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PREMIÈRE CHAMBRE
QUATRIÈME SECTION
S2023-1415
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT
: DES METHODES
RENOUVELEES, UNE
AMBITION LIMITEE
Exercices 2017-2022
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 13 novembre 2023.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
2
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
..............................................................................................
2
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
4
RECOMMANDATIONS
................................................................................................
9
INTRODUCTION
.........................................................................................................
10
1
UNE STRATEGIE DE TRANSFORMATION AMBITIEUSE A
L’ORIGINE, QUI S’EST
RAPIDEMENT AFFAIBLIE
.......................................
11
1.1
Une ambition initiale forte inscrite dans la loi
.................................................
11
1.1.1
Une volonté de rupture avec les plans précédents malgré quelques
éléments de continuité
.............................................................................
11
1.1.2
Une phase de conception participative mais une cohérence globale
limitée
......................................................................................................
12
1.1.3
Un levier d’économies inscrit dans la loi de programmation des
finances publiques pour 2018-2022
........................................................
14
1.2
Une coordination insuffisante dans un paysage administratif morcelé
............
15
1.2.1
Une appropriation limitée des travaux d’AP 2022
..................................
15
1.2.2
La DITP, une direction de conception et d’appui au pilotage
.................
16
1.2.3
Au service du numérique, une direction interministérielle dédiée
..........
17
1.2.4
D’autres directions devenues moins actives
............................................
17
1.3
Une politique de modernisation en réponse aux exigences européennes
.........
19
2
UNE MISE EN ŒUVRE QU
I ALLIE PROCEDES CLASSIQUES ET
METHODES INNOVANTES
...............................................................................
20
2.1
Une transformation dans le prolongement des plans de modernisation
antérieurs
..........................................................................................................
21
2.1.1
Des ajustements de l’organisation administrative qui touchent peu
à la fragmentation de l’action publique locale
........................................
21
2.1.2
Des mesures « classiques » de transformation qui ont partiellement
abouti
.......................................................................................................
24
2.2
Au service de cette transformation, des outils innovants, marqueurs des
plans menés depuis 2017
..................................................................................
26
2.2.1
Un recours intense au numérique, dont le pilotage est encore
perfectible.
...............................................................................................
26
2.2.2
Une concentration des moyens financiers et humains sur les
principaux projets de modernisation
.......................................................
28
2.2.3
Une attention portée aux attentes des usagers et à la qualité des
services
....................................................................................................
32
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
3
2.3
Une nouvelle manière de conduire les réformes prioritaires orientées
v
ers les résultats et la mise en œuvre jusqu’au dernier kilomètre
....................
34
2.3.1
Une gouvernance qui s’est progressivement structurée
..........................
34
2.3.2
Une comitologie coûteuse en temps-homme
..........................................
37
2.3.3
L’affaiblissement du rôle des secrétariats généraux
...............................
37
2.3.4
Des outils innovants pour mettre sous tension l’échelon local, un
contenu à fiabiliser
..................................................................................
38
2.3.5
La mise sous tension
de l’administration devrait s’accompagner
d’un processus de conception des mesures plus participatif
...................
41
3
DEFINIR UNE POLITIQUE DE MODERNISATION PLUS
AMBITIEUSE ET MIEUX ARTICULEE AVEC LA POLITIQUE
BUDGETAIRE
......................................................................................................
43
3.1
Impliquer davantage les ministères dans des projets de transformation
..........
43
3.1.1
Encourager les projets ministériels de modernisation par une
contractualisation de leurs objectifs et de leurs moyens
.........................
43
3.1.2
Se donner les moyens de respecter cette contractualisation
....................
44
3.2
Rechercher l’efficience par une modernisation menée en continu
...................
46
3.2.1
Continuer à déployer des méthodes innovantes dans l’ensemble des
administrations publiques
........................................................................
46
3.2.2
Rechercher en permanence les gains de productivité issus des
processus de modernisation
.....................................................................
47
3.2.3
La transparence des résultats et la participation citoyenne comme
leviers de transformation
.........................................................................
48
3.3
Mieux articuler la modernisation avec la maîtrise budgétaire
.........................
50
3.3.1
Associer objectifs budgétaires et objectifs de modernisation dans
les revues de dépenses
.............................................................................
51
3.3.2
Mobiliser, pour les revues de dépenses, la méthodologie innovante
mise en œuvre dans le cadre des politiques prioritaires du
gouvernement.
.........................................................................................
53
GLOSSAIRE
..................................................................................................................
56
ANNEXES
......................................................................................................................
58
Annexe n° 1.
Comparaisons internationales
...............................................
59
Annexe n° 2.
Un exemple d’approche
bottom-up
accompagnée par la
DITP :la réingénierie des process engagée dans les rectorats
..........................
75
Annexe n° 3.
Textes de référence sur la modernisation de l’État 2017
-
2022
77
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHOD
ES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
4
SYNTHÈSE
En 2017, le gouvernement initiait
une vaste démarche de modernisation, sous l’intitulé
« Action publique 2022 », qui articulait
des enjeux de qualité des services, d’environnement de
travail pour les agents et de baisse de la dépense. Ce programme succédait à des démarches
ambitieuses menées au cours des quinquennats précédents (révision générale des politiques
publiques, modernisation de l’action publique)
, qui visaient à réinterroger le périmètre des
missions de l’État, à clarifier les compétences des
collectivités et administrations et à refondre
certaines politiques publiques
, dans une perspective d’économies budgétaires plus ou moins
assumée et avec des résultats contrastés.
Confrontée à une succession de crises sociale (« gilets jaunes »), sanitaire (Covid-19) et
économique, l
’ambiti
on réformatrice initiale portée par « Action publique 2022 » a été
abandonnée au profit d
’un grand nombre de
« politiques prioritaires du gouvernement » (PPG),
elles-mêmes déclinées en 150 chantiers
centrés sur l’accessibilité numérique et territoriale des
services publics, la rénovation du pilotage et la simplification des démarches autour de
« moments de vie ».
Cette nouvelle démarche de modernisation, foisonnante, est désormais identifiée sous
le vocable de « transformation publique ». Elle ne questionne plus ni le périmètre des missions
de l’Etat,
ni
la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales ou
l’architecture superposée de ces dernières, et l’objectif budgétaire initial a été relégué au second
plan.
La France présente pourtant une forte singularité en matière de dépenses publiques qui
aurait justifié une approche plus ambitieuse : en part de PIB, ces dépenses sont parmi les plus
élevées
des pays de l’Union européenne
1
, en hausse significative depuis la crise sanitaire et,
paradoxalement, les français expriment une insatisfaction globale de plus en plus marquée à
l’égard des services publics.
La démarche actuelle de transformation est pilotée par le comité interministériel de la
transformation publique (CITP), dont les réunions sont fortement médiatisées, et animée au
quotidien par une direction interministérielle de la transformation publique, la DITP. Compte
tenu de la diversité et du nombre de
chantiers engagés et de l’intervention de
plusieurs autres
administrations à vocation interministérielle en charge de la transformation publique (direction
interministérielle du numérique, direction générale de la fonction publique, direction des achats
de l’Etat, direction de l’immobilier de l’Etat
), la mission de coordination de la DITP mériterait
d’être renforcé
e, de façon à mieux coordonner les deux dynamiques qui sont actuellement à
l’œuvre :
une approche plutôt « classique » de la modernisation, accompagnée
d’une méthode
plus innovante et territorialisée de pilotage des politiques prioritaires.
1
Voir Cour des comptes,
La situation et les perspectives des finances publiques,
juin 2023.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
5
Un grand nombre de mesures de simplification
et d’amélioration de
l’accès aux services publics,
mais une absence de réformes
ambitieuses et structurantes touchant au périmètre des politiques de
l’État
Dans la lignée du travail des gou
vernements précédents, l’effort de modernisation
s
est
porté sur des mesures « classiques » : simplification de procédures et de formulaires, fusions
ou réorganisation de services, suppressions de comités dont les missions ou les résultats ne sont
pas jugés satisfaisants, numérisation accélérée, etc
Des réorganisations administratives ont été menées, approfondissant des réformes
précédentes (création des secrétariats généraux communs départementaux, nouveau réseau de
proximité de la DGFiP) ou les infléchissant (renforcement
de l’échelon départemental
après un
mouvement de concentration régionale). Le positionnement
du préfet comme pivot de l’action
territoriale de l’État
a été réaffirmé dans un
rôle d’ensemblier des politiques publiques à
l’échelon loca
l.
Ces mesures n’ont toutefois pas eu l’ambition
de remédier de manière décisive
à la fragmentation de l’action publique locale
et d’optimiser la répartition des compétences
entre Etat et collectivités territoriales.
Par ailleurs, la mobilisation du levie
r numérique s’est fortement accélérée sur la période.
Au-delà des logiques de dématérialisation, un changement de paradigme est
à l’œuvre
pour
faire bénéficier les usagers de nouveaux
services rendus possibles par l’exploitation des
données (par exemple da
ns l’attribution automatiques de certains droits afin de lutter contre le
non-recours). Les défis restent cependant immenses. Ils nécessitent une stratégie de
développement de la culture numérique pour définir des règles claires de mutualisation des
compétences
entre les administrations, assurer la maîtrise par l’Etat des outils numériques et le
doter des moyens humains et financiers adéquats.
C’est l’objet de la nouvelle feuille de route
assignée à la Direction interministérielle du numérique (DINUM) le 9 mars 2023 et dont il
faudra dans les mois à venir mesurer l’effectivité
et l’efficacité de la mise en œuvre
.
La participation citoyenne a été également recherchée. La DITP, via son « centre de la
participation citoyenne », est chargée de coordonner les initiatives de plus en plus nombreuses
en la matière. L’association du citoyen ne se limite plus à la simple consultation lors de la phase
de conception des mesures, mais s’inscrit dans une logique de transparence, via notamment le
baromètre de l’action pub
lique. Le dispositif «
Je donne mon avis
» permet de multiplier les
interactions avec les usagers. Un effort est fait pour placer
l’usager
au centre de l’action
administrative au moyen des démarches de simplification («
dites-le nous une fois
») et
d’amélioration de la qualité de service
, notamment à travers la démarche « Service Public + »,
qui établit un cadre de « relation client » entre les usagers et les administrations (engagements
de qualité et de délais, écoute des usagers, transparence des p
erformances …)
. Enfin, le
gouvernement a lancé
à l’occasion du
7
ième
CITP du 9 mai 2023, une nouvelle étape de
simplification de l’accès aux démarches administratives autour de
dix «
Moments de vie
», qui
font écho aux 66 «
objets de la vie quotidienne »
précédemment identifiés au sein des plans de
transformation ministériels arrêtés par le CITP du 29 octobre 2018. Ces efforts de simplification
sont d’autant plus nécessaires que des sondages viennent
régulièrement
attester d’un niveau
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
6
d’insatisfaction élevé
et d’une notoriété des mesures
issues des CITP qui reste encore
insuffisante pour accroître significativement la confiance dans les services publics.
Un dispositif innovant de pilotage des politiques publiques, à
consolider
Le pilotage des politiques publiques prioritaires du gouvernement se veut plus innovant
et met l’accent s
ur l
’obtention de résultats concrets et rapides
. Cette orientation se traduit par la
définition de nouveaux instruments : des feuilles de route ministérielles définissent désormais
les politiques prioritaires du gouvernement, qui sont déclinées au niveau territorial et assignées
à chaque préfet. Un dispositif, assez chronophage, de suivi des actions des ministères et des
préfets est institué et une gouvernance spécifique de haut niveau, associant le secrétaire général
de la présidence de la République et le directeur de cabinet du Premier ministre, permet de
piloter les chantiers justifiant une attention particulière. Un outil unique et ergonomique (Pilote)
est mis en service pour assurer le suivi des actions. Cette organisation favorise une mise sous
tension
de l’ensemble de la ligne managériale, depuis
le ministre
jusqu’aux agents
d’administration déconcentrée
. Elle peut cependant encore être améliorée, notamment en
définissant de façon plus précise et partagée avec leurs affectataires les objectifs et les
indicateurs utilisés pour le pilotage de la transformation.
Ce mode de pilotage par les objectifs se caractérise par le développement des appels à
projets financés par de multiples fonds
ad hoc
, au risque d’une certaine dispersion et d’une
dilution des financements que la Cour appelle à corriger. Il
s’accompagne d’une autonomisation
accrue des responsables publics, illustrée par le pouvoir de dérogation à certaines
réglementations et normes accordé aux préfets, par un recours assoupli aux contractuels ou
encore par une déconcentration accrue, bien qu
encore limitée, de la gestion budgétaire et des
ressources humaines.
L’attribution aux préfets d’une prime directement foncti
on des résultats
obtenus est venue compléter ces dispositions.
La réconciliation indispensable entre processus de modernisation et
maîtrise de la dépense publique
La crise sanitaire a eu pour effet de rendre plus saillants certains des défis auxquels se
heurte la politique de modernisation. Ceux-ci concernent au premier chef les politiques de
ressources humaines, confrontées à une perte d’attractivité de la fonction publique dans un
contexte de pénurie de main d’œuvre et de concurrence accrue pour certain
es compétences
stratégiques, situation qui exige un effort supplémentaire en matière de formation et de gestion
des compétences.
L’impact budgétaire
du «
quoi qu’il en coûte
» pour atténuer les effets de la crise
sanitaire a, par ailleurs, mis en évidence la nécessaire réconciliation de la dynamique de
modernisation avec l’impératif du retour à l’équilibre des finances publiques.
Celle-ci pourrait
emprunter trois voies : la conduite de grands projets de transformation qui requièrent des
investissements et
s’inscrivent dans le
temps long, un processus continu de modernisation
appliqué à
l’ensemble des administrations et
, enfin, un pilotage renforcé des politiques
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
7
publiques, à l’aide de feuilles de route
, alimentées par les revues de dépenses et
dont l’exécution
serait étroitement suivie au moyen des outils déjà mis en place (PILOTE).
Assurer le financement ad hoc des grands projets de modernisation
des ministères mais en contrepartie, des exigences jalonnées
largement contractualisées
Les projets de modernisation nécessitent le plus souvent des investissements et des
ressources spécifiques qui soient garanties sur toute la durée du projet. Cet engagement doit
nécessairement être inscrit dans un cadre clair et partagé
garantissant l’
aboutissement du projet
et la maîtrise de ses coûts
; il pourrait en conséquence s’inscrire dans un cadre contractualisé
.
Cette contractualisation existe déjà pour le suivi des grands projets sélectionnés par appel à
projets dans le cadre du FTAP, dont la poursuite de la
mise en œuvre et
du financement peuvent
être conditionnés aux
résultats obtenus. Pour impliquer davantage l’ensemble des ministères
dans la dynamique de transformation, le recours à la contractualisation pourrait, avec les mêmes
exigences de suivi et de révision éventuelle des financements, être étendu aux autres projets
ministériels de modernisation, non financés par le FTAP. Ce cadre permettrait également de
définir des méthodes et outils partagés de calcul des retours sur investissement, afin de mesurer
sur des bases objectives l’impact des projets et les conditions de leur poursuite.
Par ailleurs, la plupart des pays en pointe en matière de modernisation ont opté pour une
transformation « en continu », décorrélée des décisions gouvernementales plus médiatisées. À
cet effet, le déploiement de méthodes innovantes, déjà engagé par la DITP (telles que le
lean
management
et
les expérimentations) et par la DINUM (intelligence artificielle, start-
up d’État)
mérite d’être
amplifié. La France pour
rait aussi s’inspirer des «
coupes automatiques de
productivité
» mises en œuvre dans plusieurs pays étrangers, qui consistent à fixer une
trajectoire de diminution des dépenses de fonctionnement à partir du taux de croissance estimé
de la productivité des services. Des cibles progressives pourraient être établies et pilotées par
la direction du budget, les administrations disposant de l’appui de la DITP pour les mettre en
œuvre. Une transparence
des résultats et des mécanismes de participation citoyenne
constituerait également un levier de transformation efficace. Il pourrait ainsi être envisagé de
rendre disponible une grande partie des données non nominatives publiques, y compris
budgétaires, de publier des indicateurs pertinents permettant de comparer l’
efficience des
services publics entre territoires, et enfin,
d’interroger plus systématiquement les citoyens à
l’échelle locale sur les pistes d’économies et de rationalisation à mettre en œuvre.
Étendre la méthode de pilotage des politiques prioritaires aux
mesures issues des revues de dépenses
Pour mieux concilier les exigences de maîtrise des finances publiques et de
modernisation de l’administration, les exercices de «
revues de dépenses
» qui viennent d’être
relancés en France
à l’instar de ce qui se
pratique déjà dans certains pays étrangers, pourraient
apporter des éléments de réponse. À cet effet, les revues de dépenses devraient intégrer des
mesures de
modernisation contribuant à l’obtention des
économies recherchées. La méthode de
pilotage déployée pour les politiques prioritaires du gouvernement permettrait
d’
assurer le suivi
des décisions de transformation prises à l’issue de ces revues de dépenses, dans la mesure où
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
8
e
lle favorise la rapidité d’exécution
et
l’identification des responsabil
ités et prévoit une
incitation directe sous forme d’une
rémunération liée aux résultats obtenus.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
9
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(secrétariat général du Gouvernement, direction interministérielle
de la transformation publique) : Renforcer la mission de coordination interministérielle de la
DITP.
Recommandation n° 2.
(direction du budget, direction interministérielle de la transformation
publique, direction générale de l’administration et de la fonction publique)
: Recentrer le
financement des grands projets de transformation au sein du FTAP.
Recommandation n° 3.
(direction du budget, directio
n générale de l’administration et de la
fonction publique) : Clarifier le dispositif permettant aux préfets de redéployer leurs effectifs
dans la limite de 3 %, et son articulation avec le processus budgétaire et RH.
Recommandation n° 4.
(direction interministérielle de la transformation publique) : Revoir
la définition des objectifs, des cibles et des indicateurs dans l’outil Pilote.
Recommandation n° 5.
(direction du budget, direction interministérielle de la transformation
publique) : Pour les projets ministériels de modernisation, contractualiser les objectifs de retour
sur investissement et moduler les moyens en cas de non atteinte de ces objectifs
Recommandation n° 6.
(direction du budget, direction interministérielle de la transformation
publique)
: utiliser Pilote pour assurer le suivi des décisions de transformation prises à l’issue
des revues de dépenses.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
10
INTRODUCTION
La modernisation de l’
État désigne les actions
visant à accroître l’efficacité de
l’administration publique
et la qualité du service rendu. Elle peut aussi avoir pour objectif d’en
augmenter
l’
efficience, en diminuant en parallèle les coûts de fonctionnement. Elle se déploie
dans quatre domaines
: le périmètre d’action de l’État, l’organisation de ses services, le
management et la gestion des ressources humaines, la relation avec les usagers.
Lancé en 2017, le programme nommé Action publique 2022 (AP 2022) traduisait une
volonté de changer de paradigme. Depuis lors, l
a modernisation de l’État
se présente davantage
comme un processus itératif que comme un plan global permettant d’embrasser toutes les
composantes de l’action publique.
Bien que le programme AP 2022 ait été rapidement
abandonné
, l’approche initiale est demeurée, et les actions actuelles, plus diffuses, se sont
orientées vers la simplification des organisations, l’amélioration de la relation avec les usagers
et du service qui leur est rendu. Ce choix a été confirmé en 2020 avec la création
d’un minist
ère
chargé de la transformation publique.
Plusieurs plans de modernisation se sont succédé ou superposé depuis 2017 et de
nombreuses mesures ont été décidées en comité interministériel de la transformation publique
(CITP). Différentes actions spécifiques, conduites par les ministères en dehors de cette
labélisation gouvernementale, s’y sont ajoutées. Leur ampleur est loin d’être négligeable. Le
champ de la politique de modernisation s’est dans le même temps élargi à l
a conduite des
réformes considérées comme prioritaires par le gouvernement, qui ont bénéficié d’un pilotage
novateur, axé sur l’atteinte d’objectifs suivis dans la durée.
La succession de crises récentes (crise sociale avec le mouvement des gilets jaunes, crise
sanitaire, crise énergétique et hausse de l’inflation) a eu des effets contrastés
: ces crises ont
tout autant affecté la réalisation des ambitions initiales qu’elles ont, dans certains cas, fait office
d’accélérateur du changement, notamment lors d
e la crise de la covid-19. Dans ce contexte, la
modernisation de l’action publique comme levier du retour à l’équilibre des finances publiques
est passée au second plan. Le développement d’un service public plus efficace et plus proche
des citoyens est devenu une priorité pour répondre aux difficultés du pays. La déconnexion qui
s’est progressivement opérée entre la recherche d’une meilleure efficacité du service public et
l’attention portée à la soutenabilité budgétaire ne saurait cependant s’inscrire dans
la durée.
L’enquête réalisée par la Cour vise à apporter un éclairage sur
cinq années de politique
de modernisation de l’État, en identifiant les points d’appui sur lesquels fonder une action
pertinente et durable.
La première partie expose la manière d
ont la stratégie, ambitieuse à l’origine, a
progressivement évolué pour tenir compte des nouvelles finalités qui lui ont été assignées et de
l’abandon des objectifs budgétaires au profit d’une vision centrée sur la proximité et le service
rendu. La deuxième partie
analyse la manière dont s’est organisée la mise en œuvre des mesures
de modernisation, leur pilotage national et local et les moyens financiers et humains qui les ont
accompagnés. Enfin, la troisième partie
s’attache à identifier les facteurs clef
s de réussite et les
modalités de son articulation avec la procédure budgétaire.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT
: DES METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
11
1
UNE STRATEGIE DE TRANSFORMATION AMBITIEUSE A
L’ORIGINE
,
QUI S’EST RAPIDEMEN
T AFFAIBLIE
La politique de modernisation initiée en 2017 sous le nom d’Action publique 2022
s’ins
crivait en rupture avec les plans précédents. Présentée comme une démarche continue
d’amélioration
plutôt que comme un plan accumulant une série de mesures diverses, elle
répondait aussi à une exigence européenne. Elle a cependant été desservie par un cadrage initial
qui n’assumait pas clairement l’objectif de maîtrise des dépenses publiques et
par une
organisation administrative insuffisamment coordonnée.
1.1
Une ambition initiale forte inscrite dans la loi
1.1.1
Une volonté de rupture avec les plans précédents malgré quelques éléments de
continuité
Depuis 2007, chaque début de quinquennat se caractérise par une nouvelle architecture
institutionnelle de modernisation de l’État, qui déploie un nouveau vocable et exprime une
volonté de rupture nette avec les démarc
hes antérieures. Cette inscription de la réforme de l’État
dans un calendrier politique n’efface pas un certain nombre d’invariants plus «
techniques » de
la modernisation que sont notamment la recherche de simplification ou le recours aux nouvelles
techno
logies. La continuité est ainsi manifeste s’agissant des trois objectifs d’amélioration des
services aux usagers, de rationalisation de la dépense et de modernisation de la gestion des
ressources humaines.
Lancée dès juin 2007, la RGPP a été initialement présentée comme une revue de
l’ensemble des missions de l’État, clairement orientée vers l’identification de marges de
manœuvre budgétaires destinées à financer de nouvelles politiques publiques. La gouvernance
en a été confiée à une instance présidée par le Président de la République, le Conseil de
modernisation des politiques publiques (CMPP), dont les réunions préparatoires associaient les
ministres, les rapporteurs généraux des commissions des finances parlementaires et deux
personnalités qualifiées. Ces
instances ont été alimentées par des rapports d’audit des dépenses,
produits par des équipes mixtes issues à la fois des corps d’inspection et des cabinets de conseil
privés. L’objectif de rationalisation financière et d’efficience interne était clairemen
t affirmé et
passait par des regroupements de services, la mutualisation de fonctions support, le recours
accru au numérique et surtout la règle du non-
remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant
à la retraite. Cette dernière mesure ne saurait résumer à elle-seule la RGPP, qui recouvrait en
réalité un ensemble de 450 mesures, mais elle a fortement influé sur son appropriation par les
agents publics et sur sa mise en œuvre.
Le dispositif RGPP et sa gouvernance ont été remplacés dès décembre 2012 par le
Comité interministériel de la modernisation de l’action publique (CIMAP), présidé par le
Premier ministre et dont le pilotage a été confié au secrétariat général à la MAP (SGMAP),
placé sous son autorité et qui pilotait à la fois la transformation de l’ad
ministration et la
digitalisation de ses processus. Sans être totalement absent, l’objectif d’économies budgétaires
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
12
est passé au second plan et l’initiative des propositions de réforme laissée aux ministères. Une
place importante était réservée à la simplification administrative, et surtout à la démarche
évaluative
qui devaient couvrir toutes les politiques publiques à l’issue du quinquennat –
préalable à la prise de décision. Cette approche évaluative s’est doublée, à partir de la loi de
programmation des finances publiques 2014-2019 , de revues de dépenses présentées toutefois
comme distinctes des évaluations de politiques publiques conduites dans le cadre de la MAP,
tant par leurs objectifs (recherche d’économies à court terme quand la MAP se devait d’ê
tre
plus ambitieuse, questionnant l’utilité et l’efficacité des politiques publiques sur le plus long
terme), que par leur calendrier inscrit dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle (là où
les évaluations de politique publique de la MAP portaient une ambition de moyen terme), et la
méthode (revues menées par les corps d’inspection sur un temps limité à quelques mois, là où
la MAP fait appel à une concertation plus large et à une comitologie spécifique). Ces deux
logiques ont évolué en parallèle sa
ns parvenir à trouver de synergie. L’expérience des revues
de dépenses n’a pas été menée au
-delà de la préparation de la loi de finances pour 2017, avant
de resurgir à nouveau en 2023.
Des bilans chiffrés des impacts budgétaires de la RGPP et de la MAP ont été réalisés,
sans pour autant afficher de résultats incontestables. En revanche, un bilan méthodologique de
ces deux expériences a permis d’en identifier les principales lacunes
: le manque d’implication
des agents et d’attention portée à la concertatio
n et à la conduite du changement, la nécessité
de travailler sur le sens du service public sans limiter l’approche à une vision exclusivement
budgétaire. Dans son rapport public annuel de 2009, la Cour des comptes avait critiqué
l’approche purement comptab
le de la RGPP, qui cherchait à imposer une norme de réduction
des dépenses plutôt qu’une transformation des politiques publiques.
Succédant à deux programmes de modernisation globalisants définis sous une bannière
unique, Action publique 2022 se définit avant tout comme une méthode en rupture avec les
précédentes. Le programme est présenté comme une démarche plutôt que comme un plan global
destiné à modifier en profondeur et de manière systémique les périmètres d’action et le mode
de fonctionnement de l’Éta
t. La direction interministérielle de la transformation publique
(DITP) axe ainsi son action sur la notion de transformation, sans articulation explicite avec les
enjeux de soutenabilité budgétaire.
1.1.2
Une phase de conception participative mais une cohérence globale limitée
En septembre 2017, le Premier ministre fixe trois objectifs prioritaires au programme
Action Publique 2022
2
, qui ne se distinguent pas, en première analyse, des approches
antérieures : (1) améliorer la qualité des services publics, (2) offrir aux agents publics un
environnement de travail modernisé et (3) accompagner rapidement la baisse des dépenses
publiques.
Pour amorcer la démarche, le gouvernement ouvre une phase initiale d’idéation et de
conception en mobilisant différents relais. Un comité Action Publique 2022 (CAP 22), composé
d’une quarantaine de personnalités qualifiées –
élus, économistes, hauts fonctionnaires, cadres
du secteur privé
est créé : il a auditionné plus de 300 personnalités, bénéficié du concours de
plusieurs organes d’inspection (notamment IGF, IGA et IGAS) et d’évaluation (DITP,
2
Circulaire Programme Action Publique 2022, 26 septembre 2017
.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
13
Direction du Budget, France Stratégie) et a reçu les contributions des directions
d’administration centrale
.
L’activité de ce comité d’experts a été doublée de deux inno
vations destinées à associer
davantage les usagers et les agents : le «
Forum de l’action publique
», appuyé sur une
consultation en ligne et des évènements organisés dans l’ensemble des régions, d’une part, et
le « Comité Jeunes - J22
3
», d’autre part. Ma
lgré la difficulté à mobiliser un nombre
suffisamment significatif de personnes
4
, cet exercice a donné lieu à la publication de documents
de synthèse
5
dont il est difficile d’apprécier dans quelle mesure ils ont pu inspirer les travaux
du comité AP 2022. L
’importance prise par l’enjeu de la proximité des services publics dans le
Grand débat national qui a suivi la crise des « gilets jaunes
6
», organisé avec des moyens plus
conséquents
7
, souligne le caractère désormais incontournable de la participation citoyenne.
En parallèle, les ministères sont responsabilisés pour construire eux-mêmes leur
programme de transformation. Ceux-ci ont été formellement adoptés, sous le nom de plans de
transformations ministériels (PTM) par le 2
e
Comité interministériel de la transformation
publique (CITP) du 29 octobre 2018. Ces plans, déclinés en chantiers, traduisent les priorités
d’action de chaque ministère, en mêlant des objectifs de politique publique reflétant les
orientations du gouvernement, et des mesures de modernisation administratives. Le contenu des
PTM apparait de ce fait hétérogène, traduisant une adhésion différenciée des ministères à la
démarche et une harmonisation limitée des différents plans. Le caractère « transformant » des
mesures n’est ainsi pas systémat
ique.
Même s’ils regroupent des mesures de natures diverses, les PTM n’en présentent pas
moins l’intérêt d’offrir un cadre d’action clair et durable pour chaque département ministériel
avec un suivi dans la durée qui offre une stabilité nécessaire au déploiement des actions. La
cohérence des chantiers et leur articulation avec les autres actions de modernisation, notamment
les mesures prises dans le cadre des CITP, n’apparaît pas clairement et les dynamiques
enclenchées sont relativement étanches. Toutefoi
s, l’état d’avancement transmis chaque
trimestre aux cabinets du Président de la République et du Premier ministre témoigne d’un
pilotage par les résultats qui constitue une caractéristique essentielle de la politique de
modernisation de l’État sur la péri
ode.
3
Propositions du Comité Jeune J22
4
Plus de 153 000 personnes se sont rendues sur la plate-forme numérique, dont 17 112 ont répondu au
questionnaire sur les services publics (mais seulement 7 137 usagers) et 600 personnes ont participé aux
évènements régionaux.
5
Forum de l’action pu
blique,
Résultats et principaux enseignements de la consultation des agents et
usagers du service public
6
Quatre thèmes avaient été retenus
: outre la transition écologique, Démocratie et citoyenneté, fiscalité
et dépenses publiques et organisation de l’État et des services publics.
7
Le grand débat national a coûté 12
M€
, Le Monde, 4 avril 2019.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
14
1.1.3
Un levier d’économies inscrit dans la loi de programmation des finances
publiques pour 2018-2022
L’article 1
er
de la LPFP 2018-2022
8
approuve un rapport annexé à la loi, dont la portée
normative reste incertaine, qui décrit les modalités de « transformation profonde des structures
de l’action publique qui permettra le respect de nos engagements de finances publiques
».
La trajectoire fixée prévoit une baisse du poids de la dépense publique hors crédit
d’impôts de plus de 3 points de PIB à l’horizon 202
2 et la suppression de 50 000 postes à temps
plein (ETP) sur le périmètre de l’État et de ses opérateurs sur le quinquennat
. Le ralentissement
de la croissance de la dépense publique devait être rendu possible, notamment, à moyen terme,
par les économies structurelles identifiées et documentées par le processus « Action publique
2022 ».
L’examen du périmètre de l’action publique d’un point de vue stratégique, en impliquant
les usagers et les agents, devait permettre d’améliorer l’efficience des politiques
publiques, en
mettant en œuvre une démarche de revue des missions et de la dépense publique dans une
approche par politique publique. Le programme AP 2022 visait ainsi à définir des réformes
structurelles qui se déploieraient sur cinq ans.
Le gouvernement a donc cherché à se démarquer des démarches antérieures de réforme
de l’État (RGPP et MAP) et de la politique « du rabot », insistant sur le caractère novateur du
processus, placé sous l’autorité du Premier ministre.
Les conclusions du comité devaient être
rendues publiques au 1
er
trimestre 2018 et faire l’objet d’arbitrage
s sur la base desquels seraient
élaborés les plans de transformation ministérielle. Prenant le relai des économies structurelles
réalisées sur les dépenses d’intervention (logement, empl
oi) entre 2018 et 2020, les effets des
réformes engagées dans le cadre d’AP 2022 devaient se faire sentir principalement sur les
années 2020-2022. Dans le
cadre de la procédure d’élaboration du PLF 2019, la
direction du
budget (DB) avait invité les ministères à réaliser le chiffrage des économies identifiées au sein
du programme AP 2022. Cette initiative n’a
reçu aucune traduction concrète
et n’a plus été
renouvelée par la suite.
Les travaux du comité AP 2022 ont souffert d’un défa
ut de clarification initiale de son
mandat, l’articulation entre la réduction des dépenses publiques et l’amélioration de l’efficacité
de l’action publique n’ayant pas été pas suffisamment définie. Les objectifs d’accompagnement
de la baisse des dépenses publiques, inscrits dans la LPFP et qui constituaient pourtant une des
finalités d’AP 2022
, ont
été rapidement abandonnés sous l’effet cumulé des crises successives
(
d’abord
sociale dès 2018 avec les gilets jaunes, puis sanitaire et énergétique), mais aussi du
fait d’une faiblesse initiale du dispositif, qui a insuffisamment
documenté le volet budgétaire
de la démarche et sa faisabilité.
8
Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018
de programmation des finances publiques pour les années 2018 à
2022
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
15
1.2
Une coordination insuffisante dans un paysage administratif morcelé
Le rapport du comité Action Publique 2022 n’a pas donné lieu à l’élaboration d’un
programme de travail clair et détaillé sur lequel les ministres auraient pu appuyer leur action.
En outre, l
a modernisation de l’État a pâti d’une organisation administrative qui, bien que
rénovée, ne dispose pas d’un pilote uni
que chargé de la coordination des différents services qui
la mettent en œuvre, et des arbitrages nécessaires entre les injonctions parfois difficilement
conciliables. Le secr
étariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP)
ayant
été supprimé en 2017, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a pris
le relais. La direction interministérielle du numérique (DINUM) créée en 2019
9
, constitue le
deuxième acteur majeur de la modernisation.
1.2.1
Une appropriation limitée des
travaux d’AP 2022
Le travail approfondi du Comité AP 2022 a permis d’identifier des domaines de
dépenses inefficaces ou des processus administratifs qui pouvaient être améliorés au moyen
d’une meilleure coordination entre les acteurs. Dans les faits, même
s’il y est rarement fait
référence, ce rapport a inspiré nombre de mesures adoptées par la suite. La Cour estime ainsi
que plus du tiers des mesures adoptées par le comité interministériel de la transformation
publique (CITP)
10
étaient inscrites dans le rapport CAP22. En revanche, seule une minorité (6,5
%) des mesures adoptées dans le cadre des plans de transformation ministériels en sont issues.
À titre d’exemple, le rapport CAP 2022 couvrait une grande variété de sujets rele
vant
du champ de compétences de la DGFIP. Il a permis de donner ou redonner une impulsion à
certaines réformes, comme le prélèvement à la source ou la réforme de la responsabilité des
gestionnaires publics. De même, des mesures plus techniques, comme la création de centres de
gestion financière, découlent des recommandations de ce rapport. Il demeure toutefois difficile
de savoir si la modernisation à l’œuvre au sein de la DGFiP découle d’AP 2022 ou si, au
contraire, c’est la DGFIP qui a alimenté AP 2022 av
ec ses propres réflexions. La distinction
n’est pas sans intérêt car elle illustre un modèle internalisé de modernisation au long cours,
porté par les administrations elles-mêmes et peu sensible aux réorientations politiques,
l’implication du ministre se limitant aux phases décisives d’arbitrage ou d’impulsion. Un
certain nombre de grands chantiers portés par la DGFiP suivent ce schéma, depuis le lancement
du programme Copernic
11
en 2001 jusqu’à la mise en œuvre du prélèvement à la source.
9
Décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019
relatif au système d'information et de communication de l'État
et à la direction interministérielle du numérique
10
Analyse réalisée sur la base des mesures listées dans le
rapport sur la mise en œuvre des engagements
du CITP,
mai 2022.
11
Programme de modernisation du système d'information fiscal. Cf. Cour des Comptes,
la gestion du
programme Copernic
, communication à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation du Sénat, 2009.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
16
1.2.2
La DITP, une direction
de conception et d’appui au pilotage
Créée en 2015
12
, la DITP a été fortement remaniée en 2017
13
. Placée sous l'autorité du
ministre chargé de la réforme de l'État, ministre de la transformation et de la fonction publique
depuis 2020, elle est dirigée par un délégué interministériel à la transformation publique qui
relève, pour sa compétence interministérielle, directement du Premier ministre et assure à ce
titre le secrétariat du comité interministériel à la transformation publique (CITP). Ce comité a
j
oué un rôle moteur dans la politique de modernisation, a fortiori après l’abandon du programm
e
AP 2022 et la crise des Gilets jaunes.
Comme le soulignait la Cour
14
, la DITP possède une nature et une compétence duale.
La DITP exerce d’une part des missions d’accompagnement de la modernisation avec
un rôle de conseil auprès des administrations, et une visée opérationnelle assumée
15
. Elle est
ainsi chargée de concentrer le pilotage de la qualité des services publics, au travers du
déploiement du programme Service Public +
16
. Elle assure
d’autre part
, via son directeur,
l’animation
interministérielle du suivi des réformes ou politiques prioritaires. À ce titre, la DITP
est un acteur majeur de la mise en œuvre des priorités gouvernementales, coordonnant une
comitologie novatrice de suivi et de déploiement, au plus haut niveau politique. Ce rôle a
d’ailleurs été renforcé en 2022.
La DITP a ainsi pris une place centrale dans le champ de la réforme de l’État qui conduit
à s’interroger sur son positionnement administrat
if actuel.
De facto
, elle remplit les fonctions
d’un secrétariat interministériel chargé de la réforme de l’État. À ce titre, elle a notamment
réalisé un bilan exhaustif et éclairant des mesures adoptées en CITP
17
. Elle est trop rarement
associée à la conce
ption d’une politique, alors qu’elle pourrait, avec les outils dont elle dispose,
éclairer en amont les risques et conditions de succès des dispositifs envisagés. La place qu’a
prise l’animation du pilotage des politiques prioritaires lui confère un poids
éminent dans la
transformation de l’action publique, même si ces deux champs d’activité de la DITP sont
distincts et que la DITP n’a pas pour mission d’initier seule des chantiers stratégiques de
modernisation. Ceux-ci sont essentiellement décidés en CITP ; la DITP contribue à leur mise
en œuvre mais n’a pas la faculté de réaliser des arbitrages interministériels.
12
Décret n° 2015-1165 du 21 septembre 2015
relatif au secrétariat général pour la modernisation de
l'action publique
13
Décret n° 2017-1584 du 20 novembre 2017
relatif à la direction interministérielle de la transformation
publique et à la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de
l'État et
Décret n° 2017-1586 du 20 novembre 2017
relatif au comité interministériel de la transformation publique
et au délégué interministériel à la transformation publique
14
La direction interministérielle de la transformation publique : organisation, missions et gestion, Cour
des comptes 2023.
15
Via des techniques innovantes et participatives, des expérimentations, le recueil de la satisfaction et de
l’expérience usagers, la transparence des résultats de l’action publique.
16
Ce programme définit les engagements de service, c’est
-à-dire le cahier des charges que doit respecter
chaque service public
: a) droit à l’erreur, bienveillance et respect mutuel, b) transparence sur l
es résultats ; c)
amélioration continue ; d) réponse aux grandes attentes des français (efficacité, réduction des délais, accessibilité,
prise en compte des cas particuliers et inclusion).
17
Rapport sur la mise en œuvre des engagements du CITP
, mai 2022.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
17
1.2.3
Au service du numérique, une direction interministérielle dédiée
La direction interministérielle du numérique (DINUM) créée en 2019
18
, constitue le
deuxième acteur majeur de la modernisation. Rattachée au secrétariat général du gouvernement
(SGG), elle a tout d’abord un rôle d’animation de la filière numérique de l’État et de ses
opérateurs. Elle réalise par ailleurs des audits des projets de systèm
es d’information de l’État
dès lors que leur coût dépasse 9
M€, soit 10 à 15 projets par an. Elle assure leur suivi en vérifiant
le respect du budget et du calendrier et en proposant d’éventuelles mesures correctives. Les
experts de la DINUM se chargent ég
alement d’auditer les projets en difficulté.
Elle incite les ministères à recourir aux méthodes agiles et accompagne les
administrations dans la construction de services numériques à l’aide de prestations de services
telles que le programme « beta.gouv.fr ».
La DINUM a enfin un rôle de guichet unique au titre de la circulation des données
19
et
travaille à ce titre avec la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour
développer des solutions de partage conformes au droit. Elle a développé la plateforme
data.gouv.fr, infrastructure mutualisée pour l’ouverture des données, ainsi que la plateforme
codes.gouv.fr, qui présente les programmes écrits par les administrations. Elle veille à
l’interopérabilité des API
20
et accompagne les projets da
ta des ministères avec l’incubateur
Datalab qui doit permettre une meilleure exploitation des données ouvertes et non ouvertes.
Le contenu des missions de la DINUM nécessite une articulation forte avec la DITP,
qui s’est accrue avec la création, en 2020,
du ministère de la transformation et de la fonction
publique. Celui-ci a placé sous une même autorité ministérielle la DITP, la DINUM et la
DGAFP, confirmant le caractère structurant des dimensions RH et numérique dans la
modernisation de l’État
, et la néc
essité d’un portage politique global
. Faute de structure
administrative pérenne en charge d’assurer la coordination et la continuité d’action, c
e
regroupement
n’
a pas suffi à corriger totalement les effets dommageables du découplage entre
la DINUM et la DITP
(risques de chevauchement et de manque d’articulation entre les projets),
suite à la suppression du SGMAP.
1.2.4
D’autres directions devenues moins actives
En comparaison des plans précédents, particulièrement la RGPP, la direction du budget
(DB) n’apparait qu’en deuxième ligne dans le dispositif. Même si la Direction générale de la
modernisation de l’État (DGME) assurait alors la coordination de l’ensemble de la démarche,
l’objectif de redressement des comptes publics conférait à la DB un rôle majeur pour chi
ffrer
les mesures et intégrer directement les économies réalisées dans la procédure budgétaire. Son
18
Décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019
relatif au système d'information et de communication de l'État
et à la direction interministérielle du numérique
19
Exigence intégrée dans le règlement «
Data Governance Act
» qui s’appliquera dès septembre 2023 et
comporte, dans le cadre de l’unification du droit des données en Europe, un panel de nouvelles
obligations à
intégrer pour toutes les composantes du secteur public.
20
«
Application programming interface
» : ou « interface de programmation d'application » est une
interface logicielle qui permet de « connecter » un logiciel ou un service à un autre logiciel ou service afin
d'échanger des données et des fonctionnalités (définition CNIL).
LA MODERNISAT
ION DE L’ÉTAT : DES
METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
18
rôle s’était déjà estompé avec la MAP, qui ciblait davantage la simplification des process et des
démarches administratives. La DB a été moins associée aux mesures prises dans la continuité
d’AP 2022 dès lors que les exigences d’économies sont passées au second plan. Pour favoriser
une meilleure prise en compte des enjeux budgétaires et faciliter l’articulation entre les projets
de modernisation et leur traduction financière, la DB pourrait jouer un rôle plus important au
sein des CITP, en assurant les fonctions de secrétaire général adjoint aux côtés de la DITP qui
en assure le secrétariat général.
De même, l’organisation retenue à partir de 2017 place le SGG
en retrait par rapport au
rôle qu’il occupait précédemment, notamment lorsque le SGMAP lui était rattaché. C
oncentré
sur la sécurisation
juridique des textes, il n’est pas directement à la manœuvre en matière de
modernisation. Dans le dispositif actuel, le SGG est un simple acteur de la modernisation parmi
d’autres, lui
-
même concerné par certaines mesures de simplification. Pour autant, il n’assume
aucun rôle de coordination entre DITP, DINUM, DGAFP et DB, préalable aux arbitrages
soumis au Premier ministre.
La Cour avait recommandé
21
d’ouvrir une réflexion sur la formation d’un centre de
Gouvernement exerçant concomitamment les missions de la coordination du travail
gouvernemental, de la surveillance de la qualité du droit, de la réforme de l’État et de la
politique des cadres dirigeants, avec les moyens numériques correspondants. Cette option a
toutefois été clairement exclue par le gouvernement.
Faute de structure centralisée de pilotage de la modernisation de l’État, la coordination
des différents acteurs apparait insuffisante. Outre la DITP et la DINUM, dont la montée en
puissance devrait s’accélérer conformément aux engagements du 7
e
CITP
22
, d’autres directions
d’administration centrale sont des acteurs importants de la modernisation de l’Etat
, notamment
la direction des achats de l’État (DAE) et la direction de l’immobilier de l’État (DIE).
Dans sa
configuration actuelle, le CITP, surtout destiné à solenniser les annonces gouvernementales et
réuni de façon épisodique, ne peut constituer une réelle instance de pilotage opérationnel des
mesures annoncées.
Il pourrait toutefois constituer l’instrument efficace de coordination, dès
lors qu’il pourrait se réunir de manière plus fréquente, dans une formation à un niveau
technique, de type comité exécutif avec
un rôle d’impulsion et de pilotage accru de la DITP.
21
L’organisation et les missions du sec
rétariat général du Gouvernement (SGG)
, Cour des comptes, 2022.
22
CITP du 9 mai 2023, notamment l’engagement n°1 en faveur d’une stratégie numérique de l’État
commune et cohérente.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
19
Recommandation n° 1.
(secrétariat
général
du
Gouvernement,
direction
interministérielle de la transformation publique) : Renforcer la mission de coordination
interministérielle de la DITP.
1.3
Une politique de modernisation en réponse aux exigences
européennes
La politique de modernisation fait l’objet d’une attention particulière de la part des
institutions européennes à au moins deux titres
: dans l’appréciation qu’elle porte sur le
programme de stabilité et le programme national de réforme, présentés dans le cadre du
semestre européen, d’une part, et dans le suivi de la mise en œuvre du plan national de relance
et de résilience (PNRR), d’autre part.
Le cadre budgétaire européen imposait ainsi au
gouvernement de présenter l’impact financier des mesures de modernisation de l’action
publique.
Dès 2019, le Conseil constatait que la stratégie d’assainissement budgétaire de la France
nécessitait l’exécution du programme «
Action publique 2022 ». Il soulignait que ce
programme visait à obtenir des gains substantiels d
’efficience de la
dépense publique en
améliorant le fonctionnement de l’administration publique nationale.
Le lien était donc
clairement établi entre le programme de modernisation de l’État et la stratégie de retour à
l’équilibre des finances publiques. Po
ur autant, dans les faits et sur la période, aucune
articulation directe ne sera opérée entre la procédure budgétaire et les différentes mesures de
modernisation mise en œuvre.
Par ailleurs, pour bénéficier des financements offerts par la « Facilité pour la reprise et
la résilience »
de l’Union Européenne
23
adoptée en 2020, la France a intégré dans son PNRR,
diverses mesures de modernisation du fonctionnement des administrations publiques
24
. Elle
s’était engagée à présenter un bilan des réformes de productivité de l’action publique en 2021
25
.
Ce document, annexé au projet de loi de finances pour 2022, constitue un bilan des mesures de
simplification à destination des usagers et des mesures de modernisation des fonctions support,
sans toutefois se livrer à un ch
iffrage complet des économies réalisées. S’il couvre une partie
des mesures relevant d’AP 2022 et des CITP, il intègre également des réformes prioritaires
gouvernementales.
Ainsi, et de façon paradoxale, les mesures présentées initialement comme devant
co
ncourir au retour à l’équilibre des finances publiques sont les mêmes qui ont permis à la
France de justifier, au moins en partie, le recours à des financements supplémentaires issus de
l’endettement commun des pays européens.
Toutefois, l’étude d’impact
jointe au projet de loi de programmation des finances
publiques (LPFP) 2023-
2027 rappelle que le PNRR engage la France, d’ici fin 2022, à
23
Dans le cadre du plan de relance
NextGenerationEU
de 750 Md€, financé par
un endettement commun.
24
Compris notamment dans la composante «
mise à niveau numérique de l’État, des territoires et des
entreprises ».
25
Bilan des réformes de productivité de
l’action publique
.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
20
construire « des lois financières articulées avec les évaluations de la dépense publique couvrant
le champ des administrations publiques dans le respect de la trajectoire de dépenses de la
LPFP
». La sécurisation de l’atteinte par la France de ce jalon, inscrit au PNRR, qui conditionne
le versement des fonds européens associés, implique la mise en place d’un dispositif
d’évaluation pérenne, couvrant l’intégralité du champ de l’action publique et articulé avec les
procédures budgétaire et parlementaire.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le programme Action Publique 2022 succède en 2017 à la RGPP et à la MAP. Il
s’inscrit dans une relative continuité au regard des objectifs d’amélioration des services aux
usagers, de rationalisation de la dépense et de modernisation de la gestion des ressources
humaines.
À l’origine instrument central du retour à l’équilibre des finances publiques,
la
politique de transformation publique a cependant rapidement perdu toute ambition budgétaire.
La phase initiale de conception a mobilisé un comité d’experts
et des forums destinés à
associer les usagers et les agents. Malgré un travail conséquent et de qualité, le comité a échoué
à susciter l’adhésion et le gouvernement a
souhaité ne plus se référer à ce rapport. Les
propositions qui y figuraient ont cependant, en partie, été reprises par les administrations
concernées. Les ministères ont également élaboré et déployé leur propre plan de
transformation.
La politique de modernisation de l’action publique s’est essentiellement concentrée sur
l’évolution des process et des outils de pilotage, conférant à deux directions interministérielles,
la DITP et la
DINUM, un rôle majeur dans l’animation et le pilotage de l’ensemble des
administrations
, qui pâtit cependant d’une coordination insuffisante. Cette capacité à
coordonner au quotidien les différents acteurs de la modernisation, voire à arbitrer des sujets
n
on politiques, mériterait d’être incarnée plus nettement. Le renforcement du positionnement
de la DITP est une des pistes à explorer.
2
UNE MISE EN ŒUVRE
QUI ALLIE PROCEDES
CLASSIQUES ET METHODES INNOVANTES
Après cette phase de conception, la modernisation
de l’État s’est opérée en continu tout
au long du quinquennat. Certaines mesures prolongent les mouvements à l’œuvre dans les
précédents plans, sans réduction majeure du périmètre d’intervention de l’État (I). Des outils
innovants, notamment un recours accru au numérique et aux méthodes de « gouvernement
ouvert
», caractérisent la période, de même que l’attention portée aux moyens financiers et
humains (II). La principale nouveauté réside cependant dans la méthode employée pour
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
21
conduire les politiques publ
iques prioritaires, avec le déploiement d’un dispositif de pilotage
par les objectifs qui rompt avec la logique des moyens en plaçant sous tension l’ensemble de la
chaîne managériale (III).
2.1
Une transformation dans le prolongement des plans de modernisation
antérieurs
2.1.1
Des
ajustements de l’organisation administrative
qui touchent peu à la
fragmentation de l’action publique locale
Les mesures modifiant le périmètre d’action de l’État ou visant à ré
organiser ses services
sont minoritaires
26
: elles représentent un peu moins du quart des décisions actées en CITP et à
peine 10 % des mesures inscrites par les ministères dans leurs plans de transformation. Rares
sont celles qui ont consisté à questionner
le champ d’intervention de l’État ou à transférer des
compétences, par exemple aux collectivités territoriales. La réorganisation territoriale des
services de l’État s’est essentiellement
centrée sur les fonctions supports et les moyens.
L
a réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE)
, définie par la circulaire du
Premier ministre du 12 juin 2019, a ainsi acté la création des secrétariats généraux communs
départementaux (SCGD
27
) pour mutualiser les fonctions supports des préfectures et des
directions départementales interministérielles (DDI). Services déconcentrés à vocation
interministérielle placés sous l’autorité du préfet, ces SGCD ont été mis en place à partir de
janvier 2021.
S’agissant des moyens
, dès son discours de politique générale de juin 2020, le Premier
ministre avait affirmé sa volonté d’un réarmement du niveau départemental de l’administration
de l’État. Ce réarmement a été formalisé lors des CITP de 2021 et a donné lieu à une évolution,
à enveloppe constante, de la répartition des effectifs et des moyens entre régions et
départements.
La baisse des effectifs semble avoir été enrayée : pour la première fois en 2022, le
programme 354 «
Administration territoriale de l’État
» ne prévoyait aucune diminution
d’effectifs dans les départeme
nts, ce qui marque une rupture nette avec la pratique des dix
années antérieures et a conduit à ajuster les effectifs à la baisse en centrale.
Cependant, l
e renforcement, pour être réel, nécessite la mobilisation de l’ensemble des
ministères, dans la mesure où les effectifs des DDI relèvent de plusieurs programmes distincts.
Certains services déconcentrés en région ont cherché à préserver leurs moyens. Pour s’assurer
de l’effectivité de ce renforcement, il conviendrait de disposer de la vision consolidée d
es
moyens humains affectés à chaque échelon, régional et départemental. Le rapport sur l’état de
26
La Cour a procédé à une analyse des mesures inscrites dans le rapport sur la mise en œuvre des
engagements du CITP publié en mai 2022. La méthode utilisée et le détail des résultats obtenus figurent en annexe.
27
Décret n°2020-99 du 7 février 2020
relatif à l'organisation et aux missions des secrétariats généraux
communs départementaux
. L’action des SGCD fait l’objet d’analyses
complémentaires dans le rapport de la Cour
«
La capacité d’action des préfets
» - novembre 2023.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
22
la fonction publique et les rémunérations, joint au projet de loi de finances, décompose les
effectifs entre administrations centrales et déconcentrées, sans une répartition plus fine
28
qui
permettrait cette analyse consolidée.
L’appréciation de toute ces réorganisations est mitigée. Elles font perdurer une forme
de complexité et elles n’ont pas clarifié le positionnement des préfets dont le rôle est pourtant
cen
tral dans la transformation de l’État, comme l’a relevé la Cour dans un récent rapport
29
.
L’action publique reste ainsi très fragmentée au niveau local. Les SGCD ont permis de
renforcer l’inter
-
ministérialité par la constitution d’équipes composées d’agent
s de différents
ministères, mais leur mise en place a soulevé de nombreuses difficultés
30
..
Parole de préfets : la difficile mise en place des SGCD
« La vocation interministérielle des SGCD est parfois non reconnue ou mal acceptée par les
bénéficiaires des services supports. Cette nouvelle "entité" est ainsi perçue, à tort ou à raison,
comme une émanation de la préfecture et donc sujette à "méfiance" de la part des agents des DDI
comme de leurs directions. »
« Le SGCD doit parfois fournir les textes réglementaires pour justifier du bon droit de ses
demandes et exigences afin d'assurer un traitement équitable de l'ensemble de la communauté de
travail ».
Le positionnement des préfets reste un sujet non consensuel. Un débat récurrent, déjà
intense en 2007 lors du lancement de la RGPP oppose schématiquement deux visions de l’État
déconcentré : une approche technique caractérisée par une relation verticale entre les
administrations centrales et leurs services territoriaux, d’une part
; une vision intégratrice, plus
horizontale, sous l’autorité des préfets, d’autre part.
Les préfets estiment ainsi
que leurs leviers d’action interministériels au plan local re
stent
limités, en particulier dans les domaines exclus du périmètre ATE (justice hors activité
juridictionnelle, éducation, santé…) pour lesquels les informations et les arbitrages remontent
systématiquement à l’échelon national. À titre d’exemple, si les
relations sont nombreuses entre
les DRFiP/ DDFiP et les préfets, elles sont informelles et le processus de modernisation reste
piloté par la DGFiP.
A contrario
, la DITP estime que le rôle de coordination des préfets demeure essentiel,
même sur les politiques qui ne relèvent pas de leur autorité directe. Ce positionnement de
représentation de l’État dans son ensemble a été conforté par le Président de la République en
2017
31
. La DITP insiste sur le devoir de coopération des services déconcentrés, ainsi que sur le
droit d’évocation du préfet qui lui permet de faire remonter des informations au Premier
ministre en cas de difficulté. Enfin, elle rappelle que des outils de gouvernance et des instances
de pilotage permettent aux préfets d’exercer leur influence et
devraient être davantage
mobilisés, surtout dans la perspective des nouveaux enjeux en matière de planification
28
Voir notamment le
rapport joint au PLF 2023
, p. 17
29
«
La capacité d’action des
préfets » - 10 novembre 2013 -
capacite-daction-des-prefets
30
Retards importants dans la distribution de la carte agent ministériel donnant accès aux SI-RH,
positionnement des SGCD face aux directions départementales, financement des dépenses immobilières etc…
31
Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, aux Préfets le 5 septembre 2017
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
23
écologique, champ de compétence largement décentralisé dans lequel le rôle des préfets sera
sans doute important
32
à l’avenir.
Ces interrogations
sur le rôle des préfets traduisent la complexité de l’organisation
administrative que les réformes entreprises depuis 2017 n’ont que peu abordé
e. Dans son
rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2023, la Cour met en évidence
l’
importance de questionner le périmètre de la dépense publique et sa cohérence entre les
interventions des différentes administrations publiques, notamment
entre l’État et
les
collectivités territoriales. Or les plans de modernisation mis en œuvre depuis 2017 n’ont pas
véritablement abordé cette question. Quelques transferts de mission ont bien été actés
33
, mais
ils relèvent plus d’ajustements ponctuels et les questions de recoupement de compétences n’ont
pas été traités.
Ainsi, la logique globale de modernisation a peiné, entre 2017 et 2022, à embrasser
l’ensemble des administrations publiques. Si nombre de collectivités territoriales développent
de longue date des approches qui peuvent être novatrices, certaines se sont montrées réticentes
face aux initiativ
es de l’État. Aucune feuille de route n’a pu être établie avec les grandes
associations d’élus pour fixer des principes communs ou engager des convergences techniques.
A contrario
, les collectivités sont parfois insuffisamment associées aux projets nationaux. À
titre d’exemple, le programme Service Public + s’étend à la sphère de la sécurité sociale, mais
ne concernait
ni les hôpitaux, ni les établissements d’enseignement avant leur intégration par le
CITP de 2023, ni les collectivités territoriales. La vol
onté d’élargir le champ couvert est
cependant manifeste, et la DITP est ouverte aux collectivités qui souhaitent décliner ce
programme, qui a vocation à devenir la référence centrale en matière de qualité des services
publics.
Par ailleurs, à l’exception des quelques entités ayant signé un contrat d’objectifs et de
moyens, l’organisation de la transformation au sein de l’État n’a pas intégré explicitement le
champ des opérateurs de l’État, alors qu’ils représentent près de 15
% des dépenses publiques.
Au final, l
es coûts de coordination entre les services déconcentrés de l’État, les agences
et les collectivités territoriales demeurent donc
importants. Les préfets disposent d’une latitude
réduite pour faire évoluer les process locaux d’agences nationales don
t ils sont les délégués
territoriaux. Par ailleurs
les opérateurs et les préfets de département n’ont en réalité pas de
véritable capacité d’expérimentation et de levier sur les projets
de modernisation qui dépendent
des collectivités. Ces améliorations re
lèvent plus largement d’une réflexion à relancer sur la
répartition des compétences entre État, collectivités locales et opérateurs, dans une optique
d’efficience de l’action publique au plan local.
Enfin, l
a mise en œuvre des plans de transformation n’a p
as non plus conduit à
réinterroger la ligne de partage des missions entre secteur public et secteur privé, alors que
certaines tâches, certes encore limitées, ont pu être externalisées par le passé, comme l’examen
32
Par exemple, en matière de contrôle de la conformité de la planification écologique, avec la vérification
des contraintes comme le Zéro artificialisation nette (ZAN) ou zones à faibles émissions (ZFE).
33
L’ordonnance 2022
-
883 du 14 juin a acté le transfert de la gestion de certaines taxes d’urbanisme des
directions départementales des territoires (DDT) à la DGFiP. L’ordonnance du 26
janvier 2022 institue, dans le
cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) qui débutera en 2023, les régions comme autorité de
gestion des aides « non surfaciques » du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
24
du code de la route depuis 2016. De telles restructurations ont été menées récemment à
l’étranger
34
.
2.1.2
Des mesures « classiques » de transformation qui ont partiellement abouti
Les autres mesures des plans de modernisation sont essentiellement centrées sur les
relations avec les usagers (plus d’un q
uart des décisions des CITP
35
et plus d’un tiers des
mesures inscrites dans les PTM
36
) ainsi que sur l’optimisation de la gestion des process (40
%
des décisions des CITP
37
et des mesures inscrites dans les PTM
38
). Les mesures dédiées à
l’amélioration de la ge
stion des ressources humaines ne représentent que 12 % du total des
mesures.
La situation du ministère
de l’économie et des finances
a été examinée à titre
d’illustration.
Sans que ces mesures ne relèvent directement des plans de modernisation, la DGFiP et
la direction générale des entreprises (DGE) ont, au sein du ministère de l’économie et des
finances, mené des réformes structurantes touchant à l’organisation de leur rése
au.
En 2019, la DGFiP a ainsi déployé son nouveau réseau de proximité (NRP),
restructurant ses trésoreries. Ce projet s’est traduit par un resserrement de son réseau en propre
tout en développant la présence de la DGFIP dans les communes isolées grâce au recours aux
espaces France Services. La démarche, pluriannuelle et pilotée par une direction de projet, a
fait l’objet d’une concertation avec les élus locaux,
ce
qui a permis d’en renforcer
l’acceptabilité. Au plan financier, la réforme a nécessité de mob
iliser des moyens dédiés, non
récurrents, pour l’accompagnement des agents concernés et les dépenses immobilières et
informatiques. Elle engendre également des coûts annuels pérennes pour mobiliser les réseaux
des partenaires, tels que les buralistes, la Banque postale ou les espaces France services, à mettre
en regard des économies de masse salariale générées.
La réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics
39
, qui permet de
sanctionner les infractions en cas de faute grave ayant causé un préjudice financier significatif,
a également donné lieu à une réaffectation d’une partie du personnel du contrôle comptable
vers des missions de contrôle de 2
e
niveau.
34
Le Portugal pa
r exemple a lancé un vaste programme de réorganisation, qui s’appuie sur le réseau des
« boutiques du citoyen » (
Lojas de cidadao
), comparables à France Services mais logées dans les guichets des
grands opérateurs privés des réseaux télécoms, gaz et électricité.
35
«
Mise en œuvre d’une application pour visualiser l’impact des transformations
», « développer le
design public centré sur les utilisateurs », «
développer l’engagement citoyen avec la plate
-forme
« JeVeuxAider » »
36
« Guichet de soutien aux entreprises exportatrices », « Ouvrir le portail du justiciable », « Vote par
internet pour les français de l’étranger
»
37
«
Réduire l’inflation normative
», «
Déterminer des indicateurs d’impact pour chaque nouvelle
norme », « Déployer les centres de gestion financière »
38
« Communication électronique entre juridictions et avocats en matière pénale », « E-commerce :
développement d’un nouveau SI pour les douanes
»
39
Ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022
relative au régime de responsabilité financière des
gestionnaires publics
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
25
Sur le plan fiscal, la DGFiP a piloté la mise en œuvre du prélèvement à la source (PAS)
de l’impôt sur le revenu,
entré en vigueur en 2019 et qui représente une simplification
d’ampleur. Cette réforme résulte d’un processus au long cours mené au sein de l’administration
fiscale. De même, la DGFiP a entrepris, conjointement avec l’agence pour l’informatique
financière de l’État (AIFE)
de généraliser la facturation électronique inter-entreprise. Ce projet
doit contribuer à réduire de plus de 75 % le coût de facturation pour les entreprises, soit un gain
attendu de plus de 4,5 Md€, auquel s’ajout
e un objectif de réduction de la fraude à la TVA,
estimée entre 20 et 25 Md€
40
.
La direction générale des entreprises (DGE) a également réformé son organisation, en
distinguant les missions structurelles (suivi sectoriel ou réglementaire, exercice des tutelles
etc.), des missions à fort impact qui sont désormais conduites en mode projet (pilotage de plans
stratégiques, structuration d’offres industrielles, conception d’instruments de politique
publique...). Chaque sous-direction porte donc désormais des missions structurelles et un
portefeuille de projets stratégiques. Ces évolutions ont été essentielles lors de la crise sanitaire
et pour la mise en œuvre du plan de relance. L’ingénierie mise en place à la DGE a en effet
permis un accompagnement adapté en temps réel à la situation économique. Cette
réorganisation a aussi favorisé le recentrage sur des chantiers prioritaires : 20% des missions
ont été abandonnées pour concentrer les ressources sur les missions stratégiques sur lesquelles
la direction a un réel
impact. Cette évolution s’est traduite notamment par la délégation à des
opérateurs de la gestion des soutiens financiers et l’abandon de tutelles d’opérateurs non
stratégiques.
L’exemple du ministère de l’économie et des finances montre que, dans certain
s cas, les
mesures
propres à un ministère ont pu aboutir d’une manière satisfaisante
. En revanche, les
mesures faisant intervenir plusieurs acteurs ont été plus difficiles
à mettre en œuvre et
ont
rarement pleinement abouti. Ainsi, alors que le g
ouvernement souhaitait réduire l’inflation
normative
41
et malgré les initiatives du SGG
42
, le flux de textes réglementaires s
’est
au contraire
accru. Le périmètre des dispositifs mobilisés pour limiter ce flux est encore restreint
43
et depuis
peu, une croissance particulièrement marquée des textes issus de propositions de loi
44
est
observée. En parallèle, la taille des textes a augmenté et le nombre de renvois à des textes
d’application, souvent alimentés par des amendements parlementaires, demeure très importa
nt.
Le gouvernement poursuivait aussi un objectif de réduction du nombre de commissions
en administrations centrales
, qui peut passer par une forme d’expérimentation
. Ainsi, la
nouvelle instance consultative interministérielle dénommée Conseil national du commerce a
été créé en juin 2023
45
pour une durée limitée à trois ans. En d’autres termes, sa pérennisation
nécessitera un acte positif du gouvernement, sans lequel elle sera automatiquement supprimée.
Cette technique pourrait être de nature à contenir le mouvement continu de création de
40
Estimation des montants manquants de versements de TVA : exploitation des données du contrôle
fiscal,
Insee, juillet 2022
41
Mesure n°2-3 décidée aux CITP de 2019. La Cour reprend ici la numérotation des actions figurant dans
le
rapport sur la mise en œuvre des engagements du CITP
de mai 2022.
42
Accompagnement des ministères dans la réduction du nombre d’arrêtés par e
xemple.
43
Le dispositif « deux pour un » ne porte que sur les textes relevant du pouvoir réglementaire autonome
de l’article 37 créant des charges pour les collectivités territoriales, les entreprises ou les particuliers et est de ce
fait assez limité dans son périmètre.
44
Sur la session 2021-2022, les propositions de lois représentent 58% des textes adoptés (40 propositions
de lois sur 69 textes adoptés) contre 32 % sur l’ensemble de la XVème législature
45
Décret n° 2023-461 du 14 juin 2023 relatif à la création du Conseil national du commerce
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
26
d’instances consultatives, si toutefois elle s’accompagne d’une véritable évaluation de l
eur
valeur ajoutée.
Pour ces mesures de transformation associant plusieurs acteurs, l’implication directe des
ministres dans le pilot
age de projets nécessitant de surmonter les blocages liés à l’existence de
cultures administratives cloisonnées, est indispensable, même si le sujet peut apparaître
technique, comme l’illustre le cas des autorisations d’urbanisme.
Un exemple de projet de coordination réussi :
les autorisations d’urbanisme
Les autorisations d’urbanisme nécessitent la consultation de nombreux acteurs (DRAC,
DREAL, DDT, services départementaux d’incendie et de secours, collectivités territoriales…), et,
pour éviter que ceux-ci ne travaillent en parallèle sur des projets qui seraient in fine rejetés, une
plateforme commune a été créée (Démat ADS) pour regrouper tous les avis émis. Des
financements ont été versés aux collectivités territoriales pour développer des logiciels permettant
de se relier à cette plateforme et désormais toutes les grandes communes sont tenues d’utiliser des
solutions numériques afin de l’abonder. Seules les petites communes peuvent encore
ponctuellement utiliser des formulaires papiers.
2.2
Au service de cette transformation, des outils innovants, marqueurs
des plans menés depuis 2017
2.2.1
Un recours intense au numérique, dont le pilotage est encore perfectible.
La moitié des mesures annoncées à l’occasion des CITP et le tiers des réformes inscrites
dans les plans de transformation ministériels présentent une composante numérique.
L’objectif
affiché est d
’accélérer les gains d’efficience des administrations, et d
e passer progressivement
de la simple dématérialisation des procédures à une exploitation des données permettant de
fournir des services supplémentaires aux usagers, voire de faciliter leur accès aux droits.
Le cas de la DGFiP illustre le rôle moteur de la numérisation et de l’intelligence
artificielle au service de la transformation des administrations. Les potentialités du numérique
ont d’abord été exploitées par les services du contrôle fiscal qui ont mobilisé l’intelligence
artificielle pour cibler les actions les plus pertinentes. Le recours aux outils de traitement de
masse de données numériques demeure complexe et nécessite des phases de test avant
généralisation, comme l’ont démontré les récentes difficultés rencontrées par le dispositif
« Gérer les biens immobiliers ».
Une réflexion a été menée dès 2020-
2021 sur l’industrialisation nécessaire
des process
numériques, conduisant à réorganiser les départements chargés de l’informatique
avec,
d’une
part,
la création d’une délégation numérique pour animer la communauté numérique de la
direction et,
d’autre part
, la scission du service informatique entre un service transverse des
systèmes d’information et une direction des projets numériques
. Forte de cette nouvelle
organisation, la DGFiP est désormais en mesure de proposer ses services à de multiples
partenaires.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
27
Services proposés par la DGFiP aux autres administrations
La DGFiP loue certains services : elle dispose par exemple d’un cloud étatique adapté à
l’hébergement de données sensibles qu’elle propose aux autres ministères (Nubo). Elle a aussi
développé l’Espace Numérique Sécurisé de l’Agent Pub
lic (ENSAP) qui permet aux agents
d’accéder à leurs feuilles de paie dématérialisées et qui devrait être prochainement mis à
disposition du Conseil Constitutionnel et du CNRS. En matière d’éditique, la DGFiP dispose d’une
solution (« clic’easy ») pour les
ministères qui en ont besoin.
Cette montée en puissance explique la multiplication des API ces dernières années : au
nombre de quatre en 2018, elles ont atteint 70 demandes en 2020, puis 800 en 2021, avec un plateau
désormais estimé à une centaine de demandes par an, dont certaines formulées par des
établissements financiers et par des collectivités locales.
Dans les autres, administration, l
a mobilisation du levier numérique s’est
certes
intensifiée, mais dans une moindre mesure. Les projets réalisés visaient essentiellement à
optimiser la gestion des services publics et à faciliter la relation avec les usagers
46
. Dans de
nombreux domaines, le numérique a permis d’optimiser les processus et de redéployer les
ressources humaines correspondantes sur d’aut
res tâches.
Ainsi, l’équipement en tablettes des
agents de la DGCCRF leur évite des heures de copie manuelle pour dresser le compte-rendu de
leurs inspections. La gendarmerie nationale utilise à titre expérimental les données
territorialisées relatives aux infractions pour établir une cartographie prédictive de la
délinquance et identifier les zones à risque afin d’y concentrer ses efforts. De même, les robots
conversationnels (
chatbots
) sont désormais répandus dans le champ de la protection sociale, et
son
t utilisés par exemple par la CNAV et par l’URSAFF Caisse nationale pour donner un
premier niveau d’information aux usagers.
Aucune stratégie d’ensemble ne se dégage cependant. Les gisements de productivité
demeurent importants. La gestion manuelle des dossiers est encore très pratiquée, en particulier
dans les organismes sociaux, ce qui induit des taux d’erreur élevés et, en conséquence, des indus
et des coûts de gestion supplémentaires. De nombreuses tâches pourraient être automatisées.
De plus, les moda
lités et l’ampleur des prestations de services réalisées par les grandes
administrations déjà largement numérisées n’ont pas été clairement définies. Il manque un cadre
harmonisé et commun clarifiant le rôle des uns et des autres, définissant des principes de
facturation et incitant au partage d’expériences et de bonnes pratiques.
En ce sens, le rôle d’orchestration au sein de l’État
par la DINUM devrait être renforcé :
elle gagnerait à dépasser le champ des projets ponctuels (startups d’État) pour initier
une réelle
stratégie collective du développement de la culture numérique, en répartissant clairement les
projets entre les différents acteurs et en définissant des règles de mise en commun des
compétences.
Le dispositif «
Dites-le nous une fois
»
Proposé par la DINUM, ce dispositif limite la charge déclarative des usagers, en mettant
en commun les données disponibles. La DINUM propose aux administrations, y compris aux
46
M
ise en place d’outils internet pour recueillir leurs propositions et mesurer leur satisfaction,
dématérialisation de la délivrance de certaines aides, création des tableaux de bord de suivi, accompagnement de
certaines réformes en matière de ressources humaines (télétravail modernisation des systèmes RH et de paiement).
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DE
S METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
28
collectivités territoriales, un accompagnement dédié leur permettant notamment de faire évoluer
leurs procédures pour tirer pleinement partie du cadre légal favorisant la circulation de la donnée.
Grâce aux outils qu’elle développe et met à disposition gratuitement (api.gouv.fr, data.gouv.fr
etc.), la DINUM permet de pré-renseigner certains formulaires avec les données détenues par
l’administration (revenu fiscal de référence, adresse, dernier salaire perçu, informations sur le
conjoint ou les enfants etc.) ou d’échanger directement certains justificatifs entre services publics
(justif
icatif de domicile pour les demandes en ligne de documents d’identités).
Ce dispositif s’étend progressivement. Une version ultime de ce dispositif conduirait l’État
à identifier directement les bénéficiaires des aides puis les leur verser directement, sans démarche
spécifique de leur part. Des solutions de ce type sont déjà en cours de déploiement, avec par
exemple le versement automatique prévu à partir de 2024 des bourses des collégiens et lycéens sur
la base des informations rendues disponibles par la CNAF. Génératrices de gains de productivité
et de réduction des erreurs, elles gagneraient à être largement et rapidement étendues, en priorisant
les chantiers les plus problématiques, comme par exemple la construction d’une interface
commune à l’Éducation
nationale et aux collectivités territoriales concernant les inscriptions
administratives en écoles primaires, collèges et lycées.
Enfin, le développement de la numérisation appelle une démarche volontariste de
l’ensemble des administrations publiques, qu’elles relèvent de l’État, des collectivités locales
ou des organismes de sécurité sociale. Elle nécessite aussi une intervention législative pour
lever les éventuels blocages juridiques qui peuvent subsister
: ainsi le vote de l’article 162 de
la loi 3DS
47
instaure un principe par défaut de partage des données entre les collectivités
territoriales et l’État en supprimant la nécessité préalable d’un décret en Conseil d’État pour
fixer chacun des domaines, procédures et administrations concernés par les échanges.
Ces efforts communs devront être poursuivis, et en particulier le développement de
l’intelligence artificielle nécessitera une grande agilité pour adapter les normes afin que
l’administration puisse bénéficier en toute sécurité juridique des perspect
ives ouvertes par ce
nouveau champ.
2.2.2
Une concentration des moyens financiers et humains sur les principaux
projets de modernisation
Pour accompagner et dynamiser la transformation de l’action publique, le gouvernement
a lancé, pendant le quinquennat 2017-2022, plusieurs fonds interministériels fonctionnant sur
le principe des appels à projets, les équipes de la DITP et de la DINUM étant chargées
d’instruire les demandes et de sélectionner les plus pertinentes.
Le fonds pour la transformation de l’acti
on publique (FTAP) a été lancé dès 2017 sous
l’impulsion du Président de la République
: outil nouveau dans le paysage budgétaire de l’État,
fondé sur la logique d’un retour sur investissement, il met directement en pratique l’idée selon
laquelle pour transformer, il faut investir.
47
Loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration
et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
29
Piloté par la DITP, il a investi 764 M€ dans 126 projets sur la période 2018
-2022 et a
permis de financer des projets variés.
Exemples de projets financés par le FTAP
Équipement en tablettes des agents de la DGCCRF (2,6 M€).
Projet Datalake de la DGFiP (8,3 M€), entrepôt de données de la DGFiP facilitant le
partage et l’exploitation des données.
Contrôles automatisés visant à diminuer la circulation de véhicules polluants et à
améliorer la qualité de l’air (18,3 M€) afin de co
ntrôler et verbaliser le non-respect des
règles relatives à la circulation.
Transformation de la police technique et scientifique (5,1 M€) pour moderniser le
système d’information entre les laboratoires de police technique et scientifique et les
requérants.
Source : DITP
Ré-abondé de 330
M€ pour les années 2023
-
2025, dont 120 M€ dès 2023, le FTAP
poursuit désormais des objectifs prioritaires de simplification des parcours usagers, tout en
conservant une forte composante numérique. La DINUM pilote d’ailleu
rs plusieurs guichets
dédiés à la numérisation des services de l’État
: un guichet « Adoption du
cloud computing
»
par exemple, doté de 10 M€ finance 50
% des projets de construction et de migration
d’applications vers le cloud interministériel développé p
ar la direction. Enfin, pour renforcer la
modernisation de l’action de l’État dans les territoires, une enveloppe de 14 M€ a été ouverte
début 2023 au sein du FTAP. Pilotée au niveau régional par les SGAR, elle est spécifiquement
destinée aux projets porté
s directement par les administrations déconcentrées de l’État.
Dans
un précédent rapport, la Cour avait cependant recommandé
48
de restreindre le champ
d’intervention du FTAP aux réformes prioritaires visant à renforcer l’efficience de la gestion
publique.
En parallèle, plusieurs enveloppes dédiées spécifiquement à la transformation
numérique ont été mises en place en particulier dans le cadre du plan de relance. La DINUM
gère ainsi le fonds d’accélération des startups d’État et de territoire (FAST) et le fon
ds
d’innovation et de transformation numérique (FITN
49
) pour
financer l’
amélioration des
démarches en ligne, le partage de données et
l’efficience des services publics
.
De même, plusieurs fonds interministériels ont vocation à transformer les pratiques dans
le domaine des ressources humaines et financent ainsi le volet RH des plans de modernisation.
Le fonds d'accompagnement interministériel RH (FAIRH), créé en 2019 pour financer des
dispositifs de formation dans le cadre de projets professionnels et les indemnités liées aux
mobilités ou départs d’agents publics
, a été supprimé en 2022 suite à une recommandation de
la Cour qui estimait que sa valeur ajoutée était faible. Les autres fonds financent des projets de
moindre ampleur
: le fonds d’innovation des res
sources humaines (FIRH) finance des
démarches innovantes en matière de ressources humaines ; le fonds interministériel pour
l’amélioration des conditions de travail (FIACT) cofinance des initiatives concourant à
48
La direction interministérielle de la transformation publique : organisation, mission et gestion
, Cour
des comptes, 2023.
49
Le FITN a été clôturé depuis.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
30
l’amélioration des conditions de travail des
agents publics (QVCT), la santé-sécurité au travail
(SST) ou encore la médecine de prévention
; le fonds en faveur de l’égalité professionnel (FEP)
a été mis en place par l’accord relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction
publique de novembre 2018.
Au-delà de ces fonds interministériels, des fonds supplémentaires ont pu être mis en
place par les ministères pour amorcer certains projets spécifiques et propres à leurs périmètres.
Le ministère de l’économie et des finances a ainsi cr
éé un fonds de transformation ministériel
(FTM) doté de 10 M€ en 2023 (mais ayant atteint jusqu’à 20 M€).
Les sources de financement sont donc multiples, au risque de la dispersion des crédits
et
d’une certaine illisibilité, à la fois pour les ministères c
andidats et pour les administrations
chargées du pilotage budgétaire et opérationnel de la transformation. Le contexte budgétaire
contraint justifierait un pilotage plus resserré de ces crédits, avec des priorités définies par la
DITP.
Recommandation n° 2.
(direction du budget, direction interministérielle de la
transformation publique, direction générale de l’administration et de la fonction
publique) : Recentrer le financement des grands projets de transformation au sein du
FTAP.
De plus, la familiarité des ministères et des services déconcentrés avec le système
d’appels à projets est très hétérogène
: les administrations peu coutumières de ces démarches
peuvent rencontrer des difficultés pour s’adapter à cette nouvelle culture et
in fine
obtenir moins
de financements, conduisant ainsi à une allocation sous-optimale des ressources. Sur les 109
projets financés par le FTAP jusqu’en 2021, 25 relevaient ainsi du ministère de l’économie et
des finances et représentaient plus de 50 % des financements obtenus.
L’adaptation à ce mode de financement est rendue d’autant plus difficile que les critères
de sélection peuvent sembler parfois opaques et mouvants aux yeux des candidats, avec par
exemple un manque de transparence pour les pièces à fournir et des modifications sans préavis
des délais, ce qui peut complexifier largement l’accomplissement et la mise en œuvre des
projets.
Paroles de préfets : la difficile adaptation à la logique d’appels à projets
« La logique d'appels à projets est assez amplement critiquée dans certains territoires
ruraux. En effet, les collectivités, toutes de taille modeste, ne sont pas en mesure de répondre
efficacement à la multitude d'appels à projets, répondant pourtant directement à leurs
préoccupations et à leurs enjeux. »
« Les administrations centrales ont encore tendance à conserver des relations en tuyau
d’orgue et des prérogatives de gestion à travers une préférence pour la technique de l’appel à
projets ou à manifest
ation d’intérêt, qui représente une forme de recentralisation qui n’a cessé de
se développer avec des agences, dont la profusion des périmètres et le rôle n’ont jamais été remis
en cause. »
En parallèle de ces fonds dédiés à la transformation, plusieurs dispositifs RH de soutien
aux services déconcentrés ont été mis en place, en contrepartie de la responsabilisation accrue
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
31
des préfets
. Leur mise en œuvre est cependant inachevée et
ils ont été mobilisés de façon
hétérogène selon les territoires.
Les 5
e
et 6
e
CITP ont acté le déploiement de directeurs de projets et experts de haut
niveau (23 affectés auprès des préfets de département en 2021 et 2022) pour accompagner la
mise en œuvre des projets structurants. Le 7
e
CITP du 9 mai 2023 prévoit la création de 100
postes supplémentaires d’experts auprès des préfets. Chargés notamment de consolider les
laboratoires d’innovation territoriale
50
pour lesquels des crédits spécifiques sont prévus pour
2024, ils disposent de qualifications adaptées et sont nommés selon le processus habituel de
nomination des emplois fonctionnels, avec une liste de candidats proposés par le ministère de
l’intérieur.
La mise à disposition d’agents expérimentés au niveau local constitue un élément
remarquable dans le déploiement du plan France 2030
: à titre d’exemple, la préfecture de
région Bourgogne-Franche-Comté a recruté un directeur de projet, mobilisé pour soutenir le
développement de la filière hydrogène, émergente dans la région.
L’extension de la mesure appelle toutefois des questi
ons logistiques, puisque
l’équipement des experts, à la charge des préfectures, n’est pas toujours anticipé ou budgété.
La multiplication du nombre de postes ouverts impose par ailleurs de clarifier et de rendre
transparents les critères d’affectation des
territoires et doit accompagner la déclinaison locale
de la stratégie nationale définie dans le cadre de France 2030.
Par ailleurs, faisant le constat d’un processus très lourd du dispositif de la réserve
régionale des emplois
51
, le 6
e
CITP a pris l’engagement d’autoriser les préfets à redéployer des
effectifs en fonction des priorités territoriales. La circulaire du 22 décembre 2021, signée
conjointement par la ministre de la transformation et de la fonction publique et par le ministre
chargé des comptes publics autorise donc depuis le 1er janvier 2022 les préfets de région à
redéployer jusqu’à 3
% des effectifs qui leur sont notifiés. Concrètement, le préfet peut
redéployer des postes vacants, ou des postes occupés si l’agent est volontaire, entre les budge
ts
opérationnels de programme relevant du périmètre de l’administration territoriale de l’État
52
,
entre départements au sein de la même région. En parallèle, le dispositif de la réserve régionale
d’emploi est supprimé.
Sur le plan budgétaire, une régularisation est opérée en loi de finances rectificative en
fin d’année et un amendement du gouvernement en loi de finances initiale ajuste les plafonds
d’emplois des différents programmes dans le cas de transferts pérennes.
L’utilisation de cette nouvelle souplesse s’est révélée hétérogène selon les territoires.
Dans certaines régions, la mise en œuvre du dispositif a conduit à un véritable dialogue entre
les départements, afin de connaître les demandes de création d’emplois et les besoins à un
niveau fin
53
. Mais d
ans d’autres cas, des difficultés opérationnelles sont apparues. Même si le
reploiement n’impose pas un déplacement physique des postes, certains préfets se sont
50
Structures créées dans le cadre d’un appel à projet lancé en 2016, pilotées par les services déconcentrés
de l’État et la DITP
, destinées à «
faciliter l’émergence et l’expérimentation de projets d’innovation publique qui
répondent à des problématiques de territoire, à l’initiative des agents de terrain
» (source :
site DITP)
.
51
Le préfet devait obtenir, avant toute réaffectation des emplois entre les différents services de l’ATE,
une approbation préalable des administrations centrales
52
C
’est
-à-dire agriculture, intérieur, culture, transition écologique hors routes, emploi hors inspection du
travail, santé et solidarité, économie hors DGFiP.
53
À titre d’exemple, création d’un poste pour soutenir le déploiement du fonds Vert.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
32
interrogés sur la coordination du dispositif avec les calendriers de mobilité des différents
ministères, qui ne sont pas harmonisés. Malgré les ajustements budgétaires automatiques
réalisés en loi de finances rectificative de fin d’année et en loi de finances initiale de l’année
suivante, certains acteurs ont souligné la difficulté à coordonner le redéploiement avec la
budgétisation de la LFI et surtout avec le dialogue de fin de gestion qui se déroule dans un
temps très court si bien que les préfets n’ont pas de vision globale des arbitrages budgétaires de
fin d’année dans leur préfecture.
Enfin, p
our fonctionner, le dispositif doit disposer d’une forte acceptabilité de la part
des départements et des responsables d’administration. Le redéploiement représente un travail
assez lourd pour les services de la préfecture, pour des résultats parfois modestes. Il est en effet
difficile d’atteindre le taux de 3
%. Dans certaines régions, le total des ETP redéployé est très
faible
54
car les budgets opérationnels de programme sont déjà en tension et ne peuvent absorber
une disparition de postes supplémentaires.
Recommandation n° 3.
(direction du budget, direction générale de l
’administration et
de la fonction publique) : Clarifier le dispositif permettant aux préfets de redéployer leurs
effectifs dans la limite de 3 %, et son articulation avec le processus budgétaire et RH.
2.2.3
Une attention portée aux attentes des usagers et à la qualité des services
La satisfaction des usagers et la transparence des résultats figurent parmi les grands
principes qui ont irrigué l’action de la DITP, qui y voit un
aiguillon nécessaire à la
modernisation des administrations. Chargée du suivi du déploiement des programmes de
modernisation, elle rend compte tous les trois mois au gouvernement et définit les priorités
d’action à
partir de tableaux de bord.
Afin d’alimenter ces analyses, la DITP
mesure la satisfaction des usagers à la maille la
plus fine possible, selon plusieurs canaux
. Des programmes d’intelligence artificielle
permettent par exemple d’identifier l’occurrence des remarques formulées sur la plateforme «
Je
donne mon avis » (voir
infra
) et d
’ajuster en conséquence les priorités de travail.
La DITP réalise également des comptages pour mesurer la satisfaction des usagers et
orienter le travail de l’ensemble de l’administration. Une enquête menée au printemps 2023 a
par exemple révélé que 82 % des démarches réalisées auprès des organismes de prélèvements
et de prestations (organismes versant des prestations sociales, agence de services et de paiement
- ASP, agence nationale des titres sécurisés - ANTS, union de recouvrement des cotisations de
séc
urité sociale et d’allocations familiales
- URSSAF, DGFiP) le sont en ligne. À partir de ces
résultats, la DITP, dans la perspective du CITP du 23 mai 2023, a défini trois segments de
travail
55
.
La mesure de satisfaction des usagers
était jusqu’à présent es
sentiellement réalisée par
les services eux-mêmes, selon des procédés hétérogènes. Pour améliorer la comparabilité des
données, le CITP du 7 mai 2023 a annoncé l
a mise en place d’un nouveau tableau de bord établi
54
À titre d’exemple, 2,5 ETP seulement en Nouvelle
-Aquitaine.
55
Renforcement de la qualité des démarches en ligne avec la DINUM ; amélioration du taux de décroché
grâce à un « plan téléphone » ; consolidation des guichets polyvalents des maisons France Service.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
33
avec des instituts de sondage pour mesurer de façon comparable le ressenti des français sur
chaque service public dans chaque région.
Faire de la satisfaction des usagers un levier de transformation ne signifie pas
nécessairement que la perception des usagers des services publics va nécessairement
s’améliorer, tant les facteurs qui expliquent celle
-ci sont complexes et variables suivant les
services. Des sondages récurrents viennent attester d’un niveau d’insatisfaction élevé et une
notoriété des mesures promues par la DITP qui reste encore insuffisante pour accroître
significativement la confiance dans les services publics.
Ce constat justifie qu’u
ne attention
particulière soit portée à la qualité des services publics, à leur accessibilité et à la simplification
des parcours
C’est pourquoi l
a DITP
accompagne les administrations dans l’amélioration de la
qualité de service, au moyen du déploiement de plusieurs dispositifs.
Un premier programme global intitulé « Service public + » mobilise différents leviers :
une liste de neuf engagements de service, qui permet de définir un standard
commun de qualité pour l’ensemble des administrations et a vocation à
déboucher, dans un horizon proche, sur une labellisation ;
une plate-forme en ligne, support de la publication des résultats des services ;
la possibilité pour les usagers de faire part de leur expérience et de bénéficier
d’une réponse de l’administration, via le site «
je donne mon avis ».
Ce programme
s’adresse à l’ensemble des administrations de l’État et de la sécurité
sociale. Comme le recommandait la Cour dans son rapport sur la DITP, les établissements
relevant de l’Éducation nationale (écoles, collèges et lycées)
y seront prochainement intégrés.
Du fait de la libre-administration des collectivités territoriales, celles-
ci n’y sont pas soumises.
La DITP leur a toutefois ouvert la possibilité d’y souscrire et d’entrer dans le processus de
labellisation, qui aurait ainsi vocation à devenir le label de référence unique en matière de
qualité des services publics. À ce stade, le nombre de collectivités intéressées demeure réduit.
La DITP réalise aussi des missions de conseil pour aider les ministères à construire leurs
plans de modernisation,
comme c’es
t le cas par exemple du ministère des solidarités pour
construire le plan autonomie et grand âge. L’intervention de la DITP peut
parfois répondre à un
besoin émanant directement du terrain : par exemple le projet de réingénierie déployé avec les
académies, qui trouve son origine dans la
demande d’un recteur
, ou encore la réduction des
délais d’obtention des titres de séjour, mesure pour laquelle la demande de soutien
émanait des
préfets. Dans ce cadre, la DITP peut être amenée à rassembler les différents acteurs, en vue de
repérer les principaux gisements de productivité et de lever les points de blocage et les
difficultés de coordination. Ce travail de repérage est loin d’être aisé, d’une part parce que
souvent de très nombreux acteurs prennent part au processus et travaillent en silo et,
d’autre
part, parce que la complexité est parfois justifiée pour prendre en compte la réalité du terrain.
Plus récemment, l
e rôle de la DITP dans la simplification de l’action publique
s
est
accru dans le cadre des travaux en cours sur les « moments de vie ». Elle est considérée comme
étant la plus en capacité de conduire ce type de démarche alors que la volonté politique est forte
pour internaliser la complexité administrative. Une gouvernance interministérielle incluant les
ministres, l’administration, les collectivités territoriales mais aussi les représentants des usagers
reste cependant nécessaire et a été mise en place pour travailler sur dix grands chantiers et
identifier les principaux problèmes à résoudre.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
34
Un exemple de « moment de vie »
: le décès d’un proche
Dans le cadre du travail sur les moments de vie, un plan d’action a été défini avec les
représentants des usagers sur la simplification des démarches à mener en cas de décès d’un proche.
Les usagers ont tout d’abord réclamé un guichet unique d’information récapitulant l’ensemble des
démarches à réaliser : ces informations ont été mises en ligne sur Service.public.fr ; un service
d’accueil téléphonique dédié a été mis en place ; les agents des Maisons France Serv
ices ont été
formés pour répondre à ces demandes et un guide papier a été rédigé.
Cette méthode a aussi permis d’identifier plusieurs irritants. Ainsi, un travail est en cours
avec la DGFiP pour interrompre l’envoi de courriers au conjoint décédé. Des éch
anges ont lieu
également avec le ministère des finances pour limiter le paiement des frais bancaires. Enfin, les
services de retraite devraient prendre contact de façon plus proactive avec les conjoints survivants
pour régler avec eux les questions de pension de réversion.
Enfin, alors que l’accessibilité des principaux services via le réseau France Services a
constitué une mesure phare du quinquennat, la DITP envisage de travailler avec les conseils
départementaux à une cartographie très fine dans chaque département des maisons France
Services pour optimiser l’accueil et les coûts. L
a traduction au plan
territorial de l’action de
modernisation de la DITP a cependant été jugé insuffisante pendant le premier quinquennat.
2.3
Une nouvelle manière de conduire les réformes prioritaires orientées
vers les résultats et la mise en œuvre jusqu’au dernier kilomètre
Un aspect notable de la politique de modernisation mise en œuvre depuis 2017 concerne
le pilotage des politiques publiques et des réformes jugées prioritaires par le gouvernement.
Cette nouvelle manière de conduire les réformes, orientée vers les résultats et la mise en œuvre
«
jusqu’au dernier kilomètre
», constitue en elle-même une transformation notable qui a irrigué
l’action de l’ensemble des ministères.
2.3.1
Une gouvernance
qui s’est progressivement structurée
L’organisation du suivi des priorités gouvernementales a dans un premier temps été
fixée par la circulaire du 3 octobre 2019
56
. Celle-ci définit les chantiers prioritaires, identifiés
en fonction des engagements pris par le Président de la République et de leur impact sur la vie
des français, sous le vocable « objets de la vie quotidienne
» (OVQ). Pour chacun d’entre eux,
le ministre concerné désigne un directeur d’administration centrale et un chef de proj
et. Un
suivi est organisé de manière régulière pour chaque ministère à l’occasion de réunions
interministérielles comprenant le cabinet du Premier ministre, le SGG, le SIG et la DITP. Cette
dernière assure le secrétariat des réunions et veille à la cohéren
ce de l’ensemble, au moyen
notamment d’un format unique de restitution. Une synthèse est transmise au Président de la
56
Circulaire du Premier ministre du 3 octobre 2019
relative au suivi des priorités de l’action
gouvernementale
LA MODERNISATION D
E L’ÉTAT : DES METHO
DES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
35
République et au Premier ministre. Le Conseil des ministres a été
enrichi d’une partie D
permettant aux ministres de faire un point réguli
er sur l’avancée des réformes. Le suivi des
politique prioritaires est également organisé au niveau des préfets de région
au moyen d’
une
comitologie
ad hoc
57
(réunion mensuelle présidée par le directeur de cabinet du Premier
ministre avec le préfet de région). Un suivi transversal à haut niveau est organisé autour du
secrétaire général de la présidence de la République et du directeur de cabinet du Premier
ministre, permettant de faire le point sur les OVQ et les chantiers des plans de transformation
ministériels justifiant une attention particulière. Une rotation est organisée afin que chaque
ministère soit
convoqué deux fois par an pour présenter l’avancement de ses projets.
Un premier ajustement méthodologique a été apporté en novembre 2020 par une
circulaire adressée aux ministres et aux préfets
58
. La liste des réformes prioritaires a été
actualisée (le vocable OVQ est abandonné) et la méthode précisée.
Certaines réformes prioritaires font l’objet d’une communication spécifique auprès du
grand public via le Baromètre des politiques prioritaires du gouvernement. Une inflexion
majeure est aussi donnée concernant le pilotage territorial des réformes
: l’échelon
départemental est désormais privilégié « autant que possible » et les préfets sont invités à
associ
er les parties prenantes (les diverses administrations déconcentrées et opérateurs de l’État,
les collectivités territoriales, usagers, associations et parlementaires).
Cette inflexion marquée en faveur d’un pilotage des politiques publiques prioritaires
dans les territoires, décidée au CITP du 5 février 2020, a été confirmée par une circulaire du 19
avril 2021
59
qui crée un nouvel instrument, la « feuille de route interministérielle des préfets ».
Ces feuilles de route déclinent pour chaque département les réformes prioritaires. Elles
confèrent aux préfets un mandat interministériel d’une durée de trois ans pour piloter et animer
les services et opérateurs de l’État sans en modifier l’organisation. La feuille de route comprend
quinze à vingt réformes prioritaires sélectionnées par le préfet en fonction des enjeux propres à
son département, complétée par des projets locaux (politique publique, aménagement du
territoire ou transformation des services de l’État)
dont l’impact est jugé suffisamment
important pour que le préfet souhaite un soutien spécifique de la part des administrations
centrales.
Chaque élément de la feuille de route est évalué à partir d’indicateurs définis à l’échelon
national, accompagnés de cibles à atteindre au niveau du département. Un suivi régulier des
indicateurs est organisé via le tableau de bord dématérialisé, dénommé Pilote, conçu et
supervisé par la DITP, mais alimenté trimestriellement ou semestriellement par les secrétaires
généraux pour les affaires régionales (SGAR). Les feuilles de route sont passées en revue par
les
comités d’action régionale
(CAR)
et, au niveau départemental, lors d’un comité de direction
dédié. Ces réunions associent préfets, SGAR, services déconcentrés et DITP et permettent de
préparer les réunions mensuelles au cours desquelles le préfet de région doit présenter au
57
Circulaire du Premier ministre du 3 octobre 2019
relative au suivi des politiques publiques prioritaires
de l'État en région
58
Circulaire du Premier ministre du 18 novembre 2020
sur le suivi de l'exécution des priorités
gouvernementales
59
Circulaire du 19 avril 2021
sur les feuilles de route interministériel des préfets
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
36
directeur de cabinet du Premier ministre l’avancement des réformes, une partie de sa
rémunération dépendant désormais directement
60
de l’atteinte des objectifs qui lui ont été fixés.
La méthode de pilotage est maintenue avec la publication de la circulaire du 19
septembre 2022
61
, moyennant quelques ajustements, notamment terminologiques : on parle
désormais de politiques prioritaires du gouvernement (PPG) dont la liste est revue. Le rôle de
la DITP
dans l’animation du pilotage des PPG est confirmé et les SGAR sont identifiés comme
relais territoriaux. Le principe des feuilles de route des préfets a été reconduit dans le cadre du
CITP du 9 mai 2023, et de nouvelles feuilles de route sont ainsi prévues pour la période 2024-
2026. Elles couvrent cette fois-
ci l’ensemble des politiques prioritaires du gouvernement, et des
priorités complémentaires y sont adjointes, proposées par les préfets au regard des enjeux de
chaque territoire.
En revanche, les sujet
s ne font plus l’objet d’un temps dédié en conseil des ministres
dont la partie « D » est supprimée. La Première ministre a ainsi rappelé au printemps 2023 la
nécessité pour les administrations de
s’emparer de ces sujets et Matignon endosse désormais
un rôle de moteur dans la mise en œuvre des politiques prioritaires, qui dépasse son rôle
traditionnel d’arbitre ministériel. C’est dans cette nouvelle perspective qu’ont notamment été
transmises aux ministres des feuilles de route détaillant leurs objectifs pour les années à venir.
Le suivi des projets au niveau du secrétaire général de la présidence de la République et
du directeur de cabinet de la Première ministre est par ailleurs conservé. Ces réunions se
tiennent toutes les deux semaines et passent en revue les politiques prioritaires d’un ou deux
ministères, si bien que chaque portefeuille ministériel est examiné tous les trois mois environ.
Tableau n° 1 :
Suivi des priorités du gouvernement
Intitulé
Objets de la
vie
quotidienne
(OVQ)
Réformes
prioritaires du
gouvernement
Feuille de route
interministérielle
des préfets
Politiques
prioritaires du
gouvernement
(PPG)
Quantité
66
83
Dont 43 font
l’objet d’une
communication
via le
baromètre des
politiques
prioritaires
68
60
Mais 83 dans
Pilote
+ 150 «
chantiers des
PPG »
Nombre
d’indicateurs
254
83 au niveau
national,
78 aux niveaux
régional et
départemental
60
Le « complément indemnitaire annuel » CIA versé à chaque préfet correspond à un plafond multiplié
par le taux d’exécution des feuilles de route tel qu’il figure dans Pilote, validé par les secrétariats généraux des
ministères.
61
Circulaire du 19 septembre 2022
: les politiques prioritaires du gouvernement.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
37
Intitulé
Objets de la
vie
quotidienne
(OVQ)
Réformes
prioritaires du
gouvernement
Feuille de route
interministérielle
des préfets
Politiques
prioritaires du
gouvernement
(PPG)
Source
juridique
Circulaire du
3/10/19
Circulaire du
18/11/20
Circulaire du
19/04/21
Circulaire du
19/09/22
Source
chiffre
Journal des
OVQ (02)
Bilan des
réformes de
productivité de
l’action
publique
Circulaire du
19/04/21
Circulaire du
19/09/22 +
Pilote + site
Source : Circulaires du Premier ministre, direction du budget.
2.3.2
Une comitologie coûteuse en temps-homme
Les changements successifs ont pu entrainer des difficultés d’adaptation pour certaines
administrations et freiner l’appropriation de la
démarche par les ministères.
Le rythme soutenu des différentes instances de pilotage a généré un travail conséquent,
d’autant plus que pour répondre à l’exigence des réunions à haut niveau, la comitologie a été
déclinée aux niveaux intermédiaires (réunions interministérielles, échanges dans les ministères
et avec la DITP, «
delivery unit
62
» spécifiques dans certains ministères etc.). Les dispositifs
interministériels les plus importants ont donné lieu à une comitologie supplémentaire, avec des
comités de pilotage opérationnels trimestriels et à des comités stratégiques semestriels.
Par ailleurs, les formats communs imposés à tous ne correspondent pas toujours aux
spécificités de certains services et en particulier à leur calendrier (éducation nationale
notamment). Certaines mesures ont par exemple été examinées alors qu’aucun chiffre actualisé
n’était encore disponible
63
. Le formalisme, nécessaire pour ce type de processus, devrait mieux
prendre en compte les contraintes de collecte des données sur le terrain.
2.3.3
L’affaiblissement du rôle des secrétariats généraux
Une spécificité de la politique de modernisation sur la période 2017-2022 est la
construction d’un réseau, qui s’appuie principalement sur les nouveaux chefs de projet, dotés
d’un mandat et qui doivent rendre régulièrement compte de l’avancement des projets au regard
des indicateurs et des cibles qui ont été fixés. Lorsqu’un projet implique plusieurs ministères
de référence, la DITP travaille en étroite collaboration avec les différents directeurs de projet
concernés.
62
Équipe chargée de vérifier, souvent sous la direction des plus hautes autorités de l'État, la réalisation
d'un certain nombre d'objectifs politiques considérés comme prioritaires : une telle équipe a été mise en place au
ministère de la transition écologique.
63
Exemple du ministère de l’éducation nationale, la réunion de suivi ayant été programmée en septembre,
alors que les chiffres de la rentrée scolaire n’étaient pa
s encore disponibles.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
38
Les directeurs de projets doivent disposer des moyens nécessaires pour agir et d’un
niveau hiérarchique suffisant tout en restant opérationnel. En pratique, le positionnement des
directeurs de projets est variable selon les ministères.
En plus de ces directeurs de projets responsables des politiques prioritaires du
gouvernement (PPG), certains ministères ont désigné un « correspondant modernisation »
positionné au sein du secrétariat général avec une équipe dédiée. Mais le suivi des « objets de
la vie quotidienne
» puis des PPG ont détourné l’attention des pouvoirs publics des simples
objectifs d’économie de moyens. Ainsi, alors que dans les plans précédents, et notamment dans
le cadre de la RGPP, les secrétariats généraux des ministères étaient directement responsables
de l’avancée des mesures, ils ont désormais
davantage
un rôle de soutien, d’animation et de
coordination avec les directeurs de projets d’une part et avec les directions métiers d’autre part.
2.3.4
Des outils innovants pour me
ttre sous tension l’échelon local
, un contenu à
fiabiliser
L’originalité des plans de modernisation mis en œuvre depuis 2017 réside dans le
pilotage très étroit des mesures au plan local, pour s’assurer de leur exécution jusqu’au «
dernier
kilomètre
». L’objectif du gouvernement était ainsi d’inciter activement les ministères à se
préoccuper de la mise en œuvre de la mesure de bout en bout, au
-delà du travail de
communication et de publication des textes. Cette approche s’appuie sur des outils nouveaux
:
la
feuille de route des préfets, l’outil de suivi Pilote et une part de la rémunération des préfets
directement indexée sur l’atteinte des objectifs.
La circulaire sur la feuille de route a connu de nombreuses corrections qui en ont rendu
la compréhension plus difficile. Certains préfets, sans anticiper l
obligation de rendre ensuite
des comptes
sur l’atteinte des objectifs
, avaient ainsi retenu des PPG sur lesquelles ils
disposaient de leviers très faibles (taux de remplacement des enseignants, ou encore mise en
œuvre du service national universel, sécurité sanitaire dans les abattoirs...)
, certains sujets
relevant des compétences des collectivités territoriales. A ce titre, un récent rapport sur « la
capacité d’action des préfets
»la Cour a appelé à un recentrage des feuilles de route
interministérielles sur les réformes prioritaires dont la mise en œuvre relève des compétences
de l’Etat
64
.
La possibilité de choisir les PPG sur lesquelles porte l’évaluation pouvait même
favoriser des biais, en incitant implicitement à retirer les sujets les plus difficiles.
Une étape supplémentaire dans le dispositif de territorialisation de la mise en œuvre des
politiques publiques a consisté à indexer une part du régime indemnitaire des préfets, le
64
«
[…] le principe même d’assigner aux représentants de l’État des objectifs dans des domaines qui
relèvent des compétences des collectivités territoriales est contestable. Outre qu’il fait peu de cas de la répartition
des compétences entre État et collectivi
tés territoriales, il participe d’une tendance plus générale de l’État central
à réinvestir ses services déconcentrés dans les compétences décentralisées). »
-
in
La capacité d’action des
préfets (novembre 2023) -
prefets.pdf
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
39
complément indemnitair
e annuel (CIA), directement sur les résultats tels qu’ils figurent dans
Pilote (versement intervenu en mars 2023)
65
.
Les mécanismes de calcul ont été affinés au fil des différents CITP et des correctifs
apportés par rapport au résultat obtenu arithmétiquement.
Ce système n’a cependant pas remporté une complète adhésion de la part des
administrations et des ministères, en raison du manque de pertinence de certains objectifs et
indicateurs de l’outil Pilote.
Certains d’entre eux sont
, en effet, binaires et donc inopérants
66
. Il est par ailleurs parfois
complexe de compiler les données
au niveau local, d’autant plus que le maillage départemental
ne correspond pas toujours au zonage des politiques publiques : par exemple, le découpage des
académies rend parfois impossible le renseignement de chiffres fiables, le traitement des
données de l’Éducation nationale ne permettant pas de descendre à un niveau infra
-académique.
Plus généralement, l’extraction automatique peut donner lieu à des incohérence avec la
perception au niveau local
67
.
Le mode de calcul des taux d’avancement peut également
soulever des difficultés : les
taux sont mesurés à partir de l’écart entre la valeur constatée et une valeur cible définie en
2017
: l’actualisation de ces cibles est à la charge
des ministères mais dans de nombreux cas,
elles n’ont pas été révisées et n’ont pas été ajustées. Le taux d’avancement des indicateurs est
parfois le résultat d’une moyenne et ne permet donc pas de mesurer de façon précise l’atteinte
des objectifs. Ainsi, dans un département
, le regroupement du taux d’avancement du
déploiement de la téléphonie mobile avec celui de la fibre optique au sein d’une même politique
prioritaire
a brouillé l’interprétation qu’on
peut en faire : l
e taux d’avancement de 65% affiché
masque en effet
l’écart entre l
e très bon taux de déploiement de la téléphonie mobile, suite au
«
New Deal
Mobile », proche de 100%, et celui, plus faible,
de la fibre optique, qui s’établit à
20%.
Paroles de préfets : les pistes cyclables un indicateur peu pilotable
Plusieurs préfets de département font état de la difficulté à piloter l’indicateur relatif à
l’aménagement de pistes cyclables. Dans un département, alors que, selon la préfecture, la
politique publique du déploiement des aménagements cyclables a produit de bons résultats qui se
traduisent par l'accroissement du linéaire
de voies cyclables, le taux d'avancement de l’indicateur
affiché est insuffisant. Cela s’explique par sa définition au niveau national à partir du nombre de
cyclistes comptabilisés par une application vélo (Géoportail) n'ayant aucun lien avec les services
de l'État.
Une autre préfecture relève que la comptabilisation des véloroutes sur Géoportail, réalisée
directement par les utilisateurs, rend l'indicateur à la fois peu fiable et facilement manipulable.
Par ailleurs, le lien entre les résultats affichés dans Pilote et le niveau de prime obtenu
n’a pas été suffisamment explicité, tant pour les préfets que pour les administrations. Les préfets
65
Le CIA se calcule comme le produit d’un plafond par le taux d’exécution des objectifs des feuilles de
route de Pilote, et est ensuite validé par les secrétariats généraux des ministères.
66
À tit
re d’exemple, si le nombre de décès sur la route est trop élevé, la note est de 0, sinon, elle est de
100.
67
Les déclarations préalables ne sont par exemple pas comptabilisées dans le quantum d’autorisations
d’urbanisme relatives aux installations photovol
taïques.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
40
estiment ne pas avoir de retour clair sur l’exer
cice de notation, ni de visibilité sur les critères
exacts d’évaluation ou sur les appréciations portées par les secrétaires généraux des ministères,
dont le degré d’appropriation des indicateurs dans leur gestion semble assez variable
, compte
tenu de leur éloignement fonctionnel des réalités du terrain.
Malgré ces difficultés, et compte-tenu de la volonté du gouvernement de faire des
préfets les représentants de l’État au niveau local pour l’ensemble des politiques publiques
, ces
derniers seront désormais évalués sur toutes les PPG dans les feuilles de route 2024-2026. Cet
élargissement
du périmètre de l’évaluation comporte le risque
d
’affaiblir le
rôle structurant de
l’outil Pilote, le nombre d’objectifs
dépassant la capacité des préfets à les suivre. Dans une
région comportant quatre départements, cela revient à suivre 800 indicateurs relevant de 150
politiques prioritaires, dont 100 sont territorialisées. La perte de lisibilité du dispositif pourrait
donc nuire à son efficacité, dès lors que l
’analyse et
le suivi représentent une charge croissante.
Paroles de préfets : le reporting sur l’outil Pilote
« La coexistence d’outils parallèles de remontées du type RESANA /Osmose et l’absence
de convergence est parfois source d’erreur et de confusion. Là aussi, l
e poids des habitudes
ministérielles est encore un frein certain à l’uniformisation des outils de suivi qui semble pour
autant être indispensable à la lisibilité de l’action des services de l’État sur le territoire »
« L'appropriation de l'outil Pilote a été difficile. Il est parfois complexe d'identifier sur
Pilote le gestionnaire en charge des données complétées. »
« Le foisonnement et la multiplicité des outils rendent plus complexe le suivi des dossiers.
On assiste à leur développement en silo et ils s'ajoutent aux applications "métiers" déjà très
nombreuses. »
« La définition de ces indicateurs au niveau central peut servir de prétexte aux
administrations centrales pour freiner le processus de déconcentration. Ces indicateurs ne sauraient
en outre, pour évaluer son action de manière pertinente, couvrir la totalité du rôle du représentant
de l’État au quotidien dans le département. »
La Cour avait recommandé de revoir la définition des objectifs et des cibles des
indicateurs de l’outils Pilote
68
: ces dernières, au-
delà d’un outil de mise sous tension de
l’échelon territorial, constituent un instrument intéressant pour mesurer les résultats de la
transformation publique. La publication de la nouvelle feuille de route du gouvernement le 26
avril 2023 en
constituait l’occasion
d’opérer cette revue
. Consciente de ces critiques, la DITP
a prévu de repréciser les conditions d’attribution pour la prochaine campagne de prime. Une
réelle amélioration de l’outil Pilote, ainsi qu’une meilleure transparence et imp
lication des
parties prenantes semblent en effet nécessaire et urgente car il est prévu que cette méthode
d’évaluation soit prochainement étendue à l’ensemble des directeurs régionaux.
68
La direction interministérielle de la transformation publique
, Cour des comptes, 2023.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
41
Recommandation n° 4.
(direction interministérielle de la transformation publique) :
Revoir
la définition des objectifs, des cibles et des indicateurs dans l’outil Pilote.
2.3.5
La mise sous tension de l’administration devrait s’accompagner d’un
processus de conception des mesures plus participatif
Cette mise sous tension, via une comitologie extensive
et un suivi jugé lourd n’a pas
remporté de véritable adhésion de la part des services opérationnels.
Malgré de nombreuses itérations, la définition des mesures ne découle pas suffisamment
d’un travail interministériel, faute de transparence sur les critè
res de sélection. Ainsi en est-il
de la fixation des indicateurs et des cibles, qui ont été proposés par les chefs de projets, dont le
choix définitif s’est révélé souvent assez éloigné des propositions initiales, sans que les raisons
de ces modifications soient clairement explicitées. Enfin, les échanges avec la DITP ont pu être
perçus comme descendants.
Consciente de ces difficultés, la DITP a organisé des échanges plus interactifs lors la
définition des nouvelles PPG du second quinquennat.
Les modalités de définition des priorités et la concaténation des retours terrains restent
cependant très variables selon les ministères. Certaines administrations impliquent directement
leur réseau, avec par exemple une application dédiée « boîte à idées », telle la
DGFiP. D’autres
organisent des consultations de leurs cadres dirigeants des services centraux et déconcentrés
pour établir des propositions de modernisation, tel le ministère de la transition écologique qui
a consulté plus de 800 cadres. Pour d’autres admi
nistrations dans lesquelles la définition des
mesures de transformation est moins formalisée, la DITP peut intervenir et être force de
proposition.
Ces efforts doivent être poursuivis et doivent aboutir à la définition d’indicateurs et de
cibles réellement partagés
: l’appropriation par les ministères des enjeux de modernisation et
de productivité est en effet un facteur clé de réussite de la transformation de l’État.
Un exemple d’association du réseau
déconcentré à la modernisation : la DGFiP
Au sein de la DGFiP, si les propositions de simplification et de modernisation relèvent
principalement du niveau central, en particulier des bureaux métiers, elles ne sont cependant
envisagées qu’après avoir été expérimentées dans le réseau.
La mise à contribution du réseau des DDFiP et des DRFiP a été récemment renforcée par
la création de l'application « IDGFIP ». Elle permet de faire remonter à l'administration centrale
des mesures de simplification en proposant des thèmes de réflexion volontairement très larges afin
que les agents ne se limitent pas dans leurs suggestions. Les remontées issues de cette « boîte à
idées » sont ensuite examinées au niveau central par une nouvelle cellule prospective créée au sein
du service stratégie, pilotage, budget de la DGFiP, ainsi que par les bureaux métiers puis par le
comité de direction. Quatre cycles de consultation ont déjà eu lieu. Le dernier, qui s’est terminé le
17 mai 2023, portait sur la fiscalité professionnelle du recouvrement, la fonction comptable de
l'État et la mission risque et audit.
LA MO
DERNISATION DE L’ÉTA
T : DES METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
42
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La modernisation de l’État mise en œuvre depuis 2017 s’inscrit pour une bonne part
dans la continuité des plans précédents. Malgré une intention première de mener des revues de
missions, le périmètre
d’intervention de l’État ne s’est pas réduit, pas plus que n’ont été
réinterrogées les lignes de partage entre l’action publique et le secteur privé ou entre l’État et
les collectivités territoriales. En revanche, une attention croissante a été portée à la
déconcentration de l’action de l’État, essentiellement par l’attribution de marges de manœuvre
supplémentaires.
Les mesures traditionnellement invoquées par tous les plans de modernisation ont été
déployées avec constance. Les ministères ont également continué à mener leurs projets de
réformes suivant leur propre dynamique interne, comme l’illustre l’
action des ministères
économiques et financiers. Il apparait toutefois que le succès des projets les plus ambitieux
nécessite un pilotage interministériel à haut niveau.
Le changement de paradigme est réel. Parmi les outils mobilisés pour accélérer la
modernisation de l’action publique, le numérique occupe une place centrale.
De nombreux
autres chantiers sont menés : amélioration de la communication entre les différents systèmes
d’information pour faciliter la vie des usagers et surmonter l’émiettement des administrations,
open data pour mieux partager les données, start-
up d’État pour apporter rapidement des
solution
s innovantes, cloud d’État pour sécuriser le stockage des données, recours croissant à
l’intelligence artificielle etc. Cette dynamique se heurte toutefois à l’obsolescence d’un certain
nombre de logiciels métiers, à la nécessité de consolider la culture numérique des agents et à
des difficultés de recrutement sur les fonctions informatiques.
Pour financer la modernisation, des moyens spécifiques ont été mobilisés, via la
création de fonds dédiés créant un effet de levier sur les crédits budgétaires de droit commun.
La méthode de l’appel à projet
s permet
aussi de favoriser la recherche d’un
retour sur
investissement. Elle tend cependant à favoriser les administrations les mieux outillées pour
engager ce type de démarche.
La DITP a concentré une partie de so
n action sur la prise en compte de l’usager. Elle
a ainsi déployé des instruments pour mesurer leur satisfaction et assurer la transparence des
résultats. Elle a veillé à rationaliser l’approche qualité en encourageant le déploiement du
programme Service p
ublic +. L’accessibilité physique des services, complément
nécessaire de
la numérisation des démarches, a pu être préservée grâce au déploiement de France Services.
La véritable innovation en matière de modernisation concerne cependant la manière de
piloter les politiques publiques, «
jusqu’au dernier kilomètre
».
La mise en œuvre effective
des
mesures sur le terrain, au plus près de leurs bénéficiaires,
fait ainsi l’objet d’une attention toute
particulière et les « feuilles de routes », qui reprennent les priorités fixées par le gouvernement,
sont déclinées au niveau territorial pour les préfets. La rémunération de ces derniers est
désormais en partie dépendante de l’atteinte des objectifs qui est mesurée localement.
Ce
pilotage par les résultats mobilise l
’administration déconcentrée et justifierait qu’une attention
plus grande soit apportée
aux indicateurs et aux cibles et que l’élaboration des actions à mener
soit mieux partagée avec les services concernés.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
43
3
DEFINIR UNE POLITIQUE DE MODERNISATION PLUS
AMBITIEUSE ET MIEUX ARTICULEE AVEC LA POLITIQUE
BUDGETAIRE
La modernisation de l’État mise en œuvre depuis 2017 se poursuit dans un contexte qui
a évolué. La Cour identifie quatre leviers susceptibles d’être mobilisés pour améliorer la
transformation de l’ac
tion publique et accroître la performance des administrations. Chaque
ministère devrait être impliqué dans de grands projets de transformation pour lesquels serait
déployé un mécanisme de contractualisation(I). À côté de ces grands projets, des gains
d’efficience devraient être systématiquement recherchés par l’ensemble des services et
opérateurs de l’État au travers d’
un processus continu de modernisation (II). Compte tenu des
enjeux de soutenabilité financière pour l’État, la transformation de l’action pu
blique doit
désormais être étroitement articulée avec les enjeux de maîtrise budgétaire (III).
3.1
Impliquer davantage les ministères dans des projets de
transformation
3.1.1
Encourager les projets ministériels de modernisation par une
contractualisation de leurs objectifs et de leurs moyens
Il y a désormais un consensus, au sein des pays de l’OCDE, sur la nécessité d’une
gouvernance stable dans le temps et de moyens spécifiques, humains et financiers, pour mener
à bien les projets de transformation. En France, la création du Fonds de transformation de
l’action publique
répond à cette logique. Capable de porter les coûts des investissements (SI,
immobiliers) nécessaires à la réalisation de grands projets
69
, ce fonds a été prolongé pour
maintenir la continuité des projets pluriannuels en cours. En élargissant la portée des
Programmes d’investissement d’avenir (PIA), le lancement du plan d’investissement France
2030 constitue aussi
une nouvelle étape de la stratégie d’investissement publ
ique, marquant le
retour de l’État comme acteur de premier plan des grandes transitions, notamment énergétiques,
écologiques et technologiques.
Un autre instrument mobilisé sur la période 2017-2022, pour renforcer la visibilité des
moyens disponibles et cl
arifier les engagements, est celui des contrats d’objectifs et de moyens
dont ont bénéficié
certaines directions d’administration centrale
70
. De leur point de vue, le bilan
est plutôt positif
: la conclusion d’un COM
a permis de définir les projets de transformation à
69
Le FTAP finance actuellement des projets
d’ampleur
très variable :
- De petits projets, dont le coût est réduit et pour lesquels le retour sur investissement
n’est pas
toujours
significatif : prévention des impayés locatifs (
2M€
)
, indicateurs d’insertion des apprentis et lycéens (1,4M€)
- De
grands projets d’investissement,
plus coûteux avec un retour sur investissement potentiellement
important
: contrôles automatisés visant à diminuer la circulation de véhicules polluants (18M€) ; Portail Parents
(6,5M€), facturation électronique
(11
M€)
etc.
70
Direction générale des Finances publiques et Institution national de la statistique et des études
économiques
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
44
réaliser pendant une période donnée et les sommes
nécessaires pour leur mise en œuvre
. Du
point de vue des décideurs budgétaires, le COM permet aussi d’éviter, pendant la période
couverte, des demandes supplémentaires de moyens. Les contreparties inscrites dans certains
COM avaient en général été bien identifiées
71
,
afin de limiter l’utilisation des COM comme
outil de « sanctuarisation budgétaire ».
La contractualisation apparaît ainsi comme un instrument intéressant pour donner un
cadre programmatique et financier à la transformation publique : elle donne en effet
l’opportunité aux deux parties signataires du contrat de réfléchir aux engagements et aux
moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.
L’outil de la contractualisation est déjà mobilisé
pour le suivi des grands projets
sélectionnés par appel à projet dans le cadre du FTAP, qui sont séquencés en jalons et dont la
mise en œuvre et le financement peuvent être stoppés par le comité d’investissement du FTAP
en fonction des résultats obtenus.
Afin d’embarquer l’ensemble des ministères dans une dynamique de transformation et
les inciter à mener des chantiers de modernisation structurants, des projets ministériels de
transformation qui ne sont pas financés par le
FTAP pourraient faire l’objet de contrats
spécifiques « de transformation », limités au financement de ces projets, sans pour autant
étendre le champ de cette contractualisation
à l’intégralité d
u périmètre de la direction ou du
ministère concernés.
3.1.2
Se donner les moyens de respecter cette contractualisation
L
’efficacité de la contractualisation se heurte souvent à trois difficultés
: définir des
critères de retour sur investissement partagés entre les parties, suivre le respect des jalons fixés
et moduler les moyens en cas de non-atteinte des objectifs.
La première étape, définir des cibles de retour sur investissement, est particulièrement
délicate car la méthode à employer varie selon la nature et le contenu des projets.
En effet, l’exigence de retour sur investissement ne trouve pas à s’appliquer sur
l’intégralité des projets et, dans le domaine de l’action publique, n’est pas uniquement
financière. Les externalités socio-économiques doivent être prises en compte, même si elles ne
sont pas toujours chif
frables. À titre d’exemple, le retour sur investissement du déploiement de
la plate-forme «
jeveuxaider.gouv.fr
» n’est pas directement mesurable en termes financiers
: il
permet à des citoyens bénévoles de s’inscrire pour proposer leur concours à des miss
ions
d’intérêt général et doit permettre de renforcer la solidarité et la cohésion nationale.
Par ailleurs, l
’application d’un
retour sur investissement court et commun à tous les
projets peut se révéler peu adaptée à certains grands projets numériques dont les économies
71
Les contreparties attendues de la part de la DGFiP concernaient essentiellement le développement du
contrôle interne budgétaire, sa formalis
ation, l’amélioration de l’accès du contrôleur budgétaire à des informations
financières de synthèse, ainsi que des avancées pour l’efficacité globale de la chaîne financière de l’État dans le
domaine de la comptabilité analytique. Dans le COM de l’Insee, étaient prévus l’établissement de la cartographie
des risques et d’un plan de contrôle interne, ainsi que l’engagement de l’institut à augmenter de 20
% ses ressources
propres.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES MET
HODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
45
potentielles s’inscrivent dans la durée
: c’est le cas de la facturation électronique de TVA avec
pré-remplissage de la déclaration qui devrait permettre à terme de réduire considérablement la
fraude fiscale à la TVA, mais également de dégager dans les entreprises des gains de temps et
donc de productivité.
Il est donc important de définir de manière partagée entre les parties prenantes des cibles
de ROI claires, non exclusivement financières, tout
en s’efforçant de chiffrer celles qui peuve
nt
l’être.
Une fois ces cibles de ROI fixées et partagées, un suivi robuste des projets de transformation
doit être
mis en œuvre
. Il fait appel à des compétences variées : en organisation, dans le domaine
numérique mais aussi dans le domaine financier et en contrôle de gestion. En effet, pour que la
contractualisation soit pleinement opérationnelle, il convient de définir un cadre permettant de
moduler les financements en cas de non-respect des objectifs. Pour faciliter cette modulation,
l’instance chargée
de décider ou non de la poursuite des projets de transformation, faisant
l’objet d’une contractualisation avec les ministères, devrait associer
la DITP, la DINUM, mais
aussi la DB. Cette dernière dispose en effet de capacités de pilotage des économies et des
dépenses et
peut s’appuyer sur
le réseau des équipes de contrôle de gestion dans les ministères.
Cette gouvernance forte permettrait aussi de moduler les moyens accordés en fonction
des résultats obtenus. Dans le cadre des grands projets de transformation financés par le FTAP,
les ressources
proviennent d’une enveloppe «
externe
» et non des crédits propres d’un
programme budgétaire ministériel : il est donc plus facile de stopper les financements si le
projet ne progresse pas. Le nouveau cahier des charges du FTAP, publié début février 2023,
intègre d’ailleurs des évolutions en ce sens
: une attention accrue portée à l’impact des projets,
une prise en compte plus stricte en ce qui concerne les indicateurs de résultats.
Pour les projets de modernisation ministériels non financés par le FTAP, une réflexion
devrait être engagée pour s’assurer de l’effectivité de la modulation des moyens en foncti
on de
l’atteinte des objectifs.
Un éventuel système incitatif de « partage des gains » permettant à
l’administration qui se modernise de conserver un «
bonus », pourrait par ailleurs être établi.
Cette organisation permettrait également d’éviter tout effet d’aubaine, pour des projets qui
auraient été menés de toute façon, ou bien consistant à profiter de ressources spécifiques
pendant un temps, sans garantir les avancées du projet et donc la réalisation effective des
économies prévues.
En tout état de cause, la contractualisation plus systématique des projets ministériels de
modernisation permettrait d’impliquer davantage l’ensemble des ministères dans la dynamique
de transformation. Des objectifs de retour sur investissement devraient définis et partagés entre
les parties prenantes. Une gouvernance forte devrait faciliter la modulation des financements
en cas de non atteinte des objectifs ainsi définis.
Recommandation n° 5.
(direction du budget, direction interministérielle de la
transformation publique) : Pour les projets ministériels de modernisation, contractualiser
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
46
les objectifs de retour sur investissement et moduler les moyens en cas de non atteinte de
ces objectifs
3.2
Rechercher l’efficience par une modernisation
menée en continu
3.2.1
Continuer à déployer
des méthodes innovantes dans l’ensemble des
administrations publiques
Pour promouvoir une dynamique de transformation, le gouvernement a pris
l’engagement, dès le 2
e
CITP d’octobre 2018, de rendre les organisations publiques plus agiles
et moins hiérarchiques. La DITP, en charge de cette mesure, a développé des outils novateurs,
mis à disposition des administrations.
Le
lean management
est un système d’organisation du travail qui vise à identifier et
résoudre les pertes de temps, les redondances, les étapes superflues, les surcharges de travail.
Cette méthode favorise également le développement d’une gestion participative de la
performance, qui vise à redonner du sens aux tâches réalisées par les agents, à les aider à mieux
comprendre la raison de leurs a
ctions et à optimiser l’utilisation de leur temps. À titre
d’exemple, cette méthode a trouvé à s’appliquer
dans les rectorats de Versailles, Lille et Metz-
Nancy dans le cadre un vaste plan de modernisation managérial, pour refondre, avec
l’appui de
la DITP, certains processus défaillants (« mouvement des professeurs du 2
nd
degré »,
« recrutement des personnels administratifs » etc.
)
. Les consultants ont accompagné les
gestionnaires dans la réalisation de leurs tâches quotidiennes afin d’identifier
avec eux les actes
superflus et de réinterroger le sens de leurs missions.
La DITP fédère par ailleurs une communauté de «
laboratoires d’innovation publique
»,
présents au sein des ministères, des préfectures, des régions, de métropoles, de certains
opérateurs ou
encore d’hôpitaux et qui ont pour mission de faciliter l’expérimentation
in situ
de solutions innovantes.
Les avis sur ces laboratoires sont plutôt positifs
: ils permettent d’aborder les relations
avec les collaborateurs en dehors des procédures classiques et des sommes croissantes ont été
allouées à ces actions, ce qui a permis de dégager de réelles marges de manœuvre. Dans le
domaine du numérique, le laboratoire d’intelligence artificielle «
Lab IA
72
» soutient des projets
visant à développer l’utilisation de l’intelligence artificielle et les data
-
sciences au sein de l’État.
Les projets sont menés en partenariat avec des laboratoires de recherche et le Lab IA a créé des
ressources mutualisées
73
.
De son côté, la DINUM recourt à des méthodes utilisées dans le secteur privé, en
constituant des « équipes produits » ou via le développement des «
Startups d’État
». Elle
72
Le Lab IA a depuis été remplacé dans la nouvelle organisation de la DINUM par le Datalab, au sein
d’Etatlab.
73
Un guide pour anonymiser les documents administratifs, un jeu de données et un algorithme de
questions-
réponses automatique, un guide méthodologique pour mener une campagne d’annotation, un outil
d’extraction d’information
dans des documents non structurés.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
47
prévoit dans sa nouvelle feuille de route publiée en mars 2023, de renforcer encore le recours
aux méthodes agiles au sein de l’État en internalisant cette compétence par le recrutement d’une
dizaine de formateurs-
conseils d’ici 2024 pour accompagner les DSI.
Ces méthodes innovantes sont ensuite diffusées au sein de l’administration
: le
BercyLab, créé en 2017 et dédié à la collaboration et à l’
innovation a par exemple inspiré le
Lab Transfo de la DITP. C’est notamment le BercyLab qui a développé le droit à l’erreur
74
et
d’autres méthodes innovantes, qui sont présentées dans le cadre de manifestations
ad hoc
«
BercyINNOV ».
3.2.2
Rechercher en permanence les gains de productivité issus des processus de
modernisation
Plusieurs pays pratiquent une démarche axée sur la recherche de gains de productivité,
consistant à réaliser des « coupes automatiques de productivité » (
Automatic productivity cuts
,
APC). Il
s’agit
de réduire très légèrement mais en permanence les dépenses de fonctionnement,
en fonction d’une estimation des gains de productivité apportés par une «
réforme en continu »,
poursuivie sur le long terme. Les cibles annuelles de réduction retenues par les différents pays
sont limitées, de 0,5 % à 1,0 %, et constituent une démarche structurelle : elles sont mises en
pratique et documentées ministère par ministère et un système de bonus existe par ailleurs pour
inciter les administrations à dépasser leurs objectifs.
Sans dupliquer
in extenso
ce modèle spécifique, l’automatisation des processus de
modernisation est un
modus operandi
intéressant dont la France pourrait s’inspirer dans la
mesure où il s’inscrit dans une action continue de transformation directement liée à un objectif
de maitrise des dépenses de fonctionnement. Il est d’ailleurs déjà partiellement mis en œuvre
dans l’Ét
at et les organismes de sécurité sociale
via
les efforts permanents réalisés sur les
dépenses de fonctionnement et
via
la sous-
indexation par rapport à l’inflation, dont les effets
sont de plus en plus marqués.
Les projets de modernisation numérique constituent souvent une opportunité pour,
moyennant des non remplacements de départs à la retraite ou des mobilités professionnelles
d’agents, parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses de fonctionnement, sans pour autant
relever directement des plans de modernisation.
Pour parvenir à déployer plus largement cette approche, un pilotage des cibles par la DB
semble nécessaire, toute liberté étant laissée aux administrations pour mettre en œuvre les
réformes permettant de réaliser ces gains de productivité. La DITP continuerait à faire offre de
service comme elle le fait actuellement et les financements des éventuels investissements
nécessaires pourraient être financés sur une enveloppe
ad hoc
, permettant à la DITP de stopper
les versements lorsque le projet es
t en échec. Il serait notamment nécessaire de s’assurer que
les ministères ne procèdent pas à des coupes qui ne relèvent pas d’une réflexion approfondie
sur les processus. À titre d’exemple, il pourrait être demandé aux ministères d’améliorer leurs
processus sur le périmètre achats en travaillant sur les leviers de consommation, au-delà de la
simple négociation des prix avec leurs fournisseurs.
74
Droit pour un usager de bonne foi de se mettre en conformité avec ses obligations juridiques sans faire
l’objet d’une sanction pécuniaire lorsqu’il a commis une erreur ou une omission.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
48
La téléphonie mobile, une bonne pratique qui gagnerait à être diffusée
Le développement du télétravail conduit la
direction des achats de l’État à repenser certains
modèles d’usage. Elle a abandonné ses équipements de téléphonie fixe, dont le coût complet est
bien supérieur à celui de la téléphonie mobile. Cette bonne pratique gagnerait à être diffusée au
sein de l’en
semble des ministères.
Cet exemple illustre la manière dont un changement de pratiques professionnelles (le
télétravail, la mobilité), accompagné d’une évolution du modèle d’usage des moyens mis à
disposition de l’administration, peut générer des économie
s budgétaires. Il ouvre un champ de
réflexion sur l’articulation possible entre les leviers de transformation managériale (la réflexion
sur les conséquences du « tout mobile » peut servir d’impulsion à une action plus profonde sur
l’organisation des services) et l’optimisation des ressources.
3.2.3
La transparence des résultats et la participation citoyenne comme leviers de
transformation
La France n’est pas en retard dans la participation citoyenne à la transformation de
l’action publique.
La création, dès juillet 2020, d’un baromètre des résultats de l’action publique pour
concrétiser l’engagement de transparence des résultats des politiques prioritaires est ainsi
considéré comme faisant partie des meilleures pratiques à l’échelle internati
onale.
Les effets de ce baromètre ont été jugés ambivalents par certains ministères, avec des
réticences parfois à y rajouter des indicateurs, par crainte de mauvais résultats. Le dispositif a
pu ainsi exercer
un effet inhibant sur l’action publique et mo
biliser des ressources humaines
importantes, pour expliquer les résultats constatés. Malgré ces critiques, son rôle a été moteur
dans la communication du gouvernement sur l’avancée des plans de transformation.
La France participe par ailleurs activement depuis 2014 au Partenariat pour un
gouvernement ouvert (PGO), structure internationale qui regroupe 78 pays et des milliers
d’organisations de la société civile
. Ce partenariat
repose sur l’idée qu’un gouvernement
ouvert
75
améliore les relations entre les citoyens et leur gouvernement et
s’appuie
sur trois
principes
: la transparence, l’ouverture et la participation.
Suite au sommet des
leaders
du PGO
de septembre 2020, la France a élabor
é début 2021 un troisième plan d’action avec la société
civile et les citoyens. À cette occasion, un «
accélérateur d’initiative citoyenne
» a été lancé en
2021 par le Président de la République, pour accompagner pendant trois mois en 2022 neuf
projets citoyens
76
(sur 187 déposés
) au service de l’intérêt général. Il n’existe pas
à ce jour
d’évaluation permettant de conclure sur l
a pertinence
de ce dispositif, ni sur l’articulation des
programmes accompagnés avec les actions publiques déjà mises en œuvre par ailleurs.
75
Il s’agit d’une doctrine de gouvernance qui vise à améliorer l’efficacité et la responsabilité des
gouvernements, en favorisant la transparence vis-à-vis des citoyens et leur donner les moyens nécessaires pour
contrôler les décisions gouvernementales.
76
Parmi les 9 projets retenus : InfoClimat, association bénévole dont la gouvernance a été consolidée et
qui met à disposition de façon pédagogique des données météorologiques et climatiques ; Parlons démocratie :
association qui cherche à transmettre des connaissances sur le fonctionnement des institutions publiques en faisant
venir des acteurs publics dans les collèges, lycées etc…
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
49
Il n’en reste pas moins que l’association des parties prenante
s et des citoyens dans le
processus de transformation est une méthode pertinente pour accélérer la mise en œuvre de la
transformation publique. Elle facilite l’appropriation par la société civile de ces enjeux, permet
aux différents acteurs de s’en saisir et responsabilise les services administratifs sur l’image
qu’ils renvoient aux citoyens.
Trois pistes pourraient donc être explorées pour faciliter la « modernisation en
continu
», y compris dans les autres administrations publiques que l’État.
Tout d’abo
rd, comme le suggère la Cour dans le rapport 2023 sur la situation et les
perspectives des finances publiques, il serait souhaitable de « rendre publique en masse la quasi-
totalité des données non nominatives produites par l’administration, y compris budgé
taires »,
avec un effort particulier à mener sur la territorialisation de ces données
77
. Cette méthode
pourrait permettre aux différents acteurs d’étayer leur propre analyse des effets de la dépense
publique et de communiquer sur ces analyses, mettant mécaniquement sous tension les
administrations publiques dans leur démarche de performance.
Une réflexion élargie devrait également être menée sur la publication d’indicateurs
pertinents, permettant d’apprécier l’efficience et la qualité du service public et de
comparer
entre différents territoires l’action menée localement. Comme précédemment mentionné dans
le présent rapport, il s’agit là d’une initiative déjà mise en œuvre par la DITP qui accorde une
grande importance à la publication des résultats des tableaux de suivi des PPG, permettant aux
usagers de pointer du doigt les écarts de performance entre départements. Cette démarche, qui
ne permet pas cependant aux usagers d’identifier précisément l’acteur responsable d’une sous
-
performance
78
, devrait être poursu
ivie voire renforcée. L’administration pourrait par exemple
s’emparer davantage des enjeux de comparaison des coûts entre collectivités, en s’appuyant
notamment sur les travaux des juridictions financières. Dans d’autres pays, pour assurer
l’encadrement de
la dépense, tout en respectant la libre administration des collectivités
territoriales, des outils ont été mis en place pour évaluer et comparer entre eux les résultats de
l’action des différentes collectivités locales (
au Royaume-Uni «
best value performance
indicators
» et en Italie «
fabbisogni standard
»),
Enfin, des réflexions pourraient être engagées pour développer davantage les outils de
concertation préalable, voire de participation directe, notamment au niveau local. La montée en
puissance des budgets participatifs dans de nombreuses communes est une première réponse à
ce besoin, quoique limitée au regard des montants en jeu encore peu significatifs. Il convient
de souligner que ces consultations portent généralement sur des dépenses publiques
su
pplémentaires et non sur des pistes d’économies, de rationalisation et de meilleure
performance de l’action publique dans leur territoire.
77
L’application Chorus partagée par l’ensemble des acteurs financiers de la comptabilité publique des
ministères ne permet pas à ce jour de fournir des restitutions simples, selon une maille géographique fine, de
l’ensemble des données financières.
78
L’outil mettra en évidence du retard dans la réduction des délais de traitement des dossiers dans les
Maisons départementales pour les personnes handicapées, sans préciser si ce retard vient du département, de la
Caisse Nationale de solidarité pour l’autonomie ou encore de l’agence régionale de santé ou des services de
préfecture.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
50
3.3
Mieux articuler la modernisation avec la maîtrise budgétaire
La succession des crises sanitaire et énergétique et la difficulté à sortir du «
quoi qu’il
en coûte » ont brouillé la lisibilité des trajectoires budgétaires et dilué le lien, non exclusif mais
réel, entre modernisation et efficience et maîtrise de la dépense publique.
Le nouveau contexte budgétaire marqué pa
r l’accroissement rapide de la dette publique
et l’explosion potentielle de ses charges d’intérêt,
appelle une meilleure coordination des
acteurs
pour mener à bien les actions de modernisation de l’action publique et leur reconnexion
avec la procédure budgétaire.
Au sein de l’État, l’organisation et le travail des administrations financières
,
d’une part
,
et des acteurs responsables de la transformation,
d’autre part
, sont encore parfois très
cloisonnés, ce qui limite l’effet d’entraînement auprès des autres
administrations publiques. Le
rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques publié par la Cour en juin
2023 a d’ailleurs dressé un bilan mitigé des leviers mobilisés depuis la crise financière pour
impliquer les autres administration
s publiques que l’État dans la maîtrise de la dépense
79
.
Conséquence de ce travail en silo, plusieurs indicateurs font état d’une dégradation
globale de la satisfaction des français à l’égard des services publics. Dans une enquête menée
en 2021 par l’OCDE,
seules 41,4 % des personnes interrogées déclarent ainsi faire confiance à
leur administration
80
. En France, ce ratio est inférieur à 30 %.
Exemple de projet ayant pâti d’un travail cloisonné des administrations
Certains projets, comme le Plan Achat, ont
directement pâti d’un dialogue insuffisamment
nourri et d’un pilotage dispersé. Initié par le Premier ministre en 2020 et devant être piloté par la
direction des achats de l’État (DAE), ce plan vise à améliorer les pratiques en matière d’achat et à
renforc
er les mutualisations, y compris avec les établissements publics de l’État
81
. Alors que ce
plan présentait un potentiel important de transformation, la DITP s’est positionnée en retrait, dès
sa conception et tout au long de sa mise en œuvre, peu convaincue
par certains de ses aspects. La
direction du budget
visait initialement une économie budgétaire de l’ordre d’1
Md€, dont 70
%
devaient être intégrés directement à la budgétisation du PLF 2022, les 30 % restant devant
bénéficier aux ministères. Les ministères se sont montrés très réticents face à cette méthode, de
même que les opérateurs dont certains, les universités notamment, ont préféré ne pas prendre part
à la démarche, si bien que le quantum d’économies réalisées effectivement s’est avéré
in fine
largement inférieur aux attentes
82
. Le principe controversé d’intégration anticipée des économies
79
Il fait notamment état de l’absence de gouvernance ou de dispositif spécifique pour faire participer les
collectivités locales à la réduction de la dépense et souligne que peu
d’opérateurs à ce jour sont responsabilisés via
des contrats d’objectifs et de moyens.
80
« Instaurer la confiance pour renforcer la démocratie »
: principales conclusions de l’enquête 2021 de
l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques. L’enquête montre que les niveaux de
confiance sont les plus bas pour les groupes défavorisés (peu instruits, revenus faibles), pour les femmes, les jeunes
et les plus âgés, ainsi que pour les citoyens n’ayant pas voté lors des élections nation
ales.
81
Le Plan Achat permet par exemple de développer le recours aux abonnements numériques plutôt que
papier, la mutualisation de l’envoi des courriers via le centre d’éditique de la DGFiP, ou encore l’achat mutualisé
de denrées alimentaires pour les ministères.
82
Sur la première vague de familles d’achat traitées, le prestataire avait proposé des économies de 443
millions d'euros, la DAE en avait retenu 307 millions et les ministères n’envisageaient que 35 à 50 millions d'euros
d’économies possible.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
51
dans les budgets des ministères a été abandonné. La DAE étant positionné au sein du ministère des
finances, le plan, peu soutenu par les directions interministériel
les, continue d’être perçu par les
ministères comme un instrument dédié uniquement à la réalisation d’économies budgétaires.
3.3.1
Associer objectifs budgétaires et objectifs de modernisation dans les revues de
dépenses
Pour articuler les exigences de maîtrise des finances publiques et les objectifs de
modernisation de l’administration, certains pays étrangers utilisent les exercices de «
revues de
dépenses ». Ces revues de dépenses peuvent être étroitement imbriquées avec le cadre
budgétaire mais intègrent auss
i souvent des objectifs de modernisation. Il s’agit de documenter
des pistes d’économies en réfléchissant sur les paramètres des dispositifs (par exemple abaisser
ou relever un seuil de revenus au-dessous duquel une aide financière est versée) et sur leurs
modalités de gestion (outils de gestion et organisation du versement de l’aide).
Avec le lancement de la revue de dépenses publiques en janvier 2023, la France se
rapproche de ces modèles étrangers : la revue a vocation à être reconduite chaque année au sein
de tous les ministères. Elle a pour objectif de mieux maîtriser les dépenses publiques, à partir
de propositions alimentées par des travaux remis par les inspections ministérielles. Le processus
a vocation à être articulé avec la procédure budgétaire : les résultats des audits ont été rendus
disponibles au printemps, pour être discutés avec les ministères au moment des conférences
budgétaires
et intégrées au processus d’arbitrage. En revanche, principalement axée sur la
recherche d’une meilleure efficience de la dépense publique, elle n’a pas intégré d’objectifs en
matière de moderni
sation de l’action publique. Certaines
mesures retenues avaient déjà été
identifiées de longue date (recentrage du prêt à taux zéro par exemple) et la revue de 2023 s’est
principalement concentrée sur des domaines caractérisés par une forte dynamique de dépenses.
Il serait souhaitable que cette première revue soit suivie
à l’avenir
par des revues plus
ambitieuses, intégrant des mesures de transformation plus structurantes.
Revues de dépenses : comparaisons internationales et bonnes pratiques
Intégration des revues de dépenses dans le cadre budgétaire
Les revues de dépenses
menées à l’étranger sont souvent
étroitement imbriquées avec le cadre
budgétaire, comme au Canada, au Danemark ou en Allemagne, pays dans lequel ces revues de
dépenses font partie intégrante du processus de préparation du budget fédéral
83
.
Lorsque le processus n’est pas directement intégré au processus budgétaire, il peut être mené par
une instance indépendante, qui intègre des objectifs d’efficience dans ses travaux et les documente
en profondeur. Ainsi, aux Pays-Bas, les revues de dépenses sont conduites annuellement par le
83
C
haque cycle budgétaire annuel s’accompagne
d’un examen des dépenses d’une politique en
particulier, comme la passation des marchés en biens (2017-2018) ; la gestion des créances (2018 ; 2019) ; la
formation continue et la création d’entreprises (2019
-2020) ; les budgets de personnel (2020-2021) ; ou encore les
liens entre objectifs budgétaires et objectifs de durabilité (2021-2022).
LA MODERNISATION DE
L’É
TAT : DES METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
52
«
Bureau d’analyse stratégique
» qui identifie différentes options politiques bien documentées et
chiffre les programmes pour vérifier leur cohérence avec la trajectoire budgétaire.
En Espagne, l’examen des dépenses est
réalisé par une autorité budgétaire indépendante,
l’Autoridad Independiente de Responsabilidad Fiscal
(AIReF, équivalent du Haut Conseil des
Finances Publiques français) et les ministères doivent présenter dans un rapport le détail des
réformes adoptées su
ite aux recommandations qu’elle a formulées, ou justifier des éventuels
désaccords
Un périmètre annuel circonscrit et assorti d’objectifs chiffrés et vérifiables
Les Pays-Bas, ainsi que la Pologne opèrent des revues limitées à 20 % maximum des dépenses
publiques. Les thèmes retenus chaque année en Allemagne, en Suède
84
ou au Danemark
85
sont très
précis. Au Royaume-Uni, même si les sujets retenus récemment étaient larges (par exemple
réponses à la Covid en 2020), le gouvernement a établi un certain nombre de priorités politiques
pour chaque revue. En Australie, la dernière revue de dépenses englobait la majorité des
portefeuilles et des ministères
mais elle s’
est étendue sur trois ans (2014-2017) : depuis, toutes les
propositions de dépenses nouvelles sont é
valuées lors de chaque budget par l’intermédiaire d’un
comité d’examen des dépenses qui se charge d’apprécier l’efficacité des dépenses proposées et
leur alignement sur les domaines prioritaires.
Circonscrire le champ de la revue de dépenses permet ensuite de définir des objectifs précis en
termes de rendement
.
Au Canada, en Allemagne, en Italie et, encore plus systématiquement, en
Suède, au Danemark et en Australie, le rendement visé est essentiellement financier, avec des
cibles d’économies budgétaires
. Au Royaume-Uni, la démarche intègre les enjeux de
transformation et
tout projet de réforme ne comportant pas d’objectifs vérifiables et mesurables
doit être abandonné. Le pays a poussé très loin
l’approche «
value for money
» promue par
l’OCDE
, consistant à rechercher le meilleur rapport qualité-prix des services publics par la fixation
d’objectifs vérifiables et mesurables avant la mise en place des dispositifs
.
Une méthodologie d’audit claire et publiée
Au Royaume-
Uni par exemple, un cadre d’évaluation des
dépenses publiques a été mis en place
en 2017 : le
Public Value Framework
. Son objectif est de « maximiser la valeur des dépenses
publiques et d'améliorer les résultats pour les citoyens »
86
. Les principaux critères qui contribuent
à la valeur publique sont regroupés en quatre piliers (objectifs généraux, gestion financière,
association des usagers à la démarche et viabilité à long terme du système) qui structurent le cadre.
La définition, dans les revues de dépenses, de mesures ambitieuses associant à la fois
objectifs de modernisation et objectifs budgétaires, ne peut se faire sans un cadre de pilotage
davantage structuré.
Or à ce jour, la direction du budget n’est pas chargée explicitement d’un rôle de suivi
de ces revues. Elle ne dispose pas à de moyens humains
dédiés permettant d’assurer une
animation suffisante du processus. La justification des mesures issues des revues de dépenses
s’appuie principalement sur l’expertise des inspections et, ponctuellement, de prestataires
privés ou universitaires su
r certains sujets spécifiques. Mais l’absence de formalisation de
84
Soutien aux entreprises, frais de déplacement…
85
Transferts de revenus, police et office des poursuites, défense danoise…
86
The Public Value Framework: with supplementary guidance
, HM Treasury, 2019 [traduction des
auteurs]
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
53
l’animation des revues pénalise l’appropriation de certaines conclusions par les administrations.
De surcroît, l
es travaux d’évaluation menés par les directions du ministère des finances
,
notamment ceux de la direction générale du Trésor, ne sont pas explicitement articulés ni avec
les revues de dépenses, ni avec les travaux de programmation de la direction du budget, ni avec
les chantiers identifiés par la DITP. Dès lors, les arbitrages politiques rendus dans le cadre de
la procédure budgétair
e mériteraient d’être davantage
éclairés par des études précises et
intégrant les enjeux de modernisation,.
.
Certains pays pourtant, ont entamé des démarches pour répondre à ces enjeux. Ainsi, au
Royaume-
Uni a été créé l’
Evaluation Task Force
à la suite de la revue de dépenses de 2020,
afin de renforcer la culture de l’évaluation. Il s’agit d’un service
d’une quinzaine de personnes,
commun au
Cabinet Office
et au Trésor et qui a pour objectif de placer les données d'évaluation
au cœur des décisions gouvernementales
. L'
Evaluation Task Force
contribue à lever les
principaux obstacles à la réalisation d'évaluations robustes au sein d
e l’administration
et
promeut la culture de l'évaluation et de l'expérimentation. Elle fournit notamment des services
de conseil et un soutien opérationnel aux équipes chargées des dépenses publiques dans
l’établissement des
plans d'évaluation qui sous-tendent les propositions de dépenses, elle
accompagne également les ministères
dans la définition de méthodes et de pratique d’évaluation
des dépenses.
3.3.2
Mobiliser, pour les revues de dépenses, la méthodologie innovante mise en
œuvre dans le cadre des
politiques prioritaires du gouvernement.
L’approche retenue dans la mise en œuvre des PPG est inédite à bien des égards
: issue
des théories d’économie comportementale, elle part du constat que les vrais leviers de
modernisation se situent sur le terrain. Pour favoriser la rapidité d’exécution,
elle s’appuie sur
des boucles de rétroactions courtes et cherche à redonner du pouvoir décisionnaire aux agents
publics. L’administration centrale reste responsable de la définition des priorités et du cadre de
leur exécution, mais le but de cette méthode
pas toujours atteint comme le montrent les
remontées des services déconcentrés
est que les objectifs et les résultats soient négociés entre
administration centrale et échelon local, en tenant compte des différences entre les territoires et
en laissant
des marges de manœuvre importante
s
dans l’exécution concrète des politiques
publiques.
Les feuilles de route sont territorialisées et fixent un cadre d’action à suivre, avec
des échéances précises et une « mise sous tension
» de l’ensemble de la chaîne hi
érarchique.
Par ailleurs, bien que largement perfectible dans la pertinence des indicateurs et des
cibles qu’il mobilise, l’outil Pilote reprend finalement à son compte l’ambition initiale de la
LOLF
d’un mode de gestion par la performance
. Si les objectifs et indicateurs étaient partagés
par tous les acteurs, Pilote pourrait incarner concrètement la logique de résultat sur laquelle
reposait la LOLF, dans le travail quotidien de nombreux fonctionnaires mais aussi du
gouvernement.
Cette méthodologie inédite devrait être préservée. Elle devrait être davantage partagée
avec les acteurs budgétaires et être mobilisée
pour s’assurer de la mise en œuvre des mesures
de modernisation décidées à partir des revues de dépenses.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
54
À l’étranger, des actions ont d’ailleurs
été entreprises en ce sens. Au Royaume-Uni par
exemple, des
Outcome Delivery Plans
(ODPs) ont été définis pour quatre ans et mis à jour pour
chaque ministère lors des revues de dépenses de 2020 et 2021. En 2021, chaque ministère a
adopté son premier plan annuel de réalisation des résultats, conçu pour décrire ses plans de
progression vers ces résultats au cours de l'année suivante, et la manière dont ses performances
seraient mesurées. Ils visaient à définir des objectifs à long terme, tels que l'amélioration du
niveau d'éducation ou la réduction des émissions de carbone, et étaient formulés en termes de
résultats concrets plutôt qu'en termes de moyens mis en œuvre ou de mesures administratives.
Les progrès accomplis par les ministères dans la réalisation de ces résultats sont régulièrement
communiqués au centre du gouvernement dans le cadre d'un processus visant à fournir une vue
unique des performances du gouvernement et à permettre une évaluation plus efficace.
En France, une telle organisation n’a pas en
core été mise en place. À ce jour, la DITP
n’intervient pas pour présenter les résultats de Pilote dans les conférences de performance de la
DB. La DB est par ailleurs éloignée du pilotage de la transformation et les crédits inscrits en
PLF ne sont jamais ajustés
au regard du taux d’exécution des PPG
87
.
Tout en évitant de trop
complexifier des instruments qui n’ont pas été conçus pour un
suivi budgétaire et sont encore jeunes, au risque de les rendre inopérants, les outils déployés
dans le cadre de la conduite des PPG devraient être mobilisés plus directement dans le processus
budgétaire. Pour les réformes décidées dans le cadre des revues de dépenses et dont il
conviendrait d’élargir le périmètre aux enjeux de transformation, les objectifs pourraient être
territorialisés au travers de feuilles de route départementales, leur suivi pourrait être assuré à
l’aide d’un outil similaire à Pilote, dont l
es indicateurs seraient systématiquement examinés lors
des conférences de performance et le niveau de leur exécution pourrait au moins en partie
conditionner la budgétisation. La multiplication des données disponibles au fil du temps et la
possibilité croissante de croiser ces résultats avec d’autres données permettrait enfin de réaliser
davantage d’évaluations
in itinere
directement opérationnelles pour les arbitrages budgétaires.
Recommandation n° 6.
(direction du budget, direction interministérielle de la
transformation publique) : utiliser Pilote pour assurer le suivi des décisions de
transformation prises à l’issue des revues de dépens
es.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La
réconciliation de la dynamique de modernisation avec l’impératif du retour à
l’équilibre des finances publiques
est indispensable. Elle doit concerner les trois modalités
principales de la transformation publique : les grands projets de transformation qui requièrent
des investissements et un temps long, les actions de modernisation « en continu » des
administrations et, enfin, la conduite des politiques publiques, qui devrait reposer sur des
feuilles de route élargies aux mesures décidées dans le cadre des revues de dépenses.
S’agissant des grands projets de modernisation tout d’abord,
leur sélection devrait
reposer sur une analyse des besoins des usagers, reprenant le modèle des « moments de vie »
87
Soit un taux d’exécution très bon, traduisant par exemple l’achèvement d’une PPG, soit un taux
d’exécution très mauvais reflétant une mauvaise organisatio
n par exemple.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
55
en cours de développement. Ces grands projets de modernisation nécessitent des
investissements mais en contrepartie, une contractualisation portant spécifiquement sur la
transformation devrait être établie avec chaque ministère concerné. Les versements devraient
pouvoir être interrompus en cas de non-
atteinte des objectifs. Le contrôle de la mise en œuvre
des projets devrait mieux associer la DITP, la DINUM, la DB et le réseau des contrôleurs de
gestion des ministères.
Il importe également de mener en continu, au sein des administrations, des processus
de transformation intégrant des objectifs de productivité. Le déploiement de méthodes
innovantes, déjà engagé par la DITP et par la DINUM, devrait donc être poursuivi. La France
pourrait aussi s’inspirer des «
coupes automatiques de productivité
» mises en œuvre dans
plusieurs pays avec des cibles progressives : les administrations disposeraient de toute liberté
pour réaliser ces gains de productivité, avec l’appui
méthodologique de la DITP. La
transparence des résultats et la participation citoyenne constituent les principaux leviers pour
inciter au respect des objectifs.
Enfin, pour renforc
er l’articulation
entre maîtrise des finances publiques et
modernisation de l’administration, il pourrait être envisagé d’étendre la méthode de p
ilotage
des politiques prioritaires
(feuilles de route, outil inspiré de Pilote pour s’assurer du bon
déploiement des réformes) aux mesures issues des revues de dépenses. Cet exercice de revues
de dépenses devrait être articulé avec la procédure budgétaire et intégrer des mesures de
transformation. Le périmètre des dépenses examinées devrait être ciblé pour établir des
objectifs chiffrés s’appuyant sur des évaluations précises et directement opérationnelles.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
56
GLOSSAIRE
AIFE
.............
Agence pour l’informatique financière de l’État
AMDAC
......
Administrateur ministériel des données, des algorithmes et codes sources
APC
..............
Automatic productivity cut
API
................
Application programming interface
APUL
............
Administration publique locale
AP 2022
........
Action publique 2022
ASSO
............
Administration de sécurité sociale
ATE
..............
Administration territoriale de l’État
CAP 22
.........
Comité action publique 2022
CBCM
...........
Contrôleur budgétaire et comptable ministériel
CIA
...............
Complément indemnitaire annuel
CIMAP
.........
Comité interministériel de la modernisation de
l’action publique
CITP
.............
Comité interministériel de la transformation publique
CMPP
...........
Conseil de modernisation des politiques publiques
CNAF
...........
Caisse nationale des allocations familiales
CNAV
...........
Caisse nationale d’assurance vieillesse
CNIL
.............
Commission nationale d
e l’informatique et des libertés
COM
.............
Contrat d’objectifs et de moyens
COG
..............
Convention d’objectifs et de gestion
CRTE
............
Contrat de relance et de transition écologique
DB
................
Direction du budget
DDI
...............
Direction départementale interministérielle
DDFiP
...........
Direction départementale des finances publiques
DGAFP
.........
Direction générale de l’administration et de la fonction publique
DGDDI
.........
Direction générale des douanes et droits indirects
DGE
..............
Direction générale des entreprises
DGFiP
...........
Direction générale des finances publiques
DIE
...............
Direction de l’immobilier de l’État
DIESE
...........
Direction interministérielle à l’encadrement supérieur de l’
État
DINSIC
.........
Direction interministérielle du numérique et des systèmes d'information et de communication de l'État
DINUM
.........
Direction interministérielle du numérique
DIRECCTE ...
Direction régionale des entreprises de la concurrence du travail et de l’emploi
DITP (le)
.......
Délégué interministériel à la transformation publique
DITP (la)
.......
Direction interministérielle à la transformation publique
DMATES
......
Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur
DREETS
.......
Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités
DRFiP
...........
Direction régionale des finances publiques
DRJSCS
........
Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
ENSAP
.........
Espace Numérique Sécurisé de l’Agent Public
ETP
...............
Équivalent temps plein
FAIRH
..........
Fonds d'accompagnement interministériel RH
FEP
...............
Fonds en faveur de l’égalité professionnel
FIACT
...........
Fonds interministériel pour l’amélioration d
es conditions de travail
FITN
.............
Fonds d’innovation et de transformation numérique
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
57
FIRH
.............
Fonds d’innovation des ressources humaines
FTAP
............
Fonds pour la transformation de l’action publique
FTM
..............
Fonds de transformation ministérielle
IGF
................
Inspection générale des finances
IGA
...............
Inspection générale de l’administration
IGAS
.............
Inspection générale des affaires sociales
LOLF
............
Loi organique relative aux lois de finances
LOPMI
..........
Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur
LTFP
.............
Loi de programmation des finances publiques
MAP
.............
Modernisation de l’action Publique
NRP
..............
Nouveau réseau de proximité
OCDE
...........
Organisation de coopération et de développement économiques
OTE
..............
Organisation territoriale de l’Etat
ODAC
...........
Organise divers d’administration centrale
OVQ
.............
Prélèvement à la source
PIA
................
Programme d’investissement d’avenir
PGO
..............
Partenariat pour un gouvernement ouvert
PLF
...............
Projet de loi de finances
PNRR
............
Plan national de relance et de résilience
PPG
...............
Politiques prioritaires du gouvernement
PTM
..............
Plan de transformation ministériel
RéATE
..........
réforme de l’administration territoriale de l’État
RIE
................
Réseau interministériel de l’Etat
RGPP
............
Révision générale des politiques publiques
ROI
...............
Return on investment
SGCD
...........
Secrétariats généraux communs départementaux
SGG
..............
Secrétariat général du gouvernement
SGMAP
........
Secrétariat général à la MAP
SIRH
.............
Système d’information RH
URSSAF
.......
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
58
ANNEXES
Annexe n° 1.
Comparaisons internationales
............................................................
59
Annexe n° 2.
Un exemple d’approche
bottom-up
accompagnée par la
DITP :la réingénierie des process engagée dans les rectorats
....................
75
Annexe n° 3.
Textes de référence sur la modernisation de l’État 2017
-2022
.........
77
LA MODERNI
SATION DE L’ÉTAT : D
ES METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
59
Annexe n° 1.
Comparaisons internationales
Partie 1
Revue de littérature
I)
Fonds Monétaire International, How to Design and Institutionalize
Spending Reviews (2022)
Définition
: les revues de dépenses sont le procédé qui consiste à évaluer en profondeur
et de manière systématique l’ensemble de la dépense publique afin d’identifier et de rediriger
les dépenses inefficaces, inefficientes ou non-
prioritaires. C’est un outil efficace de
rationalisation et de planification budgétaire, qui permet de
dégager de « l’espace fiscal » et de
réduire la dette publique, mais également de réaligner les crédits avec les objectifs prioritaires
du gouvernement.
En 2020, plus des trois quarts des pays de l’OCDE (31 sur 37) déclaraient conduire
des revues de dépenses annuelles ou récurrentes
. Ils n’étaient que la moitié à le faire dix ans
plus tôt. Dans 20 pays sur 31 (65 %), ces examens sont annuels, et dans les 11 pays restants (35
%), ils sont périodiques
88
. En outre, certains pays émergents, à l’image de l’
Afrique du Sud ou
de l’Ukraine, ont également conduit des revues de dépenses.
A.
Les objectifs des revues de dépenses
-
La consolidation fiscale
en identifiant des mesures d'économie qui réduisent le niveau ou le taux de
croissance des dépenses publiques.
-
La création d'une marge de manœuvre budgétaire
pour tenir compte des nouvelles priorités
politiques ou pour faire face aux pressions budgétaires émergentes.
-
La redéfinition des priorités des dépenses existantes
en passant de domaines peu prioritaires à des
priorités plus importantes.
-
L'obtention d'un meilleur « rapport qualité-prix »
en identifiant les domaines où les dépenses sont
inefficaces et où il est possible d'obtenir des résultats similaires avec moins de ressources.
La nécessité de dégager une mar
ge de manœuvre budgétaire pour répondre aux besoins
de réforme à long terme se fait de plus en plus sentir dans
les économies avancées qui doivent
faire face à la pression budgétaire à long terme due à l'évolution démographique.
B.
Le périmètre des revues de dépenses
1.
Les revues de dépenses exhaustives
Les revues de dépenses exhaustives couvrent une grande partie des dépenses
publiques totales et ne se limitent pas à des thèmes prédéfinis
. Ils sont généralement menés
sur une base périodique, comme cela a été le cas au Royaume-Uni et en Irlande. Les examens
complets peuvent permettre d'identifier les moyens d'atteindre les objectifs d'assainissement
budgétaire en un seul processus mais demandent plus de ressources et d’engagement.
2.
Les revues de dépenses ciblées
88
OCDE,
Panorama des administrations publiques
, 2021
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
60
Les revues de dépenses ciblées se limitent à l’examen de catégories prédéfinies, par
exemple :
-
Les revues de programmes
. Ces revues permettent de réaliser des économies stratégiques (en éliminant
ou en réduisant le programme) ou des économies d'efficacité (en réduisant le coût de la prestation des
services dans le cadre du programme). Elles ont tendance à se limiter à une seule administration ou
agence.
-
Les revues de politiques publiques
. Ces revues portent sur une politique spécifique, comme les
prestations sociales, l'enseignement supérieur ou les politiques liées au climat. Elles peuvent concerner
plusieurs agences et visent généralement à réaliser des économies en améliorant l'efficience et l'efficacité
en éliminant les doubles emplois.
-
Les revues de processus
. Ces revues portent sur des processus opérationnels spécifiques qui concernent
généralement l'ensemble de l'administration - par exemple, les processus d'achat, les systèmes
informatiques et la gestion des ressources humaines. Les revues de processus visent à améliorer
l’efficience.
-
Les revues d’agences
. Ces revues portent sur l'ensemble d'une organisation gouvernementale (ministère
ou agence) et peuvent couvrir tous les programmes et processus de l'agence. Elles visent généralement
à réaliser des économies d'efficience.
Les revues de dépenses ciblées peuvent être verticales
, c'est-à-
dire qu’elles portent
sur tout ou partie des dépenses d'un ministère ou d'une agence gouvernementale. Les revues
verticales menées par les différents ministères chargés des dépenses peuvent être plus simples
à réaliser sur le plan administratif, mais elles limitent les possibilités d'établir des priorités pour
l'ensemble du gouvernement.
Les revues de dépense peuvent aussi être horizontales
, c'est-à-dire porter sur une
catégorie particulière de dépenses ou d'objectifs politiques qui sont évalués pour l'ensemble du
gouvernement (ex : les dépenses liées au climat). Les revues horizontales peuvent aider à mieux
identifier les activités faisant double emploi, mais elles sont également plus lourdes à gérer car
elles recoupent des responsabilités administratives différentes.
Certains pays, comme le Canada et les Pays-Bas ont combiné différents types de revues
des dépenses pour atteindre différents objectifs. Par exemple, les Pays-Bas ont
combiné un
processus annuel continu de revues ciblées avec des revues exhaustives occasionnelles
en
1981 et 2009, lorsque le pays a dû faire face à d'importants besoins de consolidation.
C.
La gouvernance des revues de dépenses
Les revues de dépenses peuvent être conduites selon différents modèles :
(i)
Les ministères dépensiers examinent les dépenses et proposent des mesures pour
une revue centrale (approche «
bottom-up
»)
(ii)
Des entités indépendantes ou des agences centrales, telles que le ministère des
finances, dirigent la revue
(iii)
Les ministères dépensiers et les ministères des finances sont conjointement
impliqués dans le processus de revues (les revues "conjointes")
Les revues conjointes, dans lesquels toutes les entités gouvernementales concernées
sont étroitement impliquées, s'avèrent être les plus efficaces
et offrent des options de
développement plus réalistes. Cela s'explique par une combinaison de facteurs, notamment la
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
61
facilité d'accès à l'information, l'adhésion des principales parties prenantes et la garantie que les
personnes responsables de la mise en œuvre ont été impliquées dans sa conception.
Une gouvernance bien organisée facilite la conduite d’une revue de dépenses, elle inclut
:
-
Un organe de décision
chargé
d’approuver la portée et les objectifs de la revue.
-
Un comité de pilotage
chargé de fournir des orientations stratégiques aux équipes d’examen et de
résoudre les différends.
-
Un secrétariat
pour coordonner le processus et fournir des conseils sur la méthodologie (typiquement
un département spécialisé du Ministère des Finances)
-
Les équipes chargées de la revue de dépenses
: elles entreprennent le travail technique de la revue de
dépenses, y compris la conduite de l'analyse, l'élaboration des propositions politiques et la rédaction du
rapport final.
D.
La mise en œuvre des revues de dépenses
Une revue de dépenses comporte généralement plusieurs étapes clés : (i) la définition
des objectifs ; (ii) l’identification des possibilités d'économies sur la base d’une
analyse
approfondie ; (iii) la décision quant aux mesures à inclure dans le budget ; (iv) la mise en œuvre.
1.
Établir le cadre et les objectifs
Le cadre régissant la conduite des revues de dépenses doit (i) fournir des objectifs clairs
pour la revue ; (ii) déterminer la portée de l'examen en termes de domaines de dépenses et
d'unités administratives à couvrir ; (iii) définir le processus, les rôles et responsabilités, et
l'approche de mise en œuvre ; et (iv) définir les résultats à fournir.
Poser des cibl
es claires permet bien souvent de relever les ambitions et d’optimiser
les résultats
. Les objectifs de réduction de dépenses doivent idéalement être posées à horizon
3-4 ans, afin de permettre une planification réaliste et cohérente à moyen terme. Par exemple,
le cadre de revue de dépenses des Pays-Bas exige que les équipes élaborent un menu d'options,
dont au moins une implique une réduction de 20 % des dépenses au cours de la période de
quatre ans à venir.
2.
Analyser les dépenses et proposer des options politiques
Les dépenses peuvent être analysées sous différents aspects :
-
L'adéquation de la dépense
pour déterminer dans quelle mesure elle est alignée sur les priorités de la
politique gouvernementale.
-
L’efficacité de la dépense
pour évaluer dans quelle m
esure elle permet d’atteindre les objectifs visés.
-
L’efficience ou le rapport cout
-efficacité de la
dépense pour déterminer si des réalisations ou des
résultats similaires pourraient être obtenus avec moins d'intrants ou par l'application de processus de
production différents.
La revue de dépenses se doit de développer des options à soumettre à l’arbitrage
du décideur politique
, en présentant les implications budgétaires à court, moyen et long terme
de chaque décision, mais également les impacts sociaux-économiques, en mentionnant les
secteurs, zones et groupes sociaux concernés.
E.
Meilleures pratiques en matière de revues de dépenses d’après le FMI
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
62
D’après les études comparatives réalisées par le FMI , les revues de dépenses efficaces
combinent souvent les facteurs suivants :
-
Le gouvernement s'approprie le processus et s'y engage politiquement.
-
Des buts stratégiques clairs et des objectifs d'économies sont fixés dès le début du processus.
-
-
Des critères, des modèles et des orientations sont disponibles pour la conduite de la revue afin de
faciliter une évaluation comparable des options, avec un accent sur la mise en œuvre et le suivi des
progrès réalisés.
-
-
Un leadership clair du ministère des finances dans la coordination du processus et une structure bien
gouvernée qui définit les principales responsabilités, les résultats attendus et les mécanismes de prise de
décision.
-
-
Les équipes de revues impliquent un large panel de parties prenantes, favorisant notamment la
communication avec les ministères de tutelle.
-
-
Les connaissances internes sont combinées à des points de vue externes avec des experts qui
remettent en question le statu quo.
-
-
Une perspective à moyen terme est adoptée pour assurer des économies durables en évitant les
options qui génèrent des économies à court terme sans prise en compte du long terme.
-
-
Les revues de dépenses sont intégrées au processus budgétaire.
II)
OCDE,
Best Practices for Spending Reviews
(2020)
Les meilleures pratiques mettent en évidence les caractéristiques essentielles
communes à l'utilisation réussie des revues de dépenses
. Elles identifient les éléments qui
contribuent à la nature durable des revues de dépenses et qui aident efficacement les
gouvernements à gérer les pressions sur la viabilité budgétaire et la hiérarchisation des objectifs
gouvernementaux.
Les objectifs d'une revue de dépenses sont les suivants :
i.
Permettre au gouvernement de gérer le niveau global des dépenses.
ii.
Réaffecter les dépenses en fonction des priorités du gouvernement.
iii.
Améliorer l'efficacité des programmes et des politiques.
L’OCDE
89
a ainsi dégagé, à partir de l’analyse comparée des revues de dépenses de ses
pays membres, les « meilleures pratiques » suivantes :
1.
Formuler des objectifs clairs et préciser le champ d'application des revues
de dépenses
Les objectifs d'une revue de dépenses doivent être communiqués dès le départ et
encadrés par des termes de référence formels
. Les termes de référence doivent clairement
exprimer les objectifs, la portée, les principales tâches, la structure de gouvernance et l'accès à
89
Álfrún Tryggvadottir,
OECD Best Practices for Spending Reviews
, OECD Journal on Budgeting, 2022
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
63
l'information, les résultats attendus, le calendrier et les étapes, ainsi que les ressources
disponibles pour la revue.
Les gouvernements devraient planifier régulièrement et périodiquement des
revues de dépenses
. Cependant, il n'est pas souhaitable de procéder chaque année à un revue
approfondi de tous les domaines de dépenses publiques, car cet effort ferait double emploi avec
les revues de dépenses antérieures, et un ministère ne dispose pas de suffisamment de temps
pour mettre en œuvre les décisions prises à l'issue d'une revue antérieure.
Le champ d’application optimal d’une revue de dépenses doit être le fruit d’un
équilibre
. Tandis qu’un champ d'application large peut accroître la portée de l'analyse et
l'adhésion des parties prenantes, améliorer la disponibilité des données et la collaboration entre
les ministères, il peut aussi entraver le développement d'analyses plus approfondies et plus
percutantes. Les revues interministérielles peuvent être complexes, mais elles peuvent aussi
améliorer la coordination et identifier les chevauchements entre les ministères.
2.
Identifier les rôles distincts de la politique et du service public dans le
processus de revue de dépenses
Le leadership et le soutien politique sont essentiels pour assurer la viabilité et la
durabilité des revues de dépenses.
Ce leadership est particulièrement important au début,
lorsque les objectifs et la portée des revues sont définis, et à la fin, lorsque les décisions finales
sur l'adoption des recommandations sont prises. C'est généralement au début d'un mandat
politique que le soutien politique en faveur des revues de dépenses est le plus fort.
Il est important d'établir une collaboration étroite entre le ministère des finances
et les ministères de tutelle
, à la fois pour renforcer la capacité à mener des revues de dépenses
et pour créer la confiance et un sentiment d'appropriation du processus. Par ailleurs, il est
essentiel que le personnel du ministère des finances ait une expertise dans la réalisation de
revues de dépenses et comprenne les défis auxquels est confronté le ministère de tutelle qui fait
l'objet de la revue.
3.
Mettre en place des dispositions claires en matière de gouvernance tout au
long du processus de revue de dépenses
Une structure de gouvernance claire à tous les stades du processus de la revue de
dépenses est essentielle à leur réussite
. Un double dispositif de gouvernance peut être mis en
place : un groupe de pilotage est chargé de superviser le processus et un groupe de travail de
mener à bien les opérations quotidiennes de révision des dépenses.
Un groupe de pilotage supervise le processus de révision
. Il présente les résultats et les
recommandations aux ministres concernés, qui en discutent au sein du cabinet. Le groupe de pilotage
assigne également des tâches au groupe de travail, et supervise et coordonne sa contribution.
La capacité analytique d'une revue de dépenses est concentrée dans le groupe de travail
. Ils
analysent les sujets en fonction des objectifs de la revue de dépenses, préparent des options basées sur
l'efficience, l'efficacité et l'optimisation des ressources et proposent des recommandations au groupe
de pilotage.
4.
Assurer l’intégration dans le processus budgétaire
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
64
Les revues de dépenses devraient être systématiquement intégrés dans la
préparation du budget du gouvernement
. Ce lien avec le processus budgétaire permet de
relier les recommandations issues des revues de dépenses aux processus de gestion budgétaire
et d'appropriation du gouvernement. La plupart des pays de l'OCDE lient le processus de revue
de dépenses au processus budgétaire annuel ou au cadre de dépenses à moyen terme.
En effet, un horizon à moyen terme (3 à 5 ans) peut renforcer l'efficacité des revues
de dépenses en augmentant l'éventail des options
que les gouvernements peuvent envisager
par rapport à une seule année. Dans de nombreux cas, les conclusions d'une revue des dépenses
ne peuvent être mises en œuvre qu'à moyen terme, notamment lorsqu'il s'agit de repenser la
prestation des services publics et de proposer des changements législatifs.
Les évaluations et les audits de performance réalisés par les institutions
supérieures de contrôle des finances publiques peuvent fournir des informations
précieuses et devraient être disponibles pour la conduite des revues de dépenses
.
Inversement, la revue de dépenses est un mécanisme important pour améliorer la disponibilité
et la qualité des informations utilisées au cours du processus de préparation du budget.
5.
Mettre en œuvre
les recommandations de manière responsable et
transparente
Les revues de dépenses doivent se conclure par des recommandations claires.
Afin
de soutenir la préparation des recommandations, les analyses effectuées par le groupe de travail
peuvent inclure des scénarios et des options à prendre en considération.
Les ministères compétents sont responsables de la mise en œuvre des conclusions
des revues de dépenses
, en coordination avec le ministère des finances.
6.
Assurer une transparence totale des rapports des revues de dépenses
Les rapports finaux et les conclusions d'une revue de dépenses doivent être rendus
publics
car cela facilite leur mise en œuvre effective et accroît la transparence des décisions
budgétaires. De même, les documents d’orientation doive
nt être accessibles au public. En effet,
une communication claire sous-tend l'intégrité du processus.
7.
Mettre à jour périodiquement le cadre de la revue de dépenses
Le cadre de la revue de dépenses doit tenir compte des changements intervenus
dans l'environnement dans lequel il opère
et réfléchir aux forces et aux faiblesses potentielles
observées dans le cadre actuel. Chaque revue de dépenses devrait permettre de tirer des leçons
de l'expérience acquise, afin d'éclairer les futures revues dans le cadre de l'orientation politique
du gouvernement.
III)
OCDE, Points clés du
Panorama des administrations publiques
(2021)
Revues des dépenses
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
65
En 2020, 31 pays de l’OCDE sur 37 (84 %) déclaraient effectuer des revues des
dépenses :
dans 20 pays sur 31 (65 %), ces revues sont annuelles, et dans les 11 pays restants
(35 %), elles sont périodiques.
Les objectifs des revues des dépenses sont les suivants : a) permettre aux autorités
publiques de gérer le niveau global des dépenses ; b) aligner les dépenses sur les priorités
gouvernementales et c) améliorer l’efficacité des programmes et des politiques.
L’appropriation et l’engagement politiques jouent un rôle crucial dans l’efficacité
des revues des dépenses
; ce sont des conditions nécessaires à la fois pour assurer une bonne
coopération au sein des administrations tout au long du processus et pour permettre la prise de
décisions sur les objectifs et la portée des revues et les recommandations à adopter.
Attraction et recrutement des agents publics
L’OCDE a élabo
ré un nouvel indicateur composite sur le recours à des pratiques
proactives de recrutement par l’administration
de candidats dotés des compétences
nécessaires. L’indicateur tient compte aussi de la capacité des employeurs à égaler les salaires
qui se pratiquent sur le marché.
19 sur 32 pays de l’OCDE (59%) évaluent les compétences analytiques/cognitives des
candidats au moyen d’épreuves standardisées et 20 (62%) d’entre eux le font à l’aide
d’entretiens. Dans 24 pays de l’OCDE (75%), les compétences comport
ementales sont évaluées
par des entretiens.
Attraction et recrutement vont de pair : les administrations ne peuvent plus se permettre
d’attendre que les candidats viennent à elles.
Les pays en tête prennent des mesures concrètes
pour déterminer leurs candidats cibles et concevoir des stratégies spécifiques pour les
atteindre. Une telle démarche peut se révéler plus difficile dans des systèmes d’évolution
de carrière cloisonnés qui privilégient des épreuves standardisées.
Encadrement de la haute fonction publique
L’OCDE a récemment élaboré un modèle analytique qui recense deux ensembles
d’actions à mener nécessaires à l’encadrement de la haute fonction publique
:
le
développement des capacités de leadership, et la gestion de la performance et de la
responsabilisation, inclus dans un indice pilote.
Afin de développer les capacités de leadership, il s’agit notamment de définir ces
capacités et d’embaucher des individus dotés de ces compétences ; et d’offrir des possibilités
d’apprentissage et de perfectionnement adressées aux dirigeants. Les actions pour gérer la
performance et la responsabilisation sur les résultats incluent notamment l’utilisation de solides
systèmes d’évaluation des performances et de cadres de responsabilisation.
Association des parties prenantes
Les pays de l’OCDE ont plus tendance à consulter les parties prenantes sur les
projets de réglementations et plus rarement à un stade précoce.
Dans de nombreux cas, le
public ne prend connaissance de la tenue de consultations qu’après son annonce sur un site web.
Les entreprises et les citoyens n’ont pas le temps de consulter constamment les sites web de
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
66
l’administration publique pour se tenir au courant des prochaines consultations, d’où la
nécessité pour les pays d’adopter une approche plus proactive.
À titre d’exemple, 8 pays de l’OCDE informent systématiquement les parties
prenantes par e-mail pour annoncer la tenue de consultations, tandis que 20 autres
utilisent occasionnellement ce moyen de communication.
Le recours à des consultations
virtuelles a nettement progressé depuis 2017, passant de 13 à 23 pays de l’OCDE pour les
consultations à un stade précoce, et de 15 à 21 pays pour les consultations à un stade avancé.
Analyse d’impact de la réglementation
Plusieurs pays de l’OCDE et pays candidats à l’adhésion ont encore des progrès à
faire lorsqu’il s’agit de tenir compte des effets de la réglementation sur les facteurs sociaux
et environnementaux
. Ce d’autant plus que de tels impacts sont souvent évalués de manière
décousue et que des évaluations basées uniquement sur des critères économiques ne permettent
pas toujours de déceler les effets involontaires potentiels.
Évaluation ex post
Seul un
tiers des pays de l’OCDE ont l’obligation systématique d’effectuer des
évaluations ex post, ces chiffres étant essentiellement inchangés depuis 2014
. Dans une
certaine mesure, cela n’a rien de surprenant : souvent les gouvernements s’inquiètent des
retombé
es politiques et économiques s’il est démontré que leurs décisions passées étaient «
mauvaises ».
Gouvernement ouvert
Le gouvernement ouvert
(c’est
-à-
dire l’ouverture de l’administration) est une culture
de gouvernance
qui promeut les principes de transpa
rence, d’intégrité, de redevabilité et
de participation des parties prenantes
, au service de la démocratie et de la croissance
inclusive (OCDE, 2017).
En 2020,
29 pays de l’OCDE sur 31 (93 %)
et trois autres économies (le Brésil, le
Costa Rica et la Rouman
ie) participant à l’enquête sur le gouvernement ouvert
avaient établi
des lignes directrices sur les données publiques ouvertes
, et 25 pays de l’OCDE (80 %) et
trois autres pays en avaient mis en place portant sur la participation des citoyens et des parties
prenantes.
En 2020,
27 pays de l’OCDE sur 32 (85 %)
et deux autres économies (le Brésil et la
Roumanie) qui ont participé à l’enquête sur le gouvernement ouvert
avaient mis en place des
portails participatifs centraux
utilisés par les ministères de l’ad
ministration centrale et (ou)
fédérale affichant des projets de consultation et de participation publiques.
Dans l’enquête sur le gouvernement ouvert,
18 pays de l’OCDE sur 32 (56 %)
ainsi
que le Brésil
disposent d’un organisme d’information indépendant doté d’un mandat
spécifique en matière d’accès à l’information
tandis que dans 9 pays (28 %), comme la
Finlande et la Norvège, la mise en œuvre des lois sur l’accès à l’information est supervisée par
un organisme aux attributions plus larges. Enfin,
17 pays
de l’OCDE
(53 %) et trois autres
économies (le Brésil, le Costa Rica et la Roumanie)
confient cette mission à un organisme
public central qui n’est pas indépendant du pouvoir exécutif
.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
67
Administration numérique
L’indice de l’administration numérique (
Digital Government Index
, DGI) évalue et
étalonne le niveau de maturité des politiques relatives à l’administration numérique
et de
leur mise en œuvre selon une approche cohérente appliquée à l’ensemble de l’administration
publique. Sa valeur s’échelonne entre
0 (le plus bas) et 1 (le plus élevé). Il est composé des six
dimensions du cadre d’action de l’OCDE sur l’administration numérique
(Digital Government
Policy Framework
, DGPF), toutes affectées du même coefficient de pondération (0.16) :
conception numérique, secteur public fondé sur les données, administration plateforme,
ouverture par défaut, fonctionnement axé sur l’usager et proactivité.
En 2019, le DGI moyen dans les pays de l’OCDE était de 0.5
, et 15 pays sur 29
dépassaient cette moyenne. La Corée (0.74), le Royaume-Uni (0.74) et la Colombie (0.73) ont
obtenu les meilleurs scores dans cette édition. À l’inverse, la Grèce (0.35), l’Islande (0.28) et
la Suède (0.26) affichent les scores les plus faibles.
La France a reçu le score de 0.57, à la 10
e
place sur 29
.
En 2019, 21 des 29 pays de l’OCDE (69 %) étaient dotés de corps chargés de
coordonner, à l’échelon central ou fédéral, les projets TIC de l’administration publique, telles
qu’un Conseil des directeurs de l’information ou d’autres organismes
de même type.
La plupart des pays de l’OCDE sondés (22 sur 29, ou 76 %) ont mis en place des
stratégies pour développer les compétences numériques des fonctionnaires.
En 2019, seuls
le Danemark, le Canada, la Grèce et le Royaume-Uni avaient adopté une politique spécifique
unique de gestion des données dans le secteur public.
Principaux résultats des pouvoirs publics
Selon l’enquête Gallup World Poll (GWP),
51 % des habitants des pays de l’OCDE
avaient confiance dans leur gouvernement
en 2020, chiffre en hausse de 6.3 points de
pourcentage par rapport à 2007 et de 6 points de pourcentage par rapport à 2019. Ce chiffre
était d’environ 43% en France, en faible évolution depuis 2007. La progression moyenne de la
confiance doit être analysée avec prudence car
la plupart des données ont été recueillies
pendant la première vague de la pandémie et dénotent peut-
être l’effet dit de « ralliement
au drapeau ».
Le
World Justice Project
évalue l’état de droit et établit des scores fondés sur huit
facteurs
- les limites au
x pouvoirs de l’administration, l’absence de corruption, la transparence
de l’État, les droits fondamentaux, l’ordre et la sécurité, l’application de la réglementation, la
justice civile et la justice pénale.
Le facteur « limites aux pouvoirs de l’adminis
tration » évalue si différentes
branches de l’État sont habilitées à soumettre l’administration à des contrôles et
vérifications
(autrement dit, si la redevabilité horizontale est effective). La moyenne de
l’OCDE à cet égard s’établit à 0.74 (sur une échel
le comprise entre 0, le score le plus bas, à 1,
le plus élevé). Pour le facteur « droits fondamentaux », les pays de l’OCDE obtiennent un score
relativement élevé (0.75 en moyenne).
La France a des scores légèrement inférieurs,
quoique très proches, de la
moyenne de l’OCDE pour ces deux facteurs.
Satisfaction à l’égard des services
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
68
En moyenne dans les pays de l’OCDE en 2020 :
-
Le degré de satisfaction à l’égard des soins de santé s’est maintenu à 71 %, des niveaux similaires à ceux
de 2010.
-
68 % des citoyens se disaient satisfaits du système éducatif, en augmentation de 1 point de pourcentage
par rapport à 2010.
-
Le niveau de confiance à l’égard du système judiciaire a atteint 57 %, en augmentation de 6 points de
pourcentage par rapport à 2010.
Conception et prestation de services publics axés sur l’usager à l’ère numérique
Si 18 parmi 29 (62 %) des pays de l’OCDE se sont dotés de politiques spécifiques visant
à impliquer les usagers dans le test et l’évaluation de leurs projets/initiatives n
umériques, seuls
15 (52 %) ont déployé des activités concrètes à cette fin (par exemple, dans le cadre de sessions
de réflexion conceptuelle). Le nombre de ceux qui utilisent des indicateurs pour suivre la
satisfaction des usagers des services publics numériques ressort encore plus restreint (14, ou 48
%).
En 2019, 18 parmi 29 (62 %) pays de l’OCDE déclaraient s’efforcer de tirer profit des
technologies numériques pour assurer l’inclusion des personnes handicapées dans la prestation
des services, et ils éta
ient 14 (48 %) à s’y employer pour les personnes âgées. Seulement 9 pays
ont déployé de tels efforts aux fins de l’inclusion des femmes (31%), et 10 (34%) pour les
minorités ethniques.
Partie 2
Comparaison internationale des pratiques en matière de revue de dépenses sur la base
du sondage réalisée par l’OCDE en 2020
En 2021, l’OCDE a conduit une enquête
90 sur les pratiques des différents pays
membres en matière de revues de dépenses au moyen d’un questionnaire relativement
exhaustif composé de 20 questions « à tiroirs ».
A l’issue du sondage, un certain nombre de
pratiques et de méthodes récurrentes sont ressorties.
1.
Intégration des revues de dépenses dans le processus budgétaire
a)
Annualité et récurrence des revues de dépenses
De très nombreux pays de l’OCDE font des revues de dépenses annuelles, ou alors
étroitement imbriquées avec le cadre budgétaire
(via un texte règlementaire générique
comme au Canada, une pratique comme en Allemagne, ou un texte règlementaire annuel
comme en Italie). Dans certains pays, comme au Danemark, la revue de dépenses fait partie du
processus de budgétisation et est le fru
it d’un travail collaboratif entre la direction du budget et
le ministère concerné.
90
OECD Spending Review Survey
(2020)
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT :
DES METHODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
69
Par ailleurs, depuis 2015, le gouvernement allemand a inclus des revues de
dépenses annuelles dans sa procédure « top-down » de préparation du budget fédéral
. Le
cabinet fédéral choisit le thème de la revue de dépenses et charge le ministère des finances de
procéder à cette revue en collaboration avec certains ministères de tutelle.
Aux Pays Bas, des « menus » présentés au politique
L’intégration des revues de dépenses dans
le processus budgétaire est indirecte, l'objectif étant de fournir
un « menu » pour la prise de décision politique. Le système néerlandais de revues de dépenses est
essentiellement un exercice visant à identifier des options politiques bien documentées et à les inscrire à l'ordre
du jour des décideurs.
En revanche, le Royaume-Uni ne fait pas de revues de dépenses annuelles, mais
tente d’inscrire ses réformes dans un cadre budgétaire pluriannuel.
De même en Australie,
la revue de dépenses n’est pas non plus
intégrée au processus budgétaire : la dernière en date,
sur la période 2014-2017, a été très large. Cependant, un cadre a été mis en place pour
poursuivre les efforts initiés, avec la création de deux comités structurels. De surcroit, le
gouvernement intègre en général les résultats de la revue dans la budgétisation suivante.
b)
Facteurs de succès
Le fait d’inscrire la revue de dépenses dans un cadre budgétaire ou un cadre légal
apparait comme un facteur de succès
. En tous cas, l’absence de cadre budgétair
e et normatif
est identifiée comme étant une faille (ex : Pologne). Cependant, un cadre défini mais non
accompagné de soutien politique adéquat n’est pas la garantie du succès du processus. En effet,
dans les pays où il n’y a pas de cadre budgétaire, le so
utien politique à haut niveau est
nécessaire, et peut faire défaut : ainsi, les thèmes sont décidés conjointement par le ministère
des finances et par le ministère de tutelle, avec intervention seulement ponctuelle du Premier
Ministre.
Les pays ayant inscrit leurs processus dans un cadre budgétaire et pour lesquels
cela semble être plutôt un succès ont séparé la fonction budgétaire de la fonction de revue
des process
: une entité distincte, au ministère des finances, est chargée de l’élaboration et du
pilotage. Ses moyens sont permanents et ancrés dans le temps, par exemple :
-
Une équipe d’une vingtaine de personnes au Canada ou en Allemagne.
-
Une équipe plus resserrée (8 personnes) en Espagne.
-
En Italie et en Suède, les équipes chargées de la revue sont celles de la direction du budget.
-
En Australie, bien que le processus ne soit intégré qu’indirectement dans le processus budgétaire, le
cadre de la dernière revue est resté en place et peut être réutilisé.
De la difficulté de mener des revues de dépenses en Italie
En Italie, les revues de dépenses sont conduites annuellement, avec un objectif affiché de réduction des
dépenses publiques. Néanmoins, bien que ces revues soient institutionnalisées et bien intégrées au cycle
budgétaire, elles rencontrent de nombreuses difficultés, notamment par manque de soutien politique.
En janvier 2023, le think tank « L’Observatoire des comptes publics », a publié une note intitulée «
Pourquoi les revues de dépense
s ne fonctionnent pas en Italie ? ». Cette note souligne d’une part l’instabilité
des organismes chargés de superviser ce processus (ex : création en 2007 d’une Commission technique pour les
Finances publiques, supprimée en 2008). D’autre part, la note dép
lore que la « rationalisation » des dépenses a
davantage été réalisée via des coupes budgétaires « au rabot », et non pas sur la base d’une réelle revue de
l’efficacité des dépenses.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
70
Ainsi, la conduite des revues de dépenses est souvent difficile en Italie pour plusieurs raisons : manque
de guidage, de moyens humains, de compétences, de temps, de soutien politique, de coopération des
administrations, etc. Par ailleurs, la connaissance des règles et procédures administratives par les fonctionnaires
est souvent insuffisante pour conduire des réformes ou réorganiser les processus.
2.
Envergure du périmètre des revues de dépenses
Par rapport aux autres pays, la France se distingue par un périmètre très large de
ses plans de modernisation
. Le périmètre étant plus large, il est parfois difficile de définir des
objectifs budgétaires précis relatifs à la revue. Cet effort semble toutefois être fait dans plusieurs
pays, même si ce n’est pas systématique : une ambition moins grande et une systématisation de
la revue de dépense avec des équipes dédiées, stables et suffisantes semblent quand même
constituer des facteurs de réussite.
Par exemple, aux Pays-Bas, les revues de dépenses sont conduites annuellement,
sur un périmètre assez flexible qui peut viser
: (i) un vaste domaine politique tel que la
politique agricole ou le travail à temps partiel ; (ii) un sujet spécifique d'un ministère, (iii) un
sujet interministériel ou un sujet véritablement horizontal tel que les subventions.
En général,
ces revues de dépenses sont relativement limitées (entre 0 et 20% des dépenses totales du
gouvernement).
L'année 2019/2020 a été une année particulière, puisqu'il y a eu un cycle
spécial d'examens complets des dépenses.
Au Royaume Uni, des revues de dépenses larges et pluriannuelles
Les revues de dépenses britanniques ont l’ambition large et transversale de couvrir de manière
exhaustive les dépenses totales du gouvernement. Le gouvernement peut également établir un certain nombre
de priorités politiques pour chaque revue. En effet, le processus de revues des dépenses n'est pas défini par la
loi ; le gouvernement conserve ainsi une certaine flexibilité quant à la conception et à la conduite des revues
des dépenses.
Le gouvernement britannique fixe, dans le cadre des revues de dépenses, les priorités budgétaires pour
les trois années à venir. Celles de 2017 à 2022 insistent sur la nécessité de lier plus étroitement les dépenses
publiques avec les performances associées. Afin de mener à bien cet objectif, le gouvernement a mis en place
des
Outcome Delivery Plans
(ODPs), que chaque ministère doit publier annuellement afin de détailler la
stratégie mise en place pour atteindre ces objectifs. Les progrès sont régulièrement présentés au cabinet du
Premier Ministre, et partagés entre les ministères pour renforcer le principe de
departmental accountability
.
Les revues de dépenses sont dirigées par le Trésor britannique, et constitue le principal outil de fixation
du cadre de dépenses à moyen terme (
Medium-Term Expenditure Framework
- MTEF). Par exemple, sur la
période 2017-2022, le Royaume-Uni a conduit deux revues de dépenses : en 2020 et en 2021, dans le cadre de
la pandémie de Covid-
19 et de la mise en œuvre des dispositions
du Brexit. La revue de dépenses 2021 a une
portée pluriannuelle et fixe les budgets des ministères pour les trois années suivantes, jusqu'en 2024/25.
3.
Contenus et objectifs des revues de dépenses
Les mesures retenues dans les plans de modernisation sont variées et mobilisent
l’ensemble des agents publics, elles visent à :
Limiter les doublons internes à l’administration et la réorganiser
(Pays-Bas, Danemark, Australie,
Réforme Nouvelle gestion dans l’administration en Pologne)
;
Simplifier l’administrat
ion
(Pays-Bas ;
Renforcer l’intégrité des fonctionnaires
(Danemark, programme spécifique aux Pays-Bas)
Améliorer l’attractivité de l’administration
(mesures d’équilibre vie pro
-perso au Danemark ;
sélection de 15 jeunes talents sur des dossiers stratégiques en Italie ; programme de révolution dans la
FP en Pologne avec gestion RH basée sur les résultats).
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
71
Le caractère impérieux de la réduction des dépenses publiques est assez variable
suivant les pays
, dans la mesure où la réalisation d’économies budgétaire
constitue assez
souvent un objectif secondaire
comme au Canada, en Allemagne, en Espagne ou au
Danemark. Néanmoins, le contexte conséquent à la crise du Covid-
19 a remis à l’ordre du jour
la nécessité de réduire les dépenses et de retrouver une trajectoire budgétaire saine dans bon
nombre de pays.
Dans la plupart des pays, les revues de dépenses permettent
d'améliorer la structure
du budget de l’
État, de faciliter la redéfinition des priorités et de créer une marge de
manœuvre budgétaire pour de nouvelle
s mesures.
Ainsi, la baisse des dépenses de l’administration apparait comme un objectif
prioritaire en Italie par exemple
, où, sur la base du cycle budgétaire 2020-2022, un objectif
d'économies totales d'1 Md € de réduction structurelle globale des dépens
es a été identifié. Pour
ce faire, un objectif a été assigné à chaque ministère, sur la base d'une évaluation technique de
la composition de son budget.
Au Royaume Uni, une charte de respect des règles budgétaires
Au Royaume-Uni, le gouvernement a proposé de nouvelles règles budgétaires post-Covid, dans le cadre
d’une « Charte de responsabilité budgétaire ». Ce nouveau mandat budgétaire exigerait que la dette nette du
secteur public diminue d'ici la troisième année de la période de prévision glissante. Le gouvernement a
également intégré le Public Value Framework, la recommandation centrale du rapport de Sir Michael Barber
de 2017 intitulé Delivering better outcomes for citizens, afin de maximiser la valeur que le gouvernement
délivre avec l'argent public.
4.
Composante numérique
La numérisation de l’administration publique apparait comme un objectif phare des
réformes de modernisation de ces dernières années au sein des membres de l’OCDE.
Par exemple, dans le cadre du
Plan de relance et de résilience de
l’Allemagne
, lancé
à la suite de la pandémie de Covid-
19, le gouvernement fédéral s’est aligné sur plusieurs «
objectifs phares » de l’UE, à horizon 2025. Notamment, l’Union a posé un objectif intitulé «
Moderniser », avec notamment un projet d’identité numérique à l’échelle européenne.
En Allemagne, le plan prévoit la mise à disposition sous forme numérique de plus de
115 services publics fédéraux et de 100 services publics régionaux d’ici à 2022, conformément
à la loi sur l’accès en ligne (3 milliards d’
euros). Par ailleurs, le plan permettra de moderniser
et d'interconnecter les registres afin de réduire la charge administrative qui pèse sur les
entreprises et les citoyens (275 M€), ainsi que de créer la première plateforme nationale
d’enseignement en li
gne pour aider les apprenants à acquérir des compétences basées sur leurs
parcours de formation individuels (630 M€).
Par ailleurs,
dans le cadre du Plan National de Relance et de Résilience (PNRR) de
l’Italie
, 6,1 milliards d’euros sont prévus en faveur de la numérisation de l’administration
publique, tandis que l’Espagne prévoit 3,2 Md€ d’investissement dans la numérisation de
l'administration publique, dans les compétences numériques et l'inclusion numérique, dans la
cybersécurité et dans la connectivité. De même, la Pologne compte allouer 7 milliards au profit
de la transition numérique (soit 20% de l’enveloppe européenne de facilité de reprise et de
résilience).
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
72
5.
Définition du calendrier
Plusieurs pays assortissent leur revue d’une feuille de route et d’un calendrier
précis
, comme au Canada, en Suède, au Danemark (pour lequel toute revue s’accompagne
d’ailleurs in fine de recommandations publiées) et aux Pays
-
Bas (même si la mise en œuvre
n’est pas expressément surveillée, dans la mesure où il s’agit d’un « menu » soumis à la décision
politique).
En outre, la plupart des rapports des revues de dépenses contiennent des objectifs
budgétaires chiffrés ainsi que des recommandations qualitatives
de politiques publiques
pour réduire les chevauchements et améliorer la coordination et l'efficacité de l'administration.
6.
Organisation au niveau national
Dans les pays les plus performants, les ministères de tutelle sont souvent impliqués
directement dans les réflexions, avec des groupes de travail réguliers
(ex : Pays-Bas,
Allemagne, Canada). En revanche, au niveau local, aucune méthode spécifiquement bien
établie ne semble se dégager : les initiatives sont le plus souvent absentes, ou alors isolées et
autonomes (Allemagne, Suède et Espagne), à l’exception du Canada qui réalise régulièrement
des examens départementaux sur des thèmes horizontaux.
Une équipe dédiée et stable permet de concevoir la revue de dépenses, avec des
outils bien établis pour en définir le périmètre et la méthode
. Toutefois, une équipe dédiée
seule ne suffit pas. C’est d’ailleurs en général le gouvernement qui valide le périmètre et la
méthode, c’est pourquoi une impulsion politique forte est nécessaire. La mise en œuvre du plan
repose souvent sur une équipe ou un groupe de travail ad hoc, spécialement constitué pour la
revue et qui associe souvent les autres ministères (comme par exemple au Royaume-Uni, en
Allemagne, au Canada ou en Australie).
La gouvernance claire et transparente des revues de dépenses en Allemagne
Concernant la gouvernance des revues de dépenses, le gouvernement allemand nomme un comité de
pilotage présidé par le vice-ministre du ministère des finances responsable du budget fédéral. Le comité de
pilotage détermine les règles, la mission et le processus de la revue de dépenses.
Une unité centralisée permanente, qui fait partie du département du budget du ministère fédéral des
finances, est le moteur de la planification et de la conception des revues (la compilation et l'évaluation des
données et des informations, la préparation d'une liste de sujets possibles à examiner, etc.). Cette unité,
composée de 25 personnes, soutient le groupe de travail et le groupe de pilotage.
7.
Implication des citoyens et des différentes parties prenantes
Dans la conduite des revues de dépenses, le fait d’associer les citoyens à la revue de
dépenses apparait comme une démarche un peu formelle et non décisive.
Néanmoins,
plusieurs initiatives ont émergé, comme en Allemagne où le ministère fédéral des affaires
étrangères s’est engagé à mettre en place un
PeaceLab
pour élargir l’engagement des
citoyens dans l’élaboration de la politique étrangère.
Par ailleurs, les Journées politiques de la jeunesse (JPT21) se sont déroulées en ligne en
mai 2021, avec la participation d'environ 500 jeunes. Les JPT21 ont donné lieu à cinq dialogues
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
73
au cours desquels les jeunes ont pu discuter avec les ministres et la chancelière de sujets tels
que la politique numérique, le dialogue entre les générations, la protection du climat et la crise
de la démocratie.
8.
Autres moyens déployés pour le succès des revues de dépenses
En cas de difficultés à mettre en œuvre les mesures, notamment par manque de
compétences en interne, des moyens financiers et juridiques spécifiques peuvent être mobilisés
:
-
Des consultants internes
(ex : Cour des comptes en Allemagne, agence relevant du ministère des
finances aux Pays-Bas)
-
Des consultants externes
(des partenariats avec des entreprises « techniques » peuvent être sollicités,
comme le fait la Suède en matière de développement de logiciels)
-
Des experts ou des chercheurs
(comme en Allemagne)
-
Des fonds spécifiques
(ex : Regulator’s Pioneer Fund au Royaume
-Uni)
-
Des moyens humains supplémentaires
(comme la «
flexi-team
» en Allemagne)
Au Danemark, le renforcement des compétences RH en matière de modernisation
En fonction de la portée et de la complexité de la revue de dépenses, des consultants internes (par
exemple, de l'unité analytique du "konomistyrelsen", une agence relevant du ministère des finances) ou externes
peuvent être impliqués.
Le gouvernement danois a lancé une stratégie de numérisation 2016-2020 pour accélérer la transition
numérique de l'administration danoise. Parallèlement, elle a lancé en 2019 la Stratégie de compétences pour le
secteur public, qui vise à améliorer les compétences numériques des fonctionnaires danois. Elle prévoit
notamment de développer des programmes de formation et de sensibilisation aux technologies numériques pour
les fonctionnaires.
9.
Évaluation des revues de dépenses
Même si l’estimation du degré d’efficacité d’une mesure via des indicateurs
qualitatifs et quantitatifs semble être devenu un standard international, seul un tiers des
pays de l’OCDE ont l’obligation systématique d’ef
fectuer des évaluations ex post, ces
chiffres étant inchangés depuis 2014.
Les méthodes de mesure de l’impact des revues de
dépenses varient en fonction des pays :
-
Mesure des coûts de mise en conformité supportés par les entreprises (Allemagne)
-
Évaluation de la maturité numérique de la fonction publique (Danemark, Espagne, Suède)
-
Le Royaume-
Uni s’appuie sur les indicateurs des Objectifs de Développement Durable (ODD) des
Nations Unis
-
L’Italie évalue ses plans à partir de rapports détaillés préparés chaque
année en juin et transmis à la
présidence du Conseil des ministres et au ministère des finances
La mesure du fardeau administratif au Canada
Dans le cadre des initiatives du gouvernement du Canada visant à mesurer le fardeau réglementaire, les
ministères
doivent déclarer leur niveau de référence du fardeau administratif via une plateforme d’évaluation
en ligne. La plateforme établie ensuite une corrélation entre le PIB d’une industrie et son niveau de fardeau
réglementaire. Les résultats et les données sont disponibles publiquement
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
74
10.
Articulation avec l’Union Européenne et les standards internationaux
L’on observe l’émergence de standards internationaux et d’une certaine convergence
entre pays membres de l’OCDE en matière de revues de dépenses.
À titre d
’exemple, a plupart des pays ont engagé de vastes plans de numérisation
et de digitalisation de leur administration, souvent financés par les Plans nationaux de
relance et de résilience (PNRR)
abondés « sous conditions de réalisation » par l’Union
Européenne. Ces plans de numérisation comprennent souvent :
-
Un volet « transparence ».
Le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO) est une culture de
gouvernance qui promeut les principes de transparence, d’intégrité, de redevabilité et de participation
des parties prenantes, au service de la démocratie et de la croissance inclusive (OCDE, 2017). En 2020,
29 pays de l’OCDE sur 31 (93 %) avaient établi des lignes directrices sur les données publiques ouvertes,
et 25 pays de l’OCDE (80 %) en avaient mis en place
portant sur la participation des citoyens.
-
Une enveloppe pour former les fonctionnaires
. La plupart des pays de l’OCDE sondés (22 sur 29) ont
mis en place des stratégies pour développer les compétences numériques des fonctionnaires. En 2019,
seuls le Danemark, le Canada, la Grèce et le Royaume-Uni avaient adopté une politique spécifique de
gestion des données dans le secteur public.
-
Des dépenses pour favoriser la transition numérique de l’administration
(Pays-Bas, Danemark,
Espagne avec la mobilisation de
l’intelligence artificielle pour automatiser les tâches, Allemagne avec
la création d’un service administratif numérique, etc.)
L’UE, au travers des exigences imposées dans le cadre des PNRR, n’est pas la seule à
exiger des revues de dépenses de la part des pays membres : par exemple, le
Commonwealth
Performance Framework
exige des entités du Commonwealth qu’elles rendent compte de la
réalisation des objectifs fixés pour les programmes de dépenses. Ainsi le Royaume-Uni a mis
en place un outil numérique RH
dédié pour la police, et l’Australie s’investit à travers la
Digital
Transformation Agency
.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
75
Annexe n° 2.
Un exemple d’approche
bottom-up
accompagnée par la DITP :la
réingénierie des process engagée dans les rectorats
Faisant le constat d’une gestion des ressources hum
aines techniquement archaïque
(locaux vétustes, absence de numérisation des dossiers agents, gestion en silo très centralisée,
cogestion déséquilibrée, etc.) et peu conforme à son statut de premier employeur d’Ile
-de-
France (102 000 agents), le rectorat de
Versailles a saisi l’occasion d’un projet immobilier de
grande ampleur pour initier un vaste plan de modernisation managériale, avec un objectif
d’évolution des pratiques RH.
Des objectifs ambitieux ont été fixés (devenir la première académie zéro papier etc.)
dont l’atteinte impliquait une refonte de l’ensemble des process RH. Le rectorat a sollicité
l’appui de la DITP dans le cadre de son programme d’excellence opérationnelle, avec pour
objectif de réaliser 100% des démarches en ligne, limiter les demandes de pièces justificatives
en adoptant le principe « dites-le nous une fois », adapter la gestion des carrières aux
dispositions de la loi de transformation de la fonction publique, supprimer les tâches à faible
valeur ajoutée pour réorienter du temps agent vers la RH de proximité. La DITP a mis à
disposition du rectorat deux équipes de consultants extérieurs encadrées par ses propres experts,
ce qui impliquait pour l’administration d’accepter de placer ses pratiques internes sous un
regard extérieur et de surmonter ses réticences traditionnelles à cet égard, mais offrait
l’avantage d’être mieux accepté de la part des équipes. Pour les agents, les réticences initiales
venaient de la crainte de voir la démarche aboutir à une intensification des tâches doublé
e d’une
réduction des effectifs. Le principe a donc été posé d’emblée que les gains de productivité
réalisés seraient réalloués à l’accroissement de la qualité du service et aux tâches jusqu’ici
négligées.
La réingénierie des process (« mouvement des professeurs du 2
nd
degré », « recrutement
des personnels administratifs » etc.), a mis en œuvre la méthode
lean
. Les consultants ont
accompagné les gestionnaires dans la réalisation de leurs tâches quotidiennes afin d’identifier
les actes superflus. Cette implication au plus proche du terrain et de l’exécution a conduit les
agents à réinterroger le sens de leurs missions. Elle a rapidement permis de libérer du temps
consacré à d’autres missions (10 ETP), mais s’est toutefois heurtée à l’obsolescence du système
d’information RH. Le rectorat a toutefois bénéficié de co
-
financements du fonds d’innovation
et de transformation numérique pour développer un portail de gestion des demandes en ligne.
Au vu des résultats, la démarche a suscité l’intérêt d’autres rectorats (Lille, etc.),
désireux d’accroître la qualité de leur gestion administrative, y compris au
-delà du champ des
ressources humaines. Elle s’est progressivement enrichie, notamment en associant les usagers
internes au sein d’un panel constitué des parties prenantes clefs, ce qui n’était pas une pratique
courante. La méthode est par ailleurs adaptée à l’ensemble
des process de gestion.
L’administration centrale a appuyé ces initiatives, même si à l’origine elles ne
correspondaient pas aux pratiques habituelles, avant d’en encourager la diffusion aux autres
rectorats. Le secrétariat général a constitué une équipe
permanente d’appui à la modernisation
et a mis en place un parcours de formation interne consacré au lean management. De même, les
rectorats impliqués ont pérennisé des emplois de consultants internes qui ont bénéficié d’un
transfert de compétence de la part de la DITP et sont désormais constitués en réseau. Un des
objectifs étant en effet d’acquérir une totale autonomie sur la démarche pour la propager à
l’ensemble des rectorats, ce que ne permettaient pas les seuls moyens de la DITP. Cette refonte
LA MODERNISATIO
N DE L’ÉTAT : DES ME
THODES RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
76
des pro
cessus s’accompagne d’un chantier d’automatisation de certains actes de gestion, piloté
par le secrétariat général.
Cet exemple illustre la manière dont une administration déconcentrée peut se saisir des
différents outils mis à disposition par la DITP et la DINUM pour initier un programme de
modernisation. Celui-
ci peut ensuite se propager à d’autres services et, dès lors qu’il bénéficie
du soutien de l’administration centrale, a fortiori quand celle
-
ci parvient à l’articuler avec son
propre agenda de trans
formation (notamment sur les systèmes d’informations), constituer un
puissant levier de modernisation.
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
77
Annexe n° 3.
Textes de référence sur la modernisation de l’État 2017
-2022
Rapports
-
La direction interministérielle de la transformation et de la fonction publique : organisation, mission et
gestion, exercices 2018-2022, observations définitives, Cour des comptes
-
Rapport du Sénat sur le recours aux cabinets de conseil, avec un passage sur l'appui à la transformation
de l'administration
Documents cadres et programmatiques
-
LOI n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014
à 2019 (voir l'article 22)
-
Projet de loi de programmation des FP pour 2018 - 2022 et loi (voir notamment le rapport annexé)
-
Etude d'impact PLPFP 2023-2027
-
Stratégie nationale d'orientation de l'action publique, annexée à la loi ESSOC du 10 août 2018
-
Discours du Président de la République à l'occasion de la convention managériale de l'État, 8 avril 2021
Lois
-
Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (Essoc)
-
Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique
-
Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap)
-
Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration
et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS)
Suivi des priorités gouvernementales (OVQ/RP/PPG)
-
Circulaire du 3 octobre 2019 sur le suivi des priorités de l'action gouvernemental (central) OVQ
-
Circulaire du 3 octobre 2019 sur le suivi des politiques prioritaires de l'État en région
-
Circulaire du Premier ministre du 18 novembre 2020 sur le suivi de l'exécution des priorités
gouvernementales
-
Circulaire 3259/SG du 19 avril 2021 feuille de route interministérielle des préfets + guide du préfet
-
Circulaire du 19 septembre 2022 sur les politiques prioritaires du gouvernement PPG
-
Discours de la Première ministre 3 mai 2023 sur PPG et les chantiers
DITP et CITP
-
Décret n° 2017-1584 du 20 novembre 2017 relatif à la direction interministérielle de la transformation
publique et à la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de
communication de l'État
-
Décret n° 2017-1586 du 20 novembre 2017 relatif au comité interministériel de la transformation
publique et au délégué interministériel à la transformation publique
AP 2022
-
Circulaire PM du 26 septembre 2017
-
Forum de l'action publique, résultats et principaux enseignements de la consultation des agents et usagers
du service public
-
Rapport CAP 2022
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
78
Organisation administrative
-
Circulaire du 24 mai 2017 relative à une méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et
efficace, prévoit de renforcer la responsabilité des directeurs d’administration centrale et de systématiser
les feuilles de route ministérielles.
-
Circulaire du 24 juillet 2018 sur l'organisation territoriale des services public
-
Circulaire du 24 juillet 2018 sur l'organisation de ces administrations centrales
-
Circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles
méthodes de travail
-
Décret n° 2019-760 du 24 juillet 2019 relatif aux secrétaires généraux des ministères et à la
transformation des administrations centrales
-
Circulaire 12 juin 2019 réforme de l'organisation territoriale de l'État [quatre objectifs : mieux répartir
les missions entre les divers acteurs, réorganiser le réseau étatique, mutualiser les moyens et
responsabiliser davantage les acteurs départementaux, collectivités et État.]
-
Décret n° 2019-769 du 24 juillet 2019 relatif au comité interministériel régional de transformation des
services publics
-
Circulaire n°6251/SG du Premier Ministre du 10 mars 2021, « Accélérer la déconcentration de la gestion
budgétaire et des ressources humaines pour renforcer la capacité d’action de l’Etat dans les territoires
»
-
Secrétariats communs départementaux :
Décret 7 février 2020,
Circulaire n° 6104-SG du 2 août 2019 relative à la constitution de secrétariats généraux communs aux
préfectures et aux directions départementales interministérielles
Plan d'action et de soutien pour les SG communs départementaux
Décret n° 2020-1050 du 14 août 2020 modifiant le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif
aux directions départementales interministérielles
-
DREETS: Décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 relatif à l'organisation et aux missions des
directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, des directions
départementales de l'emploi, du travail et des solidarités et des directions départementales de l'emploi,
du travail, des solidarités et de la protection des populations
-
Décret n° 2021-1393 du 27 octobre 2021 modifiant certaines dispositions relatives aux emplois de
direction de l’État
-
Décret n° 2022-634 du 22 avril 2022 relatif au contrôle et à l'audit internes de l'État
RH
-
Circulaire du 20 septembre 2021 DGAFP/DB sur la garantie de maintien de la rémunération en cas de
mobilité au sein des services déconcentrés de l'État
-
Circulaire 22 décembre 2021 : élargissement de la faculté de choix des c
ollaborateurs et mise en œuvre
du redéploiement de 3 % des effectifs
-
Arrêté du 23 novembre 2022 sur CIA des préfets (article 5)
Simplification
-
Circulaire du 12 janvier 2018 relative à la simplification du droit et des procédures en vigueur
-
Circulaire du 24 octobre 2017 relative à la modernisation des procédures de consultation préalable et
réduction du nombre des commissions consultatives
-
Circulaire du 12 septrembre 2018 Poursuite de la modernisation des procédures de consultation préalable
et réduction du nombre des commissions consultatives
LA MODERNISATION DE
L’ÉTAT : DES METHODE
S RENOUVELEES, UNE AMBITION LIMITEE
79
-
Décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018 relatif aux conditions de publication des instructions et
circulaires
Numérique
-
Circulaire n°6264/SG du 27 avril 2021 relative à la politique publique de la donnée, des algorithmes et
des codes sources
-
Plans d'action pour un gouvernement ouvert 2018-2020 & 2021-2023
-
Plan national pour un numérique inclusif présenté le 13 janvier 2018 (cf. site mission société numérique)
-
Feuille de route de la DINUM (intéressant pour les constats qu'elle pose)
Transition écologique
-
Circulaire n°6145/SG du 25 février 2020 : engagements de l'État pour des services publics éco-
responsables.
Expérimentation
-
Décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à l'expérimentation territoriale d'un droit de dérogation
reconnu au préfet
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Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet