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Chapitre VII
La lutte contre les fraudes
aux prestations sociales : une action
plus dynamique à renforcer encore
Sécurité sociale 2023 – mai 2023
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COUR DES COMPTES
220
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Les prestations servies par les caisses de sécurité sociale ne sont
pas toujours conformes, dans leur attribution comme dans leur montant,
aux règles de droit applicables. Des écarts avec ces règles peuvent, en
effet, provenir d’erreurs internes aux caisses
ou d’erreurs dans les
informations que leur transmettent les bénéficiaires des prestations. Les
erreurs intentionnelles sont des fraudes, souvent difficiles à démontrer
324
.
De nombreux mécanismes de fraudes aux prestations de sécurité
sociale existent. Mais
, l’essentiel des montants fraudés est imputable,
au
détriment de l’assurance maladie,
aux facturations des professionnels et
des établissements de santé et,
au détriment des caisses d’allocations
familiales (Caf), aux données déclarées
d’activité professi
onnelle, de
ressources et de la composition des foyers allocataires des prestations.
En 2020, à la demande de la commission des affaires sociales du
Sénat
325
, la Cour a examiné les actions visant à lutter contre les fraudes
menées par les organismes sociaux (caisses des régimes général et agricole
de sécurité sociale, Pôle emploi et organismes de gestion des retraites
complémentaires des salariés) et leurs autorités de tutelle. La Cour a alors
souligné la lenteur des progrès intervenus et formulé 15 recommandations afin
de changer l’échelle de ces actions. Également en septembre 2020, une
commission
d’enquête
de
l’Assemblée
nationale
326
a
émis
55 recommandations concernant la sécurité sociale. Compte tenu des enjeux
civiques et financiers liés aux fraudes aux prestations, la Cour a souhaité
examiner rapidement les suites données à ses recommandations, notamment
par les dernières lois de financement de la sécurité sociale, et porter une
appréciation actualisée sur les actions visant à lutter contre les fraudes.
Depuis 2020, la lutte contre les fraudes aux prestations a été
relancée (I). Malgré les progrès intervenus, à confirmer, le nécessaire
changement d’échelle des actions visant à mieux prévenir détecter et
sanctionner les fraudes reste en grande partie à réaliser (II).
324
À l’inverse, les personnes qui remplissent les conditions pour bénéficier de
prestations n’en demandent pas systématiquement l’attribution. Ce non
-recours est
difficile à évaluer et son intensité varie selon les prestations.
325
Cour des comptes,
La lutte contre les fraudes aux prestations : des progrès trop
lents, un changement d’échelle indispensable
, communication à la commission des
affaires sociales du Sénat, 8 septembre 2020.
326
Rapport n° 2485 de M. Pascal Brindeau, fait
au nom de la commission d’enquête
relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, présidée par
M. Patrick Hetzel, septembre 2020.
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
221
Les fraudes aux prestations : principales données disponibles
Montants estimés des préjudices subis du fait de fraudes ou de fautes
327
:
-
pour les prestations légales versées par les CAF, entre 2,5 et 3,2
Md€
de
fraudes en 2020 ;
-
pour
l’assurance maladie
, entre 1,1 et 1,3
Md€
de fraudes et de fautes pour
six prestations versées ou droits attribués en 2018 ou en 2019 qui ne
représentent que 27 % du total du montant des prestations légales versées
par l’ass
urance maladie (soins infirmiers et de masso-kinésithérapie, actes
des médecins généralistes, produits de santé délivrés par les pharmacies
d’office,
transports de patients et complémentaire santé solidaire) ;
-
pour les caisses de retraite en 2020, entre 0,1 et 0,4
Md€
de fautes au titre
des prestations versées.
Nombre de sanctions administratives : 48 893 en 2022.
Montant des pénalités financières : 39
M€
en 2022.
327
Une fraude est un acte intentionnel entraînant un préjudice pour l’organisme ayant
versé les prestations.
Une faute occasionne aussi un préjudice, mais l’intentionnalité
n’est pas démontrée. Les CAF ne font pas application de cette dernière notion.
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I -
Une relance de la lutte contre les fraudes
aux prestations sociales à confirmer
Les rapports de l’A
ssemblée nationale et de la Cour publiés en 2020 ont
contribué à donner une nouvelle impulsion à la lutte contre les fraudes aux
prestations, qui se manifeste par de nombreuses mesures législatives, des
réorganisations administratives et l’établissement d’
estimations de la fraude.
A -
Des mesures législatives nombreuses, qui restent
cependant pour l’essentiel à appliquer
1 -
De nouveaux pouvoirs de contrôle pour les organismes sociaux
Le législateur a amélioré les conditions de réalisation des contrôles
des organismes de protection sociale.
Ainsi, la loi de financement de la
sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a accordé aux caisses d’assurance maladie
la possibilité de déroger au délai de droit commun
328
pour le règlement des
factures en tiers payant afin de pouvoir effectuer des contrôles dans le cas de
professionnels ayant été sanctionnés ou condamnés pour fraude au cours des
deux dernières années
; le décret d’application n’a cependant pas été pris. Par
la suite, la LFSS pour 2023 a restreint l’application de cette me
sure aux
préjudices les plus graves (dont le montant dépasse huit plafonds mensuels
de la sécurité sociale, soit 29 328
€ en 2023).
Depuis 2008, les organismes de sécurité sociale sont dotés des mêmes
prérogatives que l’administration fiscale, ce qui leur permet d’obtenir de
tiers
329
la communication de documents. Le champ de cette prérogative a été
étendu à Pôle emploi par la loi de finances pour 2021 et ses modalités
d’exercice ont été améliorées par la LFSS pour 2022, qui a donné la
possibilité aux organis
mes sociaux d’exiger une transmission dématérialisée
des informations demandées. Par ailleurs,
à l’instar de l’administration
fiscale depuis la loi de finances pour 2022, la LFSS pour 2023 permet aux
greffiers des tribunaux de commerce de transmettre aux organismes sociaux
les informations recueillies dans l’exercice de leurs missions laissant
présumer des fraudes en matière de prélèvements ou de prestations, afin de
faciliter l’identification précoce de sociétés éphémères frauduleuses.
328
En application de dispositions réglementaires, sept jours ouvrés au plus, au-delà
desquels les caisses d’assura
nce maladie doivent verser une pénalité.
329
L
e droit de communication permet d’obtenir, auprès d’
administrations ou
d’entreprises comme les
banques,
les fournisseurs d’énergie
et les opérateurs de
téléphonie, sans que s’y oppose le secret professionnel, not
amment bancaire, les
informations nécessaires au contrôle de
l’authenticité des documents fournis et
de
l’exactitude des déclarations faites en vue de l’attribution de
droits ou de prestations.
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UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
223
La LFSS pour 2023 a enfin conféré
à certains agents des organismes
de protection sociale des prérogatives d’officiers de police judiciaire leur
permettant de rechercher et de constater des infractions pénales
330
. À cette
fin, ils pourront procéder, sur convocation ou sur place, à des auditions
libres des personnes suspectées ou susceptibles
d’apporter des éléments
utiles à leurs investigations et de constater les infractions par des procès-
verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire et transmis directement au
procureur de la République. En outre, ils pourront participer sous
pseudonyme à des échanges électroniques (cyber-enquêtes), y compris
avec les auteurs
suspectés d’
infractions, sans être pénalement responsables
(à condition toutefois de ne pas inciter à en commettre).
Certaines décisions du législateur tardent, cependant, à être mises en
œuvre. Ainsi, la loi du 23
octobre 2018 a autorisé les organismes de
sécurité sociale à consulter les bases nationales Ficovie, BNDP (données
patrimoniales) et Patrim (ventes immobilières)
de l’administration fiscale.
Or,
les délais d’établissement des liaisons informatiques et des conventions
entre les organismes et l’administration fiscale (signées uniquement
début
2022) et d’habilitation de certains agents des organismes font que les
possibilités de consultation ouvertes par la loi du 23 octobre 2018
commencent à peine à être exploitées.
2 -
Sécuriser l’immatriculation des bénéficiaires de prestations
Les personnes de nationalité étrangère
nées à l’étranger
sont
immatriculées à la sécurité s
ociale après examen d’un titre d’identité ou de
séjour en France et de documents étrangers
d’état civil
, parfois peu
probants à défaut d’une normalisation suffisante
.
Afin de sécuriser l’immatriculation, la LFSS pour 2021 a généralisé
l’attribution d’un numéro d’identification d’attente (NIA) commun à
l’ensemble des organismes de sécurité sociale. Après les CAF, qui
utilisaient déjà le NIA depuis 2017, l’assurance maladie et de la MSA y ont
recours depuis novembre 2021. En revanche, l’assurance vieillesse n
e
l’utilise pas pour les attributions de pensions de réversion à des personnes
veuves non immatriculées à la sécurité sociale française.
Selon le décret d’application
331
, si
le titulaire d’un NIA n
e fournit
pas dans les six mois
les éléments d’état
-civil permettant de certifier son
identité ou si
l’examen de ces pièces révèle l’existence d’
une fraude, une
procédure est engagée pouvant conduire à la suspension, voire à la
fermeture des droits ouverts dans
l’ensemble de
s organismes utilisant le
NIA. Les prestations versées pendant la période litigieuse devront alors
faire
l’objet d’une récupération d’indus.
Le décret doit produire de
premiers effets à compter de janvier 2023.
330
Escroquerie et tentative d’escroquerie, faux et usage de faux, fourniture d’une
fausse
déclaration ou d’une déclaration
incomplète, établissement d’un certificat inexact
.
331
Décret
n° 2022-292 du 1
er
mars 2022.
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224
Par ailleurs, les données de l’application de gestion des dossiers des
ressortissants é
trangers en France (Agdref) du ministère de l’intérieur
consultables par les organismes sociaux ont été enrichies (situation familiale,
existence d’une demande de renouvellement de titre de séjour et adresse de
résidence). En 2023, les organismes de protection sociale auront accès aux
pièces justificatives soumises à l’appui des demandes de titre de séjour.
Pour réduire la fraude documentaire, les organismes de protection
sociale doivent pouvoir accéder directement aux données d’état
-civil à
travers la plateforme Comedec (communication électronique des données
d’état
-civil) reliée aux mairies, au service central d'état civil (Français nés
à l’étranger) et aux préfectures (personnes de nationalité étrangère titulaires
d’un titre de séjour).
Ce chantier est en
cours sous l’égide de la
mission
interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf, voir B
2 -
infra
).
3 -
La vérification de l’existence des retraités résidant à l’étranger
En 2021, la branche vieillesse du régime général a versé 3,8
Md€
de
pensions de retraite de droit propre et de droit dérivé, soit 3 % du montant
total de ses prestations, à 1,1 million de retraités résidant à
l’
étranger.
À la différence de celui des pensionnés résidant en France, les
caisses de retraite ne sont pas informées du décès des pensionnés résidant
à l’étranger. De ce fait, les pensionnés résidant à l’étranger doivent adresser
une fois par an un certificat d’existence, tamponné par les autorités civiles
locales. Depuis 2019, ce certificat est commun à l’ens
emble des régimes
de retraite. Cette modalité de contrôle peut néanmoins être contournée, si
l’autorité locale n’exige pas la présentation physique de l’assuré et n’a pas
connaissance d’un éventuel décès
, si elle cède à une tentative de fraude ou
bien si son cachet est falsifié.
Une nouvelle modalité de contrôle à étendre
Comme elle s’y était engagée, la Cnav a expérimenté
début 2021 la
convocation d’assurés
très âgés (80 ans et plus) résidant en Algérie au
guichet de la banque qui verse les prestations. 472 assurés, sélectionnés en
fonction de certains critères, ont ainsi été convoqués. 39 assurés, ayant 89
ans en moyenne, n’ont pas répondu à la convocation
; leurs paiements ont
été suspendus. Compte tenu de l’étroitesse de l’échantillon, ces résultats ne
peuvent être extrapolés à la population des personnes âgées de 80 ans et
plus. Ils font néanmoins apparaître l’intérêt d’une extension de cette
nouvelle modalité de contrôle à un nombre accru de dossiers.
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Afin de mieux appréhender des décès non déclarés, l’
assurance
vieillesse déploie des échanges informatisés d’information avec les
organismes de protection sociale d’un nombre croissant de pays (Allemagne,
Belgique, Luxembourg, Suisse, Italie et Espagne depuis septembre 2021).
Pour d’autres pays, des projets
doivent aboutir d’ici la fin du premier
semestre 2023 (Portugal) ou sont prévus (Pays-Bas, Canada et Israël). À ce
jour, les échanges programmés ne couvrent pas ou que partiellement
plusieurs pays de destination de montants importants de pension (Algérie,
Maroc, Tunisie).
La LFSS pour 2021 a prévu que la preuve de l'existence puisse être
apportée
par l’u
sage de données biométriques. Au premier trimestre 2021,
le GIP Union Retraite a effectué des tests auprès de retraités volontaires.
Le décret d’applicatio
n est en cours d
’élaboration. Sous réserve de l’accord
du retraité, ce dispositif, de reconnaissance faciale, permettra de comparer
à distance la photographie
du pensionné venant d’être prise avec celle
figurant sur sa pièce d’identité
.
4 -
Les détournements de cartes Vitale
Les cartes Vitale peuvent servir à frauder à l’assurance maladie selon
les procédés suivants : la facturation de soins fictifs en tiers payant par un
professionnel de santé, au titre d’un assuré ou de ses enfants
; l’utilisation de
la carte
par un assuré ou une personne autre que l’assuré ne remplissant pas
ou plus les conditions d’une prise en charge par l’assurance maladie
332
.
L
’existence de
plusieurs cartes Vitale
au nom d’un même assuré
peut faciliter ces détournements. Selon la direction de la sécurité sociale et
la Cnam, il n’existe
plus de cartes Vitale en surnombre
333
pour les assurés
du régime général de sécurité sociale depuis 2018 et, dans les autres
régimes, le nombre de cartes surnuméraires est désormais marginal (moins
de 1 000 fin septembre 2022, concentrées dans les régimes des Mines, de
l’Assemblée nationale et du Sénat, contre 2,4
millions fin 2018). Malgré sa
demande, la Cour n’a cependant pas été destinataire des données par âge
des porteurs de cartes Vitale en cours de validi
té, tous régimes d’assurance
maladie confondus, qui permettraient d’apprécier la cohérence des
nombres de cartes en cours de validité par rapport à la décomposition par
âge de la population française estimée par l’Insee.
332
Activité professionnelle actuelle ou passée déclarée ou, à défaut, une résidence
régulière et stable en France.
333
Il s’agit d’assurés qui ont reçu une carte de plusieurs régimes successifs ou bien pour
lesquels les caisses d’assurance maladie disposent d’une information attestant qu’ils
n’en remplissent plus les conditions (décès ou départ de France).
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226
L’utilisation de la carte Vitale es
t subordonnée à la validité des
droits de l’assuré. En pratique, si l’assurance maladie a fermé les droits,
une tentative d’utilisation dans une pharmacie entraîne l’invalidation de la
carte. En revanche, la carte peut toujours être utilisée auprès d’un au
tre
professionnel de santé, si ce dernier ne vérifie pas les droits de l’assuré sur
le service
ADR
de l’assurance maladie
334
. L’enjeu financier correspondant
est limité
: en 2022, l’assurance maladie a
réglé 6,6
M€ de frais de santé au
titre de cartes en fin de vie, pour lesquelles les droits avaient été fermés, ce
qui représente moins de 0,01 % de ses règlements.
Depuis 2017, la Cnam et le GIE-Sesam Vitale préparent la mise en
place d’une application ca
rte Vitale (ApCV), téléchargeable depuis un
smartphone ou une tablette. À la suite d’une expérimentation engagée en
2019 et qui sera étendue en 2023 de deux à six départements, la Cnam
prévoit de généraliser ApCV en 2024
335
. Contrairement à la carte physique,
APcV synchronise la situation de l’assuré prise en compte par le
professionnel de santé avec celle de l’assurance maladie. Un assuré n’ayant
plus de droits à l’assurance maladie ne pourra donc pas l’utiliser. En outre,
les exonérations de ticket modérateur seront conformes à celles dont
bénéficie effectivement l’assuré à la date de la réalisation des soins. Le
dispositif ApCV actuel ne remédie pas au risque de l’utilisation par un tiers
non autorisé du smartphone ou de la tablette d’un assuré.
La création
d’une carte Vitale biométrique
: un intérêt débattu
La loi de finances rectificative du 16 août 2022 a créé un nouveau
programme 378 « carte Vitale biométrique », doté de 20 M
€, au budget du
ministère de la santé. En 2022, 4,3
M€ ont été versés au GIE
Sesam-Vitale
en vue de financer des développements informatiques et le déploiement
d’APcV. La loi de finances pour 2023 n’a pas reconduit le programme et le
solde des crédits de 2
022 n’a pas été reporté.
Selon
ses
promoteurs,
la
carte
biométrique,
physique
ou
dématérialisée, doit empêcher toute personne tierce de bénéficier d’une prise
en charge par l’assurance maladie. En effet, contrairement à la carte physique
actuelle ou à ApCV, la carte biométrique ne permettrait la prise en charge des
frais de santé par l’assurance maladie qu’après vérification par le logiciel du
professionnel de santé de la coïncidence des éléments biométriques de
l’assuré (visage ou empreintes digitales) ave
c ceux intégrés à la carte.
334
Ce service permet à un professionnel de santé,
via
son logiciel de facturation,
d’obtenir les informations relatives aux droits d’un bénéficiaire de soins.
335
Fin 2022, 114 professionnels de santé étaient équipés d’un procédé de lecture de la
carte APcV, 6 430 assurés avaient activé ApCV et 157 feuilles de soins avaient été
facturées à l’assurance maladie sous ce format.
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227
Outre le fait que la carte ApCV comporte des éléments
biométriques
336
, la Cnam estime qu
’une
carte biométrique aurait un coût
disproportionné au regard des risques de fraude.
Selon elle, cela impliquerait
d’
équiper les 400 000 professionnels de
santé en lecteurs, remplacer les 58 millions de cartes en cours de validité et
déployer des modalités lourdes de récupération et de mise à jour périodique
des données biométriques.
La mise en place d’une version biométrique de
la carte Vital
e soulève aussi des questions d’acceptabilité par les assurés et
les professionnels, de proportionnalité des moyens déployés au regard des
objectifs poursuivis et de respect des droits et libertés fondamentaux. Une
mission sur la carte biométrique a été confiée aux inspections générales des
finances et des affaires sociales.
B -
Des réorganisations administratives qui produisent
de premiers résultats
1 -
Une action ministérielle mieux structurée
En décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé, le
minis
tre du travail, de l’emploi et de l’insertion et le ministre délégué
chargé des comptes publics ont confié au directeur de la sécurité sociale
une feuille de route fixant cinq orientations à la lutte contre la fraude
sociale :
l’établissement
d’éléments
de
cartographie
des
fraudes
comprenant une estimation biennale de son montant ; la lutte contre les
fraudes aux prestations commises par les assurés (immatriculation,
résidence, ressources et simplification et partage des données) ; la lutte
contre les fraudes des professionnels de santé en ville et des
établissements ; la lutte contre les fraudes aux prélèvements sociaux ; le
recouvrement des indus frauduleux.
La direction de la sécurité sociale (DSS) et les organismes nationaux
du régime général ont pris en compte, à des degrés divers,
l’ensemble des
enjeux soulignés par l’Assemblée nationale
et par la Cour.
336
Pour activer sa carte dématérialisée « ApCV » à partir de son terminal mobile avant
la première utilisation,
l’assuré photographie avec ce de
rnier son visage et son
justificatif d’identité. Un procédé automatisé vérifie ensuite la concordance de la
photographie ainsi prise avec celle du justificatif précité, puis la correspondance entre
le NIR déclaré et les données du justificatif d’identité
.
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228
2 -
U
ne intervention renforcée de l’instance de coordination
interministérielle sur la fraude aux prestations sociales
Comme la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) à
laquelle elle a succédé en juillet 2020
337
, la mission interministérielle de
coordination antifraude (Micaf) su
it l’activité d
es comités opérationnels
départementaux antifraude (Codaf), réunissant, sous la co-présidence du
préfet de département et du procureur de la République du chef-lieu du
département, les services de l’
État
338
et les organismes locaux de protection
sociale. Ces instances échangent des renseignements et des expériences,
organisent des opérations conjointes et proposent des formations. Elles ont
récemment fourni leur appui à des contrôles
de l’assurance maladie
sur des
centres ophtalmologiques, dentaires et infirmiers.
La Micaf joue un rôle d’impulsion et de
coordination des acteurs
publics dans la lutte contre la fraude aux prélèvements fiscaux et sociaux
et aux prestations sociales. Ce rôle s’exerce notamment à travers dix
groupes nationaux antifraudes (Gonaf)
, qui visent à mettre en œuvre des
stratégies communes d’action
.
339
Dans le domaine de la fraude sociale, a
été signé, en décembre 2021, un protocole renforçant les échanges
d’informations pour lutter contre les fraudes documentaires et à l’identité
entre le ministère
de l’intérieur, les organismes de protection sociale
et la Micaf. Cette dernière appuie les travaux visant à intégrer les dates des
titres de séjour dans les systèmes d’information de l’ensemble des
organismes de protection sociale et à rapprocher les fichiers de
bénéficiaires de prestations avec ceux des non-résidents fiscaux et des
Français établis hors de France. Elle pilote par ailleurs des projets de
raccordement des organismes de sécurité sociale à des systèmes sécurisés
d’échanges d’informations. Enfin, la
Micaf a créé des groupes de travail
interministériels sur des thèmes ponctuels (comme la fraude au passe
sanitaire et aux tests antigéniques en 2021).
337
La Micaf a été créée par le décret n° 2020-872 du 15 juillet 2020.
338
Police, gendarmerie, administrations préfectorale, fiscale, douanière et du travail.
339
Chaque groupe est copiloté par la Micaf et une administration. Cinq Gonaf
concernent pour partie les prestations sociales
: la fraude documentaire et à l’identité,
la fraude à la résidence (la DSS est en chef de file), les fraudes fiscales et sociales
commises via des sociétés éphémères frauduleuses, l’adaptation des moyens d’enquête
aux enjeux du numérique et le recouvrement des créances en matière de fraude aux
finances publiques.
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
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229
3 -
Une recherche renforcée par la Cnaf des fraudes à forts enjeux
En 2021, la Cnaf a mis en place un service national de lutte contre
la fraude à enjeux (SNLFE) composé de 30 contrôleurs aux profils
variés
340
. Le soutien apporté par le SNLFE a permis aux CAF de détecter
21
M€
d’indus, frauduleux ou non, en 2022.
L’action
des CAF contre la fraude à enjeux
Les contrôleurs du SNLFE exploitent en masse les données du
système d’information
des CAF afi
n d’identifier des relations entre
allocataires, en fonction de certains
critères, sur l’ensemble du territoire
national. À la suite de cibles de contrôle que leur adresse le SNLFE, les
CAF font actuellement porter leurs investigations sur une quinzaine de
thématiques dont certaines, comme les changements frauduleux de RIB par
des tiers, l
’absence de résidence en France et
les faux micro-entrepreneurs,
révèlent des fraudes à grande échelle.
La détection, y compris avant le paiement des prestations, des
fraudes à forts enjeux
par leur montant, le nombre d’acteurs concernés ou
les techniques employées nécessite une utilisation plus poussée des outils
permettant d’explorer les données (
datamining
) et le développement
d’échanges plus nourris entre
les différentes branches de sécurité sociale
sur les techniques de fraudes. Comme le prévoit la réglementation, il
conviendrait par ailleurs que l’ensemble des organismes nationaux de
sécurité sociale communiquent à la direction de la sécurité sociale les
synthèses trimestrielles relatives aux fraudes à enjeux.
C -
Des estimations du montant des fraudes
plus nombreuses, mais encore très partielles
Dans la feuille de route qu’ils ont adressée au directeur de la sécurité
sociale, les ministres ont demandé que la Cnaf, la Cnam et la Cnav estiment
tous les deux ans le montant des fraudes aux prestations. La DSS prévoit
de
disposer d’une
estimation globale de la fraude en 2024, ce qui paraît
ambitieux au regard du nombre réduit d’estimations disponibles à ce jour.
340
Contrôleurs en CAF mais aussi un ancien gendarme et un ancien
inspecteur d’
Urssaf.
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230
Depuis 2010, la Cnaf établit selon une méthodologie solide une
estimation périodique
341
du montant des fraudes aux prestations légales
(2,8
Md€ en 2021), qui sont principalement concentrées sur le revenu de
solidarité active (RSA), la prime d’activité et les aides au loge
ment. En
revanche, la démarche est nouvelle pour la Cnam, qui s’était jusque
-là
refusée à estimer la fraude. La Cnav a dû engager à nouveau une
estimation, après une première tentative en 2011 tenue pour infructueuse.
1 -
Des estimations de plus en plus nombre
uses pour l’assurance
maladie, mais couvrant encore une faible partie des dépenses
La Cnam a pour objectif d’estimer en 2024 l’ensemble des fraudes
aux prestations versées par les caisses d’assurance maladie. Compte tenu
de la diversité des acteurs à l’ori
gine des dépenses de prestations et des
prestations elles-mêmes, elle établit par étape des estimations des fraudes
par profession de santé et par droit ou prestation.
À ce jour, elle a établi six estimations portant sur les droits à la
complémentaire santé solidaire et les facturations réglées aux médecins
généralistes, aux infirmiers libéraux, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux
pharmaciens d’officine et aux transporteurs sanitaires et taxis conventionnés.
En 2021, les six domaines pour lesquels la Cnam a établi une
estimation ont représenté 58
Md€ de dépenses, qui ne représentent que
29
% du total du montant des prestations légales versées par l’assurance
maladie (hors dotations et forfaits de rémunération des professionnels et
des établissements de santé). Une estimation reste donc à établir sur des
champs très vastes des dépenses d’assurance maladie
: facturations réglées
à certains professionnels libéraux de ville (médecins spécialistes,
chirurgiens-dentistes, fournisseurs de dispositifs médicaux et laboratoires
d’analyses biologiques), règl
ements de séjours aux établissements de santé
publics et privés, droits à l’assurance maladie obligatoire de base et
ensemble des prestations monétaires (indemnités journalières, pensions
d’invalidité et rentes AT
-MP).
Les méthodes employées par la Cnam pour estimer les fraudes
commises par les professionnels de santé fournissent des ordres de
grandeur plausibles. Leur fiabilité est cependant affectée par le champ et
les conditions de réalisation des contrôles de l’assurance maladie
342
.
341
Cette estimation n’est plus annuelle, comme elle l’était à l’origine.
342
Nombre réduit de professionnels contrôlés, forte hétérogénéité en conséquence des
montants de préjudices constatés et absence de restitution de données importantes par
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
231
Des ordres de grandeur fonction des méthodes employées
Pour estimer les fraudes à la C2S non contributive, la Cnam a utilisé
l’échantillon de 10
700 dossiers tirés aléatoirement, portant sur les années
2018 et 2019, qui lui sert à cibler les dossiers à contrôler
a posteriori
à partir
d’une estimation de la probabilité d’anomalies. Seule est pertinente
l’estimation du montant agrégé des fraudes et des fautes. En effet
, pour
qualifier une fraude, la Cnam prend en compte non l’intentionnalité de son
auteur, mais un niveau très élevé de ressources
343
de ce dernier.
S’agissant des factures réglées aux professionnels de santé, l’assurance
maladie effectue uniquement des contrôles ciblés en fonction de certains
critères. Une extrapolation de leurs résultats à l’ensemble des professionnels
comporterait des biais de sélection des professionnels contrôlés et de détection
de préjudices financiers. La Cnam recourt donc à des méthodes estimatives.
Pour les infirmiers, la Cnam a appliqué deux méthodes. La méthode
de post-stratification vise à str
ucturer l’échantillon des dossiers contrôlés en
strates homogènes afin de corriger le biais de ciblage des contrôles. La
méthode économétrique permet de calculer le montant moyen du préjudice
sur l’ensemble de la population concernée à partir de la probabi
lité estimée
de commettre un préjudice financier et du montant moyen du préjudice
estimé parmi les fraudeurs et de facteurs correctifs. Les résultats obtenus
par la deuxième méthode dépassent de près de 40 % ceux de la première.
Pour les autres professions, la Cnam a appliqué une autre méthode,
dite de
matching
. Elle consiste à appliquer aux individus non-contrôlés un
score de probabilité de frauder fonction de variables observées chez les
individus pour lesquels une fraude ou une faute a été détectée (comme les
montants d’honoraires remboursés par exemple) et à appliquer à l’ensemble
des individus le taux de préjudice financier moyen des individus contrôlés.
2 -
Des progrès méthodologiques à réaliser par l’assurance vieillesse
Les éléments communiqués par la Cnav à la Cour ne permettent pas
d’écarter le risque de sous
-estimation des fraudes et des fautes.
l’outil de
reporting
des contrôles, comme le sont l’indication des contrôles sans suites
contentieuses et les variables de sélection des contrôles.
343
Lorsqu’
elles dépassent un seuil élevé (trois plafonds de ressources de la
complémentaire santé solidaire, soit 28 713
pour une personne seule en 2023).
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232
Une estimation des fautes et des fraudes par la Cnav à fiabiliser
La Cnav a sélectionné un échantillon de 2 000 retraités en 2021, puis
de 3 000 en 2022, aya
nt perçu des prestations au 31 décembre de l’année
précédente (2020 et 2021 respectivement), à partir
d’une décomposition de
la population des retraités en trois strates (pension de droit propre, pension
de réversion ou de veuvage, allocation du minimum vieillesse). Parmi les
dossiers sélectionnés pour vérification, les deux dernières catégories sont
sur-représentées au motif que leurs prestations, conditionnées par le niveau
des ressources ou la résidence en France, sont les plus fraudées.
Sur 251 dossiers pour lesquels le rapprochement entre les
informations intégrées aux
différents systèmes d’information
de la branche
vieillesse a fait apparaître une incohérence, dix-sept situations ont été
qualifiées de fautives et une seule de frauduleuse. En extrapolant ce résultat
à l’ensemble des retraités de l’assurance vieillesse, les fautes et fraudes
concerneraient entre 0,2 % et 0,6 % des retraités et leur montant serait
compris entre 0,1
Md€
et 0,4 Md
€, pour l’essentiel au titre des pensions de
réversion et du minimum vieillesse. Les éléments précis ayant conduit, pour
les 233
dossiers concernés, à écarter l’éventualité d’une faute ou d’une
fraude n’ont pas été indiqués à la Cour.
Pour la
nouvelle estimation effectuée en 2022, la Cnav a mis en œuvre
un nouveau protocole de contrôle, qui ne vise cependant qu’une partie des
risques. Ainsi, pour le minimum vieillesse, qui est la principale prestation pour
laquelle les caisses détectent des fraudes et des fautes, la condition de résidence
effective en France d’une durée de six mois est contrôlée afin de prévenir les
risques de départ hors de France et de non-déclaration de décès. Toutefois, dans
les contrôles de premier niveau, seules les anomalies éventuelles dans les
informations disponibles sont relevées La nouvelle estimation et les éléments
de calcul qui la sous-
tendent n’ont pas été communiqués à la Cour.
Pour les échantillons de dossiers contrôlés, il convient que la Cnav
mette en œuvre des contrôles couvrant l’ensemble des risques, explicite les
motifs qui conduisent à écarter une qualification de faute ou de fraude pour
les dossiers pour lesquels une anomalie est détectée et s’assure que des faits
qualifiés de fautifs ne seraient pas, en réalité, constitutifs de fraudes.
3 -
Des préjudices en tout état de cause considérables
Malgré les limites qui les affectent, les estimations disponibles font
apparaître des fréquences et montants très élevés de préjudices financiers.
Selon l’estimation la p
lus récente, la fraude aux prestations légales
versées par les CAF s’élevait en 2020 entre 2,5 et 3,2
Md€, soit entre 3,1
%
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
233
et 4,0 % du montant des prestations (entre 8,2 % et 11,8 % pour le RSA et
entre 5,9 % et 8,2
% pour la prime d’activité).
Pour les six estimations disponibles de l’assurance malad
ie, les
préjudices liés à des fraudes et à des fautes atteignent en cumul entre 1,1 et
1,3 Md
. Au regard du poids financier des prestations pour lesquelles les
fraudes et fautes ne sont pas encore estimées, cela laisse augurer un
préjudice global pour l’a
ssurance maladie très largement supérieur.
L
’application d’une simple règle de trois aux montants déjà estimés
conduit, pour le régime général, à un montant de fraudes et de fautes à
l’assurance maladie de l’ordre de
3,8 à 4,5
Md€. Toutefois, seule
l’exten
sion
des travaux d’estimation
à l’ensemble du champ des prestations
(hors forfaits aux professionnels de santé et dotations aux établissements)
et l’analyse critique des méthodes utilisées
permettra
de disposer d’une
évaluation rigoureuse des montants en jeu.
Tableau n° 22 :
estimations disponibles des fraudes aux prestations
Montant estimé
des fraudes
et des fautes
En %
du montant
des dépenses
concernées
Montant détecté de
fraudes et de fautes
% détecté du
montant estimé
de fraudes
et de fautes
CAF (2020)
2,5
Md€
à 2
Md€
3,1 à 4,0 %
0,3
Md€
11,0 %
C2S (2018)
177
M€
8,7 %
1,4
M€
0,8 %
Médecins généralistes
(2018-2019)
185
M€
à 215
M€
3,1à 3,5 %
3,7
M€
(2019)
4
M€
(2018)
1,7 à 2,2 %
Infirmiers (2018)
286
M€
à 393
M€
5,0 à 6,9 %
17,8
M€
4,5 à 6,2 %
Masseurs-
Kinésithérapeutes
(2018-2019)
166
M€
à 234
M€
5,2 à 6,7 %
7,9
M€ (2019
)
11,3
M€ (2018)
1,8 à 2,8 %
Pharmaciens
(2018-2019)
91
M€
à 105
M€
0,5 à 0,6 %
4,3
M€ (2019) 4,7
M€
(2018)
8,8 à 10,8 %
Transport de patients
(2018-2019)
145
M€
à 177
M€
3,9 à 4,9 %
6,9
M€ (2019)
12,3
M€ (2018)
4,8 à 6,9%
Retraite (2020)
100
M€
à 400
M€
0,1 à 0,3 %
19,7
M€
4,9 à 19,7 %
Source
: Cour des comptes d’après les
informations de la Cnaf (fraudes, pas de constatation de fautes) de la
Cnam (fraudes et fautes) et de la Cnav (fraudes et fautes)
Note de lecture
: l’année indiquée entre parenthèses est celle sur laquelle portent l’estimation et la détection des
fraudes et des fautes.
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COUR DES COMPTES
234
Comme le montre la dernière colonne du tableau précédent, seule
une faible partie du montant estimé des préjudices liés à des fraudes ou à
des fautes est détectée par les contrôles des caisses de sécurité sociale après
versement des prestations (11 % pour les prestations versées par les CAF
et entre 1 % et 11 % pour les frais de santé réglés pa
r l’assurance maladie).
II -
Un changement d’échelle de la lutte
contre les fraudes à réaliser
En 2021, les contrôles effectués par les caisses du régime général de
sécurité sociale leur ont permis de mettre en recouvrement 488
M€
d’indus
liés à des préjudices subis au titre de fraudes ou de fautes (dont 309
M€
pour les CAF, 153
M€
pour les CPAM et 26
M€
pour les caisses de
retraite). La faiblesse des montants de préjudices que permettent de
détecter les contrôles au regard des montants estimés de fraudes et de fautes
souligne la nécessité d’amplifier la lutte contre les fraudes sur trois fronts
:
réduire l’éventail des mécanismes possibles de fraude, détecter un nombre
accru de préjudices et en sanctionner plus efficacement les auteurs.
A -
Des chantiers à mener à bien pour tarir à la source
les possibilités systémiques de fraude
1 -
Mettre en échec une partie des surfacturations commises
par les professionnels et les établissements de santé
Le manque de rigueur dans les modalités de règlement des actes,
séjours, biens et prestations facturés par les professionnels et les établissements
de santé conduit à un préjudice pour l’assurance maladie estimé à
3,4
Md€
pour 2022 (hors séjours dans les établissements publics et privés non lucratifs
de santé, qui ne sont pas facturés
directement à l’assurance maladie, voir
encadré
infra
). Dans une mesure non estimée par la Cnam, mais
potentiellement importante, ces erreurs correspondent à des fraudes ou à des
fautes des professionnels et établissements. Pourtant, des solutions techniques
existent afin de mettre fin aux préjudices qu’elles occasionnent.
Pour régler les professionnels et les établissements en tiers payant
(soit 96 % des dépenses de prise en charge de frais de santé en 2021),
l’assurance maladie utilise une application in
formatique ancienne dont le
paramétrage en vigueur ne bloque qu’une part très limitée des factures qui
contreviennent aux interdictions de cumul ou d’association de certains
actes médicaux ou paramédicaux fixées par les nomenclatures tarifaires.
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235
En renforç
ant les contrôles automatisés sur les factures, l’assurance
maladie pourrait bloquer les versements à tort. En avril 2021, la Cnam a
engagé un projet (
METEORe
) qui lui permettra notamment d’intégrer à son
système
d’information
le module de tarification et de contrôle des frais de
santé de la MSA. Selon la Cnam, fin 2023 seront traitées les facturations
des pharmacies, en intégrant au moins 1 400 contrôles automatisés portant
sur divers paramètres des facturations à l’assurance maladie, puis, en 2024,
les doubles paiements pourront être prévenus.
Fides, un chantier de fiabilisation des facturations qui n’avance pas
L
’assurance maladie ne peut effectuer de contrôles automatisés sur
les facturations de séjours des établissements publics et privés non lucratifs.
En effet, c
omme à l’époque du budget global des hôpitaux antérieur à la
tarification à l’activité (T2A),
ils ne lui facturent pas directement les séjours.
D
es arrêtés des agences régionales de santé notifient à l’assurance maladie
les sommes à payer.
L’ob
ligation de facturation individuelle et directe des séjours
(Fides), qui devait entrer en vigueur en 2006, n’a cessé d’être reportée, en
dernier lieu à 2027 par la LFSS pour 2022. Faute de décret d’application, l
a
phase pilote, de deux années, prévue par la loi, avant une généralisation
entre 2024 et 2027,
n’a pas
débuté ;
les établissements volontaires n’
ont pu
se porter candidats.
Fides remettrait en cause des facilités de facturation pour les
hôpitaux publics (correction de facturations incomplètes ou erronées
jusqu’à la fin de l’année
, valorisation
l’année suivante
de séjours
de l’année
écoulée). Sans méconnaître leur portée, les réorganisations internes à
effectuer par les hôpitaux ne sauraient justifier de nouveaux retards,
d’autant que
les cliniques privées facturent de longue date
à l’assurance
maladie sans difficulté notable.
La dématérialisation des ordonnances médicales
344
peut permettre
de prévenir le règlement par l’assurance maladie d’actes, de biens et de
prestations qui n’ont pas été prescrits ou qui l’ont été dans de moindres
quantités que celles facturées. En principe, la plupart des prescriptions,
d’un médecin en ville, en établissement médico
-social ou en établissement
de santé, et exécutées par des professionnels de santé en ville, devront être
effectuées par la voie dématérialisée au plus tard fin 2024, en application
344
Cour des comptes, «
La dématérialisation des prescriptions médicales : un facteur
d’efficience du système de santé, des chantiers ambitieux à faire aboutir
», Rapport sur
l’application des lois de financement de la sé
curité sociale, octobre 2021.
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COUR DES COMPTES
236
d’une o
rdonnance du 18 novembre 2020. Les textes fixant le champ exact
et le calendrier d’entrée en vigueur de cette obligation n’ont pas été pris.
Depuis mai 2022, l’ensemble
des médecins et pharmaciens peuvent
utiliser un service d’ordonnance numérique des médicaments mis à leur
disposition par l’assurance maladie, à condition de disposer d’un logiciel
« référencé Ségur
» dont elle finance l’équipement (jusqu’à fin avril 2023)
. En
outre, le forfait structure
345
versé par l’assurance maladie aux médecins intègre
une incitation à son utilisation. L’utilisation généralisée de l’ordonnance
numérique d’ici 2024 apparaît cependant incertaine au vu du nombre réduit
d’utilisateurs du ser
vice (en septembre 2022, 259 médecins et 76 pharmacies).
Une incertitude identique affecte l’ordonnance numérique des transports de
patients : en 2021, seul un médecin libéral sur dix (20 672) a utilisé au moins
ponctuellement le service de prescription en ligne (SPEi) ouvert en 2017 ; les
établissements effectuent quant à eux très peu de prescriptions en ligne, alors
que 60 % des transports de patients correspondent à un trajet entre le domicile
et un établissement.
Pour assurer l’application de l’ordonnan
ce du 18 novembre 2020
précitée, de nouveaux services d’ordonnance numérique devront être mis
en place (dispositifs médicaux, soins paramédicaux, actes biologiques). Il
conviendrait par ailleurs que le champ d’application de l’obligation légale
d’utilisation de l’ordonnance numérique soit étendue aux
dispositifs
médicaux commercialisés par des prestataires de service.
2 -
Fiabiliser les données relatives à l’activité professionnelle,
aux membres et aux ressources du foyer des allocataires de prestations
En 2022, le montant estimé par la Cnaf des erreurs définitives
affectant les prestations légales versées par les CAF au titre des données
déclarées a atteint 5,8
Md€ en valeur centrale statistique (soit 7,6
% du
montant des prestations), pour l’essentiel au titre de versements indus non
détectés, contre 2,9
Md€ en 2017 (soit 4,2
%). La plupart de ces erreurs sont
liées à l’absence de déclaration d’une reprise d’activité professionnelle, de
certaines ressources ou d’une vie en couple. Dans une mesure non estimée
par la Cnaf, mais potentiellement élevée, elles correspondent à des fraudes.
Afin de limiter les déclarations à effectuer par les bénéficiaires des
prestations ainsi que la charge de travail liée à leur traitement et les erreurs
345
Le montant de cette aide à l’organisation et à l’informatisation du cabinet médical
dépend de l’atteinte de certains objectifs. L’avenant 9 à la convention médicale du
31
juillet 2021 a prévu pour l’année 2023 une incitation
de 280
à l’usage de
l
’ordonnance numérique
(sur un forfait de 9 975
au plus).
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
237
affectant les données déclarées, les organismes sociaux prennent en compte de
manière
croissante
des
données
provenant
de
tiers
de
confiance
(administrations de l’
État
346
, autres organismes
347
et employeurs de salariés),
notamment les données de salaires et de prestations sociales rassemblées
depuis 2019 dans le dispositif ressources mensuelles (DRM)
348
.
L’utilisation croissante des données du DRM
Depuis janvier 2021, les données du DRM sont utilisées pour le
calcul trimestriel des aides personnelles au logement. Depuis janvier 2022,
elles sont aussi
utilisées pour l’attri
bution annuelle de la C2S. Depuis juin
2022, les différents régimes de retraite ont accès aux données du DRM pour
le calcul des pensions de réversion.
D’autres
utilisations sont prévues : la
révision périodique du montant des pensions d’invalidité en fonct
ion de
l’évolution
des revenus professionnels, au second semestre 2023, et le calcul
des allocations de retour à l’emploi
,
d’ici 2024
et le calcul trimestriel du
RSA et de la prime d’activit
é, au plus tôt en 2024,
Les données du DRM peuvent contribuer à réduire les fraudes et les
erreurs involontaires qui affectent les données relatives à
l’activité
professionnelle, au montant des revenus professionnels et à celui de
ressources portant sur un périmètre plus large que les seuls revenus fiscaux.
Il serait cependant préférable que les données du DRM ne soient pas
injectées directement dans les moteurs informatiques de calcul automatisé
des prestations,
comme c’est le cas pour les aides personnelles au logement
depuis 2021, mais qu
’elles soient utilisées pour pr
éremplir les déclarations
périodiques
que doivent effectuer les bénéficiaires d’autres prestations
.
Supprimer ces déclarations, notamment celles des bénéficiaires du RSA et
de la prime d’activité, risquerait
en effet de réduire les déclarations
spontanées de changements de la composition du foyer et de ressources
absentes du DRM (pensions alimentaires, chiffre d’affaires des micro
-
entrepreneurs). De plus, les employeurs déclarent parfois des montants
erronés de salaires. Les textes devraient enfin étendre à la détection des
fraudes l’utilisation des données du DRM aujourd’hui utilisées seulement
pour la gestion courante des prestations. Le ministère chargé de la sécurité
sociale indique qu’ils vont être adaptés en ce sens.
346
Les CAF versent les allocations familiales à partir des données fiscales de revenus.
347
Les CAF croisent leurs données de demandeurs d’emploi avec celles de Pôle emploi
afin de ré
cupérer les informations qu’il détient sur les reprises d’activité.
348
« Les prestations sociales versées en fonction des ressources de leurs bénéficiaires :
simplifier pour mieux gérer
», rapport sur l’application des lois de financement de la
sécurité sociale, octobre 2022.
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238
3 -
Les départs non déclarés à l’étrang
er
La prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie est
conditionnée par une activité professionnelle présente ou passée (retraités)
ou, à défaut, par une résidence régulière et stable en France. Or, un grand
nombre d’assurés ne remplit ni l’une, ni l’autre de ces conditions.
Un surnombre de droits ouverts à l’assurance maladie
Des assurés quittent la France sans informer l’assurance maladie de
leur départ. Pour d’autres assurés, leur titre de séjour en France a expiré, n’a
pas été renouvelé o
u a été révoqué, mais l’assurance maladie n’a pas fermé
leurs droits à une prise en charge de leurs frais de santé. La Cnam avait estimé
à 2,1
millions le nombre total d’assurés relevant de ces deux situations au
1
er
janvier 2020 et considère que les actio
ns conduites depuis l’ont réduit
.
Par ailleurs,
l’assurance maladie
a maintenu à tort un droit à la prise
en charge de leurs frais de santé en France à
des retraités l’ayant informée
de leur départ à l’étranger
.
En l’absence d’un croisement avec
les données
détenues par la Cnav sur le pays de résidence des pensionnés et sur la durée
d’assurance de ces derniers
, la Cnam estime leur nombre à 0,4 million.
Malgré les demandes de la Cour, la Cnam n’a pas estimé à ce jour les
montants de règlements injustifiés de frais de santé au titre de ces situations.
La difficulté qu’éprouvent tous les organismes de protection sociale
à appréhender les départs non déclarés à l’étranger justifierait qu’ils
puissent exploiter le registre national des F
rançais établis à l’étran
ger, tenu
par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ils pourraient ainsi,
demander aux bénéficiaires de prestations inscrits sur ce registre de fournir
les justificatifs d’une présence stable en France. Dans cet objectif, il
conviendrait d’é
tendre les finalités de ce fichier et la liste des
administrations habilitées à utiliser ses données.
P
our appréhender plus largement les situations d’allocataires qui, ne
résidant plus en France, n’ont plus droit à leurs allocations, la Cnaf et Pôle
emploi devraient pour leur part rapprocher leurs fichiers de celui des non-
résidents
fiscaux, comme le fait l’assurance maladie.
P
our fiabiliser la population des assurés d’âge actif, la Cnam devrait
demander à accéder à la base Class, en cours de création par
l’Acoss et le
ministère du travail, qui centralisera l’ensemble des informations
recueillies par les administrations françaises sur les détachements de
salariés en France et sur les autres événements relatifs aux mobilités
internationales, notamment le travail transfrontalier.
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
239
Le respect de la condition de résidence, des progrès insuffisants
L’assurance maladie obtient une information sur une activité ou une
résidence en France en croisant son ficher d’assurés avec les fichiers des
DSN, d’autres organismes
sociaux et des administrations d’
État (impôts et
intérieur). Lorsqu’elle n’en obtient pas, elle demande des justificatifs aux
assurés concernés. Ces contrôles sur pièces, dont le périmètre a été
significativement étendu depuis 2020, conduisent l’assurance
maladie à
fermer des droits (198 000 fermetures
349
en 2022). Au regard du flux de
départs de France estimé par l’Insee (250
000 par an en moyenne entre 2010
et 2020), le niveau des fermetures de droits intervenues en 2022 demeure
insuffisant pour réduire le
nombre d’assurés en surnombre (2,1 millions).
Depuis 2020, les consignes données aux CPAM d’enregistrer les
renouvellements de titres de séjour et les informations fournies par des
assurés lors de contrôles sur pièces conduisent à accroître le nombre
d’assurés dont l’assurance maladie connaît la situation. Début 2023, le
nombre de ces assurés s’élevait à 2,4
millions, dont 1,7 million avec un titre
de séjour en cours de validité. Cette dernière donnée reste cependant éloignée
du nombre de titres de séjour en cours de validité (selon le ministère de
l’intérieur, 3,7
millions hors ressortissants britanniques fin 2022).
4 -
Sécuriser les coordonnées bancaires
Début 2022
350
, la Cour a réitéré sa recommandation de rapprocher de
manière automatisée et systématique les identifiants bancaires utilisés par les
organismes sociaux pour régler des prestations avec les données du fichier des
comptes bancaires domiciliés en France (Ficoba) tenu par l’administration fiscale.
Ce rapprochement automatisé et systématique permettrait de
prévenir ou d’interrompre dans la plupart des cas
351
les versements
injustifiés de prestations sur des comptes bancaires appartenant à des
personnes autres que les bénéficiaires des prestations
352
.
En novembre 2022, le dispositif technique (interface informatique
ou
API
) permettant de vérifier de manière automatisée la conformité avec
les données de Ficoba des identités bancaires, nouvellement ou
349
Compte tenu des incidences de la crise sanitaire, le nombre de fermetures de droits
a rebondi à 300 000 en 2021, après un niveau réduit en 2020 (51 500).
350
Référé du 9 février 2022 aux ministres des solidarités et de la santé et de l’
économie,
des finances et de la relance et au ministre délégué chargé des comptes publics.
351
Plus de 99 % des comptes bancaires sur lesquels les CAF et CPAM versent les
prestations sont domiciliés en France.
352
À cet égard, la LFSS pour 2023 a conforté le cadre juridique du recours aux données de
Ficoba par les organismes de protection sociale, en étendant les finalités de la transmission
d’informations de l’administration fiscale à la vérification de la cohérence des coordonnées
bancaires communiquées en vu
e d’un paiement et l’identité du bénéficiaire de ce dernier.
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COUR DES COMPTES
240
anciennement acquises, a été mis en place par la Cnav et la DGFiP. À la
suite d’un nouveau report, l’ensemble d
es organismes de la branche
vieillesse l’utiliser
ont à partir
d’avril
2023. Il importe que cette première
étape soit enfin franchie, puis que l’ensemble des autres organismes de
protection sociale soient aussi raccordés.
B -
À renforcer, des ressources à redimensionner
1 -
Des objectifs atteints ou dépassés, mais à l’ambition limitée
Les
conventions d’objectifs et de gestion (COG) des branches de
prestations du régime général de sécurité sociale avec l’
État pour les années
2018-2022 fixent des objectifs de montants de préjudices financiers
détectés dans le cadre de la lutte contre les fraudes.
La définition des objectifs de la branche famille est la plus
exigeante : elle est ciblée sur les préjudices subis au titre de seules fraudes.
Au contraire, ceux des branches maladie et vieillesse visent les préjudices
liés à des fautes et à des fraudes, évités comme subis.
Les objectifs fixés par les COG passées apparaissent insuffisamment
ambitieux, compte tenu des dépassements constatés dès la première année
d’exécution des
COG maladie et vieillesse et, plus encore, de la détection
d’une part réduite des préjudices subis liés à des fraudes ou à des fautes par
l’ensemble des branches, y compris famille (voir I
- C - 3 -
supra
).
Comme le montre le graphique suivant, le montant total des
préjudices subis et des préjudices évités compte tenu des fraudes et fautes
détectées par les caisses de sécurité sociale a augmenté de manière continue
jusqu’en 2019, puis a chuté en 2020 dans le contexte de crise sanitaire. En
2022, son niveau dépasse celui de 2019 : 351
M€ de préjudices détectés
pour les fraudes de la branche famille ; 316
M€
353
et 181
M€ de préjudices
subis et évités pour les fraudes et fautes détectées respectivement par
l’assurance maladie et la branche vieillesse. Les résult
ats de la branche
famille s’inscrivent cependant en deçà de l’objectif COG (soit 380
M€).
La Cnam affiche l’objectif d’accroître significativement le montant
des préjudices subis et évités détectés par l’assurance maladie au cours de la
prochaine COG 2023-
2027. La cible fixée pour 2024 s’élèverait ainsi à
500 M
.
À ce jour, la Cnaf et la Cnav n’ont pas communiqué leurs objectifs.
En tout état de cause, un renforcement des contrôles effectués par les
organismes sociaux est indispensable afin de réduire la fraude non détectée.
353
Dont 69
M€ au titre d’actions de contrôle visant les honoraires facturés par des
professionnels de santé au titre d’actes et de prestations liés à la crise sanitaire.
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
241
Graphique n° 25 :
objectifs et résultats de la détection de préjudices
dans le cadre de la lutte contre les fraudes (2013-2022)
Source
: Cour des comptes, d’après les informations transmises par la C
naf, la Cnam, la Cnav,
et la CCMSA. Les COG Famille et Maladie présentent une rupture en 2017.
2 -
Accroître les contrôles pour détecter une part accrue
du montant estimé de la fraude
La crise sanitaire a conduit l’assurance maladie à réduire le nombre
de contrôles effectués au titre de la lutte contre les fraudes et les pratiques
fautives :
le nombre d’acteurs contrôlés
pour lesquels une fraude ou une
faute a été détectée est encore en 2022 à un niveau inférieur d’un dixième
à celui de 2019.
Les établissements de santé restent aujourd’hui la seule catégorie de
b
énéficiaires de prestations à ne faire l’objet d’aucun contrôle dans le cadre
de la lutte contre les fraudes. Les contrôles sur l
’application de l
a
tarification à l’activité (T2A)
par les établissements de santé au vu des
dossiers des patients (52
M€ de préjudices subis constatés en 2019) ont été
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COUR DES COMPTES
242
interrompus depuis mars 2020 en raison de la crise sanitaire. Il importe que
ces contrôles reprennent, sur un champ plus large que celui prévalant avant
la crise sanitaire (moins de 0,7 % des séjours de médecine, chirurgie et
obstétrique), en ciblant dans un premier temps ceux des établissements
publics et privés dont le montant des recettes dépasse celui procuré par la
garantie de financement
354
appliquée entre 2020 et 2022 dans le contexte
de crise sanitaire.
Pour leur part, les contrôles effectués par les CPAM sur les factures
émises par les professionnels de santé continuent à porter sur une fraction
minime de ces dernières (en 2022, 3,2 % des factures des masseurs
kinésithérapeutes, 4,2 % de celles des infirmiers, 4,2 % de celles des
transporteurs sanitaires et des taxis conventionnés, 2 % de celles des
pharmaciens et 1,7 % de celles des médecins). Augmenter le nombre de
contrôles est indispensable afin de mettre en échec les surfacturations
répétées de certains professionnels de santé au regard de leur activité réelle
et d’accroître la part d
es montants de préjudices estimés qui est mise en
recouvrement.
La Cnaf a réduit les objectifs de contrôle sur pièces et sur place
qu’elle fixe aux CAF, en 2020 dans le contexte de crise sanitaire et, plus
encore, en 2021, en raison des difficultés de mise en œuvre de la réforme
des aides personnelles au logement. Les objectifs pour 2022 de contrôles
sur pièces et sur place et de nombre de fraudes à qualifier restaient
inférieurs à ceux de 2019.
S’agissant des contrôles, les C
AF
n’atteignent
pas systématiquement les objectifs fixés.
Comme le montre le tableau suivant, l’efficience croissante des
contrôles a permis aux montants
d’indus (et de rappels) sur prestations de
dépasser en 2022 leur niveau de 2019. Toutefois, le nombre de contrôles
effectués s’inscrit en
-deçà de celui de cette dernière année, ce qui limite les
possibilités de détection d’indus frauduleux et non fraudule
ux. Cette
situation pénalise la sécurité sociale et, plus encore, l’
État et les
départements, qui financent les prestations les plus fraudées versées par les
CAF (RSA, prime d’activité et aides personnelles au logement).
354
Voir chapitre III du présent rapport.
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
243
Tableau n° 23 :
nombre et résultats des contrôles des CAF
2018
2019
2020
2021
2022
Nombres de contrôles effectués (hors contrôles automatisés)
Sur pièces
4 541 537 4 343 669 4 287 431 3 885 063 3 920 102
Sur place
169 539
169 653
105 997
127 878
134 653
Autre (examen de
pièces justificatives)
278 292
251 121
205 326
277 711
181 996
Montants des impacts financiers (en M
€)
Indus (*)
714
793
806
751
878
Rappels
239
239
209
219
242
Total
953
1 032
1 015
970
1 120
Indus qualifiés de frauduleux
Nombre
44 897
48 754
36 917
43 208
48 692
Montant (M€)
305
324
255
309
351
En % de (*)
43
41
32
41
40
Source :
Cour des compt
es d’après les données de la Cnaf
Bien qu’en hausse en 2022, les montants d’indus détectés et
qualifiés de frauduleux par les CAF
n’entament qu’à la marge la fraude qui
a augmenté au regard des deux dernières estimations de la Cnaf (2,8
Md€
en 2021, contre 2,3
Md€
en 2019). De fait, les contrôles sur place, les plus
approfondis
355
, n’ont couvert en 202
2 que 3 % des 3,1 millions de foyers
bénéficiaires du RSA, prestation la plus fraudée. En accroître le nombre est
indispensable afin de réduire l’étendue des fr
audes au RSA, qui affectent
un euro sur dix et un allocataire sur sept selon l’estimation de la Cnaf.
Le nombre de dossiers contrôlés par les caisses de retraite dans le cadre
de la lutte contre les fraudes avait quelque peu augmenté en 2021 par rapport
à 2019 (+ 4%), mais a chuté en 2022 (5 967 contre 7 615 en 2019). En 2022,
seul un dossier sur près de 2 520 est contrôlé (les données font défaut pour
apprécier cette proportion par type de prestation). Les caisses détectent
néanmoins une fraude ou une faute pour une part croissante des dossiers
qu’elles contrôlent (55,3
% en 2022 soit + 14,7 points par rapport à 2019).
Cependant, le stock de signalements non traités augmente, au titre notamment
du minimum vieillesse, prestation pourtant la plus fraudée selon la Cnav.
355
Visite au domicile ou convocation de l’allocataire, recoupement de données,
utilisation du droit de communication auprès de tiers.
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244
Accroître le montant des indus frauduleux ou fautifs détectés
356
nécessite d’étendre les contrôles.
3 -
Accroître les moyens humains de la lutte contre les fraudes
Au regard des données communiquées par les organismes de
protection sociale, un peu moins de 3 400 agents exprimés en équivalent
temps plein concouraient en 2021 à la réalisation de contrôles
a posteriori
susceptibles de détecter des fraudes, hors fonctions support, principalement
dans les CAF
et à l’assurance maladie (service médical compr
is).
Dans le cadre des moyens dont ils sont aujourd’hui dotés
, les
organismes de protection sociale conservent des marges de progression
dans la détection de préjudices lors de la réalisation de contrôles
a posteriori
. Ainsi, la fréquence de détection par contrôle effectué varie
d’un à trois en
tre les caisses de retraite de la France hexagonale. Sauf
exception, cette donnée n’est pas suivie par la Cnam.
Néanmoins, la question des effectifs affectés à la réalisation de
contrôles
a posteriori
apparaît posée. En effet, les possibilités
d’amélioration du ciblage des contrôles
a posteriori
atteignent leurs
limites
357
. En outre, la
détection d’irrégularités et leur qualification
éventuelle en tant que fraude requiert
un temps d’investigation
important,
notamment pour les professionnels de santé (recueil de témoignages des
assurés et des membres de leur famille, analyse du contenu de la prise en
charge sanitaire par le service médical de l’assurance maladie)
.
L’assèchement –
indispensable
d’une partie des risques de
fraude à la
source (voir A -
supra
) ne fera pas disparaître certains risques pour lesquels
un travail humain d’investigation est indispensable
: réalisation d’actes de
soins fictifs, sur-
cotation d’actes réalisés, fausse délivrance de produits de
santé, travail non déclaré, départ de France.
Lutter plus efficacement contre les fraudes aux prestations nécessite
ainsi d’accroître les moyens humains affectés par les caisses de sécurité
sociale à la réalisation de contrôles
a posteriori
, sans réduire ceux
consacrés aux contrôles
a priori
de l’attribution des prestations.
356
25
M€ en 2022 contre 23
M€ en 2019.
357
À titre d’illustration,
les contrôles sur place effectués en 2021 par les CAF ont permis
de détecter des indus ou des rappels pour 70 % des allocataires concernés.
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245
C -
Des indus à mieux constater et recouvrer,
des sanctions à alourdir pour les auteurs
1 -
Constater l’ensemble des indus frauduleux et améliorer
leur recouvrement
La réduction des préjudices subis par les organismes de protection
sociale dépend non seulement d’une détection plus fréquente des fraudes,
mais aussi d’une hausse du montant des indus constatés à l’occasion de
chaque fraude détectée et de celle du montant des indus recouvrés.
Les contrôles
de l’assurance maladie sur les facturations des
professionnels et des établissements de santé font apparaître des erreurs
répétitives dans
l’application des nomenclatures tarifaires.
Suivant une
recommandation de la Cour, la LFSS pour 2023 a donné aux caisses
d’assurance maladie la possibilité, à l’issue d’une phase contradictoire, de
procéder à une extrapolation des montants d’indus détectés à partir des
résultats d’un contrôle partiel de l’activité d’un professionnel, d’un
distributeur de dispositifs médi
caux ou d’un établissement de santé. En cas
d’accord écrit du professionnel de santé, le montant extrapolé des indus
sera opposable aux deux parties, avec la même force juridique qu’une
transaction. À défaut d’un accord, les caisses d’assurance maladie ont
vocation à notifier l’indu
, qui sera ou non contesté par son débiteur.
Par ailleurs, la LFSS pour 2023 met à la charge des professionnels,
des établissements et des assurés pour lesquels une fraude est constatée une
pénalité égale à 10 % du montant des indus notifiés. Cette disposition invite
l’assurance maladie à distinguer de manière précise les fraudes par rapport
aux fautes, y compris pour les établissements.
Constater les indus sur la totalité des périodes non prescrites
Mettre en recouvrement une part accrue des préjudices imputables à
des fraudes nécessite aussi d’appliquer à la constatation et au recouvrement
des indus frauduleux les durées de prescription plus longues (cinq années)
que celles propres aux indus non frauduleux (deux années).
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COUR DES COMPTES
246
Or, compte tenu des délais de réalisation des contrôles, les CPAM
préfèrent circonscrire les périodes de contrôle et, en tout état de cause, ne
pas investiguer les facturations antérieures à celles directement consultables
dans le système d’information de l’assu
rance maladie
358
. Les possibilités
nouvelles d’extrapolation des indus prévues par la LFSS pour 2023 invitent
à élargir les périodes contrôlées.
En l’absence d’adaptation de leur système d’information, les CAF
constatent et mettent en recouvrement les indus frauduleux uniquement sur
deux années, comme s’il s’agissait d’indus non frauduleux (ou plus
rarement sur trois années, à l’aide d’un outil bureautique). Il importe que le
nouveau système d’information des CAF, en cours de développement,
intègre l’ensemble
des fonctionnalités nécessaires au calcul des indus
frauduleux sur l’ensemble des périodes non prescrites.
Par ailleurs, il convient d’améliorer le recouvrement des indus
frauduleux constatés, en mettant à niveau des outils déficients : les caisses
d’assurance maladie suivent toujours leurs créances d’indus, frauduleux ou
non, dans des outils bureautiques disparates ; le
système d’information
de
l’assurance vieillesse ne permet pas de connaître le taux de recouvrement
des indus par année d’émission.
Afin d
’améliorer le recouvrement des indus liés à des fraudes
, la
Micaf mène un projet de plateforme d’échanges entre banques et
administrations (Peba), dispositif sécurisé de demandes aux banques et de
transmission d’informations par ces d
ernières dans le cadre du droit de
communication. Début 2022, trois réseaux bancaires participaient à ce
dispositif, qui a vocation à être généralisé.
En 2011, les organismes de sécurité sociale ont conclu une
convention avec
l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs sa
isis
e
t confisqués (Agrasc). Cependant, elle n’a pas
été appliquée en raison de
délais de saisine trop courts pour les organismes. En mars 2022, a été
engagée une expérimentation dans laquelle l’Agrasc fait connaître plus tôt
aux organismes de sécurité sociale les dossiers sur lesquels ils sont
susceptibles de faire valoir leurs droits. Aucune action de recouvrement par
l’intermédiaire de l’Agrasc n’est cependant intervenue à ce jour.
358
Les données de facturation par assuré sont conservées sur deux années et un
trimestre, mais une requête peut permettre de les récupérer sur une durée plus longue.
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LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES AUX PRESTATIONS SOCIALES :
UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
247
2 -
Sanctionner systématiquement les fraudes
Les directeurs des caisses de sécurité sociale peuvent prononcer des
sanctions administratives (pénalités financières et avertissements)
359
. Ils
privilégient les sanctions administratives par rapport aux plaintes auprès du
juge pénal car ils n’ont pas à démontrer une
intention de frauder et peuvent
les appliquer rapidement. La LFSS pour 2023 a de nouveau relevé les
plafonds de pénalités que peuvent prononcer les CPAM en cas de fraude
360
.
Des sanctions insuffisamment et diversement appliquées
La Cnaf prescrit aux CAF une sanction systématique, par un
avertissement, une pénalité financière ou une plainte au pénal en fonction
de la gravité des fraudes. La Cnam a prescrit aux CPAM de porter la part
des fraudes sanctionnées de 42 % en 2018 à 66 % en 2022
361
. Les caisses de
retraite n’ont sanctionné q
ue 76 % des fraudes en moyenne entre 2019 et
2022 et les caisses de la MSA, 50 % en 2022
selon l’estimation de la Cour.
Par ailleurs, des faits de même gravité peuvent être sanctionnés de
manière différente. C’est le cas lorsque la caisse nationale n’a pas
fixé de
consignes régulières ou suffisamment précises à son réseau (Cnav), ou a
défini un barème ne visant que quelques situations (Cnam), ou lorsque les
caisses locales dérogent au barème fixé par la caisse nationale (15 % des cas
de fraude sanctionnés en décembre 2022 pour les CAF). Des sanctions
hétérogènes peuvent aussi être appliquées aux fraudes communes au RSA
et à d’autres prestations
, lorsque les conseils départementaux ne les
délèguent pas aux CAF.
Les
CPAM
peuvent
aussi
engager
une
procédure
de
déconventionnement à l’encontre de professionnels de santé pour interrompre
des fraudes répétées. Elles y recourent cependant de manière rarissime (45 cas
en 2022, après 28 en 2021, 14 en 2020 et 34 en 2019). Il importe qu’elles
exercent effectivement les prérogatives dont elles sont dotées.
359
En 2022, les Caf, CPAM et caisses de retraite ont, prises ensemble, prononcé
15 129 avertissements et 33 764 pénalités financières pour un montant total de 39
M€
(850
avertissements et 457 pénalités pour 0,3
M€
pour la MSA en 2022). En outre, les caisses de
retraite adressent des lettres de rappel, qui ont représenté entre 2019 et 2022 près des deux-
tiers des actions de toute nature visant à sanctionner ou à prévenir les fraudes et les fautes.
360
À hauteur de 300 % du préjudice financier ou de huit fois le PMSS à défaut de
sommes clairement déterminables, et jusqu’à 400
% du préjudice financier ou seize
PMSS en cas de fraude en bande organisée.
361
Selon la Cnam, cette dernière cible a été nettement dépassée en moyenne (94 %).
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COUR DES COMPTES
248
Des possibilités renforcées de déconventionnement
Un décret
362
a donné en 2020 la possibilité aux CPAM de
déconventionner d’urgence, à titre conservatoire, pour une durée
de trois
mois au plus, un professionnel libéral de santé en cas de violation
particulièrement grave des engagements conventionnels, notamment en cas
de dépôt de plainte ou de préjudice financier pour l’assurance maladie.
La
LFSS pour 2021
avait prévu une suspension d’office de
la convention
lorsque le professionnel fait l'objet, pour la seconde fois sur une période de
cinq ans, d'une sanction administrative ou d'une condamnation pénale
devenue définitive. La LFSS pour 2023 a substitué à cette suspension le
placement d’office hors la convention pour des fa
its à caractère frauduleux,
fixé un seuil de préjudice à son application
363
et prévu que le professionnel
ne peut être à nouveau placé sous le régime conventionnel qu’après s’être
acquitté de ses dettes ou avoir signé un plan d’apurement de celles
-ci.
Sauf exception (branche famille
364
), les organismes sociaux ne
suivent pas la récidive des auteurs de fraudes. La mise en place par la Cnam
d’un suivi
précis de la récidive est indispensable au regard de son objectif
de mieux articuler la prévention, le contrôle et la sanction, lui-même à
concrétiser dans l’ensemble de ses aspects (voir encadré).
La Cnav devrait
également se doter d’un tel suivi.
Agir sur les comportements : des démarches inégalement abouties
Depuis 2018, les CAF adressent aux allocataires des lettres de mise
en garde quand elles détectent des indus répétitifs ou de montant élevé
traduisant notamment des omissions de déclaration de ressources ou de
reprise d’activité professionnelle (plus de 80
000 lettres en 2022). Cette
action est efficace : le taux de récidive (2,4 %) est plus faible que pour les
sanctions proprement dites.
La Cnam prévoit la mise en œuvre d’une action pédagogique à
l’égard des infirmiers nouvellement installés afin qu’ils appliquent les
consignes de facturation de l’assurance mal
adie, puis de contrôles afin de
vérifier cette bonne application. Seul le premier volet a commencé à être
déployé. La Cnam prévoit d’étendre ce dispositif aux masseurs
-
kinésithérapeutes en 2023.
362
Décret n° 2020-
1465 du 27 novembre 2020 pris pour l’application de dispositions
législatives datant de 2007.
363
Huit fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 29 328
en 2023.
364
En 2022, 5,4 % des allocataires des CAF pour lesquels une fraude a été constatée ont
récidivé.
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UNE ACTION PLUS DYNAMIQUE À RENFORCER ENCORE
249
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS _________
À la suite des rapports de l’
Assemblée nationale et de la Cour de
septembre 2020, des progrès significatifs sont intervenus dans la lutte contre
les fraudes, dans un contexte rendu difficile par la crise sanitaire : de
nombreuses évolutions législatives, des mutualisations accrues de données
entre les organismes sociaux et entre ces derniers et les administrations de
l’
État, une coordination renforcée des acteurs administratifs, la mise en
œuvre d’estimations de la fraude par l’assurance maladie.
Néanmoins, la lutte contre les fraudes aux prestations sociales peine
à changer d’échelle.
En outre, certaines évolutions engagées font apparaître des risques
particuliers : des objectifs chiffrés de détection des fraudes pour les années
à venir qui augmenteraient, mais n’entameraient pas signi
ficativement la
fraude, faute de contrôles en nombre suffisant ; une prise en compte
insuffisante ou trop lente de l’enjeu de réduction des possibilités de fraude
dans le cadre d’évolutions des systèmes d’information
; l’absence
d’amélioration de la cohére
nce de la réponse pénale aux faits les plus
graves
; l’absence de textes réglementaires d’application des dispositions
d’une ordonnance du 18 novembre 2020 (obligation de
dématérialisation
de leurs prescriptions pour les professionnels et les établissements de
santé) et des lois de financement de la sécurité sociale pour 2021 et 2022
(obligation de facturation individuelle et directe des séjours à l’assurance
maladie pour les établissements publics et privés non lucratifs, dérogation
à la garantie de paiement pour les professionnels fraudeurs ou fautifs,
suspension d’office de la convention avec l’assurance maladie pour les
professionnels récidivistes, recours à des données biométriques pour le
contrôle de l’existence de retraités à l’étranger).
La Cour réaf
firme, par conséquent, les recommandations qu’elle a
formulées en 2020, qui visent à estimer la fraude sur le champ le plus
étendu, à tarir à la source les possibilités systémiques de fraude permises
encore par un calcul des prestations effectué le plus souvent à partir
d’informations fournies non par des tiers mais par leurs bénéficiaires, à
accroître le nombre de contrôles afin de détecter un nombre accru de cas
de fraudes, à recouvrer plus efficacement les indus liés à des fraudes et à
sanctionner plus efficacement leurs auteurs.
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COUR DES COMPTES
250
Elle formule de surcroît les quatre recommandations suivantes :
27.
p
ublier les textes réglementaires permettant d’assurer une application
rapide et entière des dispositions organiques et législatives parues
depuis 2020 qui concourent à lutter plus efficacement contre la fraude
sociale (ministè
re du travail, du plein emploi et de l’insertion,
ministère de la santé et de la prévention, ministère des solidarités, de
l’autonomie et des personnes handicapées,
ministère de l'économie,
des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) ;
28.
adapter les systèmes d’information afin de constater et mettre en
recouvrement les indus frauduleux sur l’ensemble des périodes non
prescrites selon les règles de droit en vigueur (ministère du travail, du
plein emploi et de l’insertion, ministère de la santé et de la prévention,
ministè
re
des
solidarités,
de
l’autonomie
et
des
personnes
handicapées, Cnaf et Cnam) ;
29.
dans le cadre du projet METEORe de refonte de la chaîne informatisée
de règlement des frais de santé, déployer des contrôles automatisés
permettant de bloquer les règlements de l’ensemble des facturations des
professionnels et des établissements de santé qui présentent un
caractère irrégulier au regard des nomenclatures tarifaires en vigueur
(ministère de la santé et de la prévention, Cnam) ;
30.
afin de réduire notablement les fraudes non détectées, porter dès 2024
le nombre de contrôles a posteriori à un niveau plus élevé que celui de
2019, antérieur à la crise sanitaire (ministère du travail, du plein emploi
et de l’insertion, ministère de la santé et de la prévention, minist
ère des
solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, minist
ère
l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,
Cnaf,
Cnam et Cnav
).
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