Sort by *
720123/SG
Paris,
le
7
septembre
2023
à
Monsieur
le
Premier
président
de
la
Cour
des
comptes
Objet
:
Référé
portant
sur
le
Centre
national
du
cinéma
et
de
l'image
animée
Par
courrier
en
date
du
6
juillet
2023,
vous
m'avez
adressé
un
référé
portant
sur
le
Centre
national
du
cinéma
et
de
l'image
animée
(CNC),
au
terme
duquel
la
Cour
des
Comptes
formule
six
recommandations,
en
m'invitant
à
vous
faire
part
de
mes
remarques
éventuelles.
A
titre
liminaire,
ces
observations
appellent
de
ma
part
deux
remarques
générales.
Premièrement,
comme
vous-même
le
relevez,
le
CNC
joue
un
rôle
essentiel
au
service
de
l'ensemble
des
secteurs
de
l'image
animée.
Son
activité
de
soutien
aux
filières,
tout
comme
son
activité
de
régulation,
contribuent
à
l'efficacité
de
la
politique
culturelle
française,
en
termes
de
niveau
de
fréquentation
(y
compris
au
travers
d'une
reprise
plus
vigoureuse
en
sortie
de
crise
sanitaire),
de
part
de
marché
des
films
nationaux
(supérieure
à
40
%,
contre
20
%
en
moyenne
chez
nos
voisins)
ou
de
récompenses
dans
les
festivals
les
plus
prestigieux
(la
France
représente
à
elle
seule
un
quart
des
films
sélectionnés
dans
les
10
plus
grands
festivals
en
2022).
Deuxièmement,
ce
modèle
singulier
n'empêche
en
rien
l'autorité
politique
de
définir
les
objectifs
à
atteindre
et
les
moyens
pour
y
parvenir.
Tout
au
contraire,
le
législateur
a
fait
le
choix,
original
mais
constant
depuis
l'origine,
de
doter
le
CNC
d'une
double
nature
puisque
son
président
exerce,
directement
au
nom
de
l'Etat,
les
missions
d'administration
centrale
relatives
au
cinéma
et
aux
autres
arts
et
industries
de
l'image
animée
et
se
trouve
placé,
dans
ce
cadre,
sous
l'autorité
hiérarchique
directe
de
la
ministre
de
la
culture
(article
L.
111-3
du
code
du
cinéma
et
de
l'image
animée).
Pour
ce
qui
regarde
les autres
missions
du
Centre,
les
échanges
permanents
avec
la
ministre
de
la
culture
et
son
cabinet,
l'exercice
conjoint
de
la
tutelle
par
la
ministre
de
la
culture
et
le
ministre
des
comptes
publics,
les
débats
récurrents
au
Parlement
sur
les
contours
et
le
niveau
des
taxes
affectées
au
Centre
traduisent
les
choix
de
politique
publique
assumés
par
le
Gouvernement
et
le
Parlement.
De
manière
plus
détaillée
à
présent,
les
observations
de
la
Cour
appellent
de
ma
part
les
analyses
suivantes.
Projet
de
recommandation
1
(CNC)
:
à
la
suite
de
la
revue
générale
des
soutiens,
mettre
en
oeuvre
une
réforme
approfondie
des
aides.
Le
rapport
de
la
Cour
pointe
la
croissance
du
nombre
de
films
français
et
des
financements
publics
associés
au
cours
de
la
période
sous
revue.
Je
souhaite
apporter
trois
éléments
en
réaction.
Tout
d'abord,
les
ressources
du
CNC
ont
connu,
pour
reprendre
les
termes
de
la
Cour,
une
«
relative
stabilité
»
entre
2011
et
2022.
Cette
stabilité
est
d'autant
plus
notable
que
cette
même
période
a
été
marquée
à
la
fois
par
l'élargissement
des
prérogatives
du
Centre
et
par
la
croissance
des
secteurs
aidés.
L'augmentation
des
financements
publics
évoquée
par
la
Cour
correspond
aux
différents
crédits
d'impôt
relevant
du
champ
CNC
(crédits
d'impôt
cinéma,
audiovisuel,
jeu
vidéo
et
international),
que
le
législateur
a
effectivement
fait
le
choix
de
renforcer
au
cours
de
la
période
sous
revue.
Or,
ce
choix
a
été
guidé
par
le
constat
que
ces
dispositifs
fiscaux
sont
désormais
déterminants,
dans
un
contexte
de
compétition
internationale
accrue,
pour
maintenir
et
attirer
les
tournages
en
France,
et
efficaces
en
termes
de
retombées
pour
l'emploi
et
l'économie.
Au
sujet
des
dotations
exceptionnelles
reçues
de
l'Etat
durant
la
crise
sanitaire,
celles-ci
ont
essentiellement
servi
à
déployer
des
soutiens
massifs
exceptionnels
nécessaires
au
maintien,
puis
à
la
reprise,
des
secteurs
du
cinéma
et
de
l'audiovisuel.
L'établissement
a
lui-même
subi,
au
plus
fort
de
la
crise,
une
baisse
très
importante
de
ses
recettes
fiscales
et
sans
ces
soutiens
exceptionnels,
le
CNC
aurait
été
dans
l'incapacité
de
mettre
en
oeuvre
les
soutiens
urgents
qui
s'imposaient.
Ensuite,
s'agissant
plus
spécialement
des
soutiens
à
la
production
cinématographique,
si
le
succès
en
salles
des
films
est
évidemment
un
indicateur
pertinent
au
moment
d'apprécier
l'efficacité
de
la
politique
menée,
celle-ci
poursuit
également
d'autres
ambitions
culturelles
dont
il
ne
saurait
être
fait
abstraction.
Le
renouvellement
de
la
création,
la
diversité
des
films
proposés
au
public
et
le
rayonnement
de
notre
cinéma
à
l'international
sont
autant
d'autres
facettes
à
intégrer
au
moment
d'analyser
les
résultats
atteints
et
qui,
en
l'occurrence,
s'avèrent
positives.
En
tout
état
de
cause,
d'une
part,
et
comme
la
Cour
le
reconnaît
d'ailleurs,
la
fréquentation
des
films
français
au-delà
de
fluctuations
inhérentes
à
une
économie
de
prototypes
telle
que
celle
du
cinéma
n'a
pas
connu
de
diminution
significative
au
cours
de
la
décennie
écoulée
:
au
global,
ceux-ci
continuent
de
représenter
plus
de
40
%
des
entrées,
et
la
part
de
ces
films
qui
ne
rencontrent
pas
leur
public
en
salles
reste
assez
stable
(environ
20
%
s'agissant
des
films
réalisant
ainsi
moins
de
10
000
entrées).
D'autre
part,
il
est
délicat
de
prétendre
déterminer
ex
ante
le
«
juste
»
volume
de
production
d'oeuvres
dans
la
mesure
deux
-tiers
des
films
sortant
en
salles
chaque
année
ne
sont
pas
aidés
par
le
CNC
(en
incluant
les
films
étrangers)
et
la
demande,
en
termes
d'entrées,
n'est
pas
figée.
Du
reste,
le
nombre
de
films
d'initiative
française
agréés
n'a
pas
connu
de
tendance
forte
et
constante
à
l'augmentation
au
cours
de
la
période
sous
revue
:
symptomatiquement,
le
niveau
de
2022
était
d'ailleurs
équivalent
à
celui
de
2012
(respectivement
209
et
208),
malgré
un
rebond
sur
la
période
2012-2019
(240
en
2019).
Enfin,
et
nonobstant
mes
deux
premiers
points,
je
partage
le
souci
de
la
Cour
que
la
production
cinématographique
française
soit
vue
par
un
public
aussi
large
que
possible.
Cette
ambition
suppose
effectivement,
comme
le
suggère
la
Cour,
de
corriger
ceux
des
soutiens
du
CNC
dont
l'efficacité n'apparaîtrait
pas
probante.
Le
Centre
pourra,
dans
cette
optique,
capitaliser
sur
les
constats
posés
dans
le
cadre
de
la
revue
générale
des
soutiens
(RGS)
qu'il
a
menée
à
partir
de
2019
grâce
à
une
analyse
interne
approfondie,
démarche
a
d'ores
et
déjà
produit
certains
résultats
(fusion
Unifrance
TVFI,
réforme
de
l'avance
sur
recettes)
qu'il
appartient
au
Centre
d'inscrire
dans
la
durée.
Sur
cette
question,
les
leviers
d'action
disponibles
ne
se
réduisent
aux
seuls
soutiens
à
la
production.
D'une
part,
les
autres
soutiens
du
CNC
l'éducation
à
l'image,
le
financement
des
médiateurs,
le
soutien
aux
investissements
des
salles
de
cinéma
sont
également
cruciaux
pour
améliorer
la
diffusion
de
nos
oeuvres
auprès
d'un
très
large
public.
D'autre
part,
les
outils
de
régulation
dont
dispose
la
puissance publique
contribuent
également
à
cet
objectif
de
diffusion.
C'est
d'ailleurs
dans
cette
optique
que,
sur
la
base
du
rapport
remis
en
avril
dernier
par
Bruno
Lasserre,
le
Gouvernement
mène
actuellement
un
travail
réglementaire
pour
ajuster
ces
outils
(classement
art
&
essai,
cartes
illimitées,
engagements
de
programmation),
afin
que
ceux-ci
encouragent
davantage
les
publics
à
aller
voir
tous
les
types
de
films.
Projet
de
recommandation
3
(CNC,
ministère
des
finances,
ministère
de
la
culture)
:
créer
un
comité
d'audit
rattaché
au
conseil
d'administration.
Projet
de
recommandation
5
(CNC,
ministère
des
finances,
ministère
de
la
culture)
:
mettre
en
place
un
contrat
d'objectifs
et
de
performance.
Projet
de
recommandation
6
(ministère
de
la
culture,
ministère
des
finances)
:
prévoir
une
lettre
de
mission
adressée
par
les
ministères
de
tutelle
au
président
du
CNC.
En
deuxième
lieu,
en
matière
de
gouvernance,
la
Cour
pointe
un
risque
de
trop
grande
autonomie
du
CNC
et
recommande
un
renforcement
de
la
tutelle
exercée
conjointement
par
le
ministère
de
la
culture
.et
le
ministère
des
comptes
publics.
Bien
entendu,
je
partage
l'avis
de
la
Cour
selon
lequel
un
opérateur
de
l'ampleur
du
CNC,
au
regard
des
missions
de
politique
publique
qui
lui
sont
confiées
et
de
l'importance
des
financements
qui
lui
sont
dévolus,
ne
saurait
être
exempté
de
contrôles.
Je
rappelle
à
ce
titre
que
pour
l'ensemble
de
ses
missions,
le
CNC,
administration
centrale
du
ministère
de
la
culture,
relève
de
l'autorité
de
la
ministre
de
la
culture.
Ainsi,
toutes
les
orientations
et
décisions
stratégiques
de
l'opérateur
sont
soumises
à
son
arbitrage
préalable.
Il
est
par
ailleurs
soumis
à
la
tutelle
particulière
du
ministère
des
comptes
publics
au
sens
des
dispositions
du
décret
2012-1246
du
7
novembre
2012
relatif
à
la
gestion
budgétaire
et
comptable
publique.
Dans
cette
optique,
je
suis
bien
entendu
favorable
à
la
signature
d'une
lettre
de
mission
au
président
du
CNC
par
la
ministre
de
la
culture
et
le
ministre
chargé
des
comptes
publics,
qui
viendra
formaliser
cette
pratique.
Par
ailleurs,
il
me
semble
important
de
relever
qu'en
matière
de
gouvernance
et
de
contrôle,
la
période
sous
revue
a
été
marquée
par
des
progrès
significatifs.
D'une
part,
la
création
du
conseil
d'administration
du
CNC
en
novembre
2010
a
constitué
une
avancée
notable
dans
la
gouvernance
de
l'établissement.
La
présence
au
sein
de
ce
conseil
à
partir
de
2012,
d'un
député
et
d'un
sénateur,
a
permis
de
renforcer
tant
l'information
que
le
contrôle
des
parlementaires
sur
le
budget
et
les
activités
de
l'établissement,
et
ce
d'autant
plus
que,
depuis
2014,
le
conseil
d'administration
du
CNC
délibère
sur
les
conditions
générales
d'attribution
des
aides
financières.
L'approfondissement,
suggéré
par
la
Cour,
de
l'information
apportée
aux
administrateurs
en
amont
des
séances
de
ce
conseil,
notamment
sur
les
questions
financières
et
comptables,
constitue
à
cet
égard
une
piste
intéressante
pour
éclairer
au
mieux
leurs
délibérations.
De
la
même
manière,
la
proposition
formulée
par
la
Cour
de
l'installation
d'un
comité
d'audit
auprès
du
conseil
d'administration,
permettant
d'éclairer
tant
les
administrateurs
que
la
tutelle
paraît
pertinente.
D'autre
part,
le
nombre
d'informations
produites
et
publiées
témoignent
de
l'effort
de
transparence
dont
fait
aujourd'hui
preuve
le
CNC,
à
destination
des
tutelles,
des
parlementaires,
mais
aussi
-
plus
largement
des
professionnels
et
du
grand
public.
Toutefois,
je
rejoins
le
constat
formulé
par
la
Cour
du
nécessaire
approfondissement
de
cette
démarche,
tout
en
notant
que
le
document
stratégique
de
performançe
et
le
rapport
stratégique
de
performance,
enrichis
conformément
aux
préconisations
de
la
Cour
lors
de
son
précédent
contrôle,
apportent
chaque
année
aux
parlementaires
une
information
complète
et
détaillée
sur
les
actions
de
l'établissement,
ainsi
que
sur
ses
ressources
et
leur
emploi.
Ces
éléments
me
paraissent
mettre
en
lumière
une
cohérence
certaine
entre
l'action
récente
du
Centre
et
l'esprit
des
recommandations
de
la
Cour
relatives
à
la
gouvernance
et
à
l'exercice
de
la
tutelle.
Projet
de
recommandation
2
(CNC,
ministère
des
finances)
:
procéder
annuellement
à
une
revue
des
provisions
et
à
leur
ajustement
en
fonction
des
risques
statistiquement
constatés.
Projet
de
recommandation
4
(CNC,
ministère
des
finances,
ministère
de
la
culture)
:
mettre
en
place
un
commissariat
aux
comptes
afin
d'améliorer
la
transparence
et
la
lisibilité
des
comptes.
En
troisième
lieu,
s'agissant
des
développements
de
la
Cour
sur
fa
situation
financière
et
comptable
de
l'établissement,
i
l
convient
de
souligner
que
le
fonds
de
roulement
du
CNC,
effectivement
significatif,
est
très
majoritairement
constitué
des
engagements
que
le
CNC
est
tenu
de
provisionner
au
titre
de
ses
soutiens.
Cette
politique
de
provisionnement
a
été
mise
en
place
à
partir
de
2007,
suite
à
la
remise
en
cause,
par
la
Cour
dans
son
précédent
rapport,
de
la
gestion
des
soutiens
en
comptabilité
de
caisse,
Je
constate
que,
dans
le
cadre
du
présent
contrôle,
la
Cour
ne
remet
en
cause
ni
la
conformité
de
cette
politique
à
la
réglementation
comptable
encadrant
les
provisions
pour
charges,
ni
la
sincérité
des
écritures
passées.
Du
reste,
une
revue
des
provisions
pour
soutiens
est
déjà
effectuée,
chaque
année,
sur
la
base
d'un
inventaire
complet
actualisé
au
31
décembre.
Pour
autant,
et
compte
tenu
des
sommes
en
cause,
il
me
paraît
effectivement
utile
de
réexaminer
ces
règles
de
constitution
des
provisions
pour
apprécier
si,
en
dépit
du
cadre
réglementaire,
une
autre
politique
de
sécurisation
financière
des
soutiens
apparaissait
envisageable.
Sur
ce
sujet,
des
éclairages
externes
pourront,
il
est
vrai,
s'avérer
précieux,
dans
le
prolongement
des
initiatives
déjà
prises
par
le
Centre
lorsqu'il
a
sollicité,
au
cours
de
la
période
sous
revue,
pas
moins
de
quatre
commissaires
aux
comptes
différents
pour
éprouver
la
robustesse
de
sa
politique
de
provisionnement
et
les
modalités
de
présentation
de
ses
comptes.
Quelle
que
soit
l'issue
de
cette
réflexion,
le
CNC
conduira
par
ailleurs
une
révision
de
ses
présentations
budgétaires
et
comptables
dans
le
sens
d'une
plus
grande
clarté,
conformément
encore
à
ce
que
suggère
la
Cour
Elisatieth
BORNE