13, rue Cambon
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PREMIÈRE CHAMBRE
S-2023-0780
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du
code
des juridictions financières)
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN
SUR LE BUDGET DE L’ETAT
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 2 février 2023.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
4
LISTE DES RECOMMANDATIONS
......................................................................
10
INTRODUCTION
...................................................................................................
11
1
UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE EN HAUSSE A LA SUITE DU
BREXIT, DES MODALITES DE REMBOURSEMENT DE L’EMPRUNT DU
PLAN DE RELANCE EUROPEEN À PRÉCISER
............................................
12
1.1
En raison de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, une contribution au
financement du CFP 2021-2027 plus importante pour la France
...................
12
1.1.1 Un cadre financier pluriannuel 2021-2027 dont les montants sont proches de
la programmation 2014-2020, une fois corrigés de l’inflation
........................
13
1.1.2 Une contribution française au financement du budget européen qui augmente
en raison de la sortie du Royaume-Uni de l’UE
..............................................
14
1.2
Une contribution au financement du budget européen orientée à la hausse,
mais qui peut varier significativement d’une année sur l’autre
.....................
15
1.2.1 Une contribution annuelle composée pour l’essentiel du prélèvement sur
recettes au profit de l’Union européenne
........................................................
15
1.2.2 Des variations annuelles du prélèvement sur recettes qui peuvent être
significatives
...................................................................................................
17
1.2.3 Des restes à liquider en progression, un rôle important dans le profil annuel
des dépenses
....................................................................................................
18
1.3
En rupture par rapport au cadre financier pluriannuel, un financement de
NextGenerationEU
par emprunt, dont les modalités de remboursement
restent à préciser
.............................................................................................
19
1.3.1 Le plan
NextGenerationEU
: un nouveau modèle de financement et de
gouvernance
....................................................................................................
19
1.3.2 Une croissance importante de la dette européenne sans impact notable à ce
stade sur les conditions de financement de la dette française
.........................
21
1.3.3 Un ressaut probable et durable du prélèvement sur recettes à partir de 2028
sauf à mettre en place de nouvelles ressources propres suffisantes pour
rembourser
NextGenerationEU
.......................................................................
23
1.3.3.1
Un remboursement de la dette européenne liée à
NextGenerationEU
prévu à
partir de 2028, avec l’espoir d’instituer d’ici là de nouvelles ressources propres 23
1.3.3.2
Les projets européens de nouvelles ressources propres
........................................
24
1.3.3.3
Un reste à financer probable
.................................................................................
26
2
DES RETOURS EUROPEENS CONCENTRES SUR L’AGRICULTURE ET
LA COHESION, QUI POURRAIENT ETRE AMELIORES ET DIVERSIFIES
29
2.1
Le cadre financier pluriannuel : un champ d’intervention qui s’élargit
.........
29
2.1.1 Le CFP 2021-2027 renforce les financements pour la recherche et
l’innovation, la gestion des frontières et des migrations et la défense
............
29
2.1.2 Des dépenses pré-affectées par programmes et dont 75 % sont pré-réparties
entre les États
..................................................................................................
33
2.1.3 Des modalités d’exécution diverses selon les programmes, entre gestion
confiée aux États et gestion directe par la Commission
..................................
34
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
3
2.2
Les « retours » financiers français
..................................................................
36
2.2.1 Des retours concentrés sur l’agriculture et la politique de cohésion
...............
36
2.2.1.1
La France est un contributeur net au financement de l’Union selon les trois
modalités de calcul du « solde net »
.....................................................................
36
2.2.1.2
La répartition des retours financiers de l’Union en France
..................................
37
2.2.2 Une stratégie nationale de mobilisation des fonds européens à renforcer
.......
39
2.2.2.1
Les programmes « en gestion partagée » : des opportunités de simplification à
saisir
.....................................................................................................................
39
2.2.2.2
Les programmes en gestion directe ou indirecte par la Commission : une
mobilisation à améliorer par les acteurs
...............................................................
45
2.2.3 Un suivi budgétaire à améliorer
......................................................................
49
2.2.3.1
Un suivi annuel incomplet
....................................................................................
49
2.2.3.2
Des modalités de suivi budgétaires variables
.......................................................
50
2.3
La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) : un impact direct sur le
budget de l’État
..............................................................................................
52
2.3.1 Un instrument nouveau aux objectifs multiples
..............................................
52
2.3.2 Un impact significatif sur le budget de l’État, des risques à maîtriser jusqu’en
2026
.................................................................................................................
53
2.3.3 Une articulation à suivre avec les programmes du CFP
..................................
59
ANNEXES
....................................................................................................................
62
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
4
SYNTHÈSE
Une capacité de dépense européenne qui change de dimension à la suite de la crise
covid 19
La participation à l’Union européenne traduit la solidarité des États membres pour la
mise en
œ
uvre des politiques européennes. Celles-ci ont changé de dimension avec la crise et
la mise en
œ
uvre d’un plan de relance, portant les interventions budgétaires de l’Union à des
niveaux inédits sur la période 2021-2027.
Le budget européen s’inscrit depuis 1988 dans une perspective de moyen terme, appelée
cadre financier pluriannuel (CFP). En mai 2018, la Commission européenne a publié ses
propositions pour un sixième CFP portant sur les années 2021 à 2027, succédant au CFP
2014-2020. L’accord du Conseil sur le CFP 2021-2027 prévoit un plafond de 1 074 Md
€
en
crédits d’engagement et 1 061 Md
€
en crédits de paiement en euros constants (au prix de 2018).
Les moyens alloués au projet de CFP 2021-2027 marquent une relative stabilité par
rapport au précédent. La survenue de la crise covid 19 début 2020 et ses graves conséquences
économiques et financières ont cependant conduit à lui adjoindre un plan massif de relance
budgétaire sous forme d’un nouvel instrument financier appelé
NextGenerationEU,
conçu
pour
donner une impulsion aux économies européennes en sortie de crise tout en investissant dans
la transition écologique et la digitalisation des économies.
Aux dépenses du CFP s’ajoutent donc désormais celles du plan
NextGenerationEU
pour
750 Mds
€
en euros constants (au prix de 2018). Alors que les finances publiques des pays
européens étaient fortement sollicitées par les mesures destinées à atténuer les effets de la crise,
le Conseil européen a décidé d’habiliter la Commission à emprunter sur les marchés au nom de
l’Union afin de financer le plan. Celui-ci se décompose en 360 Md
€
de prêts aux États,
312,5 Md
€
de subventions et 77,5 Md
€
de compléments aux programmes des CFP 2014-2020
et 2021-2027.
Au total, le CFP et
NextGenerationEU
, qui ont été approuvés simultanément lors du
Conseil européen du 21 juillet 2020
,
sont susceptibles de mobiliser près de 1 850 Md
€
en euros
constants sur la période 2021-2027, soit 1,8 % du revenu national brut (RNB) de l’Union. Ils
représentent une augmentation de plus de 71 % de la capacité de dépense européenne par
rapport à la période 2014-2020.
Une contribution française au budget européen dont le montant varie d’une année
sur l’autre en fonction des besoins de l’Union européenne
Le budget européen est financé par des ressources propres qui se répartissent en deux
grandes catégories : d’une part, les ressources propres dites « traditionnelles » collectées par les
États pour le compte de l’UE, dont celle-ci est réputée être le bénéficiaire originel, et qui
correspondent aux droits de douane ; d’autre part, des ressources assises sur la TVA recouvrée
dans chaque État membre et les emballages plastiques non recyclés (depuis 2021) ainsi qu’une
contribution d’équilibre versée par chaque État au prorata de sa part dans le RNB de l’UE.
Celle-ci permet de financer les besoins du budget européen en crédits de paiement sans recours
à l’endettement ; son montant est calculé après prise en compte de toutes les autres ressources.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
5
Ce sont ces trois dernières catégories de ressource qui sont rassemblées, en France, dans le
prélèvement sur recettes en faveur de l’UE (PSR-UE).
La contribution totale de la France au budget européen (26,5 Md
€
en 2022) est ainsi
constituée par la collecte des ressources propres traditionnelles (2,3 Md
€
en 2022) et par le
prélèvement sur recettes au profit de l’UE (24,2 Md
€
en 2022).
Sur les deux derniers CFP achevés (2007-2013 et 2014-2020), le prélèvement sur
recettes annuel au profit de l’UE a représenté en moyenne 0,9 % du produit intérieur brut (PIB)
de la France, tout en fluctuant d’une année sur l’autre. Ces variations sont dues à l’évolution
des autres recettes (report de solde d’une année sur l’autre, dynamisme des droits de douane
notamment), au rythme de décaissement des dépenses déjà engagées et à l’actualisation des
bases de référence (RNB et TVA).
Malgré un cadre financier pluriannuel 2021-2027 globalement stable en euros
constants, la contribution budgétaire française augmentera progressivement après la sortie
du Royaume-Uni de l’UE
En euros courants, le CFP 2021-2027 s’élève à 1 211 Md
€
(1,04 % du RNB de l’Union),
soit 14 % de plus que le précédent CFP. Cette progression résulte principalement de l’évolution
des prix. En effet, en euros constants, les moyens déployés pour le CFP 2021-2027 sont proches
de ceux du CFP 2014-2020.
Pour autant, le CFP sera financé par 27 États membres et non plus 28, en raison de la
sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier 2020. La part de la France dans le
RNB de l’Union, sur laquelle est assise la principale contribution des États, passe ainsi de
15,1 % en 2019 à 17,7 % en 2020. L’augmentation de la contribution française sera progressive
dans la mesure où une partie importante des dépenses effectuées au début de ce CFP a été
engagée au titre du précédent CFP, pour lequel le Royaume-Uni s’est engagé à payer sa part
dans l’accord de sortie de l’UE. Au-delà de l’effet de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, cette
projection traduit également les anticipations de consommation des restes à liquider au titre du
CFP précédent, la montée en puissance des financements du nouveau CFP et l’actualisation des
plafonds de crédits de 2% par an prévue pour tenir compte de l’inflation.
Par conséquent, la trajectoire de finances publiques du projet de loi de programmation
des finances publiques 2023-2027 présenté à l’automne 2022 prévoit une progression du
prélèvement sur recettes pour le financement du budget européen. Il atteindrait 26,9 Md
€
en
moyenne sur 2023-2027, après 24,2 Md
€
en 2022 et 26,4 Md
€
en 2021. Ainsi, la valeur
moyenne du PSR-UE sur la période 2021-2027 augmenterait de près de 6,3 Md
€
par rapport à
sa valeur moyenne sur la période 2014-2020, qui était de 20,1 Md
€
.
Cette augmentation du PSR-UE, qui est assimilé à une dépense en comptabilité
nationale, est à prendre en compte pour atteindre l’objectif ambitieux de maitrise de la dépense
publique inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques présenté à
l’automne 2022.
En l’absence de nouvelles ressources propres suffisantes pour rembourser
NextGenerationEU, un ressaut possible de la contribution française à partir de 2028
Le remboursement des emprunts ayant servi à financer les subventions du plan
NextGenerationEU
doit débuter au plus tard en 2028 et ne pas courir au-delà de 2058. À cette
fin, l’accord interinstitutionnel du 14 décembre 2020 prévoit un relèvement extraordinaire et
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
6
temporaire des plafonds de ressources propres de 0,6 point de RNB à la seule fin de couvrir
l’ensemble des engagements de l’Union résultant de ces emprunts.
Parallèlement, le Conseil européen de juillet 2020 a décidé que l’Union s’efforcera de
se doter de nouvelles ressources propres et fixé un calendrier de propositions de la Commission
portant sur différentes hypothèses d’assiettes. L’accord interinstitutionnel du 14 décembre 2020
indique de nouveau, dans une feuille de route annexée, que les institutions
œ
uvreront à la mise
en place de nouvelles ressources propres suffisantes pour couvrir les dépenses liées au
remboursement des emprunts du plan de relance.
La création de nouvelles ressources propres nécessitant un accord unanime des 27 puis
sa ratification par chacun des États membres selon ses normes constitutionnelles, l’hypothèse
selon laquelle les nouvelles ressources effectivement mises en place seront insuffisantes pour
financer le remboursement des prêts de
NextGenerationEU
à partir de 2028 doit être tenue pour
possible. Dans ce cas de figure, il résulte des dispositions arrêtées en 2020 que le
remboursement des emprunts de
NextGenerationEU
pourrait se faire par une augmentation des
contributions nationales existantes à partir de 2028, laquelle pourrait être de l’ordre de 2,5 Md
€
par an pour la France
.
Une étape vers la création de nouvelles ressources propres franchie en décembre
2022, sans certitude à ce stade sur sa contribution au remboursement de l’emprunt européen
Plusieurs projets de nouvelles ressources propres ont été étudiés et présentés par la
Commission, parmi lesquels figurent le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
(MACF), l’extension du marché du carbone européen à des nouveaux secteurs et la mise en
œ
uvre de l’accord conclu dans le cadre de l’OCDE et du G20 sur la fiscalité internationale des
entreprises. L’accord intervenu en décembre 2022 entre le Parlement européen, la Commission
et le Conseil est un premier pas dans la direction fixée par le Conseil européen puisqu’il porte
sur la mise en place d’un mécanisme carbone d’ajustement au frontière, l’extension du système
échange de quotas d’émission (SEQE) à l’aviation pour les vols à destination d’un pays en
dehors de l’UE et au transport maritime ainsi que la création d’un dispositif dit SEQE II pour
les bâtiments et le transport routier.
Néanmoins, les discussions sur l’apport de nouvelles ressources propres par ces deux
mécanismes ne font que commencer. Notamment, le montant qui pourra être alloué au
remboursement de la dette à partir de 2028 reste à déterminer. En effet, les futures recettes du
marché européen du carbone devront aussi financer d’autres dispositifs comme, par exemple,
le Fonds social pour le climat (FSC) au profit des ménages vulnérables, des micro-entreprises
et des usagers des transports sur le principe duquel les institutions européennes se sont
accordées en décembre 2022. Il pourrait atteindre 65 Md
€
auquel s’ajouteraient 25% de
ressources nationales additionnelles portant le total des ressources estimées de ce nouveau
fonds à 86,7 Md
€
. Enfin, une partie des futures recettes du marché européen du carbone
viendraient abonder le fonds européen d’innovation, qui fonctionne à partir d’appels à projets
dans les secteurs couverts par le système initial d’échange de quotas d’émission.
La Commission européenne devrait faire, au second semestre 2023, de nouvelles
propositions de création de ressources propres et préciser le schéma de financement du
remboursement de l’emprunt européen à partir de 2028.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
7
Le budget européen : un budget d’intervention et d’investissement
Le budget européen, matérialisé par les CFP, est fondamentalement un budget
d’intervention et d’investissement : 93 % de ses dépenses sont consacrées au financement de
programmes et le solde au fonctionnement des institutions européennes. Ces dépenses sont
concentrées sur une quinzaine de programmes consacrés à la recherche et à l’innovation, aux
investissements stratégiques, aux interconnexions européennes, à la coopération industrielle en
matière de défense, ainsi qu’au financement de la politique de cohésion, de la politique agricole
commune, de la politique de l’asile et des migrations, de la sécurité intérieure et de la gestion
des frontières.
La répartition des dépenses par programmes thématiques s’accompagne d’une
répartition préalable d’une partie du CFP entre les États membres selon des modalités définies
dans la décision du Conseil. Cette répartition par enveloppes nationales concerne près de 75 %
du budget et une minorité de programmes (PAC, politique de cohésion, Fonds Asile -
Migration), dont la gestion est alors confiée aux États par la Commission en mode dit
« partagée ». Le CFP est ainsi un budget de transfert entre les États membres, ces transferts
étant principalement opérés par l’intermédiaire des quatre fonds de la politique de cohésion
1
et
des deux fonds de la politique agricole commune
2
, qui représentent plus de 60 % des dépenses.
Le solde, environ 20 % du CFP, finance des programmes gérés directement par la
Commission européenne ou ses agences, sans répartition préalable entre les États membres. Ces
programmes en « gestion directe ou indirecte » soutiennent des projets de recherche et
d’innovation, des investissements stratégiques européens, le développement de réseaux
transeuropéens, l’amélioration du fonctionnement du marché unique, l’éducation, l’aide
humanitaire et le développement. Le CFP 2021-2027 marque une progression des dépenses
affectées à ces priorités.
Des retours français concentrés sur l’agriculture et la politique de cohésion
Le « retour » financier de chaque État membre de l’UE est évalué par la somme des
versements à des bénéficiaires publics ou privés qui y résident. Son montant est calculé chaque
année par la Commission européenne en intégrant des dépenses de nature très différentes :
dépenses de fonctionnement des institutions européennes, subventions aux investissements
attribuées par la Commission ou par les États, etc... Il s’agit donc d’un indicateur budgétaire, et
non économique ; il ne permet donc pas d’évaluer tous les impacts de la participation à l’UE,
comme par exemple les avantages tirés de l’union économique et monétaire alors que les
économies européennes (et les budgets nationaux) tirent profit des externalités positives de
l’activité et de la relance dans les autres États membres, avec des effets d’entraînement. Par
ailleurs, certaines dépenses européennes, comme l’aide au développement par exemple, ne
peuvent pas être réparties entre États membres.
Les montants du retour financier et du « solde net », ce dernier représentant la différence
entre les retours et les contributions, constituent cependant des indicateurs utiles pour analyser
l’évolution de la contribution budgétaire et l’impact national des financements européens. En
2020, la France était le troisième contributeur net en volume (-8,4 Md
€
) derrière l’Allemagne
1
Fonds européen de développement régional (FEDER), Fonds social européen (FSE), Fonds de cohésion, Fonds
de transition juste.
2
Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), Fonds européen agricole de développement rural (FEADER).
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
8
(- 15,5 Md
€
) et le Royaume-Uni (- 10,2 Md
€
) et devant l’Italie (- 4,8 Md
€
) et les Pays-Bas
(- 3,1 Md
€
). La France était aussi le deuxième bénéficiaire en volume derrière la Pologne
jusqu’en 2020 (le quatrième en 2021 derrière la Pologne, l’Italie et l’Espagne). En montant par
habitant, la France se situait au 23
ème
rang des pays bénéficiaires des dépenses de l’UE
3
, ce qui
est cohérent avec le poids des transferts de la politique de cohésion à l’échelle européenne.
Les retours ont progressé de 13,3 Md
€
en 2014 à 15,7 Md
€
en 2021 et se sont élevés sur
cette période, en moyenne, à 14,3 Md
€
par an, dont 9,0 Md
€
au titre de la politique agricole
commune, 2,45 Md
€
au titre des actions en faveur du marché unique
4
, de l’innovation et du
numérique et 2,15 Md
€
au titre des actions de la politique de cohésion. L’essentiel de ces retours
provient de l’exécution du CFP 2014-2020. La part de la politique agricole commune est stable
(63,3%), tandis que celle de la politique de cohésion diminue pour devenir le troisième poste
derrière les actions en faveur de la recherche et de l’innovation, des grands projets et des réseaux
transeuropéens, qui représentent en moyenne 17,2 % des retours.
Une mobilisation des fonds européens à améliorer
Sur la période 2014-2021, le taux de retour français est tiré par les fonds en gestion
partagée qui représentent 78,2 % des retours. Parmi ces programmes, les fonds gérés par l’État
comptent pour plus des deux tiers (politique agricole commune, programme national du fonds
social pour l’emploi, fonds asile et migration, instrument de gestion des visas et des frontières,
fonds de sécurité intérieure). Le reste est constitué par les fonds de la politique de cohésion dont
la gestion a été décentralisée et confiée aux régions.
Pour la période de programmation 2021-2027, la France dispose de près 83,6 Md
€
au
titre des fonds en gestion partagée, soit un taux de retour moyen attendu de 11% pour un taux
de contribution moyen de 17,5%, les taux de retour et de contribution étant variables selon les
fonds. L’augmentation du taux de retour suppose donc prioritairement d’améliorer les retours
des programmes en gestion directe par la Commission (recherche et innovation, réseaux
transeuropéens, investissements stratégiques et défense) qui sont en augmentation pour la
période 2021-2027, tout en sécurisant les dépenses des fonds en gestion partagée.
L’État a engagé une stratégie en ce sens depuis l’été 2022. Cependant, les plans
d’actions ministériels annoncés doivent encore être finalisés. Pour les programmes en gestion
partagée, les efforts de simplification des procédures d’instruction et de paiement, et de
sécurisation des dépenses, doivent être poursuivis en tirant parti des évolutions de la
règlementation européenne et en s’appuyant sur les autorités nationales d’audit (Commission
interministérielle de coordination des contrôles (CICC), Commission de certification des
comptes des organismes payeurs (CCCOP)). Pour les programmes en gestion directe, il est de
la responsabilité de l’État de déployer une stratégie plus efficace d’influence, de sensibilisation
et de soutien des bénéficiaires, même s’il est difficile d’anticiper le montant des retours.
Les retours transitent peu par le budget de l’État et le pilotage des moyens consacrés par
l’État à la mobilisation et à la gestion des fonds européens est émietté. Il convient de mieux
traiter ces enjeux en intégrant le suivi des retours et des moyens déployés pour améliorer la
3
En incluant les dépenses administratives, ce qui place le Luxembourg et la Belgique parmi les premiers
bénéficiaires.
4
Y compris réseaux transeuropéens et programme de recherche et d’innovation.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
9
mobilisation des fonds européens dans les conférences annuelles budgétaires et dans les
rapports annuels de performance.
Le plan national de reprise et de résilience : un instrument nouveau aux objectifs
multiples qui ne doit pas se substituer aux autres financements européens
Le soutien financier accordé par l’Union dans le cadre du plan de relance
NextGenerationEU
peut prendre la forme de subventions ou bien de prêts financés par
l’instrument
ad hoc
constitué à cette fin, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Pour
en bénéficier, les États membres s’engagent dans leurs plans nationaux de reprise et de
résilience (PNRR) à la fois sur un calendrier de réformes législatives ou réglementaires et sur
des dépenses d’investissements. Le budget de l’État devrait recevoir 37,5 Md
€
sur la période
2021-2026 de la FRR, auxquels viendront s’ajouter 2,8 Md
€
de financements supplémentaires
destinés à la décarbonation de l’industrie et à la rénovation thermique des bâtiments privés et
publics à la suite de l’adoption du plan européen
REPowerEU.
Plusieurs risques pèsent sur les versements de la FRR. Certains résultent de la structure
du plan national, avec une addition de mesures très diverses mises en
œ
uvre par de nombreux
acteurs. D’autres proviennent de modalités de mise en
œ
uvre complexes. Le PNRR est présenté
comme un instrument axé sur la performance assorti d’une gestion simplifiée, les demandes de
paiement ne comportant par exemple aucun élément de justification de la dépense, à l’inverse
de la gestion partagée. En pratique, un dispositif d’audit et de contrôle similaire à celui des
fonds en gestion partagée doit toutefois être mis en
œ
uvre en portant une attention particulière
aux risques de conflits d’intérêt et de fraude, ainsi qu’à la traçabilité des versements jusqu’aux
bénéficiaires finaux. En cas de non-atteinte des engagements, qui peuvent être quantitatifs
(cibles) ou qualitatifs (jalons), la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour
déterminer si le versement des fonds doit être suspendu ou retardé.
Enfin, la mise en
œ
uvre du PNRR pourrait inopportunément relâcher la pression exercée
sur l’utilisation effective des autres fonds européens, qui peuvent financer les mêmes types de
projets. En effet, il existe plusieurs zones de recoupement entre les fonds de la politique de
cohésion des programmations 2014-2020 et 2021-2027 et la FRR, notamment dans les
domaines de la transition écologique et du déploiement du numérique. La gouvernance et la
gestion des deux instruments diffèrent en revanche considérablement, de même que les
procédures d’approbation et d’évaluation. Une coordination renforcée entre l’État, ses
opérateurs et les collectivités concernées est nécessaire afin d’assurer l’absence de double
financement, garantir une mobilisation optimale des fonds européens et pour évaluer l’impact
de ce nouvel instrument et de ses modalités de gestion.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
10
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1
(secrétariat général aux affaires européennes)
:(secrétariat général
aux affaires européennes) : Finaliser en 2023 les plans d’actions pour la simplification et la
sécurisation des dépenses des fonds en gestion partagée et la mobilisation des fonds en gestion
directe et produire un bilan annuel de leur mise en
œ
uvre.
Recommandation n° 2
(direction du budget) : (direction du budget) : Renforcer le suivi
de la mobilisation des fonds européens en intégrant à l'ordre du jour des conférences budgétaires
annuelles une analyse des moyens mobilisés et des flux financiers européens et nationaux par
période de programmation.
Recommandation n° 3
(direction générale du Trésor) : Compléter en 2023 les procédures
de contrôle et d’audit des mesures du plan national de reprise et de résilience (PNRR) et
développer l’analyse des risques pour assurer la conformité des dépenses présentées aux règles
d'éligibilité européennes.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
11
INTRODUCTION
Le montant des dépenses qui pourront être mobilisées sur la période 2021-2027 par
l’Union européenne s’élèvera à près de 2 000 Md
€
(en euros courants). Ce montant s’inscrit en
rupture par rapport au passé sur au moins trois points.
Tout d’abord, son ampleur est inédite, bien supérieure aux montants des périodes
précédentes puisqu’il correspond à une augmentation en valeur de plus de 90 % par rapport aux
dépenses réalisées sur la période 2014-2020. Tout en consacrant près des deux tiers de ses
dépenses à la politique de cohésion et à la politique agricole commune, le CFP 2021-2027
marque une progression d’autres domaines d’intervention en finançant davantage les
programmes en faveur de la compétitivité, de la recherche et de l’innovation, de la gestion de
l’asile et des migrations, de la sécurité.
Ensuite, sa gouvernance est également en partie nouvelle, car si plus de la moitié des
dépenses vont s’inscrire dans le cadre financier pluriannuel (CFP) habituel, le reste résultera
des dépenses arrêtées dans le cadre du plan de relance
NextGenerationEU
et de ses instruments
budgétaires et financiers spécifiques. Le plan national de reprise et de résilience, financé par
NextGenerationEU,
élargit le champ d’intervention de la Commission européenne et renforce
l’impact du budget européen sur le budget de l’État. Il permet de financer les réformes liées aux
recommandations par pays du Semestre européen et des investissements à l’instar d’autres
fonds européens de la politique de cohésion. Les modalités de gestion de cet instrument sont
supposées illustrer un nouveau modèle de gestion plus simple et axé sur la performance.
Enfin, le financement de ces dépenses s’est aussi diversifié puisque celles rangées sous
l’étendard
NextGenerationEU
sont financées par un endettement direct de l’Union auprès des
marchés financiers.
Ces évolutions marquées conduisent à s’interroger d’une part sur leurs conséquences
sur la contribution française au financement du budget européen (1.) et, d’autre part, sur
l’interaction du budget européen avec les dépenses financées par le budget national (2).
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
12
1
UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE EN HAUSSE A LA SUITE
DU BREXIT, DES MODALITES DE REMBOURSEMENT DE
L’EMPRUNT DU PLAN DE RELANCE EUROPEEN À
PRÉCISER
Le budget de l’UE, son élaboration et son exécution s’inscrivent dans un cadre financier
pluriannuel (CFP). Le CFP actuel, qui couvre la période 2021-2027, a été approuvé par le
Conseil européen du 21 juillet 2020 et traduit dans l’accord interinstitutionnel du 16 décembre
2020 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Le CFP fixe les montants des
plafonds annuels des crédits d’engagement (CE) pour les différentes rubriques du budget
européen et un plafond de crédits de paiement (CP) pour l’ensemble de celui-ci.
Le CFP actuel a par ailleurs été adopté dans des conditions particulières puisqu’entre la
présentation des premières propositions de la Commission en mai 2018 et le règlement du
conseil du 17 décembre 2020 fixant le CFP 2021-2027, la pandémie et la crise économique ont
entraîné des réactions massives et rapides des pouvoirs publics.
Ainsi, le plan de relance exceptionnel
NextGenerationEU
est venu s’ajouter au
CFP 2021-2027. L’essentiel des crédits de ce plan est attaché à un nouvel instrument spécifique,
la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), le solde venant rehausser le plafond du CFP.
Cet instrument permet à la Commission européenne de financer des dépenses des États
membres correspondant aux engagements des plans nationaux de reprise et de résilience validés
par le Conseil après examen par la Commission.
L’incidence financière du plan
NextGenerationEU
est considérable. En effet, en
incluant ce plan exceptionnel, les financements européens disponibles sur 2021-2027 en euros
courants sont de 91% supérieurs à ceux déployés sur la période 2014-2020, soit un quasi-
doublement par rapport au précédent CFP. Dans un contexte où les pays européens étaient
fortement contraints sur leurs finances publiques au moment de la crise sanitaire, la décision a
été prise de financer ce plan par un endettement commun dont le remboursement devra débuter
au plus tard en 2028. L’accord interinstitutionnel de décembre 2020 prévoit un processus
institutionnel en vue d’instaurer de nouvelles ressources propres à cette échéance ou, à défaut
ou en complément, de faire appel à la contribution des États au financement du budget
européen.
1.1
En raison de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, une contribution au
financement du CFP 2021-2027 plus importante pour la France
En considérant le CFP sur les sept années qu’il couvre en termes de programmation, le
besoin de financement du budget européen dépendra des plafonds de dépenses arrêtés (1.1.1)
ainsi que du nombre de pays contribuant au budget européen (1.1.2), ce dernier point n’étant
pas anodin entre le CFP 2014-2020 et le CFP 2021-2027 en raison de la sortie du Royaume-
Uni de l’UE.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
13
1.1.1
Un cadre financier pluriannuel 2021-2027 dont les montants sont proches de
la programmation 2014-2020, une fois corrigés de l’inflation
L’accord interinstitutionnel de 2020 prévoit un plafond en crédits d’engagement (CE)
de 1 074 Md
€
en euros constants 2018 (1 211 Md
€
en euros courants) sur la période 2021-2027,
hors plan de relance. Les crédits de paiement (CP) s’élèvent à 1 061 Md
€
en euros constants
2018 (1 195 Md
€
en euros courants). Les crédits du nouveau CFP représentent l’équivalent de
1,04 % du revenu national brut européen (RNB), à comparer à une enveloppe de 1,02 % du
RNB européen pour le cadre financier précédent.
En euros courants, le plafond du CFP 2021-2027 est ainsi en hausse de 13,8 % en crédits
d’engagement par rapport au CFP 2014-2020, recalculé à périmètre comparable pour une UE à
27 États. Néanmoins, cette croissance résulte essentiellement de celle des prix.
En effet, en euros constants 2018, le plafond du CFP 2021-2027 (1074 Md
€
2018
) est
relativement proche de celui du CFP initial 2014 – 2020
5
qui s’élevait à 1 045 Md
€
2018
. Cet
écart peut être considéré comme une diminution de 2,6 %, lorsque calculé avec la chronique
effective de prix
6
, ou une augmentation de 2,7 %, en utilisant une revalorisation annuelle de
2 %, chiffre utilisé par la Commission européenne lors de l’établissement des budgets annuels.
En effet, le règlement fixant le cadre financier 2021-2027
7
instaure des plafonds annuels en
euros constants 2018 par rubriques pour les crédits d’engagement et sur le total du budget pour
les crédits de paiement. Chaque année, pour construire les plafonds en engagement et en
paiement en euros courants, la Commission utilise un taux de revalorisation fixe de 2 %. Cette
approche était également celle du précédent CFP.
À ce plafond de dépenses viennent s’ajouter celui des instruments dits «
hors plafonds
»
pour un total de 18,15 Md
€
sur la période 2021-2027 (cf. Annexe n° 1).
Enfin, les moyens du CFP ont été augmentés de 43 Md
€
à l’issue de la négociation entre
les institutions européennes. D’une part, le plan
NextGenerationEU
, d’un montant de
750 Md
€
2018
viendra abonder certains programmes du CFP 2021-2027 à hauteur de 30,5 Md
€
,
sans incidence toutefois sur la contribution française au budget européen 2021-2027, ce plan
étant financé par l’emprunt (Cf. 1.3). De même, un montant additionnel de 12,5 Md
€
, fléché
également vers certains programmes du CFP 2021-2027 à la demande du Parlement européen
sera financé par les recettes issues des amendes perçues par la Commission européenne,
notamment au titre de l’application du droit de la concurrence.
Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les plafonds de dépenses arrêtés dans le cadre
du CFP 2021-2027 n’engendreraient pas de variation significative de la contribution française
au budget européen hors effet du Brexit.
5
En euros 2011, le montant du CFP 2014-2020 était de 960 Md
€
.
6
En utilisant l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) de l’Union européenne à 28 pays.
7
Règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour
les années 2021 à 2027.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
14
1.1.2
Une contribution française au financement du budget européen qui augmente
en raison de la sortie du Royaume-Uni de l’UE
Si les plafonds de dépenses du CFP 2021-2027 sont proches en termes réels de ceux du
CFP initial 2014-2020, ils devront être financés par les 27 pays de l’UE contre 28 pour le
précédent suite à la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Ainsi, alors que la France représentait
environ 15 % du revenu national brut (RNB) de l’UE dans une UE à 28 pays, elle représenterait
maintenant plus de 17 %, comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 1 :
part du RNB (revenu national brut) de la France dans le RNB de l’UE (en %)
2018
2019
2020
2021
2022
2023
UE à 28
15,1
15,1
14,9
UE à 27
17,7
17,4
17,2
17,1
Source : direction du budget.
Comme près de deux tiers des dépenses sont financés par les États en proportion de leur
poids dans le RNB de l’UE (voir infra), la sortie du Royaume-Uni va mécaniquement conduire
à une contribution plus élevée de la France. Néanmoins cette augmentation ne sera visible que
progressivement dans la mesure où une grande partie des dépenses à financer sur les premières
années du CFP actuel proviennent d’engagements pris dans le cadre du précédent CFP et dont
le Royaume Uni, dans l’accord de sortie de l’UE, s’est engagé à financer sa part. La disparition
du rabais britannique et la transformation des autres dispositifs de ce type en une seule
compensation forfaitaire ont été réalisées de manière à ce que la révision du système de
compensation soit neutre financièrement en 2020 (voir encadré).
La suppression du rabais britannique, l’évolution des autres compensations et leur effet sur la
contribution française au financement du budget européen
Les compensations, comme le rabais britannique, trouvent leur source dans les conclusions du Conseil
européen de Fontainebleau de 1984 qui indiquaient que «
tout État membre supportant une charge
budgétaire excessive au regard de sa prospérité relatives est susceptible de bénéficier, le moment venu,
d’une correction ».
L’application de ce principe a donné lieu depuis à une multiplication des compensations : le rabais
britannique permettant au Royaume-Uni de se faire rembourser les deux tiers de l’écart entre sa contribution
due, en vertu du système de ressources propres, et le montant des dépenses européennes en sa faveur ; le
« rabais sur le rabais » permettant à certains pays, comme l’Allemagne, d’avoir une réduction sur sa
contribution au financement du rabais britannique. Par ailleurs, certains pays ont bénéficié également d’un
taux réduit de la « ressource TVA ». Dans le CFP 2014-2020, c’était le cas de l’Allemagne, des Pays-Bas
et de la Suède qui bénéficiaient d’un taux de 0,15 % contre 0,3 % pour les autres pays. Enfin, certains pays
disposaient également de compensations forfaitaires comme la Suède et les Pays-Bas.
La sortie du Royaume-Uni de l’UE et la négociation d’un nouveau CFP ont été l’occasion de simplifier et
rationnaliser cet écheveau de compensations. Dans le CFP 2021-2027 ne subsistent que des compensations
forfaitaires, résultat de la fusion des différents dispositifs existants dans le précédent CFP. Pour éviter de
créer des transferts entre pays, ces compensations forfaitaires ont été chiffrées de manière à ce qu’elles
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
15
soient équivalentes, en 2020, à la somme des dispositifs existants dans le précédent CFP, tout en étant
indexées par la suite sur l’inflation, faisant varier le montant dû par les contributeurs aux rabais chaque
année comme cela était déjà le cas auparavant. Au global, le montant des rabais (hors Royaume-Uni)
augmente pour les États membres qui en bénéficient.
Sur le CFP 2021-2027, les rabais représentent un coût moyen de 7 Md
€
2018
chaque année. La France est la
première contributrice au financement de ces rabais, à hauteur de 28 %, soit en moyenne 1,4 Md
€
/an entre
2021 et 2027.
1.2
Une contribution au financement du budget européen orientée à la
hausse, mais qui peut varier significativement d’une année sur l’autre
La contribution annuelle au financement du budget européen est maintenant
essentiellement constituée du prélèvement sur recettes pour l’UE (PSR-UE), les ressources
propres traditionnelles, à savoir les droits de douane, étant très minoritaires (1.2.1).
Si, sur l’horizon total du CFP, la contribution de la France va augmenter en raison de la
sortie du Royaume-Uni de l’UE, chaque année, les dépenses réalisées dans le cadre du budget
européen, et donc leur financement, peuvent connaître des variations significatives (1.2.2). Les
restes à liquider sont des dépenses qui ont été engagées par le passé mais pour lesquelles le
paiement n’est pas encore intervenu. En augmentation en début de nouvelle programmation, ils
peuvent influer significativement sur le profil annuel des dépenses européennes et l’appel de
fonds auprès des États membres (1.2.3).
1.2.1
Une contribution annuelle composée pour l’essentiel du prélèvement sur
recettes au profit de l’Union européenne
La contribution annuelle de la France au financement du budget européen s’est élevée
à 26,5 Md
€
en 2022 après 28,1 Md
€
en 2021. Elle se compose de différents éléments.
La première composante regroupe les ressources propres dites « traditionnelles »,
uniquement constituées maintenant par les droits de douane perçus sur les importations de
produits en provenance des pays extérieurs à l'UE, nets des frais de perception fixés à 25 % de
la recette brute dans le CFP 2021-2027. Cette recette s’est élevée à 2,3 Md
€
en 2022 après
1,8 Md
€
en 2021, soit 9 % de la contribution totale. Les droits de douane sont comptabilisés
comme un impôt versé directement par les agents économiques aux institutions européennes,
les administrations nationales agissant en simples intermédiaires. Ils n’apparaissent donc pas
dans les comptes publics français.
La seconde composante consiste en un prélèvement sur recettes au profit de l’UE. Son
montant a été de 24,2 Md
€
en 2022 après 26,4 Md
€
en 2021. À l’inverse des droits de douane,
ce prélèvement affecte bien le déficit public français. Il est assimilé à une dépense et, à ce titre,
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
16
pris en compte dans la nouvelle norme de dépense de l’État
8
. Il recouvre trois contributions
distinctes :
- la ressource TVA, calculée en appliquant un taux de 0,3 % sur une assiette harmonisée
au niveau européen. Son montant a été de 3,6 Md
€
en 2022 après 3,5 Md
€
en 2021 ;
- la ressource dite « plastique » ressource nouvelle depuis 2021, qui s’est élevée à
1,3 Md
€
en 2022 après 1,2 Md
€
en 2021. Elle résulte de l’application d’un taux d’appel
uniforme au poids des déchets d’emballages en plastique non recyclés produits dans chaque
État membre. Le taux d’appel uniforme est de 0,80
€
par kilogramme
9
;
- la ressource « revenu national brut » (RNB) qui est la ressource d’équilibre du budget
européen. En effet, une fois les dépenses du budget européen arrêtées, et les montants des
ressources propres traditionnelles, des ressources TVA et plastique et des autres ressources,
évalués, la différence entre les deux est financé par une contribution calculée en appliquant un
taux fixe au RNB de l’UE. Ainsi le taux est calculé de telle manière que les recettes soient
égales aux dépenses. En 2022, cette contribution a atteint 19,3 Md
€
après 21,7 Md
€
en 2021.
Elle représente donc plus de 75 % de la contribution globale de la France.
Les ressources assises sur la TVA et les emballages plastiques non recyclés (depuis
2021) et la contribution « RNB » forment le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union
européenne (PSR-UE), comme le montre le tableau suivant pour 2021 et 2022.
Tableau n° 2 :
prélèvement sur recettes au profit de l’UE en 2021 et 2022 (en M
€
)
Composants
2021
2022
Prélèvement sur recettes au profit de l’UE
26 368
24 230
Dont ressource TVA
3 457
3 619
Dont ressource « plastique »
1 247
1 306
Dont ressource revenu national brut
(RNB)*
21 664
19 304
Source : tome I « voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2023. *Ce montant inclut également
le financement des rabais forfaitaires.
Pour 2023, l’article 129 de loi de finances i n i t i a l e p o u r 2 0 2 3 évalue le montant
du
prélèvement
sur
recettes
au
profit
de
l’UE à 25 Md
€
, soit une hausse de 0,8 Md
€
(+3,2%) par rapport au montant versé en 2022.
8
Sur la question des prélèvements sur recettes, voir Cour des Comptes, «
Les finances publiques : pour une réforme
du cadre organique et de la gouvernance
». Rapport public thématique, Novembre 2020, page 108 et 109.
9
Certains États membres bénéficient d’une réduction forfaitaire annuelle sur cette contribution.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
17
1.2.2
Des variations annuelles du prélèvement sur recettes qui peuvent être
significatives
Comme l’analyse chaque année la note d’exécution budgétaire de la Cour relative au
PSR-UE, la contribution française peut être affectée par le report du solde de l’année
précédente, par les budgets rectificatifs votés en cours d’année traduisant des ajustements en
dépenses et en recettes, par l’évolution des ressources propres traditionnelles (droits de douane)
et par l’actualisation des bases de référence des autres ressources propres (RNB, TVA,
ressource « plastique »).
L’écart entre l’estimation de PSR-UE en loi de finances initiale et la réalisation est
d’environ 1 Md
€
en moyenne par an sur les dix dernières années, pouvant atteindre 2 Md
€
(en
plus comme en 2013 et 2020 ou en moins comme en 2017 et 2022).
Toutefois, même si le PSR-UE a presque continûment augmenté depuis près de 20 ans
en euros courants, il est resté à peu près constant en part de PIB. Sur les deux derniers CFP,
ceux de 2007-2013 et 2014-2020, la contribution globale de la France au budget européen est
ainsi restée en moyenne de 0,9 % du PIB. Son évolution annuelle dépend des impacts de la
conjoncture économique sur les recettes (via les clefs de contribution) et du niveau des dépenses
européenne, fortement tributaire de l’exécution en crédits de paiement de la politique de
cohésion. Ainsi, en part du PIB, la contribution a atteint un pic lorsque la conjoncture était
mauvaise comme en 2020, et un creux en raison de l’exécution des paiements de la politique
de cohésion en 2017.
Graphique n° 1 :
prélèvement sur recettes au profit de l’UE (en % du PIB et en M
€
)
Source : Calcul de la Cour à partir des données de l’annexe au projet de loi de finances 2023 intitulée « relations
financières avec l’UE » et du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Sur le moyen terme, le projet de loi de programmation des finances publiques a été
construit en cohérence avec la trajectoire du CFP 2021-2027. Le prélèvement sur recettes au
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
0,0%
0,2%
0,4%
0,6%
0,8%
1,0%
1,2%
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
2017
2019
2021
2023
2025
2027
PSRUE (pt PIB)
moyenne 2014-2020 (pt PIB)
moyenne 2007-2013 (pt PIB)
PSRUE (M
€
)
Prévision
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
18
profit de l’UE est attendu en moyenne à 26,9 Md
€
sur la période 2023-2027, pour atteindre
28,5 Md
€
en fin de période (soit +3,9 Md
€
par rapport au PSR-UE constaté en 2022). Au total,
la valeur moyenne du PSR-UE sur la période 2021-2027 augmentera de près de 6,3 Md
€
par
rapport à sa valeur moyenne sur la période 2014-2020 qui était de 20,1 Md
€
. Cette
augmentation du PSR-UE, qui est assimilé à une dépense en comptabilité nationale, est à
prendre en compte pour atteindre l’objectif ambitieux de maitrise de la dépense publique inscrit
dans le projet de loi de programmation des finances publiques présenté à l’automne 2022.
1.2.3
Des restes à liquider en progression, un rôle important dans le profil annuel des
dépenses
Les restes à liquider sont des dépenses qui ont été engagées par le passé mais pour
lesquelles le paiement n’est pas encore intervenu. L’allongement du décalage entre
l’engagement des dépenses et le versement des crédits de paiement s’est traduit par une
augmentation
progressive du reste-à-liquider (RAL) du budget européen. Au cours de la
période 2014-2020, les engagements avaient été nettement supérieurs aux paiements
conduisant, fin 2020, à des restes à liquider d’un peu plus de 300 Md
€
contre 190 Md
€
à la fin
2014.
L’importance des RAL fin 2020 explique pourquoi près de la moitié des dépenses
effectuées en 2021 (109,9 Md
€
sur 228 Md
€
), première année du CFP 2021-2027, avaient en
fait été engagées dans le cadre du CFP précédent. Les dépenses engagées et payées en 2021
s’élevaient, elles, à 118,1 Md
€
.
Fin 2021, les RAL avaient de nouveau augmenté à 341,6 Md
€
dont encore 191,4 Md
€
au titre du CFP 2014-2020.
10
Dans sa dernière projection à moyen terme des dépenses du budget
européen, la Commission européenne estimait que le montant des dépenses à effectuer au titre
du CFP 2014-2020 ne deviendrait marginal qu’à partir de 2025.
Le montant des RAL équivaut désormais aux crédits de paiement d’un peu moins de
deux exercices complets. Sur le terrain, plusieurs facteurs ont simultanément contribué à
créer une complexité supplémentaire pour tous les organismes chargés de gérer et de
contrôler les fonds :
-
la lenteur de la mise en
œ
uvre de la plupart des fonds en gestion partagée dans le
cadre du nouveau CFP ;
-
la gestion des RAL des fonds structurels et d’investissement européens (ESI)
relevant du précédent CFP ;
-
la concrétisation de
NextGenerationEU
;
-
la mise en
œ
uvre des mesures budgétaires prises en réponse à la guerre en Ukraine.
Le suivi de la consommation des crédits européens restera donc un point de vigilance
dans les années à venir, d’autant que le niveau élevé des RAL pourrait engendrer pour plusieurs
années un besoin important de crédits de paiement, qui pèsera sur le montant du prélèvement
sur recettes.
10
Selon le rapport d’exécution de la Commission européenne au 31 décembre2022, les RAL atteignent 452 Md
€
.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
19
1.3
En rupture par rapport au cadre financier pluriannuel, un financement
de
NextGenerationEU
par
emprunt,
dont
les
modalités
de
remboursement restent à préciser
Le 27 mai 2020, la Commission a présenté les contours d'un plan de relance exceptionnel,
NextGenerationEU,
pour un montant total de 750 Md
€
(au prix de 2018), soit 807 Md
€
en prix
courants. Lors du Conseil européen des 17-21 juillet 2020, les vingt-sept chefs d'État et de
gouvernement ont endossé le montant global à raison de 312,5 Md
€
de subventions, 360 Md
€
de prêts et 77,5 Md
€
de complément aux programmes des CFP 2014-2020 et 2021-2027. À fin
mai 2023, près de 106 Md
€
ont été mobilisés sous forme de subventions et 47 Md
€
sous forme
de prêts (1.3.1) dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
Au moment où le plan de relance a été décidé, au printemps 2020, les pays mobilisaient
déjà fortement leurs finances publiques pour prendre en charge les mesures mises en place pour
atténuer les effets de la crise covid sur leurs économies. Dans ce contexte, la décision a été prise
de financer
NextGenerationEU
par un endettement commun, avec un remboursement qui
devrait s’étaler entre 2028 et 2058 (1.3.2). Pour éviter que ce remboursement ne vienne
diminuer les fonds alloués au budget européen traditionnel à partir de 2028, les États membres
se sont mis d’accord pour identifier de nouvelles ressources propres affectées à ce
remboursement. La mise en place de ces nouvelles ressources propres a pris du retard et le
montant qui sera
in fine
alloué au remboursement de l’emprunt reste encore très incertain
(1.3.3).
1.3.1
Le plan
NextGenerationEU
: un nouveau modèle de financement et de
gouvernance
Les
financements de
NextGenerationEU
s’élèvent à 750 Mds
€
2018
(807 Md
€
en euros
courants). Ils sont principalement affectés, à hauteur de 672,5 Md
€
2018
, à un instrument
proposant des subventions et des prêts aux États membres pour soutenir les réformes et les
investissements, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
Le reste des financements (77,5 Md
€
2018
) est venu abonder des programmes existants
du CFP 2014-2020 (comme
REACT-EU
11
) ainsi que du CFP 2021-2027, sans que leurs
plafonds ne soient modifiés, selon la répartition figurant dans le tableau suivant.
11
«
Recovery Assistance for Cohesion and the Territories of Europe
»
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
20
Tableau n° 3 :
répartition des montants du plan de relance
NextGenerationEU
(en Md
€
2018
)
Programmes européens
Montant
Facilité pour la reprise et la résilience
672,5
Dont prêts
360,0
Dont subventions
312,5
Programmes du CFP 2014-2020
47,5
Programmes du CFP 2021-2027
30,0
Total
750,0
Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2023 intitulée « Relations financières avec l’UE ».
La FRR fait l’objet d’une gouvernance spécifique. L’allocation des crédits nécessite que
les États membres présentent à la Commission européenne des plans nationaux de reprise et de
résilience (PNRR) détaillant leurs programmes de réformes et d’investissement pour les années
2021 à 2026. La Commission européenne dispose ensuite d’un délai de deux mois pour évaluer
ces plans, et examiner leur cohérence avec les recommandations par pays réalisées dans le cadre
du Semestre européen. L’évaluation des plans est ensuite approuvée par le Conseil statuant à la
majorité qualifiée, dans un délai de quatre semaines après la proposition de la Commission
européenne.
À ce jour, tous les plans nationaux de reprise et de résilience ont été validés. La Hongrie
est le dernier pays à avoir reçu l’agrément du Conseil en décembre 2022. En effet, son agrément
était bloqué depuis avril 2021, en raison des tensions liées au respect de l’état de droit dans ce
pays.
L’enveloppe de 723,8 Md
€
à prix courant, correspondant au 672,5 Md
€
2018
du précédent
tableau, se répartit entre 385,6 Md
€
de prêts et 338 Md
€
de subventions. La clé d’allocation de
celle-ci est séquencée en deux phases : 70 % des crédits devront avoir été engagés en 2021 et
2022 ; les 30 % restants seront engagés en 2023.
Selon la mise à jour publiée par la Commission européenne le 30 juin 2022, la France
devrait finalement bénéficier de 37,5 Md
€
, au lieu des 39,4 Md
€
initialement attendus en
application de la clé d’allocation de la facilité pour la reprise et la résilience (cf. encadré). Cet
ajustement à la baisse s’explique, selon les documents budgétaires par «
la baisse constatée
s’explique par la croissance vigoureuse, et plus rapide que prévu, observée en France sur la
période 2020-2021. Au contraire, les États membres qui ont connu une reprise relativement
moins forte, comme l’Espagne ou l’Allemagne, voient leurs enveloppes de subventions au titre
du plan de relance augmenter
». Toutefois, à la suite du plan
REPowerEU
adopté fin 2022 par
l’UE pour accroître la résilience, la sécurité et la durabilité du système énergétique de l’UE
ainsi que la diversification de ses approvisionnements énergétiques, la France pourrait
bénéficier de 2,8 Md
€
de subventions supplémentaires (cf. 2.3).
La clé
d’allocation
de la Facilité pour la reprise et la résilience
Chaque État membre dispose d’une enveloppe nationale de subventions « pré-allouée » établie sur la base
d’une clé d’allocation prenant en compte à la fois des critères structurels reflétant la fragilité relative des
économies (taux de chômage, RNB, etc.) et des critères dynamiques reflétant l’impact conjoncturel de la
crise liée à la covid 19. La clé d’allocation retenue permet d’ajuster les montants reçus en fonction de
l’impact réel de la crise :
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
21
- pour 2021-2022 (70% des fonds), les critères retenus sont des critères de cohésion classiques
(population, proportion inverse du PIB par habitant, taux de chômage moyen sur les cinq dernières années
par rapport à la moyenne de l'Union (2015-2019)) ;
- pour 2023 (30% des fonds), le critère du chômage au cours de la période 2015-2019 est remplacé, en
proportions égales, par le critère de la chute de PIB réel en 2020 et la chute du PIB réel durant les exercices
2020-2021 combinés, dont le chiffrage devait être réalisé au plus tard le 30 juin 2022.
En ce qui concerne les prêts, les États peuvent demander des montants jusqu’à 6,8 % de leur RNB calculé
en 2019. Ces demandes peuvent être faites jusqu’en août 2023.
Le décaissement des fonds de la FRR s’étalera de 2021 à 2026, au fur et à mesure de
l’atteinte de cibles quantitatives («
targets
») et jalons (cibles qualitatives ou «
milestones
»)
figurant dans le plan national de chaque État membre. Fin mai 2023, environ 153 Md
€
(106 Md
€
de subventions et 47 Md
€
de prêts) ont été versés aux États membres, soit un peu
plus de 20 % du montant global.
Plusieurs raisons expliquent la montée en puissance très progressive de la FRR. D’une
part, les versements européens nécessitent la mise en place préalable d’un dispositif d’audit et
de contrôle, qui peut être relativement lourd pour les États membres en termes de gestion.
D’autre part, ce dispositif peut également être difficile à appliquer pour des administrations et
des organismes peu habitués aux financements européens ou dotés de moyens moins
importants.
Enfin, assez peu de pays ont demandé à bénéficier des prêts de
NextGenerationEU
, dans
la mesure où seuls ceux présentant des conditions de financement moins favorables que la
Commission européenne sur les marchés financiers avaient intérêt à y participer. Début 2023,
80 % des prêts accordés l’ont été à l’Italie, 10 % à la Grèce tandis que le solde se répartit entre
le Portugal, la Roumanie et Chypre.
12
Le règlement
REPowerEU
a donné la possibilité de
solliciter des prêts au-delà de la limite de 6,8 % du RNB 2019, les demandes nouvelles à ce titre
ne sont pas encore connues.
1.3.2
Une croissance importante de la dette européenne sans impact notable à ce
stade sur les conditions de financement de la dette française
La décision de financer le plan
NextGenerationEU
(plus de 800 Md
€
), ainsi que le plan
SURE
13
visant à atténuer les risques de la crise covid 19 sur l’emploi en Europe (100 Md
€
), par
endettement commun a conduit à un changement drastique du volume des émissions
obligataires européennes ainsi que de leur nature, avec l’émission d’obligations vertes et
sociales. Ainsi, alors que la Commission européenne n’avait émis qu’un peu moins de 80 Md
€
sur les dix années comprises entre 2009 et 2019, près de 300 Md
€
ont été émis sur les trois
années 2020 à 2022.
12
La Pologne et la Slovénie ont depuis également sollicité des prêts.
13
Règlement (UE) 2020/672 du Conseil du 19 mai 2020 portant création de l’instrument européen de soutien
temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE) engendrée par la propagation de
la COVID-19.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
22
Fin 2022, le montant de dette s’élevait à 331 Md
€
, dont 52% au titre du financement de
NextGenerationEU
et 30 % au titre du programme SURE. Toutes les émissions du programme
SURE sont des obligations sociales. Pour le financement de
NextGenerationEU
, la Commission
a pour objectif d’émettre 30 % des montants en obligations vertes soit près de 250 Md
€
une
fois le programme entièrement financé. Fin 2022, un peu moins de 40 Md
€
d’obligations vertes
ont déjà été émises.
Dans ce contexte de croissance marquée de la dette européenne, et pour s’assurer que
celle-ci soit notée comme très sûre, il a été décidé de relever temporairement de 0,6 point de
RNB jusqu’en 2058, date à laquelle l’endettement lié à
NextGenerationEU
doit être
intégralement remboursé, le plafond des ressources propres susceptibles d’être appelées chaque
année pour couvrir les engagements de l’UE. Ces 0,6 point de RNB viennent s’ajouter au
montant total des ressources propres pour couvrir les crédits d’engagement qui ne peut dépasser
1,46 % de la somme des RNB de tous les États membres ainsi qu’au montant total des
ressources propres attribué à l’UE pour couvrir les crédits de paiements qui ne peut dépasser
1,40 % du même total.
14
Le renforcement significatif de l’émetteur européen dans un contexte ou (i) il était
proche en termes de courbe des taux de celle de la France
15
; (ii) sa notation est meilleure que
celle de la dette française et ; (iii) il comptait émettre des volumes importants d’obligations
vertes, marché ou la France est un des plus gros émetteurs en Europe, pouvait laisser craindre
des effets négatifs sur le financement de la dette française par effet de concurrence.
À ce stade aucun effet négatif n’est perceptible. Au contraire, alors qu’avant le
déclenchement de la guerre en Ukraine, soit à la fin 2021, les taux français étaient plus bas que
les taux européens sur les maturités courtes et plus élevés sur les maturités longues, ils sont
maintenant plus bas, de 10 à 20 points de base, sur toutes les maturités. Cela traduit
principalement l’avantage en termes de liquidité des titres français par rapport aux titres
européens qui vient plus que compenser la différence dans la notation.
Le risque de concurrence n’est néanmoins pas complètement écarté car la Commission
va voir la liquidité de ses titres s’améliorer. D’une part, elle a mis en place début 2023 une
stratégie nouvelle pour éviter la fragmentation de son portefeuille obligataire et, d’autre part,
les montants restant à émettre sur
NextGenerationEU
demeurent importants.
14
Les plafonds des ressources propres actuelles de l’UE ont été revus à la hausse lors de la mise en place du CFP
2021-2027. Le pourcentage du RNB susceptible d’être affecté aux dépenses de l’UE a été majoré de 0,2 point, en
lien avec la baisse du RNB européen consécutif à la sortie du Royaume-Uni et les conséquences économiques de
la crise sanitaire ainsi que l’intégration du Fonds européen de développement (FED) dans le CFP.
15
Voir le rapport de la Cour des comptes intitulé «
La gestion de la dette publique et l’efficience du financement
de l’État par l’Agence France Trésor
», février 2022.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
23
1.3.3
Un ressaut probable et durable du prélèvement sur recettes à partir de 2028
sauf à mettre en place de nouvelles ressources propres suffisantes pour
rembourser
NextGenerationEU
1.3.3.1
Un remboursement de la dette européenne liée à
NextGenerationEU
prévu à
partir de 2028, avec l’espoir d’instituer d’ici là de nouvelles ressources propres
Aux termes de l’accord entre les 27 États membres conclu lors du Conseil européen de
juillet 2020, la Commission européenne devait présenter, au cours du premier semestre de 2021,
des propositions visant à instituer de nouvelles ressources propres - un mécanisme d’ajustement
carbone aux frontières et une redevance numérique - en vue de leur introduction au plus tard le
1
er
janvier 2023. La Commission devait également présenter une proposition relative à un
système révisé d’échange de quotas d’émission (SEQE), «
éventuellement étendu à l’aviation
et au transport maritime
».
Plus généralement, les conclusions du Conseil européen prévoient que «
l’Union
s’efforcera, au cours du prochain CFP, de mettre en place d’autres ressources propres, qui
pourraient inclure une taxe sur les transactions financières
». Elles précisent également que «
le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le
remboursement anticipé des emprunts contractés dans le cadre de NextGenerationEU
».
Dès la présentation des contours du plan de relance européen en juillet 2020,
l’introduction de nouvelles ressources propres avait en effet été désignée comme la clé de voûte
de son financement.
À défaut de l’introduction de nouvelles ressources propres, et si aucune autre solution
était trouvée, le remboursement du volet subventions de la FRR et des financements
supplémentaires de certains programmes européens par de
NextGenerationEU
16
serait assuré
par les contributions des États membres en fonction de leur part respective dans le revenu
national brut de l’UE, et s’ajouterait aux contributions nationales usuelles. L’accord
institutionnel du 14 décembre 2020 prévoit ainsi un relèvement extraordinaire et temporaire du
plafond de ressources propres de 0,6 point de RNB à la seule fin de couvrir l’ensemble des
engagements de l’UE résultant de ces emprunts appelé à être mis en
œ
uvre à défaut de la mise
en place de nouvelles ressources propres.
Comme les autres États qui se finançaient à des taux plus favorables que l’UE lors du
lancement de
NextGenerationEU
, la France n’a pas eu recours aux facilités d’emprunt ouvertes
par la FRR. Elle ne serait concernée que par le remboursement de la part subventions de cet
instrument et des financements supplémentaires de certains programmes européens.
Dans le cadre de l’établissement du compte général de l’État, l’engagement financier de
la France relatif à
NextGenerationEU
a été estimé à 75 Md
€
sur la période 2028-2058.
17
Ainsi,
si aucune ressource propre supplémentaire n’est mise en place d’ici 2028, le montant annuel
moyen de sa participation au remboursement est évalué à ce stade à environ 2,5 Md
€
à compter
16
Horizon Europe, REACT-UE, Fonds de transition juste, FEADER, InvestEu et RescEU.
17
Voir Compte général de l’État 2022 (partie 22.4.4.15).
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
24
de 2028. Il serait moins important, voire nul si l’UE perçoit effectivement de nouvelles
ressources propres d’ici le moment où les premiers remboursements interviendront.
1.3.3.2
Les projets européens de nouvelles ressources propres
Malgré la proposition d’introduction de trois nouvelles ressources propres de la part
Commission en mai 2018 dans son projet de CFP 2021-2027, le Conseil européen n’est pas
parvenu dans l’accord de juillet 2020 à s’accorder sur la création immédiate de nouvelles
ressources propres, à l’exception de la ressource plastique, qui ne constitue toutefois pas
stricto
sensu
une ressource distincte en ce qu’elle ne demeure qu’une modulation de la ressource RNB.
Dans la continuité des conclusions du Conseil européen des 17-21 juillet 2020 qu’il
précise, l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 prévoit une feuille de route en vue de
l’introduction, avant la fin du cadre 2021-2027, de nouvelles ressources propres permettant la
diversification du système de financement de l’UE et la couverture des dépenses attendues
(15 Md
€
par an sur 30 ans à compter de 2028) au titre du remboursement de l’emprunt commun
contracté dans le cadre de
NextGenerationEU
. Ce calendrier prévoyait, d’ici juin 2021, la
publication par la Commission de premières propositions de nouvelles ressources fondées sur
le système d’échange de quotas d’émission (EU-ETS), un mécanisme d’ajustement carbone aux
frontières (MACF) et une taxe numérique, en vue d’une délibération du Conseil d’ici juillet
2022 et d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Des propositions additionnelles, qui
pouvaient inclure une taxe sur les transactions financières ou une taxation des entreprises,
étaient attendues de la Commission d’ici juin 2024 en vue d’une délibération du Conseil d’ici
juillet 2025 et d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2026.
La publication des premières propositions de la Commission, attendue initialement pour
mi-2021, est finalement intervenue le 22 décembre 2021 en raison des nombreuses avancées et
développements de la négociation menée en parallèle à l’OCDE entre 130 États sur la fiscalité
des entreprises et la taxation des multinationales.
Conformément à l’accord interinstitutionnel, ce premier paquet comprend trois
propositions de nouvelles ressources :
- une ressource fondée sur le marché carbone européen. La Commission propose que
25 % des recettes générées par le système communautaire d'échange de quotas d'émission
(SEQE) prévu dans le cadre du paquet européen sur le climat «
Fit for 55
» soit affecté au
budget européen alors que jusqu’à maintenant seulement 10 % de ces recettes étaient affectés
au niveau européen pour financer le Fonds d’innovation et le Fonds de modernisation. Elle
propose également que ce système soit étendu au secteur du transport maritime et que la
contribution du secteur de l’aviation soit étendue aux vols à destination d’un pays en dehors de
l’UE. Elle propose également de créer un système similaire mais distinct, car le prix du carbone
y sera plus bas dans un premier temps, pour les émissions liées au transport routier et aux
habitations. Dans la proposition de décembre 2021, les recettes pour le budget de l’UE sont
estimées par la Commission européenne à 9 Md
€
par an sur la période 2023-2030 et à 12 Md
€
par an sur la période 2026-2030. Pour atténuer les effets, notamment sur les ménages, de la
mise en place du nouveau système d’échange de quotas sur le transport routier et les habitations,
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
25
la Commission a proposé la création d’un fonds social pour le climat qui serait doté de 65
Md
€
18
, hors cofinancement national.
- une ressource fondée sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).
Cet instrument vise à limiter les fuites d’émission carbone en instaurant, dans certains secteurs,
une péréquation des prix du carbone entre les produits nationaux et les importations en
provenance de pays situés hors de l’UE. La Commission propose que 75 % des revenus issus
de la vente des certificats MACF deviennent une ressource propre de l’UE. Dans la proposition
de décembre 2021, cette recette est évaluée à 800 M
€
par an à compter de 2026 ;
- une ressource fondée sur le « Pilier I » de l’accord multilatéral de l’OCDE/G20 sur la
fiscalité internationale. Cette ressource, qui ne sera effective qu’une fois la convention
multilatérale entrée en vigueur, serait équivalente à 15 % de la part des bénéfices résiduels de
certaines entreprises multinationales réaffectés aux États membres de l’UE. Les recettes issues
de cette nouvelle taxation pour le budget européen sont estimées entre 2,5 et 4 Md
€
par an.
Selon la proposition de la Commission de décembre 2021, l’introduction de ces trois
nouvelles ressources propres permettrait de dégager jusqu’à 17 Md
€
de recettes annuelles au
cours de la période 2026-2028, qui marquera l’achèvement du CFP 2021-2027 et le démarrage
du futur cadre 2028-2034. Cette recette demeurerait inférieure aux besoins de financement liés
d’une part au remboursement du plan de relance européen, pour 15 Md
€
annuels et, d’autre
part, à la mise en place du Fonds social pour le climat, pour 9,7 Md
€
en moyenne chaque année
L’introduction de nouvelles ressources propres nécessite l’obtention préalable d’un
accord sur la législation sectorielle sous-jacente et la révision de la décision du Conseil relative
aux ressources propres, qui doit être approuvée à l’unanimité et ratifiée dans tous les États
membres. Deux propositions sectorielles (MACF et ETS-EU) ont été discutées dans le cadre
des trilogues avec le Parlement européen. La proposition de directive relative au premier pilier
est attendue une fois que les travaux sur les éléments techniques pertinents seront achevés dans
le cadre de l’OCDE.
Les discussions techniques sur la proposition de révision de la décision ressources
propres et ses règlements d’application ont débuté au 1er semestre 2022 sous Présidence
française, parallèlement aux travaux sectoriels menés dans la cadre du paquet «
Fit for 55
», et
ont donné lieu à un rapport d’étape ainsi qu’à une première délibération lors du Conseil
ECOFIN du 17 juin 2022.
En décembre 2022, un accord a été trouvé entre le Parlement européen et le Conseil sur
des textes sectoriels portant sur trois points :
- la mise en place d’un mécanisme carbone d’ajustement au frontière (MACF) de
manière progressive entre 2023 et 2034 pour s’assurer que le prix du carbone payé pour les
produits de l’UE opérant dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission (ETS) de
l’UE et celui pour les biens importés soit identique ;
- l’extension du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) à l’aviation pour les
vols à destination d’un pays en dehors de l’UE et au transport maritime et création d’un système
distinct en 2027 (SEQE II) pour les secteurs du bâtiment et du transport routier, ainsi que la
disparition progressive des quotas gratuits jusqu’en 2034 en miroir de la phase de transition du
18
Ce montant serait ramené à 55 Md
€
en l’absence de recettes SEQE II sur le bâtiment et les transports routiers
en 2026 et 2027.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
26
MACF pour ne pas créer de distorsion de concurrence entre entreprises européennes et
étrangères et ainsi respecter les règles de l’OMC ;
- la création d’un fonds social climatique dès 2026 qui pourra être doté de 65 Md
€
19
sur
la période 2026-2032 pour d’une part financer des mesures temporaires de soutien direct aux
revenus pour faire face à l’augmentation des prix des transports routiers et des combustibles de
chauffage et d’autre part permettre des investissements notamment de rénovation thermique ou
de décarbonation. Le fonds sera financé à hauteur de 4 Md
€
par des recettes du SEQE et jusqu’à
65 Md
€
par des recettes du SEQE II et le complément par des ressources nationales.
En mars 2023, la Commission a réévalué les recettes qui pouvaient être attendues de ces
différents mécanismes. Celles attendues de la réforme des systèmes d’échange de quotas
d’émission se situeraient entre 12 Md
€
et 14,3 Md
€
en moyenne sur 2026-2023 selon
l’hypothèse faite sur le prix du carbone. Celles attachées au mécanisme carbone d’ajustement
au frontière seraient de 1,8 Md
€
20
en moyenne sur 2028-2030.
En ce qui concerne la ressource propre qui repose sur le pilier 1 de l’initiative de
l’OCDE, la Commission est dans l’attente de la finalisation de l’accord. Elle s’est néanmoins
donnée la possibilité de faire une proposition fin 2023 si le processus de mise en
œ
uvre au
niveau de l’OCDE n’était pas achevé.
1.3.3.3
Un reste à financer probable
Ces accords constituent une étape importante dans la mise en
œ
uvre de nouvelles
ressources mais ils ne permettent pas de s’assurer qu’un montant suffisant de ressources propres
soit affecté au remboursement de l’endettement à partir de 2028.
D’abord, si la ressource SEQE constitue bien de l’« argent frais » supplémentaire grâce
à son extension à de nouveaux secteurs économiques, le montant des recettes dépendra du prix
du carbone et des modalités de transposition par la France de la directive SEQE
21
, en particulier
de l’articulation avec la composante carbone de la fiscalité déjà en vigueur.
Ensuite, une partie de ces nouvelles recettes est déjà fléchée pour financer plusieurs
politiques et ne sera donc pas alloué au remboursement de la dette. Il s’agit par exemple de
financer le fonds social pour le climat ou encore accroître les moyens du fonds pour
l’innovation. Il n’est pas possible à ce stade de déterminer quel montant pourra être affecté à
partir de 2028 au remboursement de l’endettement commun associé à
NextGenerationEU
.
Enfin, pour être mis en
œ
uvre, l’accord devra être formellement approuvé à l’unanimité
par le Conseil et la décision ressources propres devra être approuvé à l’unanimité et ratifiée
dans tous les États membres.
À ce stade, malgré la discussion en cours sur les nouvelles ressources propres, le
scénario qui ressort comme le plus probable est celui où les nouvelles ressources propres ne
19
Hors cofinancement national à hauteur de 25%.
20
En prix courants, avec un prix du carbone de 77
€
/tCO
2
.
21
Directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive
2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la
décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le
système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
27
permettent pas de couvrir l’intégralité des remboursements annuels de l’emprunt de
NextGenerationEU
à partir de 2028. Le ressaut de la contribution française, qui pourrait
atteindre de l’ordre de 2,5 Md
€
par an pendant 30 ans, n’est donc pas à exclure. L’hypothèse
de l’émission d’une nouvelle dette pour rembourser l’ancienne ou de rendre permanente cette
faculté d’emprunter sur les marchés pour financer des parties du budget européen, outre qu’elle
aurait peu de chances de rassembler l’unanimité des États membres et notamment des moins
endettés d’entre eux, pourrait être de surcroît contraire aux dispositions du traité sur le
fonctionnement de l’UE.
22
En parallèle de ce premier paquet de ressources propres, la Commission a inclus dans
son programme de travail pour 2023 la présentation d’«
un deuxième ensemble de nouvelles
ressources propres, dans le prolongement de la proposition relative à un corpus unique de
règles fiscales pour les entreprises en Europe
».
Enfin, dans sa présentation du budget pour 2024 le 7 juin 2023, la Commission
européenne a annoncé qu’elle présenterait en juin 2023 un examen à mi-parcours du CFP,
assorti d’une proposition de révision. Une telle révision du CFP avait été explicitement exclue
par les chefs d’État et de gouvernement en 2020. Depuis, le montant des intérêts de
NextGenerationEU
a fortement augmenté à la suite de la hausse des taux d’intérêts, ainsi que
les dépenses salariales des fonctionnaires européens en raison de leur ajustement automatique
à l’inflation. Cette révision du CFP, souhaitée par le Parlement européen, pourrait aussi
constituer une opportunité pour faire progresser la question des ressources propres et du
remboursement de
NextGenerationEU
.
Si des propositions existent et si certaines d’entre elles ont déjà fait l’objet de
discussions approfondies, l’incertitude reste néanmoins élevée quant à la capacité de l’UE à
instituer de nouvelles ressources propres à un niveau suffisant, à défaut de quoi il serait
nécessaire d’appeler des contributions supplémentaires auprès des États jusqu’à 0,6 point de
RNB supplémentaire à partir de 2028, soit un montant d’environ 2,5 Md
€
chaque année pour
la France.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le changement de dimension de la capacité de dépense européenne sur 2021-2027, avec
l’ajout du plan de relance NextGenerationEU au cadre financier pluriannuel (CFP) habituel,
appelle une attention particulière sur son financement. Sur le CFP, le départ du Royaume-Uni
de l’UE va déjà entraîner à terme un ressaut de la contribution française.
En ce qui concerne NextGenerationEU, le choix de le financer par un endettement
commun pour ne pas peser sur les finances publiques des États à un moment ou celles-ci étaient
déjà fortement sollicitées, a permis de libérer des fonds rapidement. Il est maintenant temps de
concrétiser l’intention de financer son remboursement, qui devra commencer en 2028, au
moyen de nouvelles ressources propres clairement fléchées vers cet objectif. À défaut, une
augmentation de la contribution française au financement du budget européen pourrait être
22
Notamment l’article 311 qui stipule que «
Le budget est, sans préjudice des autres recettes,
intégralement financé par des ressources propres
» et l’article 310 qui indique que «
Le budget doit être équilibré
en recettes et en dépenses
».
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
28
nécessaire ; elle pourrait atteindre jusqu’à 0,6 point de ressource RNB supplémentaire, soit de
l’ordre de 2,5 Md
€
pendant 30 ans.
La maîtrise du financement du budget européen est d’autant plus importante qu’elle
intervient à un moment ou certains pays européens, comme la France, doivent redresser
sensiblement leurs finances publiques.
C’est pour cela qu’il est crucial de tirer le meilleur parti des opportunités qu’offre le
budget européen et de s’assurer de sa complémentarité avec le budget national.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
29
2
DES
RETOURS
EUROPEENS
CONCENTRES
SUR
L’AGRICULTURE ET LA COHESION, QUI POURRAIENT
ETRE AMELIORES ET DIVERSIFIES
La Commission européenne est responsable de l’exécution du cadre financier
pluriannuel (CFP) (2.1), et, depuis 2020, du plan
NextGenerationEU.
Elle publie chaque année
le montant des financements européens qui bénéficient aux États membres : versements de la
Commission au titre de programmes dont elle assure la gestion, flux transitant par les agences
européennes dont le siège se situe dans le pays concerné, programmes mis en
œ
uvre par les
États, financement des institutions européennes. Ces montants constituent les « retours » des
CFP (2.2) et, à partir de 2021, de la mise en
œ
uvre de la facilité pour la reprise et la résilience
du plan
NextGenerationEU
(2.3).
2.1
Le cadre financier pluriannuel : un champ d’intervention qui s’élargit
L’UE consacre près des deux tiers du CFP à la politique de cohésion et à la politique
agricole commune et la période 2021-2027 voit le renforcement des programmes en faveur de
la compétitivité, de la recherche et de l’innovation, de la sécurité et des relations extérieures
(2.1.1). Les trois quarts des dépenses sont réalisés dans le cadre d’enveloppes budgétaires pré-
affectées par programmes et par États membres (2.1.2) et gérées selon des modalités spécifiques
(2.1.3).
2.1.1
Le CFP 2021-2027 renforce les financements pour la recherche et
l’innovation, la gestion des frontières et des migrations et la défense
Le CFP est un budget d’intervention et d’investissement, les dépenses administratives
ne s’élevant qu’à 7 % du plafond pluriannuel. La Commission européenne exécute le CFP dans
le cadre de règlements du Conseil et du Parlement ou de la Commission, qui précisent
l’enveloppe pluriannuelle de chaque programme, ses objectifs et les soutiens financiers pouvant
être apportés aux bénéficiaires (citoyens, entreprises, associations, institutions, etc.). Les projets
peuvent être financés en totalité ou avec des cofinancements publics ou privés.
Le cadre d’exécution de la période de programmation 2021-2027 est fixé par trois
règlements qui déclinent l’accord institutionnel du 16 décembre 2020 entre le Conseil, le
Parlement européen et la Commission européenne : le règlement fixant le cadre financier
pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027
23
, le règlement relatif à un régime général de
conditionnalité pour la protection du budget de l’Union
24
et le règlement établissant un
23
Règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020.
24
Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un
régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
30
instrument de l’UE pour la relance en vue de soutenir la reprise à la suite de la crise liée à la
covid 19
25
.
Le règlement sur le CFP fixe un plafond de dépenses réparti par année entre des
« rubriques » qui traduisent les priorités politiques de l’UE. La stabilité des plafonds 2014-2020
et 2021-2027 en euros constants s’accompagne ainsi d’une réallocation entre priorités. La
période 2014-2020 affichait les priorités de la stratégie «
Europe 2020
» (ou «
Europe de la
connaissance
») qui était incarnée par la rubrique 1 «
Croissance intelligente et inclusive
» :
politique régionale, grands programmes pour la recherche et l’innovation, l’éducation et la
formation, les réseaux transeuropéens d'énergie, de transport et de télécommunications. Tout
en assurant la continuité des rubriques relatives à la cohésion, aux ressources et à la politique
agricole commune, le CFP 2021-2027 est réorganisé en sept domaines d’intervention
prioritaires incluant l’innovation, la gestion de l’asile et des migrations, la sécurité et la défense,
comme le montre le tableau de correspondance des nomenclatures des CFP 2014-2020 et 2021-
2027.
Tableau n° 4 :
rubriques des CFP 2014-2020 et 2021-2027 (hors
NextGenerationEU
).
Nomenclature du CFP 2014-2020
Nomenclature du CFP 2021-2027
1 – Croissance intelligente et inclusive
1a – Compétitivité pour la croissance et l’emploi
I – Marché unique, innovation et numérique
1b
–
Cohésion
économique,
sociale
et
territoriale
II – Cohésion et valeurs
2 – Croissance durable : ressources naturelles
III – Ressources naturelles et environnement
3 – Sécurité et citoyenneté
IV – Migration et gestion des frontières
V – Sécurité et défense
4 – L’Europe dans le monde
VI – Voisinage et monde
5 - Administration
VII – Administration publique européenne
Source : Commission européenne
La répartition du plafond par année et par rubrique est opérée en euros constants 2018
dans le règlement CFP
26
. La conversion en euros courants est effectuée chaque année en
utilisant un taux de revalorisation fixe de 2 % chaque année, en application de « l’ajustement
technique » prévu par l’article 4 de ce même règlement. En revanche, les montants des
programmes et des fonds européen) sont exprimés en euros courants dans les règlements
sectoriels.
27
Pour la période 2021-207, des moyens supplémentaires sont accordés au sein du plafond
pluriannuel du CFP par rapport à la période précédente pour soutenir la recherche et
25
Règlement (UE) 2020/2094 du Conseil du 14 décembre 2020.
26
Règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020.
27
À l’exception des règlements de la politique de cohésion où ils sont exprimés en
€
2018
.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
31
l’innovation, les grands programmes et les réseaux transeuropéens, la gestion de l’asile et des
migrations, la gestion des frontières, la sécurité et la défense. Ces moyens sont également
renforcés par 43,3 Md
€
financés par le plan
NextGenerationEU
et 11 Md
€
ajoutés à la demande
du Parlement
28
, comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 5 :
évolution des moyens financiers par rubriques des CFP 2014-2020 et 2021-2027 (M
€
courants)
CFP 2014-2020
CFP 2021-2027
Rubrique
Montant
%
Montant
Total
% CFP
% du total
des moyens
affectés aux
rubriques
CFP
CFP
NGEU*
Article
5**
1 – Marché unique,
compétitivité et
numérique
114,5
10,8%
150,704
11,5
4,6
166,8
12,4%
13,7%
2 – Cohésion,
résilience et valeurs
386,1
36,3%
428,486
12,9
6,8
448,2
35,3%
36,9%
3 – Ressources
naturelles et
environnement
391,8
36,8%
400,997
18,9
419,9
33,0%
32,5%
4 – Migration et
gestion des
frontières
3,6
0,4%
25,699
1,1
27,1
2,1%
2,1%
5 – Sécurité et
défense
4,1
0,4%
14,925
14,9
1,2%
1,2%
6 – Voisinage et
monde
94,4
8,9%
110,597
110,6
9,1%
9,1%
7 – Administration
publique
européenne
69,6
6,5%
82,474
82,5
6,8%
6,8%
Total
1064,0
1214,9
43,3
1292,0
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes. Montants du CFP 2014-2020 recalculés
pour l’UE-27 en intégrant le Fonds européen de développement. * Montants issus du plan NextGenerationEU. **
Montants correspondant aux recettes identifiées à l’article 5 du règlement CFP et ajoutés à la demande du
Parlement européen.
D’après la Commission européenne, les parts relatives des dépenses consacrées à la
politique agricole commune (30,9 %) et de celles relatives à la politique régionale (30,5 %)
diminuent dans le CFP 2021-2027 et, pour la première fois, les «
priorités nouvelles et
renforcées
» constituent la part la plus importante du CFP 2021-2027 (31,9 %), comme le
montre le graphique suivant.
28
Moyens prévus à l’article 5 du règlement relatif au CFP, montant de 11 Mds
€
correspondant aux recettes
attendues au titre des amendes imposées en vertu du droit de la concurrence pendant la période 2021-2027.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
32
Graphique n° 2 :
Évolution historique de la répartition des dépenses du CFP entre priorités
Source: Commission européenne, « The EU’s 2021-2027 long-term Budget and NextGenerationEU » - Facts and
Figures. Common agricultural policy : politique agricole commune, Economic, social and territorial cohesion :
politique de cohésion, New and reinforced priorities : priorités nouvelles et renforcées, Administration :
administration publique européenne.
Si les périodes de programmation et les dépenses des CFP 2014-2020 et 2021-2027 sont
juridiquement distinctes, les flux financiers annuels se juxtaposent en raison du caractère
pluriannuel des projets financés. Ce chevauchement est accentué par le plan
NextGenerationEU
qui finance à la fois des programmes du CFP 2014-2020 et du CFP 2021-2027 comme le montre
le tableau suivant.
Tableau n° 6 :
répartition des montants de
NextGenerationEU
par programmes des CFP 2014-2020
et 2021-2027, hors facilité pour la reprise et la résilience (en Md
€
2018
)
Programmes financés par NextGenerationEU
Montant
Programmes du CFP 2014-2020
REACT-EU
: Fonds européen de développement économique régional
(FEDER) et Fonds social européen (FSE)
47,5
Programmes du CFP 2021-2027
Fonds de transition juste (FTJ)
10,0
Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)
7,5
Fonds InvestEU
5,6
Horizon Europe
5,0
Mécanisme de protection civile de l’UE (RescEU)
1,9
Total
77,5
Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2023 intitulée « Relations financières avec l’UE ».
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
33
Le présent rapport prend en compte les dépenses programmées et réalisées sur la période
2014-2021, qui comprend le début du CFP 2021-2027. Elles résultent surtout de la mise en
œ
uvre du CFP 2014-2020, l’exercice 2021 illustrant essentiellement la fin de sa programmation
avec les paiements des fonds de la politique de cohésion et des programmes de recherche.
2.1.2
Des dépenses pré-affectées par programmes et dont 75 % sont pré-réparties
entre les États
Les dépenses du CFP traduisent la solidarité entre les États membres dans la mise en
œ
uvre des politiques européennes. 93 % du CFP est ainsi affecté au financement de
programmes européens, le solde correspondant au fonctionnement des institutions européennes
(Commission, Conseil, Parlement, Cour de justice, Cour des comptes européenne).
Afin de réduire la « galaxie budgétaire » critiquée notamment par le Parlement européen
et la Cour des comptes européenne, le nombre de programmes et d’instruments financiers se
réduit de 73 à 48 par rapport au CFP 2014-2020. De nouveaux instruments extra-budgétaires
ont cependant été créés depuis 2020 :
NextGenerationEU
, fonds social climat, fonds
d’innovation et fonds de modernisation financés par le système d’enchère des quotas à
l’émission, instruments de soutien à l’Ukraine ou encore
REPowerEU
.
Dans ce cadre, la Commission européenne attribue les financements liés aux
programmes pour la recherche et l’innovation, les réseaux transeuropéens (énergie, transport,
numérique), les investissements stratégiques, la préservation de l’environnement, la
coopération industrielle en matière de défense, l’aide au développement et de solidarité en cas
de catastrophes naturelles. Le CFP soutient aussi au moyen d’enveloppes pré-affectées par État-
membre les investissements pour le développement régional (fonds structurels de la politique
de cohésion), la sécurité alimentaire, l’agriculture et le développement rural (fonds de la
politique agricole commune), les actions visant à atténuer l’impact de la transition vers la
neutralité climatique dans les régions les plus touchées (fonds de transition juste), la gestion de
l’asile et des migrations (fonds asile et migration), la sécurité intérieure et la gestion des
frontières.
Une quinzaine de programmes thématiques concentre près de 90 % des dépenses du
CFP : recherche et innovation, investissements stratégiques, interconnexions européennes,
coopération industrielle en matière de défense, politique de cohésion, politique agricole
commune, politique de l’asile et des migrations, de la sécurité intérieure et de la gestion des
frontières, comme le montre le tableau en Annexe n° 2.
Cette répartition thématique s’accompagne d’une répartition du budget de certains
programmes entre les États membres, répartition qui peut concerner tout ou partie du
programme selon des modalités variables. Les fonds de la politique de cohésion sont répartis
en fonction de la richesse relative (PIB par habitant) et des régions. Les fonds de la politique
agricole sont répartis sur une base historique modifiée pour faire converger progressivement les
montants des aides à l’hectare entre les États. Le fonds asile et migration est réparti en fonction
de critères objectifs liés aux demandes d’asile, au flux migratoire et de reconduite, ces critères
étant actualisés à mi-parcours de la période de programmation. Ces modalités sont définies dans
l’accord du Conseil sur le CFP et déterminent le montant des enveloppes nationales dites « pré-
allouées » pour toute la période de programmation 2021-2027. Près de 75 % du CFP est ainsi
réparti par enveloppes nationales, comme le montre le tableau suivant.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
34
Tableau n° 7 :
répartition des dépenses du CFP 2021-2027, par principaux programmes gérés au
niveau des États (crédits d’engagement, Md
€
,
€
courants)
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes.
Le CFP joue donc le rôle d’un « budget de transfert » entre les États, ces transferts étant
particulièrement opérés par l’intermédiaire des quatre fonds de la politique de cohésion et des
deux fonds de la politique agricole commune qui représentent plus de 60 % des dépenses. Cette
pré-affection du CFP, à la fois par programme et par État a un impact déterminant sur le volume,
la nature et le type de bénéficiaires en France et les évolutions envisageables en termes
d’additionnalité
32
avec le budget de l’État.
2.1.3
Des modalités d’exécution diverses selon les programmes, entre gestion
confiée aux États et gestion directe par la Commission
La Commission européenne est seule responsable,
in fine
, de l’exécution des dépenses.
En application du règlement financier et des règlements définissant les programmes, ses
dépenses s’effectuent selon trois modes de gestion :
29
Sur un total de 9,882Md
€
, le solde d’un montant de 3,612Md
€
est géré par la Commission européenne.
30
Sur un total de 6,241Md
€
, le solde d’un montant de 2,573Md
€
est géré par la Commission européenne.
31
Sur un total de 1,931Md
€
, le solde d’un montant de 0,579 Md
€
est géré par la Commission européenne.
32
L’additionnalité est un principe qui vise à garantir que les dépenses complètent mais ne remplacent pas les
dépenses publiques assimilables d'un État membre.
Rubriques
Programmes*
Montant réparti
préalablement
entre États
% CFP
2. Cohésion,
résilience et valeurs
Fonds européen pour le développement
économique régional (FEDER)
226,0
18,4%
Fonds social européen + (FSE+)
99,3
8,1%
Fonds de cohésion (FC)
48,0
3,9%
Fonds européen des affaires maritimes, de la
pêche et de l’aquaculture (FEAMPA)
5,3
0,4%
3. Ressources
naturelles et
environnement
Fonds européen agricole de garantie (FEAGA)
291,1
23,7%
Fonds européen agricole pour le développement
rural (FEADER)
95,5
7,8%
Fonds de transition juste
19,3
1,6%
4. Migration et
gestion des frontières
Fonds asile et migration (FAMI)
6,3
29
0,5%
Instrument financier de soutien à la gestion des
frontières et à la politique des visas (IGVF)
3,7
30
0,3%
5. Sécurité et défense
Fonds de sécurité intérieure (FSI)
1,4
31
0,1%
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
35
-
l’exécution des dépenses « en gestion partagée »
33
est confiée par la Commission aux
États, qui se chargent d’allouer les financements aux bénéficiaires finaux. Ce mode de
gestion concerne les dix programmes européens dénommés « fonds européen » dont tout
ou partie de l’enveloppe pluriannuelle est pré-répartie entre les États (cf. tableau
précédent). Huit de ces fonds obéissent à un cadre commun de gestion pour le CFP 2021-
2027
34
. La gestion partagée concerne près de 75 % des dépenses du CFP ;
-
l’exécution des dépenses « en gestion directe »
35
est réalisée par la Commission
européenne
36
qui se charge d’allouer les fonds aux bénéficiaires finaux, sans répartition
préalable entre les États. Ce mode de gestion concerne notamment les programmes pour
la recherche et l’innovation (Horizon 2020, Euratom, Iter), pour les investissements
stratégiques européens (
InvestEU
37
,
réseaux transeuropéens), pour le marché unique, pour
l’environnement (LIFE) et le Fonds européen de développement (FED) ; une partie des
fonds « asile et migration », « instrument de gestion des visas et des frontières » et
« sécurité intérieure », est également confiée à la Commission en gestion directe. Les
dépenses en gestion directe représentent environ 18 % du CFP 2021-2027 selon la
Commission européenne ;
-
l’exécution des dépenses « en gestion indirecte » est confiée par la Commission
européenne à des pays tiers, des organisations internationales, des agences de
développement des États membres ou encore des organismes divers de droit public ou de
droit privé, sans répartition préalable entre les États. Ce mode de gestion concerne
notamment le programme européen Erasmus+ dont 80 % des fonds sont exécutés par les
agences nationales dans les États. Les dépenses en gestion indirecte représentent environ
8 % du CFP 2021-2027 selon la Commission européenne.
Si les programmes européens ont un budget pluriannuel, les paiements de la
Commission ne s’effectuent pas de la même manière.
Pour les programmes en gestion partagée, des autorités de gestion sont désignées dans
les États membres pour en assurer la mise en
œ
uvre. Ces autorités de gestion (État, collectivités)
sont chargées de piloter la mise en
œ
uvre au plus près des bénéficiaires et doivent assurer un
rythme d’exécution permettant la consommation des crédits européens dans la période impartie
tout en évitant les corrections financières. Des préfinancements sont versés par la Commission
aux autorités de gestion pour faciliter les paiements aux bénéficiaires en début de période de
programmation, les autorités de gestion effectuant ensuite des appels de fonds sur la base des
remontées de paiements des bénéficiaires.
Pour les programmes en gestion directe ou indirecte, la Commission met en concurrence
les porteurs de projets dans l’ensemble des États. Pour ces programmes, la responsabilité des
États est de déployer une stratégie d’influence, de sensibilisation et de soutien des bénéficiaires
la plus efficace possible, sans être pour autant en mesure de prévoir avec certitude le montant
des « retours », à la différence des programmes en gestion partagée.
33
Définie aux articles 62 et 154 du règlement financier.
34
Les quatre fonds de la politique de cohésion, le fonds de transition juste, le fonds « Asile et Migration »,
l’instrument de gestion des visas et des frontières.
35
Définie à l’article 62 du règlement UE, Euratom n°2018/1046 (règlement financier).
36
Ou bien par ses délégations ou par les agences européennes.
37
Le programme
InvestEU
prend la suite du plan pour l’investissement en Europe (« plan Junker »).
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
36
2.2
Les « retours » financiers français
Le suivi annuel de l’exécution du CFP permet d’évaluer l’impact financier des
programmes européens par État membre (2.2.1). La simplification et la sécurisation des retours
des fonds en gestion partagée et l’augmentation des retours des programmes en gestion directe
constituent les voies d’amélioration des retours pour la France (2.2.2). Ces retours transitent
peu par le budget de l’État, ce qui appelle à une réflexion renouvelée sur leur suivi afin d’être
en mesure d’en évaluer l’additionnalité vis à vis des actions financées par l’État (2.2.3).
2.2.1
Des retours concentrés sur l’agriculture et la politique de cohésion
2.2.1.1
La France est un contributeur net au financement de l’Union selon les trois
modalités de calcul du « solde net »
Le « retour » par pays correspond aux montants des flux financiers vers des
bénéficiaires situés dans le pays concernés (entités publiques ou privées) au titre des politiques
européennes et des programmes du CFP.
La Commission européenne publie chaque année le montant des retours financiers par
État-membre. À partir de ces données, la direction du budget publie chaque année le solde net
calculé par différence avec la contribution nationale, en appliquant les trois méthodes de calcul
traditionnellement retenues par les États membres :
- la méthode dite comptable : le solde net est la différence entre la contribution d’un État
membre au budget de l’UE au titre de l’ensemble des ressources propres, y compris les
ressources propres traditionnelles (RPT) nettes des frais de perception, et le montant des
dépenses européennes effectuées dans cet État membre, y compris les dépenses
administratives ;
- la méthode dite de la correction britannique : le solde net est calculé sans tenir compte
du montant des ressources propres traditionnelles, qui sont réputées être des recettes revenant
originellement à l’UE. Une contribution théorique est calculée à partir du montant des dépenses
réparties (y compris les dépenses administratives) ;
- la méthode dite de la Commission : le solde net dit « opérationnel » est la différence
entre la contribution nette hors RPT et les dépenses réparties dans chaque État membre en
excluant les dépenses administratives ; avec cette méthode, le Luxembourg et la Belgique, qui
bénéficient fortement de l’implantation des institutions européennes sur leur territoire,
deviennent des contributeurs nets.
En 2020, le solde net de la France était estimé à – 9,49 Md
€
selon la méthode comptable
(- 0,41 % du RNB), à −8,98 Md€ selon la méthode de la correction britannique (- 0,38 % du
RNB) et à – 8,01 Md
€
selon la méthode de la Commission (- 0,34 % du RNB).
Selon la méthode de la Commission, la France était le troisième contributeur net en
volume derrière l’Allemagne (- 15,5 Md
€
) et le Royaume-Uni (- 10,2 Md
€
) et devant l’Italie
(- 4,8 Md
€
) et les Pays-Bas (- 3,1 Md
€
). La France était aussi le deuxième bénéficiaire en
volume derrière la Pologne jusqu’en 2020, mais est devenue le quatrième en 2021 derrière la
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
37
Pologne, l’Italie et l’Espagne du fait des financements de
NexGenerationEU
attribués à ces
deux derniers pays. En termes de montant par habitant, la France se situait au 23
ème
rang des
pays bénéficiaires des dépenses de l’UE
38
, ce qui est cohérent avec le poids des transferts de la
politique de cohésion à l’échelle européenne.
Cette notion de solde net ne permet pas d’évaluer tous les impacts de la participation
d’un pays à l’UE, comme par exemple les avantages non budgétaires tirés de l’union
économique et monétaire : les économies européennes (et les budgets nationaux) tirent profit
des externalités positives de l’activité et de la relance dans les autres États membres, avec des
effets d’entraînement. De plus, le montant des retours intègre des dépenses de nature très
différente (fonctionnement des institutions européennes, subventions gérées par la Commission
ou par les autorités de gestion dans les États, etc.). Enfin, certaines dépenses européennes,
comme l’aide aux pays tiers par exemple, ne peuvent pas être réparties. Ce montant constitue
cependant un indicateur utile pour analyser les impacts des programmes européens et leur
évolution sur la période de programmation. Les données utilisées dans ce rapport sont
l’ensemble des dépenses réparties, incluant les dépenses de fonctionnement des institutions
européennes, sauf mention expresse.
2.2.1.2
La répartition des retours financiers de l’Union en France
En 2021, les dépenses de la Commission européenne vers la France se sont élevées à
15,7 Md
€
, soit 10,6 % du total des dépenses réparties du budget européen (dépenses
administratives incluses) qui ont atteint cette année-là 147,9 Md
€
. En moyenne sur la période
2014-2021, les retours de la France se sont élevés à 14,3 Md
€
par an, soit 10,9 % des dépenses
annuelles réparties du CFP (11,3 % hors dépenses de la rubrique 7 du CFP – Administrations
publiques européennes), comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 8 :
évolution des flux financiers du budget européen vers la France de 2014 à 2021 au
titre du CFP, hors Facilité pour la reprise et la résilience (M
€
courants
)
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes.
Les retours ont progressé de 13,3 Md
€
en 2014 à 15,7 Md
€
en 2021. Ils s’élèvent en
moyenne à 14,3 Md
€
par an, dont l’essentiel est attribuable à la programmation 2014-2020.
38
En incluant les dépenses administratives, ce qui place le Luxembourg parmi les premiers bénéficiaires.
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Moyenne
Dépenses réparties en
France
13,5
14,5
11,3
13,5
15,0
15,1
15,8
15,7
114,4
14,3
Total UE
128,6
130,1
117,9
111,6
130,6
134,6
147,3
147,9
1048,6
11,
131,1
%
10,5
11,1
9,6
12,1
11,5
11,2
10,6
10,4
10,9
% hors dépenses de
la rubrique 7 du CFP
10,9
11,5
9,9
12,7
12,0
11,7
11,1
11,0
11,3
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
38
Graphique n° 1 :
Montant des « retours » financiers français par domaines d’intervention sur la
période 2014-2021 (Md
€
courants
)
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes.
Sur la période 2014-2021, la part de la politique agricole commune dans les retours est
stable (63,3 %), tandis que celle de la politique de cohésion diminue (14,9 %) pour devenir le
troisième poste derrière les actions en faveur du marché unique, de l’innovation et du numérique
qui représentent 17,2 % des retours. La part du budget européen consacrée à la gestion de l’asile
et des migrations est également en augmentation, comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 9 :
évolution de la composition des retours français par rubriques du CFP 2021-2027 sur
la période 2014-2021 (%).
Rubriques CFP
2021-2027
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Moyenne
Ressources
naturelles - PAC
63,3%
62,4%
65,2%
67,8%
63,2%
63,8%
61,1%
59,9%
63,3%
Cohésion,
résilience, valeurs
19,9%
18,5%
9,1%
9,1%
13,9%
14,8%
16,0%
17,8%
14,9%
Marché Unique,
Innovation,
Numérique
13,3%
15,4%
19,7%
19,2%
18,6%
17,4%
17,5%
16,7%
17,2%
Administration
2,5%
2,3%
3,2%
2,7%
2,9%
2,9%
2,6%
2,9%
2,7%
Migration et
frontières
0,95%
1,31%
2,79%
1,27%
1,12%
1,13%
1,56%
1,03%
1,4%
Autres
0%
0,2%
0,0%
0,0%
0,3%
0,0%
1,3%
1,7%
0,4%
Source : données Commission européenne, calculs Cour des Comptes.
8,5
9,0
7,4
9,2
9,5
9,6
9,7
9,4
2,7
2,7
1,0
1,2
2,1
2,2
2,5
2,8
1,8
2,2
2,2
2,6
2,8
2,6
2,8
2,6
0,3
0,3
0,4
0,4
0,4
0,4
0,4
0,5
0,1
0,2
0,3
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,0
2,0
4,0
6,0
8,0
10,0
12,0
14,0
16,0
18,0
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Ressources naturelles - PAC
Cohésion
Compétitivité
Administration européenne
Migration et frontières
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
39
Sur la période 2014-2021, les « retours » de la France sont constitués à 78,2 % par les
programmes en gestion partagée. Parmi ces programmes, les fonds gérés par l’État (politique
agricole commune, programme national FSE, programmes nationaux du fonds asile et
migration, du fonds pour la sécurité intérieure, de l’instrument de gestion des visas et des
frontières) représentent plus des deux tiers du montant annuel, le reste étant constitué par les
fonds de la politique de cohésion dont la gestion a été décentralisée et confiée aux régions.
Les dépenses des programmes en gestion directe pour la recherche et l’innovation, les
réseaux transeuropéens, les investissements stratégiques et la défense, domaines d’intervention
du budget de l’État, sont en augmentation sur cette même période. L’État a donc une
responsabilité importante dans la mobilisation des fonds européens.
2.2.2
Une stratégie nationale de mobilisation des fonds européens à renforcer
La stratégie nationale doit prendre en compte les enjeux spécifiques de la gestion des
fonds en gestion partagée et améliorer l’articulation des interventions du budget de l’État avec
celles des programmes en gestion directe.
2.2.2.1
Les programmes « en gestion partagée » : des opportunités de simplification à
saisir
2.2.2.1.1
La période 2020-2023, une période charnière pour la consommation des fonds
européens des programmations 2014-2020 et 2021-2027
Les retours de la période 2021-2027 résulteront des paiements effectués au titre de deux
périodes de programmation, 2014-2020 et 2021-2027.
Pour la programmation 2014-2020, la France bénéficiait d’une enveloppe globale de
près de 80,5 Md
€
à consommer avant fin 2023. Au 30 juin 2022, les montants restant à
programmer s’élevaient à 194 M
€
pour le FEDER et 20 M
€
pour le FSE
39
et la France se situait
dans la moyenne européenne de consommation de ces fonds (65%) pour les paiements.
L’augmentation de 25 % (3,9 Md
€
) par
NextGenerationEU et REACT-EU
40
sans modifier la
date de la fin de la programmation (2023) accroît le risque de moindre consommation des fonds
européens : fin 2022, la France accusait près de 10 % de retard sur la moyenne européenne de
consommation des fonds de cohésion intégrant les crédits
REACT-EU
.
Cette difficulté était prévisible du fait des caractéristiques de ces fonds, conçus pour
accompagner des investissements sur une période pluriannuelle et dont les règles de gestion se
prêtent mal à des mesures d’urgence. Le déploiement en parallèle de plans massifs de soutien
aux entreprises sur fonds nationaux a pu aussi réduire l’intérêt de faire appel aux fonds
39
Cf. États d'avancement trimestriels des programmes opérationnels FEDER-FSE-IEJ sur la période 2014-2020.
40
Comme il a été indiqué,
NextGenerationEU
a abondé les programmes des CFP 2014-2020 et 2021-2027, dont
les fonds de cohésion du premier à hauteur de 47,5 Md
€
dans le cadre d’une initiative REACT EU.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
40
européens pendant cette période. Cette situation ne doit pas conduire à privilégier la dépense
par rapport à la mesure de la performance et au contrôle des risques d’irrégularité, comme l’a
rappelé la Cour
41
. Les retards de mise en
œ
uvre des programmes sont aussi porteurs de risques
de corrections financières dans la mesure où ils peuvent précipiter des demandes de paiement
dans le seul but d’éviter des dégagements d’office en altérant la qualité des contrôles effectués.
Pour la période de programmation 2021-2027, la France bénéficiera de 83,6 Md
€
au
titre des fonds en gestion partagée, ce qui correspond à un taux de retour moyen de 11%. En
pratique, ce taux est très variable par programme, comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau n° 10 :
montant des enveloppes préallouées à la France (Md
€
courants
) pour le CFP 2021-2027
Source : données Commission européenne, site l’Europe s’engage en France, calcul Cour des comptes
Dans ce contexte, la période 2020-2023 est une période critique qui va déterminer la
consommation finale des fonds 2014-2020 et conditionner en grande partie ceux de la période
2021-2027. Les évaluations des périodes précédentes ont en effet montré l’impact durable des
retards pris au début de la période de programmation. D’autres facteurs ont un impact sur la
gestion des fonds européens et la Cour a émis en 2019 plusieurs recommandations en vue de
l’améliorer (voir encadré).
Recommandations de la Cour sur la gestion des fonds européens structurels et d’investissement
42
1.
Préparer les systèmes d’information à la prochaine programmation, en particulier en remplaçant
Osiris et en interfaçant tous les systèmes d’information des FESI avec ceux des autorités de
41
Cour des comptes
, « La gestion des fonds structurels européens d'investissement (FESI) en outre-mer, des
résultats inégaux, une démarche de performance à consolider
», rapport public annuel, février 2019.
42
Cour des comptes, «
Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels et
d'investissement
», communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
de l'Assemblée nationale, avril 2019.
Programmes
Montant
CFP 2021-
2027
Montant
NGEU
Total
pré-
réparti
Enveloppe
FR
Taux de
« retour »
prévu
Autorité de gestion
FEDER
226
226
9,07
4%
Régions
FSE+
99,261
99,261
6,675
7%
État (68 %), régions
FC
48
48,026
0%
-
FEAMPA
5,3
5,3
0,56
11%
État (régions organisme
intermédiaire)
FEAGA
291,1
291,09
54,8
19%
État
FEADER
87,44
8,07
95,51
10,53
11%
État, régions pour
certaines mesures
FTJ
8,45
10,868
19,318
0,84
4%
État (régions organismes
intermédiaires)
FAMI
9,8
6,3
0,84
13%
État
IGVF
3,7
3,7
0,204
6%
État
FSI
1,4
1,4
0,098
7%
État
Total
776,9
18,9
795,9
83,6
11%
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
41
gestion et de la Commission européenne, afin de permettre les échanges de données nécessaires
au pilotage et au suivi.
2.
Présenter, à l’occasion des débats d’orientation budgétaire des régions, les flux financiers
concernant les fonds européens, en distinguant chaque programmation.
3.
Sanctuariser la trésorerie du FEDER et du FSE en début de programmation.
4.
Rationaliser l’organisation de la gestion et la programmation des fonds, pour en améliorer
l’efficience :
- en réduisant le nombre de programmes, notamment par la mise en cohérence du périmètre
de ceux-ci avec la nouvelle carte des régions ;
- en fixant des priorités d’emploi des fonds européens en petit nombre et en limitant le
nombre de mesures, après avoir mené une réflexion sur l’effet incitatif des aides, notamment
pour les fonds distribuant beaucoup d’aides de petit montant ;
- en fixant des seuils d’aide, pour minimiser les coûts de gestion, tout en orientant les
dossiers de faible montant vers des aides nationales ou régionales.
5.
Encourager la création de portails ou de guichets communs à l’État et aux régions et, chaque
fois que possible, mutualiser l’instruction des dossiers.
6.
Faire évoluer l’architecture de gestion du FEADER selon l’un des trois scénarios suivants :
confier l’autorité de gestion exclusivement à l’État ; ou améliorer le statu quo en simplifiant le
cadre national ; ou réunir sous l’égide de l’État la gestion de l’ensemble des mesures surfaciques
(calculées en fonction de la surface de l’exploitation agricole) de la politique agricole commune.
7.
Tirer parti, dans la préparation de la future programmation des fonds européens, des possibilités
de simplification ouvertes par la Commission européenne dans sa proposition de règlement
européen portant les dispositions communes relatives aux FESI de la programmation 2021-2027
(simplification financière, allégement des contrôles et des audits, reconduction des autorités de
gestion et des systèmes existants).
Plusieurs de ces recommandations sont en cours de mise en
œ
uvre par les régions et
l’État avec la réduction du nombre de programmes et d’autorités de gestion et la simplification
du FEADER
43
. Le schéma ci-dessous résume l’architecture de la gestion des fonds en gestion
partagée pour la période de programmation 2021-2027.
43
La gestion de l’ensemble des mesures surfaciques (calculées en fonction de la surface de l’exploitation agricole)
de la politique agricole commune est réunie sous l’égide de l’État.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
42
Graphique n° 2 :
Organisation de la gestion des fonds en gestion partagée pour le CFP 2021-2027
Source : site l’Europe s’engage en France – ANCT.
Les autorités de gestion (État et régions) ont ainsi négocié 22 programmes régionaux ou
nationaux pour la période 2021-2027. La réduction du nombre de programmes par rapport aux
41 programmes de la période 2014-2020 s’explique par plusieurs facteurs : l’échelle du
programme est désormais celle de la région fusionnée et plus celle des régions d’avant 2015 ;
les programmes FSE qui étaient gérés par les préfectures en outre-mer rejoignent désormais le
programme national FSE +, comme pour le reste du territoire national, et les programmes
interrégionaux ont été réintégrés dans des axes interrégionaux internes aux programmes des
régions concernées.
Un « accord de partenariat » a été adopté le 2 juin 2022, après concertation entre l’État,
les régions et la Commission européenne. Il définit un cadre stratégique pour l’utilisation des
17,4 Md
€
de fonds européens alloués à la France pour la période 2021-2027 en faveur de la
cohésion sociale, économique et territoriale. Cet accord de partenariat concerne le fonds
européen de développement régional (FEDER), le fonds social européen (FSE +), dont le
champ d’action a été élargi pour 2021-2027 à des actions en faveur des jeunes et de l’aide
alimentaire, le fonds pour une transition juste (FTJ)
44
ainsi que le fonds européen pour les
affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA).
Une simplification de la phase de paiement est en cours. En effet, le versement des fonds
européens au bénéficiaire final repose aujourd’hui principalement sur le remboursement des
coûts exposés par le bénéficiaire et la vérification des pièces justificatives (factures). Or, la
règlementation européenne prévoit trois possibilités : le remboursement des «
coûts réellement
exposés
», lorsque le versement de fonds européens est effectué sur la base des coûts réels
présentés par le bénéficiaire, étayés par des pièces justificatives, l’«
option de coûts simplifiés
»
(OCS), lorsque le versement est effectué en remboursant les dépenses du bénéficiaire à un taux
calculé à l’avance (ce qui nécessite de définir un barème de coûts unitaires et de montants
forfaitaires), et le modèle du «
financement non lié aux coûts
», lorsque le versement est effectué
44
Nouveau fonds qui vise à atténuer à l’échelle d’un territoire déterminé le coût économique, environnemental et
social de la transition vers la neutralité climatique des industries les plus émettrices de CO
2
.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
43
en fonction de résultats de conditions préalablement définies. La programmation 2021-2027
devrait voir une extension de l’utilisation de l’«
option des coûts simplifiés
» pour les fonds en
gestion partagée. Selon l’ANCT, cette option devrait représenter au moins 1,5Md
€
sur la
période pour le FEDER et le FSE.
Par ailleurs, la période 2021-2027 voit disparaître l’obligation de certification par une
autorité dédiée
i
des dépenses présentées dans les demandes de de paiement adressées à la
Commission européenne, afin d’en garantir la régularité et l’éligibilité. Cette suppression
renforce le rôle de l’autorité d’audit, autorité indépendante chargée de vérifier la mise en
œ
uvre
d'une piste d'audit suffisante, d’effectuer des certifications, au vu de la réconciliation comptable
et de la réalité des contrôles approfondis et de délivrer une déclaration de validité sur la
demande du solde ainsi que sur la régularité et la légalité des opérations concernées. Cet avis
est transmis à la Commission européenne avec la demande de paiement. En France, la
Commission
de
certification
des
organismes
payeurs
(CCOP)
et
la
Commission
interministérielle de coordination des contrôles (CICC) sont les deux autorités d’audit,
respectivement pour les fonds de la politique agricole commune et pour les autres fonds en
gestion partagée.
Ces évolutions visent à accélérer et simplifier les procédures de paiement sous
l’impulsion notamment de la Commission européenne. Elles renforcent la responsabilité des
autorités de gestion et des autorités d’audit dans la maîtrise des risques financiers.
2.2.2.1.2
Des risques de corrections financières à maîtriser
Les corrections financières susceptibles d’avoir un impact sur le budget de l’État
proviennent des fonds en gestion partagée. Au cours de la période 2014-2021, ces corrections
ont concerné essentiellement la PAC.
L’acceptation définitive de la prise en charge des dépenses par l’UE est opérée
juridiquement par l’apurement comptable des dépenses présentées par l’État, qui fait suite à
l’examen annuel des comptes de chaque organisme payeur et des systèmes de contrôle.
L’apurement de conformité est quant à lui fondé sur un suivi pluriannuel de la conformité aux
règles de l’UE (contrôle de la légalité et régularité des opérations)
45
. La Commission peut
opérer des corrections financières à travers les refus d’apurement, quand elle refuse de prendre
en charge sur le budget de l’UE une partie des dépenses préfinancées par les États membres en
raison d’irrégularités.
Les montants relatifs à l’apurement comptable à la charge du budget national en année
n concernent les comptes de l’exercice n-1. Les refus d’apurement de conformité imputés sur
une année concernent quant à eux plusieurs exercices antérieurs compte-tenu des délais de
traitement et de négociation des dossiers d’apurement.
Le montant du refus d’apurement exigible au cours de l’exercice financier agricole 2021
(soit du 16 octobre 2020 au 15 octobre 2021) s’élève à 121,2 M
€
, dont 120,6 M
€
au titre de
l’apurement de conformité et 0,6 M
€
au titre de l’apurement comptable de l’exercice 2020. Le
45
Les montants relatifs à l’apurement comptable à la charge du budget national en année n concernent les comptes
de l’exercice n-1. Les refus d’apurement de conformité imputés sur une année concernent quant à eux plusieurs
exercices antérieurs compte-tenu des délais de traitement et de négociation des dossiers d’apurement. Ils résultent
d’une analyse
ex post
par la Commission après enquête auprès des bénéficiaires et de l’organisme payeur.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
44
montant des refus d’apurement intervenus en 2021 représente 1,3 % de l’ensemble des aides
versées, en net recul depuis 2018 par rapport aux exercices précédents.
Tableau n° 11 :
Corrections financières pour la France pour la période 2014-2021 (exercice financier
agricole)
en M
€
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Apurement de conformité
427
511
651
581
132
103
77
121
Apurement comptable
1
1
6
0
184
23
1
1
TOTAL des corrections
428
512
656
581
316
125
79
121
Soutiens reçus
9 506
9 094
7 888
9 747
9 697
9 421
9 271
9 256
Corrections / soutiens reçus (en %)
4,5%
5,6%
8,3%
6,0%
3,3%
1,3%
0,8%
1,3%
Source : annexe au projet de loi de finances 2023 intitulée « relations financières avec l’UE »
La baisse du montant des refus d’apurement de conformité constatée depuis 2018
s’explique en partie par la fin du paiement échelonné des corrections financières notifiées à la
France pour un montant particulièrement élevé de 1 078 M
€
en 2015
46
.
Les corrections financières constatées en cours de programmation des autres fonds
européens, notamment ceux de la politique de cohésion, peuvent être réutilisées durant la
période de programmation, ce qui limite les risques de sous-consommation sur l’ensemble de
la période. Ainsi, selon la direction du budget, le montant des corrections financières nettes
pour la programmation 2000-2006 était de 58,5 M
€
(programme opérationnel national
« Compétitivité régionale et emploi » du fonds social européen). Pour la période 2007-2013, le
montant des corrections financières nettes est évalué à 21 M
€
, mais les lettres de clôture n’ayant
pas encore été notifiées par la Commission, il est trop tôt pour évaluer le montant de corrections
nettes qui sera imputé à la France au titre de cette programmation.
Ces corrections peuvent résulter de l’avis de l’autorité d’audit sur les comptes annuels
transmis à la Commission par l’autorité de gestion. Cet avis se fonde sur des audits d’opération
afin de calculer le montant des dépenses éligibles sur un échantillon de projets et de le comparer
au montant calculé par l’autorité de gestion. Si l’écart entre ces deux montants est supérieur à
2%, seuil retenu comme significatif au niveau européen, l’autorité d’audit veille à ce qu’un
examen plus approfondi soit réalisé afin de déterminer l’ampleur des problèmes et, le cas
échéant, d’appliquer des corrections financières forfaitaires. Selon le bilan des audits de la
CICC, les sources les plus fréquentes de corrections sont les difficultés à justifier la mise en
œ
uvre des règlementations européennes relatives aux aides d’État, à la commande publique et
à la lutte contre la fraude.
46
Les corrections portaient sur plusieurs dossiers datant de 2009 à 2013 et concernaient principalement des
irrégularités relevées dans le registre parcellaire graphique utilisé dans le cadre des contrôles des demandes d’aides.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
45
Deux suspensions de paiement
47
ont été décidées par la Commission en 2019 et en 2020
après des audits de la CICC, ce qui a entraîné des tensions avec les autorités de gestion (des
tensions similaires ont été relevées avec la CCCOP). La CICC a également connu des difficultés
vis-à-vis de la Commission européenne qui l’ont amenée à se réorganiser en 2021. Une
réflexion a été engagée sous l’égide du secrétariat général aux affaires européennes pour tirer
les conséquences de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État sur la nomination des
membres de la CICC et moderniser les textes la concernant. Il s’agirait de conforter le service
d’audit de la CICC, de créer un comité d’audit interne adapté aux normes et objectifs de cette
instance et de faciliter le recrutement de profils adaptés pour renforcer la solidité de l’ensemble
de la piste d’audit. Ces évolutions doivent être rapidement mises en
œ
uvre pour répondre aux
évolutions de la règlementation européenne pour la période 2021-2027.
2.2.2.2
Les programmes en gestion directe ou indirecte par la Commission : une
mobilisation à améliorer par les acteurs
Pour les programmes en gestion directe ou indirecte, la Commission européenne a
programmé près de 180 Md
€
de dépenses sur la période 2014-2021. Neuf domaines
d’intervention concentrent 80 % des dépenses, et la recherche, l’innovation et les réseaux
transeuropéens représentent la moitié des financements, comme le montre le tableau 12.
Tableau n° 12 :
financements en gestion directe ou indirecte de la période 2014-2021 (montants
programmés, M
€
)
Domaine d’intervention
Intitulé du programme
Montant
%
Rubrique 1 – Recherche et innovation
Horizon 2020, Horizon Europe
72 376,83
33,08%
Rubrique 6 - Voisinage et monde
Coopération, développement,
voisinage
54 433,96
24,88%
Rubrique 1 – Réseaux transeuropéens
Mécanisme pour l’interconnexion
en Europe (MIE)
32 120,26
14,68%
Rubrique 2 – Cohésion, résilience et valeurs
Erasmus +
8 273,41
3,78%
Rubrique 3 – Ressources naturelles et
environnement
LIFE
3 668,98
1,68%
Rubrique 1 – Recherche et innovation –
Grands programmes
Euratom, Iter
3 083,20
1,41%
Rubrique 4 – Migration et frontières
Fonds asile et migration et fonds
sécurité intérieure
48
2 598,41
1,19%
Rubrique 1 – Recherche et innovation
Programme spatial
2 066,18
0,94%
Rubrique 2 – Cohésion, résilience et valeurs
Europe créative
1 448,21
0,66%
Total
180 069,43
82,31%
Source : données Commission européenne, calcul Cour des comptes.
47
Pour le fonds européen des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (FEAMPA) en 2020 et le fonds
asile et migration en 2019.
48
Pour la part de ces fonds relevant de la gestion directe par la Commission européenne.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
46
Les flux financiers répartis entre bénéficiaires s’élèvent à 18,9 Md
€
sur la période pour
la France. Près de la moitié provient des programmes pour la recherche et l’innovation et les
réseaux transeuropéens, l’autre moitié étant dispersée entre de nombreux programmes.
Tableau n° 13 :
Répartition des financements européens en gestion directe ou indirecte en France
pour la période 2014-2021, hors plan national de reprise et de résilience (montants programmés, M
€
)
Programme
Montants programmés
Horizon Europe et Horizon 2020
6 600,68
Mécanisme pour l’interconnexion en Europe – Transport
2 080,27
Éducation, Formation et Sport (Erasmus+)
610,81
Mécanisme pour l’interconnexion en Europe – Énergie
526,39
Instrument de développement de la coopération internationale
695,46
Aide humanitaire
998,96
Fonds européen de développement
926,54
Autres
6 516,52
Total
18 955,64
Source : données Commission européenne, calcul Cour des comptes.
Ces programmes sont sélectifs. Leur ciblage thématique entraîne des règles de gestion
spécifiques et adaptées aux projets et sujets visés. La mise en concurrence des porteurs de
projets conduit notamment à sélectionner des bénéficiaires disposant d’un savoir-faire
particulier dans leur domaine d’expertise ainsi qu’en matière de gestion de projet comme le
montrent plusieurs exemples de programmes européens, Horizon 2020, Erasmus, LIFE ou
COSME.
Caractéristiques du programme Horizon 2020 pour la recherche et l’innovation
Le programme Horizon 2020 auquel succède Horizon Europe se caractérise par la prédominance des
grands centres de recherches européens qui forment les 100 premiers bénéficiaires en montant
49
et
représentent près d’un tiers du programme depuis 2014 (142 M
€
en moyenne par organisme). Le Centre
national de la recherche scientifique (CNRS) est de loin le plus important bénéficiaire pour la France,
devant le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Selon les données du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, alors que
le poids de la France dans la recherche publique et privée en Europe s’est établi en moyenne entre 2014
et 2017 à 16,4% de la dépense intérieure totale en R&D de l’UE, la France bénéficie de 11,2% des
financements obtenus, en légère progression depuis 2015 et en troisième position derrière l’Allemagne
(14,8%) et le Royaume-Uni (11,8%).
Les retours s’élèvent en moyenne à 1,1 Md
€
par an (répartis à 58% pour les laboratoires académiques et
36% pour les entreprises). Le programme est marqué par un niveau de compétition élevé (taux de succès
moyen de 13,0%). Le taux de succès moyen remonte progressivement (14,8% en 2019). Si la France
présente un taux de succès de 16,5% qui est parmi les plus élevés des pays de l’Union, cela ne permet
pas de compenser la faiblesse relative constatée pour le nombre de dépôts de dossiers (8,7%) et de projets
collaboratifs retenus : la France en coordonne 9,9 %, derrière l’Espagne (14,4%), l'Allemagne (12,6%)
49
Airbus étant à la 106ème place.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
47
et l’Italie (10,2%). La participation académique française (universités) apparait en proportion inférieure
à la moyenne européenne. La participation industrielle, supérieure à la moyenne européenne, repose sur
les industries de l’électronique et de l’aérospatiale qui représentent plus de 50% de la participation des
entreprises françaises.
Des efforts sont engagés pour diversifier les bénéficiaires de ces programmes, la Cour des comptes
européennes ayant souligné la responsabilité des États membres pour que ces mesures portent leur
fruits
50
. La Cour a également souligné en 2021 dans son rapport sur les aides publiques à l’innovation
51
que leur efficacité est accrue par une bonne articulation avec les instruments européens, qui permet
d’atteindre une taille critique en renforçant les coopérations entre pays et entreprises.
Enfin, le montant des retours et le taux de retour annuels connaissent de fortes variations en raison du
caractère pluriannuel de la réalisation des projets scientifiques, comme le montre le graphique suivant.
Graphique n° 3 :
Évolution des retours français au titre des programmes de recherche et
d’innovation sur la période 2014-2021 (M
€
)
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes. Horizon 2020, Horizon Europe et Euratom
Au sein du programme ERASMUS, les bénéficiaires sont des structures de
l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle, de l’enseignement scolaire et de
l’éducation des adultes. L’évaluation à mi-parcours du programme a relevé que, selon les
bénéficiaires, le programme était devenu trop compétitif, «
ne le rendant accessible qu'aux
organisations les plus expérimentées ou les plus importantes, ce qui empêche l'accès aux
nouveaux venus potentiels et réduit le nombre de ceux qui pourraient en bénéficier
».
S’agissant du programme COSME pour la compétitivité des PME, plus de 60% des
crédits du programme sont dirigés vers des instruments financiers nationaux, le reste étant géré
par l’agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME). Près de 30 % des
50
Cour des comptes européenne, «
Élargissement de la participation à Horizon 2020 – Des mesures bien conçues,
mais pas de changements durables sans efforts des autorités nationales
», Rapport spécial.
51
Cour des comptes, «
Les aides publiques à l’innovation des entreprises. Des résultats encourageants, un
dispositif à conforter
. », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle
budgétaire de l’Assemblée nationale, avril 2021.
0,0%
2,0%
4,0%
6,0%
8,0%
10,0%
12,0%
14,0%
0,0
1 000,0
2 000,0
3 000,0
4 000,0
5 000,0
6 000,0
7 000,0
8 000,0
9 000,0
10 000,0
UE
FR
UE
FR
UE
FR
UE
FR
UE
FR
UE
FR
UE
FR
UE
FR
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
The Framework Programme for Research and Innovation (Horizon 2020)
Euratom Research and Training Programme
Taux de retour
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
48
crédits sont à destination du Réseau Enterprise Europe (EEN). Les organismes bénéficiaires de
ce réseau sont choisis en début de période de programmation.
S’agissant du programme LIFE, consacré aux projets innovants dans le domaine de
l’environnement et du climat, la grande majorité des porteurs de projets sont soit institutionnels
(instituts, agences ou collectivités) soit des grandes fondations (WWF, LPO). L’Italie et
l’Espagne sont historiquement des pays ayant un fort taux de participation sur le programme
(plus d’une centaine de projets depuis 2014 chacun, 22 pour la France) avec une organisation
(gouvernance des agences publiques, mandats, ressources humaines) conçue pour animer les
réseaux et bénéficier de ce programme. En France, un plan d’action est en cours de mise en
œ
uvre par le ministère chargé de la transition écologique en s’appuyant notamment sur l’Office
français de la biodiversité.
Ces constats sont corroborés par la liste des principaux bénéficiaires des fonds
européens en gestion directe et indirecte en France sur la période 2014-2021, parmi lesquels
figurent l’État et RTE (réseaux transeuropéens), les centres de recherche scientifique (CNRS,
INSERM, CEA), l’Agence française de développement (AFD), l’agence Erasmus + France,
comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 14 :
principaux bénéficiaires des fonds européens en gestion directe et indirecte en France
sur la période 2014-2021 (montants programmés, M
€
)
Montant
Total
18 955
Dont : État (au titre des infrastructures de réseau transeuropéen notamment)
1 770,6
Agence spatiale européenne (ESA)*
1 378,6
Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
1 246,2
Agence française de développement (AFD)
696,3
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
613,9
Réseau de transport d’électricité (RTE)
536,3
Agence Erasmus + France
509
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
340,3
Agence française d’expertise technique internationale
267,4
Action contre la faim (ACF)
263,3
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes. * Montants non représentatifs des
« retours » nationaux, s’agissant d’une agence européenne localisée en France.
Dans ce contexte, le Gouvernement a lancé à l’été 2022 l’élaboration de plans d’actions
ministériels et une cellule en charge de la mobilisation des fonds européens a été créée le 1
er
janvier 2023 au sein du secrétariat général des affaires européennes. Cette cellule a pour mission
d’animer quarante-deux réseaux associant pour chaque fonds européen des représentants des
cabinets et des ministères, de la représentation permanente de la France auprès de l’UE, du
SGAE et de la direction du budget. Après un diagnostic de l’utilisation des fonds, ces réseaux
appuieront l’élaboration de plans d’action pour chaque fonds européen, intégrant des objectifs
de retour.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
49
Pour les programmes en gestion partagée, la simplification et la sécurisation des
dépenses et le renforcement de la coopération entre les autorités de gestion, l’ANCT et les
autorités d’audit devraient être intégrés à ces plans d’action. Pour les programmes en gestion
directe, la mobilisation des programmes dont le budget pluriannuel est en augmentation, en
particulier la recherche et l’innovation, ainsi que la défense, devrait être prioritaire. Les plans
d’action ministériels devraient en particulier préciser leur stratégie pour mieux anticiper les
appels à projets européens, ainsi que leurs actions de sensibilisation et de soutien des potentiels
porteurs de projets. Quatre ministères seulement
52
avaient transmis une proposition de plan
d’action fin janvier.
La Cour recommande donc de finaliser dans les meilleurs délais ces plans d’action.
Recommandation n° 1.
(secrétariat général aux affaires européennes) : Finaliser en 2023 les
plans d’actions pour la simplification et la sécurisation des dépenses des fonds en gestion
partagée et la mobilisation des fonds en gestion directe et produire un bilan annuel de leur
mise en
œ
uvre.
2.2.3
Un suivi budgétaire à améliorer
2.2.3.1
Un suivi annuel incomplet
Sauf exceptions
53
, et en dehors des dépenses de la facilité pour la reprise et la résilience
(cf. encadré), les versements de la Commission européenne ne sont pas retracés dans les
comptes des administrations publiques en comptabilité nationale. En effet, celle-ci considère
que ces opérations sont réalisées pour le compte des institutions européennes. Les retours sont
donc traités comme des transferts courants ou des transferts en capital en provenance du reste
du monde vers les bénéficiaires nationaux finaux, qui sont le plus souvent en dehors des
administrations publiques. En revanche, logiquement, les cofinancements
apportés dans
certains cas par les administrations constituent bien des dépenses des administrations publiques.
Prise en compte des versements de la Commission européenne au titre de la facilité de reprise et
de résilience du plan
Next Generation EU
Les financements reçus au titre de la facilité pour la reprise et la résilience apparaissent dans les comptes
des administrations publiques. Ces flux sont enregistrés comme des recettes, avec un écart entre la
comptabilité nationale en droits constatés et la comptabilité de caisse.
En comptabilité nationale, le choix a été fait d’enregistrer la recette au même moment que la dépense
associée ce qui permet d’assurer une neutralité sur le solde public des dépenses financées par l’UE dans
le cadre du plan de relance. Le même principe s’applique en comptabilité générale.
En comptabilité budgétaire, les recettes sont inscrites dans les comptes au moment de leur perception
suivant une logique de caisse. À court terme, cette différence peut être significative : les recettes inscrites
52
Culture, Justice, Outre-mer, Transition écologique.
53
Fonds de concours des administrations chargées de la gestion de fonds européens ou bénéficiaires directs.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
50
en comptabilité nationale se sont ainsi élevées à 13,5 Md
€
en 2021 et 11,1 Md
€
en 2022 contre
respectivement 5,1 Md
€
et 7,4 Md
€
en comptabilité budgétaire. À terme, la somme des montants des
financements reçus sera identique dans les deux comptabilités.
2.2.3.2
Des modalités de suivi budgétaires variables
Les versements de la Commission européenne font l’objet de traitements comptables et
budgétaires variables en fonction des programmes européens.
Les financements de la PAC font l’objet d’un programme spécifique de la mission
Avances à divers services de l’état et organismes gérant des services publics
(programme
n° 821) qui réceptionne les financements européens. Il a pour objet d’accorder des avances à
l’Agence de services et de paiement (ASP), afin de préfinancer les aides agricoles avant leur
remboursement par la Commission. Ce schéma de financement a été mis en place en 2001.
Les financements fonds de la politique de cohésion ont d’abord été isolés dans la
nomenclature des ministères gestionnaires afin d’assurer la traçabilité et la rapidité du paiement
aux bénéficiaires et avec des procédures particulières (fonds de concours et reports de crédits
locaux), jusqu’en 2005. De nouvelles modalités de gestion ont été décidées avec l’entrée en
application de la Lolf, considérant que le maintien du circuit « dans le budget de l'État »
présenterait des inconvénients majeurs. Ces fonds ne pouvaient plus être isolés au sein des
programmes de l'État, dans la mesure où les systèmes informatiques ne permettaient pas d'en
assurer la traçabilité indispensable. L’hypothèse consistant à créer un programme par fonds, ce
qui aurait été permis de répondre aux objectifs de transparence et de simplicité, a été écartée
dans la mesure où cela revenait à proposer au Parlement un vote sans crédits ou avec des crédits
qu'il ne pourrait amender. Ces fonds sont aujourd’hui comptabilisés sur un « compte de tiers »,
hors budget de l'État
54
, ouvert auprès des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels
concernés. Seuls restent rattachés au budget de l’État par voie de fonds de concours :
- les crédits cofinançant des projets sous maîtrise d’ouvrage de l’État (l’État étant alors
porteur de projet et bénéficiaire direct) et les crédits finançant les dépenses directes d’assistance
technique de l’État (marchés, rémunérations des agents travaillant sur les fonds européens) ;
- les crédits des programmes nationaux gérés par les ministères de l’emploi (FSE).
Enfin, le traitement comptable des fonds européens structurels et d’investissement
(FEDER, FSE) est différent entre l’État et les régions, ce qui est contestable pour des fonds de
même nature et relevant de la même réglementation
55
. Une note de service de la DGFIP d’août
2016 portant circuits financiers et comptables des européens gérés par l’État prescrit un
traitement en comptes de tiers en « classe 4 », y compris quand l’État est autorité de gestion.
Cette approche pose des difficultés de suivi quand par exemple des crédits budgétaires sont
appelés pour pallier à des suspensions de paiement des fonds européens.
54
Classe 4 en comptabilité de l’État.
55
Cour des Comptes, Formation inter-juridictions « Expérimentation de la certification des comptes locaux »,
«
Note sur le traitement comptable des fonds européens structurels et d’investissement. Situation au 31 janvier
2020
. »
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
51
Pour les fonds européens dont les régions sont autorités de gestion, une note
d’information conjointe DGFiP-DGCL
56
applicable au secteur public local retient un traitement
en compte propre. Les régions peuvent intégrer les fonds dans leur budget principal ou créer un
budget annexe spécialisé : les crédits européens s’ajoutent aux autres crédits gérés par la région
(budget principal) ou les recettes et les dépenses relatives aux fonds européens sont isolées dans
un support budgétaire propre, mais les résultats (excédents, déficits, reports de crédits) sont
consolidés avec ceux du budget principal (budget annexe spécialisé).
Enfin, les versements de la Commission européenne au titre de la FRR sont enregistrés
comme des recettes non fiscales de l’État.
Au total, près de 90 fonds de concours reçoivent chaque année des versements de la
Commission européenne pour un montant de 284,29 M
€
en 2021 et 248,63 M
€
en 2022. Ils
sont décrits dans l’annexe au projet du loi de finances «
État récapitulatif des crédits de fonds
de concours et attributions de produits
», mais ne font pas l’objet d’un suivi agrégé, à
l’exception des fonds structurels
57
. Les ministères bénéficiaires sont notamment le ministère de
l’intérieur (fonds asile et migration, programmes de coopération et de formation de la police),
de l’outre-mer et du travail (au titre du FSE+), de l’agriculture (sécurité alimentaire), de la
défense, du budget (certification des dépenses et coopération douanière), des affaires étrangères
(gestion de crises) ou de la santé.
Le suivi des versements de la Commission et des moyens consacrés par l’État à la
mobilisation et à la gestion des fonds européens est émietté, ce qui ne permet pas d’évaluer
l’impact des programmes européens et leur additionnalité vis-à-vis des différents programmes
ministériels. La Cour recommande à la direction du budget de renforcer le suivi de la
mobilisation des fonds européens intégrer dans les conférences annuelles budgétaires. Cette
démarche était embryonnaire en 2022 ; elle est inscrite dans la circulaire du ministre chargé des
comptes publics relative aux conférences de budgétisation 2023-2027
1
qui invite les ministères
à améliorer la mobilisation des fonds européens et leur articulation avec les crédits nationaux.
Ce suivi devrait s’appuyer sur une analyse des perspectives et des moyens déployés pour
améliorer leur mobilisation. Un bilan annuel pourrait être réalisé dans les rapports annuels de
performance des ministères les plus concernés en précisant les moyens consacrés aux
cofinancements ou aux soutiens aux bénéficiaires potentiels et en y associant le cas échéant des
indicateurs de performance en lien avec les programmes européens concernés.
Recommandation n° 2.
(direction du budget) : Renforcer le suivi de la mobilisation des
fonds européens en intégrant à l'ordre du jour des conférences budgétaires annuelles une
analyse des moyens mobilisés et des flux financiers européens et nationaux par période de
programmation.
56
Une instruction interministérielle du 11 février 2015 propose aux régions de choisir dès le début de la
programmation et pour la durée de celle-ci entre différentes règles de budgétisation et de comptabilisation des
fonds européens.
Les régions doivent retracer les recettes et les dépenses relatives aux fonds européens de la
programmation 2014-2020 dans leurs documents budgétaires.
57
En 2021, la Commission européenne a versé 4,3Md
€
au titre des fonds structurels européens, imputé à hauteur
de 4,8 Md
€
sur compte de tiers et à hauteur de 55,4 M
€
sur le budget de l’État par voie de fonds de concours.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
52
2.3
La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) : un impact direct sur
le budget de l’État
La facilité pour la reprise et la résilience (FRR) élargit le champ d’intervention de la
Commission européenne (2.2.1) et renforce l’impact du budget européen sur le budget de l’État
(2.2.2). Les modalités de gestion de cet instrument sont censées illustrer un nouveau modèle de
gestion, plus simple et axé sur la performance, mais la portée de ces améliorations reste à
évaluer (2.2.3).
2.3.1
Un instrument nouveau aux objectifs multiples
En juillet 2020, le Conseil européen a approuvé le plan
NextGenerationEU
pour atténuer
les répercussions de la pandémie et renforcer la résilience de l’UE et des États membres face
aux chocs futurs. Il se traduit par la création d’un instrument nouveau, la facilité pour la reprise
et la résilience (FRR)
58
, permettant aux États membres de demander des subventions et des
prêts à la Commission européenne.
Les États membres peuvent faire appel à la FRR pour financer des réformes en lien avec
les recommandations du Semestre européen et des investissements à l’instar de la politique de
cohésion, à laquelle cet instrument est rattaché dans la présentation du budget européen.
Pour en bénéficier, les États membres s’engagent dans un programme national de reprise
et de résilience (PNRR) validé par le Conseil après examen par la Commission. Les
engagements portent à la fois sur la réalisation d’investissements et sur un calendrier de mise
en
œ
uvre de réformes législatives ou réglementaires qui correspondent
de facto
aux
recommandations de la Commission européenne adressées à chaque État membre à l’occasion
des « semestres européens » de 2019 et de 2020, regroupées sous six thématiques : finances
publiques, compétitivité et innovation, intégration sur le marché du travail et compétences,
santé, dimension écologique, dimension numérique. Selon la DG Trésor, ce plan a permis de
soutenir la croissance économique et la reprise après la crise sanitaire et aurait contribué au
rebond à hauteur de 1,1 % en 2021 et en 2022 (hors effets d’entraînement)
59
.
La FRR s’inscrit ainsi dans le prolongement des négociations européennes menées à
partir de 2018 sur la mise en place d’un instrument budgétaire de convergence et de
compétitivité (BICC selon l’acronyme anglais) de la zone euro, qui faisait partie du « plan de
renforcement de l’euro » de l’Eurogroupe décidé en décembre 2018. Les discussions avaient
permis un compromis en 2019 sur un outil de financement d’investissements et de réformes
préconisés ou approuvés par les autres États membres, mais en renvoyant la question de son
financement aux négociations sur le budget européen. Ce projet a été retiré à l’occasion de la
proposition de règlement sur la FRR. Le règlement adopté reprend quelques modalités de
l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité, avec des montants substantiels,
mais sans être restreinte à la zone euro et avec un caractère temporaire.
58
règlement (UE) n° 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour
la reprise et la résilience.
59
DG Trésor, «
A quoi servent les plans de relance mis en place à la crise covid-19 ?
», Trésor-Eco n°324, mars
2023.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
53
Le règlement sur la FRR a été révisé fin 2022 pour tenir compte des objectifs de
financement du plan européen
REPowerEU
pour la sécurité énergétique de l’UE. Les plans
nationaux doivent être actualisés en conséquence au premier semestre 2023.
Les axes de financement du plan européen
REPowerEU
REPowerEU
vise à financer des investissements supplémentaires de 210 Md
€
nécessaires d'ici à 2027
pour la suppression progressive des importations de combustibles fossiles russes. Ce plan sera financé
notamment par la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
Les États membres peuvent utiliser les prêts non utilisés (près de 225 Md
€
) et 20 Md
€
de nouvelles
subventions financées à 60 % par la mise aux enchères, dans le cadre du système d'échange de quotas
d'émission, par les quotas actuellement détenus dans la réserve de stabilité du marché et à 40 % par le
recours au Fonds d’innovation pour financer des investissements dans le cadre de leurs plans nationaux
pour la reprise et la résilience.
Un préfinancement de 20 % est possible, en deux versements. La date d’éligibilité pour les nouvelles
mesures d’investissements et de réformes présentées dans le chapitre
REPowerEU
est le 1
er
février 2022.
Il sera néanmoins possible d’amplifier certaines mesures du plan national, ou de les transférer vers le
chapitre
REPowerEU
en cas de baisse de l’allocation financière, ce qui permet par extension une date
d’éligibilité au 1
er
février 2020.
Un chapitre spécifique
REPowerEU
comprenant de nouvelles mesures d’investissements et de réformes,
doit être intégré aux PNRR pour bénéficier des financements européens, ce qui nécessite de déposer un
plan révisé en 2023.
Il existe ainsi plusieurs zones de recoupement entre les interventions de cet instrument
et des autres fonds européens notamment dans les domaines de la transition écologique et du
déploiement du numérique. Une même dépense ne peut être financée par plusieurs fonds
européens, ce qui implique d’assurer une coordination suffisante entre ces fonds dans leur mise
en
œ
uvre au niveau national.
2.3.2
Un impact significatif sur le budget de l’État, des risques à maîtriser jusqu’en
2026
Dans le plan national de reprise et de résilience (PNRR), les engagements pris
s’accompagnent d’objectifs chiffrés (cibles) et de réformes (jalons) sur la période 2021-2026.
Le Gouvernement a choisi de présenter des jalons de mise en
œ
uvre de certaines
réformes structurelles engagées ou envisagées, notamment :
- le renforcement du cadre de gouvernance des finances publiques et la mise en
œ
uvre
de recommandations de la commission sur l’avenir des finances publiques, ainsi que la stratégie
de gestion de la dette covid ;
- une trajectoire pluriannuelle de redressement des finances publiques ;
- la publication en 2021 du bilan des réformes de productivité de l’action publique ;
- la poursuite de la réforme de l’assurance chômage.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
54
La France a fait le choix de préfinancer les mesures du plan national de reprise et de
résilience à partir du budget de l’État et des administrations de la sécurité sociale (« Ségur de
la santé ») qui financent le plan de relance, comme le montre le tableau suivant.
Tableau n° 15 :
mesures du plan national de reprise et de résilience (Md
€
)
Volet du
plan de
relance
Composante du plan national de
reprise et de résilience
Montant estimé
dans le plan de
relance
Financement
européen estimé *
Transition
écologique
Rénovation énergétique
6,7
5,8
Écologie et biodiversité
3,2
2,1
Infrastructures et mobilités vertes
8,8
7,0
Énergies et technologies vertes
7,2
5,3
Compétitivité
Financement des entreprises
0,25
0,25
Souveraineté technologique et
résilience
5,2
3,2
Mise à niveau des territoires, de
l’État, des entreprises, Culture
3,1
2,1
Cohésion
Sauvegarde de l’emploi, jeunes,
handicap, formation professionnelle
11,3
7,5
Recherche, Ségur de la santé et
dépendance, Cohésion territoriale
9,8
7,7
Sous-total
55,6
41,0
Axes du plan de relance ne bénéficiant
pas de financements européens
44,4
-
Total
100,0
41,0
Source : Synthèse Cour des comptes d’après le dossier de présentation du plan national de reprise et de résilience
– Trésor Info publié le 29 avril 2021. L’actualisation du montant du PNRR par la Commission européenne au 30
juin 2022 à 37,5 Md
€
, ainsi le montant supplémentaire attendu au titre de REPowerEU (environ 2,1Md
€
) ne sont
pas pris en compte.
De manière générale, le calendrier affiché du plan de relance (2021-2022, voire
2023 pour quelques mesures) est différent de celui retenu pour les versements en
provenance de l’Union qui s’étaleront jusqu’en 2026. Cela nécessitera de maintenir jusqu’à
cette date une vigilance sur l’atteinte des objectifs (jalons et cibles).
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
55
Tableau n° 16 :
Calendrier initial de déboursement de la facilité européenne pour la reprise et la
résilience - France
Calendrier indicatif de déboursement
Cibles et jalons
associés
Montants
attendus *
Nombre
%
Md
€
2021
Préfinancement 13 % (perçu le 19
août 2021)
5,1
2022
Cibles et jalons 2021 (demande 26/11/21,
déboursement T1 2022)
38
22 %
7,4
2023
Cibles et jalons 2022 (demande fin 2022,
déboursement T1 2023)
65
37 %
12,7
2024
Cibles et jalons 2023 (demande fin 2023,
déboursement T1 2024)
35
20 %
6,9
2025
Cibles et jalons 2024 (demande fin 2024,
déboursement T1 2025)
17
10 %
3,3
2026
Cibles et jalons 2025 + 2026 (demande mi-2026,
déboursement T4 2026)
20
11 %
4,0
Total
175
100 %
39,4*
Source : direction du budget. *L’actualisation du montant du PNRR par la Commission européenne à 37,5 Md
€
au 30 juin 2022 et le montant supplémentaire au titre de REPowerEU (environ 2,8Md
€
) ne sont pas pris en compte.
La première demande de paiement du Gouvernement français présentée le 26 novembre
2021 a été acceptée par la Commission le 26 janvier 2022. Après avoir recueilli l’accord des
États membres, un versement de 7,4 Md
€
a été effectué en 2022. La deuxième demande de
paiement, prévue fin 2022, devait porter sur la mise en
œ
uvre de 50 mesures (37 investissements
et 13 réformes), représentant 65 indicateurs (44 cibles et 21 jalons).
Tableau n° 17 :
Périmètre de la demande de paiement FRR 2022
Intitulé du volet
Nombre de
mesures
Nombre
d’investissements
Nombre de
réformes
Nombre
d’indicateurs
Nombre de
cibles et de
jalons
Écologie
18
15
3
27
19 cibles et
8 jalons
Compétitivité
13
8
5
18
8 cibles et
10 jalons
Cohésion sociale
19
17
2
20
17 cibles et
3 jalons
Source : direction générale du Trésor.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
56
Cette demande a été reportée et devrait intervenir courant 2023 après le dépôt d’un
PNRR révisé pour intégrer le chapitre
REPowerEU
. La France a transmis en avril 2023 à la
Commission européenne cette mise à jour. Elle précise les investissements et les réformes
conditionnant le versement de 2,3 Md
€
de subventions supplémentaires auxquels viennent
s’ajouter 0,5 Md
€
provenant des fonds non consommés de la réserve d’ajustement
Brexit
. Ces
subventions contribueront au financement de la décarbonation de l’industrie et à la rénovation
énergétique des logements privés et des bâtiments publics.
Plusieurs risques pèsent sur le financement attendu de l’UE.
Certains résultent de la structure du plan de relance dans son ensemble, déclinée dans le
plan national de reprise et de résilience, avec une addition de mesures très diverses, mises en
œ
uvre par de nombreux acteurs.
D’autres proviennent de modalités de mise en
œ
uvre qui peuvent se révéler complexes.
À cet égard, la mention, dans le règlement européen créant la facilité de reprise et de résilience
de la «
protection des intérêts financiers de l’Union européenne »
entraîne un dispositif d’audit
et de contrôle similaire à celui des fonds européens en gestion partagée. Une attention
particulière est portée aux conflits d’intérêt, à la fraude et à la traçabilité des versements
jusqu’aux bénéficiaires finaux qui peuvent être le cas échéant sollicités pour vérifier qu’ils
répondent bien aux critères d’attribution des aides et mesures du plan national. Enfin, la
Commission dispose d’une marge d’appréciation en cas de non-atteinte des engagements, qui
peuvent être quantitatifs (cibles) ou qualitatifs (jalons), pour déterminer si le versement des
fonds doit être suspendu ou retardé. Elle a publié le 21 février 2023 sa méthodologie pour
évaluer l’impact financier éventuel de la non-atteinte d’un objectif
60
.
Une circulaire de la Première ministre
61
décrit les dispositifs et les étapes nécessaires à
la formalisation des demandes de financement auprès de la Commission européenne et les
modalités de contrôles et d’audit des mesures du PNRR.
L’autorité de coordination nationale du PNRR a évolué depuis 2021 : le secrétariat
général chargé du plan de relance (SGPR) a été remplacé par la direction générale du Trésor
qui a mis en place une structure spécialisée à l’été 2022. Une circulaire de la Première ministre
du 5 août 2022 a ainsi désigné « Autorité de coordination nationale » un pôle nouvellement créé
au sein de la sous-direction Europe de la direction générale du Trésor et précisé le cadre
d’intervention des différents acteurs dans la mise en
œ
uvre et l’audit des mesures. Enfin, la
CICC est l’autorité d’audit et a obtenu 10 emplois temporaires pour réaliser cette nouvelle
mission.
Principaux éléments de contrôle interne et d’audit relatifs au plan national de
reprise et de résilience (PNRR)
Une circulaire du Premier ministre du 30 août 2021 a détaillé les éléments du dispositif de contrôle et
d’audit du PNRR, parmi lesquels :
60
Commission européenne, «
Recovery and Resilience Facility : Two years on A unique instrument at the heart
of the EU’s green and digital transformation
», Communication au Parlement européen et au Conseil, 21 février
2023.
61
Circulaire n°6369-SG du 5 août 2022 relatives à la mise en
œ
uvre et au suivi des mesures du plan national de
reprise et de résilience actualisant la circulaire n°6300-SG du 30 août 2021.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
57
-
des remontés trimestrielles (à la DGT à la CICC, à la DG Trésor et au SGAE selon les cas) et
avant chaque demande de versement sur l’avancée des indicateurs du plan ;
-
la description du système de gestion et de contrôle interne (DSCG) des ministères ;
-
les cartographies des risques et les plans d’action ministériels ;
-
le dispositif de conservation et d’archivage des pièces justificatives, qui doivent être conservées
cinq ans après le décaissement opéré par l’administration ou l’opérateur, et doivent être
accessibles aux services de la Commission européenne, à l’Office européen de lutte anti-fraude,
à la Cour des comptes européenne et au Parquet européen,
-
les audits de systèmes et les tests de performance effectués par les auditeurs internes ou
inspections ;
-
les déclarations de gestion de chaque ministère concerné, puis la déclaration de gestion unique
signée par le ministre chargé des finances avant chaque demande de versement ;
-
des rapports semestriels de suivi du PNRR établis dans le cadre du semestre européen.
La circulaire de la Première ministre du 5 août 2022
renforce ce cadre en clarifiant les règles de
publicité -les destinataires du financement de l’UE s’assurent de la visibilité du financement et les
ministères affichent dans toute communication l’emblème de l’UE accompagné de la mention «
financé par l’Union européenne – NextGenerationEU »-, les modalités d’archivage jusqu’au 31
décembre 2031 des documents, pièces justificatives et données attestant de la bonne atteinte des
jalons et des cibles, le rôle de l’Autorité de coordination, de la CICC et le circuit de l’information.
La CICC effectue des audits fondés sur une stratégie élaborée conjointement avec la
Commission européenne. À ces obligations s’ajoutent celles qui découlent de l’examen de
chaque demande de paiement par la Commission européenne dans les deux mois qui suivent
son dépôt : la Commission réalise dans ce cadre une deuxième série de tests de performance
avec un échantillon différent de celui de la CICC et se réserve le droit de procéder
ex post
à des
audits approfondis pour chaque mesure.
Si l’instauration d’une logique de performance constituait la contrepartie de
l’endettement commun mis en
œ
uvre pour financer la facilité pour la reprise et la résilience, il
semble qu’elle puisse parfois engendrer des difficultés, la vérification de l’atteinte de ces
objectifs nécessite un travail supplémentaire qui repose sur une disponibilité complète des
données de base, qu’elles relèvent d’une administration centrale, d’un service déconcentré, d’un
opérateur ou d’un autre acteur. Les engagements du PNRR concernent à la fois des ministères
ou opérateurs familiers des procédures de contrôle des fonds européens (Agence de services et
de paiement par exemple) et des entités moins habituées à ces procédures, ce qui peut
occasionner des difficultés et des risques, qui pourraient, s’ils n’étaient pas maîtrisés, remettre
en cause les financements européens
62
. Les exigences européennes ne sont pas toujours aisées
à remplir lorsqu’il s’agit d’un circuit budgétaire de crédits déconcentrés et de consommations
rapides, certaines mesures gérées au niveau déconcentré pouvant le cas échéant nécessiter des
contrôles au niveau des préfectures. Ce peut également être le cas pour les mesures gérées par
des opérateurs, ce qui peut occasionner une difficulté à centraliser l’information. Le suivi
budgétaire d’ensemble du plan est réalisé à partir de
Chorus
. Il se limite à la consommation de
62
Les accords opérationnels avec l’UE comprennent des modalités permettant d’éviter une situation de blocage
pour un État membre. Si une cible ou un jalon n’est pas atteint, un État membre a la possibilité de demander un
report de six mois pour soumettre sa demande de paiement, afin d’assurer le respect des cibles et jalons.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
58
crédits par l’État, ce qui ne renseigne pas sur le montant des crédits effectivement versés aux
bénéficiaires finaux pour les crédits dont la gestion est confiée à des opérateurs, comme le
relevait la Cour dans son rapport sur l’élaboration et la mise en
œ
uvre du plan de relance pour
les mesures portées par le ministère de la culture
63
et dans son rapport public annuel pour les
mesures portées par le ministère du travail
64
.
Le dispositif d’audit et de contrôle de la mise en
œ
uvre des mesures fixé fait porter des
coûts de gestion sur l’État et peut être difficile à appliquer pour les mesures déconcentrées, en
raison du nombre important d’intermédiaires, pas toujours familiers des exigences de contrôle
et d’audit des fonds européens. Des difficultés sont apparues pour harmoniser et formaliser les
procédures de contrôles et d’audit des règlementations européennes (commande publique, aides
d'État, conflits d’intérêt et lutte antifraude) des « autorités délégataires de gestion » du PNRR
(ministères et opérateurs).
Le suivi et le pilotage du PNRR se sont améliorés avec la mise en place par la DG Trésor
d’un pôle spécialisé. Les exigences en matière de description des systèmes de gestion et de
contrôle et de cartographie des risques ont été formalisées et des travaux ont été engagés par la
DG Trésor pour renforcer les systèmes de contrôle interne et l’analyse des risques, en faisant
appel à l’instrument d’appui technique de la Commission européenne. Un groupe de travail
spécifique au PNRR a été mis en place par la mission interministérielle de coordination anti-
fraude réunissant notamment le Parquet européen, l’autorité de coordination nationale de la DG
Trésor et les ministères concernés.
Le système d’information doit encore être amélioré et les procédures de contrôle et
d’audit des règlementations européennes (commande publique, aides d'État, conflits d’intérêt
et lutte antifraude, double financement) davantage formalisées et harmonisées par les autorités
délégataires de gestion. Des cas de fraude ont été détectés sur des dossiers d’aides à la
rénovation énergétique, qui ont été signalés au parquet et au parquet européen. Les dépenses
correspondantes seront retirées de la demande de paiement et ces dossiers font par ailleurs
l’objet de contrôles par la Commission et par la Cour des comptes européenne.
Le partage des données sur les bénéficiaires finaux doit être développé afin de mieux
détecter les risques de fraude, par exemple en testant, comme le recommande la CICC, l’outil
informatique intégré de la Commission européenne destiné à la fouille de données (
data mining
)
et à leur enrichissement (ARACHNE). Cet instrument est déjà utilisé pour les contrôles des
autorités de gestion du FSE et du FEDER. Il permet de disposer d’une base de données
exhaustive des projets enrichie au moyen d'informations disponibles publiquement afin de
détecter grâce à des indicateurs de risque les projets, bénéficiaires, contrats et contractants
susceptibles de présenter des risques de fraudes, de conflits d'intérêts ou d'irrégularités.
La Cour recommande à la DG Trésor, en lien avec la CICC, de renforcer l’appui aux
ministères et aux opérateurs afin que les procédures de contrôles et d’audit des autorités
délégataires couvrent l’ensemble des exigences applicables, conformément au modèle élaboré
63
Cour des comptes, «
La préparation et la mise en
œ
uvre du plan de relance »
. Communication à la
Commission des finances du Sénat, mars 2022.
64
Cour des comptes, «
L’utilisation des moyens mis à disposition par l’Union européenne pour soutenir
l’emploi
» Rapport public annuel, février 2022.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
59
par la direction générale du Trésor, et de développer l’analyse des risques pour assurer la
conformité des dépenses aux règles d’éligibilité européennes.
Recommandation n° 3.
(direction générale du Trésor) :
Compléter en 2023 les procédures
de contrôle et d’audit des mesures du plan national de reprise et de résilience (PNRR) et
développer l’analyse des risques pour assurer la conformité des dépenses présentées aux
règles d'éligibilité européennes.
2.3.3
Une articulation à suivre avec les programmes du CFP
La FRR augmente la part des investissements publics pouvant être financés par les fonds
européens. Il existe ainsi un risque d’éviction des fonds de l’un ou l’autre des instruments en
fonction des choix des États. Si la France a choisi de présenter des dépenses préfinancées par
l’État et des opérateurs, ce risque ne peut être complètement exclu en raison de la nécessité de
garantir l’absence de double financement pour les investissements retenus, qui pourraient
diminuer la consommation des autres fonds européens. Ceci pourrait avoir un impact sur la fin
de la programmation 2014-2020 ou sur le début de la programmation 2021-2027 qui pourrait
prendre du retard.
La Cour des comptes européenne a publié le 16 janvier dernier un document recensant
les points communs et les différences entre la facilité de reprise et de résilience et les fonds de
la politique de cohésion, qui permettent
65
d’éclairer les enjeux de coordination opérationnelle.
Le financement apporté par le plan
NextGenerationEU
est exclusif de tout double
financement issu d’autres programmes européens, ce qui nécessite une analyse mesure par
mesure, y compris au niveau déconcentré lorsque des mesures sont susceptibles d’être financées
via
certains programmes des fonds structurels, dont les conseils régionaux sont autorités de
gestion, ce qui implique au vu des zones de recoupement identifiées, de pouvoir assurer une
coordination suffisante entre ces fonds.
À cet effet, la coordination des différents instruments est assurée par l’Agence nationale
de la cohésion des territoires (ANCT) et par le pôle PNRR de la direction générale du Trésor.
La combinaison des critères
66
définis pour orienter les porteurs de projets vers l’une ou l’autre
source de financement se fait localement, «
en retenant une approche pragmatique projet par
projet
», et l’ANCT a élaboré un guide pour l’application de cette ligne de partage. Un cycle de
réunions portant sur la coordination entre la FRR et la politique de cohésion a été organisé en
2021 par l’ANCT et Régions de France avec les autorités de gestion régionales et les services
ministériels en charge des politiques de santé, de transports et de mobilité, d’aides aux
entreprises et de rénovation thermique des bâtiments. Cette multitude des intervenants, tant au
niveau ministériel que s’agissant des collectivités territoriales traduit le grand niveau de
précision des engagements pris par la France.
Par ailleurs, la gouvernance à plusieurs niveaux (Commission, État, régions, parties
prenantes) et le partenariat mis en
œ
uvre pour les fonds en gestion partagée ne s’appliquent pas
65
Cour des comptes européenne, «
Le financement accordé par l’UE au titre de la politique de cohésion et de la
facilité pour la reprise et la résilience : un analyse comparative
». Document de travail, 16 janvier 2023.
66
Temporalité, thématique financée, bénéficiaire du soutien et dimension territoriale
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
60
à la FRR. Les documents de programmation des deux instruments diffèrent considérablement,
de même que les procédures d’approbation et d’évaluation. La coordination de cette mise en
œ
uvre en parallèle fait partie de l’exercice de programmation des deux instruments, et les États
membres sont tenus de veiller à ce que ceux-ci se complètent sans faire double emploi.
En termes de simplification, le financement par la Commission repose intégralement sur
la réalisation des jalons et des cibles, c’est-à-dire un modèle du financement « non lié aux
coûts » du bénéficiaire final. Les États membres peuvent cependant recourir à tout modèle de
financement des opérations individuelles qui leur semble adapté, conformément à leurs règles
nationales. Dans la pratique, les exigences formulées lors des premiers contrôles de la
Commission européenne se rapprochent de celles de la justification des coûts pratiquée dans la
politique de cohésion. En effet, avant la présentation de la première demande de paiement, la
Commission et les différents États membres signent des arrangements opérationnels qui
précisent les modalités de suivi et les éléments probants attestant de la réalisation des jalons et
des cibles attendus par la Commission. L’État membre doit fournir à la Commission l’assurance
qu’il a pris des mesures pour protéger les intérêts financiers de l’UE. Même si ce point n’est
pas contrôlé avant d’autoriser le versement, la Commission procède à des vérifications et à des
audits
ex post
sur la base d’un échantillon des dépenses.
La Commission compte appliquer le modèle de financement de la FRR à d’autres
domaines budgétaires. Elle a déjà proposé de transposer le principe de base des financements
de la FRR au nouveau Fonds social pour le climat, dont la gestion devrait s’appuyer sur les
plans des États membres, et au titre duquel les versements devraient être effectués une fois
atteints les jalons et les cibles préalablement fixés. Dans ce contexte, le suivi et la coordination
opérationnelle doivent être réalisés jusqu’à la dernière demande de versement en 2026, pour
s’assurer de la préservation des intérêts financiers de l’État mais aussi pour garantir une
mobilisation optimale des fonds européens et évaluer l’impact de ce nouvel instrument.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le budget européen, matérialisé par les CFP, est fondamentalement un budget
d’intervention et d’investissement. Ses dépenses traduisent la solidarité entre les États membres
dans la mise en
œ
uvre des politiques européennes. 93 % du CFP est consacré au financement
de programmes, le solde est consacré au fonctionnement des institutions européennes
Cette répartition thématique s’accompagne d’une répartition préalable entre les États
membres selon des modalités définies dès l’accord du Conseil sur le CFP. Près de 75 % du
CFP est réparti a priori pour financer les programmes en « gestion partagée » dont la gestion
est confiée aux États par la Commission. Le CFP est ainsi un « budget de transfert » entre les
États, ces transferts étant particulièrement opérés par l’intermédiaire des quatre fonds de de
la politique de cohésion
67
et des deux fonds de la politique agricole commune
68
, qui
représentent plus de 60 % de ses dépenses. Environ 20 % du CFP sert par ailleurs à financer
des programmes gérés directement par la Commission européenne et ses agences sans
répartition préalable entre les États. Ces programmes financent des projets de recherche et
67
Fonds européen de développement régional (FEDER), Fonds social européen (FSE), Fonds de
cohésion, Fonds de transition juste.
68
Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), Fonds européen agricole de développement rural
(FEADER).
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
61
d’innovation, des investissements stratégiques européens, le développement de réseaux
transeuropéens, l’amélioration du fonctionnement du marché unique, l’éducation, l’aide
humanitaire et le développement. Le CFP 2021-2027 marque une progression des dépenses
affectées à ces priorités.
L’État a une responsabilité importante dans la mobilisation des fonds européens, en
lien avec les régions pour les fonds qui les concernent. Les fonds en gestion partagée
représentent 78,2 % des retours annuels de la France sur la période 2014-2021 et les
programmes gérés par l’État comptent pour plus des deux tiers de ces retours. Les dépenses
consacrées aux programmes en gestion directe pour la recherche et l’innovation, les réseaux
transeuropéens, les investissements stratégiques et la défense, domaines d’intervention du
budget de l’État, sont en augmentation.
Pour la période de programmation 2021-2027, la France dispose de près 83,6 Md
€
au
des fonds en gestion partagée, soit un taux de retour moyen de 11%, variable selon les
programmes. Par ailleurs, le financement des programmes en gestion directe pour la
recherche-innovation, les réseaux transeuropéens, les investissements stratégiques et la
défense augmente sur la période. Dans ce contexte, le Gouvernement a lancé à l’été 2022
l’élaboration de plans d’actions ministériels pour améliorer la mobilisation des fonds
européens. Pour les programmes en gestion partagée, les efforts de simplification des
procédures d’instruction et de paiement, et de sécurisation des dépenses doivent être poursuivis
en tirant parti des évolutions de la règlementation européenne pour la période de
programmation 2021 – 2027 et en s’appuyant sur les autorités nationales d’audit (Commission
interministérielle de coordination des contrôles, CICC, Commission de certification des
comptes des organismes payeurs, CCCOP).
Pour les programmes en gestion directe, la mobilisation des programmes dont le budget
pluriannuel est en augmentation devrait être prioritaire. Il est de la responsabilité de l’État est
de déployer une stratégie d’influence, de sensibilisation et de soutien des bénéficiaires plus
efficace, même s’il est difficile d’anticiper le montant des « retours », à la différence des
programmes en gestion partagée.
Les retours transitent peu par le budget de l’État et le suivi des moyens consacrés par
l’État à la mobilisation et à la gestion des fonds européens est émietté. Il convient de renforcer
le pilotage de l’État en intégrant dans les conférences annuelles budgétaires et dans les
rapports annuels de performance, le suivi des retours et des moyens déployés pour améliorer
la mobilisation des fonds européens.
La facilité pour la reprise et la résilience financée par l’emprunt européen est un
instrument nouveau qui élargit le domaine d’intervention de la Commission à la mise en
œ
uvre
des recommandations du Semestre européen. Ses financements ont un impact direct sur le
budget de l’État. Cette nouvelle source de financement pourrait cependant accentuer la
pression exercée sur la capacité à dépenser les autres fonds européens qui peuvent financer les
mêmes types de projets d’investissements. Une coordination renforcée des autorités de gestion
des fonds européens et des financeurs publics est nécessaire afin d’assurer l’absence de double
financement, garantir une mobilisation optimale des fonds européens et évaluer l’impact de ce
nouvel instrument et de ses modalités de gestion.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
62
ANNEXES
Annexe n° 1. Le budget 2021-2027 des « instruments spéciaux »
........................................
63
Annexe n° 2. Répartition des dépenses du CFP par rubriques et programmes
.....................
65
Annexe n° 3. Exemples de modalités de gestion de programmes en gestion directe
............
67
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
63
Annexe n° 1.
Le budget 2021-2027 des « instruments spéciaux »
Le montant total maximal pouvant être utilisé pour des instruments spéciaux entre 2021
et 2027 s’élèvera à environ 21 Md
€
2018
. Il existe deux types d’instruments spéciaux :
- les instruments spéciaux thématiques (réserve de solidarité et d’aide d’urgence, Fonds
européen d’ajustement à la mondialisation, réserve d’ajustement au Brexit) qui prévoient une
flexibilité et des moyens supplémentaires pour des événements ou des lignes budgétaires
spécifiques ;
- les instrument spéciaux non thématiques (instrument de flexibilité, instrument de
marge unique), qui offre la possibilité de faire face à des circonstances plus généralement
imprévues ou à des priorités nouvelles/émergentes tout au long de la durée du CFP.
L’instrument de flexibilité (maximum 915M
€
2018
/ an, soit 1,01 Md
€
courants
en 2023) est
utilisé pour financer des actions qui ne peuvent pas être financées par d’autres sources du budget
sans dépasser les plafonds de dépenses. Il a été fréquemment mobilisé dans le passé,
principalement pour répondre aux défis migratoires et aux menaces pour la sécurité.
L’instrument de marge unique permet d’inscrire de nouveaux engagements et/ou
paiements au budget de l’UE en utilisant les crédits d’engagement et de paiement qui ne sont
pas utilisés en dessous des plafonds de dépenses des années précédentes à partir de 2021. Celles-
ci doivent être mises à disposition au cours des années 2022-2027. Ce montant sera prélevé sur
les crédits d’engagement et de paiement des exercices en cours ou à venir. Le montant annuel
total mobilisé pour cet instrument au titre d’un budget rectificatif ou annuel ne peut dépasser
0,04 % du revenu national brut (RNB) de l’UE en engagements et 0,03 % du RNB de l’UE en
paiements. Elle doit également être compatible avec le plafond des ressources propres.
En outre, l’instrument « Facilité européenne pour la paix » n’est pas financée via le
budget européen mais directement par des contributions des États membres. Pour la France, la
contribution est ainsi versée par les ministères contributeurs, à savoir le ministère des affaires
étrangères et européennes et le ministère des armées. Ces dépenses militaires ne peuvent être
financées par le CFP, le traité sur l’UE prévoyant qu’elles sont à la charge des États membres
selon la clé du produit national brut, sauf décision à l’unanimité du Conseil.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
64
Tableau n° 18 :
Plafond des instruments spéciaux du CFP 2021-2027 (crédits d’engagement en M
€
courants
)
Nom de l’instrument
Objet
Plafond
2021-2027
Instruments spéciaux thématiques
Réserve d'aide d'urgence et
de solidarité
Aide financière en cas de catastrophe majeure survenant
sur le territoire d’un État membre ou d’un pays candidat,
besoins d’aide en priorité pour des actions à caractère
d’urgence et les crises humanitaires.
9 467
Fonds européen d'ajustement
à la mondialisation
69
Contribution financière à un État lorsque des modifications
majeures de la structure du commerce mondial conduisent
à une perturbation économique grave (hausse substantielle
des importations, recul rapide de la part de marché,
délocalisation vers des pays tiers) ayant pour conséquence
des licenciements dans une entreprise d’un État membre
1 467
Réserve d’ajustement Brexit
Compensation pour les États concernés de l’impact
économique du
Brexit
5 000
(1)
Facilité européenne pour la
paix
Financement d’actions de sécurité et de défense (coûts
communs des missions et opérations militaires)
5 000
(1)
Source : Commission européenne.
(1) Montants en
€
2018.
69
Règlement (CE) n° 1927/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 portant création du
Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
65
Annexe n° 2.
Répartition des dépenses du CFP par rubriques et programmes
Tableau n° 19 :
Répartition des dépenses du CFP par rubriques et programmes (crédits
d’engagements, Md
€
,
€
2018)
Rubriques et programmes du CFP
Montants
CFP
Montants NGEU
TOTAL
%
Total
1 074,4
30
1 104,4
1. Marché unique, innovation et
numérique
132,8
10,6
143,4
dont Horizon Europe
76,4
5,0
81,4
8%
dont InvestEU
2,8
5,6
8,4
1%
dont Connecting Europe Facility -
Transport, Energie, Digital
28,4
28,4
3%
dont Marché Unique (COSME)
3,7
3,7
0%
2. Cohésion, résilience et valeurs
377,8
1,9
379,7
dont fonds européen pour le
développement économique régional
200,4
200,4
19%
dont Fonds de cohésion
32,6
32,6
3%
dont Fonds social européen (fonds
social européen )
88,0
88,0
8%
dont ERASMUS +
21,7
21,7
2%
3. Ressources naturelles et environnement
356,4
17,5
373,9
dont politique agricole commune -
FEAGA
258,6
258,6
24%
dont politique agricole commune -
fonds européen agricole pour le
développement rural
77,9
7,5
85,4
8%
dont programme LIFE
4,8
4,8
0%
dont Fonds de transition juste
7,5
10,0
17,5
2%
4. Migration et gestion des frontières
22,7
22,7
dont FAMI
8,7
8,7
1%
5. Résilience, sécurité et défense
13,2
13,2
dont Fonds européen de défense
7,0
7,0
1%
6. Voisinage et le monde
98,4
98,4
dont Instrument de voisinage, de
développement et de coopération
internationale
70,8
70,8
7%
7. Administration publique européenne
73,1
73,1
Source : données Commission européenne, calculs Cour des comptes
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
66
Tableau n° 20 :
Répartition du CFP par rubriques, en k
€
2018
et en k
€
courants
Source : Commission européenne.
L’IMPACT DU BUDGET EUROPEEN SUR LE BUDGET DE L’ETAT
67
Annexe n° 3.
Exemples de modalités de gestion de programmes en gestion directe
Programme
Mode de gestion 2021-2027
Horizon 2020
Directe : l'exécution est confiée à Commission européenne (9DG) Le budget est
exécuté par 22 organes différents, dans le cadre de délégations de gestion (agences
exécutives européennes) ou de contractualisations (gestionnaires d’instruments
financiers).
ERASMUS+
Mixte (directe et indirecte) : le programme est géré par la Commission européenne,
l'Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), des agences
nationales dans les pays participants au programme (en France, l’Agence Erasmus
France) et des bureaux nationaux dans certains pays partenaires.
LIFE
Directe : les Directions Générales Environnement et Climat sont chargées de la
gestion du programme. La Commission a délégué la mise en
œ
uvre de nombreux
volets du programme LIFE à l'Agence exécutive pour les petites et moyennes
entreprises (EASME). La Banque européenne d'investissement gère les instruments
financiers.
COSME
Directe : la Commission européenne délègue la gestion opérationnelle du
programme à EASME. Les instruments financiers sont gérés directement par la BEI
via le FEI dont la BEI est actionnaire majoritaire. (Le FEI peut également gérer des
fonds abondés par du fonds européen pour le développement économique régional).
Source : site L’Europe s’engage (ANCT).
i
La DGFiP exerçait cette fonction.