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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2023-0604
Audience publique du 18 avril 2023
Prononcé du 11 mai 2023
SOCIÉTÉ ALPEXPO
Affaire n° 836
République française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment
son article 8 ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment les dispositions applicables
aux sociétés d’économie mixte locales et aux sociétés publiques locales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu les articles 29 et 30 de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime
de responsabilité financière des gestionnaires publics ;
Vu l’article 11 du décret n° 2022-1604 du 22 décembre 2022 relatif à la chambre
du contentieux de la Cour des comptes et à la Cour d’appel financière et modifiant le code
des juridictions financières ;
Vu les statuts de la société ALPEXPO, successivement en vigueur au moment des faits ;
Vu le déféré, décidé le 30 octobre 2018, sur le fondement de l’article L. 314-1 du code
des juridictions financières alors applicable, par la chambre régionale des comptes
Auvergne-Rhône-Alpes,
portant
sur
des
faits
laissant
présumer
des
irrégularités
dans la gestion financière de la société ALPEXPO, communiqué le 31 octobre 2018
par le procureur financier près cette chambre au procureur général près la Cour des comptes,
ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), et enregistré
ce même jour ;
Vu le réquisitoire introductif du 16 mai 2019, par lequel le ministère public près la CDBF
a saisi cette juridiction de cette affaire, conformément aux dispositions de l’article L. 314-1-1
du code des juridictions financières alors applicable ;
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Vu la décision du 24 mai 2019 du président de la CDBF désignant M. Nicolas PÉHAU,
conseiller référendaire à la Cour des comptes, comme rapporteur chargé de l’instruction,
conformément aux dispositions de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors
applicable ;
Vu les lettres recommandées du 25 septembre 2019 de la procureure générale près la Cour
des comptes, ministère public près la CDBF, ensemble les avis de réception de ces lettres,
par
lesquelles
ont
été
mis
en
cause
MM. X et Y,
présidents-directeurs généraux successifs de la société ALPEXPO, au regard des faits visés
par le réquisitoire introductif du 16 mai 2019 susvisé, conformément aux dispositions
de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières alors applicable ;
Vu la décision du 8 octobre 2021 du président de la CDBF désignant M. Guy FIALON,
conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, comme rapporteur chargé de l’instruction,
en remplacement de M. PÉHAU, nommé à d’autres fonctions, conformément aux dispositions
de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières alors applicable ;
Vu la lettre recommandée du 11 avril 2022 de la procureure générale près la Cour
des comptes, ministère public près la CDBF, et l’avis de réception de cette lettre, par laquelle
a
été
mise
en
cause
Mme Z,
en
qualité
de
directrice
générale
de
fait
de la société ALPEXPO, au regard des faits visés par le réquisitoire introductif du 16 mai 2019
susvisé, conformément aux dispositions de l’article L. 314-5 du code des juridictions
financières alors applicable ;
Vu le réquisitoire supplétif du 20 mai 2022 du ministère public près la CDBF
dont cette juridiction a été saisie conformément aux dispositions de l’article L. 314-1 du code
des juridictions financières alors applicable, et qui a été transmis le 24 mai 2022
par le président de la CDBF à M. FIALON aux fins d’instruction ;
Vu la lettre du 17 octobre 2022 du président de la CDBF transmettant, le dossier de l’affaire
au ministère public après le dépôt du rapport de M. FIALON, conformément aux dispositions
de l’article L. 314-6 du code des juridictions financières alors applicable ;
Vu la décision du 18 janvier 2023 du procureur général de la Cour des comptes renvoyant
Mme Z
et
MM. X et Y
devant
la
chambre
du
contentieux,
reçue au greffe de la chambre du contentieux le 1
er
février 2023, notifiée le 2 février 2023
aux intéressés ;
Vu la convocation des personnes renvoyées à l’audience publique du 18 avril 2023, notifiée
aux intéressés le 1
er
mars 2023 ;
Vu les mémoires produits le 31 mars 2023 par Maître Rémi SERMIER dans l’intérêt
de
M. Y
et
par
Maître Flavien JORQUERA
dans
l’intérêt
de
M. X,
ainsi que celui produit le 3 avril 2023 par Maîtres Agathe QUINIO et Emmanuel DAOUD
dans l’intérêt de Mme Z ;
Vu les pièces complémentaires communiquées les 17 et 18 avril 2023 par Maître QUINIO
dans l’intérêt de Mme Z ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 18 avril 2023, le représentant du ministère public,
en la présentation de la décision de renvoi et le procureur général près la Cour des comptes
en
ses
réquisitions,
M. X,
assisté
de
Maître JORQUERA,
M. Y,
assisté
de Maître SERMIER, et Mme Z assistée de Maître QUINIO, les personnes renvoyées
ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Gilles MILLER, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
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Sur le transfert de l’affaire de la CDBF à la Cour des comptes
1. La CDBF a été saisie, par les réquisitoires introductif et supplétif des 16 mai 2019
et 20 mai 2022 susvisés, de faits relatifs à la société ALPEXPO susceptibles de constituer
des infractions sanctionnées par cette juridiction.
2. Aux termes du II de l’article 30 de l’ordonnance du 23 mars 2022 susvisée, «
Les affaires
ayant fait l’objet d’un réquisitoire introductif devant la Cour de discipline budgétaire
et financière à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance sont, à cette date,
transmises à la Cour des comptes
». Le I de l’article 29 de la même ordonnance a fixé la date
de son entrée en vigueur au 1
er
janvier 2023. L’affaire relative à la société ALPEXPO a,
en conséquence, été transmise à cette date à la Cour des comptes.
3. Aux termes du II de l’article 11 du décret du 22 décembre 2022 susvisé, «
Les actes
de procédure pris avant le 1
er
janvier 2023 pour les affaires transmises à la Cour des comptes
en application de l’article 30 de l’ordonnance du 23 mars 2022 susvisée demeurent valables
devant celle-ci. Leur régularité ne peut être contestée au seul motif de l’entrée en vigueur
des dispositions de cette ordonnance et du présent décret
».
Sur la compétence de la Cour des comptes
4. Aux termes du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières, applicable jusqu’au
31 décembre 2022, la CDBF était compétente, jusqu’à cette date, pour connaître
des infractions susceptibles d’avoir été commises dans l’exercice de leurs fonctions par,
notamment, «
c) Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont
soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale
des comptes ou d’une chambre territoriale des comptes
», étant précisé au dernier alinéa que
«
Sont également justiciables de la Cour tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions
[de ces]
personnes
».
5. Aux termes de l’article L. 131-1 du code des juridictions financières, dans sa version
en vigueur depuis le 1
er
janvier 2023, «
Est justiciable de la Cour des comptes au titre
des infractions
[prévues aux articles L. 131-9 à L. 131-14 du même code]
[…]
/ 3° Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit
au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale
des comptes ou d’une chambre territoriale des comptes. / Sont également justiciables
tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées aux 1° à 3°.
».
6. Aux termes de l’article L. 211-8 du code des juridictions financières, dans sa version
en vigueur depuis le 1
er
mai 2017, «
La chambre régionale des comptes peut contrôler
les organismes, quel que soit leur statut juridique, auxquels les collectivités territoriales,
les établissements publics locaux ou les autres organismes relevant de sa compétence
apportent un concours financier supérieur à 1 500 euros ou dans lesquels ils détiennent,
séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes
délibérants, ou sur lesquels ils exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion
».
La société ALPEXPO, initialement constituée avec le statut de société anonyme d’économie
mixte locale, au sens de l’article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales,
puis transformée en société publique locale sous la même raison sociale, est soumise
au contrôle de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes.
7. Selon l’article 19 et 24.1 de ses statuts, dans leurs versions successivement applicables
au moment des faits, la direction générale de la société ALPEXPO était assurée,
soit par le président du conseil d’administration, soit par une autre personne physique nommée
par le conseil d’administration et portant le titre de directeur général.
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8. Par une délibération du 16 novembre 2011, le conseil d’administration de la société
ALPEXPO a nommé son président, M. X, «
Directeur Général avec effet à compter
du 31 décembre 2011
» et «
ce
pour la durée de son mandat de Président du Conseil
d’Administration
».
9. Par une délibération du 28 mai 2014, le conseil d’administration de la société ALPEXPO
a nommé M. Y à la présidence du conseil pour une durée de six ans et décidé
qu’il cumulera cette fonction avec celle de directeur général. Le 30 juillet 2015, l’assemblée
générale a décidé de transformer la société ALPEXPO en société publique locale et a nommé
ses administrateurs, dont M. Y, pour une durée de six ans. Le même jour, le conseil
d’administration de la société a nommé M. Y à la fois président du conseil et directeur
général pour la durée de son mandat. Par une délibération du 3 juillet 2017, le conseil
d’administration a ensuite mis fin à ce cumul de fonctions, à compter du 21 août 2017,
en nommant un autre directeur général.
10. Il
en
résulte
que
MM. X et Y,
successivement
présidents-directeurs
généraux
d’ALPEXPO
,
du
31 décembre 2011
au
27 mai 2014
pour
le
premier,
et du 28 mai 2014 au 20 août 2017 pour le second, étaient justiciables de la CDBF jusqu’au
31 décembre 2022, et sont justiciables de la Cour des comptes depuis le 1
er
janvier 2023.
11. Un contrat, ayant pour objet la «
Mise à disposition de prestations de services
en Management de Transition
», a été conclu le 1
er
mars 2012 par M. X, président-
directeur général de la société ALPEXPO, et le directeur général de la société MCG Managers.
La société ALPEXPO étant «
sans direction opérationnelle
» selon le préambule au contrat,
celui-ci définit la mission confiée au prestataire pour une durée de cinq mois à compter
du
5 mars 2012,
et
assurée
notamment
par
Mme Z
en
qualité
de
«
Manager
Intervenant
» pour couvrir «
l’ensemble des composantes d’une Direction Générale
».
Par avenants successifs, le contrat a été prolongé jusqu’au 31 janvier 2013, puis s’est ensuite
poursuivi par tacite reconduction de mois en mois «
dans l’attente d’une décision stratégique
concernant la direction générale
» de la société ALPEXPO. Il a pris fin le 26 février 2015.
12. Le 2 mars 2012, la société MCG Managers a conclu avec Mme Z un contrat
de travail à durée indéterminée prenant effet le 5 mars 2012 pour exercer «
les fonctions
d’Intervenant
» dans le cadre de la «
Mission de Direction Générale
» confiée par la société
ALPEXPO. Ainsi que le détaillent les points 20 à 22, Mme Z a agi, en fait,
comme directrice générale de la société ALPEXPO, au sens des articles L. 312-1 et L. 131-1
du code des juridictions financières précités aux points 4 et 5. Il en résulte que Mme Z
était justiciable de la CDBF jusqu’au 31 décembre 2022, et est justiciable de la Cour
des comptes depuis le 1
er
janvier 2023.
Sur la prescription
13. L’article L. 314-2 du code des juridictions financières, applicable au moment du déféré,
disposait que «
La Cour
[de discipline budgétaire et financière]
ne peut être saisie
par le ministère public après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour
où a été commis le fait de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues
par le présent titre. / L’enregistrement du déféré au ministère public, le réquisitoire introductif
ou supplétif, la mise en cause telle que prévue à l’article L. 314-5, le procès-verbal d’audition
des personnes mises en cause ou des témoins, le dépôt du rapport du rapporteur, la décision
de poursuivre et la décision de renvoi interrompent la prescription prévue à l’alinéa
précédent
».
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14. Aux termes de l’article L. 142-1-3 du code des juridictions financières, dans sa version
en vigueur depuis le 1
er
janvier 2023, «
La Cour des comptes ne peut être saisie
par le ministère public après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour
où a été commis le fait susceptible de constituer une infraction au sens de la section 2
du chapitre Ier du titre III du présent livre
.
[…] / L’enregistrement du déféré au ministère public,
le réquisitoire introductif ou supplétif, l’ordonnance de mise en cause, l’ordonnance
de règlement et la décision de renvoi interrompent la prescription
. ». Ces nouvelles
dispositions ne modifient ni la durée de la prescription, ni les modalités de son interruption.
15. Mme Z fait valoir, s’agissant de la prise en charge de ses frais de déplacement
par la société ALPEXPO, que le réquisitoire introductif du 16 mai 2019 susvisé ne conclut pas
explicitement à ce que sa responsabilité puisse être recherchée et que les faits sont donc
prescrits car uniquement visés par le réquisitoire supplétif du 20 mai 2022 susvisé.
16. Cependant, s’il est exact que le réquisitoire introductif du 16 mai 2019 ne mentionne pas
explicitement Mme Z comme responsable présumée des faits visés, le ministère
public n’est pas tenu de citer nommément les personnes susceptibles d’être mises en cause.
Il peut, dans ses réquisitions, faire état des responsabilités encourues par des personnes
dénommées, ou «
toutes autres personnes qui auraient participé aux irrégularités
constatées
», ce qu’il a fait, en l’espèce, dans son réquisitoire introductif du 16 mai 2019.
Par ailleurs, ce réquisitoire vise bien les faits relatifs à l’engagement de dépenses
par Mme Z, sans que celle-ci ait disposé d’un pouvoir à cette fin, et les conditions
dans lesquelles elle aurait bénéficié du remboursement de frais de déplacement et de prise
en charge par la société ALPEXPO d’autres frais, ces faits ayant fait l’objet du déféré susvisé
de la chambre régionale des comptes.
17. En conséquence, la communication du procureur financier près la chambre régionale
des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, transmettant le déféré de ladite chambre, ayant été
enregistrée par le ministère public près la CDBF le 31 octobre 2018, les faits postérieurs
au 31 octobre 2013 peuvent être valablement appréhendés par la Cour des comptes
et sanctionnés par la Juridiction.
Sur le droit applicable à l’ensemble des faits
18. En application des dispositions de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen susvisée, relatives à la légalité des infractions et des peines et à la nécessaire
proportionnalité de celles-ci, il n’est pas possible d’appliquer rétroactivement une disposition
répressive qui aurait un caractère plus sévère, pour le justiciable. Toutefois, la loi nouvelle plus
douce se saisit de toutes les infractions qui lui sont antérieures et qui n’ont pas encore été
définitivement jugées, tant pour la qualification que pour le plafond de l’amende qui pourrait
être infligée aux personnes renvoyées.
19. Aux termes des dispositions des articles L. 1522-1 et L. 1531-1 du code général
des collectivités territoriales, les SEM et les SPL sont des sociétés anonymes régies,
sauf dispositions expresses contraires, par le livre II du code de commerce. À l’époque
des faits, jusqu’à la date où elle est devenue société publique locale (SPL) en février 2016,
ALPEXPO était constituée en société anonyme d’économie mixte locale (SEM) donc régie
par les dispositions des articles L. 1521-1, L. 1522-1 et suivants du code général
des collectivités territoriales ainsi que par des articles L. 225-1 et suivants et R. 225-1
et suivants du code de commerce. Les dispositions des articles L. 1251-42 et L. 1251-43
du code du travail précisent que le fait de mettre un salarié à la disposition d’une entreprise
fait l’objet d’un contrat écrit qui explicite la durée ainsi que les caractéristiques de la mission
et les conditions de rémunération du missionnaire.
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Sur l’engagement irrégulier de dépenses par un agent de fait
Sur les faits
20. Comme mentionné aux points 11 et 12, Mme Z, salariée de la société MCG
Managers, est intervenue, en qualité de «
Manager Intervenant
», du 5 mars 2012
au 26 février 2015 auprès de la société ALPEXPO, aux termes du contrat de «
Mise
à disposition de prestations de services en Management de Transition
» conclu entre les deux
sociétés.
21. Dans le cadre de sa mission successivement auprès de MM. les présidents-directeurs
généraux
X et Y,
Mme Z,
qui
n’a
jamais
bénéficié
d’une
délégation
de pouvoir, ni de signature, a effectué des opérations sur le compte bancaire de la société
ALPEXPO au moyen d’une carte bancaire et de chèques. Le contrat souscrit entre la société
ALPEXPO et la société prestataire était un contrat de prestations de service et il n’a jamais
été conclu ni convention tripartite entre ces sociétés et Mme Z, ni contrat de travail
entre elle et la société ALPEXPO, ni convention d’aucune sorte l’habilitant à se substituer
au mandataire social dans les actes de la vie de cette société d’économie mixte, ou précisant
les dépenses qu’elle était autorisée à engager en tant que «
Manager Intervenant
».
22. Il
n’est
pas
contesté
que
Mme Z
qui
avait
été
seulement
missionnée
par son employeur, MCG Managers, auprès la société ALPEXPO, mais n’avait pas de lien
juridique avec cette dernière, a pourtant signé, au nom de la société ALPEXPO,
entre le 29 novembre 2013 et le 1
er
octobre 2014, neuf contrats de travail (sept à durée
indéterminée et deux à durée déterminée). Du 4 novembre 2013 au 16 décembre 2014,
elle a aussi signé douze marchés conclus avec différentes sociétés pour la commande
de biens ou de services.
Sur le droit applicable
23. L’article
L. 313-3
du
code
des
juridictions
financières,
applicable
jusqu’au
31 décembre 2022 et invoqué par le réquisitoire introductif du 16 mai 2019 susvisé,
disposait que «
Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui aura engagé des dépenses
sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet sera passible
de l’amende prévue à l’article L. 313-1
». Depuis le 1
er
janvier 2023, cette infraction a été
remplacée par une infraction codifiée au 3° de l’article L. 131-13 du même code, aux termes
duquel «
Tout justiciable au sens de l’article L. 131-1 est passible de l’amende prévue
au deuxième alinéa de l’article L. 131-16 lorsqu’il […] / Engage une dépense, sans en avoir
le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet
».
24. Conformément au principe précité de la rétroactivité des seules dispositions plus douces,
la loi nouvelle moins sévère se saisit des faits qui lui sont antérieurs et non définitivement
jugés. Ce principe ne trouve à s’appliquer, s’agissant de la présente infraction, que pour
le plafond de l’amende fixé par l’article L. 131-16 du code des juridictions financières,
les éléments constitutifs de l’infraction définie par le 3° de l’article L. 131-13 nouveau
demeurant équivalents à ceux de l’article L. 313-3 abrogé à compter du 1
er
janvier 2023.
Sur la qualification juridique
25. Un contrat dit de « management de transition » ne constitue pas une catégorie juridique
particulière de contrats susceptibles d’être conclus par une société ayant un besoin spécifique
temporaire, mais peut revêtir diverses formes pour servir de support à l’intervention
de la personne missionnée. En l’espèce, la convention proposée le 14 février 2012, et signée
le 1
er
mars 2012, s’est limitée à prévoir que Mme Z, employée par MCG Managers,
conduira une mission auprès de la société ALPEXPO, en tant que «
Manager Intervenant
».
Il s’agit d’un simple contrat de prestations de service qui ne conférait pas à l’intervenante
la capacité juridique d’engager juridiquement et financièrement la société.
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26. Si le contrat stipule en son article 1 que
« la mission du Manager MCG Intervenant couvrira
l’ensemble des composantes d’une Direction Générale
» et que les compétences
de Mme Z en la matière sont mentionnées à l’article 4, il ressort des pièces du dossier
et notamment des procès-verbaux des conseils d’administration de la société ALPEXPO
mentionnés
aux
points
8
et
9
que
ses
présidents
successifs,
MM. X et Y,
ont exercé
de jure
, durant la période où Mme Z était missionnée, les fonctions
de directeur général de la société d’économie mixte, fonctions qui leur conféraient de manière
exclusive la qualité de mandataire social. À ce titre, il leur revenait de représenter la société
vis-à-vis des tiers, notamment dans les actes de la vie courante et lors de la signature
de contrats.
27. L’utilisation de la carte bancaire de la société, ainsi que la procuration bancaire, dont aurait
bénéficié Mme Z mais qui n’est pas attestée par une pièce versée au dossier,
ne lui conféraient que l’apparence de la capacité d’engager les dépenses d’ALPEXPO,
alors que de telles dispositions ne sont régulières que pour autant qu’elles sont conformes
aux statuts et aux règles qui régissent la société. En outre, si une procuration peut,
le cas échéant, dégager la responsabilité du banquier, dans l’hypothèse d’un décaissement
contesté, elle ne peut conférer, à son bénéficiaire, la capacité juridique d’engager la société
vis-à-vis de tiers, qu’ils soient fournisseurs ou salariés.
28. Mme Z a cependant signé les actes juridiques mentionnés au point 22 et engagé
les dépenses correspondantes (versement de salaires et paiement des factures
des fournisseurs), postérieurement au 31 octobre 2013 et jusqu’à la fin de l’année 2014,
alors qu’elle n’était ni mandataire social, ni même employée de la société ALPEXPO,
ainsi qu’il ressort explicitement de l’article 5 du contrat qui liait la société à MCG Managers.
Aucune stipulation contractuelle ou délibération du conseil d’administration de la société
ALPEXPO n’a conféré à Mme Z, intervenant auprès de cette société dans le cadre
d’une mission par nature temporaire, initialement fixée à cinq mois et prolongée par avenants
durant trois années, le pouvoir de conclure des contrats ni d’engager des dépenses au nom
de la société ALPEXPO. En conséquence, Mme Z a enfreint la règle en vertu
de laquelle les dépenses d’un organisme ne peuvent être engagées que par les personnes
juridiquement habilitées à le faire selon les règles applicables à l’organisme concerné,
par décision du mandataire social ou à la suite d’une délibération du conseil d’administration.
La jurisprudence de la Cour de cassation, que Mme Z invoque pour sa défense,
renforce cette analyse, puisqu’elle n’évoque que des hypothèses de délégations de pouvoir
intervenues au sein d’une même société, ou d’un même groupe de sociétés.
29. Les éléments constitutifs de l’infraction, prévue initialement
à l’article L. 313-3 du code
des juridictions financières et, depuis le 1
er
janvier 2023, au 3° de l’article L. 131-13 du même
code, sont de ce fait réunis et il convient de considérer, en conséquence, que l’infraction
a bien été commise.
Sur l’imputation des responsabilités
30. L’infraction est imputable à Mme Z, directrice de fait de la société ALPEXPO
depuis le 5 mars 2012, et en fonction durant la période non prescrite postérieure
au 31 octobre 2013 et jusqu’au 26 février 2015, qui a exécuté les dépenses afférentes
aux contrats qu’elle avait conclus au nom de la société ALPEXPO sans avoir compétence,
ni reçu délégation pour le faire.
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Sur les dépenses indues payées au bénéfice direct ou indirect du «
Manager
Intervenant
»
Sur les faits
31. Pendant sa mission, Mme Z a engagé des dépenses que la décision de renvoi
du 18 janvier 2023 susvisée qualifie de «
dépenses personnelles de loisirs, donc étrangères
à l’objet social de la société ALPEXPO et à sa mission, telles que l’achat d’un billet d’avion
au bénéfice de son mari pour un montant de 3 149 € en janvier 2014, l’achat d’une prestation
auprès d’un opérateur de tours de golf pour un montant de 1 725 € en octobre 2014
et la réalisation de dépenses en doubles paiements relatives à des achats de voyages en train
et taxi entre le domicile de Mme Z et Grenoble
pour des montants respectifs
de 10 180,20 € et 2 342,80 €
». Indépendamment de leur qualification, lesdites dépenses
sont attestées dans la comptabilité de la société.
32. Le contrat de «
Mise à disposition de prestations de services en Management
de Transition
», conclu le 1
er
mars 2012 par les sociétés ALPEXPO et MCG Managers,
prévoyait, en son article 5, la facturation mensuelle par la seconde à la première,
«
en complément de la facture d’honoraires
», de «
Frais de déplacements liés à la mission
»,
correspondant aux «
frais du Manager MCG Intervenant
[…] : avion, train, péage, parking, taxi,
repas, hôtels
» et le cas échéant, à ceux du «
Manager MCG Encadrant »
de la mission.
33. Il ressort, par ailleurs, de la comptabilité de la société MCG Managers, produite en cours
d’instruction, que cette société versait à Mme Z, demeurant en région parisienne,
une somme mensuelle de 1 800 € pour l’indemniser de l’«
éloignement
» dû à sa mission
se déroulant principalement à Grenoble, siège de la société ALPEXPO. Cette indemnité,
stipulée au B de l’article 13 du contrat de travail qu’elle avait conclu le 2 mars 2012 avec MCG
Managers correspond aux stipulations de l’article 53 de la convention collective nationale
des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés
de conseils. Le même article de son contrat de travail stipulait que les frais
que Mme Z engagerait «
pour
[se]
rendre sur le lieu de
[sa]
mission (Trajet Domicile-
Travail, Hébergement, Repas, Téléphone…) seront couverts sur présentation des justificatifs
par la SAEM ALPEXPO
», laquelle s’obligeait par ailleurs à mettre à sa disposition un lieu
d’hébergement.
Sur le droit applicable
34. Conformément au principe de rétroactivité
in mitius
des lois répressives, la loi nouvelle
plus douce se saisit de toutes les infractions antérieures constatées et non définitivement
jugées, sous la condition qu’elles répondent à sa rédaction et que la sanction prononcée
ne soit pas rendue plus sévère, et que les dispositions nouvelles plus sévères ne s’appliquent
pas rétroactivement aux faits antérieurs à leur entrée en vigueur.
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35. L’article
L. 313-4
du
code
des
juridictions
financières,
applicable
jusqu’au
31 décembre 2022 et invoqué à l’appui du réquisitoire introductif du 16 mai 2019 susvisé,
disposait que
« Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus
aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes
et des dépenses de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés
à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle
desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation
aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1.
[…]
».
Depuis le 1
er
janvier 2023, il a été substitué à cette infraction celle codifiée à l’article L. 131-9
du code des juridictions financières, aux termes duquel est exigée, outre la preuve
d’une «
infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses
ou à la gestion des biens
» de l’organisme, la démonstration d’une faute grave ayant causé
un préjudice financier d’un montant significatif. Cette disposition doit être considérée comme
une loi nouvelle plus douce par rapport à l’article L. 313-4 désormais abrogé, et applicable
à l’espèce, conformément au principe précité de la rétroactivité des seules dispositions
plus douces (cf. point 18).
36. Par ailleurs, l’article L. 313-6 du code des juridictions financières désormais abrogé,
disposait que «
Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses fonctions
ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage
injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité
ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible
d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 € et dont le maximum pourra
atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date
de l’infraction
». Depuis le 1
er
janvier 2023, il a été substitué à cette infraction celle codifiée
à l’article L. 131-12 du code des juridictions financières, aux termes duquel «
Tout justiciable
au sens des articles L. 131-1 et L. 131-4 qui, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions,
en méconnaissance de ses obligations et par intérêt personnel direct ou indirect, procure
à une personne morale, à autrui, ou à lui-même, un avantage injustifié, pécuniaire
ou en nature, est passible des sanctions prévues à la section 3
».
37. Le ministère public a invité la Cour à considérer que si les dispositions de l’article L. 313-6
du code des juridictions financières ne permettaient pas de sanctionner l’octroi d’avantages
indus à soi-même, les mêmes faits pouvaient cependant être appréhendés sur le fondement
de l’article L. 313-4 et qu’en conséquence, c’est sans élargissement du champ des faits
poursuivis, désormais susceptibles d’être sanctionnés par la chambre du contentieux
de la Cour des comptes, que pourraient être invoqués aujourd’hui à l’appui de la décision
de renvoi les dispositions des articles L. 131-9 et L. 131-12 du code des juridictions
financières, à la condition expresse, toutefois, que soient réunis les éléments constitutifs
de ces infractions telles que l’ordonnance du 23 mars 2022 précitée en a modifié la définition.
38. S’il apparaît bien que l’ordonnance du 23 mars 2022 susvisée n’a pas, sur ce point précis,
élargi le périmètre des faits sanctionnables, du moins en apparence, il demeure que le nouvel
article L. 131-12 du code des juridictions financières décrit une infraction qui présente
les caractéristiques d’une loi complexe, modifiant la loi ancienne sur deux points non divisibles
de sens opposé. Au cas d’espèce, l’extension portée par l’ordonnance précitée de l’infraction
aux avantages indus procurés à soi-même, ne peut avoir de portée rétroactive et s’appliquer
à des faits survenus avant le 1
er
janvier 2023.
39. Au reste, bien que le fait de procurer à soi-même un avantage indu aurait pu être
appréhendé, jusqu’au 31 décembre 2022, au titre de l’article L. 313-4 du code des juridictions
financières, dès lors qu’était prouvé un manquement à une règle d’exécution de la dépense,
les conditions nouvelles dont un tel manquement est aujourd’hui assorti par l’article L. 131-9,
ne permettent pas de qualifier ici une infraction sur le fondement de la loi nouvelle.
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40. Enfin, le principe précité de la rétroactivité des seules dispositions réputées plus douces
vaut également pour la détermination de l’amende dont le plafond est fixé par l’article L. 131-16
du code des juridictions financières, à un montant inférieur à celui fixé, par la législation
abrogée, pour les infractions des anciens articles L. 313-4 et L. 313-6.
Sur la qualification juridique
41. Certaines
des
dépenses,
dont
la
décision
de
renvoi
allègue
l’irrégularité,
comme susceptibles de présenter un caractère étranger à l’objet social d’ALPEXPO,
mais qui ne peuvent pas être qualifiées d’avantages indus procurés à autrui, ne sauraient faire
l’objet d’une sanction au titre des dispositions du code des juridictions financières aujourd’hui
applicables.
42. Toutefois, en procédant à l’achat d’un billet d’avion, au bénéfice de son conjoint,
dans le cadre d’un déplacement aux États-Unis d’Amérique pour un montant de 3 149 €
en janvier 2014, fût-ce au terme d’un échange de courriels avec M. X, président-
directeur général, Mme Z a engagé, au bénéfice d’autrui, une dépense étrangère
à l’objet social de la société ALPEXPO, sans lien avec la mission de celle-ci et en contradiction
avec
les
règles
d’exécution
des
dépenses
de
l’organisme.
Mme Z
a
agi
en méconnaissance de ses obligations, puisqu’elle a violé les règles applicables à l’utilisation
des cartes de paiement d’ALPEXPO ainsi que les règles statutaires de la société d’économie
mixte dont l’article 19, réformé en 2015, dispose que le directeur général exerce ses pouvoirs
dans la limite de l’objet social.
43. À cette occasion et en faisant supporter à la société ALPEXPO une dépense étrangère
à son objet, elle a, non seulement procuré à autrui un avantage injustifié, mais encore causé
un préjudice à la société. Au demeurant, il apparaît que Mme Z a également agi
par intérêt personnel, direct et indirect, s’agissant des avantages qu’elle a procurés
à son conjoint, avec lequel elle entretient un lien suffisant pour établir l’existence d’un tel
intérêt.
44. Les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 131-12 du code des juridictions
financières, en vigueur depuis le 1
er
janvier 2023, sont de ce fait réunis, et il convient dès lors
de considérer que l’infraction a été commise.
Sur l’imputation des responsabilités
45. L’infraction est directement imputable à Mme Z, directrice de fait d’ALPEXPO
depuis le 5 mars 2012 et en fonction durant la période non prescrite postérieure
au 31 octobre 2013 et jusqu’au 26 février 2015, qui a pris l’initiative de cette dépense,
l’a engagée et acquittée
via
le compte bancaire de la société.
Sur
les
fautes
graves
alléguées
commises
dans
la
gestion
d’ALPEXPO
par les dirigeants successifs de la société ayant entraîné un préjudice financier
significatif
Sur les faits et les éléments retenus dans la décision de renvoi du ministère public
46. Il est constant et non contesté qu’il incombe un devoir général d’organisation, de contrôle
et de surveillance à tout dirigeant d’un organisme. En l’espèce, les présidents-directeurs
généraux
successifs,
MM. X,
en
fonctions
jusqu’au
27 mai 2014,
et
Y,
du 28 mai 2014 au 20 août 2017, étaient investis, «
des pouvoirs les plus étendus pour agir
en toute circonstance au nom de la société
» et pour la représenter «
dans ses rapports
avec les tiers
», aux termes des statuts successifs de la société ALPEXPO susvisés.
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47. La décision de renvoi du 18 janvier 2023 susvisée considère successivement
cinq catégories de faits comme éléments constitutifs d’une infraction, soit le défaut
de
surveillance
des
agissements
de
Mme Z,
le
désordre
constaté
dans la conservation de documents comptables, voire la tenue de la comptabilité,
qui ne permettrait pas d’établir avec certitude le montant de la dette dont Mme Z
serait restée redevable envers la société ALPEXPO, l’absence de diligences menées
à terme en vue de recouvrer cette dette, des défaillances dans l’exécution du contrat
de «
Mise à disposition de prestations de services en Management de Transition
»
avec la société MCG Managers, notamment l’absence d’établissement d’une lettre de mission
de
Mme Z,
et
enfin
le
non-respect
de
certaines
dispositions
réglementaires
en matière de commande publique.
48. Par ailleurs, la décision de renvoi identifie le montant du préjudice financier significatif,
associé à ces manquements, d’une part au montant des honoraires versés par la société
ALPEXPO à MCG Managers dans le cadre de l’exécution du contrat, d’autre part, au total
des dépenses dont Mme Z serait encore redevable «
montant qui ne peut être
déterminé précisément […], mais qui n’est pas inférieur à 12 000
€
». Le ministère public
apprécie le caractère significatif dudit préjudice «
à l’aune de l’entité qu’était la direction
générale de fait assurée par Mme Z
». Il prend en considération le fait que
les dépenses relatives à l’exécution du contrat avec MCG Managers n’ont pas fait l’objet
d’une décision formelle de la part du conseil d’administration, et le coût de ce contrat, en valeur
absolue et relative comparé à la rémunération d’un directeur général, notamment celle perçue
par le directeur général recruté par la société ALPEXPO en août 2017. Il prend enfin
en considération les résultats financiers dégradés de la société ALPEXPO, que ces dépenses
auraient contribué à aggraver.
Sur le droit applicable
49. L’article
L. 313-4
du
code
des
juridictions
financières,
applicable
jusqu’au
31 décembre 2022 et invoqué à l’appui du réquisitoire introductif du 16 mai 2019 susvisé,
disposait que «
Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui […] aura enfreint les règles
relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’État ou des collectivités,
établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens
leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements
ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible
de l’amende prévue à l’article L. 313-1
». Depuis le 1
er
janvier 2023, il a été substitué
à cette infraction, celle codifiée à l’article L. 131-9 du code des juridictions financières
aux termes duquel «
Tout justiciable au sens de l’article L. 131-1 qui, par une infraction
aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens
de l’État, des collectivités, établissements et organismes mentionnés au même article
L. 131-1, commet une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif, est passible
des sanctions prévues à la section 3. / Les autorités de tutelle de ces collectivités,
établissements ou organismes, lorsqu’elles ont approuvé les faits mentionnés au premier
alinéa, sont passibles des mêmes sanctions. / Le caractère significatif du préjudice financier
est apprécié en tenant compte de son montant au regard du budget de l’entité ou du service
relevant de la responsabilité du justiciable
»
.
50. Le principe précité de la rétroactivité des seules dispositions réputées plus douces
vaut également pour la détermination de l’amende fixée désormais par l’article L. 131-16
du code des juridictions financières, dont le plafond est désormais inférieur à celui fixé,
par la législation abrogée, pour l’infraction définie par l’ancien article L. 313-4.
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51. Conformément au principe précité de la rétroactivité des seules dispositions réputées
plus douces, ainsi qu’il est rappelé au point 18, la loi nouvelle plus douce se saisit de toutes
les infractions antérieures constatées et non définitivement jugées, sous la condition
qu’elles répondent à la définition de la loi nouvelle. Ainsi, en exigeant la démonstration
d’une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif, la nouvelle disposition,
contenue dans l’article L. 131-9 du code des juridictions financières, doit être considérée
comme une loi nouvelle plus douce par rapport à l’ancien article L. 313-4 : elle peut dès lors
s’appliquer aux faits antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance susvisée.
Sur la qualification juridique des faits au regard des exigences de l’article L. 131-9 du code
des juridictions financières
52. Indépendamment
des
manquements
poursuivis
et
de
leur
gravité
supposée,
dans la limite des seuls éléments relatifs à l’existence d’un préjudice financier significatif,
dont la Cour est saisie, il demeure impossible d’apprécier le montant des sommes
dont Mme Z serait restée redevable, alors qu’il n’est pas suffisamment démontré que
l’exécution du contrat passé avec MCG Managers ait constitué une dépense ayant contribué
à aggraver le résultat financier de la société ALPEXPO. Il en va de même des contrats
qui auraient été conclus au cours de la période non prescrite, sans avoir été précédés
d’une publicité ou d’une mise en concurrence suffisantes, dont il ne ressort pas des pièces
du dossier qu’ils auraient entraîné un préjudice financier significatif, au détriment de la société.
53. Dès lors, le préjudice financier et son caractère significatif, au sens de l’article L. 131-9
précité du code des juridictions financières, entré en vigueur le 1
er
janvier 2023, ne sont pas
établis. Ainsi, tous les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis. En conséquence,
il y a lieu de relaxer des fins des poursuites engagées à leur encontre MM. X
et Y.
Sur les circonstances
54. Il y a lieu de considérer, d’une part, que Mme Z a fourni, ainsi que le conseil
d’administration l’a régulièrement relevé, une importante contribution personnelle à la gestion
de la société ALPEXPO, mais que, d’autre part, elle a laissé perdurer des pratiques
défaillantes, marquées notamment par le mésusage de la carte bancaire de la société.
Sur l’amende
55. Il sera fait une juste appréciation de la gravité des faits, de leur caractère répété
et des circonstances de l’espèce, en infligeant à Mme Z une amende de 3 500 €,
soit un montant inférieur au plafond fixé par l’article L. 131-6 du code des juridictions
financières.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
. – Mme Z
est
condamnée
à
une
amende
de
trois
mille
cinq cents euros (3 500 €).
Article 2. – MM. X et Y sont relaxés des fins des poursuites.
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Article 3. – Le présent arrêt sera publié au
Journal officiel
de la République française.
Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de chambre, président de la formation ;
MM. Jean-François GUILLOT, Denis BERTHOMIER, Gilles MILLER, conseillers maîtres,
Mme Michèle COUDURIER, conseillère maître, M. Patrick SITBON, conseiller maître,
M. Alain STÉPHAN,
président
de
section
de
chambre
régionale
des
comptes,
MM. Nicolas-Raphaël FOUQUE
et
Louis-Damien FRUCHAUD,
premiers
conseillers
de chambre régionale des comptes et M. Arnaud PIERRAT, conseiller de chambre régionale
des comptes.
En présence de Mme Vanessa VERNIZEAU, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Vanessa VERNIZEAU
Jean-Yves BERTUCCI
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d’appel devant
la Cour d’appel financière dans le délai de deux mois à compter de la notification. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un arrêt
peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues
aux articles R. 142-4-6 et R. 142-4-7 du même code.