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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LES JEUX D’ARGENT
ET DE HASARD :
UN SECTEUR
EN MUTATION,
DES ENJEUX DE
RÉGULATION
Rapport public thématique
Synthèse
Septembre 2023
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
1
Un secteur économique très encadré qui a connu
des évolutions importantes depuis son ouverture
à la concurrence
5
2
Une économie prospère qui se numérise rapidement
7
3
Des dynamiques économiques contrastées
selon les opérateurs et les segments de jeux
9
4
Une numérisation du secteur qui accroît
la concurrence et favorise l’innovation
13
5
Des recettes fiscales non négligeables,
une évaluation à renforcer
15
6
La régulation des jeux, une construction à consolider
17
7
L’ANJ, une jeune institution
aux responsabilités renforcées
19
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Un secteur économique
très encadré qui a connu des
évolutions importantes depuis
son ouverture à la concurrence
Depuis l’interdiction des loteries en
1836, les jeux « d’argent et de hasard »
font l’objet d’une prohibition de
principe, sauf dérogations législatives .
De telles dérogations ont été décidées
au fil du temps, pour des motifs
sociaux, budgétaires ou économiques .
Elles couvrent les loteries (jeux de
grattage ou de tirage), les paris
hippiques, les jeux de casinos (ou « de
table »), les machines à sous et les paris
sportifs . L’encadrement législatif de
ces jeux vise à préserver l’ordre public,
notamment en veillant à la protection
des joueurs et à la prévention des
activités frauduleuses ou criminelles
et en soumettant leurs opérateurs à un
droit et une fiscalité d’exception, pour
une activité qui n’est
« ni un commerce
ordinaire, ni un service ordinaire »
selon
l’article L .320‑2 du code de la sécurité
intérieure .
Ce secteur a connu depuis les années
1990 des évolutions importantes,
sous la double impulsion de la
jurisprudence de la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE) et de la
numérisation des jeux . Il a été réformé
par la loi du 12 mai 2010 relative à
l’ouverture à la concurrence et à la
régulation du secteur des jeux d’argent
et de hasard en ligne, qui a ouvert à
la concurrence les paris sportifs et
hippiques et le poker en ligne, puis
par la loi du 22 mai 2019 relative à
la croissance et la transformation
des entreprises (dite « loi Pacte ») .
Cette dernière, en même temps
qu’elle autorisait la privatisation
de la Française des Jeux (FDJ), a
réorganisé ce cadre de régulation avec,
notamment, la création de l’autorité
nationale des jeux (ANJ) . En 2020,
l’assiette fiscale des différentes formes
de jeux autorisés a été unifiée .
Depuis la loi du 12 mai 2010
1
, le
droit français distingue une offre de
jeux proposée en points de vente
physiques, dits « en dur », et une offre
dématérialisée, accessible « en ligne » .
Le secteur des jeux est formé
d’opérateurs privés, désignés ou
autorisés par l’État et soumis à son
contrôle administratif . La FDJ et le Paris
mutuel urbain (PMU) exploitent au sein
d’un réseau physique des droits exclusifs
sur les loteries et les paris sportifs
et hippiques . Les casinos et clubs de
jeux parisiens exploitent des jeux de
table, les premiers détenant aussi
l’exclusivité sur les machines à sous .
Enfin, 17 opérateurs agréés exploitent
« en ligne » et en concurrence des paris
hippiques, des paris sportifs et du poker .
1 . Le présent rapport est fondé sur les données budgétaires, financière, fiscales et d’activités
jusqu’à 2021 . Chaque fois que possible, elles ont été actualisées à 2022 .
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Composition du secteur des jeux d’argent et de hasard
Jeux de tirage
et de grattage
Paris sportifs
Paris hippiques
Jeux de casinos
Monopole FDJ
Monopoles
locaux (DSP) :
202 casinos /
7 clubs de jeux
Concur-
rence
(poker)
Autres
jeux
interdits
Monopole FDJ
Monopole FDJ
Monopole PMU
Concurrence
Concurrence
Réseau
physique
(« en dur »)
Réseau
dématérialisé
(« en ligne »)
Source : Cour des comptes
Un secteur économique très encadré
qui a connu des évolutions importantes
depuis son ouverture à la concurrence
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Comme dans beaucoup de pays,
l’engouement des Français pour les
jeux ne se dément pas et, malgré les
freins institutionnels et la fiscalité,
le secteur connaît une croissance
continue . D’après les sondages
effectués, près de la moitié des
Français majeurs joueraient (dont
93 % aux loteries) et près d’un quart
parieraient . Depuis l’autorisation des
jeux en ligne en 2010, les mises ont
crû de 42 % pour atteindre 43,2 Md€
en 2021 . Le produit brut des jeux
(PBJ) réalisé par les opérateurs (qui
correspond au total des mises moins
le total des sommes reversées aux
joueurs, avant impôts) s’est élevé en
2021 à 10,7 Md€ et à 12,9 Md€ en
2022, en hausse de 20 % en un an,
après une décennie de croissance
régulière (+ 16 %) .
L’activité « en dur », tirée par le loto,
reste dominante . Elle représente
83 % du PBJ du secteur . L’activité
« en ligne » a aussi progressé, que
ce soit en nombre de joueurs ou en
mises, surtout au bénéfice des paris
sportifs, dont le PBJ a décuplé depuis
2015 . La crise sanitaire, qui a restreint
l’accès aux points de vente en 2020,
a accéléré cette évolution . Mais cette
croissance « en ligne » a connu un
coup d’arrêt en 2022 . La part du PBJ
du marché en concurrence est passée
de 15 % en 2019 à 26 % en 2021 avant
de redescendre à 23 % en 2022, à la
suite de la réouverture complète des
réseaux physiques de distribution . Le
nombre de comptes joueurs « unique »
a augmenté de 6 % entre 2021 et
2022, mais les PBJ des paris hippiques
et sportifs ont stagné .
Cette distinction entre jeux « en dur »
et « en ligne » est la clef de voute de
l’organisation française depuis 2010 .
Elle tend pourtant à se brouiller avec
la numérisation et les stratégies de
diversification des jeux . Ainsi, la FDJ, de
même que le PMU et certains groupes
de casinos, sont aussi des opérateurs
agréés de paris ou de poker en ligne .
Pour la FDJ comme pour le PMU,
les comptabilités des activités sous
droits exclusifs sont séparées de celles
des activités en concurrence, mais
au plan des offres commerciales et
des stratégies promotionnelles, cette
distinction s’estompe .
2
Une économie prospère
qui se numérise rapidement
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une Française des Jeux
désormais privatisée
qui domine le marché
La FDJ domine le secteur des jeux,
dont elle a réalisé 50,5 % du PBJ global
en 2022, tous segments confondus .
Après la crise sanitaire, elle a retrouvé
rapidement son niveau d’activité .
En 2019, la FDJ, privatisée, est
devenue une société cotée . La cession
de la majorité du capital a rapporté
1,89 Md€ à l’État, qui reste actionnaire
à hauteur de 20 % du capital et détient
28 % des droits de vote . L’opération
ne visait pas à modifier l’économie du
secteur des jeux mais découlait de la
nouvelle doctrine des participations de
l’État et de la nécessité de financer des
investissements publics prioritaires . La
FDJ a conservé ses droits exclusifs sur
toutes les loteries et les paris sportifs
« en dur » pour 25 ans, éventuellement
renouvelables, moyennant une soulte
de 380 M€ versée à l’État en 2020 .
La FDJ s’appuie sur plus de
30 000 points de vente répartis
dans plus de 11 000 communes . Sa
stratégie, établie jusqu’en 2025, vise
la diversification de ses activités de
jeux « en dur » et « en ligne », de
ses activités annexes en point de
vente (terminaux de paiement) et à
l’international (prestations « Business
to Business », loteries transnationales
comme Euromillions) . Son modèle
économique « extensif », qui consiste
à proposer de petites mises à un large
bassin de joueurs, vise à concilier
profitabilité et objectifs d’ordre
public, en canalisant les joueurs vers
le circuit légal . La FDJ est engagée
dans l’acquisition de l’opérateur agréé
de paris hippiques et sportifs ZEturf,
principal concurrent en ligne du PMU
pour les paris hippiques .
Un PMU modernisé qui cherche
à accroître sa rentabilité
Le PMU est un groupement d’intérêt
économique (GIE) constitué par les
sociétés de courses de galop et de
trot . Il a conservé cette forme juridique
malgré une tentative de le transformer
en société anonyme en 2020, mais a
gagné en autonomie pour élaborer sa
stratégie de développement . Il a réalisé
plus de 17 % du PBJ « en dur » en
2022 (1,7 Md€) . Ce GIE dispose, sans
limite de temps, de droits exclusifs
pour les paris hippiques mutuels « en
dur », dont les bénéfices (740 M€ en
2021) financent la filière des courses
hippiques et les éleveurs de chevaux .
Le PMU déploie son offre de paris
dans 235 hippodromes et quelques
13 000 points de vente . Après la crise
sanitaire, il a rétabli progressivement
son chiffre d’affaires au niveau atteint
3
Des dynamiques économiques
contrastées selon les opérateurs
et les segments de jeux
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des dynamiques économiques contrastées
selon les opérateurs et les segments de jeux
en 2019 . Il cherche à renouveler sa
clientèle en attirant de nouvelles
générations de parieurs . Il s’est
également ouvert à une clientèle
étrangère, qui comprend les
« grands parieurs internationaux »,
qui exploitent en temps réel un très
grand volume de données au moyen
d’algorithmes prédictifs afin de
déterminer les probabilités de gains
sur un ensemble de courses . Le PMU
réalise avec eux plus de 10 % de ses
enjeux . Les pratiques de ces opérateurs
étrangers, qui prennent leurs paris pour
les reverser dans le pot commun des
paris « en dur », soulèvent plusieurs
questions, notamment en termes
d’égalité entre parieurs .
Des casinos et clubs de jeux
en situation de monopole local
et sans concurrence directe
en ligne
Les 202 casinos « en dur » sont soit
indépendants, soit détenus par l’un
des grands groupes casinotiers .
Ces derniers investissent aussi à
l’international . Le droit d’exploiter un
casino s’inscrit dans le cadre d’une
concession de service public conclue
avec une commune . Les casinos sont
soumis à des obligations particulières,
comme le développement d’activités
culturelles ou de restauration et, à
ce titre, contribuent à l’animation
et à l’économie locale . À Paris,
ils sont remplacés par sept « clubs
de jeux », actuellement en phase
expérimentale, qui appartiennent à
des groupes casinotiers . Ces clubs
de jeux proposent des jeux de table
mais ne sont pas autorisés à exploiter
des machines à sous . L’ensemble des
casinos et clubs de jeux représente
20 % du PBJ global du secteur en
2022, signe que le secteur s’est relevé
en une saison des effets de la crise
sanitaire (son PBJ avait chuté à 10 %
du PBJ global en 2021) .
Les casinos ont connu depuis 2011
une croissance de 7 % de leur PBJ,
réalisée pour l’essentiel (à 80 %) par
les machines à sous . La crise sanitaire
les a frappés durement, avec une
baisse de 55 % du PBJ entre les deux
saisons de 2019‑2020 et de 2020‑
2021 . Durant l’exercice 2021‑2022, la
fréquentation s’est redressée et les
mises ont crû de 130 %, atteignant
un niveau sans précédent . Les casinos
sont concurrencés par des « casinos
en ligne », illégaux en France, dont
l’interdiction n’est pas toujours connue
du grand public . Certains opérateurs
envisagent qu’ils soient autorisés
et s’y préparent, d’autres y mettent
des conditions ou s’y opposent pour
éviter une déstabilisation des casinos
existants et de leur bassin d’activité . Le
débat sur la canalisation des joueurs
de casino en ligne vers une offre légale
n’est aujourd’hui pas tranché . Il devrait
l’être après une analyse approfondie
tenant compte de tous les intérêts
concernés .
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des dynamiques économiques contrastées
selon les opérateurs et les segments de jeux
Des opérateurs en ligne
en compétition les uns
avec les autres
Enfin, 17 opérateurs agréés « en
ligne », aux statuts diversifiés
et souvent situés à l’étranger
(notamment à Malte), sont en
concurrence sur le secteur en
croissance des paris sportifs et
hippiques et du poker en ligne . Le PBJ
de ce secteur représentait environ
20 % du PBJ global en 2021 . Chacun
de ces trois segments est dominé
par un à deux acteurs principaux et
quelques compétiteurs secondaires . La
concurrence est forte sur le segment
en développement rapide des paris
sportifs, dont la part de marché a plus
que triplé depuis 2011 : environ 75 %
des parts de marché sont détenues par
les trois leaders du secteur, Winamax,
Betclic et Unibet . En revanche, la part
de marché des paris hippiques dans le
PBJ « en ligne » a été divisée par deux
en dix ans ; PMU et ZEturf, que la FDJ
se prépare à acquérir, réalisent 91 %
du PBJ de ces paris . Enfin, le poker en
ligne attire de nouveaux opérateurs,
dont la FDJ .
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des stratégies commerciales de
diversification et des politiques
d’expansion soutenues par des
campagnes publicitaires intenses ont
été déployées par les opérateurs en
ligne . La perspective de l’entrée sur
le secteur d’opérateurs étrangers
puissants exacerbe cette concurrence .
Les innovations des jeux en ligne
posent les questions de leur cadre
réglementaire, de leur autorisation et
de leur contrôle, et soulèvent des enjeux
fiscaux . Ainsi, les jetons non fongibles
ou NFT
(« non fungible token »),
qui
échappent pour l’heure au régime
règlementaire des jeux, peuvent s’insérer
dans une offre de services assimilable
à un jeu d’argent et de hasard, donc
soumis à agrément . Leurs promoteurs
rejettent cependant cette assimilation
en soutenant que leurs offres corres‑
pondent à des divertissements .
Les paris sportifs sur les compétitions
virtuelles ou d’
« e-sport »
ne sont
pas légaux, car ces compétitions
ne sont pas considérées comme de
nature sportive, mais sont difficiles
à sanctionner . Certains opérateurs
plaident pour leur autorisation afin de
canaliser la demande vers un cadre
légal, idée qui a retenu l’attention des
opérateurs autorisés, dont la FDJ .
Les métavers ouvrent aussi des
perspectives d’immersion dans des
environnements virtuels fermés
propices aux jeux .
Ces phénomènes, qui peuvent
présenter des risques au regard des
objectifs protecteurs de la politique
des jeux, appellent de la part de l’État
et du régulateur vigilance et réactivité,
mais aussi une capacité d’anticipation
des mutations à venir .
4
Une numérisation du secteur
qui accroît la concurrence
et favorise l’innovation
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les opérateurs sont assujettis aux
impôts de droit commun (impôt sur
les sociétés, taxes locales) . Cependant
les jeux d’argent et de hasard sont
surtout soumis à des prélèvements
spécifiques, qui représentaient 90 %
des prélèvements publics du secteur
en 2021 . Les gains des joueurs, quant
à eux, sont globalement exonérés
d’impôt .
La réforme des assiettes des
prélèvements spécifiques, auparavant
constituées des mises et désormais
du PBJ, a été engagée en 2018 pour
les clubs de jeux, sur le modèle de
prélèvement des casinos, et étendue
aux loteries et paris sportifs en
2020 puis aux paris hippiques en
2022 . Les taux ont été réhaussés
en conséquence de la réduction de
l’assiette, car l’un des objectifs de la
réforme était de maintenir un niveau
de prélèvement stable .
Prélèvements publics spécifiques pour l’État, le bloc communal
et les autres affectataires de 2015 à 2021 (en M€)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Recettes fiscales État
Recettes fiscales affectées
(autres que bloc communal)
Recettes fiscales bloc communal
Recettes sociales
3 547
271
302
733
275
283
750
3 745
283
318
760
3 770
281
199
895
4 268
303
199
949
4 603
190
212
770
3 695
178
242
903
4 517
Source : Cour des comptes à partir des données DB, DGFiP, DGDDI, FDJ et PMU
Le produit de ces impôts spécifiques
est passé de près de 5 Md€ à plus
de 6 Md€ entre 2015 et 2019, avant
de baisser en 2020 du fait de la crise
sanitaire puis de se rétablir en 2021
à 5,8 Md€ . En 2021, ces recettes ont
5
Des recettes fiscales
non négligeables,
une évaluation à renforcer
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des recettes fiscales non négligeables,
une évaluation à renforcer
alimenté le budget de l’État pour
77 % de leur montant, les organismes
sociaux pour 15 %, le bloc communal
pour 4 % (en provenance des
casinos et des courses) et d’autres
affectataires à hauteur de 4 % .
Les recettes fiscales de l’État sont
constituées aux deux tiers des produits
issus des loteries (2,9 Md€) . Celles du
bloc communal dépendent à plus de
80 % des prélèvements sur les casinos
(281 M€ en 2019) . Leur chute en 2020‑
2021 (à 155 M€) a été compensée par
des dotations exceptionnelles de l’État .
Les autres affectations, qui financent
des politiques publiques de soutien,
alimentent les sociétés de courses
(93 M€ de prélèvement sur les paris
hippiques), l’agence nationale du sport
(112 M€ issus de prélèvements sur les
loteries, les paris sportifs et hippiques
et le poker en ligne), l’Agence nationale
de santé publique (10 M€ issus des
paris hippiques et du poker en ligne)
et la fondation du patrimoine (31 M€
prélevés sur les loteries) .
Les recettes destinées aux organismes
sociaux, CSG, CRDS et prélèvements
sur les paris sportifs et le poker en
ligne, représentent près de 600 M€
dont plus de 70 % sur les loteries .
Cette fiscalité spécifique sur les
jeux d’argent et de hasard regroupe
plus d’une trentaine d’impôts, dont
la gestion reste complexe . Surtout,
ses effets sur l’économie des filières
ne sont pas mesurés . Une meilleure
connaissance serait opportune pour
s’assurer de son adéquation avec le
dynamisme du secteur, voire de son
adaptation aux nouvelles formes
de jeux .
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La régulation des jeux,
une construction à consolider
Le régime de régulation des jeux
mis en place par la loi Pacte et
l’ordonnance du 2 octobre 2019
réformant la régulation des jeux
d’argent et de hasard a clarifié le
périmètre des droits exclusifs, mieux
défini le « contrôle étroit » de l’État
sur les opérateurs qui en bénéficient et
renforcé le système de régulation du
secteur, avec la création de l’Autorité
nationale des jeux .
L’ordonnance du 2 octobre 2019 a
réaffirmé les objectifs de la politique
des jeux de l’État . Il s’agit de
« limiter et
d’encadrer l’offre et la consommation
des jeux et d’en contrôler l’exploitation
afin de :
1° Prévenir le jeu excessif ou
pathologique et protéger les mineurs ;
2° Assurer l’intégrité, la fiabilité et la
transparence des opérations de jeu ;
3° Prévenir les activités frauduleuses
ou criminelles ainsi que le blanchiment
des capitaux et le financement du
terrorisme ;
4° Veiller à l’exploitation équilibrée
des différents types de jeu afin d’éviter
toute déstabilisation économique des
filières concernés ».
La réforme a conservé aux pouvoirs
publics plusieurs responsabilités qui
nécessitent un engagement renouvelé
de tous les services de l’État et
le renforcement de la coordination
interministérielle, à côté des fonctions
de régulation dévolues à l’Autorité
nationale des jeux .
L’État veille à adapter le cadre juridique
du secteur . Il fixe par décret les
plafonds des taux de retour au joueur
(TRJ), qui se calculent en rapportant
pour une période donnée le montant
des sommes distribuées aux gagnants
à celui des mises engagées et
constituent un instrument central de
la régulation . Il approuve aussi les deux
« cadres de référence » des opérateurs,
le premier en matière de prévention
du jeu excessif et pathologique
et du jeu des mineurs, le second en
matière de lutte contre la fraude et le
blanchiment des capitaux .
Il exerce enfin des pouvoirs de police
administrative sur les jeux, ainsi qu’un
« contrôle étroit » sur la Française
des Jeux et un contrôle particulier,
comparable, sur le PMU .
Enfin, les modalités d’exploitation
des droits exclusifs sont détaillées
dans une convention et un cahier
des charges approuvés par décret
en Conseil d’État, et font l’objet d’un
rapport annuel adressé aux ministres
chargés de l’économie et du budget .
6
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La régulation des jeux,
une construction à consolider
Par ailleurs, la FDJ est soumise aux
obligations s’appliquant à tous les
opérateurs de jeux sous le contrôle
de l’ANJ, ainsi qu’à des obligations
spécifiques imposées aux deux
titulaires de droits exclusifs (FDJ
et PMU), notamment celle de faire
approuver par l’Autorité tout nouveau
jeu et le programme annuel de jeux .
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’ANJ, autorité collégiale de régulation
et de surveillance, a succédé en 2020
à l’Autorité de régulation des jeux
en ligne (Arjel), qui avait été créée
en 2010 . Elle veille au respect des
quatre objectifs de la politique des
jeux rappelés ci‑dessus et exerce une
surveillance des opérations de jeux .
Elle dispose de pouvoirs significatifs
de contrôle voire de sanction, même si
ces derniers n’ont pas encore trouvé à
s’appliquer en vitesse de croisière .
Depuis mi‑2020, l’ANJ s’est affirmée
dans son rôle d’interlocuteur des
opérateurs . Elle a contrôlé, approuvé
puis évalué la mise en œuvre de
leurs stratégies promotionnelles,
tenues de respecter des « lignes
directrices », et de leurs plans d’action .
Récemment, l’ANJ a rejeté la stratégie
promotionnelle de la FDJ, considérée
comme excessive . Elle a défini ou
homologué les caractéristiques
techniques des jeux en ligne et défini,
pour chaque discipline sportive, les
conditions des paris sur leurs résultats .
En septembre 2022, l’ANJ a saisi pour
la première fois sa commission des
sanctions, au terme d’une procédure
qui reste cependant longue à mettre
en œuvre .
Au vu des développements rapides du
secteur, l’ANJ et les administrations
concernées de l’État auront besoin
d’une expertise pluridisciplinaire
assurant des fonctions de veille,
d’alerte, de traitement des
informations et des statistiques ou
encore de réflexion prospective et de
recherche dans différents domaines
liés au jeu . L’ANJ doit aussi renforcer
son contrôle du respect du TRJ et des
stratégies promotionnelles agressives
des opérateurs, ainsi que poursuivre
le développement d’outils de blocage
des sites illégaux .
Le quatrième objectif de la politique
des jeux relatif à
« l’exploitation
équilibrée des différents types de jeu »
suggère une régulation économique,
mais ni son sens ni ses implications ne
sont clairement définis . L’ANJ dispose
de certains outils qui pourraient être
mis au service d’une telle régulation
économique, si une doctrine était
définie .
Bien qu’hétérogène, le secteur des
jeux d’argent et de hasard s’est
développé au cours des dix dernières
années de manière régulière . Le
développement des jeux en ligne,
dans un environnement concurrentiel,
explique une grande part de cette
croissance, en particulier au moment
de la crise sanitaire, même si leur PBJ
ne représente que 17 % du PBJ du
secteur en 2022 .
7
L’ANJ, une jeune institution
aux responsabilités renforcées
20
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’ANJ, une jeune institution
aux responsabilités renforcées
Le dynamisme du secteur provient
aussi de la mise en place de stratégies
publicitaires plus ciblées et plus
efficaces pour retenir l’attention
des joueurs, sans qu’elles aient été
immédiatement modérées .
Au‑delà de la régulation des
opérateurs en ligne en concurrence,
l’ANJ doit veiller à ce que les stratégies
des opérateurs détenteurs de droits
exclusifs restent conformes au cadre
de la politique des jeux défini par l’État .
Celle‑ci doit aussi s’assurer du respect
des principes qui fondent le cadre
juridique et justifie les dérogations
expresses à l’interdiction de principe
des jeux d’argent et de hasard,
en particulier lorsque de nouvelles
techniques, qu’il s’agisse d’algorithmes,
de
blockchains
ou de métavers,
décuplent les possibilités de jouer et
de parier . La création de nouveaux
outils de régulation et de sanctions
devrait renforcer les capacités d’action
de l’ANJ et les rendre plus adéquates
et rapidement effectives .
Toutefois, cette autorité administrative
indépendante ne dispose pas de
toutes les compétences utiles à la
régulation des dérives constatées ou
potentielles des opérateurs de jeux, au
regard notamment des innovations qui
surgissent dans l’univers numérique .
Le débat sur l’autorisation des casinos
en ligne reste posé, en lien avec
l’objectif d’éviter toute déstabilisation
économique des filières .
Cet objectif, s’il venait à s’incarner,
donnerait plus de poids à l’ANJ . Elle
aurait alors la possibilité d’examiner les
innovations de jeux et les adaptations
qu’elles nécessitent au regard des
objectifs protecteurs de la politique
des jeux .
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Produire à compter de 2024 une
synthèse bisannuelle des effets
de la fiscalité sur le produit brut
des jeux des opérateurs
(ministère
de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique,
ministère de l’intérieur et des Outre-
mer, ministère de l’agriculture et de la
souveraineté alimentaire).
2.
Constituer d’ici 2024, au sein de
l’ANJ, un pôle pluridisciplinaire de
veille, de collecte, d’analyse et de
recherche spécialisé dans les jeux
(ANJ).
3.
Fixer la doctrine d’action de l’ANJ
d’ici l’adoption de son prochain
plan stratégique pour le quatrième
objectif de la politique des jeux
prévu à l’article L .320‑3 du code de
la sécurité intérieure (« veiller au
respect de l’exploitation équilibrée des
différents types de jeux afin d’éviter
toute déstabilisation économique des
filières concernées »)
(ANJ).
4.
Dans le cadre du contrôle étroit
exercé par l’État sur la Française des
Jeux (FDJ), s’assurer de la cohérence
de la stratégie de développement
de l’entreprise 2025‑2030 avec les
objectifs définis à l’article L . 320‑3
du code de la sécurité intérieure
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique).
5.
Engager la convergence du
régime appliqué aux grands parieurs
internationaux du PMU avec celui des
paris en ligne
(ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, ministère
de l’agriculture et de la souveraineté
alimentaire).
6.
Soumettre au prélèvement sur le
PBJ les partenaires du PMU et au
titre des bénéfices non commerciaux
les gains des grands parieurs
internationaux du PMU réalisés en
France
(ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique).
7.
Donner la possibilité au président
de l’ANJ, préalablement à la saisine
de la commission des sanctions, de
mettre en demeure les opérateurs
de se conformer à ses demandes
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique).
8.
Fixer le régime juridique des jeux
d’argent et de hasard intégrant
les NFT
(ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique).