certains aspects du
fonctionnement dans les domaines où la donnée était plus rare : chacune de ces structures a
été visitée.
Autre point fort de notre évaluation, que je tiens à souligner :
l’équipe du rapport a
largement collaboré
, comme c’est
de règle, avec le monde de la recherche, en sollicitant, en
particulier, l’appui de la Maison des sciences de l’Homme de l’université de Bourgogne
, que
je remercie chaleureusement
. Pour analyser le ressenti des usagers sur la qualité de services,
nous avons conduit avec eux ses équipes une étude socio-
cognitive auprès d’un panel
d’espaces Frances services
.
Un sondage de terrain a aussi été réalisé auprès des 531 espaces France services, avec plus
de 60 % de participation, et un partenariat a été mis en place avec la délégation régionale
Bourgogne-Franche-
Comté de l’Insee.
Par ailleurs, des
ateliers d’acteurs ont été organisés en Centre
-Val de Loire
. Dernier point sur
nos méthodes d’
évaluation : nous avons réalisé un parangonnage avec deux pays européens,
la Finlande et le Portugal.
Ces deux pays ont eux aussi
créé des points d’accueil
pour
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accompagner les usagers dans la réalisation des démarches administratives digitalisées. Il était
donc naturel de proposer une analyse comparative du programme France services avec les
dispositifs finlandais et portugais.
Vous l’a
urez compris, i
l s’agit d’un travail
très fourni, aux méthodes novatrices,
c’est
pourquoi je parlais
d’u
ne évaluation réalisée
dans les règles de l’art
.
Les méthodes utilisées
sont
celles d’une évaluation de politique publique
« complète »
, et j’en suis ravi, tant nous
veillons à monter en puissance et à gagner en performance sur ces dernières, à la Cour et dans
les CRC.
*
Les principales conclusions et recommandations de notre rapport répondent aux deux
questions évaluatives déjà évoquées. Elles peuvent être synthétisées en deux principaux
messages principaux :
D’abord, nous faisons le constat que le programme France services est parvenu à proposer
une offre satisfaisante pour les usagers, qui contribue à la cohésion sociale des territoires ;
Ensuite, nous mettons en évidence les conditions de pérennité du programme France
services, en matière de stratégie, de pilotage, moyens financiers et humains.
En somme, le programme France Services est une réussite, un succès qui doit être consolidé
et encadré dans la durée.
I.
Passons sans plus attendre au premier constat de cette évaluation : le
programme France services
a permis une montée en gamme de l’offre de
services publics de proximité, qui satisfait les usagers et contribue à la cohésion
sociale des territoires.
D’abord, l’
évaluation du programme montre que ses objectifs opérationnels immédiats ont
été atteints.
Sur ce point,
parlons peu, parlons chiffres
!
Cinq années après le début de son déploiement,
le réseau France services représente plus de 2 840 espaces en France, qui se situent tous à
moins de 30 minutes de transport pour les usagers.
Concernant la prise en charge, le nombre de demandes traitées par les espaces France
services a augmenté de manière continue depuis la mise en place du réseau, passant de
1,17M de demandes traitées en 2020 à près de 9M
à la fin de l’année 2023
. En moyenne, 14
% de l’accueil physique correspondant à l’ensemble des services du bouquet
« socle » des neuf
partenaires nationaux est assuré par le réseau France services. Enfin, 82 % des demandes sont
traitées sur place.
Bien sûr, la fréquentation des structures est en progression constante mais elle reste
variable en fonction d’une pluralité de facteur
s :
s
elon les territoires, l’ancienneté de
l’implantation, les caractéristiques des populations desservies, la nature du porte
ur de
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l’espace France services
ou encore les services offerts, notamment complémentaires.
Malgré une fréquentation variable et multifactorielle, les résultats du programme France
services sont
de facto
supérieurs à l’expérience précédente des maisons de services au
public (MSAP).
Ces
MSAP étaient jusqu’alors le dispositif de services mutualisés et polyvalents
de proximité le plus abouti. Une labellisation exigeante du réseau France services a donc
permis de faire émerger une offre plus étoffée et une qualité de prise en charge homogène
sur le territoire.
L’
atteinte des objectifs opérationnels immédiats du programme a permis une montée en
gamme
significative de l’offre de services
, qui suscite la satisfaction des usagers.
J’aimerais ici préciser le profil de ces usagers
.
Dans notre rapport, nous notons que 58 %
d’entre eux
ont plus de 55 ans et la majorité sont des femmes (56 %). Les jeunes sont
faiblement représentés : seuls 6 % des usagers ont moins de 26 ans.
Les équipes de contrôle se sont concentrées sur la mesure de la satisfaction des usagers,
dont le résultat est très positif : le taux de satisfaction des usagers des espaces France
services dépasse les 90
%. Je rappelle que la première question évaluative portait sur
l’adéquation entre la nature et la qualité de l’offre de services du programme France services,
et les besoins des usagers. En réponse à cette question, l
’évaluation conduite par les
juridictions financières permet
de conclure que la qualité de l’offre de services du réseau est
largement reconnue par les usagers.
Cette satisfaction des usagers traduit tout autant la capacité du réseau à répondre aux
besoins formels des usagers, que son aptitude à les écouter et à les accompagner dans le
cadre d’une relation directe et personnalisée.
Au regard de cette relation singulière, le réseau
France services participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales.
Pour être clair, à
travers France services, les usagers retrouvent la présence de l’État dans
les territoires.
Face au sentiment de relégation territoriale exprimé par le mouvement social
des « gilets jaunes » entre autres,
le déploiement de points d’accueil sur l’ensemble
du
territoire dans le cadre de la première phase du programme a permis d’apporter une réponse
rapide aux préoccupations d’une partie de la population.
Grâce à l’accompagnement individuel, les démarches sont facilitées et le « fardeau
administratif », comm
e certains l’appellent,
allégé.
Les usagers trouvent en France services
une relation de services « humanisée et humanisante ». Le réseau a ainsi une influence sur le
sentiment d’abandon
des populations éloignées des métropoles.
Les premières conclusions de notre rapport sont claires : le programme France services a
permis des premiers résultats qui sont, pour le moins, encourageants.
Toutefois, les
conditions d’une
réussite du programme dans la durée ne sont pas encore
pleinement réunies.
C’est l’objet
de la deuxième partie de ce rapport, qui répond à notre
seconde question évaluative : les moyens financiers et humains du dispositif lui permettent-
ils d’en assurer un fonctionnement pérenne
?
6
***
II.
J’en viens donc
aux conditions de la pérennité du programme France services en
matière de stratégie et de pilotage, et de moyens financiers comme humains.
En premier lieu, les conditions de la pérennité du programme France services ne sont pas
encore pleinement réunies, notamment du point de vue de sa stratégie et de sa
gouvernance.
Le
dispositif France services ne pourra être consolidé et pérennisé qu’à la condition qu’un
scénario de développement ambitieux et soutenable, à moyen terme, soit rapidement
arrêté.
Après une phase de déploiement rapide, la Cour recommande que le programme
France services clarifie désormais
ses orientations stratégiques pour l’avenir
, pour faire gagner
le dispositif en lisibilité et en soutenabilité.
Entre un relatif
statu quo
et une transformation majeure du dispositif en une « porte
d’entrée unique » de tous les services publics, il existe une voie pour un scénario
dit
« intermédiaire ».
Ce scénario intermédiaire, identifié par la Cour,
permettrait d’élargir les
capacités d’accueil
du réseau, en lien avec ceux des opérateurs, et rendrait possible un
enrichissement raisonné de l’offre de services.
Toujours en termes de stratégie, la pérennisation du programme France services doit passer
par une meilleure prise en compte des spécificités des territoires et des populations.
C’est
pourquoi la Cour recommande de prendre en compte le réseau France services dans les
schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public
.
Au-delà de
cette meilleure connaissance des publics, le réseau doit aussi être, lui-même, mieux connu. Il
doit parfaire sa notoriété auprès du grand public, celle-ci reposant principalement sur le
« bouche-à-oreille ».
La meilleure prise en compte des spécificités des populations
demande également d’agir
davantage en faveur de
l’inclusion des us
agers éloignés des pratiques numériques.
La charte
nationale d’engagement de 2019 a confié aux espaces France services un rôle essentiel en
faveur de l’inclusion numérique.
Les usagers Fra
nce services ont très majoritairement besoin d’un accompagnement individuel,
que les conseillers France services réalisent efficacement.
Mais, si les conseillers de France services réalisent déjà un accompagnement individuel
auprès d’usagers éloignés des
pratiques numériques, ils ne peuvent, en revanche, rendre les
usagers plus autonomes à l’égard de l’outil numérique
. Du moins, ils ne le peuvent pas sans
l’appui des autres acteurs de l’inclusion numérique à l’échelle des départements.
À ce titre, la
mission d’autonomisation numérique des usagers
doit être intégrée dans une stratégie portée
au niveau départemental,
qu’il reste à construire.
Enfin, la gouvernance du programme doit davantage coordonner les parties prenantes et
impliquer l’ensemble des
opérateurs, à l’échelle nationale comme au niveau local.
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D’abord, au
niveau national, une meilleure coordination de l’action de l’ANCT serait
nécessaire avec les ministères et les opérateurs
.
Ensuite, au niveau local, le partenariat avec les opérateurs du bouquet « socle »
de l’offre
de France services et avec les collectivités territoriales doit être autant clarifié, notamment
dans leur rôle de premier accueil social inconditionnel, que renforcé.
Plus spécifiquement,
les relations entre les conseillers des espaces France services, au contact des usagers (en «
front
office
»), et les services des opérateurs, experts sur leurs procédures (en «
back office
»),
restent à clarifier. Les
représentants locaux des opérateurs n’ont pas tous
interprété de la
même manière la notion de référent : soit ils ont désigné un référent pour assurer la
coordination entre les espaces France services et les agents techniciens d’un opérateur
, et
organiser les sessions de formation ; soit, ils ont nommé un référent métier, spécialiste de son
domaine d’activité, susceptible d’être contacté directement par les conseillers France
services.
La Cour recommande donc d’identifier au sein de chaque opérateur des référents métiers
en mesure d’être contactés directeme
nt par les conseillers France services et de prendre en
charge leurs questions.
Après la gouvernance et le pilotage, le deuxième axe de recommandations de la Cour concerne
les moyens financiers et humains requis pour la pérennisation du dispositif.
D’abord,
le financement doit être adapté aux situations de forte fréquentation et assurer une
juste répartition des charges.
La Cour évalue le coût total du programme à environ 350 M€ pour 202
4.
Sur ces 350M €,
113M
proviennent
du budget général de l’État
, ce qui représente moins de 1 % des crédits de paiement
de la mission « cohésion des territoires ».
L’objectif
de la trajectoire de financement du programme est d’atteindre 50 000 € par
structure en 2026.
En 2023, le financement du programme par l’État et ses opérateurs a
progressé, avec un forfait annuel porté de 30
000 € à 35 000 € pour les structures non postales.
Malgré cette trajectoire, la charge financière pèse toujours davantage sur les porteurs locaux
que sur l’État et ses opérateurs.
Par ailleurs, le financement national ne tient pas compte des
situations de saturation de certains espaces. En outre, si les modalités de répartition du
financement entre les opérateurs historiques ont été révisées de manière à mieux refléter les
services utilisés, la participation de nouveaux opérateurs entrés dans le programme en 2024
devra être précisée.
À la lumière de ces constats, la Cour recommande de consolider le budget du programme
France services, incluant
l’ensemble des crédits engagés par l’État ainsi que les coûts
estimatifs supportés par les porteurs d’espaces France services.
De plus,
la Cour préconise l’instauration d’une
subvention forfaitaire supplémentaire, pour
assurer la prise en charge du programme dans les espaces confrontés à une fréquentation
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supérieure à leurs capacités d’accueil
c’est
-à-dire, supérieure à trois accompagnements par
heure et par agent.
Au-delà des enjeux financiers, la Cour formule des recommandations sur les moyens humains
du programme.
Les fonctions de conseiller France services exigent une certaine maîtrise technique, une
capacité d’initiative et
des savoirs-être face à des situations parfois complexes.
Or, les
spécificités de ce métier ne sont pas encore suffisamment valorisées dans les parcours
professionnels des conseillers.
De plus, nous constatons que leur formation continue nécessite d’être encore ajustée,
le tout
dans l’optique de mieux fidéliser
les personnels du réseau France services. Les chiffres sont
parlants :
le taux de rotation des conseillers France services est estimé par l’ANCT à 15 % pour
la période 2023 à 2026. Ce taux est presque deux fois plus élevé que le taux de rotation constaté
dans les collectivités locales ou leurs établissements, qui était de 8,6 % en 2020. La précarité
d’emploi des conseillers recrutés en CDD, le manque d’attractivité salariale des postes au regard
de la nature complexe des missions et le manque de perspectives professionnelles constituent
des facteurs de rotation des équipes des espaces France services.
Certes, la feuille de route 2023 de France services en faveur de la valorisation du métier vise
à
« déprécariser »
ces postes.
Mais, l’objectif de valorisation ne sera vraisemblablement pas
atteint sauf à mettre en place des logiques de parcours avec les opérateurs.
Afin d’attirer et de fidéliser les candidats, il conviendrait
donc de mieux valoriser, notamment
d’un point de vue salarial, la richesse de l’expérience acquise dans les fonctions de conseillers
France services, et de conforter le positionnement de ceux-ci.
***
Mesdames, messieurs, il est temps pour moi de conclure mon propos.
Je crois ce rapport
profondément instructif et utile au débat public, sur un enjeu qui concerne non seulement
l’ensemble du territoire français mais aussi l’ensemble
des usagers des services publics.
Héritier des maisons de service au public, le programme France services est parvenu à
déployer rapidement son réseau sur le territoire et à proposer une offre accrue et une
qualité de service plus homogène, grâce à une labellisation exigeante et un partenariat
d’opérateurs élargi.
Toutefois, comme cette évaluation le montre, les conditions d’une réussite pérenne ne sont
pas encore pleinement remplies.
La pérennisation du dispositif requiert des évolutions tant
en matière de stratégie et de gouvernance, que de moyens humains et financiers.
Compte tenu de la place qu’ils ont acquis pour les habitants qui les connaissent, parmi les
services de proximité, les espaces France services participent assurément à une réduction
du sentiment d’abando
n par les services publics ressenti dans certains territoires.
Ce
ressenti est relayé par certains géographes et sociologues qui pointent des fractures sociales,
9
culturelles et spatiales, évoquant une « France périphérique », se sentant en relégation vis-à-
vis des métropoles riches, ouvertes et attractives.
Face à un tel sentiment et dans un contexte de « crise de confiance » dans
l’action publique
,
parachever les étapes ultérieures de développement de France services est un axe
fondamental
. Il s’agit de
réussir le dernier kilomètre de l’action publique
.
Voilà, j
’en ai terminé.
Merci de votre attention et de votre intérêt
. Je suis maintenant à votre
disposition pour vos questions, ainsi que les membres des juridictions financières qui ont
instruit ce rapport et que je remercie à nouveau.