RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LES POLITIQUES DE
PRÉVENTION DES
VIOLENCES FAITES
AUX FEMMES EN
NOUVELLE-
CALÉDONIE ET EN
POLYNÉSIE
FRANÇAISE
Rapport public thématique
Avril 2024
•
Les politiques de prévention des violences faites aux femmes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française
- avril 2024
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Réponses des
administrations,
organismes et personnes concernés
Réponses reçues
à la date de la publication (18/04/2024)
Réponse du garde des sceaux, ministre de la justice
...................................
4
Réponse du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
............
6
Réponse du président du gouvernement de la Polynésie Française
............
9
Réponse reçue après la date de publication
Réponse du ministre de
l’intérieur
et des outre-mer
.....................................
12
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COUR DES COMPTES
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RÉPONSE DU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
Vous avez bien voulu m'adresser votre rapport public thématique
relatif aux politiques de prévention des violences faites aux femmes en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Vous y faites le constat d'une situation dégradée malgré une
implication de longue date des pouvoirs publics locaux, les femmes étant
davantage victimes de violences conjugales en Polynésie française et en
Nouvelle-Calédonie qu'ailleurs. Vous évoquez notamment la nécessité de
renforcer les dispositifs pour encourager la révélation des faits et mieux
accompagner et prendre en charge les victimes.
Comme vous le savez, la lutte contre les violences conjugales est
une priorité d'action du ministère de la Justice. Cet engagement fort se
traduit par une augmentation constante et importante de l'activité des
juridictions, pleinement mobilisées, et accompagnées par de nombreuses
évolutions normatives et opérationnelles.
Ainsi, cinq réformes se sont succédées entre 2017 et 2023, avec pour
objectif notamment, l'aggravation des peines encourues pour les
infractions violentes ou de nature sexuelle au sein du couple même en
l'absence de cohabitation, l'extension de la possibilité de placement sous
surveillance électronique aux auteurs de violences conjugales, la création
du dispositif de pré-plainte en ligne, le renforcement de la possibilité
d'éviction du domicile du conjoint violent, l'abaissement du délai de
prononcé de l'ordonnance de protection à 6 jours, l'instauration et le
déploiement du bracelet anti-rapprochement, l'autorisation de la levée du
secret médical en cas de danger immédiat d'une personne sous emprise, et
l'instauration d'une aide d'urgence pour les victimes. Parallèlement,
l'action judiciaire a été renforcée. Depuis 2019, 6 circulaires et 8 dépêches
sont venues fixer les grandes orientations en matière de lutte contre les
violences intrafamiliales en vue notamment de garantir la protection et
l'accompagnement de la victime à tous les stades de la procédure,
d'assurer une évaluation fine du danger, de promouvoir une politique de
juridiction en faveur du décloisonnement des acteurs et un suivi renforcé
des auteurs de violences conjugales. Enfin, depuis le 1
er
janvier 2014, les
pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intrafamiliales,
mesure inscrite au plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et
les hommes, ont été déployés au sein des tribunaux judiciaires et des cours
d'appel.
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ET PERSONNES CONCERNÉS
5
Concernant
plus
particulièrement
le
suivi
de
l'activité
juridictionnelle en matière de lutte contre les violences intrafamiliales, le
ministère dispose de nombreux outils mis en œuvre notamment par la
direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) dans le cadre du
suivi de l'activité pénale des parquets. Ainsi, par le biais des rapports
annuels du ministère public, la DACG dispose de données actualisées
concernant l'activité pénale des parquets généraux et des parquets en ce
qui concerne le contentieux des violences intrafamiliales. Les contraintes
propres à chaque ressort y sont rappelées, afin de mieux expliquer les types
de réponses pénales et mesures d'accompagnement déployées. La DACG
dispose également d'outils statistiques qui présentent des données chiffrées
détaillées, pour chaque ressort, à partir d'une présentation analytique.
Outils précieux dans la gestion et -le pilotage des juridictions et des
parquets, les observatoires, à l'image de l'observatoire des violences par
conjoint (OVPC), permettent ainsi de suivre l'activité des parquets, la
structure de la réponse pénale, mais aussi de comparer les affaires
enregistrées par les parquets et par les services enquêteurs.
En ce qui concerne le suivi de l'activité des parquets de Papeete et
de Nouméa, des actions spécifiques en matière de prévention,
d'accompagnement et de protection des victimes ont été mises en œuvre.
Ainsi, au sein du parquet de Papeete, une page Facebook du
procureur de la République « lutte contre les violences intrafamiliales » a
été ouverte au public, en vue de pallier l'étendue et l'éclatement
géographique du ressort ainsi que l'isolement physique et psychologique
de certaines victimes. Cette page est adossée à une adresse courriel dédiée
permettant de signaler directement au parquet les faits de violences sur
mineurs, violences conjugales, viols et agressions sexuelles commis dans
la sphère familiale. Bien que le marché « téléphone grave danger » (TGD)
ne couvre pas ce territoire, un marché spécifique a pu être développé, dans
le cadre duquel 32 terminaux ont été attribués en 2022.
Au sein du parquet de Nouméa, un entretien est systématiquement
réalisé entre le magistrat du parquet et la victime de violences conjugales
lors des audiences de comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité, en amont de l'entretien avec le prévenu. 12 TGD ont également
pu être mis à disposition. Au 1
er
février 2024, ce sont deux bracelets anti-
rapprochement qui étaient actifs sur le ressort de la Cour d'appel de
Nouméa, outre deux prononcés désormais archivés.
Lors de mon déplacement à Nouméa en février dernier, j'ai pu
échanger avec le personnel du centre de prise en charge des auteurs de
violences intrafamiliales (CPVIF), dont l'ouverture est imminente.
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Aux termes de votre rapport public thématique vous invitez à un
suivi renforcé du phénomène et des mesures de lutte déployées sur les
volets budgétaire et statistiques.
Ainsi, et en premier lieu, vous suggérez la réalisation, dès cette année,
d'une « veille statistique exhaustive interservices et genrée permettant une
connaissance fine du phénomène sur l'ensemble du territoire ».
Si le ministère de la justice partage cette recommandation, de telles
statistiques n'existent pas encore, et il ne sera techniquement pas possible
de les produire pour l'année en cours. Je peux cependant vous assurer que
des travaux restant encore à consolider ont été initiés en vue de mieux
connaître la situation des parties civiles et des victimes et qu'ils devraient
pouvoir aboutir dès 2025.
En second lieu,
vous appelez de vos vœux une traçabilité budgétaire
« de l'ensemble des actions et des aides servies concernant la lutte contre
les violences faites aux femmes ».
En ce qui concerne le programme 166 (Justice judiciaire), il n'est
pas possible d'isoler les crédits spécifiques dédiés à la lutte contre les
violences faites aux femmes) qui constitue une action transversale et
quotidienne mobilisant tous les services judiciaires, tant civils que pénaux.
En ce qui concerne le programme 101 (Accès au droit et à la
justice), il est en revanche possible de mesurer l'augmentation constante
de la part consacrée à la lutte contre les violences intrafamiliales : de 28 %
en 2020, cette part a atteint 37 % dans le budget 2024. Les cours d'appel
de Nouméa et de Papeete ont ainsi été en mesure de verser, depuis 2020,
des subventions chaque année plus importantes à des associations d'aide
aux victimes dont l'engagement se focalise sur la problématique prégnante
des violences conjugales et intrafamiliales.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT
DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
La Nouvelle-Calédonie est fortement engagée dans la lutte contre les
violences faites aux femmes, à la fois de manière générale et spécifiquement
au sein des familles. En 2019, un secteur dédié a été créé au sein du
gouvernement calédonien pour traiter cette problématique, couvrant
l'ensemble des collectivités calédoniennes. Cette initiative découle de
l'organisation nationale du « Grenelle contre les violences conjugales » en
2019, qui a été adaptée localement en Nouvelle-Calédonie en novembre de
la même année, avec le lancement d'une politique publique durable sous
l'égide de l'État et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
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Cette politique est principalement axée sur la prévention,
notamment dans les établissements scolaires, et sur l'amélioration du
parcours des victimes, incluant des aspects tels que la protection et
l'hébergement. Les enfants victimes/témoins et le suivi des auteurs sont
également des domaines où des actions doivent être renforcées. Des
formations des acteurs ont été organisées pour renforcer le maillage
territorial, et des dispositifs de familles d'accueil et de transporteurs ont
été mis en place en collaboration avec diverses entités et financés par la
Nouvelle-Calédonie.
Le gouvernement a également entrepris un processus de bilan des
actions du Grenelle en concertation avec tous les acteurs concernés,
incluant des consultations et des séminaires. De plus, une chargée de
mission spécifiquement dédiée à la lutte contre les violences intrafamiliales
a été nommée depuis mars 2024.
Sur le plan législatif, la Nouvelle-Calédonie a adopté une loi pour
promouvoir l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
incluant des mesures telles que des autorisations d'absence rémunérées
pour les victimes de violences intrafamiliales. Cette loi vise également à
faciliter la conciliation entre vie professionnelle et familiale.
En complément, des actions sont menées dans les domaines de la
santé féminine et des « 1 000 premiers jours de vie » pour sensibiliser aux
conséquences des violences sur le développement des enfants.
Actuellement, des mesures sont en cours pour ouvrir un centre de
prise en charge des auteurs de violences conjugales et créer une Unité
médico-judiciaire au sein du CHT Gaston Bourret pour améliorer la prise
en charge des victimes.
Malgré ces actions, les chiffres actuels des actes de violence restent
élevés, soulignant la nécessité de renforcer les efforts.
En réponse aux recommandations de la Cour des Comptes, nous
vous prions de bien vouloir tenir compte des informations complémentaires
ci-dessous :
1.
Mettre en place, à partir de 2024, une veille statistique
exhaustive permettant une connaissance fine du phénomène sur
l'ensemble du territoire.
L'établissement de mécanismes centralisés de collecte de données
statistiques est une mesure envisagée dans le cadre du Grenelle contre les
violences conjugales. Ainsi, l'enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS)
réalisée par l
’
ISEE, financée par l'État et la Nouvelle-Calédonie a attesté
de l'ampleur de ces violences en Nouvelle-Calédonie et fournit des chiffres
actualisés pour cibler les politiques publiques.
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2.
Assurer une traçabilité budgétaire de toutes les actions et aides
servies dans la lutte contre les violences faites aux femmes à
partir de 2024.
Cette
recommandation
peut
être
réalisée
en
prenant
en
considération les initiatives entreprises par tous les intervenants
concernés, y compris les collectivités et les associations, tout en tenant
compte de la répartition des compétences en Nouvelle-Calédonie.
3.
Produire et tenir à jour un guide à destination des opérateurs
engagés dans la lutte contre les violences faites aux femmes à
partir de 2024.
La rédaction de ce guide est actuellement en cours, ce qui signifie
que cette recommandation pourra être mise en
œ
uvre en 2024. Néanmoins,
plusieurs outils existent déjà comme l'application disponible sur
Smartphone permettant notamment de voir les acteurs engagés et
détaillant les places disponibles en hébergement d'urgence ainsi que le site
internet dédié au secteur : www.violencesconjugales.gouv.nc
4.
Concevoir et animer une stratégie de long terme fédérant tous
les acteurs publics et associatifs concernés en 2024.
L'intégration d'une feuille de route globale, représentant une
politique multisectorielle, est une composante essentielle des initiatives du
Grenelle
des
violences
conjugales.
Le
gouvernement
de
la
Nouvelle-Calédonie prévoit de réunir tous les partenaires le 25 avril afin
de réaliser un bilan conjoint de la période 2019-2023 et d'élaborer la
feuille de route à venir. Ainsi, cette recommandation est pleinement alignée
avec les objectifs du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
5.
Assurer une prise en charge téléphonique fiable 24h/24 et 7j/7
des femmes victimes dès 2024.
Le service SOS ECOUTE propose actuellement une assistance
téléphonique de premier niveau, disponible pendant une grande partie de
la
nuit.
Toutefois,
en
raison
de
préoccupations
concernant
la
responsabilité juridique, le placement en hébergement d'urgence auprès de
familles d'accueil a été interrompu en ce début d'année 2024. Une nouvelle
association a été créée et devrait normalement reprendre cette activité dès
le deuxième semestre 2024.
6.
Développer le maillage territorial de prise en charge des
personnes victimes des violences à partir de 2024.
Cette recommandation pourra être traitée au niveau de la prochaine
feuille de route.
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RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
Par lettre du 6 mars 2024, vous m'avez transmis un rapport public
thématique intitulé « Les politiques de prévention des violences faites aux
femmes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ».
Ce rapport émet six recommandations, dont les quatre suivantes qui
concernent le Gouvernement de la Polynésie française :
1.
s'attacher, à partir de 2024, à une veille statistique exhaustive
interservices et genrée permettant une connaissance fine du phénomène
sur l'ensemble de chaque territoire ;
4.
concevoir et animer, en 2024, une stratégie de long terme en
matière de lutte contre les violences faites aux femmes qui fédère tous les
acteurs publics et associatifs concernés ;
5.
assurer, dès 2024, une prise en charge de premier niveau fiable
des femmes victimes tout au long de l'année par téléphone 7j/7 et 24h/24 ;
6.
sous réserve des moyens financiers nécessaires, démultiplier,
à partir de 2()24, le maillage territorial de prise en charge des personnes
victimes des violences.
S'agissant de la veille statistique exhaustive interservices et genrée,
il est indéniable que celle-ci constitue un outil essentiel pour connaître en
détail l'étendue des violences faites aux femmes, et plus généralement de
toutes les formes d'atteinte à la personne en Polynésie française.
Toutefois, une veille statistique qui se limiterait aux seules
déclarations de violence, basée sur les données des services du pays ou de
l'État, notamment du Parquet, risquerait de comporter in fine un certain
nombre de biais, avec pour conséquence la mise en place d'actions de lutte
mal dimensionnées voire inadaptées.
Parmi ces biais, il convient d'en relever
a minima
les suivants :
-
une verbalisation des faits de violence et d'atteinte à la personne
extrêmement variable entre les zones urbaines, les zones rurales et les
zones à très faible population (quelques dizaines ou centaines
d'habitants), comme certains atolls ou vallées isolées. Si les zones
urbaines favorisent l'anonymat et la verbalisation des faits, il en est
tout autrement dans les zones à très faible population où la grande
majorité des habitants a des liens intrafamiliaux ;
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-
les zones très peu peuplées sont également les zones les plus éloignées
des centres administratifs que constituent Papeete et Taiarapu (Tahiti,
Îles du Vent), Uturoa (Raiatea, Îles Sous-le-Vent) ou Taiohae (Nuku
Hiva, Îles Marquises). En général, il n'y a sur ces zones aucune
présence d'agents relevant de la fonction publique de la Polynésie
française ou de l'État. Quant à la présence d'agents relevant de la
fonction publique communale, ceux-ci ont, dans une écrasante
majorité, des liens de sang avec la population. En conséquence, les
habitants de ces zones ne disposent d'aucun espace propice à la
libération de la parole ;
-
en Polynésie française, la notion de violence et d'atteinte à la
personne est très fréquemment limitée dans sa compréhension
première à la seule violence physique. Il en résulte que de nombreuses
victimes de violences psychologiques ou économiques ne se
définissent pas spontanément en tant que victimes et, en conséquence,
ne déclarent pas les violences subies ;
-
enfin, d'un point de culturel, la position sociale d'un individu, son genre,
sa tranche d'âge, sa capacité à s'exprimer en tahitien ou en français,
etc., combinés régulièrement à un plus ou moins fort sentiment de honte
et un très fort sentiment d'appartenance à un groupe familial ou de
quartier, jouent autant de rôles capitaux dans sa prédisposition à
s'autoriser à prendre publiquement la parole en tant que victime. Si
certaines personnes sont en capacité de verbaliser les violences et les
atteintes subies avec une certaine aisance, d'autres s'interdisent
systématiquement d'en parler, sans que la puissance publique ne puisse
quantifier le poids de ce silence faute d'éléments objectifs.
En outre, au risque d'une action gouvernementale en matière de
lutte contre les atteintes à la personne limitée aux seuls symptômes, la mise
en place d'un plan d'actions visant à agir sur les causes du phénomène
pour une lutte durable demande à ce que la Polynésie française dispose
également d'outils lui apportant une connaissance fine du terrain en termes
sociaux et sociétaux.
Le
manque
d'études
universitaires
sociales
et
sociétales
indépendantes propres à permettre de déterminer les facteurs propices à
l'émergence de la violence pénalise l'action du Gouvernement.
À ce titre, si tous s'accordent à dire que l'arrivée du Centre
d'expérimentation du Pacifique (CEP) et du Commissariat à l'énergie
atomique (CEA) dans les années 60, puis leur départ dans les années 90,
ont provoqué de profonds bouleversements de la société polynésienne au
niveau de ses modèles économiques, sociétaux, sociaux et familiaux, ces
bouleversements restent aujourd'hui insuffisamment qualifiés et quantifiés.
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Or, ces bouleversements ne sont pas sans lien avec les facteurs
propices à l’émergence de la violence conjugale et intrafamiliale.
Nonobstant, il convient de souligner que la mise en place d'une
veille statistique exhaustive interservices et genrée ainsi que la production
d'études universitaires sociales et sociétales indépendantes demandent de
leur consacrer des moyens importants, tant financiers qu'humains.
Cependant, les moyens financiers et humains de la Polynésie
française sont sans commune mesure avec ceux de l'État.
Aussi, conviendrait-il que l'État, soucieux de la lutte contre les
violences conjugales et intrafamiliales dans les territoires ultramarins, comme
le montre le rapport public thématique intitulé « Les politiques de prévention
des violences faites aux femmes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie
française » de la Cour des comptes, apporte à la Polynésie française les
moyens financiers et humains nécessaires pour atteindre ces objectifs.
En ce qui concerne la stratégie de long terme en matière de lutte
contre les violences faites aux femmes, celle-ci est en cours de conception
et sera intégrée au schéma directeur de l'action sociale et médico-sociale,
en cours d'établissement.
Pour ce qui est de la prise en charge de premier niveau fiable des
victimes tout au long de l'année par téléphone, 7j/7 et 24h/24, au-delà de
la prise en charge téléphonique, la Polynésie française est confrontée à la
difficulté intrinsèque de sa multi-insularité qui lui interdit de disposer
d'équipes en mesure d'intervenir sur tous les points de son territoire dans
des délais acceptables en cas de violence conjugale ou intrafamiliale
avérée.
En effet, les zones très peu peuplées mentionnées précédemment, sur
lesquelles il n'existe aucune présence d'agents de la Polynésie française ou
de l'État, sont également des zones très isolées géographiquement, parfois
difficiles d'accès.
Une prise en charge téléphonique de premier niveau fiable 7j/7 et
24h/24 en tous points de son territoire, bien que nécessaire, pourrait
néanmoins s'avérer contreproductive si la Polynésie française, soutenue
par des moyens financiers et humains de l'État, ne peut pas mettre en place
les interventions et actions
ad hoc
.
Enfin, au sujet de la démultiplication du maillage territorial de prise
en charge des personnes victimes des violences, la Polynésie dispose d'une
marge de progression possible dans ce domaine.
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Néanmoins, il convient une nouvelle fois de souligner que
l'isolement de certains groupes de population complexifie fortement
l'anonymat des prises en charge.
D'autres facteurs, tels que l'importance des liens familiaux, la très
forte sociabilité existante dans les groupes de quartiers ainsi que les
facteurs climatiques qui poussent les gens à vivre en extérieur plutôt qu'en
intérieur, en faisant des témoins de leur entourage malgré eux, réduisent
d'autant les possibilités d'anonymat dans les prises en charge des victimes.
La marge de progression annoncée précédemment, bien que
possible, reste donc étroite.
Toute aide de l'État, financière et humaine, dans ce domaine
permettrait d'envisager des alternatives plus coûteuses mais également
plus susceptibles de préserver l'anonymat des victimes.
RÉPONSE
DU MINISTRE DE L’INT
ÉRIEUR ET DES OUTRE-
MER
Vous m'avez adressé le rapport public thématique relatif aux
violences faites aux femmes en Nouvelle. Calédonie et en Polynésie
française. Je partage le constat d'une situation plus dégradée dans ces
deux territoires que dans les autres territoires ultra-marins et
hexagonaux : le
ratio
de violences intrafamiliales (coups et blessures
volontaires) est plus de deux fois plus élevé en Polynésie française et près
de trois fois plus élevé en Nouvelle-Calédonie que sur l'ensemble du
territoire national pris dans son ensemble.
Face à ce constat, je souhaite souligner le soutien apporté par les
services de l'État aux démarches des deux collectivités territoriales en
matière de prévention et d'accompagnement des victimes :
-
le ministère délégué chargé des outre-mer a financé une dizaine de
projets en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie sur les 38
projets lauréats de l'appel à projets « mobilisés contre les
discriminations et les violences faites aux femmes en outre-mer »
lancé par le ministère en 2021 ;
-
les hauts commissariats accompagnent les projets portés par les
territoires, à l'instar de la maison d'accueil PU o te Hau en Polynésie
française (700 000
€
financés par le programme 123 en 2021) ;
-
le ministère de l'intérieur et des outre-mer finance des postes
d
’
intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie (ISCG),
a
minima
deux par département dans le cadre de la loi d'orientation et
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de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI). Trois postes
ont été créés en Nouvelle-Calédonie et cinq postes en Polynésie
française. Dans ces territoires, le ministère appuie particulièrement
le dispositif puisqu'il finance en intégralité quatre postes d'ISCG (le
droit commun prévoyant un cofinancement avec les collectivités
territoriales).
Par ailleurs, en ce qui concerne votre recommandation visant la
mise en place d'une veille statistique exhaustive interservices et genrée,
permettant une connaissance fine du phénomène des violences faites aux
femmes sur l'ensemble de chaque territoire, te service statistique
ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a mis en place, depuis sa
création en 2014, des travaux importants de fiabilisation des données de
délinquance par type de champ infractionnel et par genre. Ces données
peuvent être obtenues sur demande, en attendant leur mise en ligne
systématique sur le site Interstats.
De plus, le SSMSI dispose de données sur les personnes mises en
cause dans les procédures pénales. Si votre rapport présente les données
issues du logiciel Cassiopée du ministère de la justice, le SSMSI détient des
informations relatives aux personnes mises en cause en amont de la
procédure judiciaire (notamment {e sexe, l'âge et fa nationalité), y compris
pour les affaires ayant lieu dans les collectivités d'outre-mer.
En outre, s'agissant de la recommandation relative à la production
d'un guide à destination des opérateurs engagés dans la lutte contre les
violences faites aux femmes en Nouvelle-Calédonie, mes services ont
travaillé avec la mission interministérielle pour la protection des femmes
(MIPROF) contre les violences et la lutte contre la traite des êtres
humains, à ('élaboration d'un livret pédagogique, complémentaire aux kits
de formation, destiné aux professionnels travaillant en Outre-mer.
Enfin, la création d'un poste de coordonnateur interministériel
contre les violences faites aux femmes en Outre-mer par décret du 14 juin
2023 démontre l'engagement de l'État pour améliorer la connaissance des
besoins des femmes victimes de violences et des difficultés qu'elles
rencontrent. Sa lettre de mission insiste tout particulièrement sur la
nécessité d'intégrer la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française au
champ de ses travaux. Un rapport de propositions devrait être rendu à
l’
été
2024
.
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