Chapitre IX
La retraite des femmes et des hommes :
une réduction des écarts à poursuivre
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278
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Alors que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à
percevoir des pensions versées par le système de retraite français (environ
55
%), elles bénéficient d’un peu moins de la
moitié de la masse totale des
pensions, qui s’élevait à 335
Md€ en 2020. Cela s’explique par des montants
de pension plus faibles en moyenne pour les femmes que pour les hommes à
la retraite (1 401
€ contre 1
955 € par mois pour ceux résidant en France).
Cet écart de 28 % est même de 40 % sans les pensions de réversion qui, au
décès de l’un des deux conjoints, sont versées au conjoint survivant,
généralement la femme. Il résulte pour l’essentiel de différences de situation,
en amont, sur le marché du trava
il, alors qu’il n’existe plus de différences
dans les règles de calcul des retraites entre les femmes et les hommes.
La loi du 20 janvier 2014, tout en rappelant que les pensions de
retraite
dépendent des revenus d’activité,
assigne au système de retraite par
répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de
chaque génération, notamment par l'égalité entre les femmes et les hommes.
L’analyse de la Cour, conduite avant l’adoption de la loi de financement
rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites,
apprécie l’atteinte de ce dernier objectif.
Le présent chapitre caractérise les écarts, en termes de carrière
professionnelle et de salaire, qui conduisent les femmes à acquérir moins de
droits à retraite, si
tuation qu’aggravent les modalités d’acquisition des droits
liés à l’emploi (I). Ces écarts sont atténués principalement par les droits liés aux
enfants (plus de 20
Md€ de prestations) et les pensions de réversion (36
Md€
),
qui doivent cependant prendre davantage en compte les inégalités entre les
femmes et les hommes tout en en permettant la maîtrise des dépenses (II).
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
279
I -
Des écarts de pension résultant
principalement des différences de situation
sur le marché du travail
Les écarts persistants des montants de pension perçus par les
femmes et les hommes à la retraite conduisent à analyser l’évolution de la
situation des premières sur le marché du travail et les effets de certaines
règles de calcul des droits à la retraite.
A -
Malgré l’affirmation d’un principe d’égalité,
des écarts persistants
1 -
Un principe d’égalité
réaffirmé
Le principe
d’égalité
entre les femmes et les hommes est inscrit dans
les textes fondamentaux français
429
et européens
430
. Il s’est affirmé avec la
Charte de l’égalité (2004) puis, notamment dan
s la sphère professionnelle,
à travers des lois successives
431
.
Il est mis en avant en matière de retraite depuis la loi de réforme du
9 novembre 2010. Il a été renforcé par celle du 20 janvier 2014 qui, tout en
réaffirmant que les pensions dépendent des rev
enus d’activité, précise que
«
La Nation assigne également au système de retraite par répartition un
objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération,
notamment
par
l'égalité
entre
les
femmes
et
les
hommes
»
(article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale
–
CSS)
432
.
429
Article 1
er
de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen
(1789) : «
Les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne
peuvent être fondées que sur l'utilité commune
».
430
Articles 2 et 3 du Traité d’Amsterdam (1997), articles 2 et 3 du Traité de l’Union européenne
(1992) et article 8 et 10 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne
(1957).
431
Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes
et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance ; loi n° 2012-347
du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi des titulaires et à l’am
élioration des
conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique
; loi n° 2014-873
du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes
; loi n°
2019-828 du
6 août 2019 de transformation de la fonction publique ; loi n° 2021-1774 du 24 décembre
2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.
432
L
’exposé des motifs
de la loi indique plus directement que le système de retraite doit
«
mieux prendre en compte la situation comparée des femmes et des hommes
».
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280
La loi du 20 janvier 2014 confère au conseil d’orientation des
retraites (COR) et au comité de suivi des retraites (CSR), alors créé, un rôle
spécifique. Le COR doit porter une attention particulière aux différences à
la retraite entre les femmes et les hommes. Le CSR doit analyser la
situation des femmes et des hommes en matière de retraite et ses
recommandations doivent porter, parmi les mesures prioritaires de
solidarité, sur l’égalité entre les femmes et les homm
es. Force est de
constater que, si les rapports annuels du COR comportent de nombreuses
données sur l’équité entre les femmes et les hommes à la retraite, le CSR
s’est très peu saisi du sujet.
2 -
Des écarts de pension de droit direct toujours importants
Les écarts de pension de droit direct
433
entre les femmes et les
hommes diminuent lentement. En 2020, parmi les retraités résidant en
France
434
, les femmes percevaient une pension moyenne de droit direct
inférieure de 40 % à celle des hommes (respectivement 1 154
€ et 1
931
€).
L’écart se réduit au fil des générations. Il est passé de 54
% pour la génération
1930 à 34 %
pour la génération 1950. L’écart de pension en
«
équivalent
carrière complète
»
435
baisse au fil des générations mais dans une moindre
mesure, passant de 42 % à 28 % entre les générations 1930 et 1950.
Graphique n° 26 :
évolution des écarts de pension de droit direct
entre les femmes et les hommes, par génération
Note de lecture : La pension de droit direct des femmes née en 1930 est en moyenne inférieure de 54 %
à celle des hommes. Cet écart est de 42 % en « équivalent carrière complète
» c’est
-à-dire dans
l’hypothèse où la durée validée dans le régime correspond à la durée requise pour le taux plein.
Champ : Retraités résidant en France ayant perçu une pension de droit direct.
Source : Drees
433
Total des pensions de base et complémentaires, y compris les dispositifs de solidarité (cf.
II), mais hors pensions de réversion versées au décès du conjoint ou de l’ex
-conjoint.
434
Ce champ est retenu par la suite et les données sont issues de la publication de la
Drees, «
les retraités et les retraites
», édition 2022, sauf mention contraire.
435
La pension «
en équivalent carrière complète
» estime le montant de la pension dans
l’hypothèse où la durée validée dans le régime correspond à la durée requise pou
r le
taux plein, ce qui neutralise l’effet de durées différenciées de carrière.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
281
Les écarts de pension de droit direct entre les femmes et les hommes
selon le régime principal
d’affiliation
reflètent des particularités propres à
chaque
secteur d’activité.
En 2020, l’écart atteignait 17
% parmi les
fonctionnaires mais 47 % parmi les retraités du régime général (anciens
salariés du secteur privé ou indépendants).
Ces écarts moyens masquent des dispersions importantes, non pas
entre hommes et femmes, mais entre secteur privé et secteur public : la
dispersion des montants de pension est en effet presque deux fois plus
importante parmi les anciens salariés du secteur privé
436
que parmi les
anciens fonctionnaires.
Les écarts de pensions cumulées : une approche incomplète
pour analyser la situation relative des femmes
Les âges de départ à la retraite des femmes et des hommes se
rapprochent
au fil des générations. Pour la génération 1950, l’écart moyen
n’est plus que de 0,8
année (60,9 ans pour les femmes et 60,1 ans pour les
hommes),
alors
qu’il
était
du
double
pour
la
g
énération
1930
(respectivement 61,6 ans et 60 ans). Des projections
437
montrent qu’à
législation inchangée, la situation pourrait s’inverser pour les générations
nées après 1975 : les femmes actives partiraient à la retraite quelques mois
plus tôt que les hommes car elles valideraient davantage de trimestres, les
trimestres acquis au titre de leur emploi étant complétés par ceux accordés
au titre de leurs enfants.
Or, la retraite des femmes est déjà
actuellement d’environ trois ans
et demi plus longue que celle des hommes, compte tenu de leur espérance
de vie supérieure. Si le versement de la pension sur une durée plus longue
améliore mécaniquement le « rendement » de leurs cotisations, qui compare
le cumul des pensions reçues à la retraite au cumul des cotisations versées
pendant la période active
438
, il n’est en revanche d’aucun effet sur les
conditions de vie des retraitées, qui vivent certes plus longtemps mais dont
la santé est fragile : aux âges avancés, les femmes sont davantage exposées
à des maladies inc
apacitantes et plus fréquemment bénéficiaires d’une
allocation personnalisée d’autonomie (15
% entre 80 et 84 ans, contre 9 %
des hommes, puis, passés 90 ans, 57 % contre 37 %).
436
Ires, « Écarts de retraite entre les hommes et les femmes dans le privé et le public »,
rapport final, février 2018.
437
COR, rapport annuel, juin 2021.
438
Insee, Économie et Statistique n° 481-482, «
Le taux de rendement interne du
système de retraite français :
quelle redistribution au sein d’une génération et quelle
évolution entre générations ?
», 2015 ; Institut des politiques publiques,
« Le système
de retraite corrige-t-il les inégalités de carrière ? »
, 2021.
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282
B -
Des situations encore inégales sur le marché
du travail entre les femmes et les hommes
En dépit d’une participation croissante des femmes au marché du
travail, des différences subsistent en amont de la retraite
439
. Or, les
différences de situation entre les femmes et les hommes sur le marché du
travail se retrouvent au moment de la retraite.
Salaires et durée d’activité
, paramètres principaux de la pension
La pension de retraite au régime général ou dans les régimes de base
des fonctionnaires dépend des revenus d’activité,
via
le revenu de
référence
440
, la durée d’assurance validée dans
le régime (durée de carrière,
majorée des trimestres de solidarité) et celle validée tous régimes
confondus. En particulier, la pension est réduite par une décote si la durée
validée
par l’assuré
tous régimes confondus est inférieure à la durée requise
pour le taux plein (43 ans pour ceux nés à partir de 1973) et si ce dernier
part à la retraite avant l’âge d’annulation de la décote (67 ans).
Dans les régimes complémentaires en points, le montant de la
pension est étroitement lié aux revenus d’activité
sur la totalité de la carrière.
Il dépend du nombre de points acquis en fonction des cotisations versées
tout au long de la vie professionnelle.
1 -
Des femmes de plus en plus en
situation d’activité
professionnelle, souvent à temps partiel
Parmi les femmes âgées de 15 à 64 ans, l
e taux d’activité, c’est
-à-
dire la part de celles en emploi ou au chômage, a augmenté de 15 points
entre 1975 et 2021, et se rapproche de celui des hommes. En 2021, il
s’établissait à 70,0
% contre 76,2 % pour les hommes, soit un écart de
6,2 points, qui était de près de 30 points en 1975.
D’ici 20
40
441
, les taux d’activité des femmes et des hommes
augmenteraient, notamment après 60 ans sous l'effet du recul des âges de
la retraite, mais
l’écart de taux d’activité
ne se réduirait plus, du fait de la
persistance d’une moindre activité aux âges de la fécondité
.
439
Sauf mention contraire, les données sont extraites du dossier suivant :
Femmes et
hommes : l’égalité en question
, Insee Références, Édition 2022.
440
Moyenne des vingt-cinq meilleurs revenus annuels de la carrière, sous le plafond de
la sécurité sociale, dans le régime général et dernier salaire hors primes perçu depuis au
moins six mois pour les fonctionnaires.
441
Insee, Projections de la population active à l'horizon 2080, juillet 2022.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
283
Les évolutions de la part des personnes en emploi ont globalement
suivi celles des taux d’activité. Le taux d’emploi des femmes s’est amélioré
de 13 points entre 1975 et 2021, passant à 64,5 % en 2021 contre 70,1 %
pour les hommes. Dans le même temps, l
’écart de taux de chômage entre
les femmes et les hommes s’est réduit
, notamment depuis le début des
années
1990. Il s’est même inversé à partir de 2012.
En 2021, 7,8 % des
femmes actives étaient au chômage (8,0 % des hommes actifs).
Graphique n° 27 :
t
aux d’activité et taux d’emploi des femmes
et des hommes sur la période 1975-2021 (en %)
Champ : France hors Mayotte, personnes de 15 à 64 ans.
Source : Insee
La progression de l’insertion des femmes sur le m
arché du travail
s’est accompagnée cependant d’une augmentation du recours au travail à
temps partiel. La part du travail à temps partiel parmi les femmes
salariées a augmenté de 10 points entre 1982 et 1995, et fluctue depuis
autour de 30 %. Elle atteint 28,0 % en 2021, contre 8,3 % pour les hommes.
C’est pour les femmes de 25 à 49
ans, les plus directement
concernées par la maternité, que l’écart de taux d’activité avec les hommes
demeure le plus fort (8,4 points en 2021). Il peut être le signe d’un choi
x
mais il peut aussi traduire la difficulté à concilier vie professionnelle et vie
familiale.
Dans cette tranche d’âge, le taux d’activité des mères est plus
faible lorsque l’un des enfants est âgé de moins de
trois ans : 83,7 % avec
un seul enfant et seulement 50,5 % avec trois enfants ou plus en 2021,
contre 88,2 % pour les femmes sans enfant. En revanche, le
taux d’activité
des pères âgés de 25 à 49 ans était supérieur à 90 % quel que soit le nombre
d’enfants au sein du foyer.
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284
Le même type de constat est fait pour le travail à temps partiel. En
2021, parmi celles en emploi salarié, 39,7 % des mères de trois enfants ou
plus dont le plus jeune était âgé de moins de trois ans y recouraient contre
24,6
% des femmes sans enfant. À l’inverse, la part des hommes
salariés à
temps partiel dépend peu du nombre d’enfants.
2 -
Une lente diminution des écarts de salaire
entre les femmes et les hommes
Les différences de situation entre les femmes et les hommes au cours
de la vie active portent également sur les salaires.
L
’écart de
salaire moyen entre les femmes et les hommes
s’est
légèrement réduit en 25 ans, passant de 27,4 % en 1995 à 22,3 % en 2019.
Il reflète à la fois des écarts de salaire horaire
442
et des écarts de nombre
d’heures de travail dans l’année.
L’écart de
salaire horaire (16,1 %) expliquait près des trois quarts de
l’écart de salaire moyen en 2019. Il provient de différences de diplôme, de
qualification, d’accès aux formations continues ou encore de type d’emploi
occupé et de discriminations. Il apparait ég
alement à l’arrivée des enfants. Les
mères, salariées du secteur privé, subiraient, quel que soit leur niveau de salaire,
une perte de salaire horaire de 5 % par enfant, pendant au moins les cinq années
suivant la naissance, alors qu’aucun écart n’est cons
taté pour les pères
443
.
Le reste des écarts de salaire moyen est dû aux différences de
nombre d’heures de travail dans l’année (7,6
% en 2019), les femmes étant
plus souvent à temps partiel. Ces différences de quantité de travail
contribuent davantage aux écarts parmi les femmes moins diplômées et les
plus jeunes, en raison d’interruptions de carrière et du recours au temps
partiel plus fréquents chez les jeunes mères.
L’écart de salaire entre les femmes et les hommes est plus faible
dans le secteur public (15,7 % en 2019) que dans le secteur privé (25,7 %),
car l’écart de nombre d’heures de travail
y est moindre (respectivement
3,4 % et 10,9
%), alors que l’écart de salaire horaire est comparable
(respectivement 14,3 % et 16,6 %).
Dans le secteur privé, les femmes travaillent souvent dans des
entreprises dont les salaires horaire
s sont bas. D’autre part,
l’écart de
salaire horaire entre les femmes et les hommes croît en fonction de la taille
de l’entreprise
: en 2018, il était quatre fois supérieur dans les entreprises
de plus de 2 000 salariés que dans celles de 5 à 10 salariés
444
.
442
Plus précisément salaire en équivalent temps plein.
443
Insee Analyses n° 48, «
Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien
rémunérées sont les plus affectées par l’arrivée d’un enfant
», octobre 2019.
444
Institut des politiques publiques, «
Comprendre les inégalités de salaires entre
femmes et hommes
».
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
285
Les écarts sur le marché du travail ailleurs en Europe
Dans les sept pays examinés (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas,
Danemark, Portugal et Suède), les écarts entre les femmes et les hommes
sur le marché du travail se réduisent mais subsistent.
Les femmes restent moins souvent en emploi, travaillent plus
fréquemment à temps partiel et sont moins bien rémunérées. Pour chacune
de ces dimensions, l’écart entre les femmes et les homme
s est intermédiaire
en France. C’est le cas également pour l’indicateur
de rémunération globale
d’Eurostat qui multiplie salaire horaire, nombre d’heures de travail et taux
d’emploi
: en 2018,
l’écart est de 30
% en France, 33 % en Espagne,
supérieur à 40 % en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas, mais plus faible
au Danemark et en Suède (environ 25 %) et surtout au Portugal (20 %).
L’Allemagne et les Pays
-Bas se caractérisent par un écart élevé en termes
de temps de travail, lié au temps partiel ; le Portugal se distingue par des
écarts très faibles en termes de salaire et de temps de travail.
Graphique n° 28 :
écart de rémunération globale entre les femmes
et les hommes dans différents pays européens en 2010 et en 2018 (en %)
Source : Eurostat, traitement Cour des comptes
C -
Des règles de calcul des pensions liées à l’emploi
en pratique défavorables aux femmes
Les écarts de pensions entre les femmes et les hommes ne sont pas
strictement proportionnels aux écarts de revenus d’activité et de durées de
carrière. En particulier, les règles de calcul des droits à retraite, obtenus en
contrepartie des cotisations versées pendant les périodes d’emploi, ont des effets
différents selon qu’elles sont appliquées aux carrières des femmes et des hommes.
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COUR DES COMPTES
286
1 -
Des règles qui pénalisent les assurés à carrière courte
et à bas salaires, généralement des femmes
Plusieurs règles de calcul générales pénalisent en pratique les femmes.
C’est le cas notamment du calcul du salaire de référence au régime
général, de l’indexation sur l’inflation des salaires
pris en compte pour le calcul
de ce salaire de référence, et de la décote, en cas de départ à la retraite avant
67
ans et d’un nombre insuffisant de trimestre pour une pension à taux plein.
Par rapport à la prise en compte de tous les salaires de la carrière, le
calcul du salaire de référence au régime général sur les vingt-cinq meilleurs
salaires annuels est globalement favorable aux assurés, mais défavorable
en pratique aux femmes
445
. En effet, il permet d’exclure les salaires les plus
bas, sous réserve d’a
voir une durée de la carrière supérieure à vingt-
cinq ans, condition satisfaite plus souvent pour les hommes.
De même, pour un montant identique de prestations servies, le fait
d’indexer
sur les prix, plutôt que sur les salaires, les
revenus d’activité
portés au compte carrière pour le calcul de la retraite, pénalise plutôt les
femmes. En effet, la sous-revalorisation
446
se cumule d’année et en
année
jusqu’à l’année de départ à la retraite
; elle est ainsi plus importante
pour les salaires de début de carrière que ceux de fin de carrière, ce qui
favorise les assurés à carrière non ascendante (carrière interrompue, avec
passage à temps partiel ou carrière plate, généralement à bas salaires), qui
sont plus fréquemment des femmes.
Enfin, à l’âge d’ouverture des d
roits à la retraite, les femmes
présentent, en moyenne, des carrière plus courtes que celles des hommes.
Pour éviter le mécanisme de la décote, elles partent donc plus tard à la retraite.
Ainsi, pour la génération 1950, davantage de femmes (19
%) que d’hom
mes
(11
%) attendent l’âge d’annulation de la décote (65
ans pour cette génération,
67 ans désormais) pour partir à la retraite à taux plein, faute d’une durée
d’assurance suffisante. Cependant, cette différence a tendance à s’estomper
avec l’augmentation
de la présence des femmes sur le marché du travail.
445
Insee, Économie et Statistique n° 441-442, «
Les conséquences des profils individuels
des revenus d’activité au long de la carrière sur le niveau des pensions de retraite
», 2011.
446
Il y a sous revalorisation dans la mesure où les prix augmentent moins que les
salaires sur longue période.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
287
2 -
Des réformes générales des retraites aux effets contrastés
sur la situation relative des femmes
Certaines dispositions générales des réformes des retraites menées
de 2010 à 2015 auraient des effets contrastés sur la situation relative des
femmes, compte tenu notamment des comportements de départ à la retraite.
Ainsi, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (Drees)
447
, à la suite de ces réformes, l’âge moyen de dépa
rt à la
retraite serait davantage reporté pour les femmes que pour les hommes : pour la
génération 1960, le report est de 18,8 mois pour les femmes et de 12,6 mois pour
les hommes (respectivement 22,2 mois et 21,0 mois pour la génération 1980).
Cependant, par rapport à ce qui se serait passé sans les réformes, le
report du départ à la retraite, plus important pour les femmes, s’accompagnerait
d’une progression plus forte de leur pension (par exemple, pour la génération
1980, + 3,1 %
448
pour les femmes contre + 0,9 % pour les hommes).
3 -
Une prise en compte du temps partiel dans le calcul
des retraites variable selon les régimes et aux effets complexes
La fréquence du travail à temps partiel parmi les femmes conduit à
examiner la façon dont il est valorisé à la retraite.
Au régime général, l’effet du temps partiel sur la durée validée pour
la retraite est limité car un assuré, dès lors qu’il est rémunéré au moins sur
la base du Smic et travaille au moins à tiers temps, valide quatre trimestres
par an (un salaire équivalant à 150 fois le Smic horaire permet de valider
un trimestre). L’effet sur le salaire de référence dépend surtout du
séquencement de la période à temps partiel dans la carrière. Il est en général
très faible en début de carrière et beaucoup plus fort en fin de carrière.
À l’Agirc
-Arrco (le régime complémentaire des salariés du secteur
privé), l’exercice d’une activité à temps partiel, quel que soit le moment
dans la carrière, réduit le nombre de points pour la retraite et
in fine
la
pension. Au total, selon le moment où seraient intervenues dix années à mi-
temps dans la carrière
d’un salarié du secteur privé, affilié au régime
général et à l’Agirc
-Arrco, et selon
l’évolution du niveau de ses salaires
au
fil de celle-ci, la perte de retraite par rapport à un salarié à temps plein varie
fortement, de l’ordre de 2
% si les dix années se situent en début de carrière
à plus de 10 % si elles se situent en fin de carrière
449
.
447
Les dossiers de la Drees n° 9 «
Les réformes des retraites de 2010 à 2015 : une
analyse détaillée de l’impact pour les affiliés et pour les régimes
», décembre 2016.
448
Pour la pension relative, définie comme la moyenne, sur la durée de la retraite, de la
pension annuelle rapportée au salaire moyen par tête dans l’économie.
449
Selon des simulations sur cas types de personnes nées en 1955, cf. dossier du COR
du 9 juillet 2014, document n° 11 «
L’impact du temps partiel sur le montant de la
pension de retraite : simulations sur cas types de salariés des secteurs privé et public
».
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COUR DES COMPTES
288
Dans la fonction publique, le calcul de la durée validée dans le régime
est différent selon la nature du temps partiel : au
prorata
de la quotité de
travail si le temps partiel est accordé sur autorisation (sous réserve des
nécessités de service) et sur la base d’un temps plein s’il est de droit
(jusqu’aux trois ans de son enfant, pour cré
er une entreprise, etc.). Le temps
partiel de droit, spécifique à la fonction publique, n’a ainsi pas d’effet sur la
retraite, alors que le temps partiel sur autorisation diminue la pension,
d’environ 12
% pour dix années à mi-
temps au lieu d’un temps plei
n.
Dans tous les cas, pour ne pas perdre de droits à retraite, au régime
général, à l’Agirc
-Arrco et dans la fonction publique, il est possible pour
le salarié travaillant à temps partiel de surcotiser sur la base d’une
rémunération à temps plein
450
.
II -
Des mécanismes spécifiques aux effets
puissants, mais à mieux ajuster
Les droits à la retraite des femmes n’ont été améliorés que
ponctuellement
via
des mesures spécifiques. En pratique, ce sont deux grandes
catégories de mécanismes, les dispositifs de solidarité et les pensions de
réversion, qui contribuent à améliorer sensiblement la situation des femmes.
Quelques mesures spécifiques récentes
Les indemnités journalières de maternité sont désormais prises en
compte dans le calcul du salaire de référence au régime général, à hauteur de
125 % de leur montant. Moyennant le paiement de cotisations, des droits à la
retraite ont pu être constitués par les conjoints, en majorité des femmes, qui
ont participé activement et habituellement à l’entreprise sans être rémuné
rés,
à travers la reconnaissance du statut de conjoint collaborateur d’exploitants
agricoles (1999) puis de chefs d’une entreprise artisanale, commerciale ou
libérale (2005). Ces droits ont depuis été revalorisés et étendus aux retraites
complémentaires. D
epuis 2022, l’affiliation au statut de conjoint collaborateur
est limitée à cinq ans sur toute la carrière afin de privilégier des statuts plus
protecteurs, comme ceux de co-exploitant ou de salarié.
450
A
vec l’accord de l’employeur qui devra également surcotiser sur la part employeur
au régime général (article L. 351-15 du CSS)
; dans la limite d’une augmentation de la
durée totale de service de quatre trimestres dans la fonction publique (article L. 11
bis
du code des pensions civiles et militaires de retraite). 10 % des nouveaux retraités parmi
les fonctio
nnaires de l’État en 2020 avaient surcotisé au moins une fois au cours de leur
carrière. Le dispositif n’est pas suivi statistiquement au régime général.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
289
A -
Des droits directs au titre de la solidarité qui bénéficient
davantage aux femmes mais restent à mieux calibrer
Les dispositifs de solidarité du système de retraite accordent des droits,
qui s’ajoutent à ceux liés aux périodes d’emploi et qui ne sont pas la contrepartie
directe de cotisations versées par leurs bénéficiaires. Les dispositifs de réversion
analysés plus loin s’en distinguent au sens où ils peuvent être considérés comme
une contrepartie des cotisations versées par le couple.
1 -
Des dispositifs de solidarité qui représentent 30 à 40 %
des pensions de droit direct versées aux femmes
Certains dispositifs majorent la pension de droit direct (les minima
de pension
451
ou les majorations de pension pour trois enfants ou plus) ;
d
’autres augmentent la durée d’assurance
validée
(l’assurance vieillesse
des parents
au foyer ou AVPF, les majorations de durée d’assurance pour
enfant, etc.
452
). D’autres encore permettent
de partir à la retraite à taux plein
dès 62 ans, même en cas de durée validée pour la retraite insuffisante
(en
cas d’inaptitude ou d’invalidité)
, ou de partir à la retraite avant 62 ans
(les départs anticipés pour motif familial, pour carrière longue, etc.).
Ces dispositifs bénéficient globalement davantage aux femmes et
font plus que compenser pour elles les effets défavorables des règles de
calcul des p
ensions liées à l’emploi
453
.
Pour la génération 1950, alors que la durée cotisée au titre de l’emploi
était en moyenne inférieure de 22
% pour les femmes, la durée d’assurance
validée ne l’était que de 5
%. Cet écart s’est réduit au fil des générations
et
devrait
s’inverser
à l’avenir
: la durée validée par les femmes est très proche de
celle des hommes parmi les assurés du régime général partis à la retraite en
2020 (160 trimestres contre 161 pour les hommes) et serait même supérieure
de 5 % à partir de la gé
nération 1980, selon la caisse nationale d’assurance
vieillesse (Cnav).
451
Cour des comptes, «
Les minima de pension de retraite : un système complexe à la
logique devenue incertaine
», Ralfss 2020, chapitre VII, octobre 2020.
452
Cour des comptes,
« Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et
à harmoniser »
, Ralfss 2022, chapitre VII, octobre 2022.
453
Aubert P., Bachelet M., « Disparités de montant de pension et redistribution dans le
système de retraite français », déjà cité.
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COUR DES COMPTES
290
Fin 2016, selon la Drees
454
, l’ensemble des dispositifs de solidarité au sens
large représentait 29,1 % des pensions de droit direct versées aux femmes, dont
50,2 % pour celles ayant eu trois enfants ou plus et 19,1 % pour les autres, contre
18,3 % de celles versées aux hommes.
L’écart (près de 11
points) du poids de ces
dispositifs dans les pensions de droit direct des hommes et des femmes résulte
principalement des droits familiaux de retraite (écart de 10 points).
Sans les dispositifs de solidarité, la pension moyenne de droit direct
des femmes aurait été inférieure de 50 % à celle des hommes, et non de
42 % comme constaté.
Tableau n° 26 :
part des dispositifs de solidarité dans le total
des pensions de droit direct tous régimes en 2016
En % du total des pensions de droit direct
Femmes
Hommes
Droits familiaux de retraite
13,2 %
3,2 %
- Majorations de pension pour trois enfants ou plus
2,8 %
3,1 %
- Majorations de durée pour enfant
6,5 %
0,0 %
-
Trimestres d’AVPF
2,7 %
0,1 %
- Départs anticipés pour motif familial
1,2 %
0,0 %
Minima de pension
6,2 %
1,1 %
Périodes assimilées (1)
4,7 %
5,3 %
Départs anticipés pour carrière longue
1,7 %
2,6 %
Autres départs anticipés (2)
2,1 %
4,2 %
Autres majorations de durée (3)
0,4 %
1,4 %
Départs à taux plein pour invalidité ou inaptitude
0,8 %
0,5 %
Total des dispositifs de solidarité
29,1 %
18,3 %
Notes : (1) Points et trimestres au titre de périodes de chômage, de maladie, de maternité ou
d’invalidi
té ; (2) Catégories actives des fonctionnaires, départs pour handicap, pénibilité, etc. ;
(3) Au titre de services insalubres, de campagnes militaires, etc.
Source : Cour des comptes à partir des données de la Drees
454
Les dossiers de la Drees n° 49 «
Retraite : les dispositifs de solidarité représentent
22 % des pensions versées aux femmes et 12 % pour les hommes
», février 2020.
L’estimation a été réalisée sur la base de l’échantillon inter
-régimes de retraités (EIR)
de 2016, l’échantillon exploitable le plus récent qui recense les pensions de retraite
versées par les différents régimes de retraite en décembre 2016.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
291
Selon une méthode différente retenue pa
r la Cnav et n’intégrant pas
les départs anticipés parmi les dispositifs de solidarité
455
, le poids des
dispositifs de solidarité pour les femmes passerait de 40 % pour la
génération 1950 à 33 % pour la génération 2000 (respectivement 19 % et
20 % pour les hommes de ces générations) ; il diminuerait au fil des
générations du fait de la baisse de la part des minima de pension
456
.
Les corrections apportées par les dispositifs de solidarité sont plus
faibles dans les régimes complémentaires qu’au régime général
457
.
2 -
Les dispositifs de départ anticipé à la retraite moins favorables
aux femmes qu’aux hommes
Les dispositifs de départ anticipé à la retraite, à l’exception de ceux
pour motif familial
458
, bénéficient davantage aux hommes.
C’est le cas des départs anticipés
pour carrière longue qui exigent
notamment des durées cotisées élevées : parmi les retraités nés en 1950,
seulement 5 % des femmes en ont bénéficié contre 18 % des hommes. Pour
favoriser leur accès au dispositif, la loi du 20 janvier 2014 a ajouté tous les
trimestres de maternité parmi les trimestres cotisés, mais les majorations
de durée d’assurance pour enfant, qui sont attribuées même sans cessation
ou réduction de l’activité professionnelle, ne sont pas retenues.
Les différences de métiers exercés par les femmes et les hommes
ont également des effets sur les possibilités de départ anticipé à la retraite.
Les départs anticipés dans la fonction publique et les autres régimes
spéciaux de retraite liés à certaines catégories d’emploi (policiers, sapeurs
-
pompiers, militaires, conducteurs de train, etc.) bénéficient globalement
moins aux femmes, compte tenu des fonctions concernées et du fait que des
métiers concentrant beaucoup de femmes ne sont plus classés en catégorie
active (instituteurs
459
et infirmiers
460
). De même, le compte professionnel de
455
Cnav, Cadr’@ge n°
43 «
Les mécanismes de solidarité améliorent les pensions de
retraite : des effets proches entre les générations 1950 et 2000
», avril 2020.
456
Supposés être, comme actuellement,
revalorisés selon l’inflation
.
457
Cnav, «
Les écarts de pensions tous régimes entre les hommes et les femmes :
analyse sur les nouveaux retraités de droit propre du régime général de 2017
»,
décembre 2021.
Pour les nouveaux retraités de 2017 n’ayant été affiliés qu’au régime
général pour leur retraite de base,
l’écart de pension de droit direct
entre les femmes et
les hommes est de 29 % au régime général et 56 % dans les régimes complémentaires.
458
Mais dont le principal (les départs dans la fonction publique après quinze ans de
service et trois enfants) est en extinction.
459
Corps de fonctionnaire mis en extinction par le décret du 23 décembre 2003 et
progressivement remplacé par le corps de professeur des écoles.
460
Article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue
social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
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COUR DES COMPTES
292
prévention, sur lequel les salariés exposés à des facteurs de pénibilité
acquièrent des points en fonction de la durée de cette exposition
461
, bénéficie
surtout à des hommes : seulement 24 % des salariés ayant acquis au moins
un point fin 2020 étaient des femmes. Les critères de pénibilité retenus
462
renvoient, en effet, principalement à des métiers masculins : plus de 40 %
des déclarations d’exposition l’étaient dans l’industrie manufacturière, qui
représente moins de 15 %
de l’emploi salarié du secteur privé.
3 -
Des minima de pension majoritairement attribués aux femmes
Tous les régimes de base, excepté celui des professionnels libéraux,
attribuent des minima de pension, sous la forme d’un montant forfaitaire
463
, qui
augmentent
les pensions de retraités dont les revenus d’activité ont été faibles,
sous la condition, notamment, de bénéficier d’une pension à taux plein
464
.
Ces minima sont majoritairement attribués aux femmes : parmi les
retraités nés en 1950, cinq femmes sur dix en bénéficient et seulement trois
hommes sur dix, ce qui porte à 62 % la part des femmes parmi les
bénéficiaires. Les majorations de pension associées représentent des
montants substantiels : 150 euros en moyenne par mois pour les femmes
nées en 1950 et percevant un minimum dans leur régime principal, soit
28 % de leur pension de droit direct
; pour un quart d’entre elles, cette part
est supérieure à 39 %.
Les bénéficiaires du minimum de pension du régime général
(le « minimum contributif ») sont en majorité des assurés à carrière courte, qui
partent à la retraite à l’âge d’annulation de la décote (67 ans) ou à 62 ans au titre
de l’inaptitude ou de l’invalidité. La condition du taux plein pour en bénéficier
oblige ainsi beaucoup de femmes à attendre 67 ans pour partir à la retraite
465
.
461
Ces points peuvent être utilisés, entre autres, pour majorer la durée d’assurance ou
partir à la retraite à partir de 60 ans.
462
Travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, bruit,
températures extrêmes et activités exercées en milieu hyperbare.
463
652,60 euros par mois pour une carrière complète au régime général en 2022.
464
Cour des comptes, «
Les minima de pension de retraite : un système complexe à la
logique devenue incertaine
», déjà cité.
465
La majoration au minimum contributif, instaurée en 2004 et conditionnée par une durée
minimale de 120
trimestres cotisés, a bénéficié jusqu’ici davantage aux hommes. Elle vaut
60,51 euros par mois, ce qui porte le montant majoré à 713,11 euros (+ 9,3 %).
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
293
Les minima de pension à l’étranger
466
À l’exception des États
-Unis, tous les pays examinés ont mis en
place des minima de pension sous diverses formes : comme en France, une
pension propre au système de retraite, ouverte aux seuls cotisants,
proportionnelle à la durée d’assurance et portant la pension à un minimum
contributif (Belgique, Espagne, Italie) ; une pension forfaitaire, universelle,
proportionnelle à la durée de résidence dans le pays (Canada, Pays-Bas,
Suède) ou à la duré
e d’assurance (Japon et Royaume
-Uni). La pension
forfaitaire, par nature, bénéficie autant aux femmes qu’aux hommes, sauf
en Suède où, comme les pays du premier groupe, la pension minimale
bénéficie majoritairement aux femmes car elle complète la pension de base,
liée aux salaires et à la durée de la carrière, lorsque celle-ci est faible.
Afin de garantir un niveau de vie minimal aux retraités, en sus, le
cas échéant, des minima de pension, le minimum vieillesse soutient le
revenu des personnes âgées de 65 ans ou plus. Il intervient comme un filet
de sécurité, servi sans considération des activités professionnelles des
personnes, en complétant leurs ressources, sous un plafond total de
916,78 euros par mois pour une personne seule et de 1 423,31 euros pour
un couple (en 2022). Fin 2019, près de 56 % des allocataires du minimum
vieillesse étaient des femmes (88 % parmi les 90 ans et plus), dont 90 % de
femmes seules, mais, en 2016, plus d’une femme seule sur deux éligibles
au minimum vieillesse n’y a pas recou
ru, contre 44 % des hommes seuls
467
.
Les femmes sont, de fait, les premières à bénéficier des minima à
destination des personnes âgées. Ce sont aussi les premières à pâtir des
difficultés de paiement à bon droit des retraites, que la Cour
468
a relevées
plus particulièrement pour les minima de pension et le minimum vieillesse.
466
Sur le champ des pays régulièrement examinés par le COR : Allemagne, Belgique,
Canada, Espagne, États-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni.
467
Les dossiers de la Drees n° 97, «
Le non-recours au minimum vieillesse des
personnes seules »
, mai 2022.
468
Cour des comptes, «
Les minima de pension de retraite : un système complexe à la
logique devenue incertaine
», déjà cité, et «
Le minimum vieillesse et l’allocation de
rentrée scolaire : une contribution forte à la réduction de la pauvreté, des performances
de gestion contrastées
», Ralfss 2021, chapitre X, octobre 2021.
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COUR DES COMPTES
294
4 -
Des droits familiaux de retraite essentiels pour les mères,
à simplifier et à harmoniser
Les principaux droits familiaux de retraite
469
sont les majorations de
durée d’assurance (MDA) pour e
nfant, les majorations de pension pour
parents de trois enfants ou plus et l’AVPF qui donne des droits, au régime
général, au titre des enfants.
Ces droits bénéficient à environ trois retraités sur cinq, en majorité
des femmes, 90
% d’entre elles disposant
d’au moins un droit familial. La
contribution des droits familiaux au montant des pensions augmente
logiquement avec le nombre d’enfants. Elle est en moyenne de 18
% pour
les femmes nées en 1946 et en 1950, allant de 5
% pour les mères d’un seul
enfant à un peu plus de la moitié de la pension pour les mères de quatre
enfants ou plus.
En revanche, les majorations de pension pour parents de trois
enfants ou plus, contribuent à augmenter les écarts en euros de montant de
pension entre les femmes et les hommes, car les pensions des pères qui en
bénéficient sont en moyenne plus élevées que celles des mères.
Lorsque certains de ces droits, à l’exemple des MDA, étaient
réservés aux mères, ils ont été jugés discriminatoires à l’encontre des pères
par les juridictions européennes ou nationales
470
. Ils ont alors été étendus
aux pères mais avec l’intention de les orienter en priorité vers les mères,
via
des MDA au titre de la maternité et, au régime général, des MDA
attribuées par défaut à la mère au titre de l’éducation en l’absence
d’indication contraire des parents.
Au total, les droits familiaux de retraite contribuent beaucoup à
réduire les écarts de pension entre les femmes (de fait, les mères) et les
hommes, au prix d’un effort financier important
471
.
469
Cour des comptes,
« Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et
à harmoniser »
, déjà cité.
470
Principales jurisprudences : C
our de justice de l’Unio
n européenne (CJUE),
29 novembre 2001. Griesmar c/ ministère de l'économie, C-366/99 ; CJUE,
13 décembre 2001, Mouflin c/France, C-206/00 ; Cour de cassation, 2
e
chambre civile,
19 février 2009.
471
Cour des comptes, «
Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et
à harmoniser »
, déjà cité. La part des trois principaux droits familiaux (MDA, AVPF
et majorations de pension) dans la masse des pensions de droit direct passerait de 6,7 %
en 2016 à près de 10 % en 2040 (36
milliards d’euros co
nstants).
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
295
La Cour
472
a né
anmoins constaté qu’ils compensaient mal, à la
retraite, l’incidence des enfants sur la carrière des mères
: ils attribuent plus
de trimestres de retraite par rapport aux réductions d’activité (les MDA sont
accordées même en l’absence de réduction d’activi
té) et compensent peu les
pertes de salaire associées. Ces droits mériteraient en conséquence d’être, à
coûts constants, aménagés au profit de majorations de pension et simplifiés,
dans l’objectif d’une meilleure harmonisation entre les régimes de retraite
.
Les droits familiaux de retraite à l’étranger
Les droits familiaux de retraite, qui n’existent pas dans les régimes
obligatoires au Canada, aux Pays-Bas ou aux États-Unis, ont été développés
dans plusieurs pays européens depuis les années 1990 pour atténuer les
effets des réformes pour les mères susceptibles d’être
particulièrement
affectées en raison de carrières plus souvent incomplètes. En Allemagne,
Espagne, Italie, Royaume-
Uni et Suède, ils sont moins nombreux qu’en
France et majoritairement accessi
bles sans condition d’interruption
d’activité. Souvent attribués au titre d’un congé
pour
maternité ou d’un
congé parental, ils bénéficient majoritairement aux mères mais, dans
certains cas, le bénéficiaire de ces droits est au choix du couple.
En Espagne, comme en France, les compléments de pension liés aux
enfants et réservés aux mères ayant au moins deux enfants ont été jugés
« discriminatoire » par la CJUE en 2019
473
. Afin de contourner cette
difficulté, depuis 2021, le nouveau dispositif accorde le complément à partir
du premier enfant sous la forme d’une majoration forfaitaire par enfant. Il
est attribué à l’un des deux conjoints, mais il est versé à la mère sauf si le
père justifie d’une interruption de carrière ou d'une perte de salaire après la
naissa
nce de l’enfant et si sa pension est plus faible.
Le dispositif s’inscrit
dans un objectif d’égalité entre les femmes et les hommes puisqu’il est
prévu qu’il s’applique jusqu’à ce que l’écart entre la pension moyenne des
femmes et celle des hommes soit inférieur à 5 %.
B -
Des dispositifs de réversion qui réduisent les écarts
de pension, mais restent inéquitables
Les pensions de réversion consiste
nt à reverser au conjoint ou à l’ex
-
conjoint survivant une partie de la pension de la personne décédée. Elles
s’ajoutent aux droits directs liés à l’emploi et aux dispositifs de solidarité.
472
Cour des comptes, «
Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et
à harmoniser »
, déjà cité.
473
CJUE, 12 décembre 2019,
WA c/ Instituto Nacional de la Seguridad Social
, C-450/18.
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COUR DES COMPTES
296
1 -
Des écarts de pension totale atténués par les pensions de
réversion attribuées majoritairement à des femmes
Compte tenu des écarts d’espérance de vie et d’âge au sein des
couples, près de 90 % des bénéficiaires des pensions de réversion sont des
femmes. En 2020, les pensions de réversion réduisent l’écart de pension
moyenne entre les femmes et les hommes parmi les personnes percevant une
pension de droit direct ; cet écart passe de 40 % pour les seuls droits directs
à 28 % après prise en compte des réversions, qui bénéficient à 3,3 millions
de femmes percevant une pension de droit direct et résidant en France.
Graphique n° 29 :
montant mensuel moyen de la pension des femmes
et des hommes percevant une pension de droit direct en 2020
Champ : Retraités résidant en France.
Source : Drees
En outre, plus d’un million de personnes, dont environ
574 000 résidant en France, à 95 % des femmes, bénéficient en 2020 de
pensions de réversion sans percevoir de pensions de droit direct, soit parce
qu’elles n’ont pas encore atteint l’âge d’ouverture des droits à la retraite,
soit parce qu’elles n’ont pas cotisé au système de retraite.
La part de la pension de réversion dans la pension totale des femmes
se réduit (de 23 % en 2004 à 18 % en 2020), en relation principalement
avec la hausse des pensions acquises grâce à leur activité professionnelle,
et la réduction de l’écart de pension totale entre les femmes et les hommes
au cours du temps résulte principalement des pensions de droit direct.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
297
Graphique n° 30 :
évolution des écarts de pension entre les femmes
et les hommes entre 2004 et 2020 (en %)
Champ : Retraités résidant en France ayant perçu une pension de droit direct.
Source : Drees
En projection
474
, cet écart de pension totale continuerait de se
réduire (17 % en 2040) mais ne devrait pas disparaître, dès lors que
subsistent des écarts de salaire et donc des écarts de pension de droit direct.
Dans les pays européens examinés (Allemagne, Espagne, Italie,
Pays-Bas, Danemark, Portugal et Suède), les femmes perçoivent également
des pensions totales plus faibles que les hommes. L’écart avec les hommes
est intermédiaire en France (30
% en 2019 selon Eurostat), il n’est que de
7 % au Danemark, qui verse notamment des pensions forfaitaires ; il est
plus élevé en Allemagne (36 %) et aux Pays-Bas (40 %).
474
COR, rapport annuel, septembre 2022. Données calées sur celles de la Drees en 2020.
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COUR DES COMPTES
298
Un niveau de vie à la retraite lié à la situation conjugale
475
En 2019, le niveau de vie moyen des femmes retraitées
n’était
inférieur que de 5,2 % à celui des hommes retraités. Ce faible écart résulte
du fait que le niveau de vie est supposé identique pour tous les membres
d’un même ménage et donc pour les deux conjoints d’un couple.
Les écarts
de niveau de vie à la retraite entre les femmes et les hommes proviennent
essentiellement des personnes seules, dans une moindre mesure des couples
dont l’un est retraité et l’autre pas.
Les veuves, qui représentent plus de 40 % des retraités vivant seuls,
ont, par rapport aux retraités en couple, un niveau de vie moyen inférieur de
19 % et un taux de pauvreté
476
supérieur de 7,2 points (12,3 % contre 5,1 %).
Elles appartiennent à des générations anciennes dont les revenus sont plus
faibles et au sein desquelles les femmes de cadres sont sous-représentées car
les cadres ont une espérance de vie plus élevée que les ouvriers.
Les femmes divorcées seules à la retraite ont un niveau de vie moyen
encore plus faible, inférieur de 25 % à celui des retraités vivant en couple,
et
plus d’
une sur cinq est pauvre. Comme elles ne perçoivent pas, ou peu,
de pensions de rév
ersion, on s’attendrait à ce qu’elles aient un niveau de vie
encore plus faible, de même pour les femmes retraitées célibataires dont le
niveau de vie moyen est pourtant proche de celui des veuves.
La raison est que les femmes divorcées ou célibataires actuellement
à la retraite ont des pensions de droit direct plus élevées que les autres
femmes de leur génération car la montée du divorce et du célibat s’est
d’abord
observée parmi les femmes les plus diplômées.
À l’avenir,
cette
différence devrait s’atténu
er car, parmi les générations nées après les années
1960, les femmes les plus diplômées vivent au contraire plus souvent en
couple que les femmes les moins diplômées
477
. En outre, la part des femmes
divorcées ou célibataires à la retraite devrait augmenter
478
, ce qui devrait
conduire à une hausse de la part des retraitées à faible niveau de vie.
475
COR, rapport annuel, septembre 2022. Le niveau de vie rapporte tous les revenus
du ménage, y compris prestations sociales et après impôt, à sa taille exprimée en unités
de consommation (cf. infra).
476
Seuil de pauvreté égal à 60 %
du niveau de vie médian de l’ensemble de la population, soit
1 102 euros par mois en 2019.
477
Insee Première n° 1281, «
Vivre en couple, la proportion de jeunes en couple se stabilise
»,
février 2010.
478
«
Retraites : droits familiaux et conjugaux
», sixième rapport du COR, décembre 2008.
Sur dix femmes, pour celles nées en 1930, une est restée célibataire, une a divorcé et les
huit autres se sont mariées sans jamais divorcer ; pour celles nées en 1950, parties
récemment à la retraite, une sera restée célibataire, trois auront divorcé (dont une se sera
remariée à la retraite) et les six autres se seront mariées sans jamais divorcer ; pour celles
nées en 1970, trois resteraient célibataires, trois se marieraient puis divorceraient (dont
une serait remariée à la retraite) et quatre se marieraient sans jamais divorcer.
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
299
2 -
Des
pensions de réversion dont les différences d’attribution
doivent être corrigées
Les conditions d’attribution (âge, ressources, durée de mariage) et
le montant de la pension de réversion diffèrent selon les régimes, mais tous
réservent la réversion aux personnes qui sont ou ont été mariées.
Comme le soulignait la Cour en 2015
479
, les grandes différences de
règles selon les régimes créent de nombreuses et profondes disparités, et
des situations d’une grande complexité. Elles soulèvent la question de
l’objectif poursuivi
: soit la pension de réversion, attribuée le plus souvent
à la femme, a pour objet de prolonger au-delà du décès le partage au sein
du couple du fruit du travail rémunéré du conjoint décédé, lequel a souvent
été facilité par le travail domestique assuré par le conjoint survivant ; soit
elle a pour objet de maintenir le niveau de vie du conjoint survivant par
rapport à celui avant le décès de son conjoint
L’
objectif de maintien du niveau de vie du survivant est atteint par les
dispositifs de réversion, mais seulement en moyenne. En effet, ces
dispositifs
480
ne suffisent pas à préserver le niveau de vie de certaines
catégories de femmes, en particulier celles dont les pensions sont les plus
faibles
481
. À l’inverse, la proportion de femmes dont le niveau de vie
s’améliore après le décès du conjoint, s’élèverait du fait de l’augmentation des
pensions de droit direct des femmes ; selon des simulations
482
, elle atteindrait
environ 50 % pour celles nées au cours des années 1960, contre 36 % pour
celles nées entre 1950 et 1954. Les dispositifs de réversion, dont la part dans
la masse des pensions (près de 11 % en 2021) diminuerait mais resterait
importante en 2040
483
, mériter
aient d’être mieux ciblés. En excluant tout
bouleversement, comme le recommandait la Cour en 2015, compte tenu du
rôle toujours majeur de ces dispositifs dans le rapprochement des niveaux de
pensions entre les femmes et les hommes, il conviendrait d’en pré
server le
caractère juste et équitable, en évitant les situations paradoxales décrites dans
l’encadré ci
-après.
479
Cour des comptes : «
Les pensions de réversion : un rôle toujours majeur, une
modernisation souhaitable
», Ralfss 2015, chapitre XI, septembre 2015.
480
Compte tenu de leurs barèmes et du calcul du niveau de vie.
481
Cnav, Retraite et société n° 83, « Évolutions des pensions de réversion : une première
approche des effets redistributifs ».
482
Insee, «
L’effet du veuvage et de la réversion sur le niveau de vie
: simulations en
projection »
, octobre 2014.
483
Environ 9 % selon «
Les pensions de réversion à l’horizon 2070
», document n° 8, dossier
du COR du 31 janvier 2019.
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COUR DES COMPTES
300
L
’appréciation du niveau de vie du conjoint survivant
L’approche statistique du niveau de vie d’un ménage repose sur la
notion d’
« unités de consommation » (UC) qui permet de tenir compte des
effets d’échelle liés aux charges fixes (logement, électricité, véhicule, etc.).
Selon la convention retenue par l’Insee à partir d’estimations globales, on
considère ainsi qu’une personne vivant seule repré
sente une unité, et deux
personnes représentent 1,5 unités, et non pas 2. Le niveau de vie est calculé
en rapportant les revenus du ménage au nombre d’unités de consommation.
La variation du niveau de vie du conjoint survivant après un veuvage
dépend en particulier du niveau de ses droits propres et du taux de réversion.
Dans cette approche, une personne n’ayant pas de pension de retraite
personnelle, et ne percevant plus que la moitié de la retraite de son conjoint
décédé au titre de la réversion, voit son niveau de vie diminuer
484
. En
revanche, si les deux conjoints percevaient des pensions de niveau égal, la
baisse de revenu (en valeur absolue) consécutive au veuvage peut
–
paradoxalement
–
se traduire par une augmentation du niveau de vie mesuré
par unité de consommation
485
.
Cependant, l’appréciation des effets du veuvage sur le niveau de vie
nécessiterait, pour être complète et juste, de connaître les autres revenus du
conjoint survivant ainsi que son patrimoine, financier et immobilier.
En outre, le principe actuel de la proratisation de la pension de réversion
en présence de plusieurs conjoints, qui est une situation de plus en plus
fréquente avec le nombre croissant des divorcés,
pose des questions d’équité
:
les divorcés dont l’ex
-
conjoint s’est remarié
ne bénéficieront que d’une part de
la réversion, alors que
ceux dont l’ex
-
conjoint ne s’est pas remarié en
percevront l’intégralité dans la plupart des régimes.
Le partage de la réversion : des règles aux conséquences aberrantes
La situation examinée est celle
d’un conjoint survivant marié avec
l’assuré
, pendant seulement la première année de la carrière de celui-ci, qui
a duré 40 ans.
Au régime général, si l’assuré décédé ne s’est jamais remarié, l’ex
-
conjoint perçoit
l’intégralité de la pension de réver
sion
mais, s’il s’est
remarié peu de temps après son divorce (sans nouvelle séparation par la
suite), l’ex
-conjoint touche seulement 1/40, soit 2,5 %, de cette pension.
484
En couple, son niveau de vie était égal à la pension de son mari, par exemple 1 500
€,
divisée par 1,5, soit 1 000
€ p
ar UC. Une fois veuve, il est égal à la pension de réversion,
soit la moitié de la pension du mari, ce qui correspond à 750
€ par UC.
485
Si chaque conjoint a une pension de 1 500
€, le niveau de vie du couple était de
2 000
€ par UC (3
000
€ divisés par 1,5
) ; celui de la veuve passe à 2 250
€ par UC
(1 500
€ de pension de droit direct et 750
€ de pension de réversion).
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LA RETRAITE DES FEMMES ET DES HOMMES :
UNE RÉDUCTION DES ÉCARTS À POURSUIVRE
301
À l’A
girc-Arrco, si cet
assuré ne s’est jamais remarié, l’ex
-conjoint
n’a droit qu’à
2,5 % de la pension de réversion car le divorce entraîne alors
une proratisation en fonction des durées de
mariage et d’assurance.
Si
l’assuré
décédé s’était remarié six mois avant son décès
,
l’ex
-conjoint aurait
bénéficié de 1/1,5, soit 66 %, de la pension de réversion (proratisation cette
fois uniquement en fonction de la durée totale des mariages).
Certains pays ont adopté un système de partage des droits à la
retraite entre conjoints, qui consiste à attribuer à chaque conjoint la moitié
de la totalité des droits acquis par le couple pendant la période de vie
maritale. Ce partage des droits instaure une stricte égalité de traitement des
deux conjoints, quelle que soit la façon dont ont été réparties les tâches
domestiques. Or,
s’il est facile à mettre en œu
vre dans un régime à points,
comme le régime de base allemand, son application dans les régimes en
annuités français pose de grandes difficultés.
Les pensions de réversion
à l’étranger
Dans tous les pays examinés par le COR, existent des dispositifs de
réversion associés aux régimes de base, sauf au Royaume-Uni et en Suède
où ils ont été supprimés ; aux Pays-Bas, ils ont presque disparu en raison de
conditions d’éligibilité très restrictives depuis 1996
. Toutefois, dans ces
trois pays, les régimes complémentaires professionnels, très développés,
prévoient des possibilités de réversion.
Les conditions d’accès au
x
dispositifs de réversion dépendent de
l’âge,
du statut marital (divorce ou
remariage) et des ressources du conjoint survivant.
Dans tous les pays examinés, plus de 80 % des bénéficiaires de
pension de réversion sont des femmes, en raison de leur plus longue
espérance de vie. Leur nombre tend à diminuer en proportion de la
diminution des mariages et de la hausse des divorces. Ces évolutions ont
condui
t à l’ouverture de la réversion aux couples non mariés (Allemagne,
Canada, Espagne, Italie, Japon, Pays-
Bas) et à l’introduction d’un partage
des droits en cas de divorce (Allemagne, Canada, Royaume-Uni), voire en
substitution à la réversion (Allemagne).
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COUR DES COMPTES
302
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Le système de retraite n’a pas vocation à compenser tous les écarts
constatés en période d’emploi
486
. La réduction des écarts de pension entre
les femmes et les hommes passe d’abord par des actions sur le marché du
travail. La
lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes mérite
d’être amplifiée. Les mesures visant à mieux concilier la vie familiale et la
vie professionnelle doivent continuer à être développées
pour limiter l’effet
de l’éducation des jeunes enfants su
r la carrière des parents, en particulier
celles améliorant l’accueil des jeunes enfants.
Les écarts de pension sont atténués grâce principalement aux droits
à retraite liés aux enfants et aux dispositifs de réversion, qui bénéficient
davantage aux femmes et représentent près de 60
Md€ de prestations, soit
près d’un cinquième du total des pensions de retraite.
Ces correctifs
apportés par le système de retraite visent à réduire les écarts de droits liés
à l’éducation des enfants et à la vie en couple. Leur
maintien est discuté au
motif qu’il entretiendrait les écarts de situation préalables à la retraite
; la
Cour estime, cependant, que ces droits doivent mieux compenser les
interruptions de carrière et des moindres salaires des femmes et des
hommes liés à l
’éducation des jeunes enfants et au partage des tâches
domestiques, tout en préservant la soutenabilité financière du système, ce
qui nécessite des réformes, sans coûts supplémentaires.
La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
portant réforme des retraites n’ayant pas apporté de modifications
substantielles aux droits familiaux de retraite
487
, la Cour exprime à
nouveau l’
orientation suivant
e afin qu’elle soit prise en compte dans le
cadre des évolutions futures du système de retraite :
-
compenser à coût constant et de manière plus ajustée (i.e. moins
en attribution de trimestres, plus en majoration de pension)
l’incidence
sur les droits à retraite des pertes de trimestres et de
salaire liées aux interruptions de carrière pour
l’éduc
ation des
jeunes enfants, notamment pour les pensions les plus faibles, tout
en préservant des droits spécifiques à partir de trois enfants.
486
Selon l’exposé des motifs de la loi du 20 janvier 2014, «
Le système de retraite n’a
pas vocation à corriger toutes les inégalités.
A minima
, il doit éviter de les amplifier
».
487
Sous réserve de l’attribution d’une surcote aux assurés titulaires d’au moins un
trimestre de majoration de durée d’assurance et disposant, un an avant l’âge légal de
départ à la retraite, soit à 63 ans, du nombre de trimestres requis pour une pension à
taux plein.
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