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DEUXIÈME CHAMBRE
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES
INFRASTRUCTURES DE
TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
Exercices 2016-2022
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 20 décembre 2023.
.
S2024-0120
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
................................................................................................................
4
LISTE DES RECOMMANDATIONS
.......................................................................
7
INTRODUCTION
.......................................................................................................
8
1
LA PROGRAMMATION ET LE FINANCEMENT DES
INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT EN FRANCE : UNE
RATIONALISATION INACHEVÉE
....................................................................
11
1.1
Les procédures de programmation avant 2017
.................................................
11
1.1.1
Pendant longtemps, un objectif prioritaire de développement des
réseaux
.....................................................................................................
11
1.1.2
Depuis le «
Grenelle de l’environnement
», la priorité donnée au
report modal
............................................................................................
12
1.1.3
La commission « Mobilités 21 »
.............................................................
13
1.2
La programmation issue des assises de la mobilité de 2017 et de la loi
d’orientation des mobilités de 2019
.................................................................
16
1.2.1
Les assises de la mobilité et le rapport du Conseil d’orientation
des infrastructures
...................................................................................
16
1.2.2
La loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019
.................................
19
1.2.3
Éléments de comparaison internationale
.................................................
24
1.3
Les rapports du
COI de 2022 puis 2023, et l’actualisation de la LOM
............
27
1.3.1
Le rapport préliminaire du COI de 2022, « Bilan et perspectives
des investissements pour les transports et les mobilités »
.......................
27
1.3.2
La commande passée au COI en vue de l’actualisation de la
programmation financière
.......................................................................
29
1.3.3
Le rapport du COI remis en février 2023, « Investir plus et
mieux dans les mobilités pour réussir leur transition » : un
mandat incomplètement rempli.
..............................................................
30
2
L’AFIT
: UNE UTILITÉ NON DÉMONTRÉE
....................................................
38
2.1
Une absence de contrôle sur la décision de la dépense
....................................
38
2.1.1
Le faible poids du conseil d’administration
............................................
38
2.1.2
Des « pré-CA » plus importants que les CA eux-mêmes
........................
40
2.1.3
Un décalage avec les intentions affichées
...............................................
41
2.2
La question du périmètre des dépenses
............................................................
42
2.2.1
Les dépenses prises en charge par l’AFIT
..............................................
42
2.2.2
Les investissements dans les infrastructures de transport non
financées par l’AFIT
...............................................................................
43
2.3
Des recettes fluctuantes et incertaines
..............................................................
46
2.3.1
Le « panier » de
ressources de l’AFIT
....................................................
46
2.3.2
Des recettes qui ne s’avèrent ni stables ni prévisibles
............................
49
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
3
2.3.3
Une TICPE dont le montant affecté sert de subvention
d’équilibre
...............................................................................................
51
2.4
Une gestion améliorée, des fragilités persistantes
............................................
51
2.4.1
Des comptes qui traduisent une amélioration du financement de
l’agence
...................................................................................................
51
2.4.2
Un budget de fonctionnement réduit, consacré pour l’essentiel
aux dépenses de personnel
......................................................................
53
2.5
L’AFIT, une institution à reconsidérer
.............................................................
54
2.5.1
Une valeur ajoutée quasi-inexistante dans la programmation
financière
.................................................................................................
54
2.5.2
Un instrument de contournement de la législation budgétaire
................
55
2.5.3
Une lisibilité de la politique d’investissement de l’État très peu
améliorée
.................................................................................................
56
2.5.4
L’inadaptation du budget de l’État à la gestion des
investissements : un
a priori
contestable
................................................
56
2.5.5
Des formules alternatives à celle d’un établissement public
...................
57
ANNEXES
................................................................................................................
61
Annexe n° 1.
L’adoption de la convention de financement du canal Seine
-
Nord-
Europe par le conseil d’administration de l’AFIT du 20
novembre 2019
......................................................................................
62
Annexe n° 2.
La répartition, de 2016 à 2022, des dépenses de l’AFIT entre
les
cinq programmes d’inve
stissement prioritaires définis par la LOM
.....
64
Annexe n° 3.
Les États de l’Union européenne qui avaient établi des
prélèvements sur
les poids lourds liés à l’usage des infrastructures
routières au milieu des années 2010
......................................................
66
Annexe n° 4.
Les dix principaux projet
s d’investissement financés par
l’AFITF entre 2016 et 2022 en AE
.......................................................
67
Annexe n° 5.
Les dix principaux projets d’investissement financés par l’AFIT
entre 2016 et 2022 en CP
......................................................................
68
Annexe n° 6.
Les principaux postes de restes à payer sur 2023-2027
.................
69
Annexe n° 7.
L’état du différend actuel avec les sociétés concessionnaires
d’autoroute sur la question de la taxe d’aménagement du territoire et
des contributions volontaires de ces sociétés
........................................
70
Annexe n° 8.
Présentation des états financiers de l’AFIT (2016
-2022)
..............
72
Annexe n° 9.
Erreurs et omissions comptables constatées dans les comptes de
l’AFIT entre 2016 et 2022
.....................................................................
75
Annexe n° 10.
Analyse du respect par l’AFIT des obligations qui lui incombent
au regard de la réglementation budgétaire dans le cadre de la
présentation et de l’a
doption de ses budgets et de son compte
financier au cours de l’exercice 2022
....................................................
79
Annexe n° 11.
L’exécution budgétaire de l’AFIT
2016-2022
...............................
84
Annexe n° 12.
Les engagements de l’AFIT au cours de la période 2016
-2022
.....
85
Annexe n° 13.
Les paiements par l’AFIT au cours de la période 2016
-2022
........
87
Annexe n° 14.
Données chiffrées relatives aux restes à payer de l’AFIT au
cours de la période 2016-2022
..............................................................
89
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
4
SYNTHÈSE
La programmation des infrastructures de transport : une
rationalisation inachevée
L’actuelle
architecture
institutionnelle
de
la
programmation
des
grandes
infrastructures de transport en France est le fruit d’une longue histoire, ayant longtemps
privilégié, du plan Freycinet de 1879 au
conseil interministériel d’aménagement et de
développement du territoire (CIADT) de 2003 (), puis encore au schéma national
d’infrastructures de transport (
SNIT) de 2011, le développement des réseaux
, d’abord
ferroviaire puis autoroutier et, enfin, de lignes à grande vitesse.
Au cours des années 2010, le souci de la contrainte budgétaire et d’une
programmation crédible, alors que la dégradation des infrastructures justifiait un effort de
régénération et un recentrage sur les « transports du quotidien », a conduit à la mise en place
de la commission « Mobilités 21 »
chargée d’évaluer les grands projets et de proposer un
scénario de financement en établissant des priorités. Son rapport n’a, toutefois, pas débouché
sur une programmation financière, actée par les pouvoirs publics. Il a fallu attendre pour cela
les travaux du
Conseil d’orientation des infrastructures
(COI), créé en 2017 et rassemblant
des élus, des experts et des fonctionnaires, après une large concertation, baptisée « les assises
de la mobilité ».
De fait,
la loi d’orientation des mobilités de 2019
comprend un titre I et
une annexe à vocation financière, en principe fondés sur le scénario financier intermédiaire
proposé par le COI.
Cette instance, pérennisée et à nouveau sollicitée en 2022 pour actualiser cette
programmation,
contribue à la définition d’une trajectoire
in fine
décidée par les pouvoirs
publics, et ensuite
mise en œuvre par une agence de financement
,
l’AFIT
, dotée à cet effet
de ressources spécifiques. Cette nouvelle organisation constitue un progrès par rapport aux
pratiques du passé, quand des commissions
ad hoc
recensaient les projets, plus qu’elles n’en
proposaient de sélection, et que les décisions d’engager les crédits de
l’État se prenaient au
fil de l’eau, en fonction de la maturation de ces projets, parfois
plus que de leur intérêt socio-
économique.
Pour autant, cette rationalisation s’avère
dans une large mesure inachevée. Les
recommandations ou « scénarios préférentiels » du COI ne permettent pas de respecter le
cadre budgétaire qui lui a été fixé, notamment en sélectionnant ou en classant clairement les
projets. Il ne dispose pas des moyens de contre-
expertiser ces derniers ou d’étudier l’impact
de ses scénarios dans toutes leurs dimensions, notamment environnementales, ni de proposer
de nouvelles ressources éventuellement nécessaires. La programmation financière
finalement décidée et rendue publique demeure peu précise, ne détaillant ni la montée en
charge des projets ni leur financement. Des exemples récents, telles la relance du projet de
ligne nouvelle Provence-
Côte d’Azur ou l’accélération du calendrier prévu pour la section
Bordeaux-Toulouse du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest, montrent que
l’État continue
de prendre certains engagements au coup par coup, sans se référer à un programme
d’ensemble et en reportant la question de leur financement. Cette façon de faire contraste
avec les méthodes en usage depuis plusieurs décennies chez certains de nos voisins, par
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
5
exemple en Allemagne, qui apparaissent plus rigoureuses, sans empêcher une nécessaire
souplesse.
Dans ce contexte, une réforme et un renforcement du COI pourraient représenter une
voie d’avenir, au service d’une programmation à la fois plus précise et pl
us complète,
assortie d’un financement identifié
, - naturellement toujours décidée par les pouvoirs
publics, mais liant davantage ces derniers.
La faible valeur ajoutée de l’AFIT
Établissement public national à caractère administratif de taille très réduite (5 ETP ;
795
000 € de budget de fonctionnement au titre de l’année 2022), l’AFIT assure la gestion
de sommes importantes (3,77
Md€ d’autorisations d’engagements et 3,29 Md€ de crédits de
paiements en 2022
; 15,38 Md€ de restes à payer à la fin de c
ette même année). En tant
qu’instrument d
e financement des infrastructures de transport
, l’
agence remplit de manière
satisfaisante la mission qui lui a été confiée. Percevant des ressources calculées en fonction
de ses besoins annuels, elle a vu ses capacités de paiement augmenter au cours de la période
récente, au bénéfice de son activité d’intervention, mais également de l’assainissement de sa
situation financière (réduction des restes à payer). Par ailleurs, les difficultés de gestion
qu’elle a connues d
ans un passé récent ont conduit à un renforcement opportun de ses
moyens humains.
L’agence demeure toutefois dans une position d’étroite subordination
vis-à-vis de la
direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère
de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ce qui la maintient dans un rôle
de caisse de financement.
Au demeurant, la création du Conseil d’orientation des
infrastructures fait obstacle à la possibilité pour l’AFIT de remplir des f
onctions de conseil
ou de supervision désormais dévolues à une autre instance.
Son conseil d’administration ne
fait qu’avaliser des décisions déjà prises, au point que la question de leur financement
semble
paradoxalement passer au second plan dans certains cas. En outre, près de vingt ans après sa
fondation,
l’agence
ne dispose toujours pas, après
l’
échec de plusieurs formules, de
ressources stables, prévisibles et pérennes.
L’agence
, censée apporter une plus grande lisibilité à
la politique d’investisseme
nt
de l’État
,
ne l’améliore qu’en partie, en raison du manque de clarté
et de cohérence du champ
des dépenses prises en charge. Celui-ci
s’est considérablement étendu sans
toujours
beaucoup de rigueur ou de lien direct avec des infrastructures de transport, mais aussi,
paradoxalement, sans
pour autant englober toutes les dépenses de l’
État dans la construction
de celles-ci.
Pour justifier l’existence de l’agence, est parfois mise
en avant l’inadaptation
supposée du budget
de l’
État au financement de projets pluriannuels, mais, dans son rôle
d’intermédiation, l’agence induit également des complications de gestion et des flux croisés
entre entités juridiques distinctes
. Surtout, cet argument n’a jamais fait l’objet d’une
démonstration précise et se trouve cont
redit par la pratique constatée dans d’autres domaines
d’investissement, comme les dépenses d’équipement militaire
.
Aujourd’hui
, comme lors
de sa création, l’AFIT constitue avant tout un moyen de
contournement de la loi organique sur les finances publiques, qui a pourtant explicitement
prévu les dispositions nécessaires à cette catégorie de dépenses. Aussi la recommandation
L’AGENCE
DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
6
tendant à sa suppression et à la réintégration des crédits concernés au sein du budget général
dans le cadre d’une nouvelle mission
budgétaire, faite par la Cour dès 2009, conserve-t-elle
toute sa pertinence et son actualité.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
7
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(DGITM, DB, DG Trésor, 2024) : Établir une programmation
du financement de la construction et de la régénération des grandes infrastructures de
transport, financées ou co-
financées par l’État, assortie d’indicateurs de mise en œuvre et
de résultats.
Recommandation n° 2.
(DGITM, DB, DG Trésor, 2024) : Doter le Conseil
d’orientation des infrastructures
des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions, dont
le suivi de l’application des décisions
d’investissement
.
Recommandation n° 3.
(DGITM, DB, 2024) : Compléter le projet annuel de
performance (PAP) et le rapport annuel de performance (RAP) de la mission « écologie,
développement et mobilité durables
» par un état des concours de l’État aux investissements
en faveur des transports, qu’ils soient financés par crédits budgétaires, sur crédits de
l’AFI
T
ou par l’intermédiaire de divers fonds et plans (
recommandation réitérée).
Recommandation n° 4.
(DGITM, DB, DG Trésor, 2025) :
Supprimer l’AFIT et créer
une mission « Politique publique des transports » au sein d
u budget de l’
État.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
8
INTRODUCTION
Les infrastructures de transport, en France, se composent de 1,1 millions de km de
routes (dont environ 21
000 km d’autoroutes et de routes nationales et 379
000 km de routes
départementales), de 27 000 km de lignes ferroviaires (dont 2 100 km de lignes grande
vitesse- LGV) et 3 800 gares, de 1 380 km de réseaux ferrés de transport urbain, de 5 200
km de voies navigables, de 10 grands ports maritimes et de 69 aéroports (accueillant plus de
1 000 voyageurs annuels). Selon le critère de la longueur, notre pays occupe la première
place en Europe s’agissant du réseau routier
1
, la deuxième pour le ferroviaire et la quatrième
pour les voies navigables, mais l’ensemble de ces réseaux,
arrivés à une certaine maturité,
ont pour l’essentiel cessé de s’étendre, à l’exception des réseaux ferrés de transport urbain
2
.
En ce qui concerne leur état, qui dépend notamment de leur ancienneté et de la qualité de
leur entretien, la France, selon les données du forum économique mondial, tient un rang
moins favorable et en recul, en particulier dans le cas des routes, puisqu’elle est passée,
en
la matière, de la première à la dix-huitième place entre 2012 et 2019.
Selon le « bilan annuel des transports » établi en 2022, les investissements dans ces
infrastructures (construction et régénération) ont atteint 23,6
Md€ en 2021
, dont 10,5
Md€
pour les routes, 4,5 Md€ pour le réseau ferré et 7 Md€ pour les transports collectifs urbains,
partagés entre un grand
nombre d’acteurs, principalement mais non exclusivement publics,
notamment du fait d’investissements réalisés dans le cadre de contrats de concession ou de
partenariats public-privé.
Le tableau ci-
après retrace l’évolution du montant total des investisse
ments dans les
infrastructures de transport, entre 1990 et 2022.
1
Mais le sixième seulement, si on limite au réseau dit structurant, constitué des autoroutes et routes nationales.
2
Dont la longueur totale a progressé de plus de 150 % depuis 1995, alors que celle des routes augmentait
modestement, et que celle du réseau ferroviaire exploité par la SNCF et les voies navigables fréquentées ont
même diminué depuis cette date. Source : bilans annuels des transports.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
9
Tableau n° 1 :
Investissements dans les infrastructures de transport en France
En Millions
d’euros
courants en
2022
% des
investissements
totaux en 2022
% en 1990
Investissements
des APUC (*)
dans les transports
en 2022
(en M€)
3
Réseau routier
10 562
44,8 %
71,8 %
1 215
Autoroutes concédées
1 545
6,6 %
11,7 %
SO
Routes
nationales
non
concédées
1 215
5,2 %
16,5 %
SO
Réseaux locaux
7 802
33,1 %
43,6 %
SO
Réseau ferré principal
4 489
19,1 %
15,4 %
3 256
LGV
348
1,5 %
7,7 %
SO
Hors LGV
4 141
17,6 %
7,7 %
SO
Transports collectifs urbains
7 117
30,2 %
6,4 %
116
Réseau ferré d’Île
-de-France
1 097
4,7 %
1,3 %
SO
RATP
1 311
5,6 %
2,3 %
SO
Société du Grand Paris
2 800
11,9 %
0 %
SO
TCU de province
1 909
8,1 %
2,8 %
SO
Autres
1 383
5,9 %
6,4 %
1 298
Ports maritimes
502
2,1 %
2,2 %
214
Aéroports de Paris
500
2,1 %
3,4 %
733 (transport
aérien)
Voies navigables
381
1,6 %
0,8 %
351
Total
23 551
4
100 %
100 %
5 951
Source : Bilan annuel des transports en 2022 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des
territoires.
3
Investissements essentiellement dans les infrastructur
es s’agissant des APUC.
4
Données de l’OCDE
:
22 Md€ en 2021, contre 27,6 Md€ en Allemagne, 50,4 Md€ en Italie (2019), 22,9 Md€
au Royaume-
Uni (2019) et 19,5 Md € au Japon (2019).
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
10
(*) Administrations publiques centrales
: l’État et ses opérateurs (AFIT, VNF…) en données consolidées.
Sur les trente dernières années, les principales évolutions consistent en (1) une
réduction dans cette dépense de la part du mode routier, au profit des transports collectifs
urbains, en particulier en Île-de-France (en partie de manière conjoncturelle, du fait de la
construction du Grand Paris Express), et dans une moindre mesure, du réseau ferré, ainsi
que, s’agissant de ce dernier, (2) une diminution de la part des LGV au profit des autres
investissements ferroviaires.
Les dépenses d’investissement des «
administrations publiques locales » et des
«
organismes divers d’a
dministration locale » (dont Île-de-France Mobilités et la Société du
Grand Paris) en voirie et dans les autres infrastructures de transport ont atteint un montant
consolidé d’environ 11,
7
Md€ en 202
2. Leur part dans le total augmente, notamment du fait
de
la décentralisation routière au profit principalement des départements. De leur côté, l’
État
et ses opérateurs représentaient moins du quart de cet effort, souvent dans le cadre de co-
financements, leur apport même minoritaire pouvant être nécessaire au lancement de
projets
5
. Cet apport est toutefois prépondérant pour certaines catégories d’investissement, en
particulier dans le réseau ferré.
À ce titre, l
agence
de financement des infrastructures de transport de France (AFIT),
établissement public national à caractère administratif créé par décret du 26 novembre 2004,
a pris en charge une part croissante des contributions de l’
État, pour en représenter désormais
plus de la moitié (3,3
Md€ en 202
2, sur 5,95
Md€). Ces investissements comprennent la
construction d’infrastructures nouvelles et des projets d’aménagements structurels, mais
aussi, depuis quelques années, des opérations de « régénération » (ou entretien « lourd »),
permettant de maintenir la valeur du capital.
Dans un premier temps, le présent rapport s’attache à déterminer si la création de
l’AFIT puis du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) et l’adoption, en 2019, de la
loi d’orientation des mobilités (LOM), qui inclut un volet financie
r, ont permis de
rationaliser le processus de programmation et de financement des infrastructures de
transport.
Dans un deuxième temps, il vise à apprécier plus spécifiquement le rôle et la valeur
ajoutée effectifs de l’AFIT dans cette programmation et sa
mise en œuvre, et il examine le
fonctionnement et la qualité des services rendus par l’agence.
Étant rappelé que, bien que
ses dépenses et ses recettes aient dépassé le seuil de 3 Md€ en 2021
et 2022,
l’agence
demeure une structure de taille très réduite : son équipe permanente comptait, au 31
décembre 2022, 5 ETP et son budget de fonctionnement, en 2022, n’excédait pas 795
000€.
5
Les autres investisseurs sont notamment les sociétés concessionnaires (pr
ivées), en particulier d’autoroutes.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
11
1
LA
PROGRAMMATION
ET
LE
FINANCEMENT
DES
INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT EN FRANCE : UNE
RATIONALISATION INACHEVÉE
1.1
Les procédures de programmation avant 2017
1.1.1
Pendant longtemps, un objectif prioritaire de développement des réseaux
Historiquement, les grands projets d’infrastructure de transport ont fait l’objet, après
-
guerre, d’une programmation dans le cadre des plans quinquennaux él
aborés par la
Commissariat général au plan. À leur disparition, au début des années 1990, dès lors que les
contrats de plan État-
régions n’intégraient pas les projets de dimension nationale
6
, ceux-ci
ne relevaient plus que de schémas nationaux d’infrastruc
tures de transport (SNIT) existant
depuis les années 1970
7
. Ces derniers, préparés par les services du ministère des transports
sous l’égide de comités interministériels, n’établissaient cependant pas de priorité ni
n’étudiaient la question des modalités d
e financement.
Jusqu’au début des années 2000 l’ambition restait grande, si l’on s’en tient aux
principes
; ainsi, la loi d’orientation et d’aménagement du territoire de 1995 a fixé l’objectif
d’un accès pour tous les territoires à l’autoroute et à la grande vitesse ferr
oviaire (un
échangeur routier à moins de 30 minutes et une gare de TGV à moins de 45 minutes).
De même, les « schémas de services collectifs de transport de voyageurs et de
marchandises
» de 2001, bien que se réclamant d’une approche différente des schéma
s
sectoriels antérieurs, puisque fondée sur la prise en compte de la complémentarité des modes
et sur l’estimation besoins futurs des usagers, ont repris
in fine
la plupart des ouvrages à
l’étude.
Un premier effort de tri et de hiérarchisation a été accompli par le CIADT de 2003
8
,
qui s’est appuyé sur une évaluation prospective réalisée par la DATAR
9
, et un audit d’un
grand nombre de projets en suspens par l’inspection générale des finances et le commissariat
général du développement durable. Le rapport de ces derniers
10
se prononçait notamment
contre le canal à grand gabarit Seine Nord et le tunnel ferroviaire de base prévu pour la
nouvelle ligne Lyon-
Turin. Sur le fondement d’évaluations socio
-économiques, il accordait
6
Mais parfois des aménagements complémentaires de ces derniers.
7
Schémas directeurs des grandes liaisons routières et aéroportuaires de 1972 (puis schéma directeur routier
national de 1992, visant un réseau d’autoroutes d’environ 38
000 km), des voies navigables de 1985, des
liaisons ferroviaires de 1992 (prévoyant 4 700km de lignes nouvelles). On pourrait citer, bien plus loin dans le
temps, la loi Freycinet de 1879, prévoyant de relier toutes les sous-préfectures au réseau ferroviaire et de
normaliser le gabarit des principaux canaux, dont la mise en en œuvre s’étala jusqu’en 1914.
8
Conseil interministériel de développement et d’aménagement du territoire du 18 décembre 2003.
9
Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale.
10
Rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructure et de transport, février 2003.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
12
une préférence assez nette aux projets routiers et autoroutiers au détriment des nouvelles
liaisons ferrées. Il proposait des trajectoires financières relatives à la part de l’État dans les
projets ferroviaires, en distinguant deux scénarios, dits « technique » et « indicatif », qui
différaient essentiellement par les calendriers de réalisation, plus ou moins rapides.
Bien qu’il écartât deux infrastructures parmi les plus coûteuses (
cf. supra
, mais le
Gouvernement,
dès la remise du rapport, réaffirma leur caractère prioritaire), le CIADT n’en
dressait pas moins une longue liste de projets à mettre en œuvre, de sorte que l’économiste
Y. Crozet a décrit ce moment comme «
l’apogée de la période des élus bâtisseurs
»
11
.
Le CIADT de 2003 annonça la création de l’AFITF, dont le budget devait être
alimenté par des ressources spécifiques et pérennes, à savoir les dividendes versés par les
sociétés d’économie mixte à caractère autoroutier. La fin de l’«adossement
», c’est
-à-dire de
la possibilité de financer de nouvelles sections d’autoroutes peu rentabl
es par les recettes
liées à l’allongement de concessions plus anciennes, soulevait
de fait, dans le même temps,
la question de l’affectation de la «
rente autoroutière ». Cette nouvelle agence, qui permettait
de conserver les recettes dans le giron des transports, prenait aussi le relais du FITTVN
12
supprimé par la majorité précédente. Ce dernier avait déjà eu vocation, entre 1995 et 2001,
à assurer une forme de péréquation géographique et intermodale.
1.1.2
Depuis le «
Grenelle de l’environnement
», la priorité donnée au report
modal
Le SNIT de 2011, prévu par la loi dite de « Grenelle I » de 2009
13
, devait «
servir de
référence à l’État et aux collectivités territoriales pour harmoniser la programmation de
leurs investissements respectifs en infrastructures de transport
», en consacrant une
politique volontariste de report modal. Ceci conduisait à privilégier, dans les faits, pour les
25 années suivantes les nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse (4 000 km, dont 2 000
km à l’horizon de 2020) et,
plus marginalement, la voie fluviale (370 km). Il est intéressant
de rappeler les quatre grands axes fixés par ce SNIT pour montrer que certaines
réorientations ont une origine relativement ancienne :
-
l’optimisation prioritaire du système de transport existant pour limiter la création de
nouvelles infrastructures,
-
l’amélioration des performances
-
du système de transport dans la desserte des territoires,
11
En présentant le Premier ministre d’alors, Jean
-
Pierre Raffarin, comme l’«
incarnation du pouvoir
périphérique des notables de province
» (Y. Crozet, « Les territoires et le financement de la mobilité »
in
La
revue d’économie financière).
12
Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, alimenté par la taxe d’aménagement
du territoire su
r les sociétés d’autoroutes et la taxe sur la production d’énergie hydroélectrique, instituées à cet
effet. La baisse, parallèlement, des investissements dans les transports inscrits au budget général, lui ont attiré
l’accusation d’être détourné de son obj
et. Auparavant, avaient joué un rôle comparable le fonds spécial
d’investissement routier (CAS), de 1952 et 1981, puis le fonds spécial des grands travaux (EPA), de 1982 à
1987.
13
Loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle
de l’environnement.
L’AGENCE
DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
13
-
énergétiques du système de transports,
-
la réduction de l’empreinte environnementale des infrastructures et équipements de
transport.
Ce projet, rendu public en octobre 2011 après des débats publics et au Parlement,
représentait un coût évalué à 245 Md
constants sur une période de 25 ans
14
, dont 88 Md€
pour l’État, sensiblement revu à la hausse par rapport aux évaluations de l’avant
-projet, à la
suite d’une contre
-expertise du commissariat général au développement durable (CGDD),
en p
articulier des coûts de la régénération ferroviaire, mais aussi de l’ajout de nouveaux
projets routiers. Le projet comportait, au total, 28 projets ferroviaires, 28 routiers, 11
portuaires et 3 fluviaux (projets de voie d’eau à grand gabarit). «
La quasi-unanimité du
Parlement en faveur de la loi Grenelle 1 était largement liée au fait que le SNIT promettait
pratiquement à chaque région une desserte TGV
» (Y. Crozet, Les cahiers du
think tank
de
l’URF, novembre 2015).
Il reposait sur un chiffrage plus rigou
reux que les schémas précédents mais s’avérait
financièrement non soutenable. La procédure de délibération collective, sans objectif ni
contrainte de hiérarchisation et de sélection, aboutissait à un total de dépenses encore
supérieur à l’enveloppe du CIADT de 2003 (100 Md€), établi par un groupe composé
seulement d’experts. Ce schéma ne fut d’ailleurs pas formellement adopté par le Parlement,
mais cette période vit l’engagement simultané de quatre chantiers de ligne à grande vitesse
(LGV), dans l’esprit de
ce «
Grenelle de l’environnement
».
1.1.3
La commission « Mobilités 21 »
1.1.3.1
La nouvelle méthode mise en œuvre
Le Gouvernement issu des élections de 2012, confia à une commission composée de
parlementaires et d’experts, dite commission «
Mobilités 21 », présidée par le député
Philippe Duron, la mission d’établir des priorités à financer par l’AFITF, en particulier par
la future écotaxe. De fait, le rapport remis au ministre des transports en juin 2013 évoque
dès l’introduction l’exigence de «
sortir de l’incantation
et du non-dit
» et «
l’effort de
différer un projet qui apparaît moins prioritaire que d’autres, l’effort de ne réaliser dans un
premier temps qu’une partie d’un projet ou de le réaliser différemment
».
Cet exercice appelle en premier lieu la définition d
e critères d’évaluation et de choix.
La commission a opté pour une évaluation dite « multi-critères non pondérée », autour des
grands objectifs traditionnels de la politique des transports : (1) compétitivité, intégration
européenne, réduction des inégalités territoriales, mobilité de proximité, mais aussi (2) de
nature écologique, (3) « sociétale » (sécurité, santé, réduction des nuisances) et (4) socio-
économique (valeur actualisée nette, ou différence entre bénéfices et coûts socio-
économiques futurs exprimés en monnaie constante, par euro dépensé).
14
Ferroviaire
: 174 Md€
; routier
: 42 Md€
; fluvial
: 23 Md€, portuaire
: 5 Md€
; aérien
: 2 Md€. Ou 140 Md€
pour le développement des réseaux et 105 Md€ pour leur optimisation.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
14
Cette approche fut justifiée par le fait que le premier classement, basé sur les seuls
taux de rendement interne (TRI) ou de valeur actuelle nette (VAN), privilégiait presque
systématiquement, dans l’ordre, l
es projets autoroutiers, puis routiers, ferroviaires et, enfin,
fluviaux
15
, ce qui tient essentiellement à deux facteurs : les gains de temps et les coûts
unitaires de construction.
Or, les bénéfices environnementaux ou en termes d’aménagement du territoir
e ne
sont pas tous réductibles à des indicateurs monétisables
. Par ailleurs, le critère d’«
utilité »
peut contredire celui de « nécessité », aboutissant, par exemple, à mettre en tête de liste les
projets franciliens, qui bénéficient à un grand nombre d’u
sagers, au détriment
d’infrastructures qui permettraient de désenclaver des territoires peu peuplés,
a priori
moins
« rentables ».
Le rapport du COI de 2023 explicite et justifie ainsi la méthode qu’il a retenue : «
Dès
les travaux de Mobilités 21 et du COI 2018, il est apparu que les membres du COI ne
pouvaient résumer leur approche à la seule valeur actuelle nette et devaient compléter la
lecture des dossiers par l’examen de plusieurs critères. Le principe avait été également
retenu de refuser toute démarche de pondération de ces critères aboutissant mécaniquement
à un classement des projets. Une telle démarche a, en effet, été considérée comme présentant
seulement une apparence artificielle de rationalité
».
Certes, une parfaite objectivité ne constitue pas nécessairement une garantie
d’acceptabilité,
d’autant que toutes les finalités ne sont pas mesurables, comme on vient de
le voir. À cet égard, cette instance de concertation, comprenant des élus, des experts et des
hauts fonctionnaires, avait précisément pour vocation de faciliter des formes de consensus
par la confrontation de points de vue différents.
De plus, cette approche constitue en soi un progrès par comparaison avec des
priorités de financement définies selon l’apport des collectivités, comme
lors de
l’élaboration du SNIT, ou avec un processus de «
petits pas », projet par projet, qui finit par
rendre irréversible certains investissements à la suite d’effets d’annonce successifs. Ainsi,
les évaluations se faisaient souvent trop tard, ce qui privait de la possibilité de comparer et
d’arbitrer entre projets et de les apprécier au regard d’une capacité de financement globale.
Cependant, l’inconvénient d’une approche «
multicritères non pondérée » consiste
dans son manque d’objectivité. De fait, c
ertains choix ont pu résulter de discussions sur des
positions de principe et une telle méthode ne permet pas de trancher
sur la base d’arguments
rigoureux la question de projets très controversés
16
. Les classements ont été établis le plus
souvent par conse
nsus mais, dans certains cas de désaccords persistants, selon l’avis
majoritaire. En outre, le consensus et sa recherche peuvent eux-mêmes comporter des biais.
15
Selon le RAP 2021, l’i
ntérêt socio-économique, cette année-là, atteignait pour
-
les opérations ferroviaires, fluviales et portuaires
: 0,2€ par euro dépensé par le contribuable,
-
les opérations routières
: 2,2€ par euro dépensé par le contribuable.
16
A cet égard, il faut signaler que si l’évaluation socio
-économique des projets nouveaux bénéficie de
méthodologies éprouvées, quoique toujours à actualiser, c’est moins le cas des dépenses d’entretien. Pourtant,
ces dernières prennent progressivement le p
as, s’agissant de réseaux de transport souvent arrivés à maturité et
désormais vieillissants.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
15
1.1.3.2
Les résultats des travaux de la commission
La commission proposa deux scénarios, l’un à financement constant (S1
-
2,3 Md€
affectés à l’AFITF), et l’autre (S2) à ressources majorées de 400 M€ par an, d’ici 2030.
La hiérarchisation établie a consisté à distinguer trois catégories :
-
les projets dev
ant être réalisés d’ici 2030 (premières priorités). Ex.
: la Route Centre
Europe Atlantique, la LGV Roissy-Picardie - dans le scénario 1,
-
ceux qui appelle
nt la poursuite d’étude
s
en vue d’une mise en service entre 2030 et
2050 (secondes priorités). Ex. : accès ferroviaire au tunnel du Lyon-Turin, LGV
Poitiers Limoges, Bordeaux-Toulouse, Montpellier-Perpignan, autoroute A45 Lyon-
Saint-Etienne, grand contournement Ouest de Strasbourg - dans le scénario 1
17
,
-
et, enfin, ceux dont il convenait d’interrompre les
études, une réalisation ne
paraissant pas nécessaire avant 2050 (« horizons lointains »). Ex. : la LGV Rhin-
Rhône branches Sud et Ouest, l’A51 Grenoble
-Gap.
La liste des opérations de la dernière catégorie s’avère toutefois limitée. En outre, au sein
de
chacune, la commission s’est gardée et même défendue d’établir un quelconque
classement. Enfin, elle a exclu de son périmètre d’analyse certains projets en cours de
réalisation, faisant l’objet d’engagements internationaux ou juridiques, voire seulement
d’
annonces formelles de lancement par le gouvernement : le tunnel de base Lyon-Turin, le
canal Seine Nord-
Europe, Charles de Gaulle Express, l’aéroport Notre
-Dame-des-Landes.
Le Premier ministre exprima sa préférence pour le scénario 2, plus ambitieux, lors de
la remise du rapport. Cependant, le Gouvernement n’a pas formellement adopté le
classement présenté par la commission. De fait, en contradiction avec cette déclaration de
principe, il a déclaré d’intérêt public,
en janvier 2015, la LGV entre Poitiers et Limoges, bien
que classée en seconde priorité dans les deux scénarios. En l’occurrence, le
Conseil
d’État
annula le décret afférent, en avril 2016, sur le fondement, notamment, d’une rentabilité
socio-
économique inhabituellement faible. L’invocation de ce motif de nature socio
-
économique par le juge administratif ne laisse pas de poser la question de la rationalité du
processus de décision, qui a abouti à ignorer cet argument jusqu’à sa saisine.
Parallèlement, il est à noter que :
-
les pouvoirs publics ont voulu améliorer la qualité de l’évaluation socio
-économique
des investissements. Un article de la loi de programmation des finances publiques du
31 décembre 2012 et ses décrets d’application prévoient que tout projet civil financé
à hauteur d’au moins 20 M€ par l’État et ses établissements publics doit être déclaré
à l’inventaire des projets à l’étude et faire l’objet d’une telle évaluation
. Si la
contribution excède 100 M€, l’évaluation
est soumise au commissariat général à
l’investissement pour qu’il organise une contre
-expertise indépendante et émette un
avis avant toute décision d’approbation, intégré au dossier de l’enquête publique
;
-
les questions de la concertation et de la délibération, notamment au Parlement, sur
les projets et programmes d’investissement demeuraient pendantes. En effet, les
17
Le scénario 2 permettrait d’anticiper la réalisation de la LGV Bordeaux
-
Toulouse ou de l’A45, par exemple.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
16
organismes consultatifs existant antérieurement avaient disparu. Le Conseil national
des transports, créé par la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982, et le
Conseil supérieur du service public ferroviaire, qui avait vu le jour en 1999, avaient
été remplacés par un Conseil supérieur des transpo
rts terrestres et de l’intermodalité,
prévu par la loi dite « Grenelle II » de 2010
18
- lui-même supprimé en 2014. À cet
égard, la commission Mobilités 21 préconisait des assises nationales sur le
financement des infrastructures et des services de transport ainsi que
l’adoption par
le Parlement de deux textes : une loi-cadre sur les grands objectifs de la politique des
transports et une loi de programmation quinquennale.
1.2
La programmation issue des assises de la mobilité de 2017 et de la loi
d’orientation de
s mobilités de 2019
1.2.1
Les assises de la mobilité et le rapport du Conseil d’orientation des
infrastructures
À la suite des élections de 2017 et du « discours de Rennes
» du chef de l’État
19
, le
Gouvernement a lancé des « Assises nationales de la mobilité » à
l’automne 2017. Elles ont
associé pendant trois mois des élus, des experts, des acteurs économiques des citoyens, des
représentants des usagers, des opérateurs et des syndicats - soit 3 000 participants environ
20
.
Dans le même temps, déclarant vouloir engager une démarche inédite de
programmation des investissements
« pour sortir des promesses non financées du passé et
définir pour la première fois de manière claire, priorisée et financée la politique
d’investissement dans les transports pour la prochaine d
écennie »
21
, le Gouvernement a mis
en place un Conseil d’orientation des infrastructures présidé, à nouveau, par M. Duron
(désigné cette fois-
ci en tant que personnalité qualifiée), assisté d’un rapporteur général (M.
P.-A. Roche, président de section au co
nseil général de l’environnement et du
développement durable - CGEDD). Il comprenait, par ailleurs, 14 membres : parlementaires
nationaux et européens, représentants des grandes associations de collectivités, experts. Son
rapport, remis en février 2018, a servi de base à la préparation de cette programmation. Par
la suite, les principales orientations de cette dernière, définie par le gouvernement, ont été
présentées au COI en septembre 2018.
18
Loi du 12 juillet 2010 portant engagement nationa
l pour l’environnement.
19
«
Le combat que je souhaite engager pour les années à venir, c’est celui des transports du quotidien. La
réponse aux défis de notre territoire n’est pas aujourd’hui d’aller promettre des TGV ou des aéroports de
proximité à tous les chefs-
lieux de département de France, mais c’est bien de repenser, de réarticuler les
mobilités du XXIème siècle
».
20
Parallèlement à des
Assises de l’Outre
-
mer, de l’aérien et à des concertations sur le fret et la logistique.
21
Dossier de présentation du projet de loi d’orientation des mobilités.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
17
Le Conseil d’orientation des infrastructures
Pérennisé par la
loi d’orientation des mobilités du 26 décembre 2019 (
cf. infra
) et figurant
désormais dans le code des transports (article L1212-1), le COI, placé auprès du ministre
chargé des transports, dont les services en assurent le secrétariat, a pour mission d’écla
irer
le gouvernement sur les politiques d’investissement dans la mobilité et les transports. Il
établit des propositions sur les priorités des investissements publics, tout particulièrement
ceux de l’État et de ses opérateurs, et leur financement, en veill
ant à la cohérence des
politiques de l’ensemble des autorités organisatrices concernées et en tenant compte des
conditions de maintenance et d’exploitation future.
Il comprend un président désigné par le ministre, ainsi que le président de l’AFIT, trois
députés et trois sénateurs, trois élus locaux représentant les régions, les départements et
métropoles désignés, respectivement,
par Régions de France, l’association des départements
de France et « France Urbaine » (association des métropoles, grandes villes, communautés
urbaines et d’agglomération), et
, enfin, six personnalités choisies également par le ministre
en raison de leurs compétences en matière de transport, d’évaluation économique,
d’aménagement du territoire d’environnement et de financement publ
ic. Ce dernier nomme
parmi eux un vice-président et un rapporteur général chargé de la coordination et de la
rédaction des rapports (assisté de deux rapporteurs, désignés respectivement le directeur
général des infrastructures et celui du trésor). Deux personnalités sont également invitées de
manière permanente aux travaux du COI à raison de leurs compétences en matière de
politiques européennes, mais ne disposent que d’une voix consultative. La durée du mandat
de ces membres et invités permanents est de trois ans, renouvelable.
Si le COI a été pérennisé par la loi, sa mission demeure intermittente : rédiger des rapports
quand le gouvernement lui en fait la demande. Par ailleurs, il doit essentiellement s’appuyer
sur l’administration centrale pour la remplir. En particulier, il n’a pas les moyens de mener
des évaluations lui-même, ni de contre-expertiser celles qui lui sont fournies. Il utilise les
travaux existants, prend en compte la faisabilité technique et financière des projets, leur
maturité, et les ju
ge à l’aune des priorités stratégiques de la politique des mobilités.
La lettre de mission de la ministre des transports invitait le COI à définir des priorités
en privilégiant la régénération des réseaux existants et les mobilités du quotidien, en se
fond
ant sur l’évaluation de l’utilité socio
-économique des projets, en identifiant des
ressources de financement opportunes, qu’il s’agisse de dispositifs locaux, régionaux ou
nationaux.
Il s’agissait d’établir des
scénarios de dépenses
: l’un sur la base des trajectoires de
ressources sous-
jacente à la loi de programmation des finances publiques, d’autres prenant
en compte des recettes nouvelles dont l’origine devait être précisée.
Le périmètre de travail du Conseil se limitait aux investissements entraînant des
dépenses de l’État et de ses opérateurs et excluait, outre les installations aéroportuaires,
certains grands projets parfois de très grande échelle, actés par ailleurs : le canal Seine-Nord
Europe, le Grand Paris Express, Charles de Gaulle Express et la section internationale du
tunnel Lyon-
Turin. Il s’agissait de restrictions importantes au regard de l’objectif consistant
à élaborer des scénarios (cf
supra
) fondés sur une vision globale de la politique des transports
et de leur
financement. Les projets ainsi exclus de champ de l’analyse de par leur ampleur
-
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
18
leur portée et leur coût, même s’ils bénéficient de ressources spécifiques
- avaient
nécessairement des liens avec ceux examinés dans le cadre des travaux du COI.
Ce dernier a présenté trois scénarios à horizon de 20 ans :
-
S1
: 2,4 Md€/an
pour l’AFITF,
soit un total proche des montants prévus par le
gouvernement pour les années 2018 à 2020 (mais déjà 25 % de plus que dans la
période antérieure). Il consacre la pause décidée pour les grands projets ferroviaires
22
au cours des 5 à 10 prochaines années et repousse autour de 2050 l’ambition de les
voir achevés, en ne satisfaisant que «
partiellement les priorités indispensables de
restauration du patrimoine
»,
-
S2
: 3 Md€/an
, permettant de satisfaire cette priorité de restauration mais aussi de
mettre en œuvre les premières phases des grands projets
: Grand Projet ferroviaire
du Sud-Ouest, ligne nouvelle Montpellier-Perpignan, ligne nouvelle Paris-
Normandie, ligne nouvelle Provence-C
ôte d’Azur, modernisation de Paris
-Orléans-
Limoges-Toulouse, régénération de la voie ferrée Centre-Europe-Atlantique,
modernisation de Nantes-Bordeaux, desserte de Bâle-Mulhouse,
-
S3
: 3,5 Md€/an jusqu’en 2022, 4,4 Md€/an durant la décennie suivante
, puis 4
Md€/an au
-delà
- consistant notamment à accélérer les projets retenus dans le
scénario 2 (S2 ci-dessus), dans la limite des seules contraintes techniques, «
pour
mieux répondre aux attentes des territoires
».
L
a solution du phasage et l’horizon lointain
(jusqu’en 2037) ont eu pour résultat
qu’aucun grand projet ferroviaire n’est remis en cause. Même
le « S1 », moins ambitieux,
prévoit la mise en chantier de toutes les lignes prévues
avant 2037 et d’au moins un tronçon
interurbain
de chacune d’entre elles
(sauf dans le cas de la LN Provence Côte d’Azur).
A l’instar de la commission «
Mobilités 21
», le COI n’a pas pu réunir un consensus
sur certains
sujets, par exemple, sur l’A45 entre Lyon et Saint
-Etienne : «
[…]
de
s
avis
divergents se sont exprimés
[…]
La commission a constaté qu’elle disposait d’informations
contradictoires pour se forger une opinion
[…]
Après en avoir longuement débattu et fait
une analyse comparative des enjeux nationaux, la commission a distingué le projet et sa
problématique
[…]
la solution ne pourra, le cas échéant, être décidée sous la forme du projet
A45 qu’après s’être assuré
(
sic
)
de manière contradictoire qu’il n’existe pas d’alternative
(sic) à un coût raisonnable. Une poursuite des études est indispensable
. […]
». Le COI a
exprimé un avis plutôt défavorable, sans véritablement trancher.
L
e COI n’a pas produit de réflexion approfondie sur le volet des ressources, en
particulier sur les financements supplémentaires rendus nécessaires dans plusieurs de ses
scénarios. Il s’est borné à évoquer, de manière générale, l’affectation d’une part plus
importante de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la
mise en place d’une redevance temporelle ou d’un péage de transit sur les poids lourds (PL)
et les véhicules utilitaires légers (VUL), de taxes à assiette locale ou encore un rééquilibrage
de la part payée par les usagers pour les transports collectifs. Il fait l’hypothèse d’un co
-
financement à parité de la plupart des grands projets par l’État et les collectivités locales,
22
Les scénarios se distinguent assez peu en matière routière
: 560 M€ ou 690 M€ en faveur de l’entretien (soit
un effort substantiel de remise à niveau), 330 M€ ou 440 M€ au titre des
CPER, seuls les nouveaux projets de
liaison Castres-Toulouse et le contournement Est de Rouen étant réalisés plus rapidement dans S2 et S3.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
19
soulignant que la contrainte financière se resserre également sur celles-ci. Au total, si le COI
a présenté un scénario bas, en en soulignant les limites, il n’a pas fondé ses scénarios plus
volontaristes sur de nouvelles recettes qu’il aurait identifiées.
1.2.2
La loi d’orientation des mobilités (LOM) de
2019
1.2.2.1
La programmation financière actée par les pouvoirs publics
1.2.2.1.1
Orientations et principes généraux
La loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 comprend un titre I
consacré à la programmation des investissements de l’État dans les transpor
ts
23
, complété
par un rapport en annexe.
L’article 1 du titre I fixe
quatre objectifs
(décrits ici de manière synthétique) :
améliorer les déplacements du quotidien, accélérer la transition énergétique et
environnementale, renforcer la cohésion des territoi
res, ainsi que l’efficacité des transports
de marchandises.
Dans ce dessein, il définit
cinq programmes
d’investissement prioritaires (cf. annexe
n°2) :
-
l’entretien et la modernisation des réseaux existants (
7 Md€),
-
la résorption de la saturation des gran
ds nœuds ferroviaires, afin de doubler la part
modale du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains
(1,3 Md€),
-
le désenclavement routier des villes moyennes et des régions rurales par des
aménagements des itinéraires existants
(1 Md€)
,
-
le développement des mobilités les moins polluantes et partagées au quotidien (
1,2
Md€),
-
le soutien à une politique de fret ambitieuse et le report modal en la matière
(2,3 M€).
Le rapport annexé contient des engagements chiffrés, indiqués en italiques ci-dessus,
mais certains montants regroupent des crédits versés via l’AFIT avec d’autres dépenses en
faveur des transports - par exemple, de SNCF Réseau financées sur ressources propres. En
outre, la DGITM a répondu, en 2023, que «
cette répartition selon les cinq programmes de
la LOM, ne constitue pas un axe spécifique de suivi dans le système d’information de
l’AFITF
24
». Elle a notamment
signalé qu’il est difficile de distinguer ce qui relève des
deuxième (résorption de la saturation des grands nœuds ferroviaire
s) et quatrième
(développement des mobilités moins polluantes) programmes. On peut néanmoins s’étonner
que la loi définisse des objectifs sans mettre en place un suivi approprié
25
.
23
Volet placé en tête de la loi à la suite du passage du projet au Sénat.
24
sic
25
A la demande de la Cour, elle a cependant fourni un tableau, dans lequel les deuxième et quatrième items
sont donc confondus
(cf infra
).
L’AGENCE D
E FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
20
L’article 1
er
et l’annexe
de la loi indiquent, par ailleurs, que cette stratégie contribue
à «
l’achèvement du maillage du territoire par des grands itinéraires ferroviaires, routiers
et fluviaux, nationaux et internationaux
». De fait, «
tout en tenant compte de ces cinq
priorités, l’État ne renonce pas pour autant aux projets de
grandes liaisons ferroviaires
interurbaines (amélioration d’itinéraires existants, lignes ou sections nouvelles, matériel
roulant etc…) et aux projets de compléments ponctuels du maillage autoroutier, en
particulier pour des enjeux de sécurité routière, de désenclavement et de congestion
».
À l’annexe, l’État déclare retenir l’approche préconisée par le COI en faveur de
réalisations
« phasées »
commençant par les opérations améliorant les déplacements du
quotidien, et privilégier le scénario 2 du COI, dit
« central »,
sur la base duquel «
le budget
sera construit au cours des prochaines années
»
26
. Il acte
l’abandon du projet d’A45
27
, au
profit d’aménagements alternatifs.
Des documents complémentaires, notamment l’exposé des motifs de la LOM ou de
saisines rectificatives, présentent des éléments de calendrier prévisionnel relatifs à
l’avancement de certains grands projets ferroviaires et routiers (y compris des sections
nouvelles réalisées en concession), mais ce, de manière relativement imprécise et
généralement sans le rappel du montant des enjeux financiers,
a fortiori
de celui de la
participation de l’État qui n’a
parfois
pas été encore négocié et décidé. S’agissant de la
liaison Lyon-
Turin, l’annexe confirme l’engagement de l’État
- celle-ci devant être
considérée dans son ensemble («
c’est
-à-dire le tunnel transfrontalier livrable en 2030 et les
voies d’accès à l’ouvrage
»). Le rapport fixe l’objectif, en coordination avec l’Italie et les
acteurs locaux, d’un phasage pertinent d’ici 2023.
Au total, stratégie, objectifs et programmes sont définis de manière suffisamment
large et imprécise pour ne pas être très discriminants et pouvoir justifier un grand nombre de
choix possibles dans le futur.
1.2.2.1.2
Une programmation en crédits de paiement
L’article 2 du titre
Ier de la loi dresse une programmation pluriannuelle globale des
investissements de l’État dans les transports au travers des crédits de paiement de l’AFIT sur
la période 2019-2023, en euros courants (cf. ci-dessous).
26
Des amendements parlementaires, rejetés, tendaient à une politique plus volontariste. Notamment un
amendement sénatorial prescrivait des ressources à hauteur des besoins du scénario 3 et une réévaluation par
le COI des projets non prévus d’ici 2037. Des tentatives ont également été faites au Parlement pour introduire
dans le rapport annexé le tableau 6 du rapport du COI détaillant les opérations selon les trois scénarios, ou pour
ajouter à la liste des lignes nouvelles la 2
ème
phase de la branche Est du TGV Rhin-
Rhône ou les voies d’accès
au tunnel Lyon-Turin.
27
Déjà annoncé par la ministre chargée des transports en octobre 2018.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
21
Tableau n° 2 :
Les dépenses de l’AFIT (crédits de
paiement) prévues par la LOM
M euros courants
2019
2020
2021
2022
2023
Total
Dépenses totales
2 683
2 982
2 687
2 580
2 780
13 712
Source
: Loi d’orientation des mobilités
Il ajoute que ces dépenses, atteignant un total de 13,7 Md€ entre 2019 et 2023
28
,
«
s’inscrivent dans la perspective d’une enveloppe quinquennale de 14,3 Md€ environ sur
la période 2023-2027
»
29
. À cet égard, il est rappelé que les données relatives à la période
2023-2027 ont une valeur « indicative », inférieure à la trajectoire financière de 2019 à 2023,
mais il n’y a pas, en réalité, de différence de nature juridique entre elles, s’agissant
d’engagements nécessitant
en tout état de cause ultérieurement une autorisation budgétaire.
Enfin, ces montants sont exprimés en euros courants, alors que les dépenses doivent
s’étendre sur une longue période
30
.
Présenté comme proche du scénario 2, ce schéma se situe pourtant en-deçà : 2,7 Mds
d’
euros courants par an en moyenne, au lieu de 3 Mds
d’euros de 2017. De surcroît, ces 2,7
Md€
comprennent des montants à consacrer au canal Seine-Nord et à la liaison Lyon-Turin,
situés hors du périmètre d’étude du COI.
Le rapport annexé rappelle que ces dépenses seront financées «
à partir de niveaux
adaptés de recettes affectées par les lois de finances
». Affirmant que ce budget «
ne doit
pas dépendre de ressources fluctuantes et imprévisibles
», il indique qu’elle suppose
l’affectation à l’AFITF
:
-
de l’augmentation de la TICPE décidée par la LFI pour 2015, de 2 centimes pour les
VUL, et de 4 centimes, pour les PL
31
,
-
du surplus de recettes de la taxe de solidarité sur les avions,
-
mais aussi de «
ressources complémentaires pour atteindre les objectifs de la
présente programmation
». Des documents de présentation du projet de LOM
évoquaient «
la mise en place de ressources additionnelles pérennes au profit de
l’AF
I
TF à hauteur de 500 M€ à partir de 2020
»
32
. À cet égard, la LFI pour 2020
28
13,4 Md€ entre 2018
et 2022
: 4 Md€ pour les CPER, 3,4 Md€ pour les grands projets, 3,1 Md€ pour la
régénération, 1,7 Md€ pour les TET, 0,5 Md€ pour les appels à projets et 0,5 pour d’autres dépenses.
29
Si les deux périodes font cinq ans, il conviendrait de parler des neuf plutôt que des dix prochaines années
(voire des huit prochaines années si l’on tient compte du fait la loi a été votée en décembre 2019).
30
Ainsi, l’indice général des prix des travaux publics, qui peut servir de référence en la matière, a augmenté
de 15% entre mi-2019 et mi-2023.
31
Ces deux hausses ayant rapporté, respectivement, 680 M€ et 480 M€
-
la part de ce total affecté à l’AFIT
étant toutefois ramené à 700 M€ en 2016 et 2017.
32
L’étude d’impact relative au projet de LOM, d’octobre 2018, signale que
la nouvelle programmation
implique une hausse de 40 % par rapport à la période précédente, mais aussi de 10 % par rapport à la trajectoire
de ces dépenses telle que prise en compte dans la loi de programmation des finances publiques. Ceci est
présenté com
me compatible avec la dynamique attendue des recettes affectées à l’AFIT, en particulier de la
TICPE et de la taxe d’aménagement du territoire, mais aussi des autres ressources, «
existantes et qui
pourraient être complétées
».
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
22
établissait une contribution supplémentaire du secteur aérien et réduisait de 2
centimes par litre du remboursement partiel de TICPE sur le gazole accordé aux
transports routiers de marchandises, aux fins d’alimenter les caisses de l’AFITF.
1.2.2.2
La mise en place d’un cadre de programmation pérenne
L’article 3 de la loi pérennise le COI, en lui confiant la tâche de remettre un nouveau
rapport au plus tard en juin 2022, puis tous les cinq ans. Ses missions, sa composition et son
organisation doivent être précisés par décret, mais la loi spécifie qu’il comprend trois députés
et trois sénateurs. Le décret du 30 décembre 2020 y ajoute un président, six personnalités
qualifiées, nommés par arrêté du ministre des transports, ainsi que trois élus locaux
représentant respectivement les régions, les départements et les métropoles, ainsi que le
président de l’AFIT
33
. Les élus constituent 9 des 17 membres du COI et des 15 qui disposent
d’un droit de vote.
Rapports et avis sont signés par les membres qui le souhaitent, éventuellement
complétés de la mention de divergences
34
. La loi charge le COI de répondre à toute
sollicitation du gouvernement. Il n’a pas de capacité d’auto
-saisine
35
ni de suivi en continu
des dossiers.
Ce même article prescrit au gouvernement de présenter chaque année au Parlement,
préalablement au débat d’orientation des finances publiques
,
un rapport sur la mise en œuvre
financière et opérationnelle de ces investissements, en inventoriant ceux qui ont été réalisés
et les territoires bénéficiaires. Ceci a été fait en 2021 et 2022. En pratique, ce document
reprend en grande partie le rapport
d’activité et
le
budget annuel de l’AFIT,
principalement
préparés par la DGITM, présentant les recettes, les dépenses ainsi que leur répartition par
mode, et fournissant, en annexe, une longue liste des opérations financées au cours de
l’année. Cette annex
e mentionne la consistance des travaux concernés et leur localisation,
mais ne présente pas l’état d’avancement des grands projets, bien que la volonté de disposer
de cette information eût été à l’origine de l’amendement parlementaire instaurant cette
nouvelle obligation.
1.2.2.3
Les limites de la LOM
Au total, malgré des efforts réels de rationalisation, la France ne dispose pas d’une
véritable loi de programmation pluriannuelle de financement des infrastructures de transport,
c’est
-à-
dire d’un plan financé de développement et d’entretien de celles
-ci.
33
Du fait de la vacance à c
e poste, l’Agence n’a toutefois été représentée dans cette instance que par son
Président par intérim lors des discussions sur le dernier rapport du COI.
34
Le règlement intérieur prévoyant cette possibilité afin de «
permettre, autant que possible, la signature de
chaque rapport par tous les membres
».
35
En revanche, l’article 1 de son règlement intérieur indique que son président peut demander au ministre de
solliciter son conseil sur un sujet particulier.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
23
Font, en effet, encore défaut au cadre actuel :
-
une sélection et une hiérarchisation claire des projets, ce qui signifierait un nombre
moindre de projets retenus et une priorisation plus affirmée entre eux,
-
à réalis
er sur un horizon temporel d’une quinzaine ou vingtaine d’années plutôt
qu’une dizaine seulement,
ce qui permettrait de mieux appréhender les risques de
«
murs d’investissement
», c’est
-à-
dire d’une accumulation importante de dépenses
à réaliser en peu d’a
nnées,
-
consacrée par l’adoption d’un texte normatif, décrivant le financement et le
calendrier de mise en œuvre de chacun de ces grands projets, de manière aussi précise
que possible dans le cas de ce genre d’ouvrages
,
-
et donc ne pouvant être remise en cause que dans des conditions relativement
exigeantes. Dès lors que le G
ouvernement peut toujours s’en écarter par la suite,
l’adoption, la publication, le suivi et l’actualisation de cette programmation
permettraient de renforcer son pouvoir normatif.
Fait également défaut un suivi organisé. En effet, la LOM ne comporte aucun indicateur ni
objectif relatif aux :
- résultats opérationnels - dépenses effectives afférentes aux projets, tous financeurs
confondus, réalisations physiques
, c’est
-à-dire leur avancement et perspectives de
mise en service - ce qui permettrait à la représentation nationale de suivre la mise en
œuvre de la LOM,
- finalités de ces investissements (service rendu, transition environnementale), dans le
souci d’une véritable vision stratégi
que, au moins au stade de la programmation, car
il importe de mesurer les bénéfices socio-économiques associés à une trajectoire
budgétaire.
À cet égard, l’existence d’une agence de financement dédiée ne constitue une
condition ni nécessaire ni suffisante
à la mise en œuvre d’un tel schéma. Il peut se concevoir
sans une telle agence et,
a contrario
, l’existence de celle
-ci ne garantit pas une planification
rigoureuse du financement des projets, puis leur mise en œuvre. Dans le cas de l’AFIT, si
certaines a
utorisations d’engagement s’inscrivent dans la longue durée
36
, des dépenses
inéluctables liées à des projets particulièrement coûteux n’apparaissent pas dans ses comptes
prévisionnels, ce qui a conduit un précédent président de l’AFIT à faire une propositio
n dans
ce sens
37
.
A fortiori
, les
autorisations d’engagement et restes à payer ne prennent pas en
compte des surcoûts pourtant prévisibles, ce que le COI a tenté en partie de faire.
36
Par exemple, les engagements pris au titre de
l’autoroute urbaine L2, à Marseille, dans le cadre d’un contrat
de partenariat, font courir des échéances financières jusqu’en 2042.
37
«
[…]
ce qui compte de mon point de vue, c’est de comptabiliser non seulement les conventions déjà signées
par l’Agence mais aussi celles qui ne manqueront pas de l’être du fait des engagements pris par l’Etat,
notamment envers les collectivités
» (C. Béchu, réponse du 15 mars 2018 au questionnaire de l’Assemblée
nationale en vue du vote sur sa nomination à la tête de l’AFI
TF). Ceci le conduit à suggérer, dans le même
document, de « flécher » une part supplémentaire de recettes de TICPE au profit du projet ferroviaire Lyon-
Turin, notamment des aménagements complémentaires au tunnel de base, «
certainement appelés à être
fina
ncés par l’AFITF
».
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
24
Ce cadre financier pourrait ne pas se limiter aux projets impliquant un financement
de l’État, mais aussi inclure,
à titre d’information, certaines grandes infrastructures financées
par d’autres collectivités (notamment par des «
sociétés de financement locales »), par les
gestionnaires ou encore réalisées dans le cadre de mises en concession, aux fins de fournir
l’image la plus complète possible d’une politique des transports
multimodale à l’échelle de
la Nation.
1.2.3
Éléments de comparaison internationale
On constate une grande diversité de procédures de programmation de ce type
d
’investissements à travers le monde et l’Europe. On peut citer la conclusion d’un article
s’efforçant à une comparaison internationale sur ce sujet
: «
Dans certains pays, la
planification résulte d’un long processus d’élaboration et de concertation entre
acteurs,
mais elle s’applique intégralement, une fois la décision prise. Dans d’autres, le plan
demeure un guide pour l’action mais dont on peut s’écarter selon l’évolution des
circonstances et la pénurie de moyens
» (Bulletin de l’observatoire des politiq
ues et
stratégies de transport en Europe, mars 2022, «
Politiques d’infrastructures de transport en
Europe »). La France fait clairement partie de la seconde catégorie
38
.
De fait, si, dans le domaine des transports, l’exercice de planification s’avère
répan
du, le résultat peut demeurer assez imprécis, ce que déplore l’International Transport
Forum, dépendant de l’OCDE
: «
Les plans ne sont pas toujours associés à des enveloppes
financières, des projets identifiés ou des « pipelines » de projets. Partout où ce lien fait
défaut ou reste faible, ils ont beaucoup moins d’influence sur les choix
». Par ailleurs, l’ITF
distingue deux familles d’organismes de conseil, ceux qui ont une approche essentiellement
stratégique et étudient les besoins généraux d’investissement, d’une part, ceux qui évaluent
les propositions et apportent une forme d’assistance à leur développement, d’autre part.
Certains pays, en particulier anglo-saxons, confient à des institutions indépendantes
l’évaluation et le classement de projets de
toute nature, sans se limiter aux transports, ce qui
peut, en principe, conduire à arbitrer entre hôpitaux, centrales électriques, lignes
ferroviaires…
Au Royaume-Uni, une commission nationale des infrastructures couvrant six
secteurs (transports, énergie, numérique,
gestion des déchets et des risques d’inondation)
,
créée en 2015
et indépendante, se consacre à l’analyse stratégique, dans le cadre d’un budget
d’investissement
- la «
National infrastructure commission’s fiscal remit
» - fixé par le
gouvernement, en 2016, à 1 %-1,2
% du PIB par an jusqu’en 2050. Elle a publié, en 2018,
une évaluation des besoins sur les 30 prochaines années et adressé une série de
recommandations. Le gouvernement les a prises en compte dans sa stratégie nationale des
infrastru
ctures de 2021, qu’il a l’intention de réviser tous les cinq ans, tout en explicitant la
38
Les procédures d’autorisation situées en amont de ces exercices de planification financière jouent
naturellement un rôle essentiel. A cet égard, le jugement de l’OCDE sur la France est assez critique. Elle ferait
partie des 4 Etats (
sur 30) chez lesquels cette procédure d’autorisation ne serait pas transparente
pour les
infrastructures de transport, et des 16 (sur 29) n’évaluant pas la performance des institutions chargées de ces
autorisations (OCDE, 2022, Enquête sur la gouvernance des infrastructures).
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
25
façon dont il l’a fait ou non dans un document («
Response to the national infrastructure
commission
»). En octobre 2023, la Commission a rendu publique une nouvelle évaluation,
l’horizon ayant été reculé à 2055 et l’enveloppe revue
de 1,1 % à 1,3 % du PIB par an. Le
plan qu’elle propose respecte cette dernière (1,3% jusqu’en 2040
; 1,1% à partir de 2045) en
y incluant, pour plus de sûreté, deux lignes de crédits provisionnels : pour incertitude et
besoins d’ajustement, d’une part, pour d’éventuelles priorités nouvelles (à compter de 2040),
d’autre part. Elle présente également une revue annuelle de la mise en œuvre de celles de ses
recommandations adoptées par les pouvoirs publics
39
.
L’A
utorité des infrastructures et projets (
Infrastructure and projects authority
- IPA),
rattachée au Premier ministre et au ministre des finances,
supervise la mise en œuvre du
programme pluriannuel, notamment de la recherche de financements publics et privés. Un
portefeuille des projets majeurs du gouvernement (
The government major project portfolio
- GMPP) regroupe les investissements les plus stratégiques, les plus coûteux et les plus
risqués de l’État. En 2022, cette liste, mise à jour a
nnuellement, comprenait 235 projets
représentant un montant total de 678 Md de livres (793 Md€). Leur sélection fait l’objet d’un
examen rigoureux.
Après la vérification de la réalité du besoin, sur la base d’une analyse
stratégique, économique, commerciale, budgétaire et opérationnelle, les projets suivent une
procédure formalisée «
go/no go
» -
c’est
-à-dire pouvant conduire à leur arrêt - dont les
étapes successives portent sur la justification de l’option retenue, la stratégie de réalisation
puis la déci
sion d’investir. Cette procédure itérative associe les porteurs de projets et les
services du ministère des finances.
Le cas allemand se rapproche du schéma préconisé par l’ITF et nécessite, si l’on veut
en tirer des enseignements, une présentation relativement précise :
La programmation des infrastructures de transport en Allemagne
Le
Bundesverkehrswegeplan
(BVWP), ou plan fédéral d’infrastructures de transport
Depuis les années 1970, le ministère fédéral des transports élabore un plan fédéral
d’infrastructures de transport (
Bundesverkehrswegeplan
- BVWP), le sixième et dernier
datant de 2015 et portant sur la période 2016-2030.
Il s’agit d’une planification multimodale relative aux réseaux du niveau fédéral
- fluvial,
routier et ferroviaire
40
-
prenant en compte les dépenses d’entretien. Ses différentes étapes
comprennent
: 1) l’actualisation de la méthodologie, 2) la prospective globale et sectorielle
en matière de transports, 3) l’évaluation des projets, 4) la concertation, 5) la décision du
gouvernement.
En particulier, le BVWP de 2015, privilégie le financement :
39
En fonction de 5 critères : perspective de long terme, objectifs clairs et plan pour les atteindre, solidité de
l’engagement financier, du changement des politiques publiques, amélioration des services aux citoyens.
40
Et non le transport aérien, les aéroports relevant des Länder.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
26
* de l’entretien des infrastructures existantes
- qui a bénéficié de 70 % de
l’enveloppe totale prévue, en vertu du principe «
l’entretien passe avant la construction
»
ou «
Erhalt vor Neubau
»
41
,
* de nouveaux projets apportant une contribution majeure à l’élimination des
goulets d’étranglement ou à l’amélioration des liaisons entre hubs et arrière
-pays.
La direction compétente du ministère fait la liste des projets susceptibles d’êt
re retenus puis
supervise une évaluation de l’utilité socio
-
économique de chacun d’eux par des experts
extérieurs et indépendants, sur la base d’une méthodologie définie par les services avec des
chercheurs et des consultants. Celle-ci repose principalement sur une analyse coûts-
bénéfices (consistant à monétariser tout ce qui peut l’être), une évaluation environnementale
qualitative (en sus des critères environnementaux quantifiables), une analyse des effets sur
l’aménagement du territoire et sur le tissu u
rbain. Lors du dernier exercice de ce type, 2 000
projets
42
ont fait l’objet de telles évaluations, rendues accessibles en ligne à partir d’une carte
d’Allemagne, dans un effort de transparence mais aussi d’intelligibilité.
Cette évaluation (
Dringlichkeitseinstufung
) permet de les classer en trois catégories,
répondant à un besoin très urgent (1), urgent (2), ultérieur (3). Le BVWP expose la méthode
mise en
œuvre
et, en annexe, la liste ordonnée des projets qui en découle. Ce plan inclut un
volet, présenté à part, de projets considérés comme importants mais non finançables ou ne
l’étant pas intégralement à son échéance (soit 43 Md€ sur environ 270 Md€).
Le gouvernement adopte ce plan, éventuellement révisé après une concertation avec le
public, et le soumet au Parlement, qui vote les lois (
Ausbaugesetze
) relatives, respectivement
aux routes et autoroutes fédérales, voies ferrées et fluviales, associées à des plans des besoins
(
Bedarfspläne
) - ce qui a été fait pour la dernière fois en décembre 2016. Ce sont elles qui
fixent la liste des projets à financer et leur degré officiel de priorité ou urgence. En
l’occurrence, elles ont conduit à un rehaussement des crédits prévisionnels par rapport au
BVWP, mais dans des proportions limitées (à hauteur
de 1,5 Md€ sur environ 270 Md€).
Sur cette base, l’administration élabore un schéma directeur d’investissement à 5 ans, mais
l’engagement effectif des fonds continue de dépendre, quant à lui, de la loi de finances
annuelle et de l’examen des crédits affér
ents par la commission parlementaire des transports.
Le gouvernement actualise le BVWP tous les cinq ans en fonction de l’évolution des besoins,
éventuellement en menant à bien de nouvelles évaluations socio-économiques, qui peuvent
modifier l’ordre de priorité des projets, mais ces adaptations n’ont de conséquence qu’une
fois adoptées par le Parlement.
À noter que la coalition gouvernementale issue des élections de 2021 a mis en chantier une
révision plus importante que d’habitude du dernier plan, à l’occ
asion de son actualisation
41
Contre 56
% en 2003, en faveur de l’entretien et du renouvellement ou de la régénération (
Erhalt und Erstaz
).
Les routes fédérales (
Bundesfernstrassen
, dont le réseau est plus étendu que celui des routes nationales en
France), qui requièrent principalement des dépenses d’entretien, se voient allouer 49
% du total de la dernière
programmation (133 Md€), contre 41
% pour les voies ferrées (112 Md€). La récente recentralisation de leur
gestion
a
entraîné
la
d
isparition
d’un
instrument
de
financement
spécifique,
la
Verkehrsinfrastrukturfinanzierungsgesellschaft
.
42
Proposés par les services de l’Etat ou les Länder, mais aussi, dans le cas de la voie ferrée, par n’importe quel
association ou citoyen.
L’AGENCE DE
FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
27
quinquennale, jugeant que ses options ne répondaient pas suffisamment aux défis de la lutte
contre le changement climatique et du report modal (le contrat de coalition évoquait un
nouveau plan à l’horizon de 2040
: «
Bundesverkehrswege
-
und Mobilitätsplan
2040 »).
Ceci pourrait montrer que cette procédure n’est pas à l’abri
des alternances politiques.
Cependant, une telle remise en cause revêt un caractère sans doute exceptionnel, en raison
du tournant historique que représente la transition énergétique («
Energiewende
»), alors que
l’Allemagne, comme la France, peine à réduire les émissions des gaz à effet de serre du
secteur des transports
43
.
De fait, si les évaluations du plan de 2015 prenaient naturellement
en compte des critères environnementaux, ses trois objectifs stratégiques (la modernisation
des voies de transport, l’interconnexion des infrastructures et l’accélération de la mobilité en
Allemagne) ne mettaient pas ces enjeux au premier plan.
Si la question du financement, assuré par le budget général, est théoriquement indépendante,
il convient de rappeler que l’Allemagne a instauré, en 2005, une taxe kilométrique sur les
poids lourds ou «
Lastkraftwagen
(LKW)
Maut
» applicable sur une partie des routes
fédérales, qui rapp
orte plus de 4 Md€ par an. Il a été décidé, en juin 2023, d’imposer aux
camions de plus de 3,5 tonnes un supplément en fonction de leurs rejets de CO
₂, à partir du
1ᵉʳ
décembre. Le gouvernement allemand présente ces nouvelles r
ecettes, chiffrées à
1,8
milliard d’euros pour la période 2024
-
2027, comme un moyen d’investir dans le rail.
1.3
Les rapports du COI de 2022 puis 2023, et l’actualisation de la LOM
1.3.1
Le rapport préliminaire du COI de 2022, « Bilan et perspectives des
investissements pour les transports et les mobilités »
Demandé par le ministre en août 2021 et rendu public en mars 2022, il dresse un
bilan de la première phase de programmation de la LOM, ce qui constitue une tâche
essentielle et préalable à toute actualisation. Il recense également les « attentes », connues
par la voie de « remontées » des préfets.
43
En juin 2023, le gouvernement allemand a, toutefois, renoncé à fixer des objectifs de réduction des émissions
de GE par secteur, au profit d’un objectif global unique, dans le cadre de son projet de loi «
Climat ».
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
28
Tableau n° 3 :
Engagements pris par les entités publiques en faveur des transports
Autorisations
d’engagement
annuelles
2012-2016
2018-2022
Md€
courants
/an
Md€
2020
/an
État
44
+ AFIT
2,8
4,3
SNCF Réseau : Régénération et
modernisation
2,4
2,7
Société du Grand Paris
0,5
3,2
Autres (collectivités locales, UE)
2,4
4,9
Tous financeurs publics
8,5 Md€/an
15,3 Md€/an
Source : COI, « Bilan et perspectives des investissements pour les transports et les mobilités », mars 2022
Le rapport a notamment souligné l’importante augmentation des engagements en
faveur des infrastructures de transport, comme on le voit dans ce tableau. Ce résultat, qui
respecte la trajectoire de la LOM en crédits de paiement, a notamment été atteint grâce aux
crédits du plan de relance
45
.
À cet égard, le COI, dans ce même rapport,
s’
est inquiété du caractère exceptionnel
de cet apport et donc du financement des dépenses à venir. De fait, comme il apparaît ci-
dessous, le plan de relance a permis de « rattraper » une forme de retard par rapport à la
programmation de la LOM.
Tableau n° 4 :
Dépenses d’investissement en crédit
s de paiement
(en M€)
2018
2019
2020
2021
Total
(2019-21)
LOM
SO
2 683
2 982
2 687
8 352
AFIT + SNE, LT et plan de relance
2 246
2 462
2 824
3 051
8 337
Source : COI, « Bilan et perspectives des investissements pour les transports et les mobilités », mars 2022.
SNE : canal Seine-Nord Europe. LT : Liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Il note que certains projets
d’ampleur sont venus s’ajouter :
44
Hors redevances d’accès pour les TET et TER, comprises dans les dépenses de SNCF Réseau.
45
430 M€, se répartissant en faveur de la route (85 M€), du ferroviaire (85 M€), du portuaire (30 M€) et des
transports collectifs en Ile-de-
France (230 M€).
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
29
-
le canal Seine-Nord Europe (SNE) et le tunnel central de la liaison ferroviaire Lyon-
Turin (LT), écartés de l’exercice précédent auquel s’était livré le COI. Ils auraient dû
naturellement en faire partie dès le début, comme mentionné
supra
, aux fins d’une
projection des besoins globaux de financement à long terme. S’ils entraînent des
dépenses encore limitées, leur montée en charge doit cependant être planifiée,
-
des sections routières, il est vrai principalement sous forme de concessions, mais
pouvant impliquer des financement substantiels de la part de l’
État (notamment
l’A147, Poitiers
-Limoges).
1.3.2
La commande passée au COI en vue de l’actualisation de la programmation
financière
Cette commande n’a pas été précédée d’un exerci
ce de « consultation citoyenne »
comparable aux « assises de la Mobilité » de 2017.
La lettre de mission du ministre des transports du 7 octobre 2022 au président du
COI
46
a lancé la seconde phase de ces travaux. Elle invitait à proposer une sélection et une
programmation des investissements sur la période 2023 à 2032 prenant pour référence la
trajectoire inscrite dans la LOM de 2019 (donc 14,3 Md€ de 2023 à 2027), en rajoutant les
deux grands projets sus-mentionnés.
Plus précisément, le ministre a demandé deux scénarios :
-
le premier, fondé sur le montant d’investissement inscrit dans la LOM, augmenté
d’un maximum de 3,2 Md€ permettant de tenir compte de dépassements liés à des
projets déjà engagés et identifiés, ainsi que les restes à payer du plan de relance, soit
un total de 17,5 Md€ au maximum,
-
le second, proposant, en complément du premier, des projets jugés les plus pertinents
en fonction des critères définis dans la lettre de mission.
La formulation de ces deux hypothèses de travail, de natures différentes, semble
écarter la voie consistant à présenter deux scénarios, « haut » et « bas », éventuellement
complétés d’une option intermédiaire. Il s’agit, a priori, davantage de consolider une
trajectoire déjà définie, en y ajoutant un « pipeline » de projets choisis en fonction de leur
intérêt socio-économique - à engager, le cas échéant, en fonction de financements ou de
marges de manœuvre
supplémentaires
.
Sur un plan plus qualitatif, cette lettre de mission dresse une longue liste d’objectifs
et de contraintes
47
, ce qui pouvait s’avérer problématique, car potentiellement incompatible
avec les enveloppes fixées (cf.
infra
). De même, partir de l’hypothèse la LOM de 2019
46
M. David Valence, député des Vosges, qui a succédé à M. Philippe Duron.
47
En deux pages et demi, on trouve les termes : régénération, modernisation, mobilités du quotidien,
décarbonation, report modal, résilience des réseaux, «
desserte des métropoles mais également des zones moins
denses
», pertinence socio-économique, prise en compte des risques financiers, optimisation des moyens,
acceptabilité. Ces nombreux objectifs différents peuvent être complémentaires voire se recouper, mais aussi
entrer en contradiction les uns avec les autres.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
30
exprimée en euros courants sans tenir compte de la forte inflation constatée depuis lors
48
, a
prêté le flanc à une remise en cause par le COI -
à moins que le ministre n’eût clairement
sollicité, en parallèle, des propositions d’économies, aux fins de compenser des surcoûts à
chiffrer.
À cet égard, l’invitation faite d’ «
examiner les grands projets et leur portage par les
nouvelles sociétés du GPSO, de la LN Montpellier-Perpignan, et de la LN Provence Côte
d’Azur
», après avoir rappelé que «
l’ensemble de ces priorités permet difficilement
d’amplifier l’effort financier en faveur des nouvelle
s lignes à grande vitesse ferroviaires au-
delà de ce que prévoyait la LOM
»
49
aurait pu s’interpréter en partie dans ce sens (réexamen
de la dépense, en parallèle d’une réflexion sur le «
portage » et de nouvelles sources de
financement), mais cette recomma
ndation n’était pas suffisamment précise ni mise en valeur.
L’impératif de la transition écologique occupe, comme il se doit, une place
importante parmi les objectifs de cette programmation : identification des investissements
susceptibles de contribuer à
atteindre les objectifs de report modal fixés, analyse de l’impact
sur les émissions de CO
des projets les plus importants, phases de construction comprises.
Dans sa note manuscrite, le ministre a déclaré « compter sur le COI à propos du
« mode de financement ».
1.3.3
Le rapport du COI remis en février 2023, « Investir plus et mieux dans les
mobilités pour réussir leur transition » : un mandat incomplètement rempli.
1.3.3.1
Les scénarios du COI
Ainsi que l’indique le président du COI dans l’avant
-propos des « extraits pour
décideurs », «
n
ous nous sommes d’ailleurs autorisés un double affranchissement vis
-à-vis
de notre lettre de mission : en construisant un scénario supplémentaire, mais surtout en
réfléchissant à l’aune de quatre quinquennats et non de deux
50
. ».
Dans son rapport, le COI a élaboré trois scénarios (cf. annexe n°1) :
-
une
programmation
respectant
le
cadrage
budgétaire
indiqué
par
le
gouvernement, qui «
ne permet pas de répondre aux objectifs affichés dans la lettre
qui lui a été adressée
». Ceci renvoie à leur portée mais aussi à une sous-estimation
des surcoûts dus à l’inflation et, selon le COI, des dépenses non intégrées dans la
LOM, qui représenteraient plus de 5 Md€ au lieu de 3,2 Md€ comme indiqué,
48
Une hausse de plus de 15
% de l’indice des prix des travaux publics entre 2020 et 2022, en particulier.
49
Il est également question de « phasage dans le temps des investissements
» et de l’identification de «
jalons »
qui constituent des moyens traditionnels d’ajuster leur avancement aux moyens disponibles.
50
Ce qui serait plus adapté à une programmation de nouvelles infrastructures. Les propositions de
programmation constituent une stratégie pour 2023-2042.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
31
-
un scénario de « planification écologique », qui reprend une expression employée
par le chef de l’État et
qui «
décline les objectifs affichés par le gouvernement dans
sa commande
» en prévoyant les moyens nécessaires, ce qui correspond à une
augmentation de 50
% des crédits de l’AFIT sur 2023
-2027, par rapport à la période
2018-2022
51
, et à un doublement au cours de la décennie suivante. En revanche, il ne
prévoit pas d’accélération de projets de LGV, par rapport à la LOM, «
que les
décisions de la fin du précédent quinquennat avaient relancées
»
52
. Selon le rapport,
« c
e scénario réunit les actions qui ont fait consensus au sein du COI et peut être
considéré comme un socle indispensable
»,
-
un scénario de « priorité aux infrastructures », visant à accélérer la réalisation des
projets de LGV et à répondre plus complètement aux attentes locales, en particulier
en faveur de projets routiers. Critiqué par une partie du COI car allant, selon elle, à
l’encontre des priorités environnementales, il ne serait essentiellement contraint que
par «
la faisabilité technique des calendriers et la maturité des projets
». De fait, les
195 Md€ du coût de ce programme (tous financeurs confondus) ne se situe
nt que peu
en retrait du total de 220 Md€ d’«
attentes » recensées dans le rapport de 2022 du
COI « Bilan et perspectives ».
Ces scénarios peuvent être présentés de manière synthétique (en Md
constants) :
Tableau n° 5 :
Les c
rédits de paiements de l’AFIT
selon les scénarios du COI de 2023
Md euros (2021)
2023-2027
2028-2032
2033-2037
2038-2042
« Cadrage budgétaire »
16,9
17,1
18,0
17,4
« Planification écologique »
25,8
29,4
31,7
33,3
« Priorité aux infrastructures »
27,4
33,5
37,6
38,2
Source : Rapport du COI (2023)
Les calendriers reposent sur des hypothèses standard de clefs de financement entre
partenaires comme de clefs de
passage des autorisations d’engagement aux crédits de
51
25,8 Md€/17,2 Md€
-
1. Toutefois, le rapport, en l’occurrence, rapporte des montants en crédits de paiement
(pour 2023-
2027) à des autorisations d’eng
agement (pour 2018-2022).
52
Signature d’un protocole de financement entre l’Etat, la SNCF et les collectivités locales, 1/ de la LN PCA
(phases 1 et 2), pour 3,5 Md€ (20
% UE, 40 % État, 40 % CL)
en avril 2021, suivie d’une enquête publique en
janvier et février 2022, 2/ du GPSO (section entre Bordeaux et Toulouse), en mars 2022, pour 5,6
Md€
, en vue
d’une mise en service en 2032, soit 5 ans plus tôt que précédemment prévu
.
Ces décisions font suite à un discours prononcé par le Président de la République en septembre 2021, à
l’occasion du 40
ème
anniversaire de la mise en service du premier TGV
: « Je peux vous dire que quand le TGV
n’arrive pas ou ne passe pas par une ville, c’est terrible.
(…)
Cette passion française pour le train, nous allons
la poursuivre en grand.
(…)
La décennie 2020 sera la décennie TGV. ».
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
32
paiement (tenant compte des délais afférant aux études, à la montée en charge des chantiers
etc…).
Ces scénarios s’éloignent moins de la demande du ministre de par leur nombre que
de par leur logique. L
e COI n’a pas élaboré une projection de dépenses, limitative mais
financée, en la complétant d’une liste de projets évalués et classés pouvant être mis en œuvre
en fonction des possibilités financières
53
; mais il a retenu, à nouveau, des trajectoires plus
ou moins volontaristes, conduisant assez naturellement à privilégier le scénario
intermédiaire.
Le COI présente le « scénario de planification écologique » comme étant
l’hypothèse
centrale. Ce scénario mobiliserait notamment
55 Md€ de crédits de l’AFIT au
cours des
années 2023-2032
. Or, on pourrait considérer que l’effort de la nation en faveur des
infrastructures de transport, parmi d’autres usages de ses ressources, relève d’un choix
politique (éventuellement éclairé
par une commission d’évaluation multi
-sectorielle) et non
d’une instance sectorielle.
La COI plaide dans son rapport, pour une loi de programmation présentant au
Parlement les choix du gouvernement, au minimum sur deux quinquennats, ce qui suppose,
selon lui, de compléter au préalable les évaluations de la programmation retenue, «
travail
que le COI ne pouvait conduire dans les délais de quelques semaines qui lui ont été données
pour ses travaux collectifs et avec les informations disponibles
». Il s’agit notamment de
bâtir un système d’indicateurs d’impact (environnementaux, sociaux, économiques)
«
permettant de répondre au standard de qualité souhaitable d’une planification
écologique
».
1.3.3.2
La préparation d’une nouvelle programmation par le Gouvernement
Lors de la remise du rapport, le 24 février 2023, la Première ministre a exprimé la
préférence de son Gouvernement pour le scénario de planification écologique. Elle a
annoncé,
à l’échéance de l’été 2023, sa déclinaison en un
«
plan d’avenir pour les
transports » dont le véhicule juridique demeure à préciser
54
. La DGITM a indiqué que si
l’option législative était retenue, il pourrait s’agir d’une loi de programmation spécifique aux
transports (fixant une trajectoire en CP sur la période 2023-2027 et fournissant une
perspective pour les 5 années suivantes) ou intégrée à un autre texte. Dans ce dernier cas de
figure, le calendrier d’approbation exclurait sans doute la possibilité d’une programmation
à la fois financière et opérationnelle. En tout état de cause, la préparation de ce texte requiert
un
important travail de l’administration.
53
Le rapport préconise bien d’organiser un pipeline de projets réévalués périodiquement mais déplore de
n’avoir pu se mobiliser sur ce sujet.
54
Subsidiairement, elle évoque une « Nouvelle donne ferroviaire
» impliquant un engagement de 100 Md€
d’ici 2040, partagé entre l’Etat, la SNCF, les collectivités locales et l’UE. De fait, projets et ambitions
s’accumulent dans ce domaine
: régénération, modernisation, poursuite des lignes nouvelles engagées,
déploiement de RER métropolitains, renouveau des petites lignes.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
33
En effet, le COI n’a
en fait pas étudié la question du financement
d’une telle
programmation et s’est borné à
rappeler la nécessité de réfléchir à la fin des concessions
autoroutières, à l’attrition prévisible des recettes de TICPE et donc à la tarification à l’usage
des réseaux routiers
55
, au modèle économique des transports en commun, à la possibilité de
mettre en œuvre des taxes locales, à la captation de la valeur créée par le développement des
infrastructures, «
a
u meilleur ciblage à destination du secteur des transports de recettes qu’il
génère
». Le COI a proposé au Gouvernement «
d’animer les réflexions
» sur ces enjeux,
sans évoquer l’AFIT.
En revanche, il met utilement en garde contre les attentes excessives de participations
financières de l’U
nion européenne. Au vu des protocoles de financement signés ou en cours
de discussion, la France envisageait de solliciter, pour la période 2021-2027, une part
importante de l’enveloppe
du « m
écanisme pour l’interconnexi
on en Europe » (MIE)
56
.
Comme précédemment, le COI n’a pas eu les moyens d’expertiser ou de contre
-
expertiser les projets et leurs coûts, alors même que les études disponibles peuvent être
anciennes - comme le C
onseil s’en plaint
: «
Le fait de ne disposer en 2022, pour un projet
de l’importance du tunnel de base du Lyon Turin, que d’une estimation à terminaison établie
en 2018 avant la dévolution des principaux marchés et avant la crise Covid, est une anomalie
que regrette profondément le COI
».
Pour les m
êmes raisons, le COI n’a pas procédé à une quantification des effets
globaux de ses scénarios sur le report modal, les économies d’énergie et les émissions de
CO
du secteur des transports, de sorte que les services de l’État ont dû entreprendre ce
travail
après la remise du rapport, sur la base de l’hypothèse retenue finalement
57
. À cet
égard, l’exclusion du secteur aérien, compréhensible au regard de son mode de financement
et de son suivi administratif, apparaît préjudiciable à une vision multimodale de la politique
des transports et de ses multiples objectifs.
Interrogé sur l’opportunité d’une loi de programmation, le futur président de l’AFIT,
auditionné par le sénat le 11 janvier 2023, déclarait : «
J’ai évoqué l’actualisation de la
LOM, car la loi de p
rogrammation m’effraie un peu, pour deux raisons. La première procède
du calendrier
; je redoute un glissement important, alors qu’il y a urgence. La seconde tient
au caractère contraignant d’une loi de programmation, qui offre peu de souplesse de
financement. Or, aucun financement des infrastructures de transport nationales ne doit être
perdu. Si des engagements de nouvelles recettes sont pris ou si des perspectives de plus
fortes dépenses apparaissent, ces financements seront nécessaires. Si des projets ne peuvent
55
Appliquent, en Europe, une écotaxe sur les poids lourds
: l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Pologne, la
République tchèque, la Slo
vaquie, le Portugal et la Belgique. D’autres Etats, comme la Suède, le Danemark ou
les Pays Bas mettent en œuvre une euro
-vignette.
56
En juin 2023, la Commission a rendu publique la liste des projets bénéficiant de financements dans le cadre
du Mécanisme
pour l’interconnexion en Europe (MIE)
-
dont les travaux du CSNE (pour 405 M€) et les études
relatives au GPSO et à la LNMP. En revanche, la LNPCA, la LN Roissy-Picardie et aménagements portuaires
proposés par la France n’ont pas été retenus à ce stade, av
ant un nouvel appel à projets.
57
Le COI n’ayant pas fourni d’évaluation, socio
-économique ou écologique, des impacts de ses propositions
de trajectoire (ni,
a fortiori
, défini de stratégie permettant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone du secteur
des transports), l
’administration de l’Eta
t a pris en charge cette tâche, coordonnée par le SGPE.
L’AGENCE DE
FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
34
se faire, il est souhaitable de les redéployer sur d’autres
. ».
A contrario
, P. Vergriete
s’était
déclaré favorable, en juin 2023, à une loi de programmation des investissements :
«
l’annualité n’est pas adaptée aux investissements ferroviaires
», lors de son audition par
la commission du développement durable de l’Assemblée nationale organisée à l’occasion
de la présentation du rapport d’activité 2022 de l’AFIT.
Mettre fin à une forme de gestion des fonds publics, à la fois asymétrique (car
aut
orisant en pratique des dépenses supplémentaires sans permettre d’économie)
et sans
cadre pluriannuel opposable, justifierait un cadre de programmation plus rigoureux
qu’aujourd’hui. La pénurie de ressources étant plus probable que leur trop
-
plein, l’absen
ce
d’une enveloppe financière crédible,
ex ante
, et, l’engagement de dépenses supplémentaires,
ex post
, liés à de nouveaux projets ou à l’accélération de certains, conduisent à une gestion
peu rationnelle voire chaotique. Dans les faits, les projets peuvent être ainsi rétrogradés ou
au contraire « surclassés », en fonction de facteurs étrangers à leur intérêt intrinsèque.
Dès lors, il importe de reprendre et préciser «
l’orientation n°1
» du référé de la Cour
de juin 2016 (« définir des priorités de projets à venir, notamment au regard de leur
rentabilité socio-économique et de réduire considérablement les engagements nouveaux »),
dont la mise en œuvre est restée partielle, c’est
-à-
dire de recommander l’élaboration d’une
programmation (en autorisations d’eng
agement et en crédits de paiement), qui gagnerait à
porter sur un horizon de vingt ans, donnant lieu, pendant cette période, à une actualisation
tous les cinq ans.
Recommandation n° 1.
(DGITM,
DB,
DG
Trésor,
2024) :
Établir
une
programmation du financement de la construction et de la régénération des grandes
infrastructures de transport, financées ou co-
financées par l’État, assortie
d’indicateurs de mise en œuvre et de résultats.
Est souvent critiqué
e l’accumulation de lois de programmation sectorielles
58
, qui
finissent par « rigidifier » la dépense publique et faire peser une contrainte disproportionnée
sur les crédits ne s’inscrivant dans aucune d’entre elles. La Cour partage ce constat, ce qui
la conduit à préconiser d’intégrer
les dépenses concernées dans les revues de dépenses
59
. À
cet égard, on peut faire observer qu’il y a peu de domaines où un cadre de référence
pluriannuel se justifie autant, s’agissant d’investissements se déployant sur de longues
durées et parfois devenus « inéluctables
», notamment du fait d’engag
ements, en particulier
internationaux
60
.
58
Loi de programmation militaire (2024-2030), de la recherche (2021-
2030), d’orientation et de
programmation du ministère de l’intérieur (2023
-2027), de programmation et de réforme pour la justice (2023-
2027). De ce fait, la Cour estime que les dépenses concernées ne doivent pas être considérées comme
« définitivement sanctuarisées », ce qui semble souvent le cas en pratique.
59
« La situation et les perspectives des finances publiques - juillet 2023 ».
60
L’article 34 de la Constitution énonce
: «
[…]
Des lois de programmation déterminent les objectifs de
l’action de l’Etat // Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois d
e
programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
35
Cette programmation nationale pourrait utilement
s’articuler avec la planification
régionale des infrastructures de transport, prévue aux articles L1213-1 et L1213-2 du code
des transports, qui «
a pour objectifs pr
ioritaires de rendre plus efficace l’utilisation des
réseaux et des équipements existants et de favoriser la complémentarité entre modes de
transport ainsi que la coopération entre les opérateurs, en prévoyant la réalisation
d’infrastructures nouvelles lorsqu’elles sont nécessaires
». Il s’agit d
e l
’un des deux volets
relatifs à la mobilité du «
schéma régional d’aménagement, de développement durable et
d’égalité des territoires
» (SRADDET).
En l’état, c
ette recommandation impose de réviser le mode de prépa
ration d’une telle
programmation, aux fins d’un travail plus approfondi, dans toutes ses dimensions
:
économique, financière et environnementale. Le COI, dont la création et la pérennisation
constituent des progrès, pourrait être mis au service de cette ambition en se voyant attribuer
les moyens juridiques et matériels nécessaires, notamment de contre-expertise
61
, aux fins de
proposer des choix compatibles avec respect de la contrainte financière fixée, ce qui implique
également de modifier sa composition.
En l’occurrence, une nouvelle recommandation s’impose
,
à la place de l’orientation
n°2 du référé de 2016, qui s’adressait au CA de l’AFITF («
pour le conseil d’administration
de l’AFITF, assurer pleinement ses responsabilités en hiérarchisant les projets e
t en
garantissant leur conformité à une trajectoire financière explicite
»). Cette recommandation
n’a, de la part de ce CA, donné lieu à aucune suite notable. Si la DGITM a pu présenter par
le passé la préparation d’un contrat d’objectifs et de performance
comme la réalisation d’une
telle orientation, celui-ci ne fixe, en réalité, que des objectifs de pure gestion comptable et
financière
62
(cf.
infra
). Surtout, comme retracé ci-dessus, une telle mission relève depuis
2017
d’une autre instance, à savoir le COI.
Par ailleurs, le COI, dont la tutelle est assurée à la fois par le ministère de l’économie
et celui de la transition énergétique, gagnerait à compter en son sein, à parts égales, des élus
locaux et nationaux, des per
sonnalités qualifiées et des représentants de l’administration, aux
fins d’une vision équilibrée des différentes priorités et contraintes relatives aux politiques et
aux investissements publics. Parallèlement, le COI pourrait utilement mettre en œuvre des
modalités de consultation directe des citoyens, sur le modèle des assises nationales de la
mobilité de 2017, à propos de certains grands choix et arbitrages à faire en matière
d’investissement dans les transports, sans qu’il
faille dupliquer les procédures prévues dans
le cadre des enquêtes publiques pour des projets particuliers.
De cette manière, le COI pourrait proposer une hiérarchisation des projets prenant en
compte une évaluation socio-économique, objective, rigoureuse et transparente, sans pour
autant se contenter de sélectionner les projets « créant le plus de valeur ». De fait, tous les
avantages ou inconvénients ne sont pas monétairement évaluables ; le seul critère de
[…]
».
Les objectifs assignés aux grandes infrastructures mais aussi d’équilibre des comptes, donc la
clarification de leur financement, auraient donc toute leur place dans un tel texte. Par ailleurs, le recours à la
loi imposerait, en la matière, la consultation obligatoire du Conseil économique, social et environnemental.
61
En lieu et place du secrétariat général pour l’investissement (SGPI), dans le
domaine des transports.
62
Cf
. infra
. Ceci concerne y compris l’objectif 1.1 «
maîtriser la trajectoire financière » qui se décline en trois
indicateurs : le suivi pluriannuel de la résorption des charges à payer, le suivi annuel du plan de trésorerie, le
taux annuel de consommation des AE et CP.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
36
«
l’utilité
» pourrait conduire à délaisser systématiquement certains types de projets ou de
territoires (peu peuplés, par exemple). Surtout, cette programmation doit incarner une vision
globale, ayant une cohérence propre, des investissements dans les transports, notamment le
partage et la complémentarité entre différents modes, entre dépenses de construction et de
régénération
etc
...
À cette fin, la réforme du COI est nécessaire, ce qui requiert notamment sa
transformation en instance permanente, la modification de sa composition et le renforcement
de ses moyens de contre-expertise.
Recommandation n° 2.
(DGITM, DB, DG Trésor, 2024) : Doter le Conseil
d’orientation des infrastructures
des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions,
dont le suivi de l’application des décisions
d’investissement
.
La solution proposée ne conduit pas à déposséder l’e
xécutif de son pouvoir de
décision. Elle ne doit pas mener non plus à la réduction de l’expertise de l’administration,
toujours aussi nécessaire en vue des arbitrages finals, puis de la formalisation et de l’adoption
des textes relatifs à cette programmation.
Pour autant, la solution proposée ne consiste pas non plus à « rendre » à
l’administration tout le rôle qu’elle a joué par le passé, ce qui serait concevable.
On a vu
qu
en Allemagne,
le ministère des transports pilote bien l’ensemble de cet exercice,
y
compris la phase d’évaluation globale et de consultation citoyenne. Cependant, il par
ait
opportun, dans le contexte français, de s’appuyer sur une institution qui a déjà acquis une
légitimité certaine dans ces deux domaines.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ____________________
L
’actuelle architecture institutionnelle de la programmation des grandes
infrastructures de transport est le fruit d’une longue histoire dans notre pays, qui, en ce
domaine, a longtemps privilégié le développement des réseaux, sans véritable
programmation financière. Depuis les années 2010, des avancées importantes ont été faites
dans cette direction. Aujourd’hui, un organisme chargé de l’expertise et de la concertation,
le Conseil d’orientation des infrastructures, contribue à la définition d’une
trajectoire
formalisée par les pouvoirs publics dans un texte, à ce jour la loi d’orientation des mobilités
de 2019, mise ensuite en œuvre par une agence de financement, l’AFIT, dotée de ressources
spécifiques. Cette nouvelle organisation constitue un progrès par rapport aux pratiques du
passé, quand des commissions recensaient les projets, plus qu’elles n’en proposaient de
sélection, et que les décisions d’engager les crédits de l’État se prenaient au fil de l’eau, en
fonction de la maturation de ces projets, parfois autant que de leur intérêt socio-
économique.
Pour autant, cette rationalisation s’avère largement inachevée. Les scénarios du
COI ne visent généralement pas à respecter un cadre budgétaire contraint, au moyen d’une
sélection et/ou d’une hiérarc
hisation pouvant conduire à une présentation sous forme de
« pipeline » de projets. Ce conseil ne dispose pas des moyens de contre-expertiser ces
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
37
derniers ou d’étudier dans toutes leurs dimensions, notamment environnementales, l’impact
de ses propres propositions, qui, par ailleurs, ne reposent pas sur une méthode suffisamment
objective.
La programmation financière finalement décidée et rendue publique par les pouvoirs
publics demeure peu précise, ne détaillant ni la montée en charge des projets ni les
ressources nécessaires à leur réalisation. Dans les faits
, l’État continue de prendre certains
engagements au coup par coup, comme lors de la relance du projet de ligne nouvelle
Provence-
Côte d’Azur ou de l’accélération du calendrier prévu
pour la section Bordeaux-
Toulouse du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest,
sans se référer à un programme
d’ensemble et en reportant la question de leur financement. Cette façon de faire contraste
avec les méthodes en vigueur chez certains de nos voisins, par exemple en Allemagne, où
elles apparaissent plus rigoureuses, sans empêcher une nécessaire souplesse.
Dans ce contexte, une réforme et un renforcement du COI pourraient représenter
une voie d’avenir, au service d’une programmation à la fois plus précise, plus complète et
plus contraignante, mais toujours décidée par les pouvoirs publics.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
38
2
L’AFIT
: UNE UTILITÉ NON DÉMONTRÉE
2.1
Une absence de contrôle sur la décision de la dépense
2.1.1
Le faible poids du conseil d’administration
2.1.1.1
Le cadre légal et règlementaire
Le code des
transports prescrit que l’'établissement est administré par un conseil
d'administration composé de douze membres comprenant :
Six représentants de l'État :
-
le directeur général des collectivités locales ou son représentant ;
-
le directeur du budget ou son représentant ;
-
le directeur général du Trésor ou son représentant ;
-
le directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités ou son
représentant ;
-
le directeur des mobilités routières ou son représentant. Une présentation de la
DGITM aux
administrateurs de l’AFIT, en février 2022, annonçait que le second
représentant de la direction serait prochainement le directeur des transports
ferroviaires et fluviaux et des ports, ce qui semblerait effectivement plus logique ;
-
le commissaire général au développement durable ou son représentant.
Un député et un sénateur, trois élus locaux et une personnalité qualifiée63.
On remarque que le président du Conseil d’orientation des infrastructures n’en fait
pas partie.
Les membres du CA sont nommés par décret pour une durée de trois ans,
renouvelable. Il en va de même du président, choisi parmi les membres du conseil
, dont l’âge
ne peut excéder 70 ans. Au cours des dix dernières années, les présidents ont été
63
Les fonctions de membre du conseil d'administration ne sont pas rémunérées. Elles ouvrent droit à des
indemnités et frais de déplacement ou de séjour dans les conditions prévues par la réglementation applicable
aux fonctionnaires de l'Etat.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
39
successivement : MM. Duron (juillet 2012-juin 20
17), administrateur de l’agence depuis sa
création en 2005, Christophe Béchu, (avril 2018-mars 2021, puis juin 2021-mai 2022), Jean
Castex (août à octobre 2022), puis Patrice Vergriete, de janvier à août 2023. Le Président de
la République a proposé que M. Franck Leroy, Président de la région Grand Est, lui succède ;
en janvier 2024,
sa nomination n’a
vait pas encore été approuvée par le Sénat
64
.
Le conseil d'administration se réunit au moins deux fois par an sur convocation de
son président, qui fixe l'ordre du jour de la réunion et dirige les débats. Les délibérations sont
prises à la majorité des membres présents. En cas de partage des voix, celle du président est
prépondérante. Le contrôleur budgétaire et l'agent comptable assistent avec voix consultative
aux délibérations du conseil d'administration.
Le ministre des transports exerce la tutelle
de l’AFIT
. Les délibérations relatives au
budget de l'établissement sont réputées approuvées en l'absence d'opposition du ministre
chargé des transports ou du ministre chargé du budget dans les quinze jours suivant leur
réception par chacun de ces ministres.
2.1.1.2
Son rôle dans les faits
Le CA se réunit assez fréquemment - par exemple, 7 fois en 2022-
afin d’approuver
les budgets rectificatifs (BR) - 4 en 2022 et 3 BR « techniques »
en fin d’année
65
:
conventions ou avenants (97 en 2022
66
, dont 30 dans le cadre du plan « France Relance) -
rendus nécessaires par les nouveaux engagements « confiés
» à l’AFIT. Par ailleurs, le
règlement intérieur prévoit que le CA se réunit à
la demande d’au moins trois administrateurs
mais cette disposition semble avoir été peu utilisée.
En pratique, le CA constitue
pour l’essentiel une chambre d’enregistrement de
décisions déjà prises. Il n’a jamais désapprouvé aucun projet qui lui a
it été soumis et même
les votes « contre » sont demeurés exceptionnels. Par, exemple, en 2022, le CA a émis 114
votes sur divers sujets (budgets, conventions, avenants, plans d’action etc…), tous acquis à
l’unanimité.
À cet égard, on peut citer un extrait du procès-verbal de la séance du 6 octobre 2016 :
«
[…]
Une question est de savoir quelle serait la consistance d’une feuille de route pour
l’AFITF. Une autre est de savoir si l’on peut voter contre un budget. Sur ce point la réponse
est oui, V. Lacroute ayant ouv
ert la voie à la fin de l’année dernière. Mais en définitive,
même si un vote négatif des administrateurs élus était considéré avec regret par l’État, cela
serait sans incidence pratique du fait de la parité au sein du conseil avec le premier collège
composé de fonctionnaires par nature loyaux envers le gouvernement
. […]
» (intervention
64
En tout état de cause, l’arrivée à échéance,
à compter de mars 2024, des mandats au sein du conseil
d’administration des élus locaux et de la personnalité qualifiée, parmi lesquels le président pressenti,
impliquera des nouvelles auditions et de nouveaux votes au sein de la représentation nationale.
65
Les budgets rectifications « techniques » permettent au secrétariat et aux tutelles de modifier les lignes
budgétaires en CP à enveloppe constante.
66
73 conventions et 24 avenants.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
40
du président, P. Duron). Que la question de la possibilité de voter contre le budget ait été
posée est éloquent, comme la conclusion selon laquelle cela ne peut avoir aucune
conséquence.
Un autre exemple témoigne des limites du rôle de ce CA ainsi que de la réalité du
processus de décision de l’État dans ce domaine
: l’adoption, lors de la séance du 20
novembre 2019, du projet de convention de financement et de réalisation du canal Seine-
Nord-Europe (cf. annexe n°1).
Ce cas illustre que la possibilité
d’interpellation, sinon d’opposition, laissée au CA,
s’avère, elle aussi, d’une portée extrêmement limitée, même dans des situations de nature à
susciter des interrogations légitimes, en l’occurrence sur le financement à venir d’une
dotation supplémentair
e en autorisation d’engagement de 1,05 Md€ (soit une hausse de plus
de 40% du montant de l’année concernée). Il est significatif que son président promette de
se tourner vers les ministres compétents pour connaître les conséquences financières à tirer
d’un
vote,
après
ce dernier et non
avant
.
2.1.2
Des « pré-CA » plus importants que les CA eux-mêmes
Avant les CA, des « pré-CA » réunissent
les représentants de l’administration. Ces
pré-
CA permettent d’étudier la proposition du ministère des transports et de l’agence, qui
est débattue avec les autres membres du pré-CA dont le ministère chargé du budget et les
représentants du contrôle budgétaire
, en présence du secrétariat général de l’agence
. Ces
discussions portent sur le budget, les projets de conventions et sur d’autres points de gestion.
En cas de consensus lors du pré-CA ou suite à celui-ci, la proposition du ministère
des transports et
de l’agence est retenue pour être présentée en CA. Sinon, un arbitrage
interministériel est demandé pour définir la position de l’administration.
Le pré-
CA constitue donc la véritable enceinte où se prennent les décisions, c’est
-à-
dire où les administrations échangent et négocient aux fins de parvenir aux arbitrages
nécessaires. Dans ces conditions, la préparation des débats qui vont suivre au sein du CA,
pour leur part, ne semble pas un grand sujet de préoccupation pour les ministères. D
’où
certains retar
ds, comme l’atteste cet extrait du procès
-verbal de la réunion du 16 février
2022 :
«
Pour la préparation de ce CA : M. Béchu remercie la DGITM et toutes les
administrations qui y sont conviées pour avoir organisé un pré-CA plus de deux semaines
avant notre séance (24/1), ce qui nous a permis pour la première fois depuis longtemps
d’avoir un BR le vendredi avant le CA, de même pour la clôture des comptes
- la partie
relative aux conventions était, à l’exception de deux arrivés in extremis, également bien
mi
eux anticipée. C’est un changement notable qui est de très bon augure pour bien
commencer cette année
».
L’AGENCE DE F
INANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
41
2.1.3
Un décalage avec les intentions affichées
Cette situation crée une forme de décalage entre le niveau élevé des compétences et
des responsabilités exercées par les membres du CA
67
, d’une part,
et celui des échanges,
d’autre part. Les procès
-
verbaux de ces CA manquent d’éléments de fond relatifs à la
politique des transports et se résument, dans une grande mesure, à l’approbation de projets
d’engagements. S’il a pu en aller autrement par le passé, ceci remonte à une époque
antérieure à la création du COI, qui, aujourd’hui, semble le lieu approprié pour ce type de
débat stratégique -
en amont
des enjeux de mise en œuvre financière.
Cependant
, au CA de l’AFI
T, ont été utilement pointées certaines difficultés de
gestion liées à cette mise en œuvre financière, principalement sous la forme d’alerte auprès
des acteurs concernés. Ceci concerne notamment le constat récurrent de la sous-
consommation des crédits ferroviaires, les faibles résultats ou avancées des appels à projets
en matière transports en commun ou de mobilités actives, dont les collectivités territoriales
sont maîtres d’ouvrage, ou encore dans l’exécution
, la tendance des bénéficiaires de crédits
à ef
fectuer leurs appels de fonds en fin d’année
-
ce qui complique la gestion de l’AFIT
68
.
En outre, il existe un
hiatus entre, d’une part, le rôle souhaité pour l’AFIT par son
dernier
président, d’autre part, ses missions et ses moyens réels.
Répondant à une question
sur son rôle auprès des autorités de tutelle de l’agence et du COI, le dernier président de
l’agence, M. Vergriete, a déclaré envisager «
son rôle comme un médiateur, expliquant d’une
part les choix opérés et faisant remonter d’autre part les inj
onctions contradictoires vécues
sur le terrain
». Il a évoqué le projet d’une évolution des statuts de l’AFIT aux fins de lui
faire jouer un rôle de « conseil de surveillance »
69
, faisant le rapprochement avec les conseils
de surveillance, respectivement, d
u grand port maritime et de l’hôpital de Dunkerque, qui
permettent à son président, ayant une vision de tous les projets, de peser sur les décisions.
Il précisait ainsi sa pensée : «
Fort
de mon expérience d’élu local d’une ville
portuaire où l’accent a é
té mis sur le transport collectif, mon rôle est de nouer le lien entre
le gouvernement et la représentation nationale, entre le niveau national et local, de faciliter
le débat afin d’aboutir, au milieu de l’année 2023, à une vision d’avenir des infrastruct
ures
de notre pays
».
À ce sujet, l’AFIT répond
: «
La programmation pluriannuelle est assurée par la
DGITM
».
Elle justifie d’ailleurs que l’action de son président ne soit pas encadrée par une
lettre de mission en excipant du fait qu’il «
a une marge
d’orientation limitée
» et que «
son
rôle est avant tout de s’assurer de la bonne mise en œuvre des programmes d’investissement,
67
Certains étant, il est vrai, le plus souvent représentés par des collaborateurs. Ainsi, le directeur du Trésor ne
se déplace que rarement. Autrefois le plus souvent représenté par un chef de service, il l’est habituellement
aujourd’hui par un a
djoint au chef du bureau POLSEC3.
68
Extrait du PV du 15 juin 2022 : «
Même si les CP du BR3 sont en augmentation de 600 M€ par rapport à
l’exécution 2021, il est possible d’éviter ce qui s’est passé fin 2021 où la moitié de la gestion a été faite dans
les
dernières semaines de l’année
» (Mme Moosbrugger, SG). Plusieurs de ces PV font allusion au
«
traditionnel embouteillage de fin d’année
», d’où l’introduction d’une «
clause de souplesse » (
cf. infra
).
69
«
A la question de savoir si l’
AFIT
est une caisse d’enregistrement ou si elle dispose d’un véritable pouvoir,
je crois avoir répondu en avançant l’idée de conseil de surveillance
» (audition parlementaire).
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
42
avec une capacité d’interpellation des administrations et des ministres
en cas de blocages
de gestion ».
D’ailleurs,
l’article
R.1512-12 du code des transports dispose
que l’AFIT «
a pour
mission de concourir, dans le respect des objectifs du développement durable et selon les
orientations du gouvernement, au financement
» d’un certain nombre de projets et que, à cet
effet, «
l’établissement accorde des subventions d’investissement et des avances
remboursables, apporte des fonds de concours et participe au financement des
investissements prévus par des marchés de partenariat
[…]
». Son conseil d’administration
(article R1512-15) délibère sur son budget et autorise la conclusion des conventions et des
marchés.
Ainsi, en l’état des dispositions applicables, le
« rôle actif » porté par le dernier
président ne saurait porter sur la trajectoire financière de l’agence et la définition d
e la
politique des infrastructures des transports, ce qui ne
permet d’ailleurs pas
ses moyens.
2.2
La question du périmètre des dépenses
2.2.1
Les dépenses prises en charge par l’AFIT
À
la suite d’ajouts successifs au code des transports (article R1512
-12), le champ de
compétences actuel de l’AFIT ne recouvre pas seulement des investissements au sens le plus
strict (dépenses de développement ou de modernisation d’infrastructures, «
y compris les
équipements qui en sont l’accessoire indispensable
»).
Il inclut, d’a
bord, des dépenses de
régénération
considérées comme de
l’investissement. En particulier, l’AFIT prend en charge le coût de l’entretien dit «
lourd »
du réseau routier national non concédé, autrefois financé directement par le budget de
l’État
70
. S’agissant
des routes nationales, le programme 203 ne finance plus que les frais de
fonctionnement ou d’exploitation (hors masse salariale) et l’entretien courant.
Le périmètre comprend également des dépenses
71
:
-
des loyers afférant à des partenariats public-privé,
alors que les concours publics
dus, au titre de l'État, aux titulaires des contrats peuvent recouvrir, outre l’amortissement des
investissements et la rémunération du capital, des charges d’exploitation
;
-
d’investissement hors infrastructure
, comme l’achat de matériels roulants
-
s’agissant, depuis 2011, des trains d’équilibre du territoire (TET)
, soit
257,3 M€ de CP en
2022,
y compris des matériels des régions dans le cadre d’accords de reprise de lignes
de
70
Ce, sous forme de fonds de concours au bénéfice des services de l’Etat, gestionna
ires de ce réseau, les
directions interrégionales des routes (DIR). Les montants concernés ont fortement progressé entre la LFI pour
2017 (416 M€) et 2023 (615 M€), au service d’une remise à niveau dont la nécessité fait consensus mais qui,
toutes choses é
gales par ailleurs, contribue à dégrader les indicateurs de report modal au budget de l’AFIT.
71
Cf. annexes n° 4 et 5 dressant la liste des 10 principaux projets financés par l’AFIT en AE et CP.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
43
TET. En 2022, l’agence s’est aussi engagée,
par avenant, à financer la rénovation de
nouvelles voitures, dans le cadre du programme de relance des trains de nuit ;
- de
services
de transport.
L’article R1512
-12 du code des transports mentionne les
«
projets relatifs à la création et au développement de transports collectifs de personnes »,
sans indication quant à la nature des dépenses autres que
«
y compris l’acquisition des
matériels de transport »,
ou encore
« des aides au démarrage pour les liaisons maritimes
régulières de transport de fret
».
Il contribue, enfin, au financement de dépenses qui n’ont qu’un lien indirect voire
lointain avec les transports
tels que les ouvrages de lutte contre l’érosion et l’adaptation des
territoires au recul du trait de côte (pour des montants limités
; 5 M€ en 2022), au titre du
programme « paysage, eau et biodiversité », géré par la direction générale de
l’aménagement, du logement et de la nature. Ceci a conduit l’agence, entre autres exemples,
à concourir au fina
ncement de l’atelier des territoires sur le littoral de Sète Aglopôle
Méditerranée, chargé de «
faire émerger
(
sic
)
une vision partagée de la résilience du
territoire face aux risques d’érosion côtière et de submersion marine à moyen et long
terme
», ou à
la démolition de bungalows, de gabions et d’un camping, en vue de la
«
réestuarisation »
de la Saâne, en Normandie.
Les annexes n°4 et n°5 retracent les
principaux projets financés par l’AFIT depuis
2016.
2.2.2
Les investissements dans les infrastructures de transport non financées par
l’AFIT
A contrario
, l’AFIT ne contribue pas
au financement de certains investissements de
l’
État.
Certains sont encore pris en charge par le programme 203 car financés par des fonds
de concours en provenance des collectivités territoriales, notamment les opérations de
développement des routes nationales (action 01) décidées dans le cadre des contrats de plan
État-Régions.
En outre, ce programme verse des subventions à VNF et à SNCF Réseau, qui,
indirectement, peuvent servir à
la régénération ou à l’entretien «
lourd » des infrastructures
concernées.
L
’AFIT apporte des financements conséquents à SNCF Réseau
, mais
l’entretien du
réseau ferroviaire bénéficie aussi
de soutiens de l’État par d’autres voies, qui ne constituent
pas t
outes des subventions d’investissement
72
. Depuis la réforme ferroviaire de 2018, l’État
reverse à SNCF Réseau les dividendes qu’il renonce à percevoir de la part du groupe SNCF
par le biais d’un fonds de concours transitant par le programme 203.
Le plan de
relance s’est
également traduit par l’octroi de 4,05 Md€ à SNCF Réseau sans passer par l’intermédiaire
de l’AFIT. Par ailleurs, il prend en charge des redevances d’accès acquittées auprès de SNCF
72
Si on se limite à ces dernières, le bilan annuel des trans
ports en 2021 indique que SNCF en a perçu 345 M€
de la part de l’AFIT, 613 M€ de l’Etat et 1
560 M€ des collectivités locales.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
44
Réseau, pour plus de 2
Md€ par an, et on pourrait aussi s’in
terroger sur les reprises de dette
qui contribuent à un financement par l’État,
a posteriori
, là encore d’une grande variété de
dépenses du gestionnaire d’infrastructure, qui incluent une part importante d’investissement
et de régénération.
De leur côté, l
es parlementaires, exerçant leur pouvoir d’amendement, proposent
occasionnellement de nouvelles dépenses d’investissement, qui, par construction, ne passent
généralement pas par le truchement
de l’AFIT.
Tableau n° 6 :
Dépenses de la « sphère État » en faveur des transports (P203 + AFIT) en 2022 (en
crédits de paiement pour les investissements)
En M€
AFIT
Programme 203
Total
Investissement
Total
Investissement
+
fonctionnement
Investissement
73
Fonctionnement
Investissement
(hors FDC
AFIT)
Fer
1 250
2 767
2 107
3 357
6 124
Fluvial
309
244
0
309
553
Fonctionnement
98
0
0
99
Multimodal/autres
55
138
0
0
193
Ports/maritime
79
98
89
168
266
Routes
1 059
706
329
1 388
1 464
Transports
collectifs urbains
et
mobilités
« actives »
(marche, vélo)
536
328
0
536
864
Total
3 289
4 380
2 436
5 724
10 104
Source : données et retraitements de la DGITM, calculs de la Cour
L’AFIT ne finance pas non plus une grande partie des dépenses consenties au service
du verdissement des transports, en particulier les infrastructures pour véhicules électriques
73
Sous l’hypothèse simplificatrice que l’AFIT ne finance que des dépenses d’investissement (source
:
DGITM).
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
45
(IRVE) et
la mise en œuvre des
zones à faibles émissions (ZFE), etc. Ces dépenses relèvent
principalement de fonds transversaux (France 2030, fonds vert de soutien aux collectivités
locales) ou de programmes de la sphère « énergie-climat ». Pour autant, dans le cadre
d’appels à projets pour les transports collectifs en site propre et du volet
consacré aux
transports en commun en site propre (TCSP) des contrats de plan État-
régions, l’AFIT
contribue au financement de certains aménagements de nature comparable
74
.
Le fait que certaines dépenses d’investissement de l’État
transitent
par l’AFIT, et
d’autres non, que certaines dépenses de l’AFIT prennent la forme de fonds de concours, et
d’autres non, ne contribue pas à la lisibilité de cette politique.
Une clarification s’avère
nécessaire
. L’intérêt de faire transiter par l’AFIT le
financement d’un registre croissant de dépenses
est limité et de nature à compliquer
inutilement leur gestion et à opacifier les enjeux qui s’attachent à un suivi plus précis
:
-
d’un nombre limité de grandes infrastructures d’un coût particulièrement élevé (canal
Seine Nord Europe, liaison ferroviaire Lyon-Turin, nouvelles LGV, services express
régionaux métropolitains etc…), dont la construction ou le développement s’inscrit
dans la longue durée,
-
et, éventuellem
ent, de grands programmes d’entretien ou d’équipement (par exemple
en bornes de recharge électrique), devant également s’étaler sur une longue période.
Par ailleurs, l’agence prend en charge des appels à projets nationaux en matière de
transport en commun
(57,4 M€ en CP, en 2022) et de mobilités actives (6,8 M€ en CP en
2022), qui, s’ils entrent incontestablement dans le périmètre de ses compétences, lui créent
des difficultés de gestion, en raison du grand nombre de conventions avec des collectivités
territoriales, pour des montants limités, auxquels ils donnent lieu
75
, et du mécanisme de
subventions par acomptes successifs au prorata de l’avancement des projets. Des solutions
palliatives ont pu être apportées
76
, mais
il est douteux qu’il relève
de la vocati
on de l’AFIT
de s’occuper d’une multitude de projets de faible dimension.
À cet égard, si le cadre institutionnel devait rester inchangé nonobstant la
recommandation n° 4
ci-après - de la Cour, deux options seraient envisageables :
-
recentrer l’AFIT sur
le financement des seules grandes infrastructures nouvelles. Il
s’agirait d’en revenir à la vocation de l’AFIT, au moment de sa création en 2004. On
peut arguer qu’il n’y a pas de lien à établir entre dépenses de développement, d’une
part, d’entretien, d’autre part. Les montants à consacrer au bon état d’un «
stock »
d’infrastructures existantes n’a pas de rapport avec les besoins de nouvelles solutions
de déplacement (« flux »),
74
Par exemple, à l’o
ccasion de la construction de la troisième ligne de métro toulousain, 4 parcs relais pour les
voitures et 1 500 places de stationnement pour les vélos.
75
Par exemple, après le 4
ème
appel à projets du 15 décembre 2020, 162 ont été retenus en octobre 2021 (98
projets de transports collectifs en site propre et 64 projets de «
pôles d’échange
»), pour une enveloppe de
l’AFIT égale à 900 M€.
76
Les crédits des 4
ème
et 5
ème
appels à projets en matière de mobilités actives ont été entièrement délégués aux
DREAL sous forme de fonds de concours.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
46
-
se borner à une simple
« remise à plat »
en retirant du budget de l’AFIT de
s dépenses
qui ne constituent pas de l’investissement dans des infrastructures de transport et,
symétriquement, en y rajoutant celles qui en sont mais n’empruntent pas ce canal
aujourd’hui.
Cette solution apporterait une forme de rationalité politique et
budgétaire, en particulier aux fins de garantir le financement ou, au moins la
visibilité, de la part dévolue aux crédits en faveur de la régénération
77
.
En outre, dans le souci lui aussi justifié, d’une vision globale et exhaustive de ces
dépenses, une recommandation formulée plusieurs fois par la Cour dans les « notes
d’exécution budgétaire
» de la mission « écologie, développement et mobilité durables »
mérite d’être reprise et complétée.
Recommandation n° 3.
(DGITM, DB, 2024) : Compléter le projet annuel de
performance (PAP) et le rapport annuel de performance (RAP) de la mission
« écologie, développement et mobilité durables
» par un état des concours de l’État
aux investissements en faveur des transports, qu’ils soient financés par crédits
budgétaires, sur crédits de l’AFIT ou par l’intermédiaire de divers fonds et plans
(recommandation réitérée).
2.3
Des recettes fluctuantes et incertaines
2.3.1
Le « panier
» de ressources de l’AFIT
Le tableau ci-après
78
, s’ajoutant sur ce point aux travaux antérieurs de la Cour, retrace
les difficul
tés de l’AFIT à percevoir une ressource spécifique et durable, à la suite de la
privatisation des concessions autoroutières historiques qui l’a privée de la ressource
initialement prévue de leurs dividendes, puis de l’abandon de projet d’écotaxe poids lour
ds.
Ceci a fait dire au président de l’agence, auditionné par l’Assemblée nationale en janvier
2019, que
«
l’histoire de l’AFITF, c’est l’histoire de renoncements successifs et d’une
absence de stratégie et de vision dans ce pays
».
77
Il convient de rappeler qu’il s’agit là d’abord d’un enjeu de
programmation
, alors que l’AFIT n’est chargée
que de la mise en œuvre.
78
Source
: AFIT, Rapport d’activité 2022.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
47
Graphique n° 1 :
Les recettes de l’AF
IT entre 2005 et 2023
L’AGENCE DE FI
NANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
48
Depuis 2015, l’agence perçoit
:
-
des recettes en provenance du secteur routier et autoroutier (87,5% de ses ressources
en moyenne sur la période 2016-2023), soit :
-
une fraction du produit de la TICPE
(45,2% en moyenne de ses recettes
sur 2016-2023). Elle excède
désormais nettement 1 Md€, sur un total de
TICPE nette qui atteignait 30,4 Md€
en 2021, partagés avec l’État (18,3 Md€)
et les collectivités territoriales
(10,9 Md€). D’abord fixée à hauteur des
recettes tirées de la hausse (de 4 centimes par litre) décidée en compensation
de l’abandon de l’écotaxe poids lourds
79
, elle fluctue depuis plusieurs années
principalement en fonction des besoins de l’Agence après prise en compte de
ses autres ressources. L’AFIT explique,
là encore : «
Les négociations
budgétaires sont menées par le ministère chargé des transports (DGITM). Le
montant de TICPE revenant à l’AFIT est arrêté en LFI et permet de compléter
les ressources nécessaires pour faire face aux dépenses prévues
». En
prat
ique, ce sont également les versements de TICPE en cours d’année qui
permettent d’assurer l’équilibre de la trésorerie de l’agence tout en honorant
les appels de fonds ;
-
des recettes issues des sociétés concessionnaires d’autoroutes
(33% des
recettes de
l’AFIT sur 2016
-2023), soit :
une redevance domaniale,
la taxe d’aménagement du territoire,
une « contribution volontaire », prévue contractuellement. Le
versement, d’un total de 1,2 Md€ doit normalement s’échelonner
jusqu’à 2030, pour un montant annuel de 60 M€ à partir de 2019,
-
une partie minoritaire des recettes des amendes prononcées à l’aide de
radars automatiques,
qui bénéficient aussi, notamment aux collectivités
locales et à l’entretien des radars eux
-mêmes
(9,2% des recettes de l’AFIT
sur 2016-2023),
-
une partie du produit de la « taxe de solidarité sur les billets de transport aérien »,
après versement des parts dues aux autres bénéficiaires (2,3% en moyenne des
ressources de l’AFIT sur 2016
-2023).
La loi de finances pour 2024 a également instauré une «
taxe sur l’exploitation des
infrastructures de transport
», d’un rendement
annuel
estimé à 600 M€.
-
des versements en provenance du budget de l’
État (9,1% sur 2016-2023)
-
des mesures exceptionnelles de compensation de pertes de recettes subies par
l’AFIT (cf. LFR pour 2018, 2019 et 2020),
79
Avec retard, de sorte que l’AFIT a temporairem
ent accumulé une dette importante vis-à-vis de la SNCF,
notamment.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
49
-
au titre de plan de financement exceptionnel décidé par l’Etat, comme le plan
de relance destiné à faire face aux conséquences de la crise sanitaire de 2020
et le plan France 2030, pour un total de 3,1 Md€, en fav
eur de nouveaux
programmes ou de l’accélération de projets
;
-
des dotations exceptionnelles, souvent décidées en cours d’année, par
exemple, en 2022, dans le cadre du plan « Marseille en grand
» ou d’un effort
supplémentaire en faveur de la réfection des
ouvrages d’art routiers (50 M€).
Rappelons que la majeure partie de ces contributions du budget général reviendront
ensuite à ce dernier, sous forme de fonds de concours.
Tableau n° 7 :
Les ressources de l’AFIT depuis 2016 (en Md€
courants)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023P
TOTAL
2016-2023
(Md€)
TOTAL
2005-2023
(Md€)
Redevance domaniale (SCA)
0,33
0,35
0,35
0,36
0,37
0,36
0,37
0,37
2,86
5,22
Taxe d'aménagement du territoire (SCA)
0,51
0,52
0,47
0,52
0,46
0,56
0,56
0,56
4,16
9,53
Contribution exceptionnelle des SCA
0,1
0
0,1
0,06
0,06
0,06
0,38
0,48
Total Autoroutes
0,94
0,87
0,92
0,94
0,89
0,98
0,93
0,93
7,4
15,56
80
Autoroutes en
%
46,1 %
36,6 %
41,1 %
38,1 %
30,7 %
29,0 %
28,9 %
24,6 %
33,0 %
35,4 %
Amendes radars automatiques
0,33
0,41
0,25
0,23
0,17
0,28
0,14
0,25
2,06
3,68
Subvention budgétaire/Relance
0
0
0,25
0,55
0,74
0,5
2,04
8,04
Dotations en
%
0,0 %
0,0 %
0,0 %
0,0 %
8,6 %
16,3 %
23,0 %
13,2 %
9,1 %
18,3 %
Produits divers ou exceptionnels
0
0
0,04
0,09
0
0,05
0,02
0,03
0,23
0,66
Taxe de solidarité sur les billets d'avion
0,23
0,14
0,16
0,53
0,53
TICPE
0,76
1,1
1,03
1,21
1,59
1,29
1,25
1,91
10,14
11,28
TICPE en
%
37,3 %
46,2 %
46,0 %
49,0 %
54,8 %
38,2 %
38,8 %
50,5 %
45,2 %
25,7 %
TOTAL
2,04
2,38
2,24
2,47
2,9
3,38
3,22
3,78
22,41
43,90
Source : AFIT
2.3.2
Des recettes
qui ne s’avèrent
ni stables ni prévisibles
Indépendamment des effets de la crise sanitaire, qui ont affecté toute l’économie,
nombre de ces recettes se sont révélées fluctuantes et incertaines :
-
les recettes tirées des amendes radar
ont été fortement pénalisées par le
mouvement des « Gilets Jaunes
» et n’ont jamais retrouvé leur niveau des deux
années antérieures (409 M€ en 2017,
167 M€ en 2020, 178 M€ en 2022). Elles
80
Dont également 0,33 Md€ de participations des anciennes sociétés d’économie mixte, en 2005.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
50
dépendent des comportements des conducteurs et de politiques répressives qui
peuvent évoluer. La part revenant à l’AFIT n’est connue qu’en fin d’année,
-
l’AFIT perçoit une partie
de la taxe de solidarité sur les bille
ts d’avion
, s’avérant
difficile à prévoir par les pouvoirs publics. Le trafic aérien est, par nature, plus
variable que la conjoncture économique générale (cf. conséquences d’attentats, de
tensions géopolitiques, donc aussi de « retours à la normale
» etc…
),
-
la « participation » des SCA
est ancienne mais demeure sujette à des aléas,
notamment à de possibles différends entre concédant et concessionnaires, comme
l’illustre le cas de la «
contribution volontaire ». Les sociétés en ont interrompu le
versement à
la suite d’un désaccord sur la non compensation (tarifaire) de
l’indexation sur les prix de la taxe d’aménagement du territoire (TAT)
- ce qui donne
lieu à deux actions en justice relatives, respectivement, à la non compensation de
l’indexation de la TAT et aux sommes réclamées par l’AFIT (cf. annexe n°
7
sur l’état
de ce différend). La perte constatée à ce titre s’établit à 121,7 M€ pour l’ensemble
des deux exercices 2021 et 2022.
Le rapport du COI conclut que «
Les recettes de l’
AFIT, certes augmentées, ne sont
guère assurées. Alors que l’agence concourt au financement de projets d’infrastructures
d’ampleur s’inscrivant dans le temps long, plusieurs de ses recettes sont de nature
incertaine. L’exercice consistant, année après année, à compenser le manque
de recettes de
l’
AFIT par des collectifs budgétaires place cette dernière dans une situation délicate
».
L’administration partage ce constat puisque le rapport au Parlement sur l’impact de la crise
COVID sur l’AFITF et sur ses perspectives de financement à
venir évoque «
des recettes de
l’AFITF historiquement variables
» et rappelle que «
le modèle de l’AFITF repose sur le
financement par recettes affectées, qui sont intrinsèquement aléatoires
». Cette
imprévisibilité oblige à des ajustements budgétaires en fin de gestion peu cohérents avec la
dimension pluriannuelle d’opérations d’investissement au principe de la fondation de
l’agence.
À moyen ou long terme, d’autres incertitudes grèvent ces recettes
:
-
la décarbonation des motorisations doit conduire à une baisse progressive de recettes
de TICPE. Si leur attrition ne peut s’envisager qu’à une échéance encore lointaine,
leur stagnation voire le début de leur baisse, alors que les besoins de l’AFIT vont
augmenter, soulève une question budgétaire dès le moyen terme, au premier chef la
contribution du mode routier sous une nouvelle forme (cf. annexe n°3),
-
la fin des concessions autoroutières dites « historiques » (les plus rémunératrices, y
compris pour les pouvoirs publics) soulève la question de la formule appelée à en
prendre la suite à leur échéance et du volume de ressources publiques qui pourra être
tiré du trafic autoroutier à cet horizon
81
.
81
Lors de l’examen du projet de loi transposant en droit français, notamment, la directive «
Eurovignette », le
président du COI a pointé «
un risque énorme
[lié à cette directive]
que la recette des péages qui est aujourd’hui
perçue soit diminuée de 70 %
». Le dernier rapport du COI, de 2023, indique, en effet, que « le
s règles
européennes, qui
s’appliqueront au réseau à l’expiration des concessions [autoroutières] actuelles, et si elles
n’évoluent pas d’ici là, imposeront des règles strictes d’encadrement des coûts recouvrables.
[…]
Le manque
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
51
À cet égard, le colloque européen sur l’avenir du financement des infrastructures
de transport co-organisé, dans le c
adre de la présidence française de l’Union européenne
82
,
n’a pas fourni de pistes de réflexion prometteuses, les discussions sur la question des
ressources demeurant très générales.
2.3.3
Une TICPE dont le montant affecté sert de subvention d’équilibre
Les hausses des taux
de la taxe décidées pour abonder les caisses de l’AFIT
s’inscrivent pleinement dans une logique de report modal. D’aucuns soulignent, toutefois,
qu’elles entraînent certains inconvénients intrinsèques à ce prélèvement. En effet, la TICPE
nuit à la compétitivité du pavillon routier français, les transporteurs étrangers y échappant
pour une part importante. Elles contribuent aussi à une surtaxation des autoroutes concédées,
par rapport aux coûts sociaux marginaux.
De leur côté, les ajustements annuels de la fraction de TICPE affectée aux besoins
constituent une solution de facilité.
Cette fraction, n’étant plus fixe, ne constitue pas un
facteur limitatif
de la dépense. Elle permet de faire face à son augmentation, sans qu’il y ait
à revoir celle-ci en fonction des moyens disponibles. De la sorte, il devient en partie artificiel
de la présenter comme un prélèvement fait sur le secteur routier au profit de l’ensemble des
modes de transport. En effet, la différence avec une dotation du budget général ou le transfert
d’une part de n’importe quel autre impôt d’État tend à devenir nominale, en particulier si les
besoins de l’AFIT s’accompagnent de l’affectation d’une part croissante de TICPE à son
bénéfice, et au détriment des comptes de l’État.
2.4
Une gestion améliorée, des fragilités persistantes
2.4.1
Des comptes qui traduisent une amélioration du financement de l’agence
Les comptes résumés de l’AFIT
au cours de la période 2016-2022 sont présentés en
annexe n°8. Leurs principales caractéristiques sont les suivantes :
-
des
dépenses d’intervention qui représentent
plus de 99,5 % de
l’ensemble de
s
charges et sont détaillées aux annexes n°11 à 15 ;
-
des produits constitués essentiellement des recettes issues des quatre taxes affectées
en tout ou partie à l’
agence ;
à gagner pose une question
d’équilibre des recettes de l’Agence de financement des infrastructures de
transports
. »
82
Par l’AFIT, l’Université Gustave Eiffel, le think tank TDIE (transport développement intermodalité
environnement) et le Cerema en février 2022 « Décarbonation des mobilités
: l’avenir du fi
nancement des
infrastructures de transport », 22 février 2022, Maison de la Chimie, Paris.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
52
-
une trésorerie
de fin d’exercice fluctuante mais toujours positive
;
-
un résultat comptable presque continûment positif entre 2016 et 2022 ;
-
des fonds propres en amélioration constante et une situation nette qui redevient
positive en 2020.
Les principaux
agrégats comptables de l’AFIT sont présentés dans le tableau ci
-
dessous.
Tableau n° 8 :
Principaux agrégats comptables de l’AFIT entre 2016 et 2022
(en
M€
courants)
Années
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Montant des disponibilités
100,60
345,60
4,36
1,95
66,27
167,07
117,06
Résultat net
267,68
485,25
-26,45
351,60
185,77
200,73
49,71
Fonds propres
-733,83
-248,58
-275,03
-151,99
33,78
234,51
284,23
Source : AFIT
Au cours de la période sous revue, on constate un redressement des fonds propres de
l’AFIT qui traduit
une amélioration de se
s marges de manœuvre financières.
Toutefois,
l’utilité d’un fonds de roulement positif pour un établissement tel que l’
AFIT est limitée dans
la mesure où l
es ressources de l’agence
sont fixées au début de chaque exercice en référence
aux charges qu
’elle
devra couvrir. Le caractère structurellement positif du résultat comptable
et le montant de l
a trésorerie de fin d’exercice
montrent que
l’AFIT a bénéficié d’un niveau
de financement satisfaisant au cours de la période 2016-2022.
Les données comptables les plus significatives concernent les engagements hors
bilan
83
, dont le montant atteint 14,32 Md€ fin 2022. À titre de comparaison, le total de bilan
de l’agence varie
considérablement, chutant par exemple de
360,8 M€ en 2017 à
14,1 M€
en 2018, essentiellement du fait des variations de trésorerie et de dettes fournisseurs. Un
certain nombre d’irrégularités comptables ont été relevées au cours de la période sous revue
(cf. annexe n°9).
Les engagements hors bilan
de l’AFIT sont présentés
dans le tableau ci-dessous.
83
Il s’agit
des engagements pluriannuels pris lors de la signature des conventions conclues par
l’agence
n’ayant
pas encore fait l’objet d’un règlement à la clôture
de l’exercice
.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
53
Tableau n° 9 :
Montant des engagements hors bilan de l’
AFIT en
fin d’exercice (en M€
courants)
Années
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Engagements hors bilan
à l’égard de l’État
3 944,02
4 398,18
3 974,99
4 065,35
4 749,22
5 730,74
6 348,50
Engagements hors bilan
à l’égard d’autres tiers
7 936,41
7 267,19
7 718,99
8 673,01
7 740,68
8 124,62
7 973,33
Total des engagements
hors bilan
11 880,43
11 665,38
11 693,97
12 738,36
12 489,90
13 855,37
14 321,83
Source : AFIT
À la lecture des états financiers, le niveau de détail relatif aux engagements hors bilan
fourni actuellement
dans l’annexe
est trop faible au regard des montants en jeu. Dans ces
conditions,
même si aucune règle comptable n’y
contraint, il est souhaitable que les
princip
aux engagements pluriannuels de l’
AFIT soient plus détaillés. La Cour préconise dès
lors que, dans l’attente de la suppression de l’AFIT (Cf.
infra
), ses engagements pluriannuels
hors bilan qui sont
d’un montant supérieur ou égal à 50
M€
soient présentés de manière
individualisée.
2.4.2
Un budget de fonctionnement réduit, consacré pour l’essentiel aux dépenses
de personnel
Pour assurer son fonctionnement, l’AFIT s’appuie sur les ressources du ministère de
la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Les relations entre les
deux parties sont régies par une convention de partenariat dont la dernière version date du
22 janvier 2021. Les frais de fonctionnement
de l’AFIT
représentent une part très faible
(0,02 %) de son budget global
84
.Sur la période sous revue, l
e respect par l’AFIT des
obligations qui lui incombent au regard de la réglementation budgétaire n’a pas
toujours été
assuré (voir annexe n°10).
Le budget de fonctionnement est constitué à 71 % de dépenses de personnel (voir
annexe n°11). Celles-ci comprennent essentiellement le remboursement au ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires du coût des agents mis à disposition
par celui-ci. Les dépenses de personnel ont diminué de 11 % entre 2016 et 2022,
e
ssentiellement en raison d’un moindre recours à des personnels temporaires. Les
rémunérations versées directement par l’AFIT représentent environ 15
% des frais de
personnel et sont composées des indemnités de fonction du président et
pour partie
de
84
Ils progressent fortement entre 2016 et 2022 (+31,6 %
) du fait d’un certain nombre de
dépenses
exceptionnelles ayant affecté ce dernier exercice
84
, mais diminuent au cours de la période 2016-2021 (-1,7 %).
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
54
ce
lles de l’agent comptable. L’indemnité de fonction du président
85
a été fixée à un montant
de 42 000
€ bruts annuels en 2005 et n’a
jamais évolué depuis cette date.
Le reste du budget de fonctionnement est constitué des
dépenses liées à l’activité
quotidien
ne de l’agence, pour l’essentiel le loyer payé par l’AFIT au MTECT
au titre des
locaux loués à celui-
ci, ainsi que de dépenses d’investissement ponctuelles (
achats de
mobilier, de matériel de bureau et de matériel informatique).
La convention de partenaria
t passée entre l’AFIT et le MTECT
prévoit la mise à
disposition
de l’agence d’un effectif de quatre ETP, constitué d’un secrétaire général
(personnel de catégorie A+), d’un secrétaire général adjoint (idem), d’un gestionnaire
comptable et financier (person
nel de catégorie B/B+) et d’un assistant (personnel de
catégorie C)
86
. Lors d’un audit réalisé entre mars et juin
2021, le Contrôle général
économique et financier (CGefi) a pointé le sous-dimensionnement des ressources humaines
de l’AFIT par rapport à ses missions et à son niveau d’activité, et a conclu
que la continuité
de l’activité de l’agence ne pouvait pas être garanti
e.
Ces constatations ont été confirmées fin 2021. Dans un contexte marqué par
l’épidémie de Covid
-
19, l’AFIT a en effet rencontré de rée
lles difficultés de gestion
87
, qui
ont conduit le ministère à renforcer temporairement les effectifs de l’agence. Sur la base des
conclusions du CGefi
, un plan d’action a été élaboré et a
pprouvé fin 2021 par le conseil
d’administration de l’établissement. Ce document a prévu plusieurs évolutions visant à
renforcer les ressources humaines de l’AFIT, notamment la création d’un poste de contrôleur
de gestion interne (personnel de catégorie A/A+) positionné comme un second secrétaire
général adjoint.
2.5
L’AFIT, une institution à reconsidérer
2.5.1
Une valeur ajoutée quasi-inexistante dans la programmation financière
Près de vingt ans après sa création, la valeur ajoutée de l’agence s’avère toujours
aussi discutable
88
. On peut en fournir quelques illustrations. Interrogée sur certains grands
85
Cette indemnité est régie par les dispositions du décret n°2005-1176 du 13 septembre 2005 relatif à
l’attribution d’une indemnité de fonction au président du conseil d’administration de l’
agence de financement
des infrastructures de transport de France, et de l’arrêté du 13 septembre 2005 relatif à l’indemnité allouée au
président du conseil d’administration de l’
agence de financement des infrastructures de transport de France.
86
S’ajoute à ces effectifs –
outre le président de l’établissement –
un agent comptable à temps partiel, qui
cumule cette fonction avec celle de chef du département comptable ministériel.
87
L’agent comptable indique ainsi dans son rapport portant sur les comptes de l’exercice 2021 que la situation
en matière de ressources humaines au niveau du secrétariat général a été «
très délicate en fin d’année
»
et que
cette situation
«
aurait pu limiter l’activité de l’agence et obérer ses résultats
».
88
L’audition de P. Vergriete le 11 janvier 2023 en vue de sa nomination à la tête de l’AFIT a donné lieu à des
remarques suivantes de la part de députés. L’AFIT «
paie la note d’un menu qu’elle n’a pas choisi. Je vous
sais dynamique, innovant et déterminé. Pourquoi être candidat à un poste qui a si peu de pouvoir ?
» - Mme
L’AGENCE DE FIN
ANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
55
projets qui se sont déjà traduits par des engagements et des paiements de sa part, elle déclare
que leur stade d’avancement est suivi par la DGITM et que leur trajectoire financièr
e a été
étudiée dans le cadre des travaux du COI. Dans le cas particulier de la « Nouvelle Route
Littorale de la Réunion », par exemple, elle répond que son financement sera pris en compte
dans le cadre de la révision de la LOM.
Dans l’exercice quotidien
de ses missions, essentiellement juridiques et comptables,
elle doit dans une large mesure recourir à l’expertise et aux moyens logistiques et matériels
de la DGITM, dont les services, ainsi que ceux des DREAL et des DDT, instruisent les
appels de fonds et attestent des services faits.
S’agissant de la réflexion et de la concertation sur la politique des transports, l’agence
ne saurait devenir le lieu idoine : ce ne serait ni dans son rôle, en aval de la décision publique,
ni dans ses moyens et cela l’éloig
nerait considérablement de sa tâche et de son
fonctionnement au quotidien.
Il s’agit désormais de la mission du COI
89
.
2.5.2
Un instrument de contournement de la législation budgétaire
Le financement de
l’agence
par voie de taxes affectées et le reversement d’une
fraction majoritaire de ses crédits au ministère de la transition écologique et de la cohésion
des territoires par voie de fonds de concours permet à celui-
ci de s’affranchir du contrôle
parlementaire pour plus de la moitié de ses dépenses relatives aux transports.
À cet égard, des parlementaires se plaignent de n’avoir pas connaissance du budget
initial prévisionnel de l’AFIT au moment de se prononcer sur les crédits du programme 203,
alors que l’agence bénéficie essentiellement de taxes affectées par l’
État, ensuite
majoritairement reversées à ce dernier sous forme de fonds de concours, principalement à ce
même programme 203. Or, ces fonds de concours sont inscrits pour un montant seulement
évaluatif dans le PLF et de manière globalisée. Ces parlementaires font valoir que bien
qu’adopté en décembre, le budget de l’AFIT est déjà largement mis au point au moment de
l’examen du PLF puisque nécessairement établi parallèlement au programme 203,
qui en
dépend de manière importante.
En outre
, l’existence de l’
AFIT permet au ministère de la transition écologique et de
la cohésion des territoires
de s’
exonérer de certaines dispositions de la loi organique n°2001-
692 du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), notamment :
-
du principe d’universalité budgétaire posé à l’article 6. En effet, même si la procédure
d’affectation de certaines recettes à certaines dépenses par voie de fonds de concours
est prévue par la LOLF, rien ne s’oppose au financement par crédits budgétaires des
dépenses réalisées par
l’agence
;
C. Petex-Levet (LR). «
Vous précisez dans vos réponses au questionnaire que l’agence est un relais efficace
des orientations stratégiques du Gouvernement. Effectivement, on ne saurait faire plus proche, puisque le
ministère chargé des transports est directement aux commandes.
» -
L. Prud’homme (LFI).
89
Au début du mois de juin 2023, le ministre délégué chargé des transports a également proposé «
la création
d’une conférence nationale des transports associant l’État, les régions ou les métropoles pour discuter
régulièrement de nos problématiques communes de transports
: tarifs, billet unique, investissements…
».
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
56
-
de la limitation à 3 % du report des
crédits budgétaires prévue par l’article 15. Cet
article ne fixant pas de contrainte pour les crédits de fonds de concours, aucun
contrôle n’est réalisé sur les reports de crédits de l’
AFIT, alors même que la sous-
consommation récurrente des crédits de paiement ouverts dans le budget initial de
l’agence indique un non
-respect assez fréquent de cette norme. Cette situation
constitue
un contournement du principe d’annualité budgétaire.
Enfin, le fonctionnement d
e l’
AFIT est
peu compatible avec d’autres dispositions de
la LOLF, en particulier :
-
avec la disposition de l’article 17 prévoyant que les fonds de concours sont constitués
de fonds à caractère non fiscal
alors que l’agence est majoritairement financée par
voie de taxes affectées ;
-
avec la règle figurant également à l’article 17 qui prévoit que l’emploi des fonds de
concours doit être conforme à l’intention de la partie versante, ce qui apparaît
difficile à caractériser au regard du manque d’autonomie du conseil d’administration
de l’agence.
2.5.3
Une lisibilité de la politique d’investissement de l’État
très peu améliorée
L
a DGITM reconnaît que les circuits entre l’État et l’AFIT «
sont effectivement
complexes
». Des ressources en provenance de l’État, ou des frac
tions de taxe étatique
alimentent l’AFIT dont une part importante des dépenses (66
% des paiement en 2022)
consiste en des fonds de concours au bénéfice de programmes budgétaires de l’État, au
premier chef le programme 203 (2,1 Md€ de CP en 2022), mais au
ssi le programme 162
(programme d’intervention territoriale de l’État pour la Guyane et programme exceptionnel
d’investissement en Corse
-
36 M€ de CP en 2022) et le programme 113 (ouvrages de
défense contre la mer -
5 M€ de CP en 2022). D’où de nombreux f
lux croisés.
Par ailleurs, on a vu qu’en l’état actuel des choses, le périmètre des dépenses prises
en charge par l’AFIT ne permet pas de prendre pleinement connaissance du détail et du
montant des investissements dans les infrastructures financées par l’
État.
2.5.4
L’inadaptation du budget de l’État à la gestion d
es investissements : un
a
priori
contestable
Alléguée par la DGITM, l
’inadaptation du budget de l’État à la gestion
d’investissements pluriannuels découlerait des aléas inhérents aux grands projets (r
etards ou
accélérations, surcoûts etc…) et des contraintes liées à l’application des lois de finances
(réserve et régulation budgétaires, règles limitatives en matière de reports de crédits).
Pourtant, le découplage entre engagements et paiements, au moyen des autorisations
d’engagement et des crédits de paiement, vise précisément à prendre en compte les
contraintes liées à certaines dépenses, dans le cadre du budget de l’État. Il en est d’ailleurs
fait un usage important.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
57
En outre, la DGITM évoque la stabilité et la continuité des financements, donc une
forme de « sanctuarisation ». En réalité, celle-
ci apparaît peu démontrée. L’AFIT n’assure
pas, ni en soi
ni en pratique, la soutenabilité financière des engagements pris par l’État. Rien
ne garantit que ses ressources soient adaptées à ses besoins futurs ; dans les faits
, c’est dans
une large mesure le budget de l’État qui, directement ou
indirectement, par le biais de
dotations occasionnelles et, surtout, de la modulation de la part de TICPE affectée à l’agence,
abonde
tous les ans
les recettes de l’AFIT à hauteur de ses dépenses.
Au demeurant, ces arguments ne sauraient légitimer l’existence d’une age
nce telle
que l’AFIT au regard de la doctrine que l’État s’est donnée lui
-
même. Comme l’a rappelé le
rapport de la Cour des comptes de janvier 2021 sur les relations entre l’État et ses opérateurs,
la circulaire du Premier ministre n° 5647/SG du 9 avril 20
13 (Modalités d’organisation des
services de l’État ; recours à la formule de l’« agence ») énonce les conditions justifiant la
création d’une agence
: missions précisément définies, efficience supérieure à celle des
services de l’État, expertise spécifiqu
e, nécessité de nouer des partenariats, nécessité de
disposer d’une autonomie. Elle précise que la préservation ou la sanctuarisation de moyens,
la volonté d’accorder une plus grande visibilité à une politique publique ou la création d’un
régime dérogatoire au droit commun des administrations
c’est
-à-dire les arguments mis en
avant pour dans le cas de l’AFIT
- ne justifient pas le recours à une agence.
En outre une circulaire du Premier ministre en date du 5 juin 2019, relative à la
transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, prescrit
qu’«
afin de réduire substantiellement le nombre d’organismes n’ayant pas la taille critique,
les administrations devront justifier le maintien des structures dont la taille n’excède pas
100 ETP ».
L’ensemble des points qui viennent d’être évoqués expliqu
ent que, vingt ans après
sa création, la direction du budget et la direction générale du trésor ont exprimé un avis
favorable à la suppression de l’AFIT.
2.5.5
Des formules alternatives à
celle d’un établissement public
2.5.5.1
Un
statu quo
peu justifiable
Au regard de l’ensemble des développements précédents, le
statu quo
,
c’est
-à-dire le
recours à
un établissement public pour gérer, en réalité, des crédits de l’Etat,
est peu
défendable.
À cet égard, même
l’option de
la fusion de la présidence du COI et de l’AFIT
ne
présente pas
un intérêt suffisant pour justifier la pérennisation de l’
agence. Certes, elle
établirait un lien continu entre une telle présidence conjointe
et l’administration. Cependant,
un COI renforcé, comme proposé plus haut, y pourvoirait déjà. Au demeurant
, il n’y a pas
de gain majeur à attendre du rapprochement des deux institutions, l’AFIT produisant une
information essentiellement comptable et
d’ores
et déjà publique. Le rôle de « conseiller »
du COI n’en sortirait donc pas raffermi et on pourrait même se demander s’il n’y a pas une
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
58
contradiction entre celui-
ci et la présidence de l’AFIT, organe d’exécution, qui
conduit le
président à défendre les décisions des pouvoirs public
s, quelles qu’elles soient.
En fait, les comptes-
rendus des réunions du CA de l’AFIT démontrent l’inutilité de
cette instance, tandis qu’on voit mal,
tant au plan des principes
qu’au vu de
l’expérience,
l’intérêt de confier à un
e personnalité
politique la présidence d’une institution privée de
marge de décision, essentiellement chargée de tâches administratives, d’une taille aussi
réduite. Ceci explique sans doute en partie la fréquence élevée des changements de titulaires
et des périodes de vacance à ce poste, ainsi que, le plus souvent, le cumul de cette fonction
avec d’autres responsabilités exécutives locales importantes
.
2.5.5.2
La création d’un compte d’affectation spéciale (CAS)
Dans les faits, l’Agence remplit aujourd’hui le rôle a
ttribué ordinairement à un CAS,
réputé retracer,
selon la LOLF
90
, «
dans les conditions prévues par une loi de finances, des
opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en
relation directe avec les dépenses concernées
», ces dernières ne pouvant être des rémunérations.
Les recettes des CAS peuvent être complétées par des versements du budget général, dans
la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte, ce qui correspond
approximativement à la part moyenne des dotations budgétaires dans le budget de
l’
agence
entre 2016 et 2023.
Le principal intérêt
de la création d’un CAS consisterait dans l’affectation de
certaines recettes à certaines dépenses de transport qui leur sont liées, en particulier dans
l’optique du financement du «
report modal ». Toutefois, consacrer des recettes préexistantes
à des dépenses déjà programmées, en pratique en fonction des besoins annuels, confère un
caractère assez artificiel à cette idée - que le moyen en soit un établissement public ou un
compte d’affectation spéciale.
Si l’attrition progressive des recettes de TICPE soulève la question de son
remplacement, que la Cour a déjà posée
91
, rien ne garantit qu’un nouveau prélèvement,
comme aujourd’hui cette dernière, a
pporte des ressources à concurrence des besoins
d’investissement
-
c’est
-à-dire ni plus, ni moins que ces derniers. Elles pourront tout aussi
bien s’avérer insuffisantes que trop importantes, ce qui constitue un des inconvénients
traditionnels des taxes affectées. À
cet égard, l’usage du budget général paraît plus expédient
et plus protecteur des deniers publics.
Enfin, la pratique consistant à faire coïncider annuellement autorisations
d
engagement
et crédits de paiement dans le cas d’un compte d’affectation spéciale n’en fait
pas le bon outil de gestion de crédits pluriannuels.
90
Article 21 de la loi organique relative aux lois de finances, du 1
er
août 2001.
91
«
[… ] à terme, la
décarbonation des motorisations conduira à un remplacement de la taxation des carburants
par un autre prélèvement, éventuellement fondé sur les distances parcourues, cette transition étant déjà amorcée
dans certains pays », Cour des c
omptes, rapport public thématique sur l’entretien des routes nationales et
départementales, mars 2022.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
59
2.5.5.3
La solution de la rebudgétisation
La loi organique sur les finances publiques a prévu et permet la gestion de crédits
d’investissement pluriannuels dans le cadre du budget de l’
État - en particulier la distinction
entre autorisations d’engagement et crédits de paiement.
À
titre d’exemple,
on peut citer la
mise en œuvre de la loi, pluriannuelle, de programmation militaire dans le cadre de la
mission Défense, et du programme n°146 « Équipement des forces ». Les difficultés
éventuelles
que d’aucuns veulent souligner (liées à d’éventuelles
mises en réserve ou
régulations infra-annuelles) renvoient à des décisions prises en gestion
et non à l’instrument
budgétaire.
L
a création d’une mission budgétaire «
politique publique des transports »,
contribuerait
à la fois à un regroupement de crédits d’investissement ayant la même vocation
et à une
clarification souhaitable au sein du budget de l’
État. De fait, la mission « Écologie,
développement et mobilité durables », mêle
aujourd’hui
des politiques nombreuses et
hétérogènes, reposant sur 9 programmes, 36 opérateurs et représentant plus de 36 Md
de
crédits de paiement en 2022.
La préparation de décisions aussi stratégiques
au sein de l’administration y gagnerait,
de même que le suivi de la politique d’investissement qui en serait une composante
essentielle. En particulier
, la création d’une nouvelle mission entraînerait l’organisation d’un
débat budgétaire au Parlement, la r
édaction d’un programme et d’un rapport annuels de
performance, de notes d’exécution budgétaire et d’un chapitre dans la loi de règlement.
Recommandation n° 4.
(DGITM, DB, DG Trésor, 2025) :
Supprimer l’AFIT et
créer une mission « Politique publique des transports » au sein d
u budget de l’
État.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ____________________
Le
rôle de l’AFIT est très limité. Son conseil d’administration ne fait qu’avaliser des
décisions déjà prises par le Gouvernement et l’administration, au point que la question
du
financement des investissements de transport
, au principe même de la création de l’agence,
puisse dans certains cas passer au second plan. L
’agence, près de vingt ans après sa
fondation, ne dispose toujours pas, après plusieurs échecs, des ressources stables,
prévisibles et pérennes conformes à son objet.
La lisibilité de
la politique d’investissement des pouvoirs publics se trouve limitée
par le manque de clarté du champ des dépenses prises en charge par l’agence, ce dernier
s’étant considérablement étendu, sans beaucoup
de rigueur, tout en ne présentant pas un
état exhaustif des concours de l’État aux investissements dans les transports.
Cette agence constitue seulement un intermédiaire comptable et juridique créé à des
fins de facilité de gestion pour le ministère chargé des transports. Pour en justifier
l’existence, ce dernier met en avant l’inadaptation du budget général aux contraintes de
gestion de crédits d’investissement
sans toutefois en faire la démonstration. En effet, en
particulier
depuis l’adoption de la loi
organique relative aux finances publiques de 2001, le
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
60
cadre budgétaire
de l’
État est conçu pour la gestion pluriannuelle de telles dépenses,
d’ailleurs mise en œuvre
dans de nombreux domaines.
En
pratique, l’AFIT n’a pas permis d’apporter
une forme de discipline dans la prise
de décision en matière d’investissement
ni
de mettre en œuvre une programmation
de
manière rigoureuse. Son mode de financement ne garantit pas non plus la soutenabilité
financière des engagements pris par l’État.
Enfin, malgré des améliorations, le
statut d’établissement public
administratif de
l’
agence, inadapté tant au regard de son rôle que de ses moyens, réduits à quelques ETP,
est à l’origine de
certaines difficultés de fonctionnement et de gestion.
Ces constats conduisent à réitérer la recommandation initiale de la Cour en 2009, à
savoir
supprimer l’AFIT
et
intégrer ses financements au sein du budget de l’
État.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
61
ANNEXES
Annexe n° 1.
L’adoption de la
convention de financement du canal Seine-
Nord-
Europe par le conseil d’administration de l’AFIT du 20
novembre 2019
...........................................................................................
62
Annexe n° 2.
La répartition, de 2016 à 2022, des dépenses de l’AFIT
entre
les cinq programmes d’investissement prioritaires définis
par la LOM
.................................................................................................
64
Annexe n° 3.
Les États de l’Union européenne qui avaient établi des
prélèvements sur les poids lourds liés à l’usage des infrastructures
routières au milieu des années 2010
...........................................................
66
Annexe n° 4.
Les dix principaux projets d’investissement financés par
l’AFITF entre 2016 et 2022 en AE
............................................................
67
Annexe n° 5.
Les dix principaux projets d’investissement financés par
l’AFIT entre 2016 et 2022 en CP
...............................................................
68
Annexe n° 6.
Les principaux postes de restes à payer sur 2023-2027
....................
69
Annexe n° 7.
L’état du différend actuel avec les sociétés concessionnaires
d’autoroute sur la question de la taxe d’aménagement du territoire
et des contributions volontaires de ces sociétés
.........................................
70
Annexe n° 8.
Présentation des états financiers de l’AFIT (2016
-2022)
..................
72
Annexe n° 9.
Erreurs et omissions comptables constatées dans les comptes
de l’AFIT entre 2016 et 2022
.....................................................................
75
Annexe n° 10.
Analyse du respect par l’AFIT des obligations qui lui
incombent au regard de la réglementation budgétaire dans le cadre
de la présentation et de l’adoption de ses budge
ts et de son compte
financier au cours de l’exercice 2022
.........................................................
79
Annexe n° 11.
L’exécution budgétaire de l’AFIT 2016
-2022
..................................
84
Annexe n° 12.
Les engagements de l’AFIT au cours de la période 2016
-
2022
...........................................................................................................
85
Annexe n° 13.
Les paiements par l’AFIT au cours de la période 2016
-2022
...........
87
Annexe n° 14.
Données chiffrées relatives aux restes à payer de l’AFIT au
cours de la période 2016-2022
...................................................................
89
L’AGENCE DE FINA
NCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
62
Annexe n° 1.
L’ado
ption de la convention de financement du canal Seine-
Nord-
Europe par le conseil d’administration de l’AFIT du 20 novembre 2019
Il s’agissait de l’objet essentiel de cette séance, en vue de la signature, le
surlendemain, d’un accord de financement avec les
collectivités territoriales concernées, à
l’occasion d’un comité stratégique du CSNE à Nesle dans la Somme, auquel devait participer
le Président de la République.
Un troisième budget rectificatif de l’année devait prendre en compte la dotation en
AE cor
respondante, pour un montant de 1,05 Md€ (portant le total de 2019 pour l’AFIT à
3,6 Md€), étant entendu l’absence d’effet sur les CP en 2019 et «
a priori
» en 2020 selon
C. Béchu, président de l’AFIT. Il indique qu’«
il y aura certainement des modifications
ultérieures à apporter à cette somme
», présentée à la fois comme «
calée
» tardivement,
mais aussi comme «
la bonne somme à débattre
» selon le DGITM, «
en cet instant
» ajoute
M. Béchu, ces différentes affirmations ne s’accompagnant d’aucun argument
précis.
Le procès-verbal indique :
«
M. Michel Neugnot
92
souhaiterait avoir l’assurance que la couverture de ce
montant de près d’1,1 Md€ ne sera pas réalisé à partir des 13,7 Md€ inscrits dans la LOM,
mais avec des recettes supplémentaires. Il émet la même
demande si, d’aventure, l’Agence
avait à rentrer dans un tour de table financier analogue pour TELT.
M. Christophe Béchu note que la LOM sanctuarise une trajectoire financière de 13,7
Md€ sur 5 ans pour l’Agence et s’en félicite. Il note également le fait
que les dépenses
relatives à ces quelque 1,1 Md€ pour le canal SNE ne devraient intervenir qu’à partir de
2021.
Il replace alors les choses dans leur calendrier
: dans l’immédiat, en réponse à une
mobilisation unanime des collectivités territoriales et à
un soutien massif de l’Europe, l’
État
a jugé nécessaire de valider sa participation au tour de table financier et c’est l’objet de
l’inscription des AE dans le budget de l’Agence.
Mais il convient, maintenant, de mettre à profit l’échéance de temps qui nous est
laissée avant que les paiements deviennent effectifs pour finaliser la question des ressources
correspondantes. Il prend donc l’engagement de saisir Mme Elisabeth Borne et M.
Jean-
Baptiste Djebbari sur la question de la soutenabilité financière de l’Agence et d’en faire
retour devant le Conseil.
M. Marc Papinutti note, pour sa part, que le canal SNE figurait déjà dans le Grenelle
de l’environnement mais pas dans le périmètre
de la réflexion ayant abouti à la fixation des
13,7 Md€ de la LOM. La loi l’évoque bien, mais de manière spécifique. Il rejoint alors M.
Christophe Béchu dans la relativisation des choses. C’est l’engagement de l’
État qui doit
92 Premier vice-président de la région Bourgogne Franche-Comté, en charge des mobilités, des transports
scolaires, de l’intermodalité et des
infrastructures.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
63
être acté vendredi. Tandis que le travail sur les moyens financiers appropriés, déjà engagé
par la DGITM et la DB, doit maintenant se poursuivre.
».
À la suite de cet échange, le CA de l’agence adopta à l’unanimité de ses membres
présents ou représentés tant le budget rectificatif que la convention de financement, bien que
le texte de cette dernière comportât deux articles dont la rédaction était inachevée, portant
notamment sur la date de son entrée en vigueur - mandat étant donné au président du CA de
finaliser ces dispositions puis de signer la convention.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
64
Annexe n° 2.
La répartition, de 2016 à 2022, des dépenses de l’AFIT entre
les
cinq programmes d’investissement prioritaires définis
par la LOM
source DGITM
Réponse de la DGITM à la demande n°36 de la Cour (« Indiquer la répartition, de 2016 à
2022, des dépenses de l’AFIT en AE et en CP entre les cinq programmes d’investissement
prioritaires définis par la LOM »), en date du 14 avril 2023 :
Cette répartition selon les cinq programmes de la LOM ne constitue pas un axe d’analyse
spécifique de s
uivi dans le SI de l’AFITF
93
. Une répartition d’ordre interne peut néanmoins
être réalisée en fonction des opérations et types d’opérations financés par l’agence.
Les cinq programmes d'investissement prioritaires définis par la LOM (article 1) sont les
suivants :
« a) L'entretien et la modernisation des réseaux nationaux routiers, ferroviaires et
fluviaux existants ;
b) La résorption de la saturation des grands nœuds ferroviaires, afin de doubler la
part modale du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains ;
c) Le désenclavement routier des villes moyennes et des régions rurales
prioritairement par des aménagements des itinéraires existants ;
d) Le développement de l'usage des mobilités les moins polluantes et des mobilités
partagées au quotidien, afin de renforcer la dynamique de développement des transports en
commun, les solutions de mobilité quotidienne alternatives à la voiture individuelle et les
mobilités actives au bénéfice de l'environnement, de la santé, de la sécurité et de la
compétitivité ;
e) Le soutien à une politique de transport des marchandises ambitieuse, et notamment
le renforcement de l'accessibilité des ports, des pôles logistiques et des grands itinéraires
internationaux ferroviaires, maritimes et fluviaux. »
Pour le mode ferroviaire (hors les « mises aux normes »), il est difficile de distinguer dans
les opérations de la comptabilité budgétaire de l’AFITF ce qui relève
respectivement des
programmes b ou
d. Par exemple la première phase d’une LGV qui «
développe l’usage des
mobilités moins polluantes » (d) peut être une «
désaturation d’un nœud ferroviaire
» (b).
Ces deux programmes sont donc confondus dans le suivi présenté ci-dessous.
93
Sic
. L’acronyme «
AFIT
» s’est substitué à «
AFITF » en novembre 2021.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
65
Le tableau suivant présente ces dépenses selon les programmes LOM, au niveau de la
dépense finale
94
(CP en M€)
:
Tableau n° 10 :
Les dépenses prévues de l’AFIT selon les 5 programmes de la LOM
N.B
: les 346 M€ «
Multimodal/Autres
» en 2018 s’expliquent par le versement d’une indemnité pour l’écotaxe
(326 M€). Les 24 M€ «
fonctionnement
» en 2016 s’expliquent par le remboursement d’un prêt à l’AF
IT (23
M€).
Les indications chiffrées de 2019 n’étaient pas exhaustives
95
et, par ailleurs,
couvraient une période d’une décennie, de 2018 à 2027, ce qui rend difficile la comparaison
des programmes et des réalisations, contrairement à ce qui devrait être leur vocation.
94
Les AE sont des dépenses moins régulières que les CP, notamment en raison des projets qui nécessitent un
volume d’AE important pour être engagés. L’évolution des
CP est ainsi un indicateur plus précis.
95
En revanche, elles distinguaient bien les programmes b et d.
LOM
Programmes LOM
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Evolution 2022-2016
a
L'entretien et la modernisation des
réseaux nationaux routiers, ferroviaires
et fluviaux existants
621
577
681
718
795
942
979
58%
c
Désenclavement routier des villes
moyennes et des régions rurales
348
421
457
464
547
441
461
33%
d et b
Développement de l'usage des mobilités
les moins polluantes et des mobilités
partagées au quotidien et résorption de
la saturation des grands nœuds
ferroviaires
906
1 018
1 029
1 212
1 392
1 399
1 491
65%
Multimodal/Autres Multimodal/Autres
69
68
346
16
14
36
55
-20%
e
Soutien à une politique de transport des
marchandises ambitieuse
76
70
59
54
74
233
301
298%
fonc.
Fonctionnement AFITF
24
1
1
1
1
1
1
Sans objet
Total général
-
2 044
2 155
2 573
2 465
2 824
3 051
3 289
61%
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
66
Annexe n° 3.
Les États de l’Union européenne
96
qui avaient établi des
prélèvements sur les poids lourds
liés à l’usage des infrastructures routières au
milieu des années 2010
Redevance kilométrique
Droits d’usage du réseau routier
Autriche
Danemark
République tchèque
Lituanie
Allemagne
Luxembourg
Slovaquie
Pays-Bas
Pologne
Roumanie
Hongrie
Bulgarie
Slovénie
Suède
Portugal
Royaume-Uni
Belgique
Source
: Rapport d’information de la commission des finances sur le financement des infrastructures de
transport (septembre 2016)
96
Ainsi que le Royaume Uni.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
67
Annexe n° 4.
Les dix principaux projets
d’investissement financés par l’AFITF
entre 2016 et 2022 en AE
Projet
AE
(M€)
Années
d’engagement
Tunnel européen Lyon-Turin (TELT)
1997
2016 -2022
Canal Seine Nord Europe (CSNE)
1 065
2019
RCEA Route Centre Europe Atlantique (P203)
296
2016-2022
TET - matériel roulant (Région Normandie)
720
2016
TET - rames automotrices Paris-Clermont-Ferrand et
Paris-Limoges-Toulouse (SNCF Voyageurs)
687
2019
TET
-
matériel
roulant
nouvelle
tranche
(SNCF
Voyageurs)
484
2018
TET
-
matériel
roulant
nouvelle
tranche
(SNCF
Voyageurs)
362
2017
TET - matériel roulant (Région Hauts de France)
250
2018
Nouvelle Route du Littoral (La Réunion)
290
2016
Serqueux-Gisors (SNCF Réseau)
104
2017 et 2022
Source AFIT
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
68
Annexe n° 5.
Les dix principaux projets d’investissement financés par l’AFIT
entre 2016 et 2022 en CP
Projet
CP (M€)
Années de
dépense
TET - matériel roulant (Région Normandie)
720
2017-2021
Tunnel européen Lyon-Turin (TELT)
576
2016-2022
TET
-
matériel
roulant
nouvelle
tranche
(SNCF
Voyageurs)
345
2018-2022
LGV Sud Europe Atlantique (SEA) (SNCF R)
721
2016-2021
PPP Financement ligne ferroviaire à grande vitesse Bretagne
- Pays de la Loire (BPL) (SNCF R)
575
RAP (restes à
payer): 1 567
2016-2022
PPP Financement du système de télécommunication GSM-
R sur le réseau ferré national (SNCF R)
550
RAP: 125
2016 -2022
PPP Financement contournement ferroviaire Nîmes et
Montpellier
502
RAP: 1 779
2017-2022
Nouvelle Route du Littoral (La Réunion)
419
2016-2022
TET - matériel roulant nouvelle tranche (SNCF Voyageurs)
315
2017-2022
TET - rames automotrices Paris-Clermont-Ferrand et Paris-
Limoges-Toulouse (SNCF Voyageurs)
161
2016-2022
LGV EST (SNCF R)
274
2016-2021
RCEA Route Centre Europe Atlantique (P203)
178
2016-2022
Canal Seine Nord Europe (CSNE)
156
2021-2022
L’AGENCE DE FINAN
CEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE
(AFIT)
69
Annexe n° 6.
Les principaux postes de restes à payer sur 2023-2027
Lyon-
Turin tunnel de base : 1 631 M€ ;
CPER volet transports en commun en Ile-de-
France : 1 473 M€ ;
CPER (et contrats analogues outre-
mer) volets routiers : 1 468 M€ ;
Canal Seine Nord Europe : 949 M€
;
Trains d’équilibre du territoire
- Matériel roulant et dépenses annexes (commandes
passées pour l’
État
et pour les lignes transférées aux régions) : 744 M€
CPER volets ferroviaires : 740 M€ ;
LGV Bretagne Pays de la Loire (PPP) : 510 M€ ;
LGV Nîmes Mont
pellier (PPP) : 480 M€ ;
Appel à projets Mobilités actives (déjà engagés, hors 99 M€ restant à engager) :
306
M€;
AAP transports en commun hors IdF : 298 M€ ;
Fret ferroviaire (capillaires, autoroutes ferroviaires…) : 271 M€ ;
CPER portuaires : 226 M€ ;
Ro
ute Centre Europe Atlantique : 172 M€ ;
Métro Toulouse : 145 M€ ;
Rocade L2 de Marseille (PPP) : 137 M€ ;
Global System for Mobile communications - Railways (standard de communication
basé sur le GSM, et développé spécifiquement pour les applications et les
communications ferroviaires)
: 124 M€.
L’AGENCE DE FINANCEM
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(AFIT)
70
Annexe n° 7.
L’état du différend actuel avec les sociétés concessionnaires
d’autoroute sur la question de la taxe d’aménagement du territoire et des
contributions volontaires de ces sociétés
97
Conformément au protocole de 2
015, l’État, l’AFIT et les
sociétés concessionnaires
d’autoroute
(SCA) ont conclu sept conventions précisant les modalités de versement de la
contribution volontaire exceptionnelle (CVE), ainsi que les modalités de règlement des
différends relatif à l’interprétation ou à l’application des conventions CVE (article 5 des
conventions). Ces sept conventions sont rédigées en des termes identiques, seuls les
montants de la CVE varient pour chaque SCA.
Les SCA ont procédé sans difficultés au versement de la CVE de 2016 à 2020.
En décembre 2020, les SCA ont indiqué à l’État et à l’AFIT qu’elles entendaient
suspendre le versement de la CVE pour 2021 en raison du différend qui les opposait à l’État
à propos des conséquences de l’indexation de la TAT par la loi de fina
nces pour 2020. Les
SCA estimaient que cette indexation de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) était
assimilable à une hausse des prélèvements obligatoires et demandaient une compensation du
préjudice qu’elles estimaient subir sur le fondement de l’a
rticle 32 de leur cahier des charges.
L’État a refusé d’accorder une telle compensation
; ce refus a été contesté par l’ensemble
des SCA devant le tribunal administratif de Paris.
Considérant que ce différend sur la TAT constituait un «
refus implicite de
l’État de
mettre en œuvre les stipulations du Protocole de 2015
», les SCA ont d’une part, sollicité la
constitution de la commission de conciliation prévue à l’article 5 (règlement des différends)
des conventions CVE, afin d’examiner les demandes de compe
nsation des SCA à raison de
l’indexation de la TAT ; et d’autre part, indiqué qu’elles suspendaient, en application de
cette même disposition, le versement de la CVE pour 2021.
La conciliation demandée par les SCA s’est déroulée au cours du premier semestr
e
2021. Celle-
ci n’a pas permis aux parties de parvenir à un accord.
En août 2021, l’AFIT a notifié à chaque SCA un «
avis de sommes à payer » pour la
CVE 2021 et un titre de recettes afin de recouvrer ce montant. En septembre 2021, ces
décisions et ces titres ont été contestés par les SCA à la fois devant le tribunal judiciaire de
Nanterre (l’article 5 des conventions CVE prévoyant sa compétence) et devant le tribunal
97
Source : AFIT, réponse en date du 29 mars 2023 à la question n°57 « Décrire le différend actuel avec les
sociétés concessi
onnaires d’autoroute sur la question de la taxe d’aménagement du territoire et des
contributions volontaires, ainsi que le rôle et l’action de l’AFIT dans son règlement. Indiquer la nature juridique
de ces contributions volontaires. »
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(AFIT)
71
administratif de Cergy-
Pontoise Les SCA ont notamment relevé l’absence de publication de
la délégation de signature de la secrétaire générale de l’AFIT signataire des actes.
-
Faisant le constat de ce vice de forme, l’AFIT a indiqué aux SCA, par courrier du
18 novembre 2021, qu’elle retirait les titres de recette
; les SCA se sont dès lors désistées, le
17 février 2022, de leur recours initié le 7 septembre 2021 contre la CVE 2021.
Le 22 décembre 2021, l’AFIT a notifié aux SCA un nouvel avis de sommes à payer
pour la CVE 2021 et de nouveaux titres de recette. Ces nouveaux actes ont été attaqués par
les SCA, le 11 février 2022, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
S’agissant de la CVE 2022, les SCA ont adressé, en décembre 2021, au ministre
délégué chargé des transports et au président du conseil d’administration de l’AFIT un
courr
ier indiquant qu’elles entendaient suspendre son versement. Ce courrier précisait que «
cette suspension [était] motivée par la persistance du différend né du refus de la
compensation de la majoration de la Taxe d’aménagement du Territoire (TAT) résultant
de
l’indexation du taux de cette taxe décidée dans la LFI 2020
».
-
Le 13 mai 2022, en cohérence avec l’échéancier des conventions CVE, l’AFIT a
notifié à chaque SCA un avis de sommes à payer la CVE 2022 et un titre de recette afin de
recouvrer ce montant. Ces actes ont été attaqués par les SCA, le 8 juillet 2022, devant le
tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
À fin mars 2023 :
-
Le recours des SCA contre la décision de l’État de refuser toute compensation de
l’indexation de la TAT a été rejeté par le
tribunal administratif de Paris par jugement du 13
janvier 2023 ; les SCA ont interjeté appel contre cette décision.
- Le tribunal judiciaire de Nanterre a écarté, par jugement du 30 août 2022, sa
compétence pour juger des recours contre les actes relatifs au recouvrement de la CVE,
considérant que «
le protocole d’accord transactionnel du 9 avril 2015 étant un contrat
administratif [le TJ a fait référence sur ce point à l’arrêt du Conseil d’
État du 18 mars
2019], il s’ensuit que la convention litigieuse pour le versement d’une contribution
volontaire exceptionnelle à l’
AFIT
par la société concessionnaire d’autoroute, qui en est
l’accessoire, revêt également la nature de contrat administratif ; (…) le litige relève de la
compétence exclusive du juge administratif
» ;
-
La clôture de l’instruction portant sur les recours contre les actes de recouvrement
des CVE 2021 et 2022 a été annoncée au 13 avril 2022 ; les SCA n’ont pas répliqué à ce jour
aux mémoires en défense déposés par l’AFIT.
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(AFIT)
72
Annexe n° 8.
Présentation des
états financiers de l’
AFIT (2016-2022)
2016
Compte de résultat :
Charges (en k€)
1 790 370,0
Produits (en k€)
2 058 046,5
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
118 970,6
56,4
118 914,2
Passif
(en k€)
118 914,2
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
2017
Compte de résultat :
Charges (en k€)
2 397 082,7
Produits (en k€)
2 397 082,7
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
360 835,8
56,4
360 779,4
Passif (en k€)
360 779,4
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
2018
Compte de résultat :
Charges (en k€)
2 252 313,6
Produits (en k€)
2 252 313,6
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
14 132,4
34,2
14 098,2
Passif (en k€)
14 098,2
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
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(AFIT)
73
2019
Compte de résultat :
Charges (en k€)
2 478 454,1
Produits (en k€)
2 478 454,1
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
15 240,4
34,7
15 205,7
Passif (en k€)
15 205,7
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
2020
Compte de résultat :
Charges (en k€)
2 912 714,5
Produits (en k€)
2 912 714,5
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
84 870,2
35,2
84 834,9
Passif (en k€)
84 834,9
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
2021
Compte de résultat :
Charges (en k€)
3 264 588,5
Produits (en k€)
3 264 588,5
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
247 029,2
46,3
246 982,8
Passif (en k€)
246 982,8
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
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74
2022
Compte de résultat :
Charges (en k€)
3 331 888,9
Produits (en k€)
3 331 888,9
Bilan :
Brut
Amortissements
et dépréciations
Net
Actif (en k€)
290 032,3
58,4
289 973,9
Passif (en
k€)
289 973,9
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
75
Annexe n° 9.
Erreurs et omissions comptables constatées dans les comptes de
l’
AFIT entre 2016 et 2022
En 2018, un rapprochement des inventaires physique et comptable de l’actif a été réalisé.
Ce travail devra être finalisé afin de fiabiliser définitivement
les immobilisations de l’agence.
Les gestionnaires de l’AFIT ont également recensé
les factures d
intérêts de retard reçues par
l’établissement et inscrit ces derniers dans les comptes. Ces efforts ont permis d’améliorer
la
fiabilité des écritures comptables. Toutefois, outre ces inexactitudes identifiées et corrigées par
les gestionnaires de l’
agence,
d’autres
erreurs
n’ont pas été relevées.
De ce fait, et à cause du
caractère tardif des corrections réalisées, la plupart des états financiers de l
’AFIT entre 2016 et
2022 sont entachés
d’erreurs ou d’omissions.
L’imputation comptable de certaines données financières apparaît par ailleurs inexacte.
C’est le cas des dépenses d’intervention –
comptabilisées en charges de fonctionnement et non
en charges d’intervention –
et de la grande majorité des ressources de l’agence, comptabilisées
en « produits avec contrepartie directe », et non en « produits de la fiscalité affectée ». Ces
erreurs faussent la perceptio
n que les lecteurs des états financiers ont de l’activité de l’AFIT et
de ses ressources. Il serait également utile que la présentation de l’annexe aux comptes soit
normalisée, afin de faciliter la lecture des états financiers sur une base pluriannuelle.
Omissions constatées :
Au sein du bilan :
Passif :
-
Au titre des exercices 2016 à 2020 inclus, non-
comptabilisation d’un certain nombre de
factures d’intérêts de retard dues par l’agence (factures finalement prescrites).
Au sein de l’annexe
:
-
Caractère inco
mplet de l’état de l’actif présenté au titre de l’exercice 2016, qui ne permet
pas d’éclairer les chiffres inscrits à l’actif immobilisé du bilan et ne comprend aucune
immobilisation incorporelle ;
-
Au titre des exercices 2016 et 2017, absence
d’informations relatives aux factures
d’intérêts de retard dues par l’agence
;
-
Tout au long de la période sous revue, absence d’
éléments explicatifs relatifs aux lignes
« Consommation de marchandises et approvisionnements, réalisation de travaux et
consomm
ation directe de service par l’organisme au titre de son activité ainsi que les
charges liées à la variation des stocks », « Salaires, traitements et rémunérations
diverses », « Autres charges de personnel » et « Autres charges de fonctionnement (dont
pertes pour créances irrecouvrables)
», notamment dans le rapport de l’agent
comptable ;
-
Tout au long de la période sous revue, absence d’
éléments explicatifs permettant de
reconstituer le montant apparaissant à la ligne « Autres produits de gestion » ;
L’AGENCE DE FINANC
EMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
76
-
Tout au long de la période sous revue, les engagements financiers pluriannuels
(engagements hors bilan) de l’agence sont mentionnés au sein de l’annexe et sont
ventilés selon deux catégories de bénéficiaires (État et Autres tiers) ; cette exigence
résulte effectivement de la réglementation ; toutefois, afin de respecter pleinement celle-
ci
en particulier la norme N°13 du Recueil des normes comptables pour les
établissements publics
il aurait été souhaitable que les principaux engagements pris
par l’
AFIT soient détaillés ;
-
Au titre de l’exercice 2018, absence d’informations relatives aux amortissements et
provisions.
Erreurs constatées :
Au sein du bilan :
Passif :
-
Au titre de l’exercice 2016, intégration du résultat de l’exercice au sein du report à
nouveau ;
-
Au titre des exercices 2016 et 2017, erreur dans le montant de la provision pour risque
relative aux factures d’intérêts de retard à régler par l’agence apparaissant au passif du
bilan (voir la correction effectuée en 2018 suite au travail de recensement des factures
effectué par l’ordonnateur)
;
-
Au titre des exercices 2016 à 2018 inclus, inscription d’un avoir (créance à recevoir)
d’un montant de 833,33 k€ non à l’actif du bilan à la ligne «
Créances clients et comptes
rattachés », ou « Créances sur les autres débiteurs », mais au passif du bilan, à la ligne
« Autres dettes non financières
», affecté d’un signe négatif.
Au sein de l’annexe
:
-
Au titre de l’exercice 2016, chiffre relatif aux immobilisations corporelles différent à
l’actif du bilan et au sein
de la rubrique dédiée à ce poste figurant dans l’annexe
;
-
Absence de mention de la sortie d’actif de plusieurs immobilisations au titre de
l’exercice 2016
;
-
Erreurs de chiffres au sein du rapport de l’agent comptable relatif à l’exercice 2016,
concernant notamment la situation définitive du compte 119 « Report à nouveau (solde
débiteur) » ;
-
Au titre des exercices 2016 à 2019 inclus, absence de comptabilisation, au sein de la
rubrique présentant l’état de l’actif, des licences des progiciels de gestion util
isés par
l’agence
;
-
Au titre de l’exercice 2019, erreur dans l’amortissement de la licence du logiciel AGE
figurant dans le tableau relatif aux immobilisations incorporelles fourni dans la rubrique
consacrée à l’état de l’actif
; dans le même document, inscription erronée de la sortie
d’actif de ce même applicatif
;
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
77
-
Au titre de l’exercice 2019, la liste des factures d’intérêts de retard dues par l’agence est
impossible à réconcilier avec celle qui figure dans l’annexe aux comptes de l’exercice
2018 ;
-
Au tit
re de l’exercice 2020, présence d’incohérences dans la rubrique relative à l’état de
l’actif (confusion entre les comptes «
Informatique-Bureautique » et « Mobilier de
bureau
» dans le résumé, sortie d’inventaire très précoce et donc sans doute erronée de
plusieurs éléments d’actif, incohérence entre le tableau d’état de l’inventaire et le
tableau de dotation aux amortissements pour certains matériels) ;
-
Au titre de l’exercice 2021, fourniture d’un certificat administratif erroné portant sur la
refonte du s
ite internet de l’agence
;
-
Au titre de l’exercice 2021, erreurs au niveau des amortissements (de l’exercice et
cumulés), ainsi que de la valeur nette des immobilisations dans le tableau relatif au
matériel informatique et bureautique figurant dans la rubri
que présentant l’état de
l’actif
;
-
Au titre de l’exercice 2021, erreur au niveau de la sortie d’actif du site internet de
l’agence dans le tableau qui lui est relatif figurant dans l’état de l’actif.
Imputations comptables erronées ou discutables :
Au sein du compte de résultat :
Partie Charges :
-
Au titre de l’exercice 2016, imputation des charges sociales portant sur les
rémunérations versées par l’
AFIT à son président et à son agent comptable au sein du
poste « Autres charges de personnel » retraçant les sommes remboursées au ministère
de la transition écologique et de la cohésion des territoires au titre du personnel mis à
disposition de l’agence par celui
-ci, et non au sein du poste « Charges sociales » de la
rubrique « Charges de personnel » ;
-
Tout
au long de la période sous revue, imputation des dépenses d’intervention de l’
AFIT
au sein des charges de fonctionnement à la ligne « Autres charges de fonctionnement
(dont pertes pour créances irrecouvrables)
» et non au sein des charges d’intervention à
la rubrique «
Dispositif d’intervention pour compte propre
» ;
Partie Produits :
-
Tout au long de la période sous revue, comptabilisation de la taxe d’aménagement du
territoire à la ligne « Subventions spécifiquement affectées au financement de certaines
ch
arges d’intervention en provenance de l’État et des autres entités publiques
» et non à
la ligne « Produits de la fiscalité affectée » ;
-
Tout au long de la période sous revue
à l’exception de l’exercice 2016 s’agissant de
la fraction de la TICPE affectée
à l’
AFIT
comptabilisation des produits issus de la
redevance domaniale, de la TICPE et des amendes résultant des contrôles radar au sein
de la rubrique «
Produits avec contrepartie directe (ou produits directs d’activité)
» à la
ligne « Autres produits de gestion » et non au sein de la rubrique « Produits sans
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
78
contrepartie directe (ou subventions et produits assimilés) » à la ligne « Produits de la
fiscalité affectée » ;
-
Au titre de l’exercice 2020, comptabilisation de remboursements relatifs à des
prestations de services au sein de la ligne « Ventes de biens ou prestations de services »
et non au sein de la ligne « Autres produits de gestion ».
Au sein du bilan :
Actif :
-
Tout au long de la période sous revue, comptabilisation des produits à recevoir au titre
des amendes résultant des contrôles radar à la ligne « Créances clients et comptes
rattachés
» de l’actif et non à la ligne «
Créances sur les redevables (produits de la
fiscalité affectée) » ou à la ligne « Créances sur des entités publiques (Etat, autres entités
publiques) des organismes internationaux et la Commission européenne ».
Passif :
-
Jusqu’en 2020, comptabilisation de factures anciennes non réglées pendant plusieurs
années à la ligne « Dettes fournisseurs et comptes rattachés » et non à la ligne « Autres
dettes non financières ».
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
79
Annexe n° 10.
Analyse du respect par l’
AFIT des obligations qui lui incombent au
regard de la réglementation budgétaire dans le cadre de la présentation et de
l’adoption de ses budgets et de son compte financier au cours de l’
exercice 2022
L
AFIT est un établissement public national à caractère administratif, doté de la
personnalité morale et de l’autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre chargé des
transports
98
. Il dispose de l
a qualité d’opérateur de l’État.
Du fait de son financement assuré
quasi-exclusivement par ce dernier,
l’agence
est soumise aux règles de la comptabilité publique
(titres I
er
et III du décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique
99
et Recueil des règles budgétaires des organismes
RRBO).
Au titre de son statut, l’AFIT est tenue de présenter chaque année
un budget initial, le
cas échéant, des budgets rectificatifs
, ainsi qu’un compte financier. Ces documents
doivent
respecter certains impératifs (présentation du budget par enveloppes
100
, respect d’un plafond
d’emploi, caractère limitatif des crédits
, approbation par les autorités de tutelle
…).
En outre,
l’agence doit produire un
document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de
personnel (DPGECP).
La réglementation budgétaire applicable aux organismes soumis aux titres I
er
et III du
décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012
relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
prévoit que les documents à établir dans le cadre de la présent
ation et de l’adoption des budgets
et du compte financier peuvent varier en fonction de la nature de l’entité concernée et de son
activité.
Pour ce qui concerne l’
AFIT, ses gestionnaires devraient, dans le cadre des délibérations
portant sur le budget init
ial de l’agence, établir et présenter systématiquement au conseil
d’administration huit tableaux budgétaires. Il s’agit des tableaux 1 (autorisations d’emplois), 2
(autorisations budgétaires), 3 (dépenses par destination), 4 (équilibre financier), 6 (situation
patrimoniale), 7 (plan de trésorerie) et 10 (tableau de synthèse budgétaire et comptable)
qui
sont obligatoires pour tous les établissements publics administratifs nationaux
ainsi que du
tableau 9 (prévision et exécution des opérations pluriannuelles), qui se justifie pleinement dans
le cas de l’
AFIT
, dont la mission est de gérer un dispositif d’intervention et qui contracte chaque
année des engagements pluriannuels pour des montants atteignant plusieurs milliards d’euros.
A ces huit tableaux devra
it s’ajouter, pour les exercices 2020 à 2022, le tableau 8 (opérations
sur recettes fléchées), nécessaire s’agissant des dépenses engagées et payées dans le cadre de la
mise en œuvre du plan «
France Relance ».
Pour l’établissement et l’approbation du comp
te financier, le principal ajustement
applicable à l’agence par rapport aux dispositions à caractère général prévues par le Recueil des
règles budgétaires des organismes (RRBO), porte sur la possibilité de ne pas fournir, dans le
dossier de présentation du compte, le tableau 5 (tableau des opérations pour compte de tiers),
inutile au regard du statut comptable de l’agence.
98
Article R. 1515-12 du code des transports.
99
Article R. 1512-19 du code des transports.
100
La présentation du budget doit distinguer les dépenses de personnel, les dépenses de fonctionnement et
d’intervention et les dépenses d’investissement.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
80
S’agissant enfin des budgets rectificatifs, aucun aménagement des obligations posées
par le RRBO ne peut être identifié dans le cas de l
AFIT.
Par rapport aux obligations qui lui incombent, l’agence n’établit et ne transmet
actuellement à son conseil d’administration
et à ses tutelles que des informations succinctes,
qui ne respectent ni les règles ni le formalisme prévus par la réglementation budgétaire, comme
le montre l’analyse des documents établis dans le courant de l’année 2022 à l’occasion de
l’adoption des différents budgets et du compte financier de l’établissement.
Analyse des documents budgétaires produits en 2022 par l’
AFIT :
Budget initial :
Pour ce qui concerne le vote du budget initial (il s’agit du budget de l’exercice 2023,
adopté fin 2022), l’
AFIT
n’a transmis à son organe délibérant qu’un seul des neuf tableaux
budgétaires qu’elle aurait dû établir (le tableau 3). Si l’on descend au niveau des tableaux de
chiffres composant chacun des dix tableaux budgétaires définis par la réglementation, l’agenc
e
n’en a réalisé que deux, le tableau des dépenses par destination (obligatoire) et le tableau des
recettes par origine (facultatif), sur les 19
dont 18 obligatoires
que la réglementation prévoit
dans le cas d’un établissement tel que l’
AFIT
101
. En parti
culier, l’agence n’a établi aucun des
quatre tableaux budgétaires sur lesquels son conseil d’administration devait se prononcer
(tableau des autorisations d’emplois, tableau des autorisations budgétaires, tableau d’équilibre
financier et tableau de situation patrimoniale).
S’agissant de la note de présentation de l’ordonnateur accompagnant le projet de budget,
elle apparaît assez succincte, mais peut être considérée comme respectant globalement les
exigences posées par la réglementation.
En revanche, la dél
ibération adoptée par le conseil d’administration n’intègre aucune
des composantes exigées par le Recueil des règles budgétaires des organismes (plafond des
autorisations d’emplois, plafond des autorisations budgétaires par enveloppes, variation de
trésore
rie, résultat et variation du fonds de roulement de l’établissement).
Il est vrai qu’un certain nombre d’informations prévues par la réglementation figurent
dans le dossier accompagnant le projet de budget 2023 établi par les gestionnaires de
l’établisseme
nt. Ces éléments sont présentés au sein de tableaux de chiffres dont le format est
spécifique à l’
AFIT
, qui sont intégrés dans la note de l’ordonnateur (on trouve ainsi un tableau
succinct d’autorisations budgétaires ne comportant cependant ni recettes, ni
ventilation des
dépenses par enveloppes). Toutefois, même en tenant compte de ces éléments, les lacunes par
rapport aux exigences réglementaires sont manifestes.
Par ailleurs, la fourniture d’un certain nombre d’informations ne constitue pas la seule
obli
gation à laquelle l’
AFIT
doit se conformer s’agissant de la présentation et de l’adoption de
ses documents budgétaires. En effet, le respect du formalisme des tableaux budgétaires défini
par la réglementation est obligatoire, comme le précise expressément le RRBO.
101
Sur ces 19 tableaux de chiffres, 13 sont obligatoires quel que soit le statut de l’établissement, un est facultatif
et cinq ne doivent être fournis que si l’activité de l’organisme le justifie, ce qui est le cas pour l’AFIT.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
81
Il est intéressant de noter que les manquements constatés dans les éléments portés à la
connaissance de l’organe délibérant de l’agence à l’occasion de l’adoption de son budget initial
ne relèvent pas d’une méconnaissance de la réglementation. En effet, la note de l’ordonnateur
accompagnant le projet de budget présente une structure qui dérive étroitement de celle utilisée
au sein du Recueil des règles budgétaires des organismes pour présenter les tableaux
budgétaires, dont cette note reprend partiellement les rubriques. Il apparaît donc que le RRBO
a servi de référence pour l’élaboration du dossier relatif au budget 2023 de l’établissement.
Budgets rectificatifs :
Les quatre budgets rectificatifs votés par le conseil d’administration de l’
AFIT au cours
de l’année 2022 présentent des lacunes voisines de celles constatées pour le budget initial.
Ainsi, aucun des quatre tableaux budgétaires dont la réglementation rend l’établissement et la
transmission à l’organe délibérant obligatoires (tableaux 1, 2,
4 et 6) n’a été fourni lors de
l’adoption de ces différents budgets. Par ailleurs, des tableaux dont le contenu aurait dû être
modifié au regard des données contenues dans les budgets rectificatifs
notamment les tableaux
9 et 10
n’ont pas non plus été
transmis au conseil d’administration de l’agence. En fait, seul
le tableau 3 a été établi et distribué aux administrateurs lors de l’examen des budgets
rectificatifs, sur le modèle de ce qui a pu être observé s’agissant du budget initial.
Pour ce qui conc
erne la note de l’ordonnateur accompagnant les budgets rectificatifs,
elle apparaît globalement complète, même si elle ne contient presque aucun élément explicitant
le mode de financement des dépenses supplémentaires. Le solde budgétaire est ainsi présenté
en déséquilibre dans plusieurs budgets rectificatifs, sans qu’il soit fourni d’élément permettant
d’anticiper ou de justifier un retour à l’équilibre.
Compte financier :
Le dossier transmis au conseil d’administration de l’
AFIT
dans le cadre de l’approbat
ion
de son compte financier (il s’agit du compte financier de l’exercice 2021 voté au début de
l’année 2022) présente de nombreuses omissions, même si, globalement, il apparaît plus
complet que ceux produits lors de l’adoption des différent
s budgets.
Pour ce qui concerne le compte financier lui-même, les tableaux budgétaires 1 et 4, ainsi
que l’annexe aux comptes –
tous documents présentant un caractère obligatoire
manquent, à
l’exception du rapport de l’agent comptable qui constitue une partie de l’annex
e. En revanche,
le tableau budgétaire 2 est fourni, de même que l’essentiel des états financiers (bilan, compte
de résultat et état d’évolution de la situation patrimoniale en droits constatés). S’agissant du
dossier devant accompagner le compte financier, aucun des tableaux budgétaires exigés par le
RRBO (tableaux 3, 7, 8, 9 et 10) n’a été transmis aux administrateurs, mais des informations
assez détaillées recoupant partiellement celles qui doivent figurer dans ces documents sont
présentées dans un format
spécifique à l’
AFIT. On note également la présence du tableau
retraçant la variation et le niveau du fonds de roulement, du besoin en fonds de roulement et de
la trésorerie de l’établissement, qui constitue une partie du tableau budgétaire 6, pourtant non
exigé par la réglementation dans ce cadre.
Le rapport de gestion de l’ordonnateur accompagnant le compte financier présente de
nombreux éléments d’information à destination du conseil d’administration. Toutefois, son
format est très éloigné de celui défini par le Recueil des règles budgétaires des organismes, et
un certain nombre d’éléments prévus par celui
-ci ne sont pas fournis (équilibre financier,
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
82
caractère soutenable de l’exécution budgétaire, risques financiers, trajectoire budgétaire…). De
plus, d’un point de vue général, l’analyse des données fournies apparaît superficielle.
Document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel :
Pour ce qui concerne le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de
personnel (DPGE
CP), ainsi que la note de l’ordonnateur qui doit l’accompagner, ces documents
n’ont pas été établis par l’
AFIT.
Spécificité de l’
AFIT au regard des documents relatifs aux dépenses de personnel :
Un élément important, spécifique à l’
AFIT, doit être précisé dans le cadre de cette
analyse. L’agence se trouve en effet dans une situation particulière au regard de ses dépenses
de personnel, dans la mesure où la quasi-
totalité des agents qu’elle emploie sont mis à sa
disposition par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. De ce
fait, l’agence ne dispose pas –
à l’inverse de la quasi
-
totalité des opérateurs de l’État –
d’un
plafond d’autorisations d’emplois voté en loi de finances. Cette particularité limite l’
intérêt des
documents budgétaires dédiés aux ressources humaines dont le RRBO demande la production
(il s’agit essentiellement du tableau budgétaire des autorisations d’emplois –
tableau 1
et du
DPGECP).
Toutefois, la réglementation ne prévoit pas de dér
ogation à l’élaboration de ces
documents pour les établissements
se trouvant dans la situation de l’
AFIT. Par ailleurs, la
plupart des tableaux relatifs aux dépenses de personnel incluent les emplois hors plafond, les
agents mis à disposition des organismes dont le coût est pris en charge par ceux-ci, de même
que les personnels temporaires (stagiaires). Ainsi, si l’on excepte le tableau détaillant les
facteurs d’évolution des dépenses de personnel qui figure dans le DPGECP –
qui n’a pas
beaucoup de sens dan
s le cas de l’
AFIT, mais pour lequel des dispenses ou des aménagements
de format peuvent être accordés
102
aucune raison impérative ne s’oppose à la production de
ces documents par l’
AFIT.
Conclusion :
D’un point de vue global, l’analyse du respect par l’
AFIT des obligations réglementaires
qui s’imposent à elle dans le cadre de la présentation de ses documents budgétaires révèle de
sérieuses lacunes. Même en tenant compte du fait qu’un certain nombre d’éléments
d’information sont fournis sous une forme spécifique à l’agence (au sein des notes élaborées
par l’ordonnateur et dans des tableaux de chiffres dont le format est propre à l’établissement),
les carences par rapport aux exigences réglementaires sont nombreuses. L’
AFIT ne respecte
pas, par ailleurs, le formalisme des documents budgétaires définis par la réglementation, alors
même que celui-
ci est d’application obligatoire.
Au-delà des irrégularités juridiques
stricto sensu
, il apparaîtrait souhaitable que la
présentation du budget de l’
AFIT par enveloppes soit plus clairement établie au sein des
documents budgétaires produits par l’agence, et qu’au regard de la nature de l’activité de celle
-
ci (gestionnaire de dispositif d’intervention), son conseil d’administration adopte une résolution
visant à ce que le
s dépenses de fonctionnement et d’intervention de l’organisme fassent l’objet
102
Au regard de sa situation pa
rticulière, l’AFIT serait parfaitement légitime à solliciter l’autorisation de bénéficier
de ces dispenses ou de ces aménagements.
L’AGENCE DE FINANCE
MENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
83
d’enveloppes séparées dans le cadre de l’établissement et de la présentation des budgets,
conformément à la possibilité ouverte par l’article 178 du décret n°2012
-1246 du 7 novembre
2012.
Le manque de rigueur de l’
AFIT
dans l’application des règles prévues par le décret
n°2012-1246 du 7 novembre 2012 et le recueil des règles budgétaires des organismes soulève
par ailleurs des questions quant à la validité juridique des décisions d
’ordre budgétaire qui sont
prises par le conseil d’administration de l’agence. L’organe délibérant de l’
AFIT
ne s’étant pas
prononcé sur un certain nombre de documents sur lesquels son approbation est requise (tableaux
budgétaires 1, 2, 4 et 6), et le form
alisme de ses délibérations n’étant pas conforme aux
exigences réglementaires, on peut s’interroger sur la régularité des votes émis sur les budgets
initiaux et rectificatifs de l’établissement, ainsi que sur son compte financier, et par extension,
sur la valeur juridique de ces documents.
L’AGENCE DE FINANCEM
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84
Annexe n° 11.
L
’exécution budgétaire de l’
AFIT 2016-2022
Entre 2016 et 2022, la gestion budgétaire de l’
AFIT
se caractérise par l’adoption d’un
grand nombre de budgets rectificatifs (entre quatre et huit par an), cette tendance
s’étant
renforcée pendant la crise de la Covid-19. Par rapport au budget initial, le montant des
ressources de l’agence fluctue de manière modérée, même si certaines taxes affectées peuvent
connaître des évolutions assez importantes
en cours d’exercice
(amendes radar). Les
autorisations d’engagement
présentent des évolutions infra-annuelles marquées (+1,57
Md€ en
2019 ; -
1,27 Md€ en 2017)
, qui illustrent le
caractère de caisse de financement de l’
AFIT. Les
évolutions des crédits de paiement sont plus modestes, même si elles augmentent en fin de
période (-
335,5 M€
en 2021 et -287,5
M€
en 2022).
L’essentiel des budgets rectificatifs a pour
but d’entériner –
souvent à enveloppe constante
la modification du volume et / ou de
l’échéancier de paiement des projet
s, du fait des aléas affectant leur réalisation. Plusieurs
dizaines de modifications sont effectuées chaque année.
Tableau n° 11 :
L’exécution budgétaire de l’AFIT
Années
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Recettes
Budget initial
1 920,34
2 150,00
2 440,20
2 478,07
2 981,58
3 325,65
3 527,84
Budget exécuté
2 058,05
2 397,08
2 231,31
2 461,62
2 888,40
3 152,21
3 238,87
Ecart en
M€
+137,71
+247,08
-208,88
-16,44
-93,18
-173,44
-288,96
Ecart en %
+7,2 %
+11,5 %
-8,6 %
-0,7 %
-3,1 %
-5,2 %
-8,2 %
Autorisations
d’engagement
Budget initial
1 434,13
3 220,00
2 477,59
1 944,02
2 040,75
4 353,44
4 301,90
Budget exécuté
2 464,27
1 944,77
2 476,87
3 506,97
2 595,51
4 426,98
3 766,10
Ecart en
M€
+1 030,14
-1 275,23
-720,00
+1 562,95
+554,75
+73,53
-535,80
Ecart en %
+71,8 %
-39,6 %
-0,0 %
+80,4 %
+27,2 %
+1,7 %
-12,4 %
Crédits de paiement
Budget initial
1 926,68
2 249,72
2 767,11
2 481,80
2 982,01
3 386,90
3 576,38
Budget exécuté
2 043,53
2 155,22
2 572,55
2 464,87
2 824,07
3 051,41
3 288,89
Ecart en
M€
+116,86
-94,50
-194,55
-16,93
-157,93
-335,49
-287,49
Ecart en %
+6,1 %
-4,2 %
-7,0 %
-0,7 %
-5,3 %
-9,9 %
-8,0 %
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
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85
Annexe n° 12.
Les engagements
de l’AFIT au cours de la période 2016
-2022
Au 31 décembre 2022, le montant total des engagements pris
par l’
AFIT depuis sa
création s’élevait à 54 Md€.
Par rapport à la période 2009-2015, le montant des engagements a
diminué de 11 % au cours des sept dernières années. Ainsi, après une période de montée en
puissance des financements
de l’
agence consécutive à sa création en 2005 (qui a culminé en
2011),
l’activité de l’AFIT a atteint un palier
.
Les engagements annuels pris par l’AFIT sont présentés dans le tableau ci
-dessous.
Tableau n° 12 :
Engagements annuels pris par l’
AFIT
entre 2016 et 2022 (en M€
courants)
Années
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Total
Engagements
annuels
2 464,27
1 944,18
2 476,87
3 496,39
2 594,58
4 426,38
3 766,10
21 167,98
Source : AFIT
Entre 2016 et 2022, les engagements annuels de l’
AFIT ont fluctué entre 1,94
Md€ et
4,43 Md€, avec une moyenne d’environ 3 Md€. Les variations entre exercices ont été
importantes, à la hausse (+70,6 %) comme à la baisse (-21,1 %), pour partie en raison des
décisions prises sur quelques grands projets (CSNE, TELT)
103
. On note également une
augmentation sensible des engagements en fin de période, liée à
l’entré en vigueur du plan
« France Relance », dont une partie du volet « Transport
» a été confiée à l’
AFIT
104
. Les
fluctuations observées confirment le caractère de caisse de financement de l’agence.
Ent
re 2016 et 2022, le secteur ferroviaire a été le premier secteur financé par l’AFIT
(35,9 % des engagements), devant le secteur routier (33,8 %) et les transports urbains (17,3 %).
Le financement des transports urbains a connu une nette montée en puissance au cours des
dernières années (passage de 9,3 % des engagements en 2016 à 22,3 % en 2022). Entre 2016 et
2022, les modes de transport autres que routier ont été destinataires des deux tiers des
engagements, une part cohérente avec l’objectif de report modal assigné à l’agence
. Toutefois,
si l’on compare la période 2009
-2015 et la période 2016-2022, on constate une forte
augmentation
des autorisations d’engagement
consacrées au transport routier
(+1,08 Md€
;
passage d’un quart à un tiers des engagements)
. L
’évolution
des engagements, favorable au
report modal au cours des sept dernières années, apparaît donc défavorable à ce mouvement sur
une période plus longue. Toutefois, cet accroissement des dépenses en faveur du secteur routier
concerne la régénération du réseau et non son développement (voir annexe suivante).
103
La signature de la convention de financement de la Société du Canal Seine-Nord Europe a conduit à
l’engagement d’un montant
de 1,06 Md€ en 2019, tandis que la signature en 2021 du troisième avenant à la
convention relative à la réalisation et au financement des travaux de construction des ouvrages de la partie
commune du Tunnel Euralpin Lyon-Turin a donné lieu à
l’engagement d’un montant de 854,9 M€
.
104
Les engagements pris par l’agence au titre de ce plan d’un montant de 100
Md€
se sont élevés à 430,0
M€ en
2020, 1,35 Md€ en 2021 et 897,8 M€ en 2022, soit un total de 2,
68
Md€.
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86
Entre 2016 et 2022,
l’État
a bénéficié de 62,1 %
des autorisations d’engagement
de
l’agence
. La prépondérance de la puissance publique au sein des bénéficiaires des engagements
de
l’
AFIT est une
constante depuis la création de l’agence. Toutefois, ce phénomène s’est
renforcé au cours de la période récente
105
.
105
Entre 2005 et 2014, les engagements
de l’
AFIT en faveur de
l’Etat
ont représenté un peu plus de 56 % des
engagements de l’
agence.
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87
Annexe n° 13.
Les paiements par
l’
AFIT au cours de la période 2016-2022
Au 31 décembre 2022, le montant total des paiements réalisés par
l’agence
depuis sa
création s’élevait à 38,69 Md€. Le
s crédits de paiement consommés pendant la période 2016-
2022 étaient en forte hausse (+ 4,00
Md€, soit +27,9
%)
106
par rapport à ceux dépensés entre
2009 et
2015. Le rythme des paiements s’est donc sensiblement accéléré
au cours des sept
dernières années.
Entre 2016 et 2022, les paiements effectués
par l’
AFIT ont fluctué entre 2,02
Md€ et
3,29 Md€
par an, ce qui représente une moyenne de
2,62 Md€.
Ils
s’inscrivent dans une
tendance haussière quasiment continue tout au long de la période
107
. Les variations entre
exercices apparaissent beaucoup moins marquées que pour les engagements.
Tableau n° 13 :
Paiements annuels réalisés par l’
AFIT
entre 2016 et 2022 (en M€
courants)
Années
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Total
Paiements
annuels
2 019,46
2 154,63
2 572,00
2 464,26
2 823,54
3 050,82
3 288,89
18 372,81
Source : AFIT
Les trois principaux bénéficiaires des décaissements de l’agence au cours des sept
dernières années ont été le transport ferroviaire (7,60 Md€
; 41,3 %), le transport routier
(6,61
Md€
; 36,0
%), et les transports urbains (2,12 Md€
; 11,6 %). La part des modes de
transport non routiers s’est élevée à 60,7
% sur la période, un chiffre en forte croissance entre
2016 (58,0 %) et 2022 (66,1 %). Les transports urbains ont vu leurs paiements multipliés par
plus de 2,5 entre le début et la fin de la période étudiée et le transport fluvial, par un facteur
supérieur à 3,7
108
. Sur longue période, le poids relatif des transports urbains connaît néanmoins
une légère érosion de son poids relatif, celui-ci passant de 12,7 % entre 2009 et 2015 à 11,6 %
entre 2016 et 2022. Entre ces deux périodes, le secteur routier a bénéfici
é d’un surplus de
financement d’environ 1 Md€
. Toutefois, celui-ci a été affecté aux dépenses dites de
régénération, qui ont fortement augmenté entre 2009 et 2022 et non aux dépenses de
développement, qui ont, au contraire, sensiblement baissé au cours du même intervalle de
temps
109
. Cet accroissement accompagne donc un effort en faveur du maintien en état du réseau
existant et non une accélération de la construction de nouvelles routes.
La part des paiements effectués au profit de l’État atteint 58,9
% en moyenne entre 2016
et 2022, ce qui fait
du budget de l’
État le principal bénéficiaire des crédits de paiement de
l’AFIT
. Toutefois, l
a prépondérance de l’État s’est légèrement effritée au cours de la période
106
En moyenne, l’AFIT a d
épensé annuellement
572,1 M€ de plus entre 2016 et 2022 qu’entre 2009 et 2015.
107
Le volume de crédits consommés annuellement est supérieur de 62,8 % en
2022 à ce qu’il était en 2016.
108
On retrouve dans ce chiffre l’impact du projet de
Canal Seine-Nord Europe.
109
Les dépenses de régénération du réseau routier sont passées de 11% des crédits de paiement consommés par
l’AFIT en 2009 à 18% en 2022. Dans le mê
me temps, la part des dépenses de développement a évolué de 32% des
paiements à 14%.
L’AGENCE DE FINANCEM
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88
récente
110
.
Les paiements attribués aux maîtres d’ouvrages privés, sont, comme c’est le cas pour
les engagements, très fluctuants
111
.
110
La puissance publique a capté 63 % des crédits de paiement entre 2005 et 2014.
111
Ils sont compris entre 792,9 M€ et 1,41 Md€ au cours de la période sous revue.
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89
Annexe n° 14.
Données chiffrées relatives a
ux restes à payer de l’AFIT au cours
de la période 2016-2022
Les restes à payer accumulés par l’AFIT
au cours de la période 2016-2022, retraités du
remboursement de la dette due à la société Ecomouv’
, sont présentés dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 14 :
Différence
entre engagements pris et paiement réalisés annuellement par l’
AFIT au
cours de la période 2016-2022
retraité du remboursement de la dette due à la société Ecomouv’
M€
courants
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Total
Écart entre
engagements et
paiements
+444,80
-210,45
+231,25
+1 032,13
-228,96
+1 375,57
+477,21
+3 121,56
Source
: Cour des comptes d’après
AFIT
Entre 2016 et 2022, le montant global des engagements pris par l’
AFIT a été supérieur
de 2,79 Md€ au montant des paiements
112
, la différence
atteignant 1,85 Md€ au titre des seuls
exercices 2021 et 2022. Le montant des restes à payer constitués au cours de la période est
minoré par le remboursement, en 2018, de la dette due à la société Ecomouv’ (326,4 M€).
Retraité de cet élément exceptionnel, la différence entre engagements et paiements a atteint
3,12 Md€
en sept ans, un chiffre plus représentatif du volume des restes à payer accumulés par
l’
AFIT entre 2016 et 2022. Les principaux écarts entre engagements et paiements annuels sont
dus aux engagements consentis en faveur du Canal Seine-Nord Europe et du Tunnel Euralpin
Lyon Turin.
Les transports urbains concentrent près de la moitié (49,0 %
, soit 1,53 Md€)
des restes
à payer constitués entre 2016 et 2022. Cela
s’explique par le volume très élevé des engagements
pris par l’
AFIT en faveur de ce secteur entre 2020 et 2022. Le transport fluvial a également
accumulé
d’importants
engagements non honorés au cours de la période (900,6
M€ soit 28,8
%
des restes à payer)
, en grande partie du fait de l’engagement de la convention de financement
de la Société du Canal Seine-Nord Europe.
112
Chaque année
, les autorisations d’engagements
ont dépassé en moyenne de 400
M€ environ les crédits de
paiement.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
90
Tableau n° 15 :
Montant des restes à payer de l’
AFIT
en fin d’exercice au cours de la période 2016
-
2022 (en M€
courants)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Restes à
payer
11 857,50
12 295,10
12 084,65
11 917,87
12 863,22
12 116,12
14 908,03
15 385,24
Source : AFIT
Les projets gérés par l’État représentent
les trois quarts (74,4 % ;
2,32 Md€) de la
différence entre engagements et paiements au cours de la période sous revue. Cette sur-
représentation de la puissance publique au sein des restes à payer ne traduit pas une priorisation
des paiements en faveur d’autres bénéficiaires que l’État, mais s’explique par la forte
accélération des engagements consentis envers ce dernier entre 2020 et 2022.
L’important écart entre
engagements et paiements observé au cours de la période 2016-
2022 a sensiblement accru le montant des restes à payer de l
’AFIT
en fin d’exercice.
Celui-ci
est passé
de 11,86 Md€ fin 2015 à 15,38 Md€ en 2022,
soit une augmentation de 3,53
Md€
(+29,7 %) majoritairement concentrée sur les exercices 2021 et 2022 (+
3,27 Md€
) du fait des
engagements pris au titre du plan « France Relance ». Le niveau des restes à payer se situait à
un niveau très élevé fin 2022, proche de son plus haut historique
113
.
Le transport ferroviaire concentrait près de 40 %
(6,12 Md€) des
restes à payer au 31
décembre 2022. Cette prédominance s’explique par la durée particulièrement longue des projets
dans ce secteur, ainsi que par la proportion significative de partenariats public-privé au sein de
ceux-ci
114
.
L’essentiel du reliquat se réparti
ssait entre les transports urbains (17,9 %) et le
secteur routier (16,8 %). La part des modes de transport autres que routier dans les restes à
payer
en fin d’exercice est passée
de 76,1 % fin 2015 à 83,1 % fin 2022, marquant
l’intensification de l’effort financier de
l’
AFIT en faveur du report modal au cours de cette
période.
Les porteurs de projets privés représentaient l’essentiel (58,7
%) des restes à payer au
31 décembre 2022, mais la part de l’État au sein de ceux
-
ci n’a cessé d’augmenter au cours de
la période sous revue, passant
de 4,29 Md€ fin 2015 à 6,35 Md€ fin 2022
115
. Cette situation ne
traduit pas une forme de priorité accordée aux bénéficiaires tiers en matière de paiements mais
s’explique par
l’accélération des engagements en faveur de l’État
entre 2020 et 2022.
Le taux de restes à payer
116
de l’ensemble des dépenses d’intervention de l’
AFIT
s’élevait à 28,4
% au 31 décembre 2022. Il était plus élevé pour le transport fluvial (38,8 %) et
les transports urbain (37,4 %), et sensiblement plus faible pour le secteur routier (14,8 %). Il
113
D
epuis 2005, le montant de restes à payer en fin d’exercice n’a été supérieur à 15 Md€ qu’en deux occasions,
au cours des années 2013 (16,46
Md€) et 2014 (15,16 Md€).
Le montant des restes à payer fin 2022 représente
donc le deuxième montant le plus élevé de restes à payer
en fin d’année observé depuis la création de
l’agence
.
114
Ce type de contrats se traduit
pour l’agence
par le paiement de loyers sur des périodes pouvant atteindre 25 ans.
115
Cela
représente une hausse de 2,06 Md€ (
+48,0 %) en sept ans.
116
Celui-ci se définit comme le rapport entre les restes à payer à une date donnée et le cumul des engagements à
la même date. Ce taux renseign
e sur la rapidité de conversion des autorisations d’engagement en crédits de
paiement, ainsi que sur la part des engagements restant à honorer à un instant précis.
L’AGENCE DE FINANCEM
ENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFIT)
91
était particulièrement peu élevé pour l’État (19,0
% contre 43,8 % pour les autres bénéficiaires),
et en baisse sensible sur longue période (il s’élevait à 35,8
% fin 2015).
Le montant de restes à payer fin 2022 représente plus de trois années de paiements de
l’AFIT
117
. Cette durée est en recul sensible par rapport à celle relevée fin 2015 (plus de six ans).
Le délai de résorption des restes à payer demeure toutefois important dans certains secteurs (il
atteint plus de neuf ans pour les transports urbains et plus de six ans pour le secteur fluvial). Le
caractère raisonnable du délai global d’apurement des restes à payer est dû à l’augmentation
des capacités de paiement de l’agence et traduit une améli
oration sensible de sa situation
financière.
117
La référence est le montant annuel moyen de paiements observé entre 2016 et 2022.