ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
AUDIT FLASH
Février 2024
LE CONTRÔLE
DE LA CONTRACTUALISATION
DANS LE CADRE
DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS
POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Exercices 2022-2023
COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
4
PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
SYNTHÈSE
10
RECOMMANDATIONS
11
INTRODUCTION
14
I - UNE OBLIGATION DE CONTRACTUALISATION
AMONT POUR LA FILIÈRE BOVINE
14
A - Une contractualisation généralisée entre
les producteurs et leurs premiers acheteurs après
la loi EGAlim 2
18
B - Un champ d’application étendu pour deux
filières différemment structurées
20
C - Un dispositif de contrôle et de traitement
des litiges propre aux contrats agricoles
22
II - DES MOYENS DE CONTRÔLE MOBILISÉS
RAPIDEMENT ET UNE ACTIVITÉ CIBLÉE PAR LA DGCCRF
22
A - Une planification des contrôles mise en œuvre
rapidement
24
B - Des points de contrôle de technicité variable
26
C - En 2022 et 2023, une activité de contrôle croissante,
ciblée sur les acheteurs clés
27
D - Un ciblage des contrôles sur les grands acheteurs
et une répartition territoriale globalement équilibrée
30
E - Un effort de contrôle proportionné aux moyens
de la DGCCRF
30
III - LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DES CONTRÔLES
RÉALISÉS
30
A - Un faible recours à la contractualisation
32
B - Un dispositif de sanctions inappliqué à ce jour
33
C - Une complexité des relations contractuelles
agricoles qui justifie un effort de transparence
et d’accompagnement
38
LISTE DES ABRÉVIATIONS
39
ANNEXES
47
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
PROCÉDURES ET MÉTHODES
4
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres
thématiques
1
que comprend la Cour ou par une formation associant
plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des
comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la
Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc
aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des
rapports publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la
collégialité.
L’indépendance
institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance
statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations faites
lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations
et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises
aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne
peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses
reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
La collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des procédures
de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou
plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant
au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-
rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
1. La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES
5
Le présent « audit flash » a été conduit sur le fondement des articles L. 111-3
et suivants du code des juridictions financières. Il est rendu public en vertu
des dispositions de l’article L. 143-1 alinéa 2 du même code. Contrairement
à d’autres publications de la Cour des comptes, il ne donne pas lieu à un
rapport exhaustif sur un organisme ou une politique publique mais permet
de dresser, dans un délai resserré, un état des lieux factuel sur un dispositif
public bien délimité.
Dans le présent audit, la Cour analyse le contrôle par la direction générale
de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes
(DGCCRF) des contrats conclus entre producteurs et premiers acheteurs
dans la filière bovine dans le cadre des lois EGAlim. Ce dispositif de contrôle
apparaît en effet à ce stade comme l’un des seuls instruments permettant
de mesurer la mise en œuvre de la loi EGAlim 2 qui a rendu obligatoire la
signature d’un contrat écrit pluriannuel pour la vente d’un produit agricole
et qui vient d’entrer en vigueur pour l’ensemble des composantes de la
filière bovine.
Dans le cadre de cet audit, la Cour a réuni des éléments quantitatifs
et qualitatifs lui permettant de mesurer l’effectivité des contrôles par
les services de l’État de l’application de l’obligation de la contractualisation
amont, dans la filière bovine (lait et viande). Ce travail circonscrit dans son
objet n’est donc ni une évaluation de la contractualisation, ni une évaluation
des lois EGAlim.
Le lancement de l’audit flash a été notifié le 8 septembre 2023 à la
directrice générale de la DGCCRF du ministère chargé de l’économie, au
directeur général de la performance économique et environnementale
des entreprises (DGPE) et à la directrice générale de l’alimentation (DGAL)
du ministère chargé de l’agriculture. En complément,
le médiateur des
relations commerciales agricoles, le président de chambres d’agriculture
France, le président du centre national interprofessionnel de l’économie
laitière (Cniel) et le président de l’interprofession bétail et viandes (Interbev)
ont été informés à la même date de l’ouverture de cet audit.
6
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Des entretiens ont été proposés à l’ensemble de ces acteurs et des
questionnaires leur ont été adressés. Les collèges des interprofessions
qui souhaitaient s’exprimer dans le cadre de l’audit ont été entendus par
la Cour. Dans le cadre de l’audit flash, des visites ont été effectuées auprès
des services déconcentrés de la DGCCRF des régions Pays-de-la-Loire
et Île-de-France qui regroupent les sièges de nombreuses entreprises
de l’industrie agro-alimentaire et de la distribution. Les observations de l’audit
se sont également appuyées sur des analyses de la base de données nationale
d’identification (BDNI), à partir d’extractions communiquées par la DGAL.
Les observations provisoires de la Cour ont été délibérées par la deuxième
chambre le 10 novembre 2023 et adressées pour contradiction à l’ensemble
des acteurs notifiés et informés de l’ouverture de l’audit, ainsi qu’à la présidente
du comité de règlement des différends commerciaux agricoles. Après
examen des réponses reçues, les observations définitives ont été délibérées
le 12 décembre 2023 par la deuxième chambre présidée par Mme Podeur,
présidente de chambre, et composée de Mme Périn, conseillère maitre et
présidente de section, MM. Babeau et Brice, conseillers maîtres, ainsi que de
Mme Reuland et M. Moslonka-Lefebvre, conseillère et conseiller référendaires,
en tant que rapporteurs, assistés de M. Lavallée-Robida, vérificateur, et, en
tant que contre-rapporteur, de M. Boullanger, conseiller maître.
L’audit a été examiné et approuvé le 19 décembre 2023 par le comité
du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé
de M. Moscovici, Premier président, M. Rolland, rapporteur général
du comité, Mme Podeur, M. Charpy, Mmes Camby et Démier, M. Bertucci,
Mme Hamayon et M. Meddah, présidentes et présidents de chambre de
la Cour, MM. Michaut, Lejeune et Advielle, Mmes Daussin-Charpantier, Gervais
et Renet, présidents et présidentes de chambre régionale des comptes ainsi
que M. Gautier, Procureur général, entendu en ses avis.
Les rapports publics de la Cour sont accessibles en ligne sur le site internet
de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr.
COUR DES COMPTES
7
SYNTHÈSE
La loi EGAlim 2 a généralisé l’obligation d’une contractualisation écrite à l’amont
des filières bovines, c’est-à-dire entre les producteurs et leurs premiers acheteurs.
Entrées en vigueur récemment, les règles applicables à ces contrats sont complexes
et reflètent la difficulté de trouver un bon équilibre entre liberté contractuelle et
régulation du marché.
Les activités de production impliquent en effet de nombreux acteurs, au premier
chef les éleveurs, mais également leurs acheteurs de lait cru et de bovins vifs. Les
éleveurs, très nombreux
2
, négocient la vente de leurs productions avec un faible
nombre d’acheteurs. À titre d’illustration, en 2021, 76,3 % de la collecte de lait est
réalisée par 28 établissements collecteurs
3
. Concernant la viande, 143 abattoirs
assurent 92 % des tonnages
4
. En raison de cette asymétrie, les acheteurs bénéficient
d’un rapport de force à leur avantage dans la négociation des prix.
Les filières des bovins lait et des bovins viande relèvent dans leur quasi-totalité des
dispositions de contractualisation prévues par la loi. Pour la filière laitière et certaines
formes de regroupements d’éleveurs
5
, l’expérience de la contractualisation était
déjà bien ancrée. Il s’agit en revanche d’une pratique nouvelle pour la plupart des
éleveurs de la filière des bovins viande.
Le dispositif créé pour contrôler les relations commerciales à l’amont, y compris
la contractualisation, repose pour l’essentiel sur la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). D’autres
instances contribuent à la mise en œuvre et au respect de la loi : Haut conseil de
la coopération agricole, médiateur des relations commerciales agricoles, médiateur
de la coopération et comité de règlement des litiges commerciaux agricoles.
Compte tenu de l’asymétrie des relations commerciales entre les éleveurs et leurs
premiers acheteurs, la Cour a décidé de conduire un audit flash pour examiner
les contrôles effectués par la DGCCRF sur les contrats amont dans les filières
bovines pour le lait et la viande, tirer les premiers enseignements de ces contrôles
et proposer des améliorations. En effet, les contrôles de la DGCCRF constituent
l’une des rares sources d’information sur l’application de la contractualisation.
2. En 2020, on dénombre 91 123 exploitations spécialisées en élevage de bovins (lait, viande
et mixte).
Source :
les soutiens publics aux éleveurs de bovins
, Cour des comptes, 2023.
3. Source :
économie laitière en chiffres, Cniel, édition 2023.
4. Source : rapport de la Cour de 2023 sur
les soutiens publics aux éleveurs de bovins.
5. En raison des déséquilibres dans les rapports de forces entre les maillons économiques, certains
éleveurs ont fait le choix de se regrouper, ce qui peut s’apparenter dans certains cas à une forme
de contractualisation. Parmi de nombreuses possibilités de regroupements existants, les coopératives
constituent le type de groupement le plus ancien. L’adhésion à un groupement peut s’apparenter
à une forme de contractualisation lorsque l’adhésion implique le transfert de propriété des produits
au groupement (voir
).
8
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Conclusions principales de l’audit
1.
La loi EGAlim 2 a généralisé l’obligation de contractualisation écrite entre
les producteurs agricoles et leurs premiers acheteurs, c’est-à-dire à l’amont
des filières agricoles. L’essentiel de la production bovine relève du champ de
la contractualisation obligatoire. Entrées en vigueur récemment, les règles
applicables aux contrats sont complexes et reflètent la difficulté de trouver
un bon équilibre entre liberté contractuelle et régulation du marché. Des
divergences d’interprétation existent entre les acteurs.
2.
Le dispositif de contrôle de la contractualisation amont repose pour l’essentiel
sur la direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la
répression des fraudes (DGCCRF). Ces contrôles ont été planifiés rapidement
après la promulgation de la loi et prennent la forme d’enquêtes complètes qui
permettent d’éclairer les relations commerciales entre les éleveurs et leurs
premiers acheteurs que sont les industries agro-alimentaires, les coopératives
et autres organisations de producteurs, les commerçants de gros en lait et en
bestiaux, et les abatteurs. Il s’agit d’acteurs-clés qui opèrent tant auprès des
agriculteurs et de leurs groupements (amont agricole) que des distributeurs
et des consommateurs (aval agro-alimentaire).
3.
Le chiffre d’affaires apparaît comme l’un des principaux critères employés
pour identifier les acheteurs clés à contrôler et pour examiner leurs relations
commerciales avec les éleveurs. Au total, pour les exercices examinés par la
Cour, la DGCCRF a ainsi contrôlé 64 acheteurs clés pour les filières
bovines, parmi lesquels de grands opérateurs nationaux. En moyenne,
un acheteur contrôlé réalise un chiffre d’affaires de plus de 2 Md€, soit
un volume financier qui correspond à un approvisionnement auprès de
milliers d’éleveurs. L’activité de contrôle, en croissance de 140 % entre
2022 et 2023, apparaît dans cette mesure proportionnée aux moyens
de la DGCCRF et a été répartie de façon globalement équilibrée sur
le territoire national et entre les différentes catégories d’acheteurs.
COUR DES COMPTES
9
4.
Les contrôles de la DGCCRF constituent l’une des rares sources
d’information sur la contractualisation. Ils permettent de prendre
connaissance de contrats signés et d’analyser des formules de prix ainsi que
d’autres clauses contractuelles. Ils reflètent une contractualisation marquée
par une forte hétérogénéité entre les filières et l’emploi d’indicateurs de prix
et de clauses qui produisent des effets parfois contrastés pour les éleveurs.
5.
Les contrôles de la DGCCRF révèlent la complexité des clauses contrac-
tuelles et des dispositions de la loi, nécessitant un meilleur accompagnement
des producteurs et une plus grande transparence sur les contrôles réalisés.
Dès lors, les sanctions prévues par la loi n’ont pas encore été appliquées.
Cette situation doit être corrigée dans les meilleurs délais.
10
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
RECOMMANDATIONS
• Recommandation 1
Mettre en place une plateforme de signalement
destinée aux agriculteurs avec des garanties de
confidentialité
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique, 2025)
.
• Recommandation 2
Proposer au comité de règlement des différends
commerciaux agricoles de rendre publiques des lignes
directrices pour lever les difficultés d’application des
articles L. 631-24, L. 631-24-2 et L. 631-24-3 du code rural
et de la pêche maritime
(ministère de l’agriculture et de
la souveraineté alimentaire, ministère de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
2024)
.
• Recommandation 3
Établir et rendre public un bilan annuel des contrôles
réalisés sur le fondement de l’article L. 631-25 du code
rural et de la pêche maritime, présentant les principaux
enseignements tirés
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique, 2024).
COUR DES COMPTES
11
INTRODUCTION
Avec la production en 2022 de plus de 23 milliards de litres de lait de vache,
de plus de 4 millions de bovins (dont les veaux) pour la viande, couvrant environ
90 % de la consommation française, et de nombreux produits laitiers et carnés
qui en dérivent
6
, la filière bovine constitue une composante importante de
l’agriculture française.
Les activités de production impliquent de nombreux acteurs, au premier chef
les éleveurs, mais également leurs acheteurs de lait cru et de bovins vifs
(cf. schéma n° 1 page suivante). Les éleveurs, très nombreux, négocient la vente
de leurs productions avec un faible nombre d’acheteurs. En raison de cette
asymétrie, les acheteurs bénéficient d’un rapport de force à leur avantage dans
la négociation des prix.
Aux acteurs de marché s’ajoutent des opérateurs de régulation et de contrôle
qui visent à garantir un fonctionnement équilibré des relations commerciales
dans ce contexte de déséquilibre. À cet égard, l’organisation moins aboutie de la
filière viande bovine par rapport à la filière lait accroît le risque de déséquilibre.
Par ailleurs, les éleveurs qui adhèrent à des coopératives ou qui sont membres
d’une organisation de producteurs sont plus à même de faire valoir leur intérêt
dans une négociation commerciale que ceux qui restent isolés. Les coopératives
se distinguent ainsi des autres producteurs et groupements de producteurs par un
modèle de régulation spécifique, avec des acteurs propres au modèle coopératif.
La loi EGAlim 1 a été promulguée en novembre 2018
7
dans le prolongement des
états généraux de l’alimentation (EGA) lancés en juillet 2017 afin d’améliorer
l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.
Prenant acte du rapport de force déséquilibré entre producteurs, fournisseurs
et distributeurs qui résulte d’une concentration très inégale de ces acteurs sur
le marché, l’État est intervenu et a légiféré, notamment afin de permettre une
meilleure répartition de la valeur créée tout au long de la chaîne agro-alimentaire
et une meilleure protection de la rémunération des agriculteurs. La loi a pour ce
faire introduit un mécanisme de contractualisation « amont » entre les agriculteurs
et les premiers acheteurs, la proposition de contrat devant intervenir à l’initiative
des agriculteurs, afin qu’il soit mieux tenu compte de leurs coûts de production,
tout au long de la chaîne agroalimentaire, qui va de la ferme à la fourchette.
Deux ans plus tard, une mission sur la mise en œuvre de la loi a conclu que
ses objectifs n’avaient pas été atteints, même si certaines avancées avaient
été observées
8
.
6. Pour une vue d’ensemble, voir le
rapport au Parlement 2023 de l’observatoire des prix et des marges
de FranceAgriMer dont les chiffres ici présentés sont tirés.
7. Loi
n°2018-938
du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur
agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
8.
Le rapport de la mission Papin
a été remis le 25 mars 2021.
12
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Schéma n° 1 : principaux acteurs des filières bovins lait et bovins viande
Source : Cour des comptes
Note : les éléments indiqués en bleu et en rouge représentent respectivement les acteurs des filières
bovins lait et bovins viande. La flèche bleue et les deux flèches rouges représentent respectivement
les flux commerciaux de lait cru et de bovins viande (la flèche rouge en diagonale représente les vaches
laitières de réforme destinées à la production de viande). Les éléments indiqués en jaune représentent
les acteurs avec un rôle de régulation, d’information ou de représentation en lien avec des enjeux
économiques et qui concernent tant les filières bovins lait que bovins viande. Les éléments en orange
représentent les acteurs qui relèvent de l’État, dont la DGCCRF qui assure des missions de contrôle des
relations commerciales. L’élément en vert représente l’aval des filières agricoles. Les pourcentages sont
détaillés dans le tableau n°
3.
Distribution, Restauration hors-domicile, Vente directe aux consommateurs, Export
Coopératives
et leurs éleveurs
associés (
55 %
)
La coopération agricole
Commerçants
de gros de lait
Marchés de bovins vifs
Organisations
d’éleveurs (
25 %
)
Autres éleveurs (
20 %
)
Coopératives
et leurs éleveurs
associés (
30 %
)
Industries
agro-alimentaires
Interprofession bovin lait
(Cniel)
Haut conseil
de la coopération agricole
Médiateur
de la coopération agricole
Médiateur des relations
commerciales agricoles
Instituts techniques
agricoles (institut de
l’élevage pour les bovins)
FranceAgriMer
(observatoire des prix)
Ministère chargé
de l’agriculture
Commission d'examen
des pratiques commerciales
DGCCRF
Interprofession bovin viande
(Interbev)
Négociants
en bestiaux
Abatteurs
(y compris abattage
de vaches laitières
de réforme)
Comité
de règlement
des différends
commerciaux agricoles
Organisations
d’éleveurs (
20 %
)
Autres éleveurs (
50 %
)
Industries
agro-alimentaires
ACTEURS DE LA FILIÈRE
BOVINS LAIT
ACTEURS COMMUNS
AUX DEUX FILIÈRES
ACTEURS DE LA FILIÈRE
BOVINS VIANDE
COUR DES COMPTES
13
Un rapport rendu public par l’inspection générale du ministère de l’agriculture et
de la souveraineté alimentaire (MASA) et qui faisait suite à deux autres rapports
connexes, relevait l’existence de difficultés spécifiques pour la filière bovins viande,
avec notamment un faible recours à la contractualisation et une structuration
insuffisante de la filière
9
.
Afin de remédier à cette situation, la loi EGAlim 2 du 18 octobre 2021 a été
promulguée avec pour ambition de donner plein effet aux mesures initiées.
Alors que dans le cadre de la première loi EGAlim, la signature de contrats entre
producteurs et premiers acheteurs restait facultative, la loi EGAlim 2 a rendu
obligatoire la signature d’un contrat écrit pluriannuel pour la vente d’un produit
agricole.
En juillet 2022, un rapport d’information de la commission des affaires
économiques de l’Assemblée nationale
10
relevait toutefois des risques de non-
recours à la contractualisation
11
. Et un an après, en juillet 2023, l’attention de la
Cour des comptes a été appelée sur l’application effective de la loi EGAlim 2.
La Cour a décidé de mener un audit flash portant sur le contrôle par la DGCCRF des
contrats conclus entre producteurs et premiers acheteurs dans la filière bovine en
application des lois EGAlim. Prévu par la loi, ce dispositif de contrôle apparaît en
effet à ce stade comme l’un des seuls instruments permettant d’apprécier la mise
en œuvre de la loi.
La Cour entend apporter une contribution documentée et indépendante sur
l’application de la loi EGAlim 2 en matière de contractualisation amont et
de contrôles effectués dans les filières bovins lait et bovins viande. Ce travail
circonscrit dans son objet n’est donc ni une évaluation de la contractualisation, ni
une évaluation des lois EGAlim
12
.
Le présent audit flash rappelle les objectifs de la loi pour les filières bovines, son
périmètre d’application et les dispositions de régulation et de contrôle mises en
place ; il rend ensuite compte des moyens mobilisés par la DGCCRF pour contrôler
la contractualisation amont dans les filières bovins viande et bovins lait et en tire
les premiers enseignements.
9.
Rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)
n°20080 relatif à la contractualisation de l’engraissement de viande bovine
publié en mars 2021.
Ce rapport fait suite à deux autres rapports du CGAAER publiés respectivement en 2015 et 2016 sur
la contractualisation dans les filières
bovins viande
et
bovin lait
. Le nombre de rapports d’inspection
sur la contractualisation dans les filières bovines témoigne des enjeux que représente ce sujet.
10.
Rapport d’information par la commission des affaires économiques sur l’application de la loi
n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs
, n°171, déposé
le mercredi 27 juillet 2022.
11. « [Les rapporteurs]
s’inquiètent […] des alertes émises par les personnes auditionnées qui regrettent
que, dans les filières soumises à la contractualisation obligatoire, celle-ci ne soit pas mise en œuvre pour
une grande majorité des producteurs.
» (extrait du rapport précédemment cité).
12.
Voir l’article L132-6 du code des juridictions financières
.
14
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
La loi EGAlim 2 a généralisé l’obligation de
contractualisation écrite pluriannuelle entre
les producteurs agricoles et leurs premiers
acheteurs. Les règles applicables aux contrats
agricoles
amont
concernent
désormais
l’ensemble des éleveurs de bovins : elles
encadrent la liberté contractuelle des parties,
dans le but d’assurer un meilleur équilibre
des relations commerciales et de protéger le
revenu des éleveurs.
A - Une contractualisation généralisée
entre les producteurs et leurs premiers
acheteurs après la loi EGAlim 2
1 - Des règles contractuelles détaillées
La loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant
à protéger la rémunération des agriculteurs,
dite loi EGAlim 2, a complété le cadre juridique
applicable aux contrats de vente de produits
agricoles conclus, en amont, entre les agricul-
teurs et leurs premiers acheteurs (organisations
de producteurs, coopératives, commerçants
en bestiaux, abattoirs et transformateurs). Est
ainsi rendue obligatoire pour la vente de produits
agricoles sur le territoire français la conclusion
d’un contrat écrit pluriannuel, à l’exclusion
des cessions de faible volume et de nombreuses
autres dérogations
13
.
Le contrat, socle de la négociation, doit intervenir
à l’initiative du producteur et comporter sept
clauses relatives à sa consistance et à son
exécution (art. L. 631-24 du code rural et de
la pêche maritime – CRPM), notamment à la
détermination et à la révision des prix des
produits, par référence à des indicateurs
combinés de coûts de production, de marché
et de qualité
14
. Lorsque les agriculteurs sont
associés d’une coopérative ou membres d’une
organisation de producteurs commercialisant
leur production, les règlements intérieurs ou
statuts de ces entités doivent comporter des
dispositions produisant, pour les agriculteurs,
des effets similaires aux clauses contractuelles
obligatoires (art. L. 631-24-3).
La contractualisation obligatoire prévalait certes
depuis 2011 dans la filière bovins lait pour la
production de lait cru, en anticipation de la fin
de quotas laitiers (2015), et pour les gros bovins
de boucherie sous Label Rouge depuis 2019
par accord interprofessionnel
15
. La loi EGAlim 2
a cependant étendu cette pratique à toute la
filière bovins viande ainsi qu’à la viande bovine
issue de races laitières (cf. schéma n°
2).
En cas d’absence de contrat, de compor-
tements faisant obstacle à la conclusion de
contrats, de contrats conclus au terme d’une
procédure
de
négociation
non
conforme
à la loi ou de contrats non conformes à la
loi, les producteurs et les organisations de
producteurs comme les acheteurs encourent
une amende administrative dont le montant
I - UNE OBLIGATION DE CONTRACTUALISATION AMONT
POUR LA FILIÈRE BOVINE
13. Tous les produits mentionnés à l’annexe 1 du
Règlement n°1308/2013
portant organisation commune des marchés
sont concernés sous réserve des exclusions et dérogations prévues par la loi : transactions hors champ prévues au I. de
l’art. L. 631-24 (ventes directes au consommateur, cessions aux organisation caritatives, cessions à prix ferme sur marchés
physiques de gros de produits agricoles, producteurs, organisations de producteurs ou acheteurs réalisant un chiffre
d’affaire par produit inférieur aux seuils fixés à l’article R. 631-6), dérogations à l’obligation de contrat écrit ouvertes à la
quasi-totalité des produits végétaux (L. 631-24-2 et R. 631-6-1).
14. L’annexe 1 détaille le contenu des contrats. De plus, pour ce qui concerne la viande bovine, à titre expérimental et pour
trois ans, une clause dite « tunnel de pris » doit prévoir dans les contrats les bornes minimales et maximales de l’évolution
des coûts de production, en application du décret n° 2021-1415 du 29 octobre 2021.
15. Voir :
label-rouge-gros-bovins-de-boucherie/
COUR DES COMPTES
15
est proportionné à la gravité des faits
constatés (L. 631-25). L’article R. 631-15 du
CRPM habilite la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) à rechercher
et à constater ces manquements.
Schéma n°
2 : principaux jalons associés à la contractualisation dans les filières bovines
Source : Cour des comptes
Note : les éléments indiqués en rouge indiquent des jalons historiques exogènes ainsi que des crises
avec une influence sur les relations commerciales et les prix. Les éléments indiqués en jaune repré-
sentent des jalons historiques ainsi que des éléments relatifs aux contrats.
Introduction des
quotas laitiers dans
l’Union européenne
États généraux
de l’alimentation
Contractualisation
obligatoire
à l’initiative
du vendeur
Contractualisation
obligatoire
à l’initiative
de l’acheteur
Fin des
quotas laitiers
Contrat avec
un prix ou des critères
de détermination
du prix dont indicateur(s)
des coûts de production
Covid
Contrat avec un prix
et avec modalités
de révision automatique
de ce prix selon une formule
librement déterminée
ou des critères
de détermination
du prix dont indicateur(s)
des coûts de production
avec
pondération des indicateurs
Guerre en Ukraine
1984
2011
2015
2017
2018
2020
2021
2022
2023
2017
2018
2020
2021
2022
2023
Loi EGAlim n°1
Loi EGAlim n°2
Loi EGAlim n°3
Contractualisation
obligatoire
à l’initiative
du vendeur
2022
BOVINS LAIT
JALONS COMMUNS
AUX DEUX FILIÈRES
BOVINS VIANDE
16
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
2 - Une entrée en vigueur récente
La loi EGAlim 2 est entrée en vigueur de
manière plus précoce pour la filière bovine,
reflétant la volonté de l’État de donner aux
producteurs davantage de visibilité sur les
débouchés et sur les prix et d’encourager
la structuration de la filière. L’obligation de
conclure
des
contrats
écrits
comportant
l’ensemble des clauses prévues par la loi a été
échelonnée en application de l’article 16 de la
loi et du décret n°
2021-1416 comme suit :
Source : Cour des comptes à partir du décret n° 2021-1416
Date
Animaux et produits concernés
Au 1
er
janvier 2022
Bovins mâles non castrés de 12 à 24 mois de race à viande, bovins femelles de plus
de 12 mois n’ayant jamais vêlé de race à viande, bovins femelles ayant déjà vêlé de
race à viande, bovins sous signes officiels de qualité
Lait de vache cru
Au 1
er
juillet 2022
Bovins mâles ou femelles maigres de moins de 12 mois de race à viande, hors signes
officiels de qualité
Au 1
er
janvier 2023
Autres bovins et en particulier vaches laitières réformées
Ensemble des filières qui ne font pas l’objet d’un décret spécifique
Tableau n° 1 : échéancier d’entrée en vigueur de la loi EGAlim 2 pour la filière bovine
Par ailleurs, les accords-cadres et contrats
qui étaient en cours au moment de l’entrée
en vigueur des dispositions relatives à la
contractualisation écrite devaient être mis en
conformité dans l’année et au plus tard :
• le 1
er
janvier 2023 pour les filières concernées
par l’entrée en vigueur au 1
er
janvier 2022 ;
• à la date anniversaire de l’entrée en vigueur
pour les autres filières concernées ;
• pour les filières concernées par l’entrée
en vigueur le 1
er
janvier 2023, cette date
limite de mise en conformité sera le
1
er
janvier 2024.
Pour ce faire, les producteurs ou leurs orga-
nisations proposent un avenant à l’acheteur
ou lui demandent de proposer cet avenant.
Les mêmes délais s’appliquent à la mise en
conformité des statuts et du règlement intérieur
des coopératives agricoles.
Les règles contractuelles rénovées applicables
aux producteurs et à leurs premiers acheteurs
en vertu de la loi EGAlim 2 sont donc
d’application
récente
mais
prolongent
la
dynamique engagée à compter de 2019 par
la loi EGAlim 1. Ainsi, pour les opérateurs et
les filières pour lesquels la contractualisation
était déjà obligatoire ou qui commerçaient
sous contrat ou en coopérative et qui avaient
de surcroît intégré le cadre fixé par la loi
EGAlim 1, la marche à franchir n’est pas la
même que pour les opérateurs qui n’avaient
pas de pratique de contractualisation installée
préalablement à la promulg ation de la loi.
3 - Des règles complexes
et des divergences d’interprétation
Les règles applicables aux contrats portant
sur des produits agricoles ou alimentaires
sont complexes
(
voir
voir
supra
supra
I.A.1
I.A.1)
et reflètent
la difficulté pour le législateur et pour les
parties de trouver un bon équilibre entre
liberté contractuelle et régulation du marché.
Pour
accompagner
les
agriculteurs,
les
interprofessions ont publié des guides de
contractualisation ainsi que des contrats type
mis à la disposition des éleveurs de bovins
16
. La
fréquence de consultation de ces instruments
COUR DES COMPTES
17
par les opérateurs n’est pas connue. Les mini-
stères chargés de l’économie et de l’agriculture
ont aussi établi et publié une foire aux questions
(FAQ) sur l’application d’EGAlim 2 ainsi que
divers documents d’explication des lois
17
.
Toutefois, certaines dispositions EGAlim sou-
lèvent encore des questions juridiques et
plusieurs sujets nécessiteraient d’être clarifiés,
de l’avis des parties prenantes. Fixer la doctrine
permettrait de surmonter les sentiments de
défiance ou d’injustice que les parties peuvent,
en raison de ces incertitudes, exprimer les unes
à l’égard des autres ou à l’égard des pouvoirs
publics, et qui nuisent au bon déploiement de
la contractualisation.
Les parties font ainsi état de divergences
d’analyse concernant la portée dans la formule
de prix, des indicateurs relatifs aux coûts
pertinents de production en agriculture et à
leur évolution. L’article
L. 631-24
prévoit à la fois
que les parties définissent librement les critères
et modalités de révision ou de détermination
du prix et que le producteur doit présenter une
proposition de contrat qui constitue le socle de
la négociation : ce socle intègre comme critères
et modalités de révision ou de détermination
du prix, un ou plusieurs indicateurs de coûts
pertinents de production en agriculture. La
question est de savoir si le ou les indicateurs
de coûts de production figurant dans la
proposition socle établie par le producteur
s’imposent aux parties pour le contrat.
De même, la disposition de l’article
L. 631-24
précisant que les indicateurs publiés par les
organisations interprofessionnelles ou les
instituts techniques agricoles
18
«
servent d’in-
dicateurs de référence
» peut être interprétée
comme rendant obligatoire l’utilisation de ces
indicateurs. Or,
le principe de la liberté contrac-
tuelle
, rappelé dans la foire aux questions
(
FAQ
) par la DGCCRF et le ministère de l’agri-
culture, permet aux parties de recourir aux
indices et indicateurs qu’elles choisissent. Sur
ce point aussi, les analyses peinent à converger.
Les modalités de fixation des prix en cadre
coopératif au regard d’EGAlim font également
débat. La rémunération des coopérateurs n’est
pas déterminée comme dans un contrat de
vente classique et ne permet pas de s’engager
sur les prix dans les mêmes conditions.Toutefois,
comme indiqué ci-dessus, les coopératives
doivent, pour produire des effets similaires
aux contrats, mettre à jour leur statuts sur
la base de modèles (Art. L. 521-3-1 du CRPM).
L’information communiquée à l’agriculteur
associé sur les formules de prix doit être
détaillée : il doit recevoir une information
individualisée sur sa rémunération. Les non-
16. Guide des bonnes pratiques contractuelles et commerciales de l’interprofession laitière, Cniel, 2023 ;
Guide de la contractualisation bovine, Interbev
, 2019 (en cours de mise à jour) ;
Pour un modèle de contrat, voir par exemple
ce modèle
qui concerne tant les filières bovins lait que bovins viande.
17.
Foire aux questions : application de la loi n°2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération
des agriculteurs
, DGPE-DGCCRF, 2021 ;
Lignes directrices sur la prise en compte des « indicateurs » dans la chaîne contractuelle
, DGCCRF, 2020 ;
Lignes directrices : droit de la concurrence et secteur agricole
, DGCCRF, 2020 ;
Lignes directrices relatives à l’encadrement des promotions
, DGCCRF, 2021 ;
Foire aux questions portant sur les lignes directrices en matière de pénalités logistiques
, DGCCRF, 2023.
18. L’institut de l’élevage est l’institut technique agricole compétent pour les filières bovines. L’observatoire de la
formation des prix et des marges des produits alimentaires (art. L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime) relaie
ses travaux en publiant chaque trimestre un
support synthétique
reprenant l’ensemble des indicateurs rendus publics
relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture. Pour mémoire, l’observatoire étudie les coûts de production
au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l’ensemble de la chaîne
de commercialisation. Il examine, à l’échelle de chaque filière, la prise en compte des indicateurs relatifs aux coûts de
production précités ainsi que la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation. Son
rapport annuel
expose ses observations. Il peut aussi être saisi par le médiateur ou une organisation interprofessionnelle pour avis
sur les indicateurs de coûts de production ou de prix des produits agricoles et alimentaires ou sur leurs méthodes d’élaboration.
18
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
coopérateurs estiment que ces règles sont
moins rigoureuses que celles qui s’imposent à
eux tandis que du point de vue des coopératives,
elles sont adaptées à leurs contraintes propres.
Enfin, encore à titre d’exemple, une divergence
d’analyse semble persister entre la DGCCRF
et le Haut conseil de la coopération agricole
(HCCA) (
cf
.
I.B.1
infra
) quant aux compétences
de la DGCCRF pour contrôler et sanctionner
le respect par les coopératives des obligations
découlant de la loi. Une clarification législative
pourrait s’avérer, sur ce point, nécessaire.
B - Un champ d’application étendu pour
deux filières différemment structurées
1 - Des acteurs et flux commerciaux
hétérogènes dans les filières de bovins
lait et de bovins viande
À de rares exceptions près, les filières de
bovins lait et de bovins viande relèvent à
présent
du
régime
de
contractualisation
amont prévu par les lois EGAlim. La filière
laitière est plus structurée que la filière
viande dans la mesure où les producteurs y
sont davantage regroupés (cf. tableau n° 3).
La forte structuration dans la filière laitière
s’explique notamment par la périssabilité du
produit ainsi que pour des raisons historiques
liées à la fin des quotas laitiers et à une
contractualisation obligatoire plus ancienne
(2011). Bien que le regroupement de l’offre
soit associé à une plus grande capacité à
peser dans les négociations commerciales vis-
à-vis d’acheteurs plus concentrés, la
« culture
d’indépendance, de "maquignonnage" ou de
"cueillette" reste très forte
»
au sein de la filière
bovine
19
. Les politiques de structuration et de
contractualisation sont intimement liées.
Source : synthèse Cour des comptes d’après les chiffres indiqués dans l’étude citée en note de bas de page ainsi
que les chiffres cités par le rapport de la Cour des comptes sur les soutiens publics aux éleveurs de bovins
Tableau n° 2 : analyse comparée de la structuration des filières bovins lait et bovins viande
Bovins lait
Bovins viande
Nombre d’exploitations
50 000
83 000
Dont % sociétaires d’une coopérative ou d’une organisation
de producteur (OP) avec transfert de propriété [S1]
55 %
30 %
Dont % membres d’une OP sans transfert de propriété [S2]
25 %
20 %
Dont % autres producteurs
20 %
50 %
Part des agriculteurs associés à des groupements (en %) [S1 + S2]
80 %
50 %
19. Étude
Comment l’amont des filières de production agricole se saisit-il des outils d’organisation économique et comment
mesurer l’impact qu’ont ces choix sur les revenus des agriculteurs ?
d’ABCIS et Blézat Consulting commandée par le MASA
(décembre 2019).
Le schéma n° 1 présenté en introduction pré-
cise l’organisation des relations commerciales
dans les filières de bovins lait et de bovins
viande. Les premiers acheteurs diffèrent dans
ces deux filières, avec un rôle central des
commerçants en bestiaux et des abatteurs
dans les transactions amont pour la filière de
bovins viande.
COUR DES COMPTES
19
Les deux filières sont cependant étroitement
liées, comme l’indique l’exploitation de la
base de données nationale d’identification
(BDNI),
système
d’information
à
double
finalité sanitaire et commerciale qui retrace
l’ensemble des flux d’animaux sous le contrôle
de la direction générale de l’alimentation
(DGAL) du ministère chargé de l’agriculture.
D’après les données BDNI analysées par la
Cour sur la période 2018-2022, la viande
bovine abattue en France provient pour 65 %
du troupeau de bovins viande et pour 35 %
du troupeau laitier. Ces proportions n’ont
que peu varié dans le temps (environ 2 points
entre 2018 et 2022).
2 - Plus de 90 % de la production bovine
dans le champ de la contractualisation
obligatoire
Les premiers acheteurs de bovins vivants issus
des filières lait et viande tendent à rassembler
les animaux par lots et opèrent principalement
dans deux circuits commerciaux : d’une part
les centres de rassemblements en dehors
des marchés
20
et d’autre part les marchés
de bovins vifs
21
. Les premiers entrent dans le
champ d’application des lois EGAlim, mais pas
les seconds.
Ces opérateurs commerciaux, leurs gestion-
naires ainsi que les flux d’animaux associés
sont retracés dans la BDNI. L’analyse par la
Cour des données de cette base montre que les
gestionnaires des centres de rassemblement
tels que les commerçants en bestiaux et les
coopératives commercialisent un nombre élevé
d’animaux, à hauteur de 6 à 7 millions par an,
contre environ 700 000 par an pour les marchés.
Ces flux commerciaux associés aux marchés, de
l’ordre de 10 % en 2022, sont donc modestes par
rapport aux autres opérateurs commerciaux.
Sur la base de sources différentes
22
, la direction
générale de la performance économique et
environnementale des entreprises (DGPE) du
ministère chargé de l’agriculture aboutit à un
chiffrage concordant.
La part des flux commerciaux transitant par les
marchés et retracée par la Cour a globalement
peu varié sur la période 2018 à 2022 (variation
inférieure à 2 points). Depuis l’application
de la loi au 1
er
janvier 2022, on n’observe
pas d’inflexion dans les flux associés aux
marchés. Il s’ensuit que le champ d’application
d’EGAlim 1 et 2 concerne l’essentiel des bovins
commercialisés en France.
Les centres de rassemblement sont associés à
des parts de marché variables.Les gestionnaires
de certains de ces centres jouent un véritable
rôle de pivot dans les chaînes commerciales
à l’amont. D’après les données de la BDNI,
les dix premiers centres de rassemblement
concentrent plus d’un dixième du total des flux
commerciaux de bovins vifs.
Au total, même s’il n’a pas été possible de
quantifier précisément les productions et les
animaux placés hors champ par le législateur,
l’essentiel de la production relève aujourd’hui
de la loi.
20. Selon l’art. R233-3-1, «
centre de rassemblement
» désigne «
tout emplacement où sont rassemblés des animaux
issus de différentes exploitations en vue de la constitution de lots d’animaux destinés aux échanges intracommunautaires,
à l’exportation vers des pays tiers ou à l’expédition sur le territoire national. Ne sont pas compris dans cette définition les
exploitations d’élevage, les lieux d’exposition ou de manifestations sportives ou culturelles et les établissements d’abattage
».
21. Il existe deux catégories de marchés aux bestiaux organisant la rencontre de l’offre et de la demande : marchés de gré
à gré et marchés au cadran (voir
https://fmbv.fr/Page/146/LES-MARCHES/GRE-A-GRE---CADRANS
).
22. Données publiées par la fédération française des marchés de bovins vifs (FFMB) notamment. Estimation à 12%.
20
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
C - Un dispositif de contrôle
et de traitement des litiges
propre aux contrats agricoles
1 - Un dispositif de contrôle
relevant de la DGCCRF en lien
avec la coopération agricole
L’article L. 631-25 du code rural et de la pêche
maritime prévoit de sanctionner par une
amende s’élevant au maximum à 2 % du chiffre
d’affaires plusieurs infractions susceptibles
d’être commises par un producteur, une
organisation de producteurs ou un acheteur,
et portant notamment sur la consistance du
contrat (un contrat ou un accord-cadre doit
comporter l’ensemble des clauses de l’article
L. 631-24, rappelées en annexe n°
1), l’existence
d’échanges écrits et de bonne foi entre les
parties concernant les clauses du contrat ou
la transmission d’informations nécessaires
à son exécution. Constitue également un
manquement le fait pour un producteur ou
une organisation de producteurs de ne pas
proposer de contrat ou d’accord-cadre écrit et,
symétriquement pour un acheteur, d’acheter
des produits agricoles sans avoir conclu de
contrat ou d’accord-cadre.
Alors que plusieurs services sont habilités à
rechercher et à constater ces manquements
23
,
l’audit n’a pas révélé la définition d’une
stratégie d’intervention commune ou d’un
partage des tâches. Les échanges intervenus
à haut niveau entre les ministres chargés de
l’agriculture et des entreprises, leurs cabinets
ainsi que les services de la DGPE et de la
DGCCRF désignent cette dernière comme seul
opérateur des contrôles au niveau national.
Pour les coopératives agricoles, le Haut conseil
de la coopération agricole (art. L. 528-1 du
code rural et de la pêche maritime) vérifie que
les statuts et règlements intérieurs de celles-ci
produisent pour les agriculteurs associés de la
coopérative, sur les différents points énumérés
dans le tableau n°
2, des effets similaires à ceux
prévus par la loi. Il transmet son analyse et
ses conclusions aux agents de la DGCCRF
24
.
Ce contrôle s’effectue obligatoirement chaque
année dans le cadre de l’examen d’un dossier
annuel de contrôle (DAC), transmis par chaque
coopérative au HCCA et comprenant les
comptes, les résolutions votées en assemblée
générale,
les
statuts
et
les
règlements
intérieurs s’ils sont modifiés (art. R. 525-8).
En cas de non-conformité, le HCCA peut saisir
les coopératives pour correction. Tous les ans,
les 1 800 coopératives agricoles françaises
adressent ainsi leurs dossiers annuels de
contrôle au HCCA qui en étudie environ
400 de manière plus poussée, en ciblant les
plus importantes et, le cas échéant, certaines
activités. En 2022 et 2023, une attention
renforcée a ainsi été portée au lait et aux
bovins viande pour accompagner l’entrée en
vigueur anticipée de la loi EGAlim 2.
23. Art. R. 631-15: «
Sont habilités à rechercher et à constater les manquements mentionnés à l’article L. 631-25 :
/ 1° Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; / 2° Les agents des services de l’État
chargés de l’agriculture et de la pêche ; / 3° Les agents assermentés de l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 désignés
par le directeur général de cet établissement en application du deuxième alinéa de l’article R. 622-6 ; / 4° Les administrateurs,
officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes ; / 5° Les fonctionnaires affectés dans les services exerçant
des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la
mer ; / 6° Les agents des douanes.
»
24. En 2022, toutes filières agricoles confondues, le HCCA a été saisi cinq fois par la DGCCRF (
rapport d’activité 2022 du
HCCA
) et 16 fois en 2023 selon La coopération agricole.
COUR DES COMPTES
21
2 - Des litiges obligatoirement
soumis aux instances de médiation
et de règlement des différends agricoles
Pour les litiges entre les professionnels, plu-
sieurs voies de droit spéciales existent, fai-
sant du recours au juge l’exception. Les litiges
concernant la conclusion ou l’exécution du
contrat ou de l’accord-cadre ayant pour objet
la vente de produits agricoles doivent, avant
toute saisine d’un juge, faire l’objet d’une
procédure devant le médiateur des relations
commerciales agricoles et, en cas d’échec,
d’une saisine du comité de règlement des
différends commerciaux agricoles (article
L. 631-28 du code rural et de la pêche mari-
time). À l’automne 2023, une seule saisine
du médiateur était intervenue concernant
des contrats d’amont pour la filière de bovins
viande, contre près de 200 pour la filière de
bovins lait. Aucun différend n’avait été porté
devant le comité de règlement des différends.
Pour la sphère coopérative, les litiges peuvent
être portés devant le médiateur de la coopé-
ration agricole
25
.
Les opérateurs agissent enfin peu devant
les tribunaux sur le fondement du code de
commerce (ou du code civil pour les coopéra-
tives), car ils ne disposent pas, contraire-
ment aux services de l’État, des moyens
d’enquêtes leur permettant de répondre aux
exigences de démonstration requises par les
juridictions (preuves d’état de soumission
et de déséquilibre significatif). Un jugement
rendu le 30 août 2022 par le tribunal judiciaire
de Coutances
26
, saisi sur le fondement de
l’article L. 631-8 avant création du comité de
règlement des différends, fait toutefois état
d’une situation de déséquilibre entre une
association d’organisations de producteurs et
son acheteur, en référence aux articles 1142
et 1143 du code civil concernant l’effet de la
violence sur un contrat.
Ainsi, en complément des contrôles menés par
la DGCCRF, les services précités contribuent
à accompagner la mise en œuvre de la loi et
à en faire respecter les termes et constituent
pour les agriculteurs comme pour les acheteurs
des interlocuteurs mobilisables
27
.
Cependant,
l’existence
d’instruments
de
droit dans le domaine commercial est une
condition nécessaire mais pas suffisante pour
garantir l’application de la loi. La peur d’être
déréférencé par son client peut être très forte
chez un éleveur tenté par une démarche de
réclamation auprès d’une instance officielle.
Ce risque ne peut être écarté dans des filières
commerciales agricoles marquées par de forts
déséquilibres entre les co-contractants.
25. Lorsque les litiges entre l’associé coopérateur et sa coopérative portent sur des stipulations des contrats d’apport
relatives aux prix et aux modalités de détermination et de révision des prix ainsi qu’aux volumes, et lorsque les litiges sont
relatifs au calcul ou paiement d’indemnités financières dues à la suite du départ d’un associé coopérateur avant la fin de sa
période d’engagement, le médiateur des relations commerciales agricoles mentionné à l’article L. 631-27 instruit le litige
et transmet son avis au médiateur de la coopération agricole pour permettre à ce dernier d’effectuer la médiation (source :
charte de la médiation).
26. Tribunal judiciaire de Coutances, 30 août 2022, n° RG 21/01372 – N° Portalis DBY6-W-B7F-DBQG.
27. La commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) peut également connaître des questions et des pratiques
concernant les relations commerciales agricoles.
22
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
La DGCCRF veille au bon fonctionnement des
marchés et a notamment pour mission «
de
déterminer et de faire respecter : les règles de
concurrence, afin de favoriser le développement
d’un marché ouvert et loyal
[ainsi que]
les règles
relatives à l’information des consommateurs et
à la loyauté des pratiques commerciales vis-à-
vis de ces derniers
[…] »
28
. Dans le domaine de
l’alimentation, elle peut intervenir à tous les
stades de l’activité économique, c’est-à-dire,
selon une formule ramassée, « de la fourche
à la fourchette ». Cette compétence s’étend
donc, dans le domaine de l’élevage bovin, à
tous les stades de vente, de la collecte du lait
cru à la ferme jusqu’à la vente de fromage, de
lait ou de produit laitier et de la vente du bovin
vif jusqu’à la vente de morceaux de viande
entière ou transformée.
A - Une planification des contrôles
mise en œuvre rapidement
Les contrôles de la DGCCRF sont planifiés puis
mis en œuvre avec d’éventuels ajustements
au fil de l’eau. Pour une part majoritaire
29
,
les contrôles sont programmés sur une base
annuelle
via
un échange entre la direction
générale et ses services déconcentrés qui
assurent
la
conduite
opérationnelle
des
contrôles, notamment les directions régionales
de l’économie, de l’emploi, du travail et des
solidarités (DREETS) chargées des relations
entre les entreprises
30
et compétentes pour le
suivi des lois EGAlim.
Des plans de contrôles sont rédigés à l’échelon
national pour chacun des grands axes d’enquête
traités par la DGCCRF (en moyenne 140 par
an, tous secteurs économiques confondus)
et les campagnes de contrôle font l’objet
de retours d’expériences annuels formalisés
par une synthèse, à partir des remontées
des services déconcentrés vers l’administration
centrale. La contractualisation agricole amont
a été expressément identifiée comme l’un
de ces 140 sujets d’enquête annuels, et son
application à la filière bovine soulignée.
Des contrôles de contrats de première cession
entre producteur (ou ses groupements) et
premier acheteur avaient déjà été réalisés au
quatrième trimestre 2019 et au quatrième
trimestre 2020 à la suite de la publication
de la première loi EGAlim. La DGCCRF avait
aussi réalisé entre 2019 et 2021 des contrôles
relatifs à la prise en compte des indicateurs
introduits par cette loi.
Le suivi de l’application de la loi EGAlim 2,
promulguée en octobre 2021, constitue l’un
des objectifs fixés dans le cadre du programme
national d’enquête de la DGCCRF pour les
années 2022 et 2023 pour l’ensemble des
filières agricoles, et notamment pour les filières
bovins lait et bovins viande, explicitement
identifiées.
La
DGCCRF
aborde
les
contrôles
des
relations contractuelles amont dans le secteur
agricole de façon intégrée, en remontant les
28. Source : bleu budgétaire pour 2024 du programme « 134 -
Développement des entreprises et régulations
» de la mission
Économie.
29. Au moins 70 % de l’activité de contrôle d’après les échanges avec les services déconcentrés rencontrés.
30. Relations commerciales de type «
B to B
». Les services départementaux sont quant à eux essentiellement chargés
des relations entre les entreprises et les consommateurs (relations commerciales de type «
B to C
»).
II - DES MOYENS DE CONTRÔLE MOBILISÉS
RAPIDEMENT ET UNE ACTIVITÉ CIBLÉE PAR LA DGCCRF
COUR DES COMPTES
23
chaînes commerciales de l’aval à l’amont
agricole. Suivant cette approche, des entités
« charnières » entre les éleveurs et la
distribution telles que les coopératives, les
commerçants en bestiaux et les abatteurs
présentent un intérêt fort du point de vue
des contrôles à mener. Ces entités, davantage
concentrées qu’en amont et donc souvent
plus aisées à identifier, constituent le point de
départ des contrôles (voir encadré ci-après
sur les méthodes d’analyse des risques de la
DGCCRF). Les campagnes de contrôles 2022 et
2023 fixent des objectifs minimaux qui invitent,
lors du contrôle d’une entité aval, à contrôler
aussi au moins deux de ses fournisseurs.
À la différence de la campagne 2022 qui
combinait au sein d’une programmation
commune des contrôles à l’amont et à
l’aval, la campagne 2023 s’est caractérisée
par
une
programmation
spécifiquement
consacrée à l’amont, tout en maintenant
une programmation aval. Ce dédoublement
a permis un effort plus important pour le
contrôle des contrats amont, ce qui correspond
à une attente de l’interprofession Interbev.
À l’aune des analyses réalisées par la Cour,
le
critère
de
l’importance
économique,
c’est-à-dire du chiffre d’affaires des premiers
acheteurs, apparaît comme l’un des principaux
critères de ciblage. Dans la mesure où les
relations commerciales dans l’agro-alimentaire
concernent des producteurs, nombreux et
moins organisés, et leurs acheteurs, plus
concentrés
31
,
une
pression
de
contrôle
renforcée sur ces derniers sert une stratégie
de maîtrise des risques efficace.
31. C’est cette situation de déséquilibre structurel entre maillons des filières agricoles qui a notamment conduit les
autorités européennes à faciliter la constitution d’organisation de producteurs et la France à se doter des lois EGAlim. Voir
par exemple cet article proposé par la Commission européenne : «
About farmers’ bargaining power within the new CAP
»
publié par
Agricultural and food economics
en 2017 (
017-0084-y
).
Méthodes de la DGCCRF pour analyser les risques et cibler les opérateurs
pour ses contrôles en lien avec les dispositions des lois EGAlim
Les opérateurs contrôlés dans le cadre du suivi des lois EGAlim sont principalement identifiés
par les services déconcentrés régionaux de la DGCCRF et les DREETS dans le cadre d’un
examen des risques qui se fonde sur un ensemble de critères et d’éléments :
• les orientations de contrôles fixées à haut niveau entre les ministres ;
• les échanges animés par les services préfectoraux entre opérateurs et administrations ;
• l’importance économique des opérateurs ;
• d’éventuels contrôles antérieurs. Les services de la DGCCRF disposent de systèmes
d’information permettant de suivre les contrôles passés et leurs résultats ;
• les signalements et dénonciations ;
• une connaissance experte par les agents des secteurs économiques régionaux.
Les propositions sont ensuite arbitrées par l’administration centrale et donnent lieu à une
programmation formalisée.
24
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Par ailleurs, les agents de la DGCCRF, tant
au niveau central que dans les services
déconcentrés, sont habilités à accéder aux
données de la BDNI
32
. Les services de la DGAL
ont confirmé que certains agents de la DGCCRF
disposent d’accès effectifs à cette base. La Cour
prend acte de ce début de rapprochement
entre les deux administrations, dans l’esprit
de
sa
recommandation
déjà
réitérée
de
donner sans délai aux services chargés du
contrôle un accès rapide, complet et gratuit
à toutes les bases de données d’identification
animale
33
. Une exploitation plus systématique
de la BDNI au niveau national pourrait donc
constituer une piste prometteuse pour le
ciblage des contrôles de contractualisation
amont. Il serait notamment utile de réaliser
une analyse de risque pour la France entière
fondée par exemple sur le critère des parts de
marché des entités référencées dans la BDNI.
Cette analyse permettrait ensuite d’optimiser
la programmation en lien avec les DREETS
concernées.
B - Des points de contrôle
de technicité variable
Chaque contrôle de la DGCCRF prend la
forme d’une enquête complète, sur pièces et
sur place, permettant d’éclairer les relations
commerciales d’un acheteur (par exemple
un industriel) avec ses fournisseurs (par
exemple une organisation de producteurs ou
une coopérative qui regroupe de nombreux
éleveurs).
Les éléments à contrôler dans les contrats
agricoles
amont
présentent
des
niveaux
de
complexité
variables.
Les
documents
méthodologiques
élaborés
à
l’échelon
national par la DGCCRF pour 2022 et 2023 ont
précisé les points à vérifier (voir le tableau n°
3
ci-après) et la méthode (contrôle de l’acheteur
puis d’au moins deux de ses fournisseurs) en
tenant compte des dates d’entrée en vigueur
de la loi EGAlim 2.
Si certains items appellent des contrôles
purement formels, d’autres, et principalement
les éléments concernant les prix et leur
évolution,
l’utilisation
d’indicateurs
ainsi
que les conditions de la négociation, sont
d’un
examen
particulièrement
complexe
(
cf.
infra
III.C.3.
). Ils nécessitent la mobilisation
de
professionnels
aguerris
et
un
temps
long d’instruction. Essentiellement orientés
jusqu’alors sur les relations contractuelles
entre fournisseurs et distributeurs, les services
de la concurrence et de la répression des
fraudes intègrent désormais ce nouveau volet
amont de la chaîne commerciale.
32. Voir
l’arrêté du 18 mai 2010 relatif à la base de données nationale d’identification des animaux de rente dont l’identification
est obligatoire
: «
Peuvent être destinataires de tout ou partie des données […] : […] 2. Les services déconcentrés de l’État
dans le cadre de leurs missions […] de contrôle de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. […]
9. Les services de l’administration centrale du ministère en charge de l’économie dans le cadre de leur mission de contrôle de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
».
33. Voir la onzième recommandation du
rapport de la Cour des comptes relatif à la politique publique de lutte contre
la prolifération des algues vertes en Bretagne
publié en 2021 ainsi que la première recommandation des
observations
définitives relatives à l’encadrement et au contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)
dans le domaine agricole
et mises en ligne en 2022.
COUR DES COMPTES
25
34. Interdiction des clauses dites « d’alignement tarifaire » ayant pour effet une renégociation ou une modification
automatique du prix liée à l’environnement concurrentiel. Par exemple, avant la promulgation de la loi EGAlim, des
ajustements de prix dépendant des prix pratiqués par la concurrence (des concurrents des premiers acheteurs qui
opèrent donc sur les mêmes marchés) avaient été proposés/imposés par des acheteurs aux fournisseurs.
Source : Cour des comptes, à partir des documents de contrôle élaborés par la DGCCRF pour 2022 et 2023
Tableau n° 3 : points de vérification concernant la contractualisation amont identifiés
par les plans de contrôle de la DGCCRF pour 2022 et 2023
Points de vérification
Précisions
Existence de contrat écrit conforme aux dispositions
de l’article L. 631-24
Une attention particulière est portée sur les indicateurs
qui doivent être listés, leur pondération examinée
Description du déroulement des négociations
Les enquêteurs relèvent les moments forts des
négociations : propositions, durée des négociations,
éventuels difficultés ou refus, médiation…
Présence des clauses requises en cas de contrat écrit
facultatif
Clauses de l’art. L. 631-24 dans les limites prévues
Transmission des informations figurant au IV et au VII
de l’article L. 631-24 (contenu des propositions
d’accords-cadres et des accords-cadres / annexion de
la proposition au contrat) et à l’article L. 631-24-1
(transmission par le fournisseur à l’acheteur de
l’évolution des indicateurs de prix des produits
agricoles sur les marchés où il opère
Vérification de la présence de la proposition initiale
et comparaison avec le contrat pour apprécier
les modifications intervenues en cours de négociation
Transmission par écrit de toute réserve ou refus de
l’acheteur
La motivation des refus de contractualiser doit être
particulièrement analysée
Présence du mécanisme « tunnel de prix » pour la filière
de viande bovine (décret n°2021-1415)
Interdiction de la clause d’alignement concurrentiel
34
Éléments relatifs à la facturation (IV de L. 631-24)
et s’agissant du secteur laitier, transmission par les
laboratoires aux OP des résultats des analyses
déterminant le niveau de prix payé pour le lait
(D. 651-37)
Vérifier si le producteur a demandé des informations
et si elles lui ont été données. L’opacité sur les prix peut
refléter un déséquilibre dans la relation producteur-
acheteur
Agissements relevant des pratiques restrictives
de concurrence et/ou des pratiques anticoncurrentielles
La recherche des manquements prévus à l’article
L. 631-25 peut révéler des pratiques proscrites
conduisant
à
des
situations
de
déséquilibre
significatif dans les droits et obligations des parties
(L. 442-1 code de commerce).
Pour les coopératives que leurs textes produisent
des effets similaires aux clauses contractuelles (dans
tous les cas analyse HCCA)
Analyse
des
statuts
et
règlements
intérieurs
nécessitant toujours une analyse parallèle du HCCA
(L. 528-2). Si le HCCA constate que la coopérative
ne respecte pas L. 528-2-3, il en informe les agents
de la concurrence. Ceux-ci rapportent le cas au
service central DGCCRF.
26
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
C - En 2022 et 2023, une activité
de contrôle croissante, ciblée sur
les acheteurs clés
Pour apprécier la portée des contrôles de
la DGCCRF, la Cour s’est appuyée sur deux
indicateurs complémentaires :
• Le nombre de contrôles réalisés qui reflète
l’effort de contrôle de la DGCCRF ;
• Le chiffre d’affaires (non-consolidé
35
) moyen
des entités contrôlées pour apprécier la
pertinence du ciblage des contrôles dans
la mesure où le chiffre d’affaires reflète le
poids économique des entités. Or, plus un
opérateur est important, plus il couvre de
transactions et plus il est susceptible de
bénéficier d’un rapport de forces favorable
dans les négociations commerciales.
Le tableau n°
4 synthétise le nombre total
d’enquêtes réalisées dans le périmètre de
l’audit. Les données pour 2023 ne sont pas
encore stabilisées.
Tableau n° 4 : bilan des enquêtes réalisées pour le contrôle
de la contractualisation amont pour les filières bovins lait et viande
Filière bovine et année
Nombre de contrôles réalisés sur
les premiers acheteurs pris comme
point de départ pour le contrôle
des fournisseurs vers l’amont
Chiffre d’affaires
moyen (en M€)*
2022
21
4 011
Lait
8
8 818
Viande
13
807
2023 (hors 4
e
trimestre)
43
1 368
Lait
21
2 209
Viande
22
704
Total général
64
2 347
Source : analyse Cour des comptes d’après les réponses de la DGCCRF
*
Note de lecture : moyennes pondérées calculées sur la base des données disponibles et mobilisables pour les
chiffres d’affaires non-consolidés
Au total, 21 établissements premiers acheteurs
ont été contrôlés en 2022 au titre d’EGAlim
dans les filières bovines. Avec une intervention
additionnelle chez neuf de leurs fournisseurs,
on dénombre au total 30 contrôles de l’aval à
l’amont agricole en 2022.
Pour 2023, 43 établissements ont été contrôlés,
avec 29 contrôles additionnels plus en amont.
Le total d’entités contrôlées par la DGCCRF
pour 2023 est de 72, ce qui représente une
augmentation de 140 % entre 2022 et 2023.
Le nombre total de contrôles réalisés par la
DGCCRF peut paraître modeste mais il concerne
nombre des grands acheteurs nationaux qui se
situent à l’interface entre l’amont et l’aval et qui
sont impliqués dans un volume de transactions
important auprès de nombreux producteurs
agricoles. Le tableau n°
4 ci-dessus indique que
les acheteurs contrôlés présentent des tailles
significatives, affichant un chiffre d’affaires
moyen de 2,3 Md€, soit un volume financier qui
correspond à un approvisionnement auprès de
milliers d’éleveurs.
35. Le chiffre d’affaires non-consolidé mesure le cumul annuel des ventes d’une entité, sans décompter les ventes croisées
entre ses éventuelles filiales. La Cour a constaté que le chiffre d’affaire non consolidé disponible dans les données ouvertes
constituait un indicateur fiable et pertinent pour le présent audit dans la mesure où il apparaît étroitement associé tant
aux flux physiques de lait cru que de bovins en vif.
COUR DES COMPTES
27
D’autre part, pour chaque acheteur contrôlé, la
DGCCRF s’est fixé comme objectif de contrôler
au moins deux relations commerciales entre
l’acheteur et ses fournisseurs, c’est-à-dire les
éleveurs. En moyenne, l’objectif de contrôler
au moins deux fournisseurs par entité a été
atteint pour les contrôles réalisés sur pièces
36
.
Malgré une progression observée entre 2022
et 2023, cet objectif n’a pas été atteint si l’on
ne considère que les contrôles réalisés sur
place
37
. Une explication tient au fait que le
ciblage des contrôles a concerné pour une part
importante les coopératives dont les fournis-
seurs sont pour l’essentiel les adhérents de ces
coopératives.
D - Un ciblage des contrôles
sur les grands acheteurs
et une répartition territoriale
globalement équilibrée
S’agissant des catégories d’acteurs, le ciblage
des contrôles de la DGCCRF pour remonter
les chaînes commerciales vers l’amont agricole
a principalement porté sur les industries
agro-alimentaires (IAA) et les coopératives
pour la filière laitière ainsi que les abatteurs, les
coopératives et les commerçants en bestiaux
pour la filière viande (voir tableau n° 5). Une
partie de la production prise en compte relevait
de l’agriculture biologique.
36. 23 fournisseurs pour 21 acheteurs en 2022, soit une moyenne de 1,1 fournisseur par acheteur ; 141 fournisseurs pour
43 acheteurs en 2023, soit une moyenne de 3,3 fournisseurs par acheteur. Pour la période 2022 à 2023, la moyenne est
donc de 2,6 fournisseurs examinés par acheteur.
37. 9 fournisseurs pour 21 acheteurs en 2022, soit une moyenne de 0,4 fournisseur par acheteur ; 29 fournisseurs pour
43 acheteurs en 2023, soit une moyenne de 0,7 fournisseur par acheteur.
Tableau n° 5 : contrôles réalisés par la DGCCRF suivant les catégories d’acteurs
Filière bovine et type de premier
acheteur ciblé (point de départ
pour la remontée vers l’amont)
Nombre de contrôles
de premiers acheteurs
Chiffre d’affaires
moyen (en M€)*
2022
2023
2022
2023
Lait
8
21
8 818
2 209
Industriels agroalimentaires
4
11
14 072
3 692
Coopératives
4
8
3 565
515
Commerçants de gros de lait
0
1
0
nc
Organisations de producteurs
0
1
0
nc
Viande
13
22
807
704
Abatteurs
6
3
1 165
1 879
Coopératives
3
8
821
171
Commerçants en bestiaux
3
6
77
31
Organisations de producteurs
1
2
nc
6 217
Industriels agroalimentaires
0
3
0
70
Ensemble
21
43
4 011
1 368
Source : analyse Cour des comptes d’après les réponses de la DGCCRF
*
Note de lecture : moyennes pondérées calculées sur la base des données disponibles et mobilisables pour les
chiffres d’affaires non-consolidés
Sur le plan territorial, les DREETS Pays de
la Loire et Île-de-France visitées par la Cour
(cf. encadré
infra
) ont réalisé près d’un quart
des contrôles et ont contrôlé des opérateurs
couvrant plus de 70 % des enjeux financiers
audités en 2022 et 2023 (46 % et 26 %
28
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
respectivement). Le graphique n°
1 ci-après
montre que la DREETS Île-de-France a ciblé
peu d’entités très concentrées. La DREETS Pays
de la Loire a ciblé de nombreuses entités de
grande taille mais néanmoins plus petites qu’en
Île-de-France. Les contrôles pour les filières
bovines ont couvert l’ensemble du territoire à
l’exception des DREETS Grand Est et Provence-
Alpes-Côte d’Azur. L’absence de contrôle pour
la DREETS Grand Est pose question car cette
région fait partie de « l’arc laitier français » et
comporte assurément des élevages bovins
ainsi que des premiers acheteurs assurant la
transformation locale du lait cru
38
.
38. Voir la répartition des cheptels bovins lait et bovins viande dans les deux premières cartes des observations définitives
de la Cour sur
les soutiens publics aux éleveurs de bovins
mises en ligne en mai 2023.
Graphique n° 1 : vue d’ensemble des contrôles réalisés par les DREETS pour les filières bovines
Source : Cour des comptes d’après les réponses de la DGCCRF
Note : aucun contrôle n’ayant été réalisé pour les filières bovines en Grand Est et PACA, ces dernières sont
représentées en bas à gauche du graphique.
Île de france
Normandie
Pays de la Loire
Bretagne
Hauts de France
Centre Val de Loire
Auvergne Rhône Alpes
Bourgogne
Franche Comté
Occitanie
Nouvelle
-Aquitaine
Réunion
Grand Est
Alpes Côte d’Azur (PACA)
100 000
10 000
1 000
100
10
1
Chiffre d’affaires non-consolidé moyen
des entités contrôlées
Nombre de contrôles réalisés à l’aval (point de départ pour la remontée vers l’amont)
0
2
4
6
8
10
12
COUR DES COMPTES
29
39. Les sièges de la quasi-totalité des sièges de ces opérateurs sont situés en Île-de-France et font l’objet d’enquêtes
multiples dans le champ des négociations commerciales.
40. Voir cette étude de l’Insee :
.
41. Quand les acheteurs constituant le point de départ des enquêtes ne sont pas dans la même région que les producteurs,
le temps d’instruction est augmenté. La remontée de la chaîne vers l’amont nécessite une coopération avec d’autres
DREETS car le siège des producteurs agricoles concernés se situe parfois dans d’autres régions. Le cas de l’Île-de-France
est à ce titre éclairant puisque, dans l’essentiel des cas, les producteurs agricoles sont situés dans d’autres régions :
Hauts-de-France, Nouvelle Aquitaine, la Normandie ou Pays de la Loire.
42. 18 contrôles au total (premiers acheteurs et fournisseurs) en 2022 et 2023 pour 0,9 ETPT annuel et une hypothèse
de temps de travail de 1 500 heures par an (= (2 x 1 500 x 0,9) / 18).
Les contrôles des DREETS d’Île-de-France et de Pays de la Loire
Dans le cadre de l’audit flash, des échanges plus approfondis ont été réalisés avec deux
DREETS positionnées dans des régions regroupant les sièges de nombreuses entreprises de
l’industrie agro-alimentaire et de la distribution, à savoir en Île-de-France et dans les Pays de
la Loire.
Ceux-ci ont permis de prendre la mesure du grand nombre de contrôles dans tous les secteurs
de l’économie que les services de la concurrence et de la répression des fraudes doivent
mener. On constate par ailleurs que les campagnes de contrôle peuvent être fréquemment
modifiées par des changements de priorités. En Île-de-France par exemple, l’effort de la
DREETS est à mettre en regard des spécificités économiques franciliennes, notamment
dans les domaines de la grande distribution à dominante alimentaire
39
, ainsi que les secteurs
du numérique et des télécommunications
40
. Les contrôles agricoles prévus en matière de
contractualisation amont pour la filière bovine ne constituent qu’une part de l’activité qui
couvre également tous les sujets de l’aval jusqu’aux consommateurs.
L’audit a également permis d’apprécier l’importance d’une bonne connaissance par les
services de l’écosystème local et l’intérêt de l’adaptation du plan annuel de contrôle. Dans la
région Pays de la Loire, le travail mené par la DREETS en lien avec les services préfectoraux,
les services déconcentrés du ministère de l’agriculture et les opérateurs locaux conduit à
un ciblage pertinent des entités contrôlées et à une bonne connaissance des enjeux de la
contractualisation par l’ensemble des parties.
Enfin, l’examen de dossiers et de contrats a permis d’appréhender la technicité et le temps
d’instruction
41
nécessaires pour effectuer les contrôles. Ceux-ci portent en effet à la fois sur
les relations commerciales aval et amont d’un opérateur ou sur des formes contractuelles
atypiques comme les relations commerciales tripartites qui peuvent être bâties entre
producteurs, abattoirs et magasins de grandes enseignes au sein de circuits courts. Pour
les DREETS Pays de la Loire et Île-de-France, on peut estimer qu’un contrôle représente
en moyenne 150 heures de travail
42
. Le contrôle des formules de prix et des indicateurs est
particulièrement délicat car au-delà des dispositions d’EGAlim 2 à l’amont, par elles-mêmes
complexes, les contrôles réalisés visent à s’assurer que la relation économique entre les
maillons est équilibrée dans les faits. Cette vérification peut nécessiter des investigations
détaillées, y compris sur les sous-jacents des prix agricoles indiqués dans les contrats
(analyses biologiques, indicateurs dans les formules de prix, conditions de suspension des
contrats, etc.).
30
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
E - Un effort de contrôle proportionné
aux moyens de la DGCCRF
L’effort de contrôle de la DGCCRF peut être
estimé en première analyse
43
en rapportant
les
chiffres
d’affaires
contrôlés
au
poids
économique des filières. Les chiffres d’affaires
des entités servant de point de départ pour
les chaînes de contrôles constituent des
montants significatifs en regard des marchés
concernés. Le ciblage des contrôles depuis les
grands acheteurs permet de couvrir une part
significative du périmètre économique des
filières bovines.
La Cour estime, sur la base de méthodes
complémentaires (voir annexe n°
3) que la
DGCCRF a mobilisé entre 1 et 4 ETPT en
2022 et en 2023 pour réaliser des contrôles
de l’application des lois EGAlim 1 et 2 à
l’amont des filières agricoles spécifiquement
pour les filières bovines (lait et viande). L’effort
de contrôle ainsi calculé représente environ
0,1 % du total des effectifs de la DGCCRF,
toutes catégories de personnels et toutes
missions confondues. Pour les DREETS Pays
de la Loire et Île-de-France, l’effort relatif
en regard des enquêteurs disponibles pour
réaliser des contrôles interentreprises, de
l’ordre de 3 %, apparaît supérieur au poids
relatif des deux filières concernées dans le PIB,
qui se situe entre 0,6 et 1,4 %.
43. Bien que les données relatives aux chiffres d’affaires soient non consolidées, elles apparaissent étroitement corrélées
à la production de lait et de bovins dans les cas où les données de production sont disponibles ; elles constituent donc
un bon moyen pour estimer en première approximation le poids économique de la filière.
III - LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DES CONTRÔLES RÉALISÉS
Les contrôles effectués en 2022 et 2023
reflètent une contractualisation marquée par
une forte hétérogénéité entre les filières. Les
contrôles réalisés par les DREETS révèlent la
complexité des clauses contractuelles et des
dispositions de la loi, rendant nécessaire un
meilleur accompagnement des producteurs
et une plus grande transparence sur les
contrôles réalisés. Ces constats expliquent que
le dispositif de sanctions prévu par la loi n’ait
pas encore été mobilisé.
A - Un faible recours
à la contractualisation
1 - Un niveau de contractualisation
pour la filière de bovins viande cohérent
avec les autres données disponibles
Interbev,
l’association
nationale
interpro-
fessionnelle du bétail et des viandes, a mis
en place un observatoire de la contractua-
lisation
amont
fondé
sur
des
données
remontées par des abattoirs volontaires qui
représentent actuellement 79 % du marché.
Les premiers résultats (tableau ci-dessous),
rendus publics au « Sommet de l’élevage »
de l’automne 2023, révèlent un niveau de
COUR DES COMPTES
31
contractualisation
44
qui demeure pour l’heure
globalement faible
45
et qui ne repose pas sur
l’ensemble des transactions mais seulement
sur celles pour lesquelles les abatteurs sont
l’une des parties. L’ensemble des flux associés
aux contrats des commerçants en bestiaux
ne sont ainsi pas pris en compte dans ce
calcul. Cet indicateur de contractualisation ne
signifie pas nécessairement que les contrats
sont conformes à EGAlim 2 mais il permet de
dégager utilement des tendances et de suivre
des évolutions en séries longues.
44. Le numérateur employé pour le calcul du niveau de contractualisation d’Interbev correspond au nombre total
d’animaux,
a priori
vivants au moment de la remontée des données à l’instant « t » (en l’occurrence au 30 juin 2023)
et qui seront abattus dans un délai variable suivant les contrats et animaux concernés, pour lesquels l’abatteur dispose
d’un contrat avec ses fournisseurs à cet instant « t ». Le dénominateur est donné par le nombre total d’animaux abattus
pour l’ensemble de la période allant du deuxième semestre 2022 au premier semestre 2023. L’indicateur ainsi calculé
pourrait à terme dépasser les 100 % car certains bovins comme les vaches restent plusieurs années en élevage.
45. Moins de 20 %, avec des disparités importantes suivant les catégories d’animaux.
46. Voir :
https://abcis.com/realisations/
: ABCIS, en partenariat avec TriesseGressard, réalise l’étude
Évaluation de
la contractualisation rénovée mise en œuvre par la loi EGAlim
pour le compte du ministère de l’agriculture et de la
souveraineté alimentaire.
Tableau n° 6 : résultats de l’observatoire d’Interbev au 30 juin 2023
Source : Cour des comptes d’après données Interbev
Données arrêtées
au 30/06/2023
Vaches/génisses
Viande
Vaches /génisses
Mixte /Lait
TOTAL
Nombre d’animaux sous contrat
147 986
106 710
138 456
74 606
383 054
Volumes contractualisés /
abattages des déclarants
22 / 23
28 %
13 %
48 %
8 %
17 %
Part de marché des répondants
69 %
70 %
77 %
83 %
79 %
Jeunes
bovins
Viande
Jeunes
bovins
Mixte/
Lait
Une étude sur la contractualisation découlant
d’EGAlim commandée par le ministère de
l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
46
,
et qui pourrait d’ailleurs être utilement publiée,
conduit à des résultats convergents d’après
la réponse de la DGPE à la Cour (voir aussi
annexe n°
2).
2 - Une forte hétérogénéité entre les
filières de bovins lait et de bovins viande
Les contrôles de la DGCCRF révèlent dans
la filière de bovins viande (35 contrôles
réalisés en 2022-2023 ; voir graphique n°
4
ci-dessous et annexe n°
4), l’absence fréquente
de contractualisation (15 contrôles). Seuls
sept contrôles ont conduit à constater la
conformité à la loi (contrats conformes ou
effets similaires pour les coopératives). Les
autres concernent des opérateurs non soumis
à la contractualisation amont (sept contrôles)
ou révèlent des problèmes de compétence
de la DGCCRF vis-à-vis des coopératives
ultramarines (deux contrôles), l’absence de
contractualisation sur une part des achats (un
contrôle), l’absence de constats en rapport avec
EGAlim (un contrôle) ou des constats qui n’ont
pas encore été communiqués par une DREETS
à la DGCCRF à date (un contrôle). Le constat
32
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
d’un faible recours à la contractualisation dans
la filière de bovins viande est cohérent avec
les dernières études disponibles sur le sujet.
Par contraste, sur les 29 contrôles réalisés
entre 2022 et 2023 dans la filière laitière, neuf
ont fait apparaître l’existence de relations
commerciales conformes à la loi. Les contrôles
de la DGCCRF dans cette filière, où la pratique
de contractualisation est plus installée pour
des raisons historiques, révèlent quelques
litiges dans les formules de prix employées
dans les contrats (deux contrôles). Les autres
cas de figure sont globalement analogues à
ceux évoqués pour la filière de bovins viande,
avec une part plus importante de contrôles
dont les constats ne sont pas encore connus
à date (cinq contrôles).
À la croisée des deux filières, il n’existe pas
d’approche
spécifique
sur
les vaches
de
réforme
47
qui représentent 35 % des abattages
en 2022 (voir annexe n°
4) et relèvent pourtant
d’un modèle économique propre
48
.
47. «
Quand la production laitière de la vache diminue, elle est alors réformée et envoyée à l’abattoir soit directement
en sortie des étables laitières, soit après un passage dans un atelier d’engraissement ou une période de pâturage. Sa viande
est destinée à la consommation
». Source :
.
48. Sur un plan économique, la vache de réforme peut être considérée comme un coproduit de la production de lait cru.
Voir :
Graphique n° 2 : synthèse des constats des contrôles de la DGCCRF vis-à-vis des dispositions
des lois EGAlim 1 et 2 pour la contractualisation amont des filières bovins lait et viande
Source : analyse Cour des comptes d’après les réponses de la DGCCRF
Note : les résultats détaillés sont en annexe 4.
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Absence de
contractualisation
Contrats conformes
ou effets similaires
Non soumis à la
contractualisation
amont
Autres cas
Viande
Lait
B - Un dispositif de sanctions
inappliqué à ce jour
Aucun manquement constaté en 2022 et en
2023 vis-à-vis d’EGAlim 1 ou 2 n’a pour l’instant
conduit à des sanctions (voir annexe n°
4).
Les contrôleurs de la DGCCRF ont seulement
procédé à des rappels à la réglementation
lorsqu’elle n’était pas appliquée.
À la différence des années précédentes où
les enquêtes relatives à EGAlim avaient une
COUR DES COMPTES
33
vocation pédagogique
49
, il était pourtant
prévu dans les instructions communiquées
pour la programmation des campagnes 2022 et
2023 que des suites correctives (injonctions) ou
répressives (sanctions) puissent être engagées.
Les raisons invoquées par la DGCCRF en faveur
du maintien de cette approche pédagogique
tiennent en partie au contexte inflationniste.
Par ailleurs, les services font valoir la difficulté
à déterminer les responsabilités respectives
des parties dans l’absence de contrat ou
l’échec de la négociation.
En outre, la technicité des contrats rend
difficile leur élaboration par les producteurs,
à l’exception de ceux qui sont solidement
structurés. Sanctionner l’absence de propo-
sition par l’agriculteur conduirait à sanctionner
des producteurs alors que la loi vise à mieux
protéger leur rémunération.
S’il est compréhensible et même souhaitable
que les contrôles réalisés lors de l’entrée
en vigueur d’une loi présentent un caractère
pédagogique, il apparaît peu justifiable que cette
situation perdure. Des procédures correctives
(injonctions) ou répressives (sanctions) devront
être engagées dans le cadre des futures
campagnes de contrôle.
À cet effet, l’élaboration et la publication de
lignes directrices éclairant les dispositions
les plus complexes de la loi ainsi que les
difficultés apparues pourraient permettre à
la fois de progresser dans le déploiement de
la contractualisation et d’en caractériser plus
aisément les manquements dans sa mise en
œuvre.
En complément, les producteurs agricoles
disposent de la possibilité d’effectuer, comme
toutes
les
entreprises,
des
signalements
sur le site de la DGCCRF
50
. À court terme,
il conviendra d’assurer rapidement la pro-
motion de cette possibilité auprès du monde
agricole pour en renforcer l’usage et mieux
orienter les contrôles de la DGCCRF. À plus
long terme, une plateforme structurée de
recueil des signalements pourrait également
être proposée pour faciliter l’identification des
risques directement auprès des agriculteurs.
C - Une complexité des relations
contractuelles agricoles qui justifie
un effort de transparence
et d’accompagnement
1 - De grandes disparités dans
les formules de prix, des clauses
contractuelles difficiles à maîtriser
Les contrôles réalisés par la DGCCRF ont
permis de prendre connaissance de contrats
signés et d’examiner des formules de prix ainsi
que d’autres clauses contractuelles. Alors
qu’aucune étude n’a été publiée sur ce sujet,
ce travail constitue l’une des rares sources
d’information sur la contractualisation
51
.
L’analyse par la Cour d’un échantillon de seize
contrats transmis par la DGCCRF, à parité
en bovins lait et en bovins viande, renseigne
ainsi de manière intéressante sur les indicateurs
employés dans les formules des prix (voir
tableau ci-dessous).
49. Lorsqu’une nouvelle loi ou un nouveau règlement d’application complexe entre en vigueur, il est fréquent, dans
un souci de pédagogie et pour des manquements de faible gravité, que des contrôles soient réalisés sans conduire à
des sanctions pendant une certaine période de temps.
50. Voir :
51. Le médiateur des relations commerciales agricoles ainsi que le médiateur de la coopération agricole constituent
deux sources complémentaires.
34
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
52.
Zentrale Milchmarkt Berichterstattung
: rapport central sur le marché du lait.
53.
Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung
: agence fédérale allemande pour l’agriculture et l’alimentation.
54. Coûts de production et marché, qui peuvent également refléter les signes de qualité suivant les indicateurs retenus.
Tableau n° 7 : indicateurs employés dans les formules d’évolution du prix du lait
et de la viande dans un échantillon de 16 contrats (8 en bovins lait et 8 en bovins viande)
Source : Cour des comptes, d’après un échantillon de 16 contrats transmis par la DGCCRF
Note : le total est supérieur à 16 car les contrats peuvent utiliser plusieurs indicateurs.
Indicateur employé (source)
Nombre
de contrats
% d'augmentation
de 2018 à 2022
(base 100 en 2015)
Lait
Coûts de production en bovins lait
(IDELE-FranceAgriMer)
5
28,2
IPAMPA-lait de vache : indice des prix d'achat
des moyens de production agricole en bovins lait
(INSEE, retraitement IDELE)
3
30,5
Prix du lait allemand (ZMB
52
-
BLE
53
)
2
45,9
Aucun indicateur mentionné
2
Sans objet
IPP : indice de prix de production de l'industrie
française pour le marché français (INSEE ;
ici moyenne des IPP pour les produits laitiers)
1
12,3
Viande
Aucun indicateur mentionné
5
Sans objet
Coûts de production en bovins viande
(IDELE-FranceAgriMer)
2
30,4
IPAMPA-bovins viande : indice des prix d'achat
des moyens de production agricole en bovins
viande (INSEE, retraitement IDELE)
2
30,0
La prise en compte effective de l’évolution
des coûts de production est très variable d’un
contrat à l’autre. Ainsi, certains contrats ne
comportent aucun indicateur, particulièrement
dans la filière de bovins viande. Par ailleurs,
d’autres contrats n’en comportent qu’un seul,
alors que la mention d’au moins deux types
d’indicateurs est obligatoire selon la loi
54
.
Les indicateurs retenus sont divers, avec des
variations importantes pour la filière de bovins
lait. La fréquence d’emploi des indicateurs est
également variable.
L’examen des contrats en bovins lait reflète
des disparités importantes dans la prise en
compte des coûts de production et la manière
dont ils intègrent l’inflation. Analysés en séries
longues (voir le graphique n°
3 ci-après), les
mêmes indicateurs peuvent être favorables
ou
défavorables
aux
agriculteurs
suivant
les périodes. À titre d’illustration, l’évolution
de l’indicateur allemand ZMB-BLE a été
défavorable sur la période 2018 à 2020 en
comparaison de l’évolution des indicateurs
français employés dans les contrats. Depuis, la
tendance s’est inversée,avec un retournement de
situation en 2022 où l’évolution du ZMB-BLE est
devenue comparativement très avantageuse. À
l’extrême opposé, l’indice de prix à la production
(IPP) de l’Insee qui mesure l’inflation est bien
moins volatil. Les autres indicateurs présentent
des profils de variabilité intermédiaire entre
le ZMB-BLE et l’IPP sur la période analysée.
Ces quelques exemples démontrent la grande
variabilité des prix dans la filière laitière et la
difficulté à anticiper l’évolution de certains
indicateurs utilisés dans les contrats.
COUR DES COMPTES
35
Dans l’échantillon analysé, les évolutions des
indicateurs pour la filière de bovins viande
apparaissent moins marquées quel que soit
l’indicateur employé (voir graphique ci-dessous).
Ces analyses pourront être actualisées lorsque
davantage de données seront disponibles afin
de permettre aux parties de réaliser des choix
économiques éclairés sur la base de cas concrets.
Graphique n° 3 : évolution d’un ensemble d’indices dans la filière bovins lait
(base 100 en 2015)
Source : calculs Cour des comptes, selon les données Insee, FranceAgriMer, IDELE et ZMB-BLE
100
110
120
130
140
150
160
170
180
2018
2019
2020
2021
2022
Coûts de production en bovins lait (IDELE-FranceAgriMer)
IPAMPA-lait de vache : indice des prix d'achat des moyens de production agricole
en bovins lait (Insee, retraitement IDELE)
Prix du lait allemand (ZMB-BLE)
IPP : indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français
(Insee ; ici moyenne des IPP pour les produits laitiers)
IPC : indice de prix à la consommation qui mesure l'inflation (Insee)
Graphique n° 4 : évolution d’un ensemble d’indices dans la filière bovins viande
(base 100 en 2015)
Source : calculs Cour des comptes, selon les données Insee, FranceAgriMer et IDELE
90
100
110
120
130
140
150
160
170
180
190
2018
2019
2020
2021
2022
Coûts de production en bovins viande (IDELE-FranceAgriMer)
IPAMPA-bovins viande : indice des prix d'achat des moyens de production agricole
en bovins viande (Insee, retraitement IDELE)
IPC : indice de prix à la consommation qui mesure l'inflation (Insee)
36
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Enfin, le tableau et les graphiques ci-dessus
font apparaître que les indicateurs de coût de
production (IPAMPA) ont davantage augmenté
sur la période 2018 à 2022 par comparaison
avec les indices de prix à la consommation
(IPC)
55
. Le consommateur final ne porte donc
pas seul l’augmentation du prix de production
du lait et de la viande, les éleveurs et/ou les
leurs acheteurs ayant réduit leurs marges.
Au-delà des indicateurs, l’analyse des formules
de prix employées et des autres clauses
contractuelles conduit à des observations
complémentaires.
Les formules de prix n’apparaissent jamais
exprimées sous forme d’une équation au sein de
laquelle il serait possible d’ajuster des variables.
Elles prennent la forme de paragraphes de
clauses, rendant leur usage plus délicat. Par
ailleurs, les clauses d’ajustement peuvent
manquer de transparence, celles relatives aux
délais de prévenance
56
se révéler insécurisantes
ou non respectées. Certains contrats ont révélé
l’utilisation d’indicateurs obsolètes, d’autres la
mise en œuvre de tunnels de prix défavorables
aux producteurs, d’autres enfin l’existence
de pénalités excessives supportées par les
producteurs.
2 - Un accompagnement à poursuivre
en faveur de la contractualisation
avec les éleveurs
Au-delà de l’activité de contrôle à proprement
parler,
la
DGCCRF
fournit
une
analyse
qualitative sur la manière dont les nouvelles
dispositions
d’EGAlim
2
pourraient
être
mieux appropriées par les acteurs de l’amont
agricole. Le processus de remontée formalisée
à l’administration centrale permet également
aux services déconcentrés d’être force de
proposition sur ce volet.
Ces
remontées
mettent
en
évidence
la
grande difficulté pour des producteurs isolés
ou membres d’organisations de petite taille
de proposer un contrat et l’intérêt pour
les professionnels de se structurer autour
d’organisations de producteurs plus à même de
défendre leurs intérêts. Le besoin de documents
de référence stabilisés émane également des
retours d’expérience des services.
Les
services
de
l’État
et
son
opérateur
FranceAgriMer, les interprofessions agricoles,
la
coopération
agricole
et
les
chambres
d’agriculture ont certes proposé des ren-
contres, guides, contrats types, formations,
notamment (
cf. I.A.3.
supra
) pour accompagner
les producteurs dans la mise en œuvre de la
contractualisation amont, mais pour l’heure
les besoins semblent loin d’être couverts.
La nécessité d’information et d’accompa-
gnement par les services de l’État a été, en
outre, exprimée par plusieurs interlocuteurs
et apparaît d’autant plus forte que, si les
interprofessions soutiennent la contractua-
lisation, la présence en leur sein d’acteurs aux
intérêts différents peut rendre difficile une
action pédagogique claire.
L’actualisation des foires aux questions et
des guides existants apparaît comme un
moyen simple et efficace. L’élaboration et
la publication de lignes directrices parta-
gées susceptibles d’éclairer l’ensemble des
opérateurs sur les termes de la loi et de
surmonter les difficultés que sa mise en
55. Pour la période 2018 à 2022, la moyenne des IPC sur les principaux produits du lait a augmenté de 10,9 % alors que
l’indice IPAMPA a augmenté de 30,5 % ; sur la même période, la moyenne des IPC sur les principaux produits issus de la
viande bovine a augmenté de 14 % alors que l’indice IPAMPA correspondant a augmenté de 30 %.
56. Conformément à la loi EGAlim, toute rupture des relations commerciales doit respecter un délai minimal de trois mois
en cas de non-renouvellement du contrat par l’acheteur.
COUR DES COMPTES
37
œuvre révèle (
cf. I.A.3.
supra
) constituerait
un complément utile.
Le
comité
de
règlement
des
différends
commerciaux agricoles, auquel la loi confie
cette mission, envisage d’engager ce travail
à partir des difficultés d’application mises en
lumière par les contrôles de la DGCCRF et de
celles dont pourraient faire part les autres
parties prenantes.
3 - Un besoin de transparence
à prendre en compte
Lors des entretiens menés, les parties ont
parfois
laissé
transparaître
un
sentiment
d’injustice concernant la rigueur des règles
applicables ou la fréquence et l’intensité des
contrôles, qui sont perçues par chacun comme
plus fortes que celles s’imposant aux autres
acteurs de la filière bovine.
Pour assurer une plus grande transparence
quant à l’application des lois EGAlim, il
apparaît donc nécessaire de communiquer sur
les actions mises en œuvre pour les contrôler
et les évaluer et de montrer aux parties que
les contrôles concernent toutes les catégories
d’acteurs de manière adaptée aux spécificités
des marchés agricoles.
Rendre public annuellement, dans le respect
des secrets protégés par la loi, le bilan
des contrôles réalisés dans le cadre de la
contractualisation amont paraît souhaitable.
Le ministère de l’agriculture pourrait ainsi
publier une première étude déjà commandée
et s’appuyer sur les retours d’expérience
de la DGCCRF, du HCCA, des médiateurs
et du comité de règlement des différends
commerciaux agricoles pour dresser un état
des lieux de la contractualisation et de ses
effets « cascade » de l’amont à l’aval, suivant
un contenu à préciser (répartition des contrôles
par catégorie d’acteurs et par région, taux de
contractualisation, indicateurs, avancées dans
la structuration amont des sous-filières etc.).
Cet audit flash a permis de constater que
malgré une large variété de contrôles exigeant
tous un haut niveau d’expertise, la DGCCRF
réalise son objectif de contrôler les contrats
« amont » dans la filière bovine tout en prenant
en compte, dans son ciblage, l’écosystème d’une
filière complexe avec de multiples acteurs. Il
en résulte des enquêtes représentatives de
l’ensemble des cocontractants du secteur.
Aussi, dans le cadre de l’application de deux lois
EGAlim, dont certaines dispositions font l’objet
d’interprétations divergentes, la DGCCRF joue
à ce jour un rôle principalement pédagogique.
Néanmoins, les contrôles de la DGCCRF ne
peuvent, seuls, garantir l’application des lois
EGAlim, qu’ils soient assortis, ou non, de
sanctions.
Il conviendrait, prioritairement, de clarifier,
voire de simplifier, les dispositions à l’origine
d’interprétations potentiellement litigieuses
et dont les conséquences risquent d’être
défavorables aux éleveurs, et ce contrairement
à la volonté première du législateur. À l’aune
des nombreux déséquilibres commerciaux
retracés par la DGCCRF lors de ses contrôles,
l’objectif plus large visé tant par la France
que par l’Union européenne d’une meilleure
structuration des filières bovines conditionne
le renforcement du pouvoir de négociation des
éleveurs.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
38
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
BDNI
Base de données nationale d’identification
BLE
Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung
(agence fédérale allemande pour l’agriculture et l’alimentation)
CA
Chiffre d’affaires
CEPC
Commission d’examen des pratiques commerciales
CGAAER
Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture
et des espaces ruraux
Cniel
Centre national interprofessionnel de l’économie laitière
CRPM
Code rural et de la pêche maritime
DAC
Dossier annuel de contrôle
DGAL
Direction générale de l’alimentation
DGCCRF
Direction générale de la concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes
DGPE
Direction générale de la performance économique
et environnementale des entreprises
DREETS
Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail
et des solidarités
EGA
États généraux de l’alimentation
ETP
Équivalent temps plein
ETPT
Équivalent temps plein travaillé
HCCA
Haut conseil de la coopération agricole
IAA
Industries agro-alimentaires
IDELE
Institut de l’élevage
Insee
Institut national de la statistique et des études économiques
Interbev
Interprofession bétail et viandes
IPAMPA
Indice des prix d’achat des moyens de production agricole
IPC
Indice de prix à la consommation
IPP
Indice de prix à la production
MASA
Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
PIB
Produit intérieur brut
ZMB
Zentrale Milchmarkt Berichterstattung
(rapport central sur le marché du lait en allemand)
COUR DES COMPTES
39
ANNEXES
Annexe n° 1.
Clauses contractuelles obligatoires
Annexe n° 2.
Importance économique des filières dans le champ
de l’audit
Annexe n° 3.
Chiffrages des moyens humains mobilisés pour les contrôles
de l’amont agricole
Annexe n° 4.
Constats de la DGCCRF (novembre 2023)
40
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
L’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime énumère les clauses
contractuelles obligatoires :
• prix et modalités de révision automatique, à la hausse comme à la baisse,
de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties OU critères
et modalités de détermination du prix, parmi lesquels les indicateurs
mentionnés au 15
e
alinéa du III ;
• quantité totale, origine et qualité des produits à livrer ;
• modalités de collecte ou de livraison des produits ;
• modalités relatives aux procédures et délais de paiement ;
• durée du contrat ou de l’accord-cadre qui ne peut être inférieure à trois ans ;
• règles applicables en cas de force majeure ;
• délai de préavis et à l’indemnité éventuellement applicable en cas de
résiliation ;
• le cas échéant, modalités de renégociation du prix permettant de prendre en
compte les fluctuations à la hausse comme à la baisse des prix des matières
premières agricoles et alimentaires, des produits agricoles et alimentaires,
de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des
emballages ;
Au titre des critères et modalités de détermination ou de révision du prix, la
proposition de contrat élaborée par le producteur (socle de proposition) prend en
compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture
et à leur évolution
57
. Puis pour élaborer le contrat ou l’accord-cadre, les parties
définissent librement les critères et modalités de révision en intégrant, outre les
indicateurs issus du socle de la proposition, un ou plusieurs indicateurs relatifs
57. Le 15
e
alinéa du III. de l’article L. 631-24 prévoit que les organisations interprofessionnelles
élaborent et publient des indicateurs qui servent d’indicateurs de référence. Elles peuvent s’appuyer
sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (art. L. 682-1 du
code rural et de la pêche maritime) ou sur FranceAgrimer (art. L. 621-1 du code rural et de la pêche
maritime). A défaut de publication des indicateurs par l’interprofession dans les quatre mois suivant
la promulgation de la loi, les instituts techniques agricoles les élaborent et les publient dans les deux
mois suivant la demande de l’interprofession.
Le IX. de l’article L. 631-24 prévoit que pour déterminer les indicateurs, les parties peuvent notamment
s’appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garanties et des labels de commerce
équitable définis à l’article 60 de la loi n° 2005-882.
Annexe n° 1
Clauses contractuelles obligatoires
COUR DES COMPTES
41
58. En effet, l’article L. 631-24-1 prévoit que
« Lorsque l’acheteur revend des produits agricoles ou
des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles, le contrat de vente prend
en compte les indicateurs mentionnés au quinzième alinéa du III de l’article L. 631-24 figurant dans le
contrat d’achat conclu pour l’acquisition de ces produits. / Dans l’hypothèse où le contrat conclu pour
l’acquisition de ces produits comporte un prix déterminé, le contrat de vente mentionné au premier
alinéa du présent article prend en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits
agricoles concernés. / L’acheteur communique à son fournisseur, selon la fréquence convenue entre eux
et mentionnée dans le contrat écrit ou l’accord-cadre écrit, l’évolution des indicateurs relatifs aux prix
des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels il opère. »
aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur
lesquels opère l’acheteur et à leur évolution, ainsi qu’un ou plusieurs indicateurs
relatifs aux quantités, à la composition, à l’origine et à la traçabilité des produits
ou au respect de cahiers des charges.
Les accords-cadres doivent en outre préciser :
•
la quantité totale, l’origine et la qualité des produits fournis par les producteurs ;
• la répartition des quantités entre les producteurs membres ;
• les modalités de gestion des écarts entre quantités prévues et livrées ;
• les modalités de négociation du prix entre acheteur et organisation ;
• les modalités de transparence précisant les modalités de prise en compte
des indicateurs précités (production, marché, qualité) dans le premier contrat
d’aval
58
;
De plus, pour ce qui concerne la viande bovine, à titre expérimental et pour trois
ans, une clause dans les contrats doit prévoir les bornes minimales et maximales
de l’évolution des coûts de production (« tunnel de prix »), en vertu du décret
d’application n° 2021-1415 du 29 octobre 2021.
42
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Annexe n° 2
Importance économique des filières dans le champ de l’audit
Source : étude
Comment l’amont des filières de production agricole se saisit-il des outils d’organisation
économique et comment mesurer l’impact qu’ont ces choix sur les revenus des agriculteurs?
d’ABCIS et Blézat
Consulting, décembre 2019
*PIB de la France en 2022 : 2 639,1 Md€
59
. Au total, l’agriculture et les industries agroalimentaires (IAA)
représenteraient 3,5 % du PIB national (année non précisée)
60
.
Au vu de ces seules données disponibles, on peut considérer que le périmètre
contrôlé est compris dans une fourchette d’environ 17 à 38 Md€, correspondant
à un intervalle de 0,6 à 1,4 % du PIB.
59. Source :
60. Source :
economie-tourisme-sport/l-agriculture-et-l-agroalimentaire-en-chiffres/
Tableau n° 8 : poids économique des filières bovines,
en valeur absolue et en part du PIB
Filière de l’amont
à l’aval
Chiffre d’affaires (CA) en Md€
Estimation du poids relatif
dans le PIB 2022*
Bovins lait
CA de l’industrie laitière en 2016 :
29,1CA du maillon production
(ateliers laitiers) en 2018 : 8,5
0,3 % à 1,1 %
Bovins viande
CA de la filière viande bovine : 9
0,3 %
COUR DES COMPTES
43
Annexe n° 3
Chiffrages des moyens humains mobilisés pour les contrôles
de l’amont agricole
• Objectif
En 2022 et en 2023, la DGCCRF a réalisé des contrôles de l’application des lois
EGAlim 1 et 2 à l’amont des filières agricoles, notamment pour les filières bovines
(lait et viande). La présente annexe chiffre les ETPT mobilisés (une mesure de l’effort
de contrôle en valeur absolue) et les met en regard des ressources humaines de la
DGCCRF
61
d’une part, du poids économique des filières économiques contrôlées
d’autre part (deux mesures de l’effort relatif de contrôle).
En l’absence de données exhaustives, une extrapolation des ETPT mobilisés pour
les contrôles par la DGCCRF de l’application des lois EGAlim 1 et 2 à l’amont des
filières agricoles est réalisée à travers deux méthodes : une méthode analytique
basée sur une extrapolation à partir de données remontées du terrain ; une
méthode globale fondée sur une clé de répartition tirée du nombre total d’entités
contrôlées en 2022 tous secteurs confondus. Les deux approches conduisent à
des ordres de grandeur convergents en valeur absolue. L’appréciation de l’effort
relatif diffère toutefois entre les deux approches fondées sur des échelles d’analyse
différentes.
• Extrapolation des ETPT mobilisés par la méthode analytique
61. Ressources humaines au total et au périmètre des services chargés des relations interentreprises.
Tableau n° 9 : calcul des ETPT mobilisés en Île-de-France et en Pays de la Loire
Source : calculs Cour des comptes d’après les réponses des deux DREETS
DREETS visitée
ETP
mobilisés
(en 2022 et
en 2023)
Quote-part de
temps dévolu
aux contrôles
de l’amont
agricole
(en 2022
et en 2023)
ETPT
mobilisés
(par an)
ETPT totaux
d’enquêteurs pour
les relations
interentreprises
(par an)
Effort
relatif pour
la DREETS
Île-de-France
2
35 %
0,7
22
3,2 %
Pays de la Loire
2
10 %
0,2
7,5
2,7 %
Ensemble
4
22,5 %
0,9
29,5
3,1 %
44
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Si l’on suppose le temps de contrôle principalement fonction du nombre d’entités
contrôlées, le nombre total d’ETPT mobilisés pour la France au titre du contrôle
de la contractualisation amont pour les filières bovines serait de 3,6 ETPT
62
.
L’effort relatif des DREETS en regard des enquêteurs disponibles pour réaliser
des contrôles interentreprises, de l’ordre de 3 %, apparaît supérieur au poids
relatif des deux filières concernées dans le PIB, qui se situe entre 0,6 et 1,4 %
(voir annexe n° 2).
• Extrapolation des ETPT mobilisés d’après une clé de répartition globale
Le tableau ci-après estime, à partir des données décrites plus bas, les ETPT
mobilisés dans le contrôle de la contractualisation amont en bovin lait et en
bovin viande pour les années 2022 et 2023, soit un
total estimé de 1 à 2 ETPT
pour la France.
62. Détail du calcul : Les Pays de Loire et l’Île-de-France représentent 0,9 ETPT mobilisés pour
13 contrôles en 2022 et en 2023. 52 contrôles au total ont été réalisés en France à la même période.
On peut donc estimer que (0,9 ETPT) x 52 / 13 = 3,6 ETPT ont été mobilisés pour la France.
63. Projet annuel de performance (« bleu budgétaire ») du programme « 134 - Développement des
entreprises et régulations » de la mission Economie. (
documents-budgetaires
)
Source : estimation Cour des comptes
Tableau n° 10 : extrapolation des ETPT mobilisés
2022
2023
Total des entités contrôlées dans le périmètre de l’audit (producteurs
et leurs premiers acheteurs potentiels) [c_EGAlim]
30
72
Nombre moyen de contrôles par agent [c_par_agent]
35
35 (hypothèse
de stabilité)
Estimation des ETPT totaux annuels mobilisés sur les enquêtes
EGAlim [agents_EGAlim = c_EGAlim / c_par_agent]
0,9
2,1
Sur la base des éléments disponibles à date, il n’est pas possible de réaliser
une estimation fondée sur une clé de répartition qui serait déduite de critères
financiers.
• Nombre d’agents (ETP) des corps propres à la DGCCRF
Le bleu budgétaire pour 2022
63
(voir pages 33 et 34) fait référence dans un
tableau à 2 500 ETP des « corps propres à la DGCCRF » (catégories A, B, C ;
sans détail). Le bleu budgétaire pour 2023 précise que «
en 2023, la DGCCRF
connaîtra une évolution de ses attributions compte tenu du transfert des
missions relatives à la sécurité sanitaire de l’alimentation à la direction générale
de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture et de la souveraineté
COUR DES COMPTES
45
alimentaire. Ce transfert occasionnera une période de transition sur le début
de l’année 2023. L’aboutissement de cette réforme amplifiera le recentrage des
activités de la DGCCRF vers la lutte contre les fraudes économiques, prévu dans le
plan stratégique 2020-2025 de la direction
» (mise en place d’une police unique
de la sécurité sanitaire des aliments regroupée au sein de la DGAL du MASA). Un
total de 60 ETP transférés est mentionné dans un tableau du bleu 2023. Le bleu
pour 2024 ne mentionne pas d’évolution.
On peut en déduire que l’assiette totale à prendre à compte pour les agents CCRF
serait de 2 500 ETP pour 2022 et 2 440 ETP pour 2023.
• Estimation du nombre moyen de contrôle par agent
Dans le bilan 2022 de la DGCCRF
64
, il est indiqué que « 88 400 entreprises » ont
été contrôlées. Comme le bilan est présenté sous la forme d’un communiqué de
presse, on peut supposer que le terme « entreprise » est à interpréter dans un
sens large, à savoir l’ensemble des entités contrôlées en 2022 par la DGCCRF.
Il s’ensuit qu’en 2022, un agent CCRF aurait contrôlé en moyenne 35 entités sur
l’ensemble de l’année (88 400 divisé par 2 500 ETP en 2022).
64.
46
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
Annexe n° 4
Constats de la DGCCRF (novembre 2023)
Source : analyse Cour des comptes d’après les réponses de la DGCCRF
*Pour certains contrôles, la présence d’effets similaires a été vérifiée par le Haut conseil de la coopération agricole
(HCCA) saisi par la DGCCRF. L’année 2023 est incomplète. Les effectifs correspondent aux nombres de contrôles
concernés.
Tableau n° 11 :
principaux constats des contrôles de la DGCCRF vis-à-vis
des dispositions des lois EGAlim 1 et 2 pour la contractualisation amont
des filières de bovins lait et viande
Constat principal
2022
2023
Total
Filière Bovins Viande
Absence de contractualisation
7
8
15
Non soumis
à la contractualisation amont
3
4
7
Présence d'effets similaires*
3
3
6
Saisine du haut conseil
de la coopération agricole
qui se déclare non compétent
s’agissant d’une société
d'intérêt collectif agricole
2
2
Absence
de contractualisation partielle
2
2
Contrats conformes
1
1
Sans conclusion vis-à-vis d'EGAlim
1
1
Constats pas remontés
à la DGCCRF par les DREETS
à date
1
1
Sous-total bovin viande
13
22
35
Filière Bovins Lait
Présence d'effets similaires*
3
2
5
Non soumis à la contractualisation
amont
1
3
4
Contrats conformes
3
1
4
Absence de contractualisation
2
2
Désaccord observé
entres les parties
sur la formule de prix
1
1
2
Contrats non-conformes
2
2
Contrats partiellement conformes
1
1
Contrôle en cours
1
1
Mise en conformité en cours
du règlement intérieur
1
1
Sans conclusion vis-à-vis d'EGAlim
1
1
Saisine du haut conseil
de la coopération agricole
qui se déclare non compétent
s’agissant d’une société
d'intérêt collectif agricole
1
1
Constats pas remontés
à la DGCCRF par les DREETS
à date
5
5
Sous-total bovin lait
8
21
29
Total
21
43
64
COUR DES COMPTES
47
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET ORGANISMES CONCERNÉS
Sommaire
Réponse reçue à la date de la publication (14/02/2024)
48
Réponse du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
Destinataire n’ayant pas d’observation
Madame la présidente du Comité de règlement des différends commerciaux agricoles
(CRDCA)
Destinataire n’ayant pas répondu à la date de publication
50
Réponse du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
À titre liminaire, je souligne l’intérêt que présente votre travail d’analyse et de synthèse sur cette
loi récente dont vous relevez la complexité, ainsi que votre perception concernant les modalités de
mise en œuvre de cette mission de contrôle, qui est particulièrement précieuse pour les services
de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Je relève votre remarque quant au fait que ces contrôles constituent l’une des rares sources
d’information disponibles sur la contractualisation, ce qui souligne l’enjeu qu’ils constituent. Je note
avec satisfaction que la Cour indique que la DGCCRF a mobilisé rapidement ses moyens d’enquête,
de manière proportionnée et a ciblé ses vérifications de façon à couvrir une part significative du
périmètre économique des filières bovines avec une répartition territoriale globalement équilibrée.
Le plan de contrôle initié pour l’année 2024 poursuit et accroît cette dynamique, conformément
aux annonces du « plan élevage » porté conjointement par le MEFSIN et le MASA. Les vérifications
seront plus nombreuses et cibleront en priorité les premiers acheteurs ayant un poids économique
important.
Plus largement, le rapport relève la complexité des règles résultant des lois issues des États généraux
de l’alimentation (EGAlim) et les divergences d’interprétation que celles-ci peuvent susciter, par
exemple concernant les indicateurs, leur choix et leur évolution. Cette difficulté de compréhension
de la loi concerne également la détermination précise des compétences respectives de la DGCCRF
et du Haut conseil de la coopération agricole quant au contrôle du respect par les coopératives
agricoles des obligations découlant des lois EGAlim. À ce titre, je partage le constat fait par la Cour
de la nécessité d’une clarification législative sur ce point.
La Cour rappelle que les vérifications portant sur la contractualisation « amont » sont des enquêtes
complètes permettant d’éclairer les relations commerciales entre les éleveurs et les différents
types de premiers acheteurs existants dans la filière agro-alimentaire. Elle note les différences de
niveau de structuration et donc de contractualisation, entre la filière bovine lait et celle viande.
Pourtant, comme le souligne la Cour, ces deux filières sont étroitement liées puisque les vaches
de réforme représentent 35 % des abattages en 2022. S’agissant des premiers enseignements des
contrôles réalisés, les observations définitives constatent le faible recours à la contractualisation
écrite dans la filière bovine viande et une application parfois incomplète ou incorrecte de la loi dans
la filière bovine lait. Concernant les sanctions, le rapport prend acte de l’approche pédagogique
jusqu’alors privilégiée par la DGCCRF face aux manquements constatés et principalement motivée
par la complexité de la loi, le contexte inflationniste et la difficulté à déterminer les responsabilités
respectives des parties dans l’absence de contrat ou l’échec de la négociation.
48
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTS POUR LES ÉLEVEURS BOVINS
COUR DES COMPTES
49
À partir de ces constats, la Cour formule trois recommandations qui appellent les observations
suivantes.
La recommandation n° 1,
adressée à la DGCCRF et à laquelle je souscris, est à l’horizon 2025 de
« mettre en place une plateforme de signalement destinée aux agriculteurs avec des garanties de
confidentialité ». À ce titre, comme le souligne le rapport, un tel outil existe d’ores et déjà sur le
site internet de la DGCCRF, dont il conviendra d’assurer rapidement la visibilité et la promotion. La
mise à disposition de cet outil de recueil des signalements entre pleinement dans le périmètre des
missions de cette direction, chargée de garantir la loyauté des relations interentreprises dans tous
les secteurs de l’économie.
La recommandation n° 2
invite, à l’horizon 2024, la direction générale de la performance
économique et environnementale des entreprises du ministère de l’agriculture et de la souveraineté
alimentaire à « proposer au comité des règlements des différends agricoles de rendre publiques
des lignes directrices pour lever les difficultés d’application des articles L. 631-24, L. 631-24-2
et L. 631-24-3 du code rural et de la pêche maritime ». Je partage la préoccupation de la Cour relative
au besoin de transparence et d’accompagnement à poursuivre en faveur de la contractualisation
avec les éleveurs, ce qui facilitera leur appropriation des nouvelles dispositions de la loi visant
à protéger la rémunération des agriculteurs (EGAlim 2). Cependant, cette recommandation,
à laquelle je souscris, devra faire l’objet d’un travail conjoint de mes services avec ceux du ministère
de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
La recommandation n° 3
demande à la DGCCRF, à l’horizon 2024, « d’établir et rendre public un bilan
annuel des contrôles réalisés sur le fondement de l’article L. 631-25 du CRPM [code rural et de la
pêche maritime], présentant les principaux enseignements tirés ». Cela rejoint la préoccupation de
la Cour, justifiant la recommandation précédente, quant au besoin de transparence sur les contrôles
réalisés et permettrait selon la Cour de « dresser un état des lieux de la contractualisation et de ses
effets « cascade » de l’amont à l’aval ». Je demanderai à la DGCCRF de publier régulièrement les
bilans des enquêtes qu’elle réalise pour veiller au respect des dispositions des lois EGAlim relatives
à la contractualisation écrite.
En outre, et même si cela n’est pas formulé sous forme de recommandation, je partage votre
observation quant au besoin d’une approche spécifique du marché des vaches de réforme
à l’occasion des contrôles menés par la DGCCRF ainsi qu’une exploitation de la base de données
nationale d’identification des animaux de rente dont l’identification est obligatoire (dite BDNI).
Je relève également et je prends en compte l’analyse de la Cour selon laquelle dorénavant « des
procédures correctives (injonctions) ou répressives (sanctions) devront être engagées dans le
cadre des futures campagnes de contrôle ».
Enfin, tout en rappelant à la Cour l’importance que j’attache à la contractualisation au sein de
la filière agricole, bovine en particulier, et aux contrôles menés par mes services en la matière, je
rejoins le constat fait en conclusion du rapport quant au fait que « les contrôles de la DGCCRF ne
peuvent, seuls, garantir l’application des lois EGAlim, qu’ils soient assortis, ou non, de sanctions ».
50
LE CONTRÔLE DE LA CONTRACTUALISATION DANS LE CADRE DES LOIS EGALIM :
PREMIERS ENSEIGNEMENTSPOUR LES ÉLEVEURS BOVINS
RÉPONSE DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE
ET DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE
Par courrier en date du 22 décembre 2023, vous m'avez adressé les observations définitives de la
Cour des comptes relatives à l'audit réalisé par la 2ème Chambre sur les contrôles menés par la
DGCCRF s'agissant des contrats amont conclus par la filière bovine dans le cadre des lois EGalim.
La filière bovine connaît des retards dans l'application de la loi que le Gouvernement a
bien identifiés. Je tenais donc à voUs remercier pour la qualité de ce travail permettant une
analyse objective des enjeux de la contractualisation dans cette filière. J'ai bien pris note des
recommandations formulées par la Cour qui viendront utilement renforcer les actions menées
par la DGCCRF auprès des producteurs et opérateurs de la filière bovine.
L'Etat a engagé un travail pédagogique sans relâche dès 2021 pour préparer la mise en œuvre de
la loi. Près d'un an après son entrée en vigueur et près de deux ans après son adoption, le ministère
de l'Agriculture et la Souveraineté alimentaire reste pleinement mobilisé pour maintenir son
accompagnement des filières en lien avec les contrôles que la DGCCRF met en œuvre.
Face au changement de paradigme que représente, pour cette filière, l'obligation de conclure un
contrat écrit, l'approche qui a été privilégiée par l'administration a été de nature pédagogique, et
non coercitive, afin de permettre aux opérateurs de s'adapter progressivement à ces nouvelles
dispositions. Cette pratique de l'administration, habituelle dès lors que la législation est
modifiée, semblait en l'espèce d'autant plus adaptée que cette filière faisait face à une situation
économique complexe.
Cette approche est désormais amenée à évoluer puisque la loi est pleinement en vigueur.
Les services de l'État demeurent fortement mobilisés pour accompagner les filières animales vers
la contractualisation écrite qui reste la meilleure façon de protéger l'activité de nos agriculteurs
et répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire en assurant la pérennité de nos productions,
y compris à l'aval des filières. En termes d'explicitation du droit applicable, une actualisation de
la foire aux questions publiée en 2022 est envisagée.
Enfin, le Premier ministre a annoncé des mesures afin de renforcer le contrôle de la mise
en œuvre de la loi EGalim 2, notamment un doublement des contrôles avec la mobilisation de
150 agents de la DGCCRF et des sanctions si ces contrôles révélaient des anomalies. Pour répondre
à la mobilisation des agriculteurs, le Gouvernement entamera également des discussions afin de
porter et d'identifier des pistes d'amélioration au niveau de l'Union européenne.
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
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Février 2024