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Programme France services (2020-2023)

COUR DES COMPTES

Initié par la circulaire du Premier ministre du 1er juillet 2019, le programme France services a été présenté comme une réponse au sentiment de relégation et d’éloignement à l’égard des services publics vécu par une partie de la population. Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), il repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.) et associe désormais onze opérateurs nationaux pour accompagner les usagers dans l’accomplissement en ligne de leurs démarches administratives. Si en 2021, 67 % des majeurs résidant en France ont effectué au moins une démarche administrative en ligne au cours des 12 derniers mois, les prérequis nécessaires à l’utilisation des nouvelles technologies, à la terminologie administrative et le caractère désincarné du service maintiennent éloignée une partie de la population. La Cour a donc examiné la nature et la qualité de l’offre de services afin de déterminer si elles répondent aux besoins des usagers. L'enquête a ciblé principalement la satisfaction des utilisateurs et s'est penchée sur la capacité financière et humaine de ce système à maintenir un fonctionnement durable. L'évaluation a mis en évidence un gain quantitatif et qualitatif et confirme qu’une majorité d’usagers sont satisfaits de la prise en charge assurée par les conseillers France services. Toutefois, le dispositif ne pourra être consolidé et pérennisé qu’à la condition qu’un scénario de développement soutenable, à moyen terme, soit rapidement arrêté. Cela devra permettre de renforcer la mobilisation des opérateurs, de mieux accompagner financièrement les porteurs des espaces très fréquentés et de davantage valoriser le métier des conseillers.

Le déploiement réussi d’un réseau de proximité au service de la cohésion des territoires

Cinq années après le début de son déploiement, le réseau France services représente plus de 2 840 espaces en France (antennes comprises). Près de 100 % des espaces se situent à moins de 30 minutes de transport pour les usagers. Le nombre de demandes traitées par les espaces France services a augmenté de manière continue depuis la mise en place du réseau, passant de 1,17 million en 2020 à près de 9 millions à la fin de l’année 2023. En moyenne, 14 % de l’accueil physique, correspondant à l’ensemble des services du bouquet socle, est assuré par le réseau France services. 58 % des usagers ont plus de 55 ans et la majorité d’entre eux sont des femmes (56 %). Les jeunes sont faiblement représentés (6 % des usagers ont moins de 26 ans). De plus, près de 82 % des demandes sont traitées sur place. La satisfaction des usagers des espaces France services dépasse les 90 %. Elle traduit tout autant la capacité du réseau à répondre aux besoins formels des usagers, que son aptitude à les écouter et à les accompagner dans le cadre d’une relation directe et personnalisée. Au regard de cette relation singulière, le réseau France services participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales. Les résultats de ce programme sont supérieurs à l’expérience précédente des maisons de services au public (MSAP), qui était jusqu’alors le mécanisme de services mutualisés et polyvalents de proximité le plus abouti. Une labellisation exigeante du réseau France services a permis de faire émerger une offre étoffée et une qualité de prise en charge homogène sur le territoire.

Des conditions d’une réussite dans la durée non encore pleinement réunies

Le programme doit clarifier ses orientations stratégiques et gagner en lisibilité. Entre un relatif statu quo et une transformation majeure du dispositif, en une « porte d’entrée unique » de tous les services publics, il existe une voie intermédiaire permettant d’élargir ses capacités d’accueil et d’enrichir l’offre de services. Les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public peuvent utilement servir de trame à la structuration locale des services de proximité, en incluant le réseau France services. Ce dernier gagnerait à mieux connaître les publics de chaque territoire ainsi que les évolutions de la présence de l’ensemble des services à la population. Les conseillers de France services réalisent efficacement un accompagnement individuel auprès d’usagers éloignés des pratiques numériques. Ils ne peuvent, en revanche, rendre les personnes plus autonomes à l’égard de l’outil numérique sans l’appui des autres acteurs de l’inclusion numérique à l’échelle des départements. Les conditions de réussite du programme dans la durée portent également sur sa gouvernance, qui doit davantage coordonner les parties prenantes. Au niveau national, une meilleure coordination de l’action de l’ANCT serait nécessaire avec les ministères et les opérateurs, notamment en favorisant une plus grande synergie entre les réseaux des opérateurs et France services. Au niveau local, le partenariat est à articuler davantage entre les espaces et les opérateurs de l’offre de services commune à l’ensemble du réseau. Hétérogènes selon les territoires et les opérateurs, les relations entre les conseillers des espaces France services, au contact des usagers (« front office ») et les services des opérateurs, experts sur leurs procédures (« back office ») restent à clarifier.  

Un financement qui doit assurer la pérennité dispositif et une juste répartition des charges

La Cour évalue le coût total du programme à environ 350 M€ pour 2024 (dont environ 113 M€ au titre du budget général de l’État, représentant moins de 1 % des crédits de paiement de la mission « cohésion des territoires »). En 2023, le financement du programme par l’État et ses opérateurs a progressé, avec un forfait annuel porté de 30 000 € à 35 000 € pour les structures non-postales. L’objectif de la trajectoire de financement du programme est d’atteindre 50 000 € par structure en 2026. En dépit de cette trajectoire, la charge financière pèse toujours davantage sur les porteurs locaux que sur l’État et ses opérateurs. Au surplus, le financement national ne tient pas compte des situations de saturation de certains espaces. Une subvention forfaitaire supplémentaire apparaît nécessaire pour assurer la prise en charge du programme dans les espaces confrontés à une fréquentation supérieure à leurs capacités d’accueil. De même, si les modalités de répartition du financement entre les opérateurs historiques ont été révisées de manière à mieux refléter les services utilisés, la participation de nouveaux opérateurs entrés dans le programme en 2024 devra être précisée.

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