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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
31 janvier 2024
Communication à la commission des affaires sociales du Sénat
LES MISSIONS DE L’AGENCE DE LA BIOMÉDECINE
APRÈS LA DERNIÈRE LOI DE BIOÉTHIQUE
L’Agence de la biomédecine (ABM) est un établissement public à caractère administratif créé
par la loi de bioéthique du 6 août 2004 et placé sous la tutelle du ministère chargé de la
santé. Ayant succédé à l’ancien Établissement français des greffes, elle joue un rôle de
premier plan en matière de prélèvement et de greffe d’organes, de tissus et de cellules
souches hématopoïétiques (CSH) ainsi que d’embryologie et de génétique humaines (PEGh).
Le contrôle mené à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat s’est d’abord
attaché à tirer les conséquences de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique
sur les missions de l’agence, puis à passer en revue les autres missions de l’ABM.
Des droits nouveaux en matière d’AMP appelant une surveillance renforcée de l’agence
La nouvelle loi de bioéthique a introduit plusieurs évolutions dans le domaine de l’assistance
médicale à la procréation (AMP) qui ont engendré trois types de tension. D’abord, l’ouverture
aux couples de femmes et aux femmes seules, qui répond à un besoin réel, a entrainé la
constitution d’une liste d’attente (5 650 fin 2022) ainsi qu’un allongement des délais d’accès
(14 mois fin 2022, soit + 20 % sur un an). Ensuite, la nouvelle possibilité d’autoconservation de
gamètes en dehors de tout motif médical, qui a connu un développement rapide, est marquée
par des délais d’attente de plus en plus longs, notamment en Île-de-France (24 mois fin 2022).
Enfin, la mise en œuvre du droit d’accès aux origines pour les personnes conçues par AMP, entré
en vigueur le 1
er
septembre 2022, s’avère délicate en raison des difficultés rencontrées pour
retrouver les anciens donneurs. Le droit d’accès aux origines, donc la fin de l’anonymat, n’a pas
réduit le nombre de donneurs, contrairement aux craintes initiales. En revanche, il emporte des
conséquences sur le stock de gamètes disponibles puisque, à compter du 31 mars 2025, les
gamètes issus de donneurs non identifiables ne seront plus utilisables.
Au vu de ces difficultés, qui s’ajoutent au problème de l’insuffisance de dons d’ovocytes, les
missions de l’ABM pour encourager les dons de gamètes apparaissent plus que jamais
essentielles. L’agence joue également un rôle important dans le contrôle de l’utilisation des
financements alloués aux nouveaux parcours d’AMP et le suivi de l’état de santé des enfants
nés d’une AMP ainsi que des femmes y ayant eu recours. À terme, l’agence pourrait utilement
se voir confier une mission de répartition des stocks de gamètes, ce qui suppose une
connaissance en temps réel de l’état des réserves et des besoins, dont elle ne dispose pas pour
l’instant.
La nouvelle loi de bioéthique a également apporté quelques modifications dans les autres
domaines de compétences de l’agence (assouplissement des dons croisés, possibilité de don
de moëlle osseuse par des mineurs et des majeurs protégés au bénéfice des parents,
simplification du régime applicable aux recherches sur les cellules souches), qui demeurent
pour l’instant peu effectives.
Un pilotage perfectible en matière de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus
Les objectifs de prélèvement et de greffe d’organes, fixés dans le cadre du plan ministériel
2017-2021, n’ont pas été atteints. La chute brutale d’activité en 2020 liée à la crise sanitaire a
aggravé une situation déjà dégradée (diminution du nombre de greffes, de donneurs recensés
et de prélèvements entre 2017 et 2019). Sur le plan international, le positionnement
globalement favorable de la France recouvre des situations contrastées selon les filières ainsi
qu’un important retard concernant les greffes réalisées à partir de donneurs vivants.
En dépit d’une adhésion majoritaire au prélèvement d’organes et de tissus, le taux d’opposition
est régulièrement supérieur à 30 % depuis près de 20 ans, et même à 40 % dans certains
territoires. L’agence dispose de leviers pour agir, au moins en partie, sur ce taux
(communication, audits, formations), qui pourraient être mieux exploités. Il existe de fortes
disparités territoriales pour l’accès à la liste nationale d’attente, qui ne cesse de croître
(28 538 inscrits fin 2022) ainsi que pour la répartition des greffons, en particulier rénaux.
L’agence dispose d’une connaissance limitée des besoins à satisfaire en matière de greffe de
tissus, tandis que la qualité des prélèvements réalisés demeure problématique, appelant une
réforme du pilotage du réseau des banques de tissus. Les méthodes utilisées par l’agence pour
évaluer l’activité des équipes de greffes ne permettent pas toujours de réagir rapidement,
même en cas de dysfonctionnements graves. L’amélioration de la qualité des transplantations
passe aussi, pour certains organes comme le cœur et les poumons, par l’introduction de seuils
minima d’activité.
Une coordination des activités de prélèvement et de greffe des CSH à améliorer
Les plans ministériels successifs ont prévu des objectifs de développement du registre «
France
greffe de moelle
»
qui permet de rechercher en temps réel les meilleurs donneurs et greffons
disponibles puis de coordonner l’organisation du prélèvement. Sur le plan quantitatif, les cibles
fixées ont été dépassées dès les premières années d’exécution, du fait de la faiblesse des
ambitions affichées. Sur le plan qualitatif, malgré les actions visant à rajeunir, masculiniser et
diversifier la population inscrite, le profil des donneurs reste encore très largement féminin
(66 % en 2022) et relativement peu varié. En conséquence, les médecins greffeurs sont
contraints de se tourner vers les registres internationaux afin de trouver des cellules
compatibles aux besoins. Cette dépendance internationale dépasse désormais 90 %. Le dernier
plan ministériel prévoit de la ramener à 75 % d’ici 2026. Elle affecte également l’équilibre
financier et comptable de l’agence, puisque le recours aux registres internationaux représente
plus de 45 % de son budget (39,6 M€ sur 87,8 M€ en 2023) et nécessite de traiter plus de
15 000 factures par an.
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CONTACTS PRESSE :
Julie Poissier
Responsable du pôle médias
T 06 87 36 52 21
julie.poissier@ccomptes.fr
Sarah Gay
Chargée des relations presse
T 01 42 98 59 94
sarah.gay@ccomptes.fr
@Courdescomptes
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