PRÉSENTATION À LA PRESSE DES OBSERVATIONS DÉFINITIVES
PORTANT SUR LE CONTRÔLE DU CENTRE NATIONAL
DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE
Mercredi 20 septembre
Cour des comptes
Discours de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames et messieurs,
Bonjour et merci de votre présence.
Je suis heureux de vous accueillir pour vous présenter le
rapport de la Cour relatif au contrôle du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC. A
mes côtés, sont présents Nacer Meddah, Président de la 3
ème
Chambre et Yves Rolland, rapporteur
général. Je salue également la présence dans la salle des
rapporteurs
: Jeanne-Marie
Prost
,
conseillère maître en service extraordinaire, Anne
Le Lagadec
, conseillère référendaire en service
extraordinaire, Benjamin
Boscher
, auditeur, Fazia
Meziane-Boutemeur
, vérificatrice ainsi que celle
de la contre-rapporteure, Christine
de Mazières
, conseillère maître, présidente de la section Culture
et communication.
Le rapport sur l’action du CNC que nous publions aujourd’hui est riche d’enseignements à plusieurs
égards :
pour la Cour, l’organisme contrôlé, ses tutelles et les citoyens
.
***
I.
Avant d’en dévoiler les principaux messages, j’aimerais préciser la nature de notre
publication.
-
Ce sont les observations définitives issues du contrôle organique du CNC, couvrant les
exercices 2011 à 2022
.
C’est donc d’un contrôle des comptes et de la gestion, comme la Cour a l’habitude de le
faire régulièrement avec les grands opérateurs de l’État. C’est un rapport corpulent,
d’une centaine de pages, constituent un rapport très complet, solide, particulièrement
documenté qui traite tout à la fois de la portée des nombreuses actions menées depuis
10 ans par cet opérateur emblématique du ministère de la culture. Il comporte
également des aspects plus techniques, relatifs à la gestion organique même du Centre
(gestion immobilière, comptable, des systèmes d’information etc.).
-
Par ailleurs, ces observations définitives, sont accompagnées d’un référé, c’est une
communication du Premier Président à la Première Ministre,
afin lui faire connaître les
principales observations et recommandations formulées par la Cour. C’est une manière
un peu solennelle et directe de lui parler. Je me félicite que dans sa réponse, la Première
ministre partage un nombre important de nos constats et analyses.
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Comme le veut le principe de contradiction appliqué systématiquement par la Cour, ce référé et ces
observations définitives sont publiés avec les réponses reçues des destinataires : celles de la
Première ministre, des ministères de la culture et de l’économie et des finances ainsi que du CNC lui-
même.
*
II. Le rapport livre trois grands messages que je souhaite porter à votre connaissance :
-
Le premier, c’est que le CNC est un opérateur culturel de tout premier plan qui remplit de
nombreuses missions avec un certain nombre de points positifs ou encourageants que la
Cour a relevé
; je n’aime pas entendre dire que la cour épingle, que la cour critique, ce n’est
pas vrai.
-
Le deuxième message concerne la situation financière et la gouvernance de cet
établissement, qui justifie toute notre attention, parce qu’il y a des ressources assez
massives (821 M€ en 2022 dont 778 M€ de taxes affectées).
Le CNC se situe ainsi au 4
ème
rang des établissements publics collecteurs de taxes affectées qui constituent son mode de
financement principal. Cela implique et impose d’être particulièrement rigoureux dans la
façon d’appréhender sa gouvernance générale et financière ;
-
Enfin, le troisième message porte sur la performance du système d’aides tel que nous
avons pu l’apprécier
. Comme vous le savez, le CNC intervient à tous les niveaux de la filière,
de la production à l’exploitation et à la diffusion.
Il dispose d’instruments nouveaux à
destination des filières cinématographies et audiovisuelles à commencer par le versement de
soutiens publics (675 M€ en 2022) ou encore d’un pouvoir d’agrément aux différents crédits
d’impôts (545 M€ en 2022). La Cour ne se prononce pas sur la qualité artistique des films ou
des productions soutenues – en aucun cas nous le ferions, c’est en dehors de son rôle ! –, il
est de sa mission d’analyser les effets de la politique publique déployée dans son ensemble,
dont le CNC est l’opérateur essentiel, en quelque sorte le bras armé : la progression de la
production, l’évolution de la fréquentation, l’export, les modes de diffusion etc.
*
1. Je vais commencer par la façon dont ce rapport analyse le rôle et le fonctionnement du
CNC.
Bien connu des français, le CNC est l’un des plus anciens opérateurs du ministère de la Culture,
imaginé par Jean Zay, et formellement créé en octobre 1946
. Il faut souligner que, dès l’origine, le
législateur fait un choix original en réunissant au sein d’un même organisme, placé sous l’autorité du
ministre alors chargé du cinéma – pas le ministère de la Culture –, et d’emblée le CNC a fait une large
place aux professionnels, les missions de conception incombant traditionnellement à la puissance
publique et les tâches d’exécution qu’elles impliquent.
Aujourd’hui encore, le CNC est tout à la fois une direction d’administration centrale du ministère
de la culture – il n’y a pas une direction du cinéma qui assurerait la tutelle – et un établissement
public administratif, indépendant, autonome, disposant d’un pouvoir de régulation
. Ça reflète la
mission fédératrice du CNC, mais elle n’est pas sans conséquence sur sa gouvernance.
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La Cour a donc examiné 11 années d’exercice du Centre, de 2011 à 2022.
Le dernier rapport de la
Cour consacré au CNC a été publié en 2012 et portait sur la période 2007 à 2011. Se sont succédé 3
directeurs, une crise sanitaire ayant particulièrement affecté le secteur du cinéma, sur lequel la cour
avait travaillé au cours d’un audit flash, ainsi qu’un certain nombre d’évolutions majeures dans les
consommations culturelles des Français.
Au cours du travail d’instruction, les équipes de la Cour ont
procédé à l’analyse fine d’une documentation fournie, et à plus de 100 auditions avec des
personnalités et experts du secteur : des producteurs, des diffuseurs, des exploitants, des
réalisateurs, des représentants syndicaux. Bref, toute la chaîne de valeur que les directeurs et
personnels du CNC côtoient au quotidien. Ce travail permet de comprendre fidèlement les jalons du
secteur contrôlé et, en l’espèce, l’économie des filières.
Ce rapport détaille et explique parfaitement le fonctionnement et les objectifs assignés au CNC,
mais j’aimerais les rappeler d’un mot devant vous.
D’abord un objet «
sui generis
», à la fois
opérateur et régulateur, il détient un mode de relation spécifique avec le ministère de la culture et
aussi avec les professionnels des différentes branches du secteur. Son champ d’intervention s’est
étendu au cours du temps : le cinéma – bien sûr c’est sa raison d’être à sa création –, mais aussi la
vidéo, la création audiovisuelle, l’animation et les industries techniques ; ses missions, quant à elles,
sont larges et définies par la loi. Le CNC est donc le fer de lance de l’intervention publique dans le
secteur du cinéma et de l’audiovisuel, apportant directement au secteur un financement public sous
formes d’aides sélectives et d’aides automatiques à hauteur de plus de 650 M€ ; je rappelle que les
aides automatiques permettent aux producteurs de bénéficier d'un soutien financier sous la forme
d’un droit de tirage calculé à partir des recettes d'exploitation de leurs films en salles, mais aussi de
la diffusion de ces films à la télévision et sur le marché de la vidéo – montant qui pourra être ensuite
réinvesti dans une nouvelle production.
D’emblée, je le redis et j’insiste, il s’agit bien d’argent public contrairement à ce que certains
voudraient laisser croire.
En effet,
le financement du CNC est adossé sur 4 taxes affectées,
déterminées par le législateur, que sont :
-
les recettes d’exploitation des salles (
TSA
– taxe spéciale additionnelle), la taxe historique ;
-
les deux taxes sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision (
TST-D et TST-E) ;
-
la taxe sur les services vidéo (
TSV
).
Sans détailler ici l’ensemble des développements de cette première partie du rapport, je veux
souligner – il faut le faire – car la Cour n’est pas là pour ne délivrer que des cartons rouges et
jaunes mais des cartons verts, il y a deux sources de satisfaction que l’instruction met en lumière :
En premier lieu, le CNC est un établissement qui fonctionne bien et qui remplit ses missions de
façon satisfaisante
.
La Cour est dans son rôle lorsqu’elle souligne ce qui fonctionne. Dans notre précédent rapport nous
formulions de nombreuses préconisations : dix ans plus tard, une partie de ces recommandations ont
été mises en œuvre, en particulier celles relatives à la composition des commissions, à la
déontologie, à la réforme des aides de l’audiovisuel. Son expertise métier est forte, que ce soit dans
le fonctionnement des commissions, l’organisation des concertations, le rôle de « juge de paix » pour
les négociations clés comme celle de la chronologie des médias ou encore avec les institutions
européennes. L’établissement a ainsi relevé un grand nombre de défis depuis 10 ans. Il a notamment
accompagné la montée en gamme de la production audiovisuelle et son exportation et incité
efficacement les exploitants à la numérisation des salles, au bénéfice d’une fréquentation qui s’est
toujours maintenue.
4
En cela, le CNC est toujours le garant du modèle français d’exception culturelle, combinant
création et production indépendante (aussi appelée production déléguée).
Cela a permis un
maintien de la part de marché des films français de 40 % (alors qu’on le sait la plupart des cinémas
européens se sont fortement affaiblis depuis dix ans). L’animation est un secteur puissant largement
reconnu à l’étranger ou encore de séries audiovisuelles désormais dominantes sur le marché français
et qui progressent à l’international – ce n’était pas le cas il y a une quinzaine d’années, la Cour avait
d’ailleurs formulé quelques constats d’alerte sur ce point dans ses précédents rapports – qui ont été
entendu !
En second lieu, le rapport salue de façon générale la vision stratégique du Centre développée
depuis 2011 ainsi que sa capacité d’adaptation.
Le CNC a remarquablement adapté son modèle de
soutien à la révolution numérique comme en témoignent la sécurisation et l’élargissement de ses
ressources.
En effet, l’intégration des plateformes dans le financement de la création française est un point de
satisfaction. Elle a été initiée en 2013 avec l’extension de la taxe vidéo aux plateformes payantes
étrangères (dite taxe
Netflix
) puis aux plateformes gratuites en 2016 (dite taxe
YouTube
). Le CNC a
également été actif dans la transposition de la directive européenne SMA, qui étend aux plateformes
les obligations d’investissement dans la création cinématographique et audiovisuelle française et
européenne. C’est un atout incontestable pour la pérennité de notre modèle. Le CNC s’est aussi
montré réactif pendant la crise sanitaire en 2020 et 2021. La mise en place rapide des aides
d’urgence financées par des crédits ainsi celle d’un fonds de garantie pour les tournages se sont
révélées efficaces, en permettant aux producteurs de reprendre les tournages dès juin 2021, dès le
lendemain du confinement, pour un coût budgétaire au total limité.
Voilà pour les motifs de satisfaction, cela ne veut pas dire qu’on va passer aux points d’insatisfaction,
mais il faut maintenant mettre de la nuance.
*
2. Le deuxième message que je souhaite porter à votre attention est un message de
vigilance sur le pilotage du CNC.
Le rapport analyse en profondeur les comptes du CNC avec une attention particulière portée à la
politique des provisions déployée depuis 10 ans, ainsi qu’aux enjeux de gouvernance du Centre
.
J’aimerais synthétiser nos messages sur ces deux points, et souligner que nos recommandations
forment un ensemble cohérent pour améliorer le pilotage global du CNC.
S’agissant des comptes et de la situation financière du CNC, je veux d’abord souligner que le Centre
dispose d’un budget important
.
Au cours de la période sous revue, ses ressources ont été dynamiques, ce qui a conduit l’État à
effectuer des prélèvements de 2011 à 2014. Sur les années qui suivent, sa trésorerie et son fonds de
roulement déjà élevés ont progressé tendanciellement (respectivement de 727 et 818 M€ en 2022),
tandis que ses résultats nets de gestion sont demeurés négatifs ou faiblement positifs entre 2011 et
2022, ce qui est, d’une certaine façon, paradoxal.
Cette situation, ce paradoxe ce hiatus, les provisions qui augmentent et les résultats qui baissent,
s’explique en grande partie par la politique de provisions du CNC, que ce rapport remet en lumière
.
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Le CNC dispose de plus d’un milliard d’euros de provisions en 2022, les principales provisions étant
essentiellement constituées pour charges de soutiens automatiques et sélectifs, ainsi que par des
provisions pour risques et pour dépréciation de l’actif.
La Cour relève que, sur la période contrôlée, les provisions augmentent beaucoup plus rapidement
que les aides distribuées par le CNC
. Il ne s’agit pas aujourd’hui de porter un jugement définitif, mais
de mettre en place des revues annuelles, et de réexaminer leurs règles de constitution avec l’aide
d’un commissariat aux comptes. Cela renforcerait la lisibilité des comptes et permettrait au Centre
de regagner des marges de manœuvre.
C’est pourquoi la Cour recommande de renforcer les outils de gouvernance financière du Centre,
avec la création d’un comité d’audit rattaché au Conseil d’administration comme il en existe pour
de nombreux établissements culturels.
Par ailleurs, cet appui serait utile au regard de l’extrême
technicité des états financiers et comptables liés à l’ampleur et aux nombreux modes d’intervention
du CNC.
Je me félicite sur ce point de la réponse du gouvernement. Je prends pour ma part la réponse de la
Première Ministre au sérieux qui s’engage à ce que le CNC révise ses présentations budgétaires et
comptables dans le sens d’une plus grande clarté, conformément à nos préconisations. Il s’agit d’une
garantie de bonne gestion, et la Cour s’interroge d’ailleurs sur les raisons pour lesquelles cette
proposition n’est pas acceptée avec plus enthousiasme par le CNC lui-même.
Au fond, ces recommandations n’ont pas d’autres objectifs que de nous assurer du meilleur emploi
possible de la ressource publique et d’accroître la transparence de gestion du CNC – surtout dans
un contexte où le CNC connait, a fortiori, une bonne dynamique de ressources
. En effet, le retour
de la fréquentation des salles à ses niveaux d’avant Covid, dont il faut se féliciter, et l’essor des
plateformes avec la croissance de la TSV (taxe sur la vidéo en ligne) qui accompagne de nouvelles
pratiques de consommation culturelle permettront d’augmenter encore les taxes affectées qui
poussent les ressources du CNC vers le haut.
Au-delà, le CNC a largement bénéficié, pour le compte de la filière, de crédits budgétaires
exceptionnels dans le contexte de la crise sanitaire
:
424 M€ lui ont à ce titre été octroyés en 2020
et 2021
. Et des studios de tournage et des écoles de formation techniques sélectionnés par le CNC
bénéficient, via la Caisse des Dépôts, d’importants nouveaux crédits budgétaires au titre de la
Grande fabrique de l’image, un programme de France 2030.
De même, le rapport documente l’évolution des crédits d’impôt pour les secteurs du cinéma, de
l’audiovisuel, de l’animation et du jeux vidéo
. Là aussi ces dépenses fiscales liées aux crédits d’impôt
du CNC ont progressé de 160% entre 2011 et 2021 (151M€ en 2011 ; 394 M€ en 2021). Ces chiffres
sont importants pour comprendre les différentes formes de soutien apporté au secteur dans son
ensemble – qui reste très bien financé contrairement à ce que je peux lire ici ou là : donc pas de
pénurie. Les dépenses fiscales sont le choix du législateur. Cependant, si la Cour ne mésestime pas
les enjeux de concurrence européenne entre les dispositifs fiscaux, il me semblerait utile sinon
nécessaire, compte tenu de la dynamique de dépenses, que le ministère des finances mène une
évaluation des crédits d’impôts à l’aune des défis précités.
Il y a trop de crédits d’impôts qui sont distribués sans qu’ils soient réévalués. Il faudrait
instaurer une durée maximale pour les crédits d’imports, non pas pour les enlever, mais pour en
contrôler la pertinence à terme.
Après les analyses tirées de la situation financière du CNC, j’en viens à la gouvernance générale du
Centre
.
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Le CNC et le ministère de la Culture mettent en avant le statut
sui generis
de l’établissement afin
d’expliquer son autonomie de décision et même une certaine forme d’indépendance. Cependant,
comme je le soulignais à l’instant, au regard du mode de financement du CNC et des observations
relevées par le contrôle, il semble indispensable que le CNC rende compte plus précisément de son
action auprès de ses tutelles, des ministères de la culture et des finances. C’est de l’argent public et
son emploi doit être rendu public, nul ni échappe. Par exemple, nous nous étonnons de l’absence des
outils de pilotage de référence prévus par les circulaires du Premier ministre pour organiser les
relations de l’État avec ses opérateurs : un contrat d’objectifs et de performance (COP) négocié, une
lettre de mission au président de l’établissement qui formalise ses objectifs stratégiques et
opérationnel…. Sur ce point, je me réjouis également de la réponse de la Première ministre, qui
accepte le principe d’une lettre de mission pour le prochain président cosignée par les deux
ministères de tutelle (le ministère de la culture, le ministère des finances), pour qu’il y ait un
minimum de contrôle politique.
*
3. Enfin, ce sera mon troisième et dernier message, je voudrais terminer ce propos en
évoquant la nécessaire simplification du système d’aides et de soutiens octroyés par le CNC. C’est
évidemment le sujet le plus délicat ;
Le sujet de la lisibilité des aides et d’une éventuelle simplification est posé depuis plusieurs années
.
Cette question a été régulièrement soulevée dans un contexte dynamique de création des aides. Le
nombre et la complexité des dispositifs n’a pas diminué, bien au contraire, la crise sanitaire ayant
conduit à de nouveaux aménagements. On dénombrait 120 dispositifs d’aides en 2021 contre 88 en
2011, c’est une floraison. En sus, les modifications constantes de leur règlement général rendent leur
évaluation très difficile, ce qui constitue un élément de fragilité partagé par tous, y compris par
l’établissement lui-même.
Evidemment, les professionnels des différentes filières restent attachés à ces multiples dispositifs «
à la carte » et ils les défendent vivement, au motif d’une bonne adéquation aux besoins
. Mais nous
pensons que le sujet de la lisibilité des aides et d’une éventuelle simplification doit être posé. Ce
sujet est d’autant plus d’actualité, que l’instruction a mis en lumière un travail interne pour le coup
approfondi d’auto-évaluation des dispositifs, déjà conduit par les équipes du CNC. Cet avant-projet
de révision général des soutiens (RGS) avait été annoncé et engagé par le président actuel du CNC,
Dominique Boutonnat, avant la crise sanitaire.
La Cour souhaite que cette revue générale des aides conduite au sein du CNC en 2020/2021 ne
reste pas lettre morte, mais aboutisse à des réformes concrètes
. La Première ministre partage
d’ailleurs ce souci que le CNC puisse capitaliser sur la revue générale des soutiens déjà effectuée, et
poursuive les premières démarches amorcées.
Par ailleurs, une réflexion sur le système de soutien et son impact sur la production s’impose.
Il ne
revient pas à la Cour de s’exprimer sur le niveau de films ou de productions adéquates, encore moins
de se prononcer sur la qualité des films ou des séries ; mais notre rapport documente des tendances
de fond à l’œuvre depuis 10 ans sur l’exploitation des œuvres de cinéma, à commencer par
l’augmentation constante du nombre de films produits.
En 2001, 172 films d’initiative française (FIF) avaient été produits, en 2019, 240, c’est une
augmentation de près de 40 % en 18 ans. Cette évolution va de pair avec l’augmentation des aides
sélectives, qui vise à encourager une plus grande diversité de la production. Malgré la stabilité
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relative, on remarque une érosion mais vraiment très légère de la fréquentation des films français,
soit 79,3 millions d’entrées pour la période 2006-2012, contre 75,9 millions d’entrées en 2013-2019,
une part importante et croissante de films ne trouve pas leur public dans les salles : en 2019, avant
même la crise sanitaire, un tiers des films d’initiative française ont moins de 20 000 spectateurs.
La Cour constate que cette tendance se conjugue paradoxalement avec une augmentation
significative des soutiens publics dans le financement de la production de films d’initiative française,
de 20 % en 2012 à 28 % en 2019.
De nombreux interlocuteurs rencontrés, pas tous, estiment que cette surabondance de l’offre de
films a des conséquences dommageables en termes d’exposition et de visibilité des films eux-
mêmes – de nombreux films restant simplement une semaine sur un nombre très limité d’écrans
.
Dans ce contexte, l’ouverture annoncée par le CNC d’une réflexion sur le système de soutien et son
impact sur la production est indispensable. Il s’agit de déterminer ce qui mérite d’être accompagné
ou non de façon volontariste, évidemment dans un secteur qui est protégé et qui doit être soutenu,
en lien étroit avec les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel bien entendu,
pour garantir
l’efficience du système et assurer une bonne allocation des ressources publiques.
Enfin, le renforcement des actions de lutte et de sanction des fraudes, engagé depuis 2018 avec la
création d’une commission indépendante de contrôle de la réglementation, est un élément positif
.
Ce dispositif, qui a déjà eu à juger de plusieurs cas, doit cependant être encore accentué au sein du
CNC, afin de nourrir une montée en puissance des sanctions de la commission de contrôle.
***
Voilà les principales observations que je souhaitais partager avec vous.
En guise de conclusion, je voudrais redire que le CNC est un établissement incontournable, un pilier
incontournable des politiques publiques de la culture.
Nous pouvons nous réjouir, même nous
enorgueillir, de disposer d’une politique qui bénéficie d’un large consensus des professionnels qui y
sont étroitement associés, d’avoir un secteur créatif, une production abondante avec des parts de
marchés satisfaisantes et qui perpétue un septième art né en France à la fin du 19
ème
siècle, grâce au
génie des frères Louis et Auguste Lumière.
Le CNC a aussi prouvé sa capacité à s’adapter à l’évolution des usages et aux mutations rapides du
secteur
.
Il est cependant du rôle de la Cour de relever, s’agissant du cinéma et malgré un
financement public qui s’est accrue au cours de la période, une moindre efficience des aides.
Compte tenu de l’importance de cette politique publique et de ses enjeux financiers, qui ne sont
pas négligeables, il est indispensable de parfaire les outils de gestion et comptable du centre, car
c’est un message fort qui doit être entendu : de continuer le travail d’évaluation et d’amélioration
des dispositifs d’aides dans une logique partenariale, et d’établir un cadre de gouvernance
renforcé.
Enfin, pour financer les besoins d’investissement futurs des filières, il nous semble que le
CNC, disposant de marges de manœuvre financières et de perspectives favorables de ressources
fiscales dans les années à venir, devrait être en mesure de trouver les moyens de participer à ces
investissements aujourd’hui largement financés par des crédits budgétaires, ne parlons pas de
débudgétisation, parlons d’une participation plus active au suivi projets sélectionnés.