COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Le 21 septembre 2023
Rapport public thématique
LES JEUX D’ARGENT ET DE HASARD : UN SECTEUR
EN MUTATION, DES ENJEUX DE RÉGULATION
Afin d’assurer la protection des joueurs face aux risques d’addiction et de prévenir les
activités frauduleuses ou criminelles, les jeux « d’argent et de hasard » font l’objet d’une
prohibition de principe depuis 1836, sauf dérogations expresses accordées sous condition
de préservation de l’ordre public. Ces jeux se répartissent en quatre catégories juridiques :
les loteries, les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de casinos. Avec près de 43 Md€
de mises enregistrées en 2021, le secteur est dynamique, tiré par des stratégies
commerciales offensives et une forte capacité d’innovation dans l’univers digital. Le rapport
publié ce jour analyse l’économie du secteur, propose un bilan des réformes menées à bien
en 2019 et examine les limites du cadre de régulation actuel face aux mutations de
l’économie ludique.
Un régime juridique strict, une économie prospère
Objet d’un régime juridique rigoureux, le secteur des jeux est composé d’opérateurs privés
autorisés par l’État et soumis à son contrôle administratif. Malgré ces freins à l’entrée et une
fiscalité spécifique lourde, il connaît une croissance continue : près de la moitié des Français
majeurs joueraient (dont 93 % aux loteries) et près d’un quart parieraient. Le produit brut des
jeux (PBJ), qui correspond à la différence entre les mises et les sommes reversées aux joueurs,
s’est élevé à 10,7 Md€ en 2021 et à 12,9 Md€ en 2022. Les dynamiques économiques sont
contrastées selon les opérateurs et les segments de jeux. La FDJ, privatisée en 2019, est
l’opérateur le plus important, avec 50,5% du PBJ du secteur en 2022, tous segments confondus.
La cession de la majorité du capital a rapporté 1,89 Md€ à l’État, qui reste actionnaire à hauteur
de 20 % et détient 28 % des droits de vote. La FDJ s’appuie sur plus de 30 000 points de vente
répartis dans plus de 11 000 communes. Le PMU est un groupement d’intérêt économique
(GIE) constitué par les sociétés de courses hippiques, qui a réalisé plus de 17 % du PBJ en dur
en 2022 (1,7 Md€) et déploie son offre de paris dans 235 hippodromes et quelques 13 000
points de vente. Les 209 casinos et clubs de jeux, soit indépendants, soit détenus par l’un des
grands groupes casinotiers, représente 20 % du PBJ global du secteur en 2022. Enfin, 17
opérateurs agréés « en ligne », aux statuts diversifiés et souvent situés à l’étranger sont en
concurrence sur le secteur des paris sportifs et hippiques et du poker en ligne. Le PBJ de ce
secteur représentait environ 20 % du PBJ global en 2021.
Un secteur modernisé en 2019, de nouveaux enjeux pour la régulation
La réforme du secteur des jeux en 2019 comportait trois volets : la privatisation de la FDJ ; la
réforme de la fiscalité spécifique des jeux ; la mise en place d’une autorité de régulation
indépendante pour l’ensemble du secteur.
La privatisation de la FDJ avait d’abord un objectif de rendement budgétaire, et ne visait pas à
réformer et « dynamiser » le secteur des jeux. Techniquement, la cession de l’entreprise a été
menée à bien dans de bonnes conditions, mais la Cour observe que le contenu du contrôle
étroit de l’Etat sur l’entreprise, prévu par la loi, doit encore être précisé.
Outre la TVA, l’IS et les taxes locales auxquels sont assujettis les opérateurs, les jeux d’argent
et de hasard sont surtout soumis à des prélèvements spécifiques, qui représentaient 90 % de
la fiscalité du secteur en 2021. Le produit de ces impôts spécifiques a atteint 5,8 Md€ en 2021.
Les gains des joueurs, quant à eux, sont globalement exonérés d’impôt. Alors que ces
prélèvements spécifiques étaient globalement assis sur les mises, la réforme engagée en 2019
a consisté à retenir comme assiettes le produit brut des jeux (PBJ), qui correspond à une forme
de marge brute des opérateurs. Au terme de la réforme, la fiscalité des jeux a gagné en
simplicité. La fixation d’un taux d’imposition par catégorie de jeu, au lieu d’un taux auparavant
pour chaque jeu, améliore la lisibilité des règles fiscales et en simplifie la gestion, sans effet
négatif sur les recettes publiques. Il importe cependant que cette fiscalité fasse l’objet d’un suivi
et d’une analyse économique précis pour mesurer ses effets sur les différents jeux et leur
dynamique.
L’Autorité nationale des jeux (ANJ), autorité collégiale de régulation et de surveillance, a
succédé en 2020 à l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), qui avait été créée en 2010.
Ses missions sont plus larges et elle dispose de pouvoirs significatifs de contrôle. Depuis mi-
2020, l’ANJ s’est affirmée dans son rôle d’interlocuteur des opérateurs. En septembre 2022,
l’ANJ a saisi pour la première fois la commission des sanctions, au terme d’une procédure qui
reste cependant longue à mettre en œuvre. Mais la Cour relève que cette autorité
administrative indépendante ne dispose pas de toutes les compétences utiles, au regard
notamment des innovations qui surgissent dans l’univers numérique.
Les nouveaux défis de la régulation publique
La créativité et l’innovation digitales posent des défis à un cadre de régulation conçu pour
protéger les joueurs. La distinction « jeux en dur » et « en ligne », centrale dans l’organisation
française depuis 2010, est brouillée par le développement d’offres dites « omnicanales » par
des opérateurs présents sur les deux segments. Les défis de la diversification notamment sur
de nouvelles offres qui présentent les caractéristiques de jeux d’argent et de hasard mais
échappent à la règlementation : c’est le cas des jeux recourant à des jetons non fongibles ou
NFT, dont la Cour recommande de fixer le régime juridique avec des garanties aussi fortes que
celles qui entourent les jeux d’argent et de hasard ; c’est le cas aussi des paris sur des
compétitions virtuelles ou d’«
eSport
» qui ne sont pas légaux et dont certains opérateurs
plaident la légalisation afin de canaliser la demande vers une offre légitime. Les métavers
ouvrent aussi des perspectives d’immersion dans des environnements virtuels fermés propices
aux jeux et aux addictions. Ces développements, qui peuvent présenter des risques au regard
des objectifs de la politique des jeux, appellent de la part de l’État et du régulateur vigilance et
réactivité.
Lire le rapport
CONTACTS PRESSE :
Julie Poissier
Responsable du pôle médias
T
06 87 36 52 21
julie.poissier@ccomptes.fr
Eran Guterman
Chargé des relations presse & réseaux sociaux
T
06 11 41 46 64
eran.guterman@ccomptes.fr
@Courdescomptes
ccomptes
Cour des comptes
Cour des comptes