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QUATRIÈME CHAMBRE
S-2023-0248-1
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LES QUARTIERS DE
RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
L
e présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés, a été délibéré par la Cour des
comptes, le 21 février 2023.
En application de l’article L. 143
-1 du code des juridictions financières, la communication de ces observations
est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour arrêter la liste
des destinataires.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHESE
....................................................................................................................
3
RECOMMANDATIONS
..........................................................................................
7
INTRODUCTION
.........................................................................................................
8
1
UNE IMPULSION RENOUVELEE POUR UNE AMBITION ELARGIE
.........
9
1.1
Une priorité renouvelée en 2017 pour la police de sécurité du quotidien
........
9
1.2
Une méthode qui recueille le consensus des forces de sécurité intérieure et
des autres acteurs
............................................................................................
11
1.3
Une méthode confortée par les exemples étrangers
.......................................
15
1.4
Une action de sécurité qui doit s’inscrire dans un schéma interministériel
...16
2
UNE MISE EN ŒUVRE RA
PIDE ET PRAGMATIQUE
..................................
20
2.1
Une médiatisation dynamique
........................................................................
20
2.2
Le pilotage par l’administration centrale
.......................................................
22
2.3
La création des QRR en trois vagues et les déterminants des choix
..............
26
3
DES REUSSITES ET UN
POTENTIEL D’AMEL
IORATION
.........................
30
3.1
Une mise en œuvre généralement appréciée par les responsables locaux
.....
30
3.1.1 QRR gendarmerie de Fosses-Louvres (2
e
vague)
............................................
30
3.1.2 QRR gendarmerie de Lunel-Mauguio (2
e
vague)
............................................
32
3.1.3 QRR La Mosson de la CSP de Montpellier (1
e
vague)
...................................
33
3.1.4 QRR Angoulême-
Soyaux de la CSP d’Angoulême (2
e
vague)
.......................
35
3.1.5 Les deux QRR de la CSP de Strasbourg (1
e
et 3
e
vagues)
..............................
36
3.1.6 Les QRR de Paris et Saint-Denis
–
préfecture de police de Paris
...................
39
3.2
Les améliorations possibles pour les QRR
.....................................................
42
3.2.1 Un découpage géographique imposé qui pourrait mieux prendre en compte les
besoins locaux
.................................................................................................
43
3.2.2 Des effectifs significatifs maintenus dans le temps
.........................................
46
3.2.3 Une simplification des procédures judiciaires qui déçoit les enquêteurs
........
50
3.2.4 Les expériences et les bonnes pratiques doivent être mieux partagées
...........
51
3.3
Un développement apprécié du partenariat malgré une comitologie lourde ..53
3.3.1 Les cellules de lutte contre les trafics et les partenariats interministériels
......
53
3.3.2 Les groupes de partenariat opérationnel (GPO)
..............................................
54
3.3.3 Les polices municipales ont une place variable
..............................................
56
4
UNE MESURE INSUFFISANTE DES RESULTATS
.......................................
60
4.1
Le Lab’PSQ à la recherche d’une évaluation qualitative
...............................
60
4.2
Les administrations centrales collationnent les informations locales
............
64
4.3
La mesure inachevée de la satisfaction de la population
...............................
66
LISTE DES ABREVIATIONS
..................................................................................
73
ANNEXES
....................................................................................................................
75
Annexe n° 1.
Cartographie des QRR
..................................................................................
76
Annexe n° 2.
Les 20 « départements mieux accompagnés » de la DGGN
.........................
78
Annexe n° 3.
Les exemples étrangers
.................................................................................
79
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
3
SYNTHESE
Le Gouvernement a défini en 2017 et 2018 une méthode pour mettre la police au service
de la sécurité des citoyens et habitants, qui comprend des objectifs, une organisation et des
moyens.
Il s’agi
ssait, selon le discours du Président de la République aux forces de sécurité
intérieure du 18
octobre 2017 d’une «
grande réforme majeure du quinquennat dans le domaine
de la sécurité intérieure
». Cette police de sécurité du quotidien (PSQ) vise un meilleur service
à la population grâce la déconcentration des prises de décision et à
l’autonomie accordée aux
échelons locaux, à une approche partenariale des questions de sécurité afin de faire concourir
tous les participants au même but et à la prise en compte des demandes de la population pour
le règlement des nuisances du quotidien.
Les quartiers de reconquête républicaine (QRR) sont des zones géographiques
caractérisées par des difficultés plus importante
s qu’ailleurs, qui tiennent au niveau de la
délinquance mesurée mais aussi à des paramètres extérieurs aux forces de police et
gendarmerie, tels que l’urbanisme, la sociologie et l’économie
; ce sont souvent des quartiers
prioritaires de la politique de la ville. Dans ces QRR,
l’action des forces de sécurité intérieure
est renforcée par des effectifs supplémentaires et par une concertation active avec le procureur
de la République dans les cellules de lutte contre les trafics. L’action concertée avec les
partenaires, générale pour la PSQ, y prend une importance plus grande en raison de la
coordination nécessaire de différentes politiques publiques : rénovation urbaine, éducation,
jeunesse, transport, etc.
La PSQ a tiré les enseignements de l’échec de la poli
ce de proximité entre 1995 et 2003.
Elle a été très bien accueillie, voire souhaitée, par les administrations centrales de la police et
de la gendarmerie, qui l’on
t
rapidement déclinée. Elle recueille l’assentiment d’une majorité
des policiers et gendarmes.
Le dispositif propre aux QRR a été lancé en septembre 2018, avec l’identification des
15
premiers quartiers et s’est poursuivi par d’autres créations qui ont porté le nombre de QRR
à 62 au début de l’année 2022. Six quartiers sont situés en zone de comp
étence de la
gendarmerie. Deux QRR sont installés outremer.
Les moyens renforcés ont été mis en place et maintenus depuis le début des QRR
Dans les QRR, les renforts ont été affectés dans des volumes proches des projets
initiaux, qui prévoyaient 1 300 policiers supplémentaires pour 60 QRR (en moyenne 21 ou 22).
En juin 2022, la France compte 62 QRR, dont 56 en zone de compétence de la police nationale,
avec la création de 1 089 postes (en moyenne 19 ou 20). La gendarmerie a adopté les QRR dès
la deuxième vague, en 2019 ; elle en anime maintenant 6, qui ont reçu au total 60 gendarmes
supplémentaires (10 chacun). Ces effectifs ont été maintenus dans le temps, malgré quelques
vacances temporaires liées aux contraintes de gestion pour organiser les mutations. Cette
constance, depuis 2018 ou 2019 pour les QRR des première et deuxième vagues, montre que
cette politique publique est suivie avec rigueur.
Les effectifs policiers ont été affectés en partie aux brigades spécialisées de terrain
(BST), soit pour les renforcer, soit pour les créer ; ces brigades ont pour vocation principale de
patrouiller dans les QRR, autant que possible à pied, afin d’y d’établir les contacts avec la
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
4
population et d’exercer une action de prévention.
La préfecture de police de Paris a nommé ses
unités brigades territoriales de contact (BTC) et leur a donné une mission plus orientée vers la
lutte contre la délinquance. Ces unités fonctionnent bien, dans la mesure où les cadres ont été
choisis avec une appétence pour cette activité et une connaissance des quartiers visés. Les
méthodes des brigades spécialisées de terrain
peuvent varier d’un département à l’autre, en
particulier dans la proportion des patrouilles à pied ou en véhicule, qui dépend des
configurations locales. Sur ce point comme
sur d’autres, des échanges d’expériences sont
souhaitables.
Les autres renforts ont permis, selon les cas, de remettre à niveau les unités de police
secours des circonscriptions de sécurité publique ou de renforcer les enquêteurs de la sécurité
publique, p
remier niveau de l’action judiciaire. Les
brigades spécialisées de terrain, en effet,
sont d’autant plus efficaces qu’elles appuient la prévention par des capacités d’intervention,
d’enquête et de sanction.
Pour les QRR de la gendarmerie, les renforts sont affectés aux brigades territoriales
autonomes
, aux brigades de protection des familles ou dans des services d’enquête. La
spécialisation géographique sur les QRR relève de l’organisation du commandant de brigade.
Dans les deux forces, les personnes affectée
s dans les QRR visités lors de l’enquête
avaient en majorité une solide expérience, même si les postes ont parfois été pourvus par des
stagiaires en sortie d’école
.
L’autonomie des responsables locaux est réelle et nécessaire
Chacun des QRR visités lors
de l’enquête présente des caractéristiques propres, que l’on
constate dans le découpage géographique du QRR et dans sa situation dans le ressort de
compétence de la brigade de gendarmerie ou de la circonscription de sécurité publique à
laquelle il appartient.
Les QRR peuvent être constitués d’un seul quartier (par exemple Montpellier
-
La Mosson), de plusieurs quartiers contigus (comme les deux QRR de Strasbourg), ou de
plusieurs quartiers disjoints allant jusqu’à s’étendre sur plusieurs communes (Angoulême
-
Soyaux, Lunel-Mauguio, Fosses-Louvres). La typologie de la délinquance et des problèmes de
sécurité s’inscrit dans un fonds commun dont les paramètres varient selon l’importance des
phénomènes de bandes rivales, de l’état de la rénovation urbaine en cours,
de trafics de
stupéfiants
et de repli communautariste, voire d’intégrisme.
Les périmètres
des QRR ont été arrêtés par le cabinet du ministre de l’intérieur pour les
deux premières vagues dans la zone police, sauf dans le ressort de la préfecture de police de
Paris
. L’analyse par les responsables locaux leur aurait parfois fixé d’autres limites.
L’expérience montre que tous les responsables locaux ont su adapter leur dispositif aux
caractéristiques locales, portant l’action de leurs services parfois hors de
s QRR mais selon les
mêmes méthodes.
La rigidité des consignes nationales était l’une des causes de l’échec de la police de
proximité voici vingt ans. La déconcentration dans les QRR et plus largement dans les secteurs
de la PSQ est l’une des raisons de sa
réussite.
La création des QRR pose par ailleurs la question du destin des zones de sécurité
prioritaires (ZSP) créées en 2012 avec des objectifs très proches de ceux des actuels QRR.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
5
Certains QRR sont d’ailleurs installés sur le territoire de ZSP préexist
antes. Les ZSP survivent
nominalement car elles sont inscrites dans le code de la sécurité intérieure, mais sont obsolètes
car elles ne correspondent plus à des actions propres. Le dispositif des QRR permet de mettre
en extinction celui des ZSP, et surtout
doit être évolutif pour s’adapter aux changements de
contexte ; à défaut, il risque
l’effacement
,
à l’image de ces dernières.
L’approche partenariale est majoritairement saluée
Le succès de la démarche de sécurité du quotidien dans ces QRR est certain car il est
reconnu par les partenaires des forces de sécurité. Deux sondages réalisés en 2020 par le
Lab’PSQ auprès des transporteurs publics et auprès des bailleurs sociaux ont montré une
satisfaction majoritaire chez ces partenaires, malgré quelques réserves sur la disponibilité des
moyens des forces de sécurité ou les relations entre acteurs de terrain, moins fluides qu’entre
cadres.
Les entretiens conduits lors de l’enquête auprès d’un échantillon de partenaires
confirment en 2022 le bon fonctionnement du partenariat.
L’instrument principal des échanges est le groupe de partenariat opérationnel (GPO)
mis en place sur instruction de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). Chaque
QRR a développé un mode de fonctionnement propre, en grande partie en fonction des attentes
des partenaires et selon la place que le maire veut accorder à la cellule de veille de son conseil
local de sécurité et de prévention de la délinquance
(CLSPD), lorsqu’il existe et est actif.
La direction centrale de la sécurité publique réunit des informations sur le nombre de
GPO constitués, le nombre de problématiques identifiées, prises en compte par les partenaires,
et le nombre de problématiques résolues. Cette addition des problématiques « résolues » est un
indicateur utile
pour constater la bonne mise en œuvre des partenariats
mais ne mesure pas la
satisfaction de la population.
La gendarmerie se rattache aux comités mis en place dans les ZSP, mais ceux-ci ne sont
plus réellement actifs. Selon les brigades, les relations reposent surtout sur des échanges
bilatéraux.
La préfecture de police de Paris a adopté les groupes de partenariat opérationnel en
2021, certaines de ses circonscriptions ont aussi maintenu les instances de concertation des
ZSP.
À la lumière des exemples constatés dans huit quartiers de reconquête républicaine
visités pour ce contrôle, la mise en relation des différents partenaires au cours de réunion
périodiques, sur le modèle des GPO ou de la cellule de veille du conseil local de sécurité et de
prévention de la délinquance, semble appréciée par tous les participants, sans que le nom ou
l’appartenance de l’organisateur, qu’il soit le responsable de police dans les GPO ou le maire
dans les CLSPD, ait beaucoup d’importance.
La réunion régulière des partenaires doit donc être encouragé
e, sans qu’il soit nécessaire
de lui imposer un format trop strict.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
6
La prise en compte des demandes de la population et de manière générale les
résultats de la PSQ dans les QRR n’est pas évaluée par des outils appropriés
Ce troisiè
me axe de la PSQ est le plus difficile à évaluer, en raison d’une absence
d’instrument de mesure efficace.
Le Lab’PSQ est chargé d’une fonction d’observatoire des résultats qu’il remplit à partir
des indicateurs de l’état 4001, pourtant peu significatifs à l’échelle de la plupart des QRR, en
raison du petit nombre de faits constatés. Pris globalement, les QRR présentent des résultats
meilleurs que la moyenne nationale dans la réduction des violences physiques et les taux
d’élucidation, mais
ces agrégats ne permettent pas une analyse approfondie. La direction
générale de la gendarmerie nationale (DGGN)
a développé le même type d’approche en puisant
dans son infocentre des agrégats plus fins, donc avec des volumes réduits qui limitent la qualité
de l’informat
ion.
Au demeurant, les données diffusées par le service statistique ministériel de la sécurité
intérieure (SSMSI)
, sur lesquelles s’appuie le Lab’PSQ, sont annuelles et leur publication est
tardive
: en juin 2022, le dernier état du Lab’PSQ s’arrêtait aux données de l’année 2020.
Une enquête universitaire annuelle, dite EQP (
E
nquête nationale sur la
q
ualité du lien
entre la
p
opulation et les forces de sécurité intérieure)
, est financée depuis 2019 par le Lab’PSQ,
mais la constitution de son échantillon, auprès des habitants qui entrent en contact avec la police
et la gendarmerie, n’est pas neutre et le taux de réponse du panel est très faible. Les deux
premières éditions de l’enquête, EQP19 et EQP20, ne permettent aucune déduction ou analyse
sur l’amélior
ation des relations entre la police et la population.
En définitive, les éléments réunis par le Lab’PSQ ne permettent pas encore une
évaluation des résultats de la PSQ, y compris dans les QRR. Le ministère de l’intérieur doit
coordonner ses différents services : la police nationale et sa sécurité publique, la gendarmerie,
le service statistique ministériel de la sécurité intérieure
(dont une partie de l’activité doit
répondre aux besoins d’analyse du ministère) et
le
Lab’PSQ pour élaborer des outils de mesu
re
de la qualité de l’action des forces de sécurité et de service rendu aux citoyens.
Le manque d’outil pour mesurer les résultats reflète d’ailleurs le silence des concepteurs
sur les conditions qui permettraient de déclarer que la « reconquête républicaine
» d’un quartier
est achevée. Or
, la reconquête est un processus qui doit s’inscrire dans une dynamique et ne
peut se prolonger indéfiniment. Pour faire vivre et évoluer le dispositif des QRR, le
Gouvernement doit définir un objectif de normalisation pouvant être atteint dans ces quartiers.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
7
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 :
(secrétaire
général
du
ministère
de
l’intérieur
)
Mettre
officiellement en extinction le dispositif des zones de sécurité prioritaires (ZSP).
Recommandation n° 2 :
(directeur général de la police nationale, directeur général de la
gendarmerie
nationale,
préfet
de
police
de
Paris)
Organiser
des
rencontres
interdépartementales pour favoriser les échanges de bonnes pratiques de la sécurité du
quotidien.
Recommandation n° 3 :
(secrétaire
général du ministère de l’intérieur
, directeur général
de la police nationale, directeur général de la gendarmerie nationale, préfet de police de
Paris) Développer une méthode de mesure des résultats dans les quartiers de reconquête
républicaine
qui prenne en compte l’objectif principal d’amélioration de la satisfac
tion des
habitants.
Recommandation n° 4 :
(secrétaire général du ministère de l’intérieur
, directeur général
de la police nationale, directeur général de la gendarmerie nationale) Étudier le rattachement
du Lab’PSQ aux deux directions générales et développer ses fonctions de ce
rcle de réflexion
et d’incubateur.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
8
INTRODUCTION
Le Gouvernement a défini en 2017 et 2018 une méthode pour mettre la police au service
de la sécurité du quotidien des citoyens et habitants, qui comprend des objectifs, une
organisation et des moyens. La méthode de la police de sécurité du quotidien (PSQ) et les
particularités des quartiers de reconquête républicaine (QRR)
ont été d’abord annoncées par le
Président de la République lors de son discours aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre
2017 comme une «
réforme majeure du quinquennat dans le domaine de la sécurité
intérieure
».
Les quartiers de reconquête républicaine sont des zones géographiques caractérisées par
des difficultés plus importantes qu’ailleurs, qui tiennent au niveau de
la délinquance mesurée
mais aussi à des paramètres extérieurs aux forces de police et gendarmerie, tels que l’urbanisme,
la sociologie et l’économie. Dans ces QRR, les modalités de mise en œuvre de la police de
sécurité du quotidien bénéficient d’un surcroît d’eff
ectifs et de moyens.
Le dispositif des QRR prolonge une pratique historique des renforts par quartier : avant
les QRR, les zones de sécurité prioritaires (ZSP) organisaient déjà des renforts localisés des
forces de sécurité intérieure. Le dispositif propre aux QRR a été lancé en septembre 2018, avec
l’identification des 15
premiers quartiers
et s’est poursuivi par d’autres création
s qui ont porté
le nombre de QRR à 62 au début de l’année 2022. Six
quartiers sont situés en zone de
compétence de la gendarmerie et huit dans le ressort de la préfecture de police de Paris. Sur
l’ensemble, deux
QRR sont installés outremer
, l’un en zone police et l’autre en zone
gendarmerie.
La Cour des comptes a inscrit le contrôle des QRR à son programme avec l’objectif
d’évaluer
la politique publique mise en œuvre car les annonces prévoyaient d’affecter aux QRR
une part importante
, jusqu’à 1
300 policiers sur les 10 000 créations de postes de policiers et
gendarmes du quinquennat.
L’objectif
initial était
de procéder à l’évaluation d’un dispositif
particulier mis en place dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, mais l’absence de
données pour en mesurer les résultats ne permettait pas de l
’atteindre.
La Cour a déjà relevé
dans son récent référé du 28 juillet 2022 «
Mie
ux mesurer l’activité des forces de sécurité
intérieure
»
, le manque d’outils de mesure de la qualité de service
; cette carence limite
l’évaluation de l’action publique.
Ce rapport vise donc à établir
l’efficacité du dispositif
; il s’appuie sur
un grand nombre
d’entretiens avec les décideurs des administrations centrales, les responsables des services
déconcentrés de la sécurité publique, la préfecture de police de Paris et les commandants des
unités de gendarmerie départementale. Des partenaires extérieu
rs au ministère de l’intérieur,
associés à la mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien dans les QRR
, ont aussi apporté
leur témoignage.
Les quatre chapitres du rapport présentent la conception du dispositif, sa déclinaison par
les
administrations centrales, sa mise en œuvre par les unités et services sur le territoire et les
enseignements que l’on peut en tirer, enfin les progrès à faire dans la mesure des résultats.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
9
1
UNE IMPULSION RENOUVELEE POUR UNE AMBITION
ELARGIE
La police de sécurité du quotidien confirme, avec une méthode renouvelée, des objectifs
classiques. Cette méthode nouvelle est bien acceptée par les acteurs, dont les forces de sécurité
intérieure. Elle transpose en France un modèle dont la réussite est attestée à l’étr
anger.
Toutefois, elle s’inscrit dans un schéma transversal dont le volet interministériel n’est pas piloté
à l’échelon central.
1.1
Une priorité renouvelée en 2017 pour la police de sécurité du quotidien
Le dispositif actuel de la police de sécurité du quotidien (PSQ) et des quartiers de
reconquête républicaine (QRR) met en œuvre une directive
du Président de la République lors
de son discours aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre 2017, annonçant en particulier
à l’intention des forces du ministère de l’intérieur
la volonté de réformer «
la lutte contre
l’insécurité et la mise en place de la
police de sécurité du quotidien
. » Le Président de la
République fixait par ailleurs des objectifs à d’autres services de l’État,
en indiquant, par
exemple, que la réforme de la police de sécurité du quotidien sera aussi «
articulée et
concomitante avec celle de la procédure pénale et de la justice
».
L’objectif
de cette réforme
est de faire baisser l’insécurité
ressentie par les citoyens en
combattant l’augmentation des infractions subies au quotidien
. Il est illustré dans le discours
par
l’exemple des vols violents, des vols de véhicules
, des coups et blessures, des cambriolages,
mais aussi «
tout ce qu’on ne m
esure pas
». Parmi ces nuisances qui ne sont, en effet, pas toutes
suivies par les statistiques de la délinquance, l
’attention est portée sur
les rodéos sauvages, les
occupations de halls d’immeubles, les incivilités et le harcèlement
.
C’est avant tout la
méthode à développer qui caractérise la réforme. Elle consiste à
transformer
les modes d’action des forces de sécurité intérieures (FSI) afin de remettre au
premier rang de la mission des policiers et gendarmes «
le service de la population, la lutte
contre la délinquance et la criminalité du quotidien
. » L
’action
doit être soutenue par des
moyens «
humains, matériels et technologiques
. » Les trois axes de progrès annoncés sont :
-
«
donner aux forces de sécurité les moyens et les méthodes pour agir plus efficacement
. »
Les moyens comprennent une augmentation des effectifs de 10 000 policiers et gendarmes
en cinq ans, ainsi que des marges gagnées sur l’allègement des tâches administratives, des
transferts de missions à d’autres services et la formation
;
-
«
déconcentrer davantage les politiques de sécurité en accordant plus d’autonomie aux
échelons locaux
» et en vitalisant les partenariats locaux et la coaction avec les acteurs
publics et privés ;
-
«
renforcer les liens avec la population
» par l’analyse de
ses attentes, de meilleurs
échanges et une communication plus efficace.
Le discours du Président de la République a été préparé par une note du ministère de
l’intérieur intitulée
: « Protéger, garantir et servir
–
Feuille de route pour le ministère de
l’in
térieur
». Cette feuille de route couvre un large spectre de services et d’activités du
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
10
ministère. Dans le champ de l’enquête
(PSQ et QRR), elle fait «
le choix de la
déconcentration
» présenté comme une rupture méthodologique avec la tradition centralisatrice
du ministère et vise à «
faire reculer l’insécurité au quotidien
» et «
rendre le service public
plus proche, plus simple, plus moderne
».
La feuille de route du ministère prépare la PSQ sans mentionner les quartiers de
reconquête républicaine, mais leur création ultérieure répond bien à la logique de la sécurité du
quotidien
car ils sont une modalité de mise en œuvre des nouvelles orientations.
Deux au moins des trois objectifs principaux fixés
–
le rapprochement de la police et
des populations et le développement des partenariats locaux
–
s’inscrivent dans la continuité
des politiques publiques antérieures. Ainsi, la loi disposait dès 1995 que «
l'extension à
l'ensemble du territoire d'une police de proximité répondant aux attentes et aux besoins des
personnes en matière de sécurité
» est l’une des orientations permanente
s de la politique de
sécurité
1
. La loi de 1995 développait aussi le principe du partenariat : «
S'il [revient à l’État]
d'utiliser au mieux les moyens dont il dispose en propre, il lui appartient aussi de veiller à ce
que les autres acteurs de la sécurité que sont les maires et leurs services, d'une part, et, d'autre
part, les professions de sécurité exercent leurs fonctions ou leurs activités dans un cadre clair
qui organise les complémentarités
. »
2
L’approche partenariale, ou du moins l’une de ses
applications, est inscrite depuis 2012 dans l’article L.132
-3 du code général de la sécurité
intérieure qui dispose que «
le maire est informé sans délai par les responsables locaux de la
police et de la gendarmerie nationales des infractions causant un trouble à l’ordre public
commises sur le territoire de la commune
»
3
.
La « police de proximité » créée par la loi de 1995 a connu quelques vicissitudes mais
les idées ont avancé et un rapport
de la mission permanente d’évaluation de la politique de
prévention de la délinquance
4
rédigé en 2014 rappelait
, par exemple, qu’en matière
de démarche
partenariale et de prévention, la DGGN a donné en 1999, puis renouvelé en 2011, des
instructions pour que chaque groupement de gendarmerie désigne un officier plus spécialement
chargé «
d’assister le commandant de groupement dans son rôle d’acteur et d’animateur de la
démarche partenariale locale en matière de sécurité
». Dans la police,
à défaut d’instruc
tions
de la direction générale de la police nationale (DGPN), les départements avaient
l’initiative de
leur dispositif et la mission a constaté que quelques-uns «
s’étaient organisés pour mettre en
place un véritable pilotage
».
La création des QRR trouve aussi un antécédent dans les zones de sécurité prioritaires
(ZSP), créées par l
a circulaire du ministre de l’intérieur du 30 juillet 2012
afin de «
répondre,
au plus près, aux préoccupations de nos concitoyens, souvent parmi les plus démunis,
confrontés dans des quartiers urbains ou dans des territoires ruraux à la délinquance, à la
violence et aux trafics de toutes sortes qui sapent les fondements mêmes de notre société et
mettent en péril le lien social. (…)
Conformément aux engagements du Président de la
1
Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, article 3.
2
Loi n° 95-73, annexe I
–
Rapport sur les orientations de la politique de sécurité
.
3
Disposition codifiée par l’o
rdonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la
sécurité intérieure.
4
Gouvernance locale de la prévention de la délinquance
; rapport N° 14-102/14-
055/101 de l’inspection
g
énérale de l’administration de septembre 2014, rédigé aussi par l’
inspection générale des services judiciaires,
l'inspection générale des affaires sociales, l'inspection générale de l’éducation nationale, l'inspection générale
de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche et le conseil général de l’environnement et du
développement durable.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
11
République et du Premier ministre, il faut aller plus loin dans certains territoires
particulièrement frappés par une dégradation de
l’ordre et de la tranquillité publics. Cette
approche renforcée doit privilégier des secteurs géographiques précis, des thématiques lourdes
et concerner des publics identifiés. C’est dans
ce cadre que seront mises en place de façon
échelonnée, à partir du mois de septembre [2012], les zones de sécurité prioritaires
».
1.2
Une méthode qui recueille le consensus des forces de sécurité intérieure
et des autres acteurs
La méthode de la PSQ, y compris sa déclinaison dans les QRR, a été reçue très
favorablement dans les administrations centrales de la gendarmerie et de la sécurité publique
(DCSP), comme dans
les unités et services déconcentrés et chez les autres acteurs n’appartenant
pas au ministère de l’intérieur.
Le principe de la PSQ est approuvé dans les forces de sécurité
La gendarmerie considère que la PSQ est au cœur de sa stratégie globale de sécurité
publique, qui vise à «
placer le service du citoyen au cœur du métier de gendarme
»
5
: cette
citation du discours du Président de la République rejoint ses propres objectifs. Elle y trouve la
prolongation d’une action de proximité
développée dès 2016, conduisant à la mise en place le
1
er
mars 2017 de 30 « brigades de contact » expérimentales, afin de renforcer les relations avec
la population et avec les élus
6
.
L’expérience était motivée par la nécessité de réorganiser le
fonctionnement d’unités faiblement
dotées, afin d’augmenter la présence
des gendarmes sur la
voie publique. Engagée dans cette démarche, la gendarmerie annonce avoir contribué à la
conception de la PSQ
dès l’origine
.
Le directeur général de la police a ordonné la mise en place de la PSQ dès son lancement,
par la rédaction d’une doctrine soulignant que «
La PSQ est une opportunité pour la police
nationale de promouvoir son agilité, sa capacité à s'adapter, à innover et à co-développer des
solutions de sécurité avec ses partenaires pour mieux répondre aux besoins de sécurité
quotidienne de la population.
»
7
C’est ensuite la
direction centrale de la sécurité publique
(DCSP)
qui a mis en œuvre
et fait vivre la PSQ avec la volonté affirmée de soutenir ce que la
direction centrale de la sécurité publique et sa direction générale (DGPN) présentent comme
une nouvelle «
philosophie d’action
» destinée à durer.
Les responsables des services territoriaux
rencontrés lors de l’enquête, directeurs
départementaux de la sécurité publique, commissaires centraux de la préfecture de police de
Paris et commandant de groupement de gendarmerie ainsi que leurs adjoints et subordonnés ont
confirmé l’intérêt et même l’attachement des forces de sécurité intérieure pour la PSQ
. Ils
apprécient l’objectif de rapprocheme
nt avec la population et perçoivent les avantages de la
5
Citation du discours du Président de la République reprise en introduction du dossier de lancement de la PSQ.
6
Sirpa Gendarmerie ;
Brigade de
contact : au cœur des territoires et des populations
; publié le 15 mai 2017.
7
Note DGPN/Cab/N°2018-1300D du 6 avril 2018 ; circulaire portant la doctrine de la police de sécurité du
quotidien ; 25 pages, y compris ses annexes.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
12
méthode partenariale.
Le renforcement de l’action dans les QRR est également approuvé à tous
les niveaux par les policiers et gendarmes qui y participent.
Les acteurs rencontrés lors de l’enquête
étaient tous impliqués et se disaient tous
convaincus par la méthode et les objectifs. Certains indices, voire des déclarations explicites
lors des visites de QRR dans des circonscriptions de sécurité publique, ont cependant montré
que l’adhésion à la prévention portée par la PSQ n’est pas
unanime
. Il s’agit, pour le résumer
de manière simplificatrice
, d’une résurgence du débat de 2003 sur l
es objectifs de la police de
proximité, mais ces réticences, minoritaires, pourraient être surmontées. En effet, la sécurité du
quotidien ne se réduit pas aux seules actions de prévention ou de contacts amicaux avec la
population, même dans les QRR dotés de brigades territoriales de contact. Les acteurs, et en
premier lieu ceux qui agissent sur la voie publique, insistent sur le fait que la pacification des
relations
doit s’appuyer sur une capacité d’intervention et de répression. Il s’agit donc, pour
faire mieux accepter les évolutions portées par la PSQ, de convaincre en interne que les actions
préventives et répressiv
es ont trouvé un point d’équilibre, mais les instruments pour le démonter
manquent. L’absence ou les retards dans la définition d’outils de mesure des résultats
(cf.
chapitre 4) a donc aussi des conséquences internes aux services.
La PSQ est d’autant
plus
acceptée qu’elle corrige deux défauts antérieurs. D’une part,
elle reprend des outils et méthodes déjà connus, comme le partenariat avec les élus et les polices
municipales, l’éducation nationale, les bailleurs
sociaux d’une part
et la présence sur la voie
publique pour entretenir le lien avec la population
d’autre part,
en donnant un cadre homogène
normé par l’échelon central à des pratiques locales empiriques. D’autre part, elle ne reproduit
pas les erreurs de la police de proximité telle qu’elle était im
posée au début du siècle, qui a
laissé le souvenir de règles très directives imposant une sectorisation, une affectation des
moyens et un choix des problèmes à traiter ne laissant aucune place aux analyses et
particularités locales. Les moyens importants nécessaires à la mise en place de la police de
proximité avaient été affectés aux directions départementales chargées de la phase
d’expérimentation, mais avaient manqué pour accompagner la généralisation de cette doctrine
entre 2000 et 2002.
Deux anciens responsables de
l’
observatoire national de la délinquance et des réponses
pénales
(ONDRP) avaient analysé les causes de l’échec de
la police de proximité
8
:
-
une m
ise en œuvre trop rapide
. Le déploiement de la doctrine de police de proximité au
cours de l’été
1999 a été accéléré suite à des pressions pré-électorales. La rapidité à
généraliser cette méthode de travail, radicalement nouvelle, n’a pas permis une adhésion
uniforme à la doctrine ;
-
une sectorisation trop fine qui demandait beaucoup de personnel. Les secteurs
comprenaient entre 4 000 et 20 000 habitants chacun
9
. En outre, deux secteurs au minimum
devaient être créés dans chaque circonscription
10
. En conséquence, la fidélisation voulue
des effectifs sur ces secteurs trop petits ne permettait pas une mutualisation efficace et le
dispositif aurait nécessité des effectifs
qui n’étaient ni assez nombreux ni assez bien
formés ;
8
Alain Bauer, Christophe Soullez ;
Les politiques publiques de sécurité
; PUF, Que sais-je ? 2011.
9
Les auteurs se réfèrent à la circulaire du 11 juin 2001 relative à la mise en œuvre de la troisième vague de
généralisation de la police de proximité.
10
Les auteurs renvoient, sans plus de précision, à une note technique du 11 décembre 2000.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
13
-
en outre, les investissements immobiliers pour les nouvelles implantations nécessaires
n’étaient pas financés
;
-
enfin, la méthode était trop rigide.
Le contrôle des QRR
a montré que ces causes d’échec ont été éliminées (cf. chapitres suivants)
.
Les choix des QRR et les méthodes appliquées sont validés, mais les critères du
succès ne sont pas définis
La doctrine de la DGPN identifie les QRR comme des territoires dont la situation justifie
l’affectation de moyen
s renforcés. Ces quartiers font partie des zones les plus touchées par les
trafics de stupéfiants et doivent à ce titre bénéficier d’un pilotage renforcé de la lutte contre ces
trafics associant la sécurité publique et la police judiciaire.
En exécution, toutefois, c’est la
direction centrale de la sécurité publique
qui est chargée de leur mise en œuvre
; ce sont les
unités de la sécurité publique qui ont reçu les renforts en effectifs.
Tout en adoptant sans réserve la méthode de la PSQ, la gendarmerie n’avait pas, à
l’origine, identifié le quartier comme l’échelle de son action. Ainsi, quand la police mettait en
place la première vague de 15 QRR, la gendarmerie a préféré distinguer 20 départements
nécessitant d’être «
mieux accompagnés
» par un supplément d’effectif de 25
gendarmes. Un
an plus tard, la gendarmerie a modifié son appréciation et a rejoint la deuxième vague en créant
quatre QRR en 2019, puis deux de plus en 2021. Cette
volonté d’expérimenter
le dispositif
traduit le constat par la gendarmerie que les QRR sont une réponse adaptée dans les quartiers
sensibles qui relèvent de sa compétence. Elle était poussée dans cette voie par trois motifs. Le
premier est de concentrer la dynamique de la PSQ dans certains quartiers. Le deuxième motif
est que la démarche est adaptée aux zones périurbaines
11
. Enfin, le troisième est que la
communication sur les QRR supplante médiatiquement la mise en œuvre de la PSQ.
Lors des visites des services déconcentrés, les autorités locales ont toutes confirmé que
les quartiers retenus pour constituer les QRR avaient des caractéristiques propres au regard de
la délinquance qui justifiaient l’affectation de moyens supplémentaires.
Les maires ou leurs
adjoints à la sécurité, lorsqu’ils ont pu être interrogés, ont confirmé ce constat.
Quatre ans après
les premières créations, les quartiers conservent ces caractéristiques et les responsables
considèrent que les moyens affectés à l’origine y sont toujour
s nécessaires. Cette unanimité
valide d’une part le choix initial des quartiers et d’autre part les méthodes qui y sont appliquées.
La validation des méthodes se lit aussi dans le souhait, exprimé par des directeurs
départementaux de la sécurité publique ou des élus,
d’étendre des QRR ou d’en créer de
nouveaux (cf. chapitre 3).
Les seules objections aux QRR exprimées lors de l’enquête l’ont été par des maires qui
approuvent
les actions mises en œuvre et les moyens affectés, mais n’apprécient pas l’étiquette
de quartier difficile que renvoie l’appellation. Or, les municipalités s’efforcent, par la
coordination des différentes actions d’urbanisme, de politique sociale et
de politique
11
L’importance des zones périurbaines dans le dispositif de la gendarmerie est soulignée par le
rapport annexé à
la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI),
qui comprend un § « 2.1.1. Le maillage territorial des forces de sécurité sera renforcé en priorité dans les
territoires ruraux et périurbains ».
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
14
économique dans les limites de leurs moyens, de restaurer l’image et la subst
ance de ces
quartiers. En pratique, ces réticences se trouvent plutôt dans les QRR de la gendarmerie car ils
s’établissent sur l
a totalité
d’une ou de plusieurs communes.
À l’inverse, des communes sont
attirées par la démarche et souhaiteraient bénéficier
d’une présence renforcée sur la voie
publique. Il s’agit plus souvent de petites communes
dans les circonscriptions de sécurité
publique, limitrophes de centres urbains disposant de QRR ; la discrimination véhiculée par
l’étiquette n’est alors pas mise en
avant.
La dynamique urbaine, cependant, se développe sur le long terme. Les opérations de
rénovation comportant des aménagements d’infrastructures, des démolitions et reconstructions
d’immeubles, s’étendent à l’échelle de la décennie entre la décision et l’achèvement. La
permanence, sur quatre ans, des problèmes de sécurité dans les QRR ne doit pas masquer
l’objectif
d’une amélioration à l’avenir. En d’autres termes, la «
reconquête » est aussi un
processus qui doit s’inscrire dans une dynamique et ne peut
se prolonger indéfiniment. Or, la
durée de l’action spécifique dans les QRR ou les conditions qui permettraient de déclarer que
la « reconquête
» est achevée n’ont jamais été définies lors de l’annonce et la mise en œuvre
des QRR. La lecture des productions ministérielles publiques ou internes suggère même que
cette question n’a jamais été évoquée. Le silence sur ce paramètre nécessaire à toute politique
publique rejoint ici les questions sous-tendues par
l’effet
négatif
de l’étiquette QRR
: l’objectif
de normalisation des quartiers peut-il être atteint ? que devient alors le QRR ? Ces deux
questions n’ont pas encore de réponse.
À l’issue de la contradiction, le ministère a souligné que
«
la mise en œuvre des
dispositifs de coproduction de sécurité et de prévention obtient des résultats sur le long terme
»,
expliquant ainsi la pérennité des QRR.
La PSQ a
confirmé l’importance des
partenariats
Lors des entretiens, les cadres de la direction centrale de la sécurité publique ont indiqué
que la PSQ est une rupture par rapport à la pratique antérieure car elle porte la volonté de
résoudre les problèmes concrets locaux, dont la solution n’est pas du seul ressort de la police,
c’est pourquoi la réussite d’une profonde réforme des modes d’action repose aussi sur
le
partenariat avec les autres acteurs, dont les polices municipales, les élus et les acteurs privés
intervenant dans le domaine de la sécurité : bailleurs sociaux, sociétés de transport public,
sociétés de sécurité privée. Selon les administrations centrales, la coopération entre les acteurs
est mieux acceptée qu’auparavant.
La rupture n’était pas tant dans l’importance nouvelle donnée aux partenariats locaux
que dans l’exigence de les activer systématiquement. Dans la police tout particulièrement, la
direction centrale de la sécurité publique a ordonné un découpage en secteurs de sécurité
publique et le recours à des groupes de partenariat opérationnel (GPO) dans chacun de ces
secteurs pour traiter en commun les problèmes du quotidien. La préfecture de police de Paris a
aussi créé, en 2021, des GPO dans ses circonscriptions. Les visites dans les services
départementaux ont montré que les partenariats sont vivants et plus souvent mobilisés qu’avant
2019, lors
qu’ils préexistaient dans d’autres formats compar
ables ou moins normalisés (cf.
§ 3.3).
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
15
1.3
Une méthode confortée par les exemples étrangers
L’intérêt pour la police de proximité
, selon des études publiées entre 1994 et 2017, est
né au Royaume-Uni et aux États-Unis (cf. annexe). Cinq exemples sur la police au Royaume-
Uni, à Londres, à Houston (USA), à New-York (USA) et à Berlin (Allemagne) montrent que
les méthodes de la PSQ et des QRR sont comparables à
celles qui fonctionnent à l’étranger
pour
atteindre les mêmes objectifs de rapprochement avec la population.
Au Royaume-Uni,
l’action de la police a été mise en question après les émeutes des
années 1970 et 1980. Pour y apporter des corrections dès les années 1970, les polices
britanniques ont inclus de nouvelles pratiques fondées sur un rapprochement avec la population
et sur une méthode de résolution de problèmes.
Elles ont accompagné ce mouvement d’une
attention à l
’évaluation de la performance et de l’atteinte d’objectifs, parmi lesquels le lien
police-population. Les chefs des polices locales ont joué un rôle significatif dans la mise en
œuvre des nouvelles méthodes e
n raison de la relative indépendance dans laquelle ils organisent
leurs services ; ils ont aussi souvent une formation universitaire qui a développé leur intérêt
pour les travaux de recherche. Mise en place sous le gouvernement de Margaret Thatcher, la
réforme n’a pas été remise en question par l’alternance et c’est le gouvernement de Tony Blair
qui a voté en 2002 le
Police Reform Act
créant le rôle du
policier en soutien de la communauté
(
Police Community Support Officer
) et modifiant les conditions de définition des missions de
police.
12
Dès 2002, la police londonienne a mis en place des consultations du public par sondage.
Les pratiques ont été recentrées autour des attentes du public, ce qui a nécessité de rapprocher
les points de vue. En effet, selon les études universitaires,
l’opinion publique
ne fonde pas sa
perception sur l
es moyens d’
action
mis en œuvre par
la police mais sur certains résultats, tandis
que la culture policière était de modifier son action en négligeant les paramètres sur lesquels
elle n’a pas une prise directe.
Il ressort des études que les facteurs de satisfaction de la
population sont l
’efficacité en cas d’appel urgent,
le traitement équitable de tous les citoyens,
l’engagement des policiers
dans la communauté dont ils ont la charge et enfin
l’action
face aux
troubles locaux. La prise en compte de la satisfaction du public a changé les pratiques à tous
les échelons hiérarchiques, mais ce résultat n’a été possible qu’avec la mise en place
d’incitations professionnelles
, comme la prise en compte de la bonne compréhension du lien
police-population dans les conditions
de l’avancement de grade.
Depuis vingt ans, la police
londonienne a peu à peu été convaincue par le fait que la confiance du public favorise le travail
policier, au point de faire évoluer son
cadre pour l’évaluation de la performance de la police
(
Police Performance Assessment Framework
), créé en 2002, pour faire de la satisfaction du
public la mesure centrale de l’évaluation de la performance policière
.
13
Les polices de proximité modernes sont nées aux États-Unis au cours des années 1970,
en partie comme conséquence
d’émeutes
mettant en cause
la légitimité de l’action policière
. La
décentralisation des polices américaines a facilité l’émergence des innovations et
de réponses
locales adéquates. Dans les années 1980 à Houston
, les policiers d’un
commissariat annexe de
12
Jacques de Maillard, « Réforme des polices dans les pays occidentaux. Une perspective comparée »,
Revue
française de science politique
, n°59, 2006.
13
Elizabeth A Stanko, « Représenter le
"p
ublic
"
au sein de la police : un dialogue basé sur des données à
Londres »,
CSJ Police et population : du conflit à la confiance
, Cahiers de la sécurité et de la justice n°40,
2017.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
16
quartier ont été impliqués dans un programme visant à identifier et résoudre les problèmes
locaux en tissant un lien avec la population, en portant une attention particulière sur les zones
à risque en matière de délinquance et en développant les relations partenariales.
L’expérience
a été interrompue moins de quinze ans après, en raison d’une opposition de certains policiers
aux nouvelles méthodes
, d’une réduction des moyens d’intervention d’urgence
transférés au
profit de la proximité et d’un choix des partenaires
qui ne représentaient pas tous les intérêts
des populations.
14
À Berlin, la police a perçu la nécessité d’une évolution au début des années 2000, dans
le contexte de la réforme fédérale de la citoyenneté. La réforme portait aussi une volonté de
mettre
l’a
ccent sur des micro-
territoires sensibles et sur des groupes menaçant l’ordre public
(délinquance, séparatisme, etc.). Une unité spécialisée « intégration et migration » est
compétente dans trois quartiers avec une action partenariale en direction de la population et une
offre de formation à destination des autres services de police. Cette unité a abandonné les
pratiques policières coercitives comme les contrôles d’identité discrétionnaires
.
15
A contrario
, la police de New-York a fait des contrôles discrétionnaires et des fouilles
préventives (méthode du
stop-and-frisk
), au milieu des années 2000, son objectif et la mesure
de son efficacité.
La forte augmentation des sanctions pour des délits mineurs qui s’en est suivie
a eu peu d’effet sur la délinq
uance en général et la pratique d
es fouilles préventives a altéré la
confiance du public envers la police. Au surplus, le juge fédéral a constaté que ces fouilles
donnaient lieu à une forme de profilage racial et les a déclarées anticonstitutionnelles en 2013.
Une étude universitaire a montré
que l’affectation des agents
dans des quartiers choisis avait
une influence plus décisive sur la criminalité que la méthode des fouilles préventives, dans
laquelle les agents n’avaient pas d’attache particulière au ter
ritoire.
16
1.4
Une action de sécurité qui doit s’inscrire dans un schéma
interministériel
Le nom de « reconquête républicaine » renvoie à
l’idée qu’il s’agit, dans
les quartiers
choisis, de bâtir ou rebâtir une offre de société conforme aux valeurs de la République, en
opposition à une dérive communautariste. Cette idée est bien comprise en administration
centrale et aux plus hauts niveaux des hiérarchies locales, dont les titulaires ont alterné les
postes nationaux et départementaux. Elle est aussi perçue dans les unités et services chargés de
la mise en œuvre
.
Le document d’orientation du Lab’PSQ sur les quartiers de reconquête républicaine
annonce bien cet objectif : «
face à l’émergence, dans certains quartiers, d’un système social
communautaire et parallèle au système social de la République, il est essentiel que les services
14
Wesley G. Skogan, « The Impact of Community Policing on Neighborhoods Residents. A Cross-Site
Analysis »,
The Challenge of Community Policing: Testing the Promises
, 1994.
15
Jérémie Gauthier, « Les policiers berlinois comme
"professionnels de l’intégration"
? »,
CSJ Police et
population : du conflit à la confiance
, n°40, 2017
. L’article ne donne pas d’information sur les résultats
obtenus.
16
Wesley G. Skogan, « La méthode du "stop-and-frisk" en tant que stratégie organisationnelle : leçons tirées à
partir des exemples des villes de New York et Chicago »,
CSJ Police et population : du conflit à la confiance
,
n°40, 2017.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
17
publics dans leur ensemble (État, collectivités et opérateurs), et pas seulement les forces de
l’ordre, soient davantage présents sur le terrain et aillent à la rencontre des habitants. L’action
publique doit être incarnée par une action de terrain, au contact des habitants afin que la
République soit visible de tous
. »
17
Selon le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance
et de la radicalisation (SG-CIPDR)
, l’approche sécuritaire est désormais reliée à une approche
transversale économique, sociale et urbaine. La PSQ, et en particulier la création des QRR,
organiserait
une mise en cohérence des différentes facettes de l’action publique.
La relation
e
ntre les questions sociales et sécuritaires est de mieux en mieux comprise à l’échelon local
depuis les attentats de 2015 et 2016. Ainsi, de plus en plus, les brigades de contact agissent dans
les mêmes domaines que des délégués du préfet.
Les 316 délégué
s du préfet représentent l’État dans les quartiers prioritaires de la
politique de la ville (QPV) les plus en difficulté ; ils ont été créés par une circulaire du 30 juillet
2008 et leurs missions ont été actualisées en 2017 par une nouvelle circulaire qui leur donne un
rôle dans le domaine de la sécurité : «
Dans le cadre des plans de prévention de la radicalisation
qui constituent une annexe aux contrats de ville, ils sont amenés à participer à leur animation
et à assurer un rôle d’interface, sous [l’auto
rité du préfet], entre le niveau local et [la] cellule
de suivi départementale. Ils ont par ailleurs vocation à concourir à l’amélioration des relations
entre la population et les forces de sécurité de l’État, conformément à l’instruction du 1
er
février
2017
. »
18
Cette circulaire précise en particulier que «
le délégué du préfet
(…)
a vocation à
suivre les actions relatives à la prévention de la délinquance et à l’amélioration de la
tranquillité publique. À ce titre, il participe aux conseils locaux de sécurité et de prévention de
la délinquance ou de toute autre instance traitant de ces questions. Il établit des relations
privilégiées avec les institutions et dispositifs concourant à la prévention de la délinquance et
est associé aux actions contribuant à l’amélioration des relations entre les forces de sécurité
et la population
. »
Le rôle social des QRR est confirmé par le rapport annexé à la loi d'orientation et de
programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI)
qui souligne l’importance des démarches
de promotion sociales dans les QRR : «
Cent "classes de reconquête républicaine" destinées
prioritairement aux élèves décrocheurs seront créées dans les quartiers de reconquête
républicaine (QRR) et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) pour
préparer aux concours de la fonction publique et du ministère de l
’intérieur
en particulier
(policier, gendarme, pompier, administratif) ou pour
inciter les jeunes à s’engager dans les
réserves opérationnelles.
(…)
Des modules d’immersion en services seront proposés aux élèves
de 3
e
scolarisés dans des établissements en QRR
. »
19
L’action conjointe de p
lusieurs ministères est nécessaire pour assurer la réussite de cette
reconquête, mais les orientations du Gouvernement et des administrations centrales ne prennent
pas assez en compte cette nécessité et la mise en cohérence est renvoyée au niveau
départemental. Selon le SG-
CIPDR, c’est au niveau du département, dans la production des
plans locaux, que la stratégie nationale doit trouver sa cohérence avec la PSQ.
À l’échelle
17
Document d’orientation sur les QRR du Lab’PSQ
; 2020, mis à jour en 2021.
18
Circulaire interministérielle n° CGET/DVCU/2017/114 du 21 avril 2017, relative aux missions, aux conditions
d’exercice, aux modalités d’accompagnement et à la gestion administrative des délégués du préfet
.
19
Rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de
l'intérieur (LOPMI), § « 2.6.
S’assurer que le ministère de l’intérieur ressemble davantage aux Français,
notamment à la jeunesse ».
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
18
nationale, la circulaire cadre
pour la déclinaison territoriale des politiques de prévention de la
délinquance et de prévention de la radicalisation pour les années 2020 à 2022
, du secrétaire
général du ministère de l’intérieur du 5
mars 2020, ne vise pas les QRR. Les démarches
participatives dans le cadre de la PSQ sont rappelées : elles doivent être encouragées mais ne
sont pas présentées comme un facteur de succès.
À l’inverse, les instances interministérielles n’interviennent que sur des partie
s de la
reconquête républicaine. Ainsi, la politique publique interministérielle de prévention de la
délinquance existe depuis 2007, mais une évolution vers la prévention de la radicalisation prend
une importance relative forte par rapport à la délinquance ordinaire. Le document de politique
transversale (DPT) « Prévention de la délinquance et de la radicalisation » a pour chef de file
le ministre de l'intérieur et, par délégation, le SG-CIPDR. Dans sa version actualisée pour le
PLF 2022, le DPT signale que 15 zones particulièrement exposées à la radicalisation ont été
définies parmi les QRR pour faire l’objet de plans de lutte contre la radicalisation (PLRQ).
Le
DPT ne dit rien, cependant, de la prévention de la délinquance dans l’ensemble des QRR
; au
demeurant, il n’est pas
tenu à jour ; ainsi, le DPT joint au PLF 2023 mentionne 47 QRR alors
qu’il
s sont
62 depuis l’année 2022 et détaille le fonctionnement des 80 ZSP, dont beaucoup ont
été supplantées dans leur ressort par les QRR qui ont pris leur suite
20
À l’issue de la contradiction,
le SG-CIPDR met en avant son objectif de prévention de
la radicalisation, de la lutte contre les séparatismes et de la lutte contre les dérives sectaires. Par
ailleurs, la stratégie nationale de prévention de la délinquance (SNPD) 2020-2024 que le SG-
CIPDR pilote définit une approche par public cible (par ex. moins de douze ans, personnes
vulnérables) mais pas une approche territoriale et laisse le soin aux acteurs locaux de décliner
ces priorités.
Les autorités centrales doivent
s’entendre pour assurer le succès de
la politique publique
de sécurité du quotidien, particulièrement dans les QRR, et tirer les leçons des expériences de
terrain. Le code de la sécurité intérieure confie au CIPDR la mission de coordonner «
l'action
des ministères et l'utilisation des moyens budgétaires consacrés à la politique de prévention de
la délinquance et de la radicalisation
. »
21
Ainsi, le CIPDR ne doit pas limiter son attention à la
seule radicalisation car, pour assurer une coordination locale efficace, il importe que les
directives nationales des différentes administrations
restent, à l’avenir,
compatibles avec
l’objectif commun.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
À
la fin de l’année 2017, le Gouvernement
a défini une méthode pour lutter contre la
criminalité du quotidien, avec l’idée que la lutte contre la dél
inquance, ou du moins une partie
de la délinquance, doit se traduire par une amélioration des conditions de vie de la population.
Pour contribuer à
cet objectif, le ministère de l’intérieur a lancé en 2018 la police de
sécurité du quotidien sur tout le territoire national et distingué un petit nombre de « quartiers
de reconquête républicaine » qui ont reçu des moyens supplémentaires, principalement des
effectifs.
20
DPT annexé au PLF 2023
Prévention de la délinquance et de la radicalisation
, page 75.
21
Code de la sécurité intérieure,
article D132-2
.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
19
La méthode de la PSQ repose sur trois grands axes :
-
la déconcentration des prises de décision et
l’
autonomie accordée aux échelons locaux ;
-
une approche partenariale des questions de sécurité afin de faire concourir tous les
participants au même but ;
-
la prise en compte des demandes de la population pour le règlement des nuisances du
quotidien.
Succédant sous une forme nouvelle à la « police de proximité » développée avant 2003,
la PSQ a reçu un accueil favorable ou très favorable par la quasi-totalité des acteurs et des
partenaires locaux de la sécurité. Elle peut se comparer à des exemples étrangers réussis.
Dans les QRR, elle est appuyée par un renforcement des effectifs. Les objectifs à
atteindre dans les QRR ne relèvent cependant pas des seules forces du ministère de l’intérieur.
Ces quartiers sont souvent confrontés à des difficultés sociales et à un urbanisme dégradé qui
en font aussi des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Les tentations de
radicalisation ou de communautarisme y sont présentes : ces questions sont suivies par le
secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la
radicalisation (SG-CIPDR). La déscolarisation, le chômage et la pauvreté appellent des
actions des ministères
de l’éducation nationale, du travail,
et inspirent de nombreuses
politiques publiques.
Pourtant, aucune coordination interministérielle ne permet de suivre au niveau national
la mise en œuvre des différentes politiques publiques et de garantir qu’elles restent cohérentes
dans le temps. La coordination est assurée localement et, quatre ans après le lancement de la
PSQ et des concertations qu’elle demande, aucune divergence
entre les priorités des acteurs
appartenant à différents ministères
n’est apparue. Mais ce constat n’est pas une assurance à
long terme.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
20
2
UNE MISE EN ŒUVRE
RAPIDE ET PRAGMATIQUE
Après les annonces de l’automne 2017 et en application de sa feuille de route
établie à
la même date, le ministère
de l’intérieur
a
d’abord
conduit une concertation auprès des
représentants d’élus
locaux et du personnel de la police et de la gendarmerie puis communiqué
avec intensité jusqu’au début de 2019. L’administration centrale a piloté la mise en place du
dispositif dès sa création
et l’a poursuivie jusqu’à ce jour. Depuis
septembre 2018, la création
des 62 QRR en trois vagues, dont seule la dernière a pris du retard en raison du Covid, montre
l’attention aux paramètre
s locaux de la délinquance et de la démographie.
2.1
Une médiatisation dynamique
Une concertation en soutien des orientations ministérielles
Le ministère annonçait dès sa feuille
de route de l’automne 2017 une concertation
préalable : «
Pour mettre en œuvre la police de la sécurité quotidienne, une large concertation
sera engagée dès septembre 2017. Associant les représentants d’élus et ceux des personnels de
la filière de sécurité publique de la police et de la gendarmerie nationales, ouverte également
à des chercheurs et aux divers professionnels du champ de la sécurité, cette concertation
permettra l’élaboration d’une doctrine d’ici l’automne
. »
22
Cette concertation a été engagée le 28 octobre 2017 sous
la forme d’un questionnaire
envoyé à chaque gendarme et policier. Plus de 70 000 réponses ont été analysées et restituées
dans une synthèse rédigée deux mois plus tard
23
.
Les grands enseignements que l’institut de
sondage tire en synthèse de la consultation mettent aux premiers rangs des préoccupations :
-
la réduction des tâches indues et administratives pour consacrer plus de temps à leur métier.
Les limites qu’ils rencontrent pour faire appliquer les règles, la complexité des procéd
ures
pénales et « le manque de fermeté des mesures » sont aussi soulignées comme des
obstacles ;
-
la nécessité de renforcer les liens avec la population en développant les contacts et l’accueil
du public ;
-
le souhait de développer des partenariats locaux, en particulier avec les polices
municipales, et de tenir compte des particularités de leur territoire ;
-
un renforcement des moyens matériels et humains.
Dans la revue de l’Institut des hautes études du ministère de l'intérieur (IHEMI), u
n
chercheur rend compte de la concertation
24
,
justifiée par la volonté d’obtenir l’adhésion des
22
Protéger, garantir et servir
–
Feuille de route pour le ministère de l’intérieur
; citée ; §2-1.
23
Opinionway ;
Consultation Police de sécurité du quotidien
–
police et gendarmerie
; note de synthèse de
décembre 2017.
24
IHEMI ;
Les Cahiers de la sécurité et de la justice
n° 53 ; 1
er
décembre 2021 :
La police de sécurité du
quotidien (PSQ) : une « refolution » pour la sécurité publique ?
par Jean-Christophe BARRÉ.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
21
policiers et gendarmes aux changements de méthode importants introduits par la PSQ ; il la
qualifie d’inédite et la juge favorablement, soulignant qu’elle
s’est étendue au
-delà des FSI à
«
plus de 500 réunions organisées dans les départements et plus de 150 contributions adressées
par les syndicats, universitaires, entreprises et associations d'élus
».
Les enseignements tirés par les sondeurs convergent en tous points avec les orientations
fixées initialement à la PSQ, telles que le ministre avait les avait préalablement rappelées lors
de son discours de lancement de la consultation : «
une police sur mesure (…), mieux équipée
(…), plus connectée (…), plus partenariale (…), recentrée
sur ses missions
»
25
. En raison de la
quasi-égalité entre les annonces ministérielles préalables et les conclusions du sondage, ce
dernier
ne semble pas avoir joué un rôle dans la définition des actions mises en œuvre par le
ministère. L’u
tilité de ce sondage
n’est pas confirmée par les investigations de la Cour
, quatre
ans après sa réalisation. Très peu des policiers et gendarmes rencontrés ont conservé le souvenir
de cette consultation, mais u
n responsable départemental qui, au contraire, ne l’
avait pas oubliée
l’a trouvé frustrant
e en raison de questions trop fermées et décevante dans ses conséquences,
en
particulier dans l’absence de suites positives en matière de procédure pénales et de relations
avec le parquet (cf. § 3.2.3).
Une opération m
édiatique parallèle à l’action des forces de sécurité intérieure
Les annonces publiques de la PSQ et des QRR ont été très médiatisées au cours de quatre
conférences de presse ministérielles. La première, le 8 février 2018, présentait le « lancement
de la PSQ
» et contenait l’annonce des futurs QRR
26
. Celle du 18 septembre 2018, sept mois
plus tard, installait les premiers quartiers de reconquête républicaine (QRR)
27
en confirmant
les noms des quinze QRR de la première vague en 2018 et la liste des quinze autres prévus pour
la deuxième vague en 2019. Ces informations figuraient déjà dans la présentation du 8 février ;
le seul ajout notable en septembre était l’annonce de l’effectif supplémentaire alloué
pour
chaque quartier de la première vague : au total 316.
En février 2019, un an après le lancement de la PSQ, le nouveau ministre de l’intérieur
a communiqué en soulignant que «
comme toute politique publique, nous devons évaluer les
effets de la Police de Sécurité du Quotidien
»
28
. À côté de la revue des mesures budgétaires et
des projets
29
, cette communication ministérielle contenait deux annonces, la première sur la
25
Allocution du ministre de l’intérieur à La Rochelle le 28
octobre 2017 pour le lancement de la concertation sur
la PSQ et l’inauguration du nouvel
hôtel de police de La Rochelle.
26
Annonce par M. Gérard Collomb sur le site du ministère
actualites/2018-Actualites/Lancement-de-la-Police-de-Securite-du-Quotidien
et dossier de presse de 120
pages :
2018.pdf
(complété d’une annexe de 76
pages).
27
Lancement des quartiers de reconquête républicaine
–
pour une présence renforcée sur le terrain, une action
accrue contre les trafics et une nouvelle relation à la population
; septembre 2018 ;
Reconquete-Republicaine
et son dossier de presse
28
Présentation par M. Christophe Castaner : Un an de la police de sécurité du quotidien
–
des engagements pris
et des promesses tenues.8 février 2019 ;
presse/Un-an-de-la-police-de-securite-du-quotidien
29
Dont le projet voté un mois plus tard de loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de
de programmation 2018-2022 et
de réforme pour la justice
.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
22
«
mise en place du Lab’PSQ pour le suivi de l’application de la police de sécurité du quotidien
et l’évaluation de la qualité des nouveaux ser
vices
.
» La seconde était l’annonce que «
au lieu
de 15
nouveaux quartiers de reconquête républicaine mis en place en 2019, j’ai décidé de
doubler ce nombre et d’en installer 32
» ; le dossier contenait la liste des nouveaux quartiers.
La présentation du L
ab’PSQ deux mois plus tard, en avril 2019 (cf.
chapitre 4), a été la
quatrième et dernière communication ministérielle sur la PSQ, sur les QRR et de manière
générale sur l’évaluation du dispositif.
La volonté d’afficher des résultats rapides se lit dans le
dossier de presse du « lancement
des quartiers de reconquête républicaine »
30
publié en septembre 2018 sous la forme d’un
diaporama aux allures de liste hétérogène
: l’annonce des moyens renforcés déjà déployés
montre des équipements qui étaient commandés pour partie deux ans plus tôt. Par exemple, le
ministère porte au crédit des «
engagements respectés (…) pour le renforcement des moyens
des policiers et gendarmes : 67 000 tablettes et smartphones NEOGEND déjà déployés pour la
gendarmerie
» quand ceux-ci étaient déjà annoncés, et pour partie déjà en service, en 2016
31
.
À l’occasion de sa présentation en février 2019, le ministre en fonction a mis en évidence
le souci de communication qui sous-tendait son intervention en dramatisant une description peu
élog
ieuse de l’action antérieure des FSI
: «
Lancée il y a un an par mon prédécesseur, la Police
de Sécurité du Quotidien, part d’un constat : celui d’une relation entre les forces de l’ordre et
les Français qui ne doit jamais se tendre ni s’éprouver. Le const
at de policiers et de gendarmes
qui n’avaient pas les moyens adaptés et travaillaient dans des conditions parfois très dures. Le
constat, enfin, de quartiers gangrénés par les trafics, celui d’une délinquance qui continuait à
sévir, à miner
. »
Cette approc
he médiatique n’est pas, sur le principe, un obstacle à la bonne mise en
œuvre de la politique. Cependant, plusieurs acteurs rencontrés lors de l’enquête (notamment
Lab’PSQ,
direction centrale de la sécurité publique) ont regretté que la simultanéité des
a
nnonces des QRR et de la PSQ en 2018 ait suggéré, du moins dans un premier temps, l’idée
que la PSQ se réduisait à l’apport des renforts dans les quartiers désignés.
La confusion existe
même dans les services du ministère de l’intérieur. Ainsi, Le QRR de T
orcy-Noisiel (Seine-et-
Marne) a été créé dans la deuxième vague, en 2019, avec un renfort de dix policiers que le site
de la préfecture annonce ainsi : «
Depuis le 1
er
janvier 2019, la commune dispose d’une police
de sécurité du quotidien (PSQ)
»
32
.
2.2
Le p
ilotage par l’administration centrale
Après
l’
annonce publique de la PSQ le 8 février 2018 en conférence de presse, le
ministre de l’intérieur a signé
un télégramme le 13 février 2018 afin de notifier aux préfets de
30
31
et
32
contre-les-trafics
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
23
département et aux préfets de police,
la mise en œuvre de la PSQ
33
. Ce télégramme ordonnait
aux destinataires de «
décliner sans délai les principes de la police de la sécurité du quotidien
».
Pour les territoires renforcés, le ministre annonçait 1 300 policiers dans 60 QRR, la moitié
devant être créée dans les 12 mois, et 500 gendarmes dans 20 groupements de gendarmerie
prioritaires.
Entre le discours du Président de la République en octobre 2017 et l’annonce publique
de février 2018, la préparation de la PSQ a été conduite par un conseiller du cabinet du ministre
à la tête d’une structure informelle qui préfigurait l’organe de pilotage dénommé ensuite
Lab’PSQ. Le lancement de la PSQ le 8
février 2018 n’a cependant pas arrêté les détails d’
un
dispositif encore mal cerné : «
au moins dans les premiers mois suivant son lancement, [la
PSQ] était un concept encore trop flou, soumis à diverses acceptions
. »
34
C’est donc en partant d’une idée générale que le ministère a progressivement construit
sa doctrine.
Les directives du ministère de l’intérieur
La direction générale de la police nationale a diffusé sa doctrine de la police de sécurité
du quotidien
35
en avril 2018 (cf. § 1.2) et publié peu après un
Mémento de la police nationale
n° 5/DGPN « la police de sécurité du quotidien » du 30 avril 2018. La doctrine DGPN montre
que la PSQ concerne tous les services. Le pilotage de la lutte contre les trafics de stupéfiants
est une tâche commune de la sécurité publique et de la police judiciaire. Les CRS participent
au renfort, dans et hors des QRR. La police aux frontières apporte aussi sa contribution ; la
doctrine précise un certain nombre d’actions auxquelles elle peut contribuer dans les QRR,
comme le contrôle des étrangers à l’occasion des démantèlements de squats ou le recueil de
renseignement sur la radicalisation, mais sans que la spécificité des QRR soit toujours en jeu,
par exemple, dans le droit du travail ou les reconduites aux frontières. Cette doctrine de 25
pages comporte des développements pédagogiques utiles sur la méthode de résolution de
problèmes
et la définition d’une stratégie locale de sécurité.
La direction centrale de la sécurité publique (DCSP) a produit en avril 2019 une note de
service sur la
déclinaison opérationnelle du dispositif de police de sécurité du quotidien
36
. Cette
note brève (8 pages) et complète donne des instructions sur un découpage des circonscriptions
de sécurité publique en secteurs adaptés à la PSQ, sur la mise en œuvre des relations avec les
partenaires, sur l’évaluation nécessaires des résultats, la communication et
la formation.
Dans cette note, la DCSP souligne que la PSQ doit «
inscrire l'action policière dans une
philosophie nouvelle de renforcement des relations entre la police et la population par un
travail partenarial et transversal, dans une logique de résolution de problème
. » Elle ne
masque pas le changement important de pratique, en précisant que «
La communication interne
a pour but initial de permettre, à tous les policiers travaillant sur un même territoire, d'acquérir
33
Télégramme relatif à la
mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien (PSQ)
avec mention « diffusion
restreinte », du 13 février 2018.
34
IHEMI ;
Les Cahiers de la sécurité et de la justice
n° 53 ; décembre 2021 :
La police de sécurité du quotidien
(PSQ) : une « refolution » pour la sécurité publique ?
par Jean-Christophe BARRÉ ; page 7.
35
Note DGPN/cab/n° 2018-1300D du 6 avril 2018
36
Note de service DCSP n° 0007/19-01995-D du 15 avril 2019 sur la
déclinaison opérationnelle de la police de
sécurité du quotidien.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
24
une culture commune en donnant du sens à l'action collective et individuelle par la
détermination de la satisfaction de la population comme objectif
. »
La DCSP impose aussi la création des groupes de partenariat opérationnels (GPO) avec
une analyse approfondie des enjeux, et notamment le souci de simplifier la comitologie
existante. Les visites dans les départements (cf. § 3.1) ont
montré que l’adaptation aux réalités
locales et aux attentes des partenaires principaux que sont les communes et, dans une moindre
mesure, les services du préfet, conduit à une
mise en œuvre qui respecte l’esprit
de la note de
service
sans pouvoir partout l’appliquer à la lettre
.
La préfecture de police de Paris (PPP) n’a pu
communiquer à la Cour les directives
qu’elle a diffusées. Les entretiens réalisés en novem
bre 2022 indiquent que ces directives se
rapprochaient de celles de la DCSP. La préfecture de police de Paris a aussi adopté les groupes
de partenariat opérationnel en 2021.
La gendarmerie
n’a pas produit d’instruction nationale propre aux QRR, ce qui
s’explique par son adoption plus tardive du dispositif et le petit nombre des quartiers concernés.
Les circulaires ministérielles ne donnent pas de consignes propres aux QRR. Ces
circulaires reprennent dès 2020 une pratique traditionnelle du ministère qui organise son action
en plans. Le
Plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes
et groupes informels
–
circulaire du Premier Ministre n° 6276/SGG du 16 juin 2021 (72 pages),
revendique son appartenance à la PSQ, mais
n’y renvoie en détail que
dans l’une de ses
composantes : « Améliorer les relations police-jeunes, et renforcer le partenariat et la
coopération avec les communes, dans le cadre de la police de sécurité du quotidien. »
La circulaire du Premier Ministre
égalité des chances dans les quartiers de reconquête
républicaine
n° 6280/SG du 24 juin 2021 (36 pages) ordonne que le volet « égalité des
chances
» de la stratégie de lutte contre le séparatisme islamiste fasse prioritairement l’objet
d'une déclinaison dans les 62 QRR.
L’animation de cette action est confiée conjointement au
secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la
radicalisation (SG-CIPDR)
, à l’agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) et au haut
-
foncti
onnaire de défense et de sécurité du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et
des sports. Parmi dix « engagements » de ce plan interministériel, un seul concerne les forces
de sécurité : « renforcer la politique de prévention de la délinquance et le lien de confiance
police-population ». Ses deux objectifs sont larges
: prévenir l’entrée dans la délinquance et la
récidive ; renforcer le lien de confiance police-
population. Leur poursuite peut s’appuyer sur
neuf actions et se mesurer par sept in
dicateurs, dont aucun n’est un indicateur de résultat
(nombre de réunion, de jeunes bénéficiaires, etc.).
Ce n’est qu’en 2021
qu’une circulaire du ministre de l’intérieur du 24
septembre 2021
a décliné la
Politique publique de sécurité du quotidien
37
. Elle définit en quatre pages la PSQ,
ses objectifs et les méthodes à appliquer.
37
Cette circulaire signée par le ministre porte le n° NOR INTK2118053J
mais n’est pas accessible en ligne.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
25
La création des QRR en septembre 2018
La création des QRR est une réponse à la demande présidentielle de réaliser des
expérimentations locales de la PSQ. Ils devaient aussi permettr
e d’affirmer le caractère local et
décentralisé de la nouvelle démarche.
Entre septembre et décembre 2018, selon la plaquette de février 2018, les 15 premiers
QRR devaient recevoir 300 policiers en supplément de leurs effectifs. Puis 15 autres QRR, déjà
identifiés
38
, seraient créés en 2019. Enfin, 30 nouveaux QRR non encore identifiés devaient en
porter le total à 60 à la fin de l’année 2020.
La première vague de 15 QRR s’est déroulé conformément aux annonce
s. La deuxième
vague, en 2019, a accéléré la trajectoire initialement prévue sous
l’impulsion du ministre
, qui a
porté à 32 le nombre de QRR créés cette année
39
. En plus de 28 nouveau QRR en zone police,
la deuxième vague comprend quatre QRR en zone gendarmerie, qui a souhaité rejoindre le
dispositif (cf. § 1.2).
La troisième vague, dont le déploiement a commencé en 2020, comprend 15 QRR, dont
deux en zone gendarmerie, portant le total à 62.
Le ministère ne prévoit pas d’en créer de
nouveaux.
Au total, selon le compte rendu du conseil des ministres du 3 février 2021, «
55 QRR
ont été créés avec le renfort de 934 policiers et 40 gendarmes, avec une cible de 1 300
personnels pour 62 QRR, la liste labellisée des 7 derniers QRR a été dévoilée lors du comité
interministériel à la ville qui s’est tenu le 29 j
anvier 2021
»
40
. La dynamique initiale a été suivie
pour les neuf dixièmes des quartiers, mais le reliquat a été ralenti par rapport au calendrier fixé
antérieurement au Covid 19 : le dernier QRR a été créé début 2022.
À la fin de l’année
2022,
les effectifs supplémentaires des 62 QRR étaient de 1 154, pas très éloignés des 1 300 affichés
initialement (cf. § 3.2.2).
Le renforcement de la fonction de contact avec la population
Le ministère de l’intérieur a créé les brigades spécialisées de terrain (
BST) en 2010,
dans une communication qui met en avant leur mission comme «
unité d’intervention
spécifiquement dédiée à la lutte contre la délinquance
»
41
.
Derrière une
priorité affichée pour l’intervention,
qui s’explique par les débats de
l’époque sur la police de
proximité, ces nouvelles BST ont reçu une définition et des missions
qui les rapprochent fortement de la PSQ définie plus tard. Ainsi, elles devaient être installées
38
Ces 30 premiers QRR étaient nommés dans le télégramme du ministre du 13 février 2018, cité, ainsi que dans
l’annonce de la PSQ en février 2018.
39
Diaporama
Un an de la police de sécurité du quotidien - Des engagements pris et des promesses tenues
;
8 février 2019, introduction par Christophe Castaner, ministre de l'intérieur.
quotidien
40
interieur
41
Actualité du ministère : Brice Hortefeux crée une UTeQ nouvelle génération : la brigade spécialisée de
terrain ;
de-terrain-BST-Toulon
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
26
«
dans des villes dans lesquelles il existe non seulement des zones difficiles mais surtout la
volonté forte de résoudre ces difficultés
».
En 2010, l’annonce de ces brigades soulignait
qu’elles devaient s’adapter au
terrain et à
l’emploi du temps des délinquants
, en fonction de
l’analyse de la délinquance locale.
Depuis 2018, la direction centrale de la sécurité publique et ses services déconcentrés
s’appuient sur les
brigades spécialisées de terrain dans les QRR. Des brigades ont été créées ou
recentrées sur les QRR et leurs effectifs ont été renforcés
; leurs horaires d’activité ont été
adaptés au contexte local (cf. chapitre 3).
Dans le dispositif de la PSQ, la présence d’une
brigade
spécialisée de terrain est presque toujours la seule différence
d’organisation
entre un secteur de
sécurité publique doté d’un QRR et un secteur qui n’en possède pas. Rien n’empêche cependant
les circonscriptions de sécurité publique de créer de telles brigades intervenant hors des QRR,
mais elles ne reçoivent pas de renforts en personnel pour les créer.
Le principal facteur de succès de ces nouvelles brigades spécialisées de terrain dans le
contexte de la PSQ est la bonne connaissance que les policiers qui y sont affectés ont du
quartier, ce qui appelle la stabilité des personnes.
La préfecture de police de Paris a préféré changer le nom de ses brigades spécialisées
de terrain (BST), désormais brigades territoriales de contact (BTC). Elles ont reçu environ 80 %
des effectifs supplémentaires affectés aux QRR. Dans des QRR soumis à des niveaux de
délinquance élevés, ces brigades territoriales de contact conservent une
vocation d’intervention
et ne visent pas prioritairement les échanges avec la population.
La gendarmerie a aussi identifié la nécessité de renforcer cette fonction de contact et sa
démarche
s’applique à tous les militaires
. En outre, les commandants des groupements de
gendarmerie départementale créent
des brigades de contact quand ils l’estiment nécessaire
;
elles reposent sur des effectifs plus réduits que ceux des brigades spécialisées de terrain de la
police et ne sont pas caractéristiques des QRR.
2.3
La création des QRR en trois vagues et les déterminants des choix
Selon la direction générale de la police nationale, les QRR des première et deuxième
vagues en zone police ont été choisis
par le cabinet du ministre de l’
intérieur, sans sa
participation. Pour le choix des quartiers de la troisième vague, la direction centrale de la
sécurité publique a proposé une liste de secteurs en appliquant plusieurs critères aux quartiers
distingués par ses directeurs départementaux (DDSP) ou proposés par des élus. Les facteurs
pris en compte mêlent les attentes locales
, l’analyse qualitative et la mesure d’indicateurs
:
-
l
a volonté affichée par les élus locaux d’intégrer ou non le dispositif
;
-
l
’existence d’une zone de sécurité prioritaire (ZSP) ou d’un QRR déjà dépl
oyé sur le
territoire de la commune et de la direction départementale. Sur les 48 QRR de la direction
centrale de la sécurité publique
, 33 sont d’anciennes ZSP
;
-
l
’établissement d’une monographie du quartier sous le prisme des enjeux locaux dans le
domaine
des dérives urbaines et de la radicalisation. L’analyse réalisée par le
renseignement territorial est donc fondamentale dans le choix et la priorisation des
quartiers proposés ;
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
27
-
la prise en compte, par le biais de la clé de répartition, des effectifs réels de la
circonscription afin d’analyser s’il y a besoin d’un renforcement des effectifs
;
-
l
’analyse de la délinquance à travers les indicateurs de situation et d’activité des services
;
-
l
’analyse de l’activité de voie publique sur le fondement du nombre d’
interventions de
police-
secours et d’heures
de fonctionnaires en m
aintien de l’ordre –
service d’ordre –
voyages officiels (MOSOVO).
L’analyse de l’ensemble de ces données a permis
à la direction centrale de la sécurité
publique d
’identifier 16 quartiers,
dont cinq ont été intégrés dans la troisième vague et un s’est
ajouté à un QRR préexistant (Strasbourg, quartier Elsau, qui a été inséré dans le QRR
Meinau/Neuhof).
Six autres QRR, qui n’avaient pas été étudiés par la
direction centrale, ont été
ajoutés lors de cette troisième vague
42
. La préfecture de police de Paris a aussi créé deux QRR
dans cette 3
e
vague
43
.
La préfecture de police de Paris a fait, dès la première vague, des propositions qui ont
été suivies. Ses QRR sont choisis selon deux critères principaux : le niveau de délinquance et
la qualité du partenariat avec les élus et les acteurs locaux, mesurée notamment par
l’
existence
d’une police municipale
et
d’un réseau de vidéoprotection. Il s’agit de quartiers résidentiels à
fort taux d’habitat social
ou dégradé, accueillant une population à bas revenus issue de la
diversité
, dont la délinquance est caractérisée par l’importance des trafics de stupéfiants, et la
fréquence des rixes et des violences physiques.
Selon la gendarmerie, après les demandes d
’élus
, les quartiers ont été définis en croisant
des paramètres relatifs aux attentes de la population face à des actes de délinquance ou
d'incivilité structurellement enracinés, l’existence d’un quartier prioritaire politique de la ville
(QPV), les
violences de type urbain (VTU), la radicalisation (nombre d’individus suivis dans
le département, nombre d’individus inscrits au FSPRT
44
dans la commune) et
l’importance des
trafics. Cette analyse par l’administration centrale a été accompagnée d’une consul
tation des
échelons territorialement compétents. En matière de délinquance, les critères étaient
comparables à ceux des ZSP créées en 2012 et, pour cette raison, les quatre QRR de la
gendarmerie en 2019 prenaient la suite des ZSP préexistantes
45
. La gendarmerie a créé deux
autres QRR dans la troisième vague
46
, également anciennes ZSP.
Les
trois autorités n’ont pas appliqué des critères
strictement identiques, mais elles ont
suivi des méthodes comparables qui tiennent compte de l’attente
et de l’engagement
des élus,
de la connaissance locale des situations et des indicateurs chiffrés de délinquance et d’activité.
42
Toulon, Rillieux-La-Pape (Lyon), Strasbourg (Cronembourg Hautepierre), Colmar, Le Havre (Aristide
Briand/Rond-point/République), Annemasse.
43
À Saint-Ouen et La Courneuve.
44
Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste.
45
En 2019 : Lunel-Mauguio (Héra
ult), L’Isle d’Abeau
-Villefontaine-La Verpillière (Isère), Fosses-Louvres (Val
d’Oise), Pamandzi
-Dzaoudzi (Mayotte).
46
Le 29 janvier 2021 : Libourne-Castillon la Bataille-Pineuilh-Ste Foy la Grande (Gironde) et Bonneville-
Scionzier-Cluses-Marnaz (Haute Savoie).
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
28
Les déterminants des choix
La France compte actuellement 62 QRR, dont deux outremer. Ils ont été créés en trois
vagues : septembre 2018 (14 QRR), février 2019 (33 QRR) et janvier 2021 (15 QRR),
l’achèvement de cette dernière ayant été retardé d’environ un an en raison du Covid, jusqu’en
février 2022 pour le dernier (Annemasse, en zone police).
La carte des QRR au 1
er
février 2021 est présentée en annexe. Ce document établi par
le Lab’PSQ est le seul qui recense l’ensemble des QRR. Il présente en outre la chronologie des
créations et les suppléments d’effectifs attribués, mais il n’est pas publi
c. La carte publiée sur
le site des données publiques
47
est plus ancienne et comporte des lacunes ; au demeurant, elle
n’a pas été produite par un service de l’État.
Au sein du cabinet du ministre
de l’intérieur, c’est une cellule préfigurant le Lab’PSQ
et associant en outre des représentants de la police et de la gendarmerie qui a préparé ces choix
à partir des informations relatives à la délinquance locale, aux effectifs en place et à d’autres
éléments extérieurs à la police, comme l’existence des QPV
48
et des plans de rénovation urbaine
et les demandes des préfets. Pour choisir les QRR de la 3
e
vague, le Lab’PSQ, créé entretemps,
a interrogé les directions générales avant de retenir une sélection de leurs propositions.
La lutte contre le trafic de stupéfiants est la caractéristique principale des QRR
Les QRR sont majoritairement touchés par des problèmes de trafic de stupéfiants et de
rodéos urbains, sans que ces axes évoluent d’une vague à l’autre. Le tableau suivant établit, par
vague, le profil de délinquance des quartiers sélectionnés. Il est construit à partir des stratégies
locales de sécurité fournies par la direction centrale de la sécurité publique,
c’est
-à-dire hors
secteurs gendarmerie et préfecture de police de Paris. La ventilation retenue correspond aux
grands axes sécuritaires mis en avant par la PSQ et qui ressortent des stratégies locales. La lutte
contre la radicalisation n’apparaît dans aucune stratégie locale. Sont indiqués le nombre de QRR
concernés par la problématique sécuritaire et la part du total des QRR qu’il représente. Ainsi,
72 % des QRR suivis par la direction centrale de la sécurité publique présentent des problèmes
liés au trafic de stupéfiants. Renforcer le lien police-population est une priorité pour 70 %
d’entre eux.
Tableau n° 1 :
Problématiques mises en avant dans les diagnostics de sécurité de la DCSP
Trafic de
stupéfiants
Présence sur la voie
publique. Amélioration
du lien police/population
Rodéos,
incivilités
routières
Incivilités et
occupations
Autre
délinquance
1
e
vague
8
9
5
2
2
67 %
75 %
42 %
17 %
17 %
2
e
vague
20
16
9
7
8
47
48
La France compte 1 514 QPV dont 1 296 en métropole.
Selon les chiffres de l’INSEE publiés en octobre 2021,
ils couvrent 8 % de la population. Cf. Cour des comptes ;
Les dispositifs en faveur de l’emploi des habitants
des quartiers prioritaires de la politique de la ville
; communication à la commission des finances, de
l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale
; juin 2022.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
29
Trafic de
stupéfiants
Présence sur la voie
publique. Amélioration
du lien police/population
Rodéos,
incivilités
routières
Incivilités et
occupations
Autre
délinquance
80 %
64 %
36 %
28 %
32 %
3
e
vague
6
8
4
2
2
60 %
80 %
40 %
40 %
20 %
Total
34
33
18
11
12
72 %
70 %
39 %
23 %
25 %
Source
: Cour des comptes, d’après documentation DCSP.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le dispositif a été défini très tôt dans ses grandes lignes.
À la fin de l’année
2022, les
62 QRR créés depuis février 2018 ont reçu un supplément de 1 154
postes. L’objectif annoncé
en février 2018 d’ouvrir 1
300 postes dans 60 QRR a été tenu à peu de différence près.
La mise en œuvre a été rapide et sans remise en question en cours de route. Les trois
quarts des QRR ont été déployés selon le calendrier initial, et même un peu plus vite puisque
la deuxième vague, en 2019, a anticipé une partie des créations programmée pour 2020. En
revanche, l’achèvement du déploiement a été retardé par la crise sanitaire et
certaines
créations de la troisième vague ont donc
été repoussées d’un an, et même deux ans pour la
dernière, début 2022.
Il s’agit d’une réforme de fond dont l’ampleur a pu être masquée par la variabilité de
la communication du ministère : de nombreuses conférences de presse entre 2018 et le milieu
de l’année 2019 ont annoncé des méthodes et des moyens nouveaux, parfois en additionnant
des ressources pr
ogrammées antérieurement. À l’inverse, les annonces ont cessé après 2019,
de même que toute communication mettant en valeur les actions poursuivies.
La portée de la réforme est bien identifiée dans les directions générales de la police et
de la gendarmerie
ainsi qu’à
la direction centrale de la sécurité publique, responsable de sa
mise en œuvre dans la police
, et à la préfecture de police de Paris. Ces directions en apprécient
les objectifs et souhaitent poursuivre dans la voie de la PSQ telle qu’elle est a
ppliquée depuis
2018.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
30
3
DES REUSSITES ET UN POTENTIEL
D’AMELIORATION
Les QRR possèdent de manière générale, mais à des degrés variables, des traits
communs quant à la croissance démographique, à la coexistence de populations d’origines
diverses, aux taux de pauvreté et de chômage ; ils présentent ou présentaient des conditions
d’urbanisme dégradé
es propices aux trafics de stupéfiants. Les QRR visent des priorités en
accord avec ces caractéristiques, qui sont aussi les priorités de la PSQ, définies localement et
adaptées à chaque territoire. Ces priorités peuvent varier mais
l’échantillon de quartiers retenus
pour ce contrôle montre qu’elles
sont issues de celles qui figurent dans le document
d’orientation du Lab’PSQ
:
-
Le renforcement de la présence policière sur la voie publique ;
-
Le renouvellement du partenariat avec les acteurs locaux et le contact direct et renforcé
avec les habitants et leurs représentants locaux ;
-
La lutte contre les trafics ;
-
Le développement d’une action interministérielle en faveur de l’amélioration de la
qualité de vie dans le quartier.
Les QRR visités lors de l’enquête sont présentés ci
-dessous chacun dans ses
particularités. La grande diversité des organisations locales impose une présentation des détails
(§3.1). Les enseignements communs sont regroupés plus bas (§3.2).
3.1
Une mise en œuvre généralement
appréciée par les responsables locaux
La mise en œuvre locale et les réalisations dans les QRR ont été constatées au cours de
huit visites dans les QRR de Fosses-Louvres (Val-d
’Oise) et de Lunel Mauguio (Hérault), en
zone gendarmerie,
ainsi qu’en zone de compétence de la
direction centrale de la sécurité
publique : Montpellier-La Mosson (Hérault), Angoulême-Soyaux (Charente), et Strasbourg
dans deux QRR distincts La Meinau-Le Neuhof et Cronenbourg-Hautepierre (Bas-Rhin). Pour
la préfecture de police de Paris, les QRR de Paris « 10
e
et 18
e
» et de Saint-Denis ont été visités.
3.1.1
QRR gendarmerie de Fosses-Louvres (2
e
vague)
Dans le Val-d'Oise (95), le QRR de Fosses-Louvres couvre deux communes disjointes
mais contenant deux gares successives de la ligne de RER qui les traverse. L’existence
de ce
transport direct et la répartition des établissements scolaires occasionnent des échanges entre
les deux
communes qui sont l’occasion de rivalités et d’affrontement
s entre bandes. En outre,
les deux communes du QRR présentent, au regard de la délinquance, des caractéristiques qui
les distinguent des communes environnantes et justifient ce QRR discontinu, qui a pris la suite
d’une ZSP
. Les deux communes sont dans le ressort de la compagnie de gendarmerie
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
31
départementale de Montmorency, mais chacune relève d’une brigade territoriale autonome
différente ; chacune des brigades
couvrant en outre d’autres communes ho
rs QRR.
Bien que les deux communes constituent un unique QRR, les diagnostics locaux de
sécurité sont rédigés par les commandants des brigades, un pour chaque commune. Le
commandant de compagnie a cependant commencé à rédiger, pour l’année 2021, un bilan q
ui
couvre l’ensemble du QRR.
Les entretiens au cours de ce contrôle ont montré que les
commandants locaux ont une bonne compréhension des enjeux de leur métier, et de la PSQ en
particulier. Ils sont astreints à une production documentaire parfois excessive et à des comptes
rendus rigides dont l’utilité n’a pas été démontrée lors de ce contrôle
.
Le diagnostic de sécurité pour la commune de Fosses rend compte de rixes entre bandes,
de trafics, mais surtout d’un niveau élevé de violence envers les gendarmes et
la brigade : en
mai 2018, les logements des familles ont été attaqués au cocktail Molotov, les gendarmes ont
fait l’objet d’une embuscade en avril 2021 coordonnée avec un tir au mortier d’artifice
sur la
brigade, etc
. Cette agressivité, parmi d’autres fac
teurs classiques, était attribuée à une
implantation de la brigade dans un quartier au centre des trafics de stupéfiants. En raison de ces
violences, la brigade de Fosses a reçu des équipements spécifiques plus nombreux que dans les
autres QRR : quatre lanceurs de balles de défense dont deux de 40 mm (plus précis que les LBD
44 en dotation générale) et des équipements de protection habituellement utilisés pour le
maintien de l’ordre.
En outre, la commune vient d’achever une opération de rénovation urbaine
d
e quinze ans, coordonnée avec les forces de l’ordre et mettant en œuvre les enseignements de
la prévention situationnelle
49
. Les lieux de trafics proches de la brigade ont été repoussés.
Les dix militaires affectés au titre du QRR ont été répartis pour moitié dans les deux
brigades, portant chacune à plus de 30 militaires
50
. L’attractivité est une question sensible en
Ile-de-France et les unités en sous-effectif y ajoutent un effet repousso
ir par l’augmentation de
la charge de travail individuelle. Un premier effet des effectifs supplémentaires est donc de
briser ce cercle vicieux. La gendarmerie a aussi mis en place à Fosses un dispositif de
contractualisation
qui permet d’attirer des genda
rmes expérimentés, par exemple en retour
d’outremer,
plutôt que d’y affecter par défaut des sorties d’école. Ainsi, malgré des conditions
de logement que les familles déplorent (bâtiments
vétustes, exposés aux attaques), l’ambiance
de travail est appréciée. En plus des effectifs permanents, le QRR reçoit un concours quotidien
d’une ou parfois deux patrouilles de
quatre gendarmes mobile
s, qui agissent l’après
-midi et en
soirée jusqu’à minuit
, et peut aussi recevoir des concours supplémentaires
d’autre
s forces
mobiles disponibles.
Les partenariats conduits par la gendarmerie sont bilatéraux (polices municipales,
établissements scolaires, bailleurs, transporteurs). Ils sont, selon les gendarmes, réguliers et
utiles.
Le maire de Fosses a rappelé que sa ville est engagée depuis 1999, date de la première
signature d’un contrat local de sécurité, dans une démarche partenariale et 2019 n’a pas marqué
une rupture. Il regrette la concurrence que les partenariats prévus par la PSQ font au conseil
local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD)
, qu’il
anime dans sa commune.
49
Entretien du 28 avril 2022 avec le maire de Fosses.
50
Les effectifs du groupement de gendarmerie départementale du Val-
d’Oise étaient de 677 fin 2016 et 702
en
2021 (+3,7 % en cinq ans)
; ce groupement n’est pas un «
département mieux accompagné ».
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
32
Les opérations des brigades comprennent plus de patrouilles à pied et de contacts dans
les communes du QRR. Les heures de présence sur la voie publique suivies par la DGGN
51
pour le QRR de Fosses-Louvres montrent une augmentation de 37 737 h en 2017, avant le
lancement de la PSQ, à 42 994 en 2021, non compris les patrouilles des gendarmes mobiles.
3.1.2
QRR gendarmerie de Lunel-Mauguio (2
e
vague)
Dans l’Hérault (34),
le QRR créé en 2019 couvre les deux communes de Lunel et de
Mauguio, dans le ressort de la compagnie de gendarmerie départementale de Lunel ; elles sont
disjointes et chacune dépend d’une brigade territoriale autonome différente
. Le diagnostic de
sécurité réalisé en 2019
52
rappelle que le QRR reprend le périmètre de la ZSP créée en 2012.
Lunel est connue comme ville d’origine de nombreux combattants ayant rejoint les
rangs de «
l’État islamique
». Les questions de radicalisation et de séparatisme y sont bien
identifiées
et toujours d’actualité, avec des ramifications dans la criminalité organisée locale,
même si les actions judiciaires et administratives récentes ont contribué à y répondre. La ville
a aussi été en grande partie restaurée depuis une décennie
Selon le témoignage des officiers de gendarmerie, l
’alignement du
périmètre du QRR
sur celui de la ZSP a été perçu comme la règle
. La question d’un QRR sur la seule commune
de Lunel pouvait cependant se poser car le diagnostic initial de sécurité précité ne faisait pas
apparaître de question de sécurité sortant de l’ordinaire pour la commune de Mauguio. Le
groupement et la compagnie de gendarmerie ont d’ailleurs,
de facto
, recentré le QRR sur Lunel
en y consacrant la plupart des effectifs supplémentaires
53
, en ne mentionnant plus que la
composante lunelloise dans les documents
54
et en actualisant le diagnostic local de sécurité sur
la seule commune de Lunel
55
.
Plusieurs interlocuteurs ont souligné qu’ils ne voient
pas de
raison qui justifie la présence de Mauguio dans le QRR.
La brigade territoriale autonome de Lunel possède un effectif élevé de 53 militaires. La
police municipale de la commune emploie 38 policiers, effectif important car supérieur au ratio
d’
un policier pour mille habitants.
L’augmentation de la présence sur le terrain permet de ne
plus faire appel aux patrouilles de gendarmes mobiles qui venaient renforcer la ZSP. Selon les
officiers du département, la PSQ ne change pas les objectifs, mais sa définition a permis de
«
réveiller les consciences
», en particulier «
aujourd’hui, la prévention a pleinement sa
place
», plus que dans le dispositif de la ZSP.
À Lunel-Mauguio, le partenariat prend la forme, inhabituelle en gendarmerie
, d’un
groupe de partenariat opérationnel piloté par le délégué du préfet pour le QPV
56
de Lunel,
associant le procureur de la République et les autres partenaires. Les acteurs se sont entendus
51
Suivies dans un tableau de bord que les unités territoriales ne reçoivent pas, reproduit ci-dessous (chapitre 4,
tableau n° 5).
52
Note n° 484/2019 de la compagnie de gendarmerie départementale de Lunel du 27 septembre 2019.
53
Les dix ajouts au QRR sont affectés à la brigade de Lunel (+5) au PSIG de Lunel (+2), à la BPDJ installée à
Lunel (+1) ; les deux autres sont affectés à la BTA de Mauguio.
54
Note de service n° 11358/143/2022 du 1
er
avril 2022
–
contrat opérationnel de la compagnie.
55
Note n° 4628/4194/2022 de la BTA de Lunel.
56
Cf. § 1.4 la présentation des délégués du préfet pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
33
pour que le groupe de partenariat opérationnel et la cellule de veille du conseil local de sécurité
et de prévention de la délinquance
n’interviennent pas sur les mêmes domaines de compétence.
L’appréciation de la mairie renvoie l’image de très bons rapports avec la gendarmerie
et d’une coopération efficace, notamment dans la lutte contre les stupéfiants à laquelle la
police
municipale prête son concours. La présence sur le terrain est aussi jugée bonne, la gendarmerie
ayant désigné deux militaires connaissant bien l’environnement pour entretenir les contacts
avec les commerçants et la population.
Le représentant du bailleur social au groupe de partenariat opérationnel, qui exerce son
activité sur 31 communes, estime, lui aussi, que les réactions sont plus rapides et plus fortes
dans le QRR que dans les autres communes, confirmant ainsi le bon emploi des moyens au
profit du QRR.
3.1.3
QRR La Mosson de la CSP de Montpellier (1
e
vague)
Le QRR de La Mosson (parfois appelé localement La Paillade) est une zone regroupant
22 000 habitants dans la commune de Montpellier. Il constituait une ZSP et il est inclus dans
un secteur de sécurité publique plus vaste (quatre fois plus peuplé). C
’est aussi un
quartier
prioritaire de la politique de la ville. Le responsable du secteur identifie un quartier limitrophe
au QRR qui pourrait y être attaché en raison de ses caractéristiques communes (quartier du
Petit-Bard, inclus dans une ZSP).
L’existence d’une ZSP semble avoir été un facteur déterminant de la désignation du
QRR La Mosson car,
selon l’analyse du
directeur départemental de la sécurité publique, le
centre-ville de Montpellier concentre 40 % de la délinquance de la circonscription et se trouve
confronté à des problèmes typiques des QRR
, mais n’a pas été reconnu comme tel
. Le directeur
départemental y a donc déployé la PSQ avec des méthodes très proches de celles des QRR :
adaptation de la présence sur le terrain, partenariat avec la police municipale, dialogue avec la
population.
En septembre 2020, pour appliquer la nouvelle directive de la direction centrale de la
sécurité publique
57
, le directeur départemental a réorganisé ses services : les chefs des
commissariats de secteur ont perdu leur autorité sur les enquêteurs de la filière investigation de
la sécurité publique installés dans leur commissariat de secteur. Désormais, de la plainte à
l’enquête, les activités judiciaires de la séc
urité publique
58
relèvent d’un seul chef
pour toute la
circonscription.
La configuration immobilière est défavorable. Ainsi, l’exiguïté des locaux fait que la
brigade spécialisée de terrain (BST)
prend son service à l’Hôtel de police et non sur place, lui
imposant des temps de transport qui s’allongent avec les encombrements de circulation
notoirement importants dans la ville.
L’emplacement actuel est considéré comme mal sécurisé
(bureau incendié en octobre 2017). Le transfert dans un nouveau commissariat de secteur,
57
Note de service DCSP 2020-001 du 10 janvier 2020 :
Adaptation de l’organisation des services territoriaux de
la sécurité publique en appl
ication des principes directeurs de la doctrine d’emploi et d’organisation du
28 décembre 2015
.
58
Différentes des enquêtes confiées à la PJ, relevant d’une autre chaîne hiérarchique.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
34
longtemps attendu car le projet existait déjà en 2018 avant la création du QRR, est prévu en
2024.
La création du QRR s’est accompagnée d’un renfort de 21 policiers qui explique à lui
seul la variation des effectifs de la direction départementale de la sécurité publique
de l’Hérault
,
de 1 282 fin 2016 à 1 300 en 2021 (en augmentation de 1,4 %). Ils
ont permis la création d’une
brigade spécialisée de terrain portée à 21 grâce à un renfor
t de 8 et à la conversion d’équipes
préexistantes. Cette brigade est elle-
même composée d’un groupe actif l’après
-
midi (12) et d’un
groupe de nuit (9).
Depuis la réorganisation de septembre 2020, la BST n’est plus sous l’autorité
du chef de secteur mais fa
it partie des unités d’appui opérationnel du service de la voie publique
de la circonscription, comme la brigade anti-criminalité (BAC). Cette organisation imposée par
la directive de la direction centrale de la sécurité publique ne correspondait pas à la vision
initiale des chefs locaux ; elle permet cependant une mutualisation des moyens en cas de
nécessité, sans perturber la mission principale selon les témoignages, car les unités de police
secours ont aussi été réorganisées, sur les ressources propres de la direction départementale,
afin de retarder le moment d’un appel à la BST qui la détournerait de sa mission sur le QRR
.
Le responsable du secteur QRR remarque cependant que ses instructions à la BST sont relayées
et parfois retardées en raison des urgences du central de la circonscription.
L’essentiel des renforts (1
2) a été affecté au traitement des affaires judiciaires du QRR,
dont 9 installés dans le commissariat de secteur et 3 à la sûreté urbaine pour la lutte contre les
stupéfiants. Comme les autres QRR, La Mosson a reçu du matériel en priorité (gilets tactiques,
caméras piéton).
Le QRR bénéficie aussi de l’aide appréciée d’un
délégué à la cohésion police-
population (DCPP, cf. § 3.2.2) qui sert de point de contact avec les partenaires.
Les groupes de partenariat opérationnel (GPO) sont constitués pour résoudre des
problèmes spécifiques sous le pilotage de la police nationale avec une durée approximative de
trois mois, à l’exception d’un GPO permanent pour les transports publics.
Les participants sont
appelés en fonction du thème du GPO.
Les GPO coexistent avec le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance
(CLSPD). Le responsable du secteur est ainsi invité par les élus aux réunions du CLSPD. Les
coopérations avec les polices municipales sont appréciées dans le département et se traduisent
aussi par des bureaux mixtes entre les deux forces (implantation commune à Agde, Lattes et en
projet à Béziers). L
a coopération avec la commune s’est renforcée après les élection
s
municipales de 2020.
À l’échelle de la circonscription, le responsable de la police municipale de Montpellier
reconnaît la bonne coopération entre polices nationale et municipale, la qualité des relations
interpersonnelles et l’efficacité du travail mais const
ate aussi que les sollicitations adressées par
la police nationale aux équipes municipales sont importantes et les obligent parfois à se
désengager de leur mission de proximité. Ainsi, la coopération avec la police municipale peut
aller à contresens de la sécurité du quotidien.
Le responsable de secteur estime que les tableaux de comptes rendus des GPO, avec la
mention des nombres de « problématiques » identifiées et résolues, ne sont pas bien adaptés au
suivi. Il
ignore s’ils sont utiles à l’échelon central car il ne reçoit pas d’information en retour
(cette communication à sens unique est confirmée dans les autres QRR).
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
35
3.1.4
QRR Angoulême-Soyaux
de la CSP d’Angoulême
(2
e
vague)
Le QRR est composé de trois zones disjointe
s, dont l’un
e sur la commune et dans le
secteur de sécurité publique de Soyaux (quartier du Champ-de-
manœuvre)
, les deux autres dans
le secteur couvrant la ville d’Angoulême (quartiers Basseau
-Grande Garenne et Bel Air-Grand
Font). Deux de ces quartiers sont cependant reliés par une ligne de bus directe qui met en
relation les bandes rivales des deux quartiers
59
.
En nombre de faits de délinquance, le QRR d’Angoulême
-
Soyaux est l’un des plus
petits
60
. C’est avant tout la dynamique de la délinquance, en croissance plus forte que dans des
circonscriptions de sécurité publique
d’importance comparable qui peut expliquer sa
désignation comme QRR de la 2
e
vague.
L’analyse présentée par le
directeur départemental de
la sécurité publique en juillet 2019
61
souligne aussi la coexistence parfois conflictuelle de
plusieurs communautés et les rivalités et rixes entre bandes des différents quartiers du QRR.
Les quartiers retenus sont aussi plus affectés par les trafics de stupéfiants que le reste de la ville.
Comme les autres QRR, celui d’Angoulême
-Soyaux est aussi le lieu de problématiques
sociales : l
e taux de pauvreté est d’environ 50
% dans le QRR, soit plus du double de la
commune d’Angoulême.
La délinquance dans la circonscription de sécurité publique
d’Angoulême était certes
préoccupante, mais
l’enquête
de la Cour ne montre pas qu’ell
e distinguait cette circonscription
comme une priorité dans un contexte de ressources rares
. Néanmoins, le choix ministériel d’une
inscription dans la deuxième vague répondait à la demande du préfet et permettait de créer un
QRR dans une région qui en compte peu. Cette décision a surtout permis d’affecter dix policiers
supplémentaires
62
, dont sept pour créer la brigade spécialisée de terrain.
Plus qu’ailleurs, la dotation QRR d’Angoulême s’apparente à une opération de pilotag
e
des effectifs plutôt qu’à une concentration de moyens importants
; sur ce plan, elle ne manque
pas de justification. Le responsable du secteur de sécurité publique de Soyaux constate que cet
apport est inférieur à la réduction des effectifs depuis deux décennies.
Depuis 2019, la circonscription de sécurité publique obtient des effets positifs grâce à
l’organisation des services
permise par ces renforts limités. Toutefois,
l’extension du
dispositif
QRR à un quatrième quartier (Ma Campagne)
n’est pas possi
ble car elle aurait pour
conséquence de nécessiter des effectifs supplémentaires qui ne sont pas disponibles ou de diluer
les moyens déjà affectés à la brigade spécialisée de terrain sur un espace trop grand. Pour la
mise en œuvre de la PSQ, la déconcentration des décisions ne va pas jusqu’à permettre au
directeur départemental de modifier, par exemple, la répartition entre brigade anti-criminalité
et brigade spécialisée de terrain. Le contrôle a montré que cette impossibilité de réaffecter des
effectifs à
l’intérieur des services est commun
e à beaucoup de circonscriptions visitées.
59
Ligne B de « bus à haut niveau de service » qui relie le quartier du Champ-de-Manoeuvre à Soyaux et le
quartier Basseau à Angoulême. La mairie de Soyaux demande un autre tracé pour éviter de transformer cette
ligne en lieu d’affrontement, sans succès jusqu’à présent.
60
Avec 643 faits constatés au sens de l’index 4001 en 2019,
c’est l’un des dix plus petits selon le décompte tenu
par le Lab’PSQ.
61
Note du DDSP de la Charente n° CC 19/4461 du 24 juillet 2019
à l’appui de sa demande de création d’une
BST. Cette note contient les informations attendues dans le diagnostic local de sécurité non disponible.
62
Les effectifs de la DDSP en Charente étaient de 276 fin 2016 et 309 en 2021 pour les deux CSP d’Angoulême
et Cognac (en augmentation de 12 % sur cinq ans).
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
36
La configuration du QRR d’Angoulême
-Soyaux, réparti sur deux communes, montre
aussi que l
’installation
des groupes de partenariat opérationnel, imposée par la direction centrale
de la sécurité publique
63
, peut concurrencer des dispositifs antérieurs. Le conseil local de
sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) préexistant réunissait les mêmes
participants que le GPO dans des « cellules de veille » par quartier sous le pilotage du maire.
Les deux dispositifs vivent aujourd’hui dans une forme d’ambiguïté
: les GPO ont
théoriquement absorbé les cellules de veille, selon la police, et le responsable de secteur tient à
jour les comptes rendus au format demandé par la direction centrale de la sécurité publique. De
son côté, la mairie
d’Angoulême n’a pas abandonné sa capacité d’initiative quand elle estime
nécessaire, de son point de vue, de réunir sa cellule de veille. Les constats du directeur
départemental et du res
ponsable du secteur d’Angoulême se rejoignent
sur le fait que la
superposition des dispositifs est parfois lourde à gérer.
À Soyaux, les partenaires, et notamment la mairie, ne connaissent pas le nom de GPO ;
la mairie réunit la cellule de veille du CLSPD
, qu’un élu dirige. Il s’agit en fait des mêmes
réunions, que chacun nomme différemment. La question du nom et celle du pilotage des
réunions ne semble pas s’opposer à la satisfaction que les participants expriment pour la
méthode et les résultats : plusieurs participants ont confirmé que les réunions mensuelles
permettent un bon échange d’information
s et sont suivies de réactions rapides et adaptées.
Les résultats sont perçus positivement, tant du côté de la police, qui en mesure les effets
positifs par la qualité des relations entre la population et la brigade spécialisée de terrain, que
par la population, selon la mairie
qui voit l’évolution
favorable des doléances auprès de ses
services.
La brigade spécialisée de terrain est composée de sept policiers dont un chef et un
adjoint. Elle patrouille six jours par semaine, de 15h à 23h (ou 13h-
21h l’hiver), majoritairement
à pied en partageant son temps entre les trois quartiers du QRR. Pour assurer un bon contact
avec la population, la BST ne procède pas aux interpellations quand
elle peut l’éviter, ce qui ne
l’empêche pas de contribuer à la remontée du renseignement et à l’identification des individus
que ses agents connaissent personnellement par leur présence et contacts quotidiens. La BST
est bien perçue par la population et même par les « suspects habituels » qui réservent leur
hostilité à la brigade anti-criminalité
; l’opinion de la BST est confirmée par les partenaires.
La mairie de Soyaux mesure la satisfaction ou les inquiétudes de la population par les
demandes des riverains qui se tournent vers la mairie et son service de doléances. La nuisance
la plus citée est le bruit, en particulier à l’occasion des rodéos urbains. La mairie constate que
le bruit a diminué grâce à la saisie d
’une grande partie des véhicules incriminés.
3.1.5
Les deux QRR de la CSP de Strasbourg (1
e
et 3
e
vagues)
Le département du Bas-Rhin comprend trois circonscriptions de sécurité publique dont
la principale, à Strasbourg, contient deux QRR, le premier couvre les quartiers La Meinau et
Le Neuhof depuis la première vague et a été étendu, de manière théorique, au q
uartier d’Elsau
63
Note de service DCSP n° 0007/19-01995-D du 15 avril 2019 sur la
déclinaison opérationnelle de la police de
sécurité du quotidien.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
37
lors de la troisième vague ; le second couvre les quartiers de Cronenbourg et Hautepierre depuis
la troisième vague. Tous ces quartiers sont dans la commune de Strasbourg.
Les QRR strasbourgeois présentent des particularités communes. La première est que
leur mode de fonctionnement a été aménagé plutôt que transformé par la PSQ et la création des
QRR, car les actions partenariales et l’activité des
brigades spécialisées de terrain (BST)
préfiguraient l’organisation désormais en place. L’une
des conséquences de cette relative
stabilité est que les BST y pratiquent apparemment moins que dans d’autres départements
visités les patrouilles à pied, du moins pour celles qui interviennent en soirée
64
et ont préservé
des modes d’action laissant une place importante aux actions d’initiative. Les opérations
communes avec la police municipale ne comprennent pas les patrouilles pédestres et les prises
de contact
. Au demeurant, la police municipale, à l’effectif de 157, n’est pas spécialisée
géographiquement et intervient plus au centre-ville que dans les quartiers périphériques. Le
moindre recours aux patrouilles à pied
s’explique aussi par
l’urbanisme et
l’étendue des QRR,
plus grands qu’ailleurs
.
La deuxième particularité
est que les effectifs nets n’ont
pas été augmentés à la hauteur
des annonces ministérielles. Ainsi, les 30 effectifs supplémentaires du QRR La Meinau-
Le Neuhof sont surtout venus combler des sous-effectifs importants dans le département et
n’ont pas constitué une augmentation
nette du même montant des effectifs sur le QRR ; ils ont
en revanche permis
de monter à l’
effectif permanent de 21 (un chef et deux groupes de dix) la
BST « sud cyclique » préexistante, qui assure une présence permanente de 13h à minuit chaque
jour de la semaine sur le secteur sud. Ils ont aussi permis la création en janvier 2019
d’une BST
« hebdomadaire »
à l’effectif de dix, propre au QRR
La Meinau-Le Neuhof et intervenant en
journée, pour moitié à pied. Lors de la création du QRR Cronenbourg-Hautepierre, les
20 effe
ctifs supplémentaires ont aussi contribué à porter à 22 l’effectif de la BST «
nord
cyclique » préexistante, qui se concentre désormais sur le QRR. La réduction des sous-effectifs
à la direction départementale a aussi permis de renforcer les équipes de police secours, retardant
le moment où l’appel aux
brigades spécialisées de terrain devient nécessaire en renfort des
interventions et les écarte de leur patrouille QRR. Les effectifs affectés aux commissariats de
secteur n’ont pas changé.
Ces mouvements sont intervenus dans un contexte de baisse des
effectifs de la direction départementale du Bas-Rhin, de 1 152 fin 2016 à 1 091 en 2021 (-5,3 %
depuis 2017)
65
.
En définitive, les suppléments d’effectifs de 30 puis 20 pour les deux QRR
permettent de sanctuariser les effectifs des trois brigades spécialisées de terrain intervenant sur
les deux QRR.
La création du QRR La Meinau-Le Neuhof
a été l’occasion de recruter un deuxième
délégué à la cohésion police population (DCPP).
Enfin, la gestion des partenariats est fluide car les groupes de partenariat opérationnel
ont trouvé sans difficulté une place dans le dispositif, en prenant la suite des cellules de veille
qui étaient, dans ce département, déjà pilotées par la police et non par la mairie. Les policiers
sont très satisfaits des nouvelles relations introduites par la PSQ car les partenaires prennent
leur part des tâches, quand les cellules de veille antérieures conduisaient le plus souvent à établir
une liste de tâche pour la seule police nationale. La direction départementale de la sécurité
64
Dites BST cycliques car elles appliquent le cycle binaire pour assurer une présence permanente de 13h à
minuit.
65
Selon les informations transmises par le ministère à la Cour pour la note d’exécu
tion budgétaire de la mission
sécurité 2021.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
38
publique
a pris l’initiative d’un développement informatique réussi pour assurer l’édition des
comptes rendus des GPO et le suivi des problèmes résolus, dont la direction centrale prépare
l’extension à tou
t le territoire national.
La qualité des partenariats se mesure aussi à l’implication de la ville de Strasbourg, dont
le service de prévention urbaine partage pour chaque GPO des fiches d’ambiance par quartier
,
comprenant les phénomènes marquants et les a
ctions menées, ainsi qu’une cartographie des
événements.
La cartographie, surtout celle réalisée par la direction de territoire de la ville
66
à
Hautepierre apparaî
t d’ailleurs comme une bonne pratique qui tient ici au dynamisme d
es
personnes, tant à la direction de territoire qui les réalise
qu’au
responsable du commissariat de
secteur du QRR Cronenbourg-Hautepierre
qui l’exploite.
La Meinau-Le Neuhof (PN, 1
e
vague) et Elsau
La Meinau-Le Neuhof regroupe deux quartiers de Strasbourg, limitrophes, déjà
constitués en ZSP depuis 2013
; chacun dispose d’un commissariat de secteur (ou
« bureau de
police »
selon l’appellation antérieure qui figure toujours sur les panneaux routiers
, les
enseignes
et dans l’annuaire des pages jaunes
).
La Meinau et Le Neuhof sont deux quartiers prioritaires de la politique de la ville dans
lesquels la rénovation urbaine engagée depuis vingt ans et l’action de la police depuis les ZSP
avaient déjà apporté des améliorations. La fiche de diagnostic (non datée) signale
simultanément l’ex
istence des programmes de rénovation urbaine depuis 2001, dont la visite
du quartier de La Meinau
et d’une partie du Neuhof
lors de l’enquête a montré qu’ils
sont très
avancés, et une prédominance de grands ensembles des années 60, dont l’importance est
visiblement
moindre aujourd’hui.
Elsau est limitrophe de La Meinau, mais une autoroute bordant une zone industrielle
introduit une solution de continuité entre les deux. Elsau a été proposé pour devenir un nouveau
QRR lors du recensement préparant la 3
e
vague, mais selon les déclarations convergentes des
administrations centrale et départementale, cette demande était poussée par des élus alors que
le choix de cet unique
quartier ne correspondait pas à l’analyse de la
direction départementale
de la sécurité publique.
Le ministère n’a pas validé la création d’un nouveau QRR mais a cru
trouver un compromis en agrégeant Elsau au QRR existant, sans y affecter de moyens
supplémentaires. En pratique, la circonscription de sécurité publique a, de sa propre initiative
et avant la décision de la troisième vague, réorganisé ses services pour constituer sur ses forces
propres
67
une brigade spécialisée de terrain intervenant sur Elsau et deux quartiers voisins,
formant un bassin plus large de délinquance qu’elle
identifie comme plus pertinent :
Koenigshoffen, Montagne Verte et Elsau. La police fonctionne désormais, dans Elsau et ses
quartiers voisins selon des modalités comparables à celles d
’un
QRR indépendant, montrant
66
Les directions de territoire de la ville de Strasbourg, dont les secteurs respectifs sont des quartiers et ensembles
de quartiers administratifs, assurent le pilotage du projet de développement social et urbain (en lien avec
l’application du Contrat de Ville), la déclinaison des politiques publiques et la coordination de l’action des
services de la collectivité sur le territoire.
67
Par transformation de la compagnie de sécurité de nuit (CSN) de Koenigshoffen, Montagne Verte et Elsau.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
39
ainsi que les services sont capables d’organiser leu
r structure et leur activité, dans la limite des
moyens disponibles.
Cronenbourg-Hautepierre (PN, 3
e
vague)
Le QRR est aligné sur les deux quartiers administratifs contigus de la ville de
Strasbourg. Le commissariat de secteur est installé à Hautepierre.
Cronenbourg et Hautepierre comportent chacun un quartier prioritaire de la politique de
la ville ; la rénovation urbaine est en cours. Le diagnostic territorial met au premier rang de la
délinquance les trafics de stupéfiants et points de
deal
. Le quartier Hautepierre a d’ailleurs été
classé en « quartier témoin » (cf. § 3.2.1). Les violences urbaines et rodéos sont aussi cités dans
les documents et par les responsables. Toutefois, les entretiens ont montré que la situation
sécuritaire dans les quartiers avait été améliorée avant la création du QRR, en particulier avec
la redéfinition antérieure des voies de circulation à Hautepierre.
Le QRR a été créé en janvier 2021, à l’occasion d’une visite du ministre de l’intérieur.
La conséquence de l’apport d’effectifs est présentée ci
-dessus : recentrage de la brigade
spécialisée de terrain sur le QRR et sanctuarisation (« soclage » dans le vocabulaire policier)
de ses effectifs. Le délégué à la cohésion police-population était en poste depuis 2015, il
intervient désormais pour dix vacations
68
chaque mois contre huit, ou moins selon les
fluctuations budgétaires, auparavant.
Les partenariats y ont les mêmes caractéristiques et qualités qu’à La
Meinau-Le Neuhof.
Les entretiens et la visite du QRR de Cronenbourg-Hautepierre montrent que la PSQ y
est bien conduite et avait enregistré des bons résultats, notamment en matière de violences
urbaines, dès avant la création du QRR. La transformation en QRR a affecté des moyens
supplémentaires, mais beaucoup moins im
portants que l’annonce ministérielle d’un apport net
de 20 policiers : ils sont en réalité limités à une mise à niveau de la brigade spécialisée de terrain
et une augmentation modeste des vacations du délégué à la cohésion police-population. Les
responsables ont cependant le souci de maintenir ces moyens fléchés
, qui permettent d’atteindre
un seuil minimum pour une action efficace et estiment que la qualification de QRR est la seule
parade à la réduction de ces moyens.
3.1.6
Les QRR de Paris et Saint-Denis
–
préfecture de police de Paris
Les QRR de la préfecture de police de Paris présentent des caractéristiques communes
qui les différencient des QRR de la direction centrale de la sécurité publique.
D’abord, la
préfecture de police a proposé ses QRR dès les première et deuxième vagues, selon les analyses
des commissariats, dans une démarche appréciée par les policiers. Ensuite, et peut-être comme
une conséquence du point précédent, les questions transversales que soulèvent habituellement
les quartiers prioritaires des politiques de la ville
y ont moins de poids que la volonté d’une
action policière
contre la délinquance. La coordination entre l’urbanisme et la sécurité est moins
visible et probablement moins prometteuse
que dans d’autres régions
. Enfin, la déconcentration
68
Une vacation de 7 h correspond environ à un jour.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
40
des décisions ne descend pas entièrement à l’échelle des
circonscriptions de sécurité publique,
ce qui s’explique par l’étendue de l’agglomération
partagée entre plusieurs circonscriptions
contiguës.
L’une des conséquences de ces caractéristiques pr
opres est que les brigades territoriales
de contact affectées aux QRR sont perçues comme plus tournées vers la poursuite des
délinquants que vers la prévention. Dans les commissariats
, cette idée ne s’oppose pas à la prise
en compte des attentes de la population, dont tous les acteurs soulignent l’importance. Elle
conduit le commissariat du XVIII
e
à souhaiter pour la brigade territoriale de contact de son
QRR des formation
s à l’interve
ntion en équipe constituée, inexistantes à ce jour. Ainsi formées,
les brigades territoriales de contact des QRR sont des unités attractives, qui peuvent donc
recruter des policiers expérimentés et les fidéliser ; c
’
est un effet intéressant dans un territoire
qui n’a pas cette réputation.
La priorité donnée à la chasse aux délinquants est complémentaire des échanges avec la
population. Elle
répond en définitive à la volonté d’adapter l’action au diagnostic territorial.
Lors de ce contrôle, la préfecture de
police n’a pas été en mesure, malgré de long
s délais,
de produire les directives qu’elle a adressées à ses directions territoriales et
circonscriptions de
sécurité publique pour la mise en place de la PSQ et des QRR. La préfecture de police de Paris
ne semble pas exploiter les comptes ren
dus qu’elle demande à ses commissariats et, dans tous
les cas, n’en fait pas de restitution
aux services
; en cela elle n’agit pas différemment des
directions générales (cf. §3.2.4). À défaut de directives, les entretiens ont montré le rôle
déterminant des commissaires et des cadres dans la mise en place des dispositifs et l’intérêt de
s
échanges sur les bonnes pratiques. Ceux-ci existent au sein de la préfecture de police de Paris
mais n’ont pas permis, par exemple, de développer l’expérience du sondage de la population
présentée
infra
(cf. §4.3).
Le QRR de Paris
–
X
e
et XVIII
e
arrondissements (1
e
vague)
Le QRR « des 10
e
et 18
e
» créé en octobre 2018 sur le tracé de la ZSP préexistante a la
particularité de relever du commissariat central du XVIII
e
arrondissement (quartiers Château-
Rouge, Barbès Goutte d’Or, Max Dormoy)
tout en s’étendant partiellement au sud sur le X
e
arrondissement (secteur Gare du Nord
–
Lariboisière). Ainsi, la brigade territoriale de contact
(BTC 10-18) intervenant au titre du QRR appartient au commissariat du XVIII
e
mais agit aussi
dans la partie sud du QRR de manière coordonnée avec le commissariat central du Xe.
Ce chevauchement original est une réponse pragmatique au risque de report de
délinquance du quartier de la Goutte d’Or vers l’arrondissement voisin.
Or, dans le dispositif
parisien, les commissariats centraux sont institués selon les limites administratives des
arrondissements et ne peuvent être redessinés selon les bassins de délinquance.
Par ailleurs, la compétence commune des deux commissariats est facilitée par un
pilotage
très centralisé, les choix d’organisation
des commissariats, même les plus élémentaires
comme les horaires ordinaires des patrouilles, étant validés à un niveau hiérarchique plus élevé.
Le maillage des circonscriptions de sécurité publique
s’oppose ici à une déconcentration
complète, diffi
cile à mettre en œuvre
quand les circonscriptions sont interdépendantes.
Le périmètre du QRR correspond toujours, quatre ans après sa création et dix ans après
celle de la ZSP, à l’analyse de la délinquance dont les causes structurelles ne laisse
nt pas espérer
une réduction à court ou moyen terme. En complément
, l’évolution du nord de l’arrondissement
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
41
au plan de l’urbanisme, avec la construction récente ou attendue de nouvelles habitations,
université et infrastructures sportives, peut faire naitre des besoins nouveaux dans un secteur
également touché par des arrivées de migrants ou de consommateurs de stupéfiants. Ainsi, le
commissariat du XVIII
e
a récemment proposé la création d’une
brigade territoriale de contact
propre à ce secteur, ce qui montre la nécessité d’une adaptation dynamique de
la carte des QRR.
Les caractéristiques de la délinquance distinguent, par rapport aux autres QRR, celui
des 10
e
et 18
e
car il affiche une liste plus étendu
e d’activités criminelles et
de nuisances. Parmi
ces dernières
, la principale est la suroccupation de l’espac
e public. Selon les secteurs, les causes
ne sont pas identiques, allant de la concentration de migrants, de consommateurs de stupéfiants
et de vendeurs à la sauvette à la fréquentation de marchés et commerces spécialisés. Les
résultats atteints dans ce sens sont régulièrement remis en question, notamment par les vagues
de migration qui viennent repeupler les espaces évacués.
Face aux trafics de stupéfiants, l
e secteur de la Goutte d’Or
(un quart du QRR) est
désormais un « quartier témoin » et reçoit à ce titre le renfort de forces mobiles sur une partie
de sa superficie et le concours
de services judiciaires dans l’autre.
L’action spécifique au QRR relève de la brigade territoriale de contact 10
-18
e
. Cette
unité est composée de 49 policiers, dont trois grad
és, sous les ordres d’un
major.
L’effectif
supplémentaire alloué au QRR
en 2018, de 25 selon le Lab’PSQ (cf. annexe n°
1) y a été
intégralement affecté.
L’efficacité de la BTC 10
-18 repose sur la connaissance du quartier,
tandis que les autres brigades territoriales de contact du commissariat ont un
terrain d’action
plus large.
Quelques années après le lancement de la PSQ et les dotations de matériel qui ont suivi,
la BTC 10-8 souligne
69
la réduction du parc automobile, les véhicules
réformés n’étant plus
remplacés, et la sous-dotation de sa brigade en dispositif de communication ACROPOL.
L’attention portée aux demandes de la population est organisée par la mission de
prévention, de contact et d’écoute (MPCE), composée de neuf policiers, dont un réserviste
(délégué à la cohésion police-population)
, et dirigée par un major. Cette unité qui s’inscrit
exactement dans la définition de la PSQ existe depuis plus de vingt ans et n’a pas nécessité de
renforts en 2018. Elle est active sur la totalité de l’arrondisse
ment. Les doléances de la
population sont reçues par courriel, à une adresse dont la diffusion large par la mairie
d’arrondissement et les associations assure le succès. Les doléances sont suivies de contacts
avec les riverains et de remontée soit vers la brigade territoriale de contact, soit vers les organes
de partenariat, ce qui assure une bonne visibilité de l’action.
La mission de prévention, de
contact et d’écoute
organise, dans le QRR, des rencontres avec les riverains et les associations,
sous forme
de réunions dont le calendrier interrompu par le covid reprend tout juste à l’automne
2022.
Les relations avec les partenaires à l’échelle du QRR sont assurées par la réunion
mensuelle d’un
groupe de partenariat opérationnel présidé par le chef de la mission de
prévention, de contact et d’écoute
. Les comptes rendus font apparaitre des problématiques et
des méthodes classiques des QRR. En outre, le commissaire central anime une cellule de
coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure (CCOFSI), instance mise en place
avec la ZSP, à laquelle participe la mairie, destinée à faire travailler ensemble les services
69
Dans son rapport mensuel du 1
er
novembre 2022.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
42
administratifs. Aucune cellule de veille de conseil local de sécurité et de prévention de la
délinquance ne concurrence ces instances à Paris.
L’appréciation des résultats est le reflet d’une perception par les policiers eux
-mêmes
de leur action et une évaluation des retours des partenaires et de la population. Dans ce QRR,
elle est positive sur ces deux plans.
Le QRR de Saint-Denis (2
e
vague)
Choisi sur proposition du commissariat, le QRR a été délimité en fonction des priorités
policières, sans concertation avec la mairie ou les autres partenaires et notamment sans lien
avec d’éventuels projets de rénovation urbaine. Comme dans d’autres
circonscriptions du
département, les policiers ont apprécié que leur proposition soit prise en compte.
Annoncé en février et créé en juin 2019, ce QRR couvre le nord de la commune de
Saint-Denis (quartiers Delaunay-Belleville-Semard et Floréal-Allende-Mutuelle).
Il n’a pas
repris le tracé de l’ancienne ZSP
du centre-
ville et présente désormais moins d’enjeux de
sécurité que le QRR. Le périmètre du QRR reste pertinent car, même après les démantèlements
de trafics, une pression constante reste nécessaire pour freiner la reconstitution des réseaux.
Dans une circonscription comportant au total 360 policiers, le supplément de
25 policiers au titre du QRR a, pour partie,
augmenté l’effectif de
la brigade territoriale de
contact, désormais à 32. Le
complément d’effectifs
a aussi permis de constituer une équipe de
six enquêteurs sectorisée sur le QRR. La bonne connaissance du terrain développée par ces
enquêteurs donne, selon le commissariat, de très bons résultats.
L’un des deux
délégués à la cohésion police-population du commissariat est aussi
spécialisé sur le QRR ; le recrutement souhaité de délégués supplémentaires se heurte à
l’absence
de candidats.
Les relations régulières avec les partenaires sont coordonnées par trois GPO sur la
circonscription depuis 2021. L’un des trois
GPO couvre le QRR mais aussi deux autres cités ;
la disjonction des périmètres a été choisie selon la compréhensi
on locale d’
une consigne des
autorités hiérarchiques.
L’activité dans le QRR est majoritairement orientée vers la lutte contre les trafics de
stupéfiants.
Les résultats sont bons sur les agrégats de l’état 4001, avec les limites
connues de
cette statistiqu
e, mais aussi selon l’appréciation des policiers sur leur travail et selon les retours
des habitants.
3.2
Les améliorations possibles pour les QRR
Les visites réalisées lors de l’enquête montrent que tous les QRR de l’échantillon ont
des caractéristiques distinctes, tenant à leur découpage géographique et à la gestion des
effectifs. Ils partagent des préoccupations en matière de traitement judiciaire de la délinquance.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
43
3.2.1
Un découpage géographique imposé qui pourrait mieux prendre en compte les
besoins locaux
La définition des QRR est un exercice de pilotage qui devrait aboutir à concentrer sur
un quartier à risques des moyens renforcés sous un commandement local exerçant son autorité
au plus près
de l’activité
.
Les visites lors de l’enquête ont montré que ce p
rincipe rigide trouve
des exceptions en zone police comme en zone gendarmerie, qui traduisent une application
souple et souvent utile de la doctrine.
Le périmètre des QRR ne doit pas être immuable
Le découpage des QRR n’obéit pas à une règle générale. Ains
i, certains quartiers sont
constitués d’un seul bloc sur une seule commune (La
Mosson à Montpellier ou chacun des deux
QRR de Strasbourg), d’autres
sont composés de plusieurs ensembles disjoints qui peuvent
même se trouver sur des communes différentes (Angoulême-Soyaux, Lunel-Mauguio, Fosses-
Louvres). Dans tous les cas, la délinquance et les faiblesses sociales structurelles de ces
quartiers les distinguent bien du reste du territoire. Ces QRR sont toujours pertinents quatre ans
après le lancement du dispositif. La seule exception est la commune de Mauguio, qui était
classée en ZSP mais dont la situation actuelle s’est améliorée au point que son inclusion dans
le QRR ne semble plus nécessaire
; au demeurant, elle n’est pas reliée à Lunel par un réseau de
transport qui établirait une continuité, comme entre Fosses et Louvres ou Soyaux et Angoulême.
Le choix de la gendarmerie de définir un QRR comme une commune ou un ensemble
de communes entières facilite le suivi de la délinquance enregistré (au sens de l’état
4001), mais
cette information a une portée limitée (cf. §4.1)
. Il n’est pas contraignant dans la conduite de
l’action par les brigades
visitées, car elles orientent leurs patrouilles avec une précision
géographique plus fine
, vers les quartiers de l’ancie
nne ZSP.
Les trois QRR
de l’échantillon
qui s’étendent sur plusieurs communes ont aussi en
commun de relever de plusieurs brigades territoriales autonomes de la gendarmerie (BTA) ou
secteurs de sécurité publique. Pour ces QRR, c’est au niveau de la compag
nie de gendarmerie
ou de la circonscription de sécurité publique, premier niveau hiérarchique
couvrant l’ensemble
du QRR,
que les activités pourraient être pilotées. Ce n’est pas
toujours le cas, ainsi que le
montrent les diagnostics locaux de sécurité et le périmètre de compétence des groupes de
partenariat opérationnel ou instances de concertation, qui ne sont pas communs aux parties
disjointes. En pratique, le dispositif fonctionne comme si chacun des quartiers disjoints d’un
QRR constituait un QRR de ta
ille plus réduite. C’est une manière de concilier la volonté
d’afficher un nombre réduit d’une soixantaine de QRR et le besoin de répondre à une forme de
délinquance et de nuisance du quotidien en réalité plus répandue.
En zone police, les moyens sont fortement mutualisés au sein de la circonscription de
sécurité publique, «
qui exerce de manière autonome les missions de police sur une ou plusieurs
communes où est institué le régime de la police d’État
. »
70
En pratique, sauf dans le ressort de
la préfecture de police de Paris où les circonscriptions ne peuvent être fusionnées
, il n’y a pas
70
Note de service DCSP 2020-001 du 10 janvier 2020 :
Adaptation de l’organisation des services territoriaux de
la sécurité publique
en application des principes directeurs de la doctrine d’emploi et d’organisation du
28 décembre 2015
.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
44
deux circonscriptions de sécurité publique contiguës car ce découpage vise à répondre à la
mobilité de la délinquance sur un bassin de vie. Ainsi, les unités de police secours, les unités
d’ordre public et
la plus grande partie des
unités d’appui opérationnel
(groupe de sécurité de
proximité et brigade anti-criminalité) ont une compétence sur toute la circonscription. Seule les
brigades spécialisées de terrain sont spécialisées géographiquement, mais celles des QRR
peuvent cependant en sortir en cas de nécessité pour une intervention urgente que la
circonscription peut lui ordonner.
Le choix des QRR par l’administration centrale et l’immuabilité des limites des QRR
ne correspondent pas toujours à l’analyse des directions départementales. À Montpellier, par
exemple, le quartier du Petit-
Bard pourrait, selon l’analyse locale, rejoindre le QRR
dont il est
limitrophe. Le fonctionnement des circonscriptions de sécurité publique à Montpellier et
Strasbourg s’inscrit dans des ensembles urbains étendus où le
directeur départemental doit
pouvoir mobiliser les ressources de la sécurité publique
en fonction d’une analyse locale. Dans
ces circonscriptions à fort effectif, les directions départementales de la sécurité publique ont pu
développer des actions de sécurité du quotidien avec leurs ressources propres en s’inspirant des
méthodes des QRR. À Montpellier, la circonscription a déployé les mêmes méthodes au centre
historique sans recevoir de renfort affecté à une brigade spécialisée de terrain. À Strasbourg, la
consigne de la troisième vague d’adjoindre Elsau au QRR Le
Neuhof-La Meinau, dont il est
pourtant séparé par une autoroute, a été contournée avec le même effet par la cr
éation d’une
nouvelle brigade spécialisée de terrain sur les ressources propres de la circonscription, qui érige
Elsau et des quartiers contigus en nouveau QRR de fait. À l’inverse, à Angoulême, les moyens
de la direction départementale sont trop faibles pour étendre le QRR sans renfort, alors que le
directeur en constate le besoin.
La préfecture de police (d
irection de la sécurité de proximité de l’agglomération
parisienne
–
DSPAP) estime que les phénomènes locaux qui justifient les QRR, et avant eux
les
ZSP, sont durables. Les évolutions souhaitables seraient d’étendre la démarche à d’autres
quartiers, mais cela ne pourrait advenir qu’avec des moyens supplémentaires.
En définitive, les circonscriptions de sécurité publique et les brigades de gendarmerie
portent une attention particulière au QRR inclus dans leur zone de compétence, mais agissent
aussi hors des QRR avec des méthodes similaires quand la délinquance le nécessite, dans la
mesure des moyens disponibles. La délimitation précise des QRR permet de maintenir des
moyens affectés grâce au suivi des administrations centrales, mais une trop grande rigidité
pourrait conduire
à limiter les capacités d’adaptation des responsables locaux aux évolutions
de
la délinquance et des besoins sociaux.
Le dispositif des QRR doit évoluer pour s
’adapt
er aux variations de la cartographie
locale de la délinquance. Toutefois, les responsables du ministère qui se sont exprimés lors de
la contradiction, secrétaire général du ministère, direction générale de la gendarmerie nationale
et préfet de police de Paris, ont souligné que les résultats dans les QRR ne peuvent être acquis
qu’au prix d’une action de long terme et que le temps d’une réévaluation n’est pas encore venu.
La mise en place récente des QRR ne permet pas encore de procéder à une réévaluation
systématique, mais le
ministère de l’intérieur
doit vérifier régulièrement le découpage des QRR
pour l’adapter aux réalités. Cela sera particulièrement nécessaire quand le dispositif de mesure
des résultats, actuellement imparfait (cf. chapitre 4), sera plus développé.
À court terme, toutefois, le ministère pourrait corriger les approximations du découpage
initial des QRR dont plusieurs exemples sont présentés ci-dessus.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
45
L’existence des ZSP ne se justifie plus
Avant les QRR, les zones de sécurité prioritaires (ZSP) organisaient déjà des renforts
localisés des forces de sécurité intérieure.
Les 80 zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été créées en trois vagues en 2012 et
2013 avec des objectifs très proches de ceux des QRR : «
Les ZSP sont un schéma d'action dans
les quartiers touchés par la dégradation de l’ordre et de la tranquillité publics
: cambriolages,
vols avec violence, installation durable de vendeurs à la sauvette dans des secteurs touristiques,
implantation de traf
ics de stupéfiants dans des halls d’immeubles ou dans les squares
publics, etc.
»
71
Les ZSP avaient reçu des effectifs supplémentaires compris entre trois et cinq policiers
ou gendarmes, dont des adjoints de sécurité ou des gendarmes adjoints volontaires. Leur
principale ressource était les renforts par les CRS et gendarmes mobiles dont elles bénéficiaient.
La Cour avait constaté la dévitalisation de ce dispositif quand les forces mobiles ont été
réorientées vers la lutte antiterroriste en 2015 et 2016.
Les points communs entre ZSP et QRR sont très visibles. Le ministère a toutefois
produit en février 2018
, au moment d’annoncer la création future des QRR,
une réponse confuse
à une question parlementaire sur l’avenir des zones de sécurité prioritaires dans le
cadre du
déploiement de la police de sécurité du quotidien : «
La mise en œuvre de la PSQ n'a donc pas
vocation à remplacer les ZSP. Au contraire, les ZSP sont des territoires bien identifiés au sein
desquels la logique de PSQ sera mise en œuvre en lien a
vec l'ensemble des acteurs, engagés
depuis 2012 dans l'ensemble de ces territoires
. »
72
Le dispositif des ZSP survit nominalement, car ces zones sont citées dans le code de la
sécurité intérieure
73
, mais l
’enquête de la Cour a
montré que la plupart de ces zones ne reçoivent
plus de traitements spécifiques, hormis des comités locaux de concertation auxquels la
gendarmerie trouve une utilité.
L’effacement virtuel des ZSP est d’ailleurs une bonne chose
pour la PSQ, car la superposition serait difficile à faire vivre : «
L’exercice se complique dès
lors que, sur le terrain, il n’y a ni substitution ni superposition exacte des ZSP et des QRR. (…)
Les dispositifs peuvent donc coexister sur le même territoire ou sur des territoires voisins au
sein d’un même ensemble urbain additionnant ainsi des instances diverses dont l’efficacité se
noie dans le nombre
. »
74
Contrairement au sens de la réponse ministérielle, les ZSP n’ont pas été intégrées à la
PSQ. Sur 80, près de la moitié
ont été reprises dans les QRR, sans d’ailleurs qu’aucun texte ou
instruction ne constate leur effacement.
Les ZSP sont aujourd’hui,
selon un avis très majoritaire
dans les administrations centrales, une coquille vide. La préfecture de police de Paris exprime
toutefois un avis différent : elle attac
he de l’importance aux ZSP car celles
-ci correspondent à
des attentes de la population et des élus. Par exemple,
à défaut d’autres moyens,
elle souhaite
affecter un délégué à la cohésion police population dans chaque ZSP comme dans chaque QRR.
La préfecture de police de Paris craint que le retrait du label ZSP, sans remplacement par un
71
72
Question écrite n° 03354 de Mme Nathalie Delattre (Gironde - RDSE) publiée dans le JO Sénat du 22/02/2018
- page 773.
73
Articles L.132-10-1 et R.132-6-1 du code de la sécurité intérieure.
74
IHEMI ;
Les Cahiers de la sécurité et de la justice
n° 53, décembre 2021, page 91 :
Le Groupe de partenariat
opérationnel, un pas en avant décisif sur le chemin de la redevabilité
, par Didier Joubert.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
46
QRR, soit un message nuisible.
En définitive, l’analyse de la PP confirme la similitude des
objectifs assignés aux ZSP et aux QRR.
L’absence de transition
organisée entre ZSP et QRR illustre une mauvaise méthode
consistant à laisser dépérir un dispositif faute de le faire évoluer, pour lui substituer un autre,
mieux adapté aux besoins. Le premier enseignement de ce constat est que le ministère devrait
traduire dans les textes
l’effacement des ZSP. Le second enseignement est que si les QRR ne
peuvent évoluer pour s’adapter au contexte, ils risquent le même destin d’un dépérissement
jusqu’à leur remplacement par un nouveau dispositif concurrent.
Ce risque existe, faute d’avoir
défini les objectifs des QRR (cf. § 1.2).
La création des « quartiers témoins
» par le ministre de l’intérieur en 2021 vise à
concentrer des effectifs, augmentés dans ces quartiers, en ciblant les trafics de stupéfiants. Cette
création fait avancer en parallèle deux dispositifs de renforcement ciblés dont rien ne montre
qu’ils ont été conçus de manière coordonnée.
Certains quartiers témoins sont des QRR, par
exemple Lunel-Mauguio ou Hautepierre (Strasbourg)
, d’autre
s non. Le maire de Villeurbanne,
ville pour laquelle
le ministre de l’intérieur
a annoncé le 7 octobre 2021 un quartier témoin, voit
dans cette création un substitut au QRR : «
J’ai demandé le classement en Quartier de
Reconquête Républicaine de ce quartier, je n’ai toujours pas obtenu gain de cause
. [la création
du quartier témoin] est donc un premier pas très positif
. »
75
En zone police, la différence entre
QRR et quartier témoin semble une problématique de métier : les quartiers témoins, annoncés
comme éphémères, ne concerneraient pas la sécurité p
ublique mais d’autres services
(PJ, PAF,
renforts de forces mobiles, etc.).
Il doit être mis fin au dispositif des ZSP, y compris si nécessaire par une modification
du code de la sécurité intérieure. Les réponses apportées aux observations provisoires de la
Cour font apparaître le constat partagé que la multiplicité des dispositifs de sécurité manque de
lisibilité. Le ministère de l’intérieur souligne toutefois que la suppression des ZSP doit être
préparée avec les élus des communes concernées (au nombre de 40 environ). Il appartient au
ministère d’engager cette préparation. La préfecture de police de Paris souligne qu’elle
intervient dans les trois ZSP de son ressort qui ne sont pas des QRR par des renforts temporaires
tirés de ses ressources propres, comme
la direction de l’ordre public et de la circulation de la
préfecture de police de Paris (DOPC) ou la brigade anti-criminalité
de nuit, mais elle n’est pas
limitée ni
guidée en cela par l’étiquette ZSP.
Recommandation n° 1.
(secrétaire
général du ministère de l’intérieur
) Mettre
officiellement en extinction le dispositif des zones de sécurité prioritaires (ZSP).
3.2.2
Des effectifs significatifs maintenus dans le temps
La visite des QRR en zone de compétence de la direction centrale de la sécurité publique
et de la gendarmerie a mont
ré que le renfort en effectif est le premier levier de l’action
demandée aux QRR. La mise à niveau des brigades spécialisées de terrain
a permis d’organiser
une meilleure présence sur le terrain, adaptée au contexte local grâce à l’adoption de cycles de
75
https://actu.fr/societe/grand-lyon-c-est-quoi-les-quartiers-temoins-promis-par-gerald-darmanin-pour-lutter-
contre-l-insecurite_45497994.html
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
47
travail qui assurent une présence aux heures considérées comme les plus utiles. Police et
gendarmerie se rejoignent pour souligner que ces renforts ont aussi dégagé du temps pour le
contact avec « la population », activité qui en pratique désigne surtout des échanges avec les
commerçants et professionnels exerçant dans le quartier.
Les renforts ne sont pas tous affectés dans des unités de contact. Ils ont aussi permis
d’augmenter le nombre d’enquêteurs dans les commissariats de quartier, les sûretés
départementales ou les brigades de gendarmerie
76
. Dans les QRR de la préfecture de police de
Paris, à côté des brigades territoriales de contact, 20 % des effectifs nouveaux ont été affectés
à des brigades judiciaires de reconquête républicaine (BJRR). Ces choix répondent
bien à l’idée
que la PSQ vise à la fois une meilleure prévention et une meilleure réponse judiciaire,
notamment dans le raccourcissement des délais.
La destination des renforts était mentionnée dans la présentation des premiers QRR
77
,
ce qui montre
que l’analyse et la justification du besoin a été prise en compte dans la
détermination des volumes attribués à chaque QRR. Par exemple, pour Montpellier, l’annonce
précisait «
renforcement des unités de voie publique, d’investigation et de police des tran
sports.
Fidélisation des patrouilles et augmentation des patrouilles à pied
», ce qui a été fait.
En plus des effectifs annoncés, les QRR en zone police ont presque systématiquement
reçu le concours d’un délégué
à la cohésion police population : policier retraité employé comme
réserviste. L
a création des QRR a été accompagnée d’une confirmation et souvent d’une
augmentation, à dix vacations
78
mensuelles, de la présence des délégués que la police avait déjà
mis en place à la création des ZSP. Tous les directeurs départementaux et responsables de
secteur de sécurité publique ont mis en avant l’intérêt de ces concours dans le dispositif de la
PSQ. Le constat positif fait par la Cour dans son rapport sur les ZSP en 2016 est toujours
actuel
79
. Intervenant en civil,
connaissant bien le quartier, disposant d’un bureau dans les
commissariats de secteur, ces délégués assurent un contact avec les partenaires, souvent dans
les établissements scolaires, et sont disponibles pour les particuliers, ils peuvent concilier les
différends de manière plus amiable et plus discrète que les policiers en uniforme tout en faisant
circuler l’information.
L’augmentation du nombre de
délégués à la cohésion police population serait favorable
à la sécurité du quotidien, mais rencontre une limite dans le faible nombre de réservistes
disponibles, intéressés et ayant développé les compétences relationnelles nécessaires.
Le second levier de la PSQ, dans les QRR ou en-dehors, est la manière de travailler en
recherchant plus de prévention, plus de partenariats et plus de contacts. De nombreux policiers
et gendarmes considèrent que la PSQ n’est pas une révolution dans les objectifs des unités et
76
Brigades territoriales autonomes, mais aussi brigade de prévention de la délinquance juvénile, ou brigades de
protection des familles (le nom a changé).
77
Lancement des quartiers de reconquête républicaine
–
pour une présence renforcée sur le terrain, une action
accrue contre les trafics et une nouvelle relation à la population
; septembre 2018 ;
78
Dix vacations de sept heures.
79
«
La Cour a pu observer que l’action de ces 81 retraités de la police nationale était jugée de façon très
positive par l’ensemble des policiers rencontrés mais également par les maires. Les DCPP semblent avoir un
rôle de pacification des relations entre la police et la population, tout en contribuant au renseignement
opérationnel. (…)
ils peuvent agir comme u
n démultiplicateur de la politique d’apaisement des tensions, qui
est l’un des objectifs des ZSP
. » Observations définitives de la Cour des comptes sur
L’efficacité des forces de
sécurité dans les zones de sécurité prioritaires
- exercices 2012-2014 ; février 2016.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
48
services, mais dans leurs pratiques : les instructions des administrations centrales, et en
particulier celles de la direction centrale de la sécurité publique, appellent des organisations du
service, une méthode de résolution de problème, des aptitudes comportementales dans la prise
de parole et un formalisme dans la documentation qui ont été renouvelées en 2018. Les chefs
de secteur des premières vagues ont reçu une formation qu’ils jugent satisfaisante. Quatre ans
plus tard, la direction centrale de la sécurité publique prépare une nouvelle formation pour les
responsables mutés entretemps, qui l’espèren
t.
La question de la formation et de l’adaptation au poste pourrait aussi se traiter d’une
manière différente mais qui n’a pas encore été explorée. La PSQ étant désormais reconnue
comme une manière durable d’exercer le métier (cf. chapitre 1), la préparat
ion des cadres
pourrait relever de la formation initiale au moins autant que de la formation continue.
En outre, dans cette matière,
l’échantillon a montré une grande diversité dans les
pratiques et l’organisation. Des échanges d’expérience
s entre départements avec mise en valeur
des bonnes pratiques pourraient favoriser leur diffusion.
La réalité des effectifs en QRR
Les effectifs en projet ont été annoncés dans les communications ministérielles de 2018
et 2019 pour les première et deuxième vagues. Au total, le ministère prévoyait initialement
d’affecter 1
300 policiers dans 60 QRR.
Les responsables locaux ont tous confirmé que les policiers et gendarmes annoncés sont
bien arrivés dans les délais normaux des affectations, c’est
-à-dire en un ou au maximum deux
ans. Dans l’échantillon, ces nouveaux effectifs étaient majoritairement expérimentés, même si
quelques circonscriptions de sécurité publique ont reçu pour partie des policiers en sortie
d’école.
Le bon fonctionnement des QRR repose sur ces renforts, qui prennent la forme de
supplément aux effectifs ordinaires, c’est
-à-dire ceux qui résultent des arbitrages que les
administrations centrales réalisent à partir de
l’outil
« clé de répartition » de la direction centrale
de la sécurité publique et de
l’outi
l Ratio de la gendarmerie nationale. Tous les interlocuteurs,
en administration centrale comme en région, ont confirmé que les effectifs complémentaires
pour les QRR sont toujours en place, les partants ayant été remplacés au mouvement de
mutation suivant,
n’occasionnant qu’une vacance frictionnelle
. Le recensement des effectifs
supplémentaires en place n’est cependant qu’une approximation.
La préfecture de police a reçu des renforts pour ses huit QRR, au nombre de 202
policiers selon les données du Lab’PS
Q (cf. annexe 1)
et rend compte, en octobre 2022, d’un
total de 226 postes partagés aux quatre cinquièmes dans les brigades territoriales de contact et
pour le reste dans les brigades judiciaires de reconquête républicaine (BJRR).
En gendarmerie, ces postes
ont été intégrés dans les tableaux d’effectifs autorisés (TEA)
des brigades, dont le territoire ne se limite pas au QRR. Les commandants de brigade et de
compagnie peuvent justifier que le TEA n’a pas baissé depuis la création du QRR
et que les
effectifs sont en place, aux vacances frictionnelles près
entre le départ du titulaire d’un poste et
l’arrivée de son remplaçant.
Le suivi des effectifs est plus compliqué pour la direction centrale de la sécurité
publique
. En l’absence d’autr
e dispositif, la direction centrale se fait communiquer par les
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
49
directeurs départementaux le pointage nominatif des policiers en fonction pour assurer un suivi
précis des effectifs supplémentaires dans les QRR. Six d’entre eux connaissaient
, en mars 2022,
un déficit limité, dont les plus importants étaient de 4/15 à Sarcelles, de 6/20 à La Seyne-sur-
Mer et de 6/25 à Vaulx-en-Velin, tandis que 41 QRR avaient toujours le plein effectif initial.
Au total, 1 154 postes de policiers et gendarmes ont été créés et affectés au renfort des
QRR à la fin
de l’année
2022. Ce nombre est inférieur de 12 % à
l’ambition initiale de
1 300,
écart relativement faible. Le maintien dans le temps des postes pourvus, quatre ans après la
création des premiers QRR, est le signal que la politique publique est suivie avec constance.
Le dispositif des QRR permet de concentrer des moyens sur les quartiers à problème :
Les effectifs en renfort représentent près de 1 % des effectifs cumulés des sous-officiers et
officiers de la gendarmerie départementale et des gardiens, gradés et officiers de police en
sécurité publique
80
.
Le tableau suivant illustre sous un autre angle l’importance de l’effort consenti, par la
comparaison du supplément d’effectifs QRR et de la variation des effectifs du
groupement de
gendarmerie ou de la direction départementale de la sécurité publique du département dans
lequel il est créé.
Tableau n° 2 :
Variation des effectifs départementaux et renforts QRR
Dépt
Effectif fin 2016
Effectif fin 2021
Variation / 5 ans
Dont QRR
GGD 95
677
702
25
10
GGD 34
1 106
1 133
27
10
DDSP 34
1 282
1 300
18
21
DDSP 16
276
309
33
10
DDSP 67
1 152
1 091
-61
50
DSPAP
18 517
18 874
357
202
Source : présentation Cour des comptes de données DGGN et DGPN fournies pour la NEB 2021.
Le personnel des
QRR dispose d’un équipement adapté
L’une des réussites de la démarche est le bon équipement matériel des brigades de
gendarmerie, des commissariats de secteur et du personnel, en particulier celui des brigades
spécialisées de terrain. Les responsables des
différents QRR, tant en zone police qu’en zone
gendarmerie, ont souligné qu’ils ont reçu les équipements adaptés à leur situation. Le
renforcement des équipements individuels, comme les tenues « non-feu » avait commencé
après les attentats de 2015 ; la PSQ
a permis d’y affecter plus de ressources.
Tous les QRR ont reçu en priorité les nouveaux équipements lorsqu’ils ont été
généralisés. Les caméras-piéton du nouveau marché donnent satisfaction à tous leurs
80
Les informations transmises à la Cour pour la NEB 2021 indiquent qu’en gendarmerie départementale,
sécurité publique de la PP et hors PP, les effectifs fin 2021 étaient de 50 466 OGN, 3 193 SOG, 3 335 OPN
hors PP et 49 551 CEA hors PP, 755 OPN de la PP et 15 760 CEA de la PP, soit au total 123 060.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
50
utilisateurs interrogés lors du contrôle ; elles étaient attendues et certains policiers avaient
d’ailleurs pris l’initiative de s’équiper à leurs frais avant ces livraisons. La priorité donnée aux
QRR n’a pas
nui
aux autres services équipés avec une qualité identique, même s’ils sont venus
après dans l’or
dre chronologique. Par exemple, sur un premier lot de près de 7 000 caméras, la
DGPN en a attribué 296 aux QRR : entre 4 et 10 selon la taille.
Les parcs de véhicules ont été renforcés lors de la crise du covid et les voitures sont en
nombre suffisant, mais sans excès, dans les QRR, directions départementales de la sécurité
publique et brigades de gendarmerie visités. Le commissariat du XVIII
e
arrondissement de Paris
a toutefois souligné un équipement insuffisant de sa brigade spécialisée de terrain en matériel
de communication ACROPOL et le non-remplacement des véhicules réformés.
3.2.3
Une simplification des procédures judiciaires qui déçoit les enquêteurs
La sécurité publique de la police s’appuie sur d
eux filières : voie publique et
investigation. Les enquêteurs de la filière investigation suivent les plaintes et les affaires à
l’échelle
de la circonscription de sécurité publique (sûreté urbaine) ou du département : «
La
sûreté départementale est un des maillons de l’organisation technique interne de la mission de
police judiciaire du ressort des DDSP. (…) la SD est plus particulièrement chargée des affaires
graves, complexes ou communes à plusieurs ci
rconscriptions (…). En lien avec le parquet, elle
se voit confier un droit d’évocation sur les affaires traitées par les circonscriptions de
police
. »
81
Les services de police judiciaire dépendant de la direction centrale de police judiciaire
(DCPJ) interviennent sur les affaires les plus importantes en zone police. Cette architecture peut
avoir des conséquences sur la lutte contre la délinquance, en particulier les trafics de stupéfiants.
Ainsi, à Angoulême, le SRPJ de Limoges n’intervient pratiquement jamais et les opérations
sont traitées par les services de la sécurité publique (dont la brigade des stups). Or, selon des
témoignages d’officiers de police lors du contrôle, l’enquête sur un
trafic important peut
mobiliser plusieurs enquêteurs de la sureté urbaine pendant plusieurs mois, et parfois excéder
les ressources propres de la circonscription de sécurité publique. Le temps que les enquêteurs
peuvent consacrer aux élucidations est donc
un paramètre important de l’efficacité de l’action,
dans les QRR et plus largement dans toutes les circonscriptions.
L’organisation de la gendarmerie est différente à l’échelle de la brigade territoriale
et
des brigades spécialisées, notamment les brigades de recherches, mais tous les enquêteurs sont
confrontés aux mêmes exigences de procédure.
Plusieurs témoignages de policiers recueillis lors de l’enquête de la Cour signalent que
les nouvelles instructions du ministère de la justice sont souvent perçues comme sources
d’
alourdissements. Les exemples cités dans les QRR
mettent en avant la nécessité d’une
réquisition du procureur avant toute opération contre les points de
deal
. Les questions de
procédure judiciaires débordent cependant le périmètre des QRR et de la PSQ.
81
Note de service DCSP 2020-001 du 10 janvier 2020 :
Adaptation de l’organisation des services territoriaux de
la sécurité publique en application des principes directeurs de la doctrine d’emploi
et d’organisation du
28 décembre 2015
.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
51
Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) répondent à une demande des forces de
sécurité, qui les estiment bien adaptées aux nuisances du quotidien visées par la PSQ : rodéos
urbains ou présence de points de
deal
. Elles permettent de sanctionner par une amende de 4
e
classe
82
des délits simples comme le défaut d’assurance d’un véhicule ou la consommation de
stupéfiants. Les amendes forfaitaires délictuelles sont donc souvent citées comme un moyen
d’action utile, mais les avis sont variables.
Selon la direction générale de la police nationale,
elles ont des effets positifs, en particulier pour dissuader les clients des points de
deal
. L
’
agence
nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) a recensé 187 370 infractions
délictuelles forfaitisées relatives à l'usage de stupéfiants entre le 1
er
septembre 2020 et le 31 mai
2022 par la police et la gendarmerie sur la France entière, soit une moyenne de 294 par jour
83
.
Le
nombre moyen d’
amendes forfaitaires délictuelles par jour croît avec le temps : de 224 en
2020 à 355 pour les cinq premiers mois de 2022. Les plus gros utilisateurs sont les Bouches-
du-Rhône, la Seine-Saint-
Denis, le Nord, le Rhône et la presque totalité des départements d’Ile
-
de-
France. À l’inverse, les départements qui l’
utilisent le moins sont Mayotte et des
départements ruraux : Lozère, Creuse, Meuse, Cantal et la Corse.
3.2.4
Les expériences et les bonnes pratiques doivent être mieux partagées
Dans chaque QRR visité, les forces de sécurité ont adapté leur dispositif aux
circonstances locales (cf. § 3.1). Cette variété, toujours respectueuse des objectifs de la PSQ et
obtenant des résultats, montre qu’il n’y a pas de modèle unique. La liberté d’organisation qui
accompagne la subsidiarité est voulue par la PSQ
84
mais n’empêche pa
s les interrogations des
responsables sur la meilleure manière d’agir.
Les responsables policiers et gendarmes sont appelés à rédiger des diagnostics locaux
de sécurité et de nombreux comptes rendus. Plusieurs d’entre
eux sont soucieux d’améliorer la
qualité de leurs travaux, mais ils ont tous confirmé ne pas recevoir de retour des documents et
comptes rendus envoyés à leur administration centrale. Les plans-types des documents à
rédiger, ou même le projet de déployer dans la police le logiciel développé par la direction
départementale de la sécurité publique du Bas-Rhin pour les groupes de partenariat
opérationnel, ne peuvent répondre complètement à ces interrogations.
Les brigades spécialisées de terrain sont confrontée
s à des conditions d’exercice
différentes, selon la géographie des QRR, contigus ou disjoints, l’urbanisme et notamment les
distances à parcourir, les synergies possibles avec les autres unités de voie publique et même
selon les modes d’interaction avec les polices municipales
.
Les visites ont révélé quelques bonnes pratiques. Par exemple,
dans l’Hérault, la
gendarmerie à Lunel prend en charge les exclus temporaires de l
’éducation nationale pour leur
faire suivre un stage à vocation pédagogique et dissuasive ; cette brigade a également tissé un
partenariat avec la clinique locale pour une meilleure détection et information des victimes de
82
135
€. À la différence des amendes pour infraction routière, le montant forfaitaire n’est pas minoré pour un
paiement rapide.
83
Source ANTAI
–
données mises à jour le 2/6/2022 : N
ombre d’infractions délictuelles relatives à l’usage de
stupéfiants (NATINF 180) relevées via PVe dans le cadre de la généralisation de la loi de programmation
2018-2022 et de réforme de la justice.
84
«
Déconcentrer davantage les politiques de sécurité en accordant plus d’autonomie aux éche
lons locaux
» ;
discours du Président de la République du 18 octobre 2017, cf. § 1.1.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
52
violences intrafamiliales. À Montpellier,
les élèves frappés d’une exclusion temporaire de leur
établissement scolaire sont pris en charge, en concert
ation avec les chefs d’établissements, par
un brigadier de police dédié à une mission d’agent de prévention dans le cadre d’une convention
signée entre la DDSP34 et l’éducation nationale.
Le directeur départemental
s’appuie sur
le
centre de loisirs jeunes (CLJ) de Montpellier, installé dans le QRR. Ce centre de loisirs est une
association loi de 1901 mise en œuvre par la police et subventionnée par l’État
85
. En 2021,
l’agent de prévention a accompagné 34
élèves dont 21 du QRR Mosson. Les centres de loisirs
jeunes
ont été créés en 1962 et leur mission s’
inscrit bien dans les objectifs de la PSQ, comme
le rappelle une note de service de la direction centrale de la sécurité publique en 2020 : «
[le
CLJ]
constitue un des instruments de l’implication policière da
ns le domaine de la prévention
de la délinquance chez les jeunes. Les CLJ permanents ou saisonniers participent pleinement
au rapprochement police-
population. Instrument à part entière d’éducation à la citoyenneté et
d’accompagnement des jeunes, chaque CLJ
doit développer un véritable projet de service,
validé par le DDSP et évalué annuellement par la DCSP
. »
86
La relative nouveauté de la PSQ, et plus encore des QRR dont certains ont à peine un
an d’existence, ne permet pas souvent aux dirigeants départementaux de s’appuyer sur leur
expérience dans les postes précédents.
Il s’agit
aussi
d’accompagner le changement de méthode
jusqu’à ce que la PSQ devienne une part de la
culture de la police et de la gendarmerie.
Les forces de sécurité intérieure doivent organiser des rencontres interdépartementales
pour favoriser les échanges de bonnes pratiques de la sécurité du quotidien. La préfecture de
police de Paris y est très favorable, souhaitant aussi des échanges avec la direction centrale de
la sécurité publique et la gendarmerie. La DGPN, au contraire, estime que sa direction centrale
a déjà mis en place les actions nécessaires à ces échanges grâce à son site intranet, aux
déplacements
d’un
chargé de projet pour la sécurité du quotidien nommé en 2021 et à la
formation des délégués de cohésion police-population.
L’enquête a cependant montré que les attentes des acteurs locaux dans le champ
nouveau de la sécurité du quotidien n’étaient pas satisfaites par les dispositifs existants
, même
si les actions mises en place par la direction centrale de la sécurité publique
n’avaient pas atteint
leur plein développement au moment de l’enquête
.
Recommandation n° 2.
(directeur général de la police nationale, directeur
général de la gendarmerie nationale, préfet de police de Paris) Organiser des
85
Son secrétariat est implanté à l’hôtel de police
et ses moniteurs et animateurs sont des fonctionnaires de police
titulaires, détenteurs des brevets d'aptitudes aux fonctions d'animateur ou de directeur. Il est
financé par des
subventions publiques
, notamment les programmes
Politique de la ville
et
Conduite et pilotage des politiques de
l'intérieur
.
86
Note de service DCSP 2020-001 du 10 janvier 2020 :
Adaptation de l’organisation des services territoriaux de
la sécurité publique en application des principes directeurs de la doctrine
d’emploi et d’organisation du
28 décembre 2015
.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
53
rencontres interdépartementales pour favoriser les échanges de bonnes pratiques
de la sécurité du quotidien.
3.3
Un développement apprécié du partenariat malgré une comitologie
lourde
Le développement des partenariats locaux est l’un d
es principaux axes de la PSQ,
annoncé dès 2017
; entre services de l’État, sous la supervision du préfet de département
, qui
n’exerce toutefois pas de rôle opérationnel dans les QRR
. La mobilisation des partenaires peut
prendre une forme propre aux QRR : les cellules de lutte contre les trafics (CLCT) associent les
forces de sécurité et le procureur de la République. L’organisation générale de la PSQ repose
aussi sur le rapprochement de tous les partenaires locaux, dans un groupe de partenariat
opérationnel en zone police ou sous une forme équivalente en gendarmerie.
3.3.1
Les cellules de lutte contre les trafics et les partenariats interministériels
Selon le Lab’PSQ, un QRR se distingue des autres quartiers ou communes par
la
dévolution d’effectifs à la mission
de contact et
par l’existence d’une
cellule de lutte contre les
trafics (CLCT) pour une prise en compte judiciaire des trafics, ces derniers ne se limitant pas
aux stupéfiants car ils visent aussi le tabac, les véhicules volés, la fausse monnaie, les
docum
ents d’identité, etc
.
Selon la direction générale de la police nationale, les cellules de lutte contre les trafics
sont pilotées par le procureur de la République et le préfet du département. Ces cellules ont
pour objectif d’orienter l’action des enquêteurs désignés selon les priorités définies par le
procureur de la République. Elles interagissent avec les cellules du renseignement opérationnel
sur les stupéfiants (CROSS) créées dans le cadre de la PSQ, dans le
s départements dotés d’un
QRR. Le dispositif
s’appuie
également sur les dispositifs existants : comités opérationnels
départementaux anti-fraude (CODAF)
87
, groupes interministériels de recherches (GIR)
88
et
TRACFIN.
La DGGN et
le Lab’PSQ
annoncent une cellule de lutte contre les trafics par QRR, sauf
à Mayotte. La DGPN les présente dans une organisation plutôt départementale : la cellule se
réunit en alternance à la préfecture et au tribunal judiciaire et la sécurité publique y est
représentée par le directeur départemental et le chef de circonscription concerné ; en 2021, dix
87
Depuis 2010, les CODAF réunissent sous la co-présidence du préfet de département et du procureur de la
République du chef-
lieu du département, les services de l’État (police, gendarmerie, administrations
préfectorale, fiscale, douanière et du travail).
departementaux-anti-fraude
88
Les GIR, anciennement Groupes d'intervention régionaux, ont été créés par la circulaire interministérielle du
22 mai 2002, afin de constituer une force réunissant tous les services concernés par la lutte contre l'économie
souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent. Outre des policiers et des
gendarmes, ils peuvent accueillir des agents des douanes, des impôts, de l'URSSAF ou encore de l'inspection
du travail.
specialisees/les-groupes-interministeriels-de-recherches-gir
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
54
directions départementales de la sécurité publique
disposant d’un ou plusieurs QRR avai
ent une
cellule de lutte contre les trafics.
La préfecture de police de Paris
ne met en œuvre auc
une cellule de lutte contre les
trafics
, mais s’appuie sur les
cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants. Dans
son ressort, les procureurs de la République n’y participent pas mais créent parfois des groupes
locaux de traitement de la délinquance (GLTD).
Pour le QRR de Fosses-Louvres, le procureur de la République a créé un groupe local
de traitement de la délinquance (GLTD), comme il l’a fait dans chaque QRR du Val
-
d’Oise.
Les GLTD existent depuis 20 ans, ils sont normalement créés pour une durée limitée, mais ceux
des QRR du Val-
d’Oise sont permanents
; ils visent la délinquance structurée. Le GLTD associe
un magistrat référent, substitut du procureur, et la cellule de lutte contre les trafics, décrite
comme une cellule de deux enquêteurs, qui constitue le bras armé du GLTD dans le QRR. Les
réunions du GLTD sont organisées par le substitut du procureur. Cette présentation du GLTD
correspond à ce que la doctrine de la PSQ attend des cellules de lutte contre les trafics.
Quel que soit le nom de la cellule qui réunit le magistrat référent et les enquêteurs, le
but de coordonner l’action des deux institutions est atteint. À Fosses
-Louvres, le passage des
enquêteurs dans la cellule de lutte contre les trafics est aussi vu comme une occasion de
progresser dans la connaissance des procédures.
3.3.2
Les groupes de partenariat opérationnel (GPO)
La police a créé des groupes de partenariat opérationnel (GPO) sur instruction de la
direction centrale de la sécurité publique, dont une note de service
89
d’avril 2
019 ordonne le
découpage des circonscriptions en secteurs de sécurité publique comme base de la PSQ. Début
2022, la zone sous le contrôle de la direction centrale de la sécurité publique était divisée en
923 secteurs. Dans chaque secteur, «
le groupe de partenariat opérationnel (GPO) est la clé de
voûte de la police de sécurité du quotidien. Il s'agit d'une instance partenariale opérationnelle,
animée par le chef de secteur et le représentant du maire qui, de manière collégiale, recueille
les besoins de sécurité, élabore les réponses transversales et procède à l'évaluation de ces
dernières
. »
90
Le GPO réunit tous les partenaires locaux. La Cour a publié en décembre 2020
une
Évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires
dans laquelle elle constate que les
GPO sont l’un des éléments nouveaux
qui distinguent les QRR des ZSP
91
.
La d
irection de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne
a décidé en 2021
la mise en place de GPO dans ses circonscriptions de sécurité publique. Cinq de ses huit QRR
animent un GPO spécifique ; les trois autres QRR étant partagés entre plusieurs GPO plus
étendus.
La note de service de la direction centrale de la sécurité publique établit un cadre
théorique que les QRR visités dans son ressort ont adapté aux configurations locales. Les
89
Note de service DCSP n° 0007/19-01995-D du 15 avril 2019 sur la
déclinaison opérationnelle de la police de
sécurité du quotidien.
90
Note de service DCSP n° 0007/19-01995-D du 15 avril 2019.
91
Cour des comptes, rapport public thématique
Évaluation de l’attra
ctivité des quartiers prioritaires
–
Une
dimension majeure de la politique de la ville
; décembre 2020 (cf. p. 123 du RPT).
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
55
questions auxquelles chaque responsable de secteur de sécurité publique est confronté sont
celles du pilotage du GPO et de sa coexistence avec le conseil local de sécurité et de prévention
de la délinquance (CLSPD) ; ces deux questions sont liées.
Les GPO et les cellules de veille des CLSPD ont des points communs
Le maire
est chargé d’animer sur le territoire de
sa commune la politique de prévention
de la délinquance, dont il coordonne la mise en œuvre (article L.132
-4 du CSI). À cette fin, il
préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dont la création
est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comprenant un
quartier prioritaire de la politique de la ville
(sauf report au niveau d’un conseil intercommunal)
.
Le CLSPD est une structure formelle qui se réunit peu, mais sa cellule de veille est un
lieu d’échange
s dont la fréquence et le contenu sont directement concurrents
du GPO tel qu’il
est demandé dans la note de service de la direction centrale de la sécurité publique. Or, le
CLSPD et sa cellule de veille sont pilotés par le maire, tandis que, selon la note de service, le
GPO se réunit «
à l'initiative du chef de secteur de la police nationale
». À Angoulême-Soyaux, la
mise en place des GPO respecte la note de service au prix d’une certaine ambiguïté,
police et
municipalité décrivant parfois la même instance sous les noms différents de GPO ou de cellule de veille
du CLSPD.
L’articulation entre GPO et
cellule de veille du CLSPD soulève aussi des interrogations
de la part des municipalités
. Ainsi, la ville d’Aix
-en-Provence a diffusé sa
Stratégie territoriale
de sécurité et prévention de la délinquance 2020-2025
92
en décembre 2019. Ce document
annonce pa
rmi les points d’amélioration
: «
Une complémentarité pertinente à trouver entre les
GPO/CLS
93
et les cellules de veille du CLSPD
».
La question du nom entraîne celle du pilote, qui dirige l’ordre du jour, rédige le compte
rendu et notamment suit l’exécuti
on des actions de chaque partenaire lors de la réunion
suivante. Dans les municipalités qui ont pris des initiatives avant la PSQ, en raison de leur
intérêt pour la sécurité publique, l
’expérience montre que l’identité du pilote local n’a pas
d’effet sur l
a qualité du partenariat, reconnue par toutes les parties. À Strasbourg, où le pilotage
par la police est la règle, le service de prévention urbaine de la municipalité rédige des fiches
d’analyse
s par quartier très documentées, qui montrent une grande maîtrise des questions de
délinquance. Les prescriptions de la direction centrale de la sécurité publique pourraient en tenir
compte pour ne pas obliger les chefs de secteurs à tenter d’imposer un mod
èle unique de GPO.
L’adaptabilité est nécessaire aussi parce que tous les CLSPD n’ont pas le même
fonctionnement.
Selon un rapport d’information du Sénat
de 2021
sur l’ancrage territorial de la
sécurité intérieure : «
En dépit du grand intérêt que présente
nt ces comités, d’aucuns ont
souligné, lors des auditions, qu’ils n’étaient pas toujours actifs, opérationnels et efficaces, faute
d’une impulsion pérenne par le maire qui en assure la présidence
»
94
.
92
93
Les CLS (comités locaux de sécurité) sont le nom des GPO dans les Bouches-du-Rhône selon le document.
94
Sénat, rapport d’information fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation
sur l’ancrage territorial de la sécurité
intérieure, par M. Rémy POINTEREAU et Mme Corinne FÉRET,
sénateurs. Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 janvier 2021.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
56
La gendarmerie pourrait prendre un rôle de pilote du partenariat dans les QRR
La gendarmerie, dont tous les QRR sont d’anciennes ZSP, a choisi de s’appuyer sur les
instances de concertation préexistantes. Les instances de coordination dans une ZSP sont :
-
la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure (CCOFSI),
dirigée par le préfet ou codirigée par le préfet et le procureur de la République ;
-
et la cellule de coordination opérationnelle du partenariat (CCOP), également co-présidée
par le préfet et le procureur de la République, à laquelle le maire est invité, qui
coordonne l’ensemble des partenaires publics ou parapublics concernés distincte du
CLSPD.
Pour le QRR de Lunel-Mauguio, le délégué du préfet organise la coordination des
partenaires en réunissant une cellule qui porte le nom de groupe de partenariat opérationnel
(GPO) mais dont le fonctionnement se rapproche de la cellule de coordination opérationnelle
du partenariat (CCOP) des ZSP. Selon ses récentes décisions, cette cellule tend à évoluer vers
le modèle du groupe de partenariat opérationnel de la police
, afin d’assurer un meilleur suivi
des tâches respectives. La logique de la PSQ se trouverait confortée si le pilotage du partenariat
revenait au commandant de compagnie de gendarmerie, dans la configuration d’un QRR sur les
deux communes, ou au commandant de brigade dans l’hypothèse d’une concentration du QRR
sur la seule commune de Lunel.
Au demeurant, les QRR de la gendarmerie, lorsqu’ils sont établis sur plusieurs
communes qui dépendent en outre parfois de brigades différentes, ne se prêtent pas à un groupe
de partenariat rassemblant de trop nombreux interlocuteurs.
La définition ou l’expérimentation d’un dispositif de concertation qui réunirait
périodiquement l’ensemble des partenaires d’un QRR, ou plus généralement d’un bassin de
délinquance,
sous le pilotage du commandant d’unité, mérite d’être étudiée.
3.3.3
Les polices municipales ont une place variable
À l’image des municipalités dont elles traduisent la politique de sécurité, les polices
municipales ont des organisations et des effectifs très variables
Le rapport d’information du Sénat
sur l’ancrage
territorial de la sécurité intérieure
95
rappelle que les polices municipales sont devenues, depuis la loi du 15 avril 1999, des acteurs
importants de la sécurité du quotidien avec 21 500 policiers municipaux
que l’on peut
comparer
aux 250 000 policiers nationaux et gendarmes, mais surtout aux 123 000 policiers de la sécurité
publique et gendarmes départementaux. Ce rapport cite Frédéric Veaux, directeur général de la
police nationale, lors de son audition devant la commission des Lois le 1
er
décembre 2020 :
«
Les policiers municipaux sont désormais des acteurs incontournables de la sécurité du
95
Cité.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
57
quotidien
». Le rapport émet dix recommandations dont celle de «
renforcer les liens
opérationnels entre les polices municipales et les forces régaliennes de sécurité
. »
96
Le même constat est aussi fait par la recherche : «
la croissance régulière des polices
municipales et l’accroissement de leurs prérogatives confirment l’importance des
interdépendances et des partenariats, sans exclure les interrogations sur le positionnement de
chacune
»
97
.
Dans les QRR visités, les effectifs de la police municipale sont très variables. La
commune de Fosses s’est dotée d’une police municipale à trois agents, tandis que la commune
de Louvres a préféré une police intercommunale qui couvre 21 communes avec un effectif
théorique de 36 agents, mais réduite à moins des deux tiers par manque de personnel. À
l’inverse, Lunel
dispose de 38 agents et Strasbourg de 157 policiers municipaux.
Ces importantes variations et la faculté qu’ont les villes
de modifier les effectifs de leur
police municipale montrent que le périmètre et les effectifs des QRR ne peuvent pas être
indépendants de l’engagement des municipalités.
Les contrats de sécurité intégrée tirent les conséquences du rôle des municipalités
et des polices municipales dans la sécurité du quotidien
Les contrats de sécurité intégrée (CSI) sont définis par une circulaire du Premier
ministre du 16 avril 2021 adressée aux préfets
98
. Ils doivent associer dans une «
approche
globale
» tous les acteurs
de l’État, mais aussi des collectivités locales et les prestataires de
service public (transport, logement). La sécurité du quotidien est leur objectif principal et ils
perpétuent l’approche transverse des questions de sécurité en y associant, comme la co
nsigne
en avait été donnée au lancement de la PSQ, les acteurs de la politique de la ville, des transports,
de l’éducation et de la protection de la jeunesse. Le diagnostic préalable, qui doit être partagé
par l’État et la collectivité future signataire
s’appuie d’ailleurs sur les paramètres qui ont conduit
à la définition des QRR, sans pour autant faire un lien entre les QRR et les contrats.
Pour l’essentiel, ces contrats engagent l’État et la municipalité ou l
a collectivité de
mêmes compétences (intercommunalité, métropole) à apporter, chacun, des effectifs et des
moyens. La durée de l’engagement est
celle du mandat municipal. Ils
s’adressent
«
prioritairement aux grandes agglomérations ou aux bassins de délinquance les plus
importants
». En pratique, ils
visent au renforcement des moyens mis en œuvre par les
communes, en priorité les effectifs de police municipale, et à l’orientation de ses missions vers
les priorités de la PSQ. Un chercheur confirme la place principale faite à la police municipale
dans ces contrats dont «
l'objectif est de consolider les relations entre les polices municipales
et les forces nationales de sécurité intérieure pour mieux lutter contre la délinquance
quotidienne. Après des années d'atermoiements, l'État revient à la logique initiale, celle du
contrat. Il lie les moyens locaux et nationaux. Chaque partie apporte à l'autre des éléments très
96
Deux autres recommandations se révèlent conformes aux objectifs de la PSQ : « renforcer les "synergies
d’information" avec
tous les acteurs locaux de sécurité » et « encourager les citoyens à devenir des acteurs à
part entière de la sécurité ».
97
AJDA 2022 p.614 ; La sécurité intérieure, entre échelon national et échelon local ; Xavier Latour, professeur
de droit public à l'université Côte d'Azur (CERDACFF), doyen de la faculté de droit et science politique.
98
Circulaire n°
6258/SG relative à la mise en œuvre des contrats de sécurité intégrée du 16
avril 2021.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
58
concrets. Le stade de la coordination est dépassé, au profit d'une complémentarité plus
marquée, au moins en principe
. »
99
Le premier contrat a été signé à Toulouse le 9 octobre 2020, avant la signature de la
circulaire, le 50
e
à Albi (Tarn) en juin 2022. Le contrat de sécurité intégrée de Montpellier
100
a
été signé en novembre 2021
; il s’agit
, pour une grande part, du rappel des diagnostics de
sécurité et des actions déjà lancées dans le contexte de la PSQ. Ses stipulations engagent
l’État
à remplir ses missions permanentes, et notamment à remplacer les policiers nationaux partants
en retraite ou mutés, et à créer 50 postes sur 2020-2022, « dont 20 pourvus en 2021 ». En réalité,
l’évolution des effectifs jusqu’à la fin de l’année 2021 ne montre aucune création autre que les
20 postes corresponda
nt au supplément d’effectif
du QRR créé en 2018 (cf. § 3.2.2, tableau
n° 3). En contrepartie, le contrat constate que la ville a déjà augmenté sa police municipale
« entre 2014 et 2020 ».
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Pour cette enquête,
la Cour s’est intéressée au fonctionnement de
huit QRR qui forment
un échantillon des trois vagues de 2018, 2019 et 2021, relevant de la gendarmerie, de la
sécurité publique de la police nationale et de la préfecture de police de Paris. Les visites sur
place ont permis des entretiens avec les chefs, des cadres et des agents des forces de sécurité
intérieure, des entretiens téléphoniques avec des partenaires et la consultation des documents
d’analyse et de compte rendu rédigés pour chacun de ces QRR.
Les informations recueillies lors de ces visites ont confirmé la singularité en matière de
délinquance
et d’environnement des quartiers désignés
dans leur département : le choix de ces
quartiers était pertinent, à quelques approximations de découpage près, et le reste en 2022.
Cela étant, chacun de ces huit
QRR était organisé d’une manière différente des
autres à un ou
plusieurs titres.
Toutes les unités ou services contenant un QRR, brigades de gendarmerie ou
circonscriptions de sécurité publique, ont reçu les renforts en personnel annoncés et les ont
conservés, aux délais de gestion près pour compenser les mutations. Ils ont aussi reçu les
matériels nouveaux annoncés au lancement de la PSQ.
Le succès de la démarche de sécurité du quotidien dans ces QRR est certain. Il
s’apprécie par la bonne opinion d
u personnel, policiers et gendarmes, sur cette mission et par
la satisfaction des partenaires. Les observateurs soulignent ainsi la plus grande sérénité des
relations entre les forces de sécurité participant au dispositif et les habitants du quartier,
notamment les jeunes, éventuellement déscolarisés. La popul
ation qui fait l’objet de la
surveillance des brigades spécialisées de terrain, par exemple, distingue le plus souvent ces
dernières des brigades anti-criminalité.
Ce constat général de réussite relativise les observations suivantes, sur la géographie,
et la conduite des partenariats, qui font apparaitre des différences et des possibilités
d’amélioration
.
99
AJDA 2022 p.614 ; La sécurité intérieure, entre échelon national et échelon local ; Xavier Latour, professeur
de droit public à l'université Côte d'Azur (CERDACFF), doyen de la faculté de droit et science politique.
100
Contrat de sécurité intégrée 2021-
2026 entre l’État et
la ville de Montpellier ; 3 novembre 2021 ; 26 pages.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
59
Le découpage des QRR est variable. Dans certaines circonscriptions de sécurité
publique,
le QRR est formé d’un seul bloc, dans d’autres, un même QRR peut
être divisé en
plusieurs zones disjointes
; or, l’efficacité des
brigades spécialisées de terrain repose sur des
patrouilles pédestres et la bonne connaissance du terrain, qui peuvent être compromises par
une trop grande aire d’activité. Les QRR gendarmeri
e sont calqués sur les ZSP, alors que les
diagnostics ont pu changer depuis 2012 et la création de ces dernières. Mais le découpage des
QRR est aussi figé dès leur création. Les responsables de la police et de la gendarmerie dans
les départements sont pour
tant capables d’apprécier si une modification de périmètre est
souhaitable
; ils modulent d’ailleurs leurs activités hors des QRR
en employant les mêmes
méthodes quand ils en ont les moyens humains. La volonté de limiter le nombre des QRR pour
éviter la dilution des moyens est bonne, mais elle ne doit pas empêcher le dispositif de
s’adapter. À défaut, les QRR risquent de connaitre à terme un destin comparable à celui des
ZSP : une dévitalisation progressive et une survivance seulement théorique.
Le développ
ement des partenariats est l’une des grandes réussite
s de la PSQ. Dans les
QRR visités, les consignes des administrations centrales, de monter un
groupe de partenariat
opérationnel
dans la police ou de conserver les comités de concertation des ZSP dans la
gendarmerie, sont adaptées aux réalités locales
. Leur mise en œuvre dépend en effet de l’intérêt
des municipalités pour les questions de sécurité et de la place variable prise par les cellules de
veille des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance
, de l’importance et du
rôle des polices municipales et de l’intensité de la participation des préfets et procureurs de la
République.
Les différences de mode de fonctionnement ont des avantages ou des inconvénients
selon les conditions locales. Une amélioration des échanges interdépartementaux entre
services aiderait à diffuser les bonnes pratiques et à consolider la «
culture d’entreprise
» qui
doit permettre d’assurer le succès à long terme de la PSQ.
Enfin, les policiers et gendarmes expriment une profonde déception devant la lenteur
des simplifications de la procédure pénale.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
60
4
UNE MESURE INSUFFISANTE DES RESULTATS
L’évaluation de la PSQ et du dispositif des QRR est une nécessité
identifiée dès le
départ. En 2019, le ministre a souligné que «
comme toute politique publique, nous devons
évaluer les effets de la Police de Sécurité du Quotidien
»
101
en installant le laboratoire de la
police de sécurité du quotidien
(Lab’PSQ) dont l’une des missions est l’évaluation. La
direction
centrale de la sécurité publique et la gendarmerie suivent aussi chacune leur propre tableau de
bord.
Mais les outils ou les méthodes permettant l’évaluation qualitative de la PSQ sur le
territoire national ou dans les QRR restent à construire.
4.1
Le
Lab’PSQ
à la recherch
e d’une évaluation qualitative
L
e ministère de l’intérieur a créé le Lab’PSQ
en 2019 et lui a donné trois objectifs décrits
comme « stratégiques » :
-
vérifier l’effectivité du déploiement de la démarche de sécurité quotidienne et en analyser
les résultats (fonction observatoire) ;
-
organiser la réflexion pour évaluer, développer et promouvoir les partenariats avec les
acteurs de la sécurité (fonction
think tank
) ;
-
enrichir l’action des forces de sécurité intérieure grâce au regard du monde universitaire,
des scientifiques et des chercheurs (fonction incubateur).
Les ambitions affichées par le ministre pour le Lab’PSQ répondent bien à l’objectif
politique initial
de soumettre le dispositif de PSQ à l’examen des usagers et des universitaires
;
elles vont même au-
delà. La nouveauté de cette démarche tient à l’association d’un grand
nombre de partenaires, tous représentés lors de l’annonce
: «
Mercredi 24 avril 2019, en
présence des représentants de la Police et de la Gendarmerie nationales, des élus et de leurs
représentations nationales, des universitaires et des chercheurs, des partenaires des bailleurs
sociaux et des mobilités, des représentations ministériels [sic] (Santé, Justice, Cohésion des
Territoires), Christophe Castaner a installé officiellement le Lab’
PSQ, le laboratoire de la
police de sécurité du quotidien
. »
102
Cet organe
sui generis
n’a pas d’adresse
ni de définition réglementaire. une équipe de
projet, dirigée initialement par un conseiller du cabinet du ministre
de l’intérieur
, a accompagné
la mise
en place de la PSQ avant même l’installation officielle du Lab’PSQ
qui lui a succédé
en avril 2019. Le Lab’PSQ n’appartient plus au
cabinet depuis mars 2020 mais reste hébergé
dans ses locaux ; il est désormais rattaché au secrétaire général du ministère et confié à un
directeur de projet
103
assisté d’un adjoint, commissaire général.
Il se présente comme un groupe
101
Présentation par M. Christophe Castaner : Un an de la police de sécurité du quotidien
–
des engagements pris
et des promesses tenues.8 février 2019 ;
presse/Un-an-de-la-police-de-securite-du-quotidien
102
Dossier de présentation :
Christophe-Castaner/Dossiers-de-presse/Lancement-du-Lab-de-la-Police-de-Securite-du-Quotidien
103
Arrêté du 26 mars 2020 portant nomination (administration centrale)
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
61
de pilotage coordonnant, en « cercles concentriques », des personnes-ressources dans les
services du ministère de l’intérieur et du ministère de la
justice, des universitaires et institutions
de recherche, des élus et partenaires institutionnels locaux, et enfin les autres ministères
concourants.
Depuis son installation, le Lab'PSQ est actif mais discret, ne s’affichant pas
publiquement. Ses travaux ne sont diffusés
qu’à l’intérieur du ministère
et sont parfois inconnus
des services déconcentrés.
Le Lab’PSQ suit
les résultats par les chiffres
de la délinquance et les taux d’élucidation
qui proviennent de l’état 4001
. Il mesure aussi les moyens mis en
œuvre, à l’échelle des QRR
par les effectifs affectés en renfort et à l’échelle nationale par les heures de patrouille
et, pour
la zone police, par une synthèse quantitative des activités partenariales.
L’évaluation
chiffrée des résultats dans les QRR
s’appuie sur l’état 4001
Le Lab’PSQ suit pour ses analyses les valeurs annuelles des grands agrégats de la
délinquance dans chacun des QRR :
atteintes volontaires à l’intégrité
physique (AVIP),
atteintes aux biens (AAB) infractions économiques et financières (IEF), infractions relevées à
l’initiative des services (IRAS)
104
, le total des faits constatés et la part des faits élucidés.
Les indicateurs de la délinquance sont tirés du dispositif existant de l’état 4001
. La
mesure du nombre des plaintes déposées pour montrer le succès des actions publiques contre la
délinquance, instrument de la « politique du chiffre », est une méthode dont les limites sont
bien connues :
l’enquête
« cadre de vie et sécurité »
(CVS) conduite par l’INSEE et cofinancée
par le ministère
de l’intérieur montre chaque année qu’une partie seulement des faits
est
enregistrée
105
.
En outre, à l’échelle d’un QRR, l
a variation des faits constatés
n’a pas toujours
une signification en matière de statistique car, plus le nombre de faits enregistrés est petit, plus
les variations temporelles peuvent être grandes sans traduire une évolution fondamentale
106
. À
titre d’exemple, le total des faits constatés en 2020
allait
d’un minimum de 228 (
Forbach-
Bellevue-Wiesberg) à un maximum de 8 428 (Paris 10
e
et 18
e
) ; il était de 99 250 pour le total
des 52 premiers
QRR. Dans tous les cas, l’année 2020 marque un minimum
. Sur cinq ans, de
2016 à 2020, les faits constatés à Forbach-Bellevue-Wiesberg ont varié dans une fourchette de
1 à 1,54, ceux constatés à Paris 10
e
et 18
e
dans une fourchette de 1 à 1,36, tandis que les faits
constatés pour le total des 52 QRR évoluaient dans une fourchette de 1 à 1,13.
Pour chacun des quartiers pris isolément, les indicateurs de
l’état 4001
n’ont pas une
valeur statistique probante, mais le total des QRR est plus significatif. Les graphiques élaborés
par le Lab’PSQ
, dont deux cas particuliers sont reproduits ci-dessous,
montrent qu’à partir de
2019, les violences aux personnes
, qui sont l’un des marqueurs de l’action d’apaisement
104
Sans dépôt de plainte préalable, il s’agit en grande partie de la lutte contre les stupéfiants.
105
Les biais de l’état 4001 ne sont pas l’objet du présent rapport mais l’on peut souligner qu’une variation des faits
portés à la connaissance des unités peut venir, par exemple, d’une variation du nombre de faits réels ou d’une
modification des relations entre les FSI et la population.
106
Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie 2002, décrit sous le nom de loi des petits nombres le fait qu’il est
normal de trouver les taux d’incidence les plus élevés et les plus faibles d’une même maladie dans les comtés
ruraux peu peuplés des États-Unis. Les variations ne dépendent pas du contexte : cet apparent paradoxe
s’explique car il est plus probable de rencontrer des résultats extrêmes dans les petits échantillons que dans les
grands.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
62
recherchée dans les QRR, ont évolué plus favorablement dans les QRR pris globalement que
pour la France entière. L
’évolution d
es vols est cependant contrastée : ils ont moins baissé en
2020 dans les QRR que pour la France entière.
Graphique n° 1 :
Comparaison entre la somme des QRR et la France entière
de l’évolution annuelle des
AVIP
En juin 2022, les données détaillées pour 2021 n’étaient pas encore disponibles
Source : L
ab’PSQ
Le Lab’PSQ regarde aussi l
e
taux d’élucidation
(graphique ci-dessous). Il est plus élevé
dans l
es QRR que dans la France entière, et aussi en croissance dans les QRR alors qu’il est à
-
peu-
près stable pour la France. Toutefois, l’écart positif en faveur des QRR était déjà visible
avant leur création, même si le différentiel était moindre. Le Lab’PSQ
y voit la démonstration
que les effectifs supplémentaires des QRR contribuent à une meilleure élucidation. Pourtant,
d’autres facteurs
peuvent alimenter l
’écart en faveur des QRR
: les AVIP sont plus fréquents
dans les QRR, avec 21 % de la délinquance enregistrée sur la période 2016-2020, mais
seulement 17 % pour la France entière. Or, les AVIP sont plus souvent élucidés que les vols
sans violence.
Graphique n° 2 :
Comparaison
des taux d’élucidation
entre la somme des QRR et la France entière
Source
: Lab’PSQ
0,85%
8,92%
2,06%
-5,69%
2,24%
6,19%
7,26%
-2,45%
2017/16
2018/17
2019/18
2020/19
Évolution des atteintes volontaires à l'intégrité physique
QRR
France entière
35,64%
35,69%
37,45%
38,07%
39,82%
30,85%
30,92%
31,81%
30,73%
32,43%
2016
2017
2018
2019
2020
Taux d'élucidation
QRR
France entière
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
63
Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a mis récemment en
ligne (juin 2022) un outil de visualisation
107
accessible au public et donc aux partenaires,
permettant de constater, par lieu de commission et
jusqu’à l’échelle d’une
commune, les
chiffres mesurés depuis 2016. C’est un apport pour l’analyse locale
, malgré les précautions à
prendre sur de petits volumes de faits,
La mesure des moyens alimente les indicateurs de la transformation publique
Le Lab’PSQ tient à jour le volet «
renforcer la sécurité du quotidien »
108
dans le
document destiné au suivi ministériel et gouvernemental de la transformation publique
109
,
présentant
Les réformes prioritaires du ministère de l’intérieur
. La dernière édition, remise en
juin 2022, rend compte des moyens, du partenariat, des résultats et des actions liées à la PSQ.
L
’effectif supplémentaire affecté
aux QRR (cf. §3.2.2) est le seul élément de ce
document propre aux QRR. Par ailleurs, au-delà de la PSQ, plus de 9 000 postes sur 10 000
annoncés auront été créés fin 2022.
Le partenariat est mesuré par
l’activité des
groupes de partenariat opérationnel : en
décembre 2022, plus de 1 000 GPO, dont ceux de la préfecture de police de Paris, se sont réunis
à 35 551 reprises, ont identifié 47 722 problématiques et en ont résolu 59 %.
Les résultats chiffrés caractérisent la PSQ sur le territoire national, sans indication sur
les QRR. Ces résultats
mesurent l’atteinte des «
objectifs cible de la réforme », qui sont la
présence renforcée sur la voie publique, la baisse des atteintes aux personnes et aux biens dans
les transports. Le Lab’PSQ estime qu’ils sont atteints. Il a
établi trois indicateurs qui sont le
nombre d’heures de patrouilles sur la voie publique
et deux agrégats de la nomenclature de
l’état 4001 (cf. tab
leau ci-dessous).
Le premier indicateur
rend compte d’une augmentation de
16 % des heures de patrouille
entre 2017 et 2022
110
, soit une progression moyenne de +3 % par rapport à 2021.
Les indicateurs d’impacts, construits à partir des plaintes et de la nomenclature de l’état
4001, montrent un profil en croissance annuelle, donc une dégradation,
à l’exception d’une
brusque diminution entre 2019 et 2020 qui, là encore, fausse
l’
interprétation de la série. Les
violences dans les transports baissent en 2022, mais les vols dans les transports augmentent tout
en restant inférieurs aux vols constatés en 2019 et avant.
Tableau n° 3 :
Indicateurs de moyens et d’impacts du Lab’PSQ
(France entière)
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Heures de patrouille
68 437 499
68 030 771
68 941 131
74 516 117
75 056 930
79 317 616
AVIP dans les TC
28 409
27 830
29 447
25 004
26 864
24 921
AAB dans les TC
124 628
128 164
146 768
105 918
107 910
110 833
AVIP
: atteintes volontaires à l’intégrité physique
; AAB : atteintes aux biens ; TC : transports en commun.
107
.
108
109
Le suivi gouvernemental est assuré par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).
110
Avec 79
millions d’heures de patrouille, les forces de sécurité intérieure ont dépassé la cible de 72
millions
qui leur était fixée pour 2022.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
64
Source
: Lab’PSQ
, sauf Etalab pour 2022
Enfin, de nombreux autres dispositifs sont présentés comme rattachés à la PSQ, dont les
contrats de sécurité intégrée (cf. §
3.3.3), l’opération #présentspourlesélus, les quartiers témoin
s
ou villes témoins (cf. 3.2.1) et le
Plan interministériel de prévention et de lutte contre les
violences liées aux bandes et groupes informels
de juin 2021.
Ces dispositifs sont trop récents pour se traduire en résultats : tous ont été lancé en 2021,
et leur coordination avec les objectifs de la PSQ
n’apparaît pas dans les communications du
ministère.
L’opération de la gendarmerie nationale #présentspourlesélus lancée fin 2021
prévoit
«
le recueil par la gendarmerie des attentes concrètes des élus afin d'améliorer la qualité du
service et optimiser la présence de voie publique des gendarmes
»
111
. Ce dispositif annoncé par
le ministre rejoint les objectifs de la sécurité du quotidien (répondre aux attentes, augmenter la
présence de voie publique), mais relève
plutôt de l’organisation interne
de la gendarmerie.
4.2
Les administrations centrales collationnent les informations locales
La déconcentration des décisions au plus près des secteurs de sécurité publique ou des
communes ne place pas les administrations
centrales en position d’arbitrage. Elles respectent
donc leur rôle en centralisant les informations et comptes rendus produits localement. Elles
exercent ainsi une mission
de superviseur et alimentent le Lab’PSQ.
La DCSP et la DGPN suivent les effectifs en renfort et les réunions partenariales
À défaut d’un système d’information des ressources humaines adapté, la direction
générale de la police et la direction centrale de la sécurité publique partagent les mêmes
informations sur le personnel pour rendre compte des effectifs en place dans les QRR et
particulièrement du maintien des renforts QRR à leur niveau initial.
La direction centrale de la sécurité publique reçoit aussi les comptes rendus des groupes
de partenariat opérationnel. Ces informations, partag
ées avec la DGPN, remontent au Lab’PSQ.
De plus, la direction centrale de la sécurité publique distingue ces informations partenariales
par direction zonale de la sécurité publique : nombre de secteur ayant monté un GPO, nombre
de réunions dans l’année, problématiques de l’année identifiées, prises en compte et résolues.
Dans le grand tableau qu’elle construit à partir des comptes rendus de partenariat, la
direction centrale de la sécurité publique présente par QRR une synthèse de la stratégie locale
de sécurité, le bilan synthétique du semestre écoulé et les objectifs du semestre suivant.
La direction centrale de la sécurité publique détient ainsi de nombreuses informations
qui lui permettent de co
ntrôler l’activité des GPO. Au sens propre, il s’agit d’un recensement
et non d’une évaluation. Les responsables de secteur, qui sont appelés à remplir les informations
de ces tableaux, ont signalé qu’ils ne perçoivent pas toujours l’utilité de leur contri
bution.
111
Communiqué de presse du 15 novembre 2021,
darmanin-annonce-lancement-de-loperation-nationale-presentpourleselus
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
65
La DGGN décline un tableau de bord des indicateurs chiffrés
La direction générale de la gendarmerie nationale
suit un tableau de bord composé d’une
synthèse d’indicateurs, pour chaque QRR et pour la somme des QRR métropolitains.
La synthèse annuelle chiffrée présente le nombre de faits constatés et des taux
d’élucidation
112
par année pour un ensemble d’agrégats principalement issus de l’état 4001
:
atteintes volontaires à l’intégrité physique (AVIP) et son sous
-ensemble des violences intra
familiales (VIF) ; atteintes aux biens (AAB)
; infractions relevées à l’initiative des services
(IRAS) et le sous-ensemble des infractions liées aux stupéfiants. Une ligne couvre les atteintes
à la tranquillité publique, difficiles à caractériser
113
mais objet de la PSQ, une autre les violences
de type urbain (VTU).
Une ligne suit la présence sur la voie publique, comptée en additionnant les heures de
chacun des gendarmes. «
Cet indicateur caractérise le sens que le Gouvernement entend donner
à la politique de sécurité du quotidien avec des forces de sécurité intérieure plus visibles dans
l'espace public et proches de la population (…). La cible fixée pour 2022 est une hausse de 5
%
par rapport à 2017
. »
114
Ces données sont mesurées en 2017, année de référence, en 2018 caractérisée par le
début de la PSQ, en 2019, création des quatre premiers QRR de la gendarmerie, puis chaque
année suivante. Le tableau ci-dessous montre que le total des trois QRR métropolitains de la
gendarmerie évolue, en nombre de faits constatés et en présence de voie publique, dans un sens
plus favorable que le total des dix ZSP en zone gendarmerie. Cette comparaison porte sur des
territoires dont les caractéristiques au regard de la délinquance sont proches, puisque les QRR
gendarmerie sont tous établi
s sur d’anciennes ZSP, et tend à montrer l’effet favorable des QRR,
avec les réserves qui s’attachent aux échantillons de petite taille (cf.
supra
). Pour une
compréhension complète de la délinquance par QRR, ces agrégats ne sont
utiles qu’avec
l’
analyse du commandant local, mais il ne leur est pas adressé.
112
Ce taux d’élucidation rapporte le nombre de faits élucidés au cours d’une période donnée, quelle que soit la
date d’enregistrements des faits, au nombre de faits constatés au cours de la même périod
e.
113
Les ATP ont une définition imprécise. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose
que la police municipale, dont le maire est chargé sous le contrôle administratif du représentant de l'État,
comprend notamment «
le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) le tumulte excité
dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les
rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la
tranquillité publique
. »
114
B
aromètre de l’action publique
pour l’objet «
Renforcer la sécurité du quotidien » le 12 avril 2022
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
66
Tableau n° 4 :
Extrait de la synthèse annuelle de la DGGN
Source : DGGN/DOE
4.3
La mesure inachevée de la satisfaction de la population
Lors de l’annonce du Lab’PSQ en avril 2019, l’une
des missions qui a été confiée par
le ministre à ce laboratoire
est de développer un dispositif d’évaluation qualitative. En associant
aux responsables institutionnels, producteurs des statistiques chiffrées, les agents et les
partenaires, et en s’intéressant à la perception qu’eux
-mêmes ont de leur travail et à la
perception qu’en a le public, le Lab’PSQ
doit réaliser une évaluation qualitative « à 360° »
115
.
Le premier travail dans cette direction est une étude, publiée en juin 2020, par
l’université Savoie–
Mont Blanc :
E
nquête nationale sur la
q
ualité du lien entre la
p
opulation
et les forces de sécurité intérieure
« EQP19 », sous-titrée «
De l’enquête QRR. T
-zéro à
l’Enquête nationale sur la Qualité du lien entre la Population et les forces de sécurité
intérieure
». Comme son nom l’indique (T zéro) il s’agit d’une photographie initiale de
l’opinion par sondage en 2019 sur plus de 48
000 contacts.
Dans les données recueillies par l’étude EQP19, une question a été analysée selon une
géographie sommaire. «
D’une manière générale la police
répond aux attentes des habitants
du quartier
» à 63,4
% pour l’ensemble et à 58,4
% pour les habitants des QRR (somme des
réponses «
tout à fait d’accord
» et «
plutôt d’accord
»). L’écart pourrait montrer que les QRR
ont été choisis parmi les quartiers où la confiance est moins bonne, mais il est cependant faible.
Les auteurs ont ainsi établi en synthèse une « note globale » de 7,03/10 toutes zones et 6,91/10
dans les QRR.
Les sondages de l’étude sont cependant fragiles en raison du faible taux de réponse
s.
Une première tentative limitée à 4 000 habitants de QRR ayant produit des «
retours
115
Plaquette de présentation du Lab’PSQ,
dossier de presse sur le site du ministère :
0LAB'PSQ.pdf
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
67
insignifiants
», l’enquête a été étendue à un ensemble beaucoup plus large
: «
Le champ
géographique de la recherche s’étendait aux 307 circonscriptions de sécurité publ
ique (DGPN-
DCSP), aux 83 circonscriptions de sécurité de proximité de la préfecture de police (Paris et
petite couronne) ainsi qu’aux quatre quartiers de reconquête républicaine situés en zone
gendarmerie
. » Mais seul un quart du panel ainsi constitué a répondu (12 822 réponses, dont
1 241 dans les QRR
, c’est
-à-
dire moins d’une trentaine par QRR
).
Au surplus,
la représentativité de l’échantillon peut être mise en question, car le panel
des sondés a été constitué par les policiers et gendarmes, à l’occasion
des contacts avec les
forces de sécurité. Ce recrutement dirigé peut expliquer le fort taux de non-réponses.
La deuxième édition de l’enquête a été rebaptisée
Enquête de satisfaction PSQ 2020
,
traduisant ainsi le fait qu’elle ne contient plus de questions
propres aux QRR ni de restitution
sur le périmètre de ceux-ci
. Le taux global des réponses s’est légèrement amélioré, à 30,6
%
des 52 000 sondés (soit près de 16 000 réponses), mais il est de seulement 20,5 % chez les
habitants de QRR.
Cette étude n’est pas, ou pas encore, l’outil qui permettra de mesurer de
manière fiable la réponse aux attentes des populations, ce qui permet de relativiser
l’évolution
de la note « réponse aux attentes par les forces de sécurité intérieure », qui passe de 7,03/10 en
2019 à 7,40/10 en 2020 et 7,23/10 en 2021.
La perception qualitative des partenaires professionnels est positive
Le Lab’PSQ a réalisé deux autres sondages auprès des partenaires, l’un sous son timbre
visait les transporteurs, l’autre co
-
réalisé avec l’union sociale pour l’habitat
(USH) était destiné
aux bailleurs sociaux.
L’
Enquête relative à la perception de la police de sécurité du quotidien auprès des
opérateurs de transports publics dans les quartiers de reconquête républicaine
116
a été menée
à
l’été 2020 p
ar un questionnaire simple adressé aux quatre opérateurs des réseaux rail, métro,
tramway et bus de portée nationale
117
. Les 47 QRR existants
au moment de l’enquête
pouvaient
être desservis par plusieurs opérateurs et leurs réponses ont porté sur 41 QRR, soit 87 % du
total.
Les principaux renseignements de cette enquête sont :
-
Une amélioration des relations avec les FSI pour 85 % des réponses ;
-
Des avis positifs à 86 % sur les groupes de partenariat opérationnel et structures de
résolution de problèmes ;
-
Une
amélioration réelle de l’insécurité perçue pour la moitié d
u personnel et des usagers.
Cependant
-
Les opérateurs n’ont pas, dans 58
% des réponses, d’indicateur pour confirmer
l’évolution de la perception d’insécurité
;
-
Les opérateurs relèvent une disponibilité insuffisante ou irrégulière des FSI ;
116
IHEMI ;
Les Cahiers de la sécurité et de la justice
n° 53, décembre 2021, page 58.
117
SNCF, RATP, TRANSDEV, KEOLIS.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
68
-
Les relations entre acteurs sur le terrain sont moins bonnes qu’entre les cadres.
L’
Évaluation de la police de sécurité du quotidien au sein des bailleurs sociaux
118
visait
à l’automne 2020 des membres de l’union sociale pour l’habitat
représentant 91 organismes,
dont 33 ont répondu ; ces 33 organismes étaient implantés sur 101 sites, dont 38 QRR. Les
résultats du sondage mettent en avant une évolution positive des relations avec les FSI pour
86 % des réponses, et même 95 % dans les QRR. Les GPO sont très appréciés et les répondants
évaluent à 8/10 le niveau de satisfaction des actions menées dans le cadre des GPO, en QRR
comme ailleurs.
Les principaux problèmes de sécurité signalés sont les occupations de halls d’im
meubles
et les trafics de stupéfiants.
Selon l’analyse des organisateurs du sondage, la PSQ ne permet pas
de lutter contre les trafics enkystés, en particulier les trafics de stupéfiants.
Enfin, un peu moins de deux ans après la mise en place des QRR et un an et demi après
le rappel par la direction centrale de la sécurité publique
de l’importance des GPO en 2019 (cf.
§ 3.3.2), les points faibles signalés par les bailleurs étaient, pour un quart d’entre
eux, l’absence
de réunions opérationnelles. Un autre quart des points faibles pointait le manque de moyens.
Les opinions favorables exprimées par les transporteurs et les bailleurs sociaux
confirment celles recueillies lors des entretiens avec les partenaires des QRR visités (cf.
chapitre 3), tout en rappelant que les progrès sont toujours possibles.
Le dispositif d’évaluation qualitative n’a pas encore atteint
son optimum
Au terme de l’enquête de la Cour,
après les visites de plusieurs QRR, deux critères
permettent de constater la
qualité de l’action de la police et de la gendarmerie dans les QRR ou
dans tout autre secteur
: ce sont d’une part l’adhésion des policiers et gendarmes à la méthode
qui sous-
tend la PSQ, d’autre part la satisfaction des partenaires.
Sur ce dernier point, les
enquêtes réalisées en 2020 auprès des transporteurs et des bailleurs apportent des
renseignements précis et concordants avec les observations de la Cour, bien qu’établis sur des
échantillons réduits en comparaison du nombre de GPO.
L’enquête récurrente
EQ
P, la seule pour l’instant qui vise la population, apporte des
chiffres peu fiables et
ne conduisant pas à des analyses. Ces enquêtes annuelles n’apparaissent
pas encore comme des outils de compréhension, de pilotage et de prise de décision.
L’enquête
« cadre de vie et sécurité » en 2019 avait introduit un découpage
géographique permettant à l’INSEE de mesurer que «
en 2019, 44 % des personnes jugent les
services de sécurité efficaces dans la lutte contre la délinquance dans leur quartier. Elles sont
38 % à avoir cette opinion parmi les personnes résidant dans les quartiers de reconquête
républicaine
. »
119
La direction générale de la police nationale a rappelé cette mesure à
l’occasion de la contradiction, sans préciser les conclusion
s
qu’elle pouvait en t
irer.
L
e remplacement de l’enquête
« cadre de vie et sécurité » par une enquête « Vécu et
ressenti en matière de sécurité » (VRS) portant sur 200 000 sondés pourrait donner des
118
IHEMI ;
Les Cahiers de la sécurité et de la justice
n° 53, décembre 2021, page 62.
119
INSEE ;
Sécurité et société
; 9 décembre 2021 ; page 175.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
69
informations plus précises
, en particulier à l’échelle départementale, voir des
QRR, grâce à la
taille de l’échantillon très augmentée par rapport à l’enquête
« cadre de vie et sécurité ». Les
résultats de la première enquête VRS sont attendu au premier semestre 2023.
L’évaluation est importante pour développer la fonction d’observatoire du Lab’PSQ et
doit pour cela encore progresser. Elle est importante aussi pour alimenter les deux autres
missions du Lab’PSQ
: le cercle de réflexion destiné à promouvoir les partenariats et
l’incubateur qui doit enrichir les méthodes d’acti
on.
La Cour avait constaté lors d
’une
enquête sur les ZSP que le ministère faisait appel à
des cabinets pour l’évaluation. Le cabinet
Pluricité
a rendu ses conclusions en mai 2015 sur le
fonctionnement du volet « prévention » dans dix ZSP et constatait par ailleurs sur les instances
de pilotage que «
l’installation de la CCOP a été réalisée sans articulation précise avec
l’architecture partenariale existante au titre du CLSPD. S’est instauré
de facto un double
système de gouvernance piloté par la préfecture pour les ZSP et par la collectivité locale pour
les CLSPD
. ». La Cour avait confirmé
à l’époque
les constats de ce cabinet. Elle observe
aujourd’hui que tous les enseignements n’en ont pas été tirés (cf.§3.3).
Le
même rapport avait aussi relevé qu’une
évaluation du volet sécurité des ZSP avait
été confiée au cabinet
Planète publique
qui a remis son rapport en juin 2015 et que le centre de
recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), unité mixte de
recherche du CNRS, était charg
é d’évaluer le
dispositif des délégués à la cohésion police-
population (rapport en juillet 2014). Cette évaluation et la précédente montrent que les
méthodes pour apprécier la conduite des actions de sécurité publique sont connues.
La connaissance des
attentes du public est aussi un outil d’orientation de l’action
À défaut d’outil disponible, le seul
exercice de mesure de la satisfaction de la population
dans le contexte de la PSQ observé lors de ce contrôle a été mené en février 2018 dans une
commune des Hauts-de-Seine (92). Cette expérience, soulignée comme un bon exemple par les
autorités
de la préfecture de Police, a été réalisée à l’initiative du commissaire mais elle n’a été
ni poursuivie, ni étendue.
La démarche reposait sur l’e
mploi de réservistes citoyens, bénévoles, à «
des missions
de solidarité, de médiation sociale, d'éducation à la loi et de prévention
»
120
permis par une
disposition introduite en 2017.
L’une des missions confiée
s à ces réservistes était de recueillir
à l’occasion des contacts avec la population son avis sur l’image, la présence et l’action de la
police. Le support était une fiche simple, d’une page, conçue localement.
L’intérêt principal du sondage était que ses modalités permettaient une communication
dans les deux sens : les questions
posées par les réservistes étaient aussi l’occasion d’un
échange d’information
s. Les usagers recevaient des conseils de prévention. Les réservistes
remontaient au commissariat des explications plus fines que les réponses au sondage. Le
commissariat utilisait ces informations recueillies pour orienter son action. Quant aux taux de
satisfaction sur l’action de la police, ils confirmaient les bons résultats relevés par les sondages
nationaux.
120
Article L.411-18 du code de la sécurité intérieure, créé par la loi 2017-86 du 27 janvier 2017.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
70
Le principal enseignement de cette expérience est que le recueil de
l’opinion des
populations, dans la mesure où sa connaissance
sert aussi à orienter l’action, ne peut être conduit
par des acteurs sans relations de travail avec les commissariats.
L’
expérience reposait sur des
réservistes recrutés proactivement parmi des étudiants intéressés à une carrière dans la sécurité
publique
, ce qui n’en fait pas un vivier disponible partout
; cette limite incite à chercher une
méthode adaptée plutôt qu’à renoncer à un outil très utile.
Une méthode de me
sure des résultats qui prenne en compte l’objectif principal
d’amélioration de la satisfaction des habitants
doit être développée
. À l’issue de la
contradiction, le ministère et les responsables des forces de sécurité intérieure reconnaissent la
nécessité
d’un outil de mesure, mais aucun de ces responsables
n’exprime d’idée sur sa forme.
L’ensemble des parties prenantes doit s’engager dans la définition d’une méthode
d’évaluation des résultats
adaptée aux objectifs que le ministère assigne aux QRR et plus
largement à la PSQ. Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) doit être
associé à cette initiative.
Recommandation n° 3.
(
secrétaire général du ministère de l’intérieur
, directeur
général de la police nationale, directeur général de la gendarmerie nationale,
préfet de police de Paris) Développer une méthode de mesure des résultats dans les
quartiers de reconquête républicaine
qui prenne en compte l’objectif principal
d’amélioration de la satisfaction des habitants
.
Les deux missions du Lab’PSQ
, qui sont insuffisamment remplies depuis sa création,
doivent être développées : la fonction de cercle de réflexion ouvert aux acteurs de la sécurité et
celle d’incubateur de modes d’action à développer en relation avec le monde de la recherche.
La contradiction a fait apparaître, derrière une approbation de façade, un souhait de voir
l’enquête EQP accroître sa performance et s’inscrire dans la durée
, sans engagement du
ministère sur les moyens pour y parvenir, ni de prise de position sur le partage de ces moyens
entre l’enquête EQP et l’enquête
« vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS) du SSMSI
qui visent toutes deux pour partie la mesure de la satisfaction de la population. L
’
enquête EQP
«
qui ne mesure pas seulement le taux de satisfaction de la population, mais qui permet aussi
d’en recueillir les attentes
», selon le directeur général de la police nationale et le secrétariat
général du ministère,
n’atteint pas toutes les ambitions portées par le Lab’PSQ à sa création. Le
secrétaire général du mi
nistère n’explique pas comment le Lab’PSQ, qui lui est rattaché
121
, peut
à l’avenir remplir ses missions.
Au demeurant, le rattachement du Lab’PSQ au secrétaire général alors que son activité
porte uniquement sur l’analyse des forces de sécurité intérieure
ne garantit pas la convergence
des travaux ; il devrait, comme le SSMSI, être rattaché aux deux directeurs généraux des forces
de sécurité intérieure.
121
Depuis le 26 mars 2020, selon
l’arrêté nommant son responsable
.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
71
Recommandation n° 4.
(
secrétaire général du ministère de l’intérieur
, directeur
général de la police nationale, directeur général de la gendarmerie nationale)
Étudier le rattachement du Lab’PSQ aux deux directions générales et d
évelopper
s
es fonctions de cercle de réflexion et d’incubateur.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le Lab’PSQ a été imaginé comme une structure légère coordonnan
t les compétences
internes au ministère de l’intérieur et celles de chercheurs et universitaires, avec trois
fonctions : observatoire des résultats, cercle de réflexion pour développer les partenariats et
incubateur d’idées. Ces trois fonctions sont utiles
et n’existaient pas au niveau du ministère.
Dans sa fonction d’observatoire des résultats, le Lab’PSQ s’appuie avant tout sur les
instruments préexistants des indicateurs de délinquance enregistrée selon «
l’état 4001
»,
comprenant les faits portés à la connaissance des forces de sécurité intérieure et les taux
d’élucidation. Ces valeurs sont suivies pour chaque QRR, mais à cette échelle, les biais connus
de l’état 4001 s’ajoutent à ceux des statistiques sur les petits nombre
s. À ces réserves près, la
vale
ur la plus robuste de ces indicateurs, qui est l’addition des QRR, montre une évolution
comparativement meilleure des violences aux personnes et des taux d’élucidation que sur
l’ensemble de la France. La gendarmerie fait aussi le constat que les indicateur
s de
délinquance qu’elle mesure dans ses trois QRR métropolitains évoluent mieux que dans ses dix
ZSP, avec des augmentations moins fortes ou des baisses plus grandes sur tous les indicateurs.
En outre, l
e Lab’PSQ collationne et rend compte d’indicateurs de moyens et s’appuie
sur le suivi organisé par les forces pour confirmer que les effectifs mis en renfort dans les QRR
y sont toujours affectés.
Sur l’ensemble du territoire les indicateurs que le Lab’PSQ utilise pour suivre les
impacts de la PSQ montrent
d’abord une grande variation en 2020, ce qui limite
le sens de
l
’analyse des séries depuis la création de la PSQ. Ils
mettent en évidence une augmentation
continue des heures de patrouille, l’un des objectifs suivis dans le cadre de la transformation
publique.
La PSQ repose aussi sur le développement des partenariats, et la DSCP fait remonter
les chiffres caractéristiques des groupes de partenariats opérationnels. Selon le dernier état du
Lab’PSQ,
en décembre 2022, plus de 1 000 groupes de partenariat opérationnel, dont ceux de
la préfecture de police de Paris, se sont réunis à 35 551 reprises, ont identifié 47 722
problématiques et en ont résolu 59 %. Ce simple constat, en quelques chiffres, montre toute la
difficulté de définir un indicateur de qualité de service. En particulier, la mesure de la
satisfaction de la population n’a pas encore été réalisée. Les enquêtes EQP annuelle
s
(
E
nquêtes nationales sur la
q
ualité du lien entre la
p
opulation et les forces de sécurité
intérieure)
, qui s’inscrivent dans les coopérations entre le Lab’PSQ et le monde universitaire,
ne sont pas encore sources d’enseignement
; elles pourraient même à
l’avenir être moins
nécessaires si la nouvelle enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS), dont les
premiers résultats sont attendus en 2023, est exploitable à l’échelle des quartiers
.
Le Lab’PSQ est à l’origine de deux sondages réalisés en
2020 auprès des bailleurs
sociaux et des transporteurs publics. La Cour a constaté lors des visites de QRR que la
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
72
satisfaction majoritaire exprimée par les partenaires interrogés et les points d’attention qu’ils
soulignent sont bien analysés dans ces sondages.
Tous ces outils sont des briques utiles, mais qui ne permettent pas à ce jour de dégager
des idées nouvelles sur le partenariat ou les méthodes de travail. Le Lab’PSQ, avec des moyens
très limités, ne peut remplir encore pleinement son rôle d’incubate
ur ou de cercle de réflexion.
Enfin, la mesure des résultats ne pourra s’améliorer qu’avec le concours du
service statistique
ministériel de la sécurité intérieure
, qui ne s’est pas encore associé aux travaux.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
73
LISTE DES ABREVIATIONS
AAB : atteintes aux biens
AFD : amendes forfaitaires délictuelles
ANCT : agence nationale de cohésion des territoires
ANTAI : agence nationale de traitement automatisé des infractions
AVIP
: atteintes volontaires à l’intégrité physique
BAC : brigade anti-criminalité
BJRR : brigade judiciaire de reconquête républicaine (DSPAP)
BPDJ : brigade de prévention de la délinquance juvénile
BST : brigade spécialisée de terrain (DGPN)
BTA : brigade territoriale autonome
–
gendarmerie
BTC : brigade territoriale de contact (DSPAP)
CCOFSI : cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure
CCOP : cellule de coordination opérationnelle du partenariat
CEA
: corps d’encadrement et d’application –
gardiens de la paix et gradés
CESDIP : centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales
CLCT : cellules de lutte contre les trafics
CLJ : centre de loisirs jeunes
CLSPD : conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance
CODAF : comités opérationnels départementaux anti-fraude
CROSS : cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants
CSP : circonscription de sécurité publique
CSI : code de la sécurité intérieure
CSI : contrat de sécurité intégrée
CVS : enquête cadre de vie et sécurité
DCPP : délégué à la cohésion police-population
DCSP : direction centrale de la sécurité publique
DDSP : direction départementale de la sécurité publique (DCSP)
DGGN : direction générale de la gendarmerie nationale
DGPN : direction générale de la police nationale
DITP : direction interministérielle de la transformation publique
DOPC
: direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris
DPT : document de politique transversale
DSPAP : direction de la sécurité de proximité de
l’agglomération parisienne
EQP :
E
nquête nationale sur la
q
ualité du lien entre la
p
opulation et les forces de sécurité intérieure
FSPRT : fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste
GGD : groupement de gendarmerie départementale
GIR : groupes interministériels de recherches
GLTD : groupe local de traitement de la délinquance
GPO : groupe de partenariat opérationnel
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
74
IEF : infractions économiques et financières
IHEMI : Institut des hautes études du ministère de l'intérieur
IRAS
: infractions relevées à l’initiative des services
LOPMI :
loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur
: Loi n° 2023-22 du
24 janvier 2023
MOSOVO : m
aintien de l’ordre
-
service d’ordre
- voyages officiels
MPCE : mission
de prévention, de contact et d’écoute
de la DSPAP
ONDRP : observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
OPN : officier de la police nationale
PLRQ : plan de lutte contre la radicalisation
PPP : préfecture de police de Paris
PSIG : peloto
n de surveillance et d’intervention de la gendarmerie
PSQ : police de sécurité du quotidien
QPV : quartier prioritaire de la politique de la ville
QRR : quartier de reconquête républicaine
RPT : rapport public thématique de la Cour des comptes
SG-CIPDR : secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la
radicalisation
SNPD : stratégie nationale de prévention de la délinquance
SOG : sous-officier de gendarmerie
SQ : voir PSQ
–
sécurité du quotidien
SSMSI : service statistique ministériel de la sécurité intérieure
USH
: union sociale pour l’habitat
VRS : enquête vécu et ressenti en matière de sécurité
VTU : violence de type urbain
ZSP : zone de sécurité prioritaire
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
75
ANNEXES
Annexe n° 1. Cartographie des QRR
....................................................................................
76
Annexe n° 2. Les 20 « départements mieux accompagnés » de la DGGN
...........................
78
Annexe n° 3. Les exemples étrangers
...................................................................................
79
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
76
Annexe n° 1.
Cartographie des QRR
Destiné à la contradiction
Carte n° 1 :
Répartition des effectifs au sein des 62 quartiers de reconquête républicaine
(au 1
er
février 2021)
* QRR annoncé, affectation des renforts programmée dans le cadre des prochains mouvements de
personnels
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
77
Source
: Lab’ PSQ.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
78
Annexe n° 2.
Les 20 « départements mieux accompagnés » de la DGGN
Source :
ministère de l’intérieur –
annexe au dossier de presse du 8 février 2018 pour le lancement de la PSQ.
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
79
Annexe n° 3.
Les exemples étrangers
Les cinq exemples ci-dessous décrivent
la mise en œuvre et les enseignements de la
police de proximité au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne. Les deux premiers
décrivent
l’apparition
dès les années 1970 de la police de proximité au Royaume-Uni et son
application dans la métropole de Londres à partir de 2002. Ces orientations sont comparables à
celles de la PSQ : rapprochement avec la population pour comprendre ses attentes et résoudre
les problèmes locaux ; attention portée à la mesure des résultats ; évolution des pratiques
professionnelles.
À Houston (États-
Unis), la mise en œuvre dans les années 1980 d’une police de
proximité qui se rapproche de la PSQ par son attention aux problèmes locaux et aux méthodes
partenariales était en outre renforcée dans les zones à risque de délinquance
, à l’image des QRR.
L’expérience a échouée d’abord en ne parvenant pas à infléchir les pratiques professionnelles
de la police, ensuite en limitant les partenariats à une partie seulement des populations.
Depuis le début des années 2000, la police berlinoise porte une grande attention aux
questions communautaires en mettant l’accent sur des micro
-territoires exposées aux
phénomènes de délinquance et de séparatisme.
Enfin, la ville de New-York a développé au milieu des années 2000 une politique du
chiffre appuyée sur des contrôles systématiques et des fouilles préventives ainsi que sur la
répression rigoureuse des petits délits. Les contrôles tels qu’ils étaient mis en place ont été jugés
inconstitutionnels en 2013
et abandonnés. En outre, la méthode n’appor
tait pas de résultats
significatifs et les études ont montré que la présence de policiers connaissant le terrain étaient
plus efficaces que la répression.
Les origines de la police de proximité au Royaume-Uni
Jacques de Maillard, « Réforme des polices dans les pays occidentaux. Une perspective
comparée »,
Revue française de science politique
, n°59, 2006
Au Royaume-
Uni, la police de proximité est une idée ancienne. L’apparition d’une
délinquance de masse à la fin du XXe siècle et l’érosion subséquente de la
confiance en la
police ont fait de celle-ci un enjeu de réformes. En outre, les émeutes des années 1970-1980 ont
questionné la légitimité des stratégies opérationnelles de la police. Durant les années 1970, sous
l’impulsion du Home Office, les polices brit
anniques ont inclus de nouvelles pratiques fondées
sur un rapprochement avec la population et sur une méthode de résolution de problèmes.
Réaffirmée sous différents noms (police de réassurance, police de voisinage, police de
communauté) au cours des décenn
ies suivantes, cette orientation doctrinale s’est aussi
accompagnée de changements managériaux reposant sur l’évaluation de la performance et de
l’atteinte d’objectifs, parmi lesquels le lien police
-population. La diffusion de ces pratiques au
sein d’une police décentralisée et souvent jugée résistante a été favorisée d’une part par la
perméabilité de la police aux travaux de recherche, qui s’explique notamment par le parcours
universitaire de beaucoup de chefs de police, d’autre part par le volontarisme du
Home Office
qui ne possède toutefois qu’un pouvoir de définition des objectifs, sans autorité hiérarchique
sur les polices britanniques qui sont décentralisés. Si ces dernières sont responsables devant les
élus locaux, l’autonomie opérationnelle des chefs
de police a favorisé la mise en œuvre des
réformes au sein des polices locales, en réduisant les interférences politiques. En outre, la
stabilité des gouvernements au Royaume-
Uni a favorisé les réformes d’ampleur
: Margaret
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
80
Thatcher et Tony Blair ont lancé les principales réformes de la police après plusieurs années,
une fois leur pouvoir installé, tout en ayant le temps de les poursuivre. Le
Police Reform Act
de
2002, voté sous le gouvernement Blair II, a ainsi créé le rôle du policier en soutien de la
communauté (
Police Communty Support officer
) et modifié les conditions de définition des
missions de police.
La compréhension de l’opinion publique pour améliorer la performance
policière : le cas de la police londonienne
Elizabeth A Stanko, « Représenter le
"p
ublic
"
au sein de la police : un dialogue basé sur
des données à Londres »,
CSJ Police et population : du conflit à la confiance
, Cahiers de la
sécurité et de la justice n°40, 2017
La mesure de l’opinion
de la population en matière de police et de sécurité est une source
des plans stratégiques de la police londonienne. Les consultations du public ont été mises en
place dès 2002 sur demande du gouvernement central. Les sondages ont constitué un outil clé
dans l’évaluation de la gestion par la police des
grands événements,
à l’exemple des émeutes
de Londres en 2011. La réussite de cette approche a reposé sur la familiarisation des policiers
avec les résultats des sondages et avec
l’analyse universitaire des déterminants de l’opinion
publique sur la police.
Les perspectives d’action et les pratiques ont été adaptées afin de les
recentrer autour des attentes du public. Ces deux vues différaient
dans l’appréciation des
paramètres :
d’une part
le travail universitaire met en avant une influence de la perception de la
police par
l’opinion publique
qui n’est pas directement liée à son action
; d’autre part
la culture
policière
est d’agir sur
les déterminants que la police contrôle intégralement comme le contact
direct,
en accordant moins d’importance à ceux qui
sont hors de son atteinte, comme la classe
sociale. Ainsi, l’analyse des consultations du public londonien souligne quatre principaux
facteurs :
la capacité de la police à faire preuve d’efficacité
en cas d’appel urgent
, à traiter
équitablement tous les citoyens, à être engagé dans la communauté dont elle a la charge et enfin
à agir face aux troubles locaux. La prise en compte de la satisfaction du public a changé les
pratiques à tous les échelons hiérarchiques
, mais ce résultat n’a été possible qu’avec la
mise en
place d’incitations professionnelles
. La bonne compréhension du lien police-population est
devenue une condition de
l’avancement de
grade. Plus généralement, depuis vingt ans, la police
londonienne a peu à peu été convaincue par le fait que la confiance du public favorise le travail
policier. Ainsi, l
e cadre pour l’évaluation de la performance de la police (Police Performance
Assessment Framework, PPAF), créé en 2002, a évolué pour faire de la satisfaction du public
la mesure centrale de l’évaluatio
n de la performance policière.
Les échecs de la police de proximité : le cas de la police de Houston dans les
années 1990
Wesley G. Skogan, « The Impact of Community Policing on Neighborhoods Residents.
A Cross-Site Analysis »,
The Challenge of Community Policing: Testing the Promises
, 1994
Les polices de proximité modernes sont nées aux Etats-Unis au cours des années 1970.
Ces nouvelles pratiques se sont diffusées sous l’effet d’émeutes interrogeant la légitimité de
l’action
policière,
d’une
ouverture
de
certains
cadres
policiers
aux
changements
organisationnels et grâce à des incitations à un avancement de carrière destinées à ceux engagés
dans ces pratiques. Elles visaient à corriger l’inefficacité perçue des polices américaines. En
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
81
outre, la décentralis
ation des polices américaines a facilité l’émergence de pratiques
communautaires ; les innovations et réponses locales adéquates ont émergé plus aisément.
Trois programmes de police de proximité ont été mis en œuvre dans les années 1980 à
Houston. Le premier était un commissariat annexe de quartier. Les policiers y étant affectés
veillaient à identifier et résoudre les problèmes locaux en tissant un lien avec la population. Une
attention était portée sur les zones à risque en matière de délinquance. Des membres des églises
et clubs de quartier furent invités aux patrouilles motorisées. De nombreux bulletins
d’information relatifs aux activités du commissariat et à la prévention du crime furent
distribués. En outre, une autonomie était accordée aux agents de
police s’agissant de l’emploi
du temps et de l’organisation. La création de l’équipe d’intervention pour l’organisation
communautaire (
Community Organizing Response Team
) était le deuxième programme. La
mission de cette équipe était de former une organisation permanente avec les citoyens pour
définir et collaborer à la résolution des problèmes de quartier. Soixante collaborateurs de la
police furent élus parmi la population. Enfin, le dernier programme consistait en un recueil
d’informations lors de visite
s à domicile. Près de 60 % des personnes interrogés se plaignaient
des désordres quotidiens et des délits habituels.
Cependant, la police de Houston a cessé ses activités communautaires, à une date non
précisée dans l’article, du fait de l’influence d’oppo
sants aux programmes parmi les cadres
policiers et la détérioration du service d’urgence causée par une réallocation des effectifs en
faveur de la police de proximité. En outre, la coordination police/population à Houston était de
nature à favoriser les propriétaires immobiliers et les notables locaux. En effet, ces derniers
étaient influents au sein des associations de quartier sur lesquelles la police s’appuyait
(organisation des réunions, personnes accompagnant les îlotiers, etc.). En conséquence, les
habitants des quartiers les moins favorisés ont été exclus de fait des interventions. En somme,
les policiers ont privilégié les quartiers leur réservant un bon accueil.
La police en dialogue avec les minorités culturelles : le cas de la police berlinoise
Jérémie Gauthier, « Les policiers berlinois comme
"
professionnels de l’intégration
" ? »,
CSJ Police et population : du conflit à la confiance
, n°40, 2017
La police berlinoise a fait le choix depuis vingt ans du dialogue interculturel en
institutionnalisant de nouvelles pratiques. Le projet de transfert de compétences interculturelles
(
Projekt Transfer Interkulturelle Kompetenz
, TIK) s’est inscrit, au début des années 2000, dans
un contexte double
: d’une part le tournant multiculturel suite à la réforme fédé
rale de la
citoyenneté en 2000, d’autre part l’accent mis par la police sur des micro
-territoires sensibles
et sur des groupes menaçant l’ordre public (délinquance, séparatisme, etc.). En outre, centrée
autour du dialogue, de la confiance et de projets communs avec la société civile, cette réforme
doctrinale a suivi une redéfinition de la police comme acteur de l’intégration. L’Unité
intégration et migration (
Arbeitsgebiet Integration und Migration
), mise en place en 2003,
compétente dans trois quartiers be
rlinois prioritaires en matière d’ordre public, est chargée du
dialogue interculturel. Avec un domaine de compétence élargi, elle se démarque des forces de
sécurité traditionnelles et agit selon deux axes : en externe, en direction de la population, et
l’article constate sans la commenter que cette action s’est accompagnée d’une forme
d’ethnicisation des troubles à l’ordre public
; en interne, par une offre de formation auprès des
différents services de police. L’unité recrute des profils compétents en comm
unication et
sensibles aux questions religieuses et culturelles. Elle travaille en réseau avec des acteurs
LES QUARTIERS DE RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE
82
importants des minorités culturelles (mosquées, associations, etc.), avec des acteurs
institutionnels (Office des étrangers par exemple) et avec l’éc
ole dans un rôle de médiation. En
conséquence, les rapports d’autorité entre les acteurs de la politique locale sont transformés. Au
point de vue opérationnel, l’unité s’est dessaisie des pratiques policières coercitives comme les
contrôles d’identité discrétionnaires. En interne, la formation met en avant l’adéquation du
comportement des policiers avec les spécificités culturelles des minorités afin d’éviter les
conflits. Plus généralement, l’institution policière berlinoise s’est saisie de la gestion des
problèmes d’ordre publics liés aux minorités. En France, la réponse est essentiellement laissée
aux policiers de terrain.
Cet article descriptif ne donne pas d’information sur la qualité des résultats.
La fouille préventive comme « hard community policing » : le cas de la police
new-yorkaise
Wesley G. Skogan, « La méthode du
"stop-and-frisk" en tant que stratégie
organisationnelle : leçons tirées à partir des exemples des villes de New York et Chicago »,
CSJ
Police et population : du conflit à la confiance
, n°40, 2017
Les interpellations et fouilles préventives (
stop and frisk
) ont constitué une pratique
fondamentale de la police américaine. Le changement de nature de la criminalité et son
accroissement dans le milieu des années 2000 ont fait des fouilles préventives un impératif de
la performance policière, impératif s’inscrivant dans un système de quota et d’objectifs chiffrés
à remplir. Les fouilles préventives visaient à dissuader la possession d’objets illégaux et à
démontrer la vigilance de la
police à l’égard du public. Entre 2004 et 2012, la police de New
-
York a effectué 4,4 millions de contrôles ; 11 % ont abouti à une arrestation ou à une amende
pour beaucoup de délits très mineurs (crachats, traversée hors des passages piétons, etc.) ; 1,5 %
se sont soldés par la saisie d’objets illégaux. En 2011, cette stratégie préventive aurait réduit de
2
% les chiffres des délits signalés, ce que l’auteur de l’article considère comme un résultat
modeste. Cependant, les fouilles préventives étaient de nature à engendrer une insatisfaction,
étant souvent extérieurement injustifiées. La juste sélection des profils à risque était entravée
par une méconnaissance des lieux et du public
–
les policiers n’étant pas attachés à un territoire
–
et par l’impératif o
rganisationnel que ces contrôles représentaient. Les fouilles préventives
ont ainsi altéré la confiance du public envers la police. En outre, elles étaient hétérogènes : le
taux d’interpellation des Noirs américains était 7,5 fois plus élevé que celui des
Blancs ;
l’origine, l’âge et la classe sociale apparents ont été leurs principaux déterminants.
Considérant
que la fouille préventive a constitué à New York une forme de profilage racial, le juge fédéral
l’a jugée anticonstitutionnelle en août 2013.
À New York, des recherches (non précisées) ont
montré que l’affectation ciblée des agents avait une influence plus décisive sur la criminalité
que la méthode des fouilles préventives : la présence seule est un facteur critique de la
dissuasion.