La situation d’ensemble des finances
publiques (à fin février 2023)
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Ouvrant le rapport public annuel de la Cour sur la performance de
l’organisation territoriale française, le présent chapitre analyse la
situation d’ensemble des finances publiques après une année 2021
marquée par un fort rebond de la croissance, à 6,8 %, qui a permis, dès
l’été, de retrouver le niveau d’activité économique qui prévalait juste avant
la crise sanitaire et de ramener le déficit à 6,5 points de produit intérieur
brut (PIB) après 8,9 points en 2020.
Avec un taux de croissance de 2,6 %
, l’année 2022 a été
marquée
par un net ralentissement de l’activité économique, en lien avec le choc sur
les prix de l’énergie et les conséquences de la guerre en Ukraine. Les
perspectives pour 2023 sont encore plus dégradées avec une prévision de
croissance de 1 % retenue pour construire le projet de loi de finances.
Pour atténuer les effets des prix élevés de l’énergie sur les ménages
et les entreprises, le Gouvernement a pris de nouvelles mesures de soutien
qui, combinées à l’environnement économique difficile, conduiraie
nt à un
déficit public de 5,0 points de PIB en 2022 et en 2023 selon le projet de loi
de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Depuis, le
déficit budgétaire de l’État pour 2022 est ressorti moins dégradé
de près
de 20
Md€ par rapport à la loi de finances rectificative de fin d’année
, sans
qu’il soit possible aujourd’hui d’évaluer quel effet aura cette amélioration
sur le déficit public exprimé en comptabilité nationale. La dette publique
atteindrait 111,2 points de PIB en 2023, soit près de 14 points
au-
dessus de son niveau d’avant crise.
Près de trois ans après le début de la crise, la France fait partie des pays
de la zone euro dont la situation des finances publiques est la plus dégradée.
Après une présentation de la situation des finances publiques en 2022
et 2023, ainsi que des principaux aléas qui l’affectent (I), la Cour analyse
les enjeux liés à la trajectoire de finances publiques de moyen terme tracée
par le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (II).
Les observations de la Cour reposent sur les informations
disponibles au 16 février 2023.
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COUR DES COMPTES
16
I -
Malgré le repli des mesures d’urgence
et de relance, un déficit qui reste élevé
en 2022 et 2023
Alors que l’année 2022 devait marq
uer la sortie du «
quoi qu’il en
coûte » lié à la crise sanitaire, avec notamment une baisse de 46,5
Md€ des
dépenses de soutien et de relance (voir
infra
), la guerre en Ukraine,
principalement au titre de son effet sur les prix de l’énergie, a conduit au
maintien d’un niveau élevé de dépense et
de déficit publics en 2022, malgré
le
dynamisme
des
prélèvements
obligatoires.
Les
perspectives
économiques de 2023 étant nettement moins favorables, ce sont ainsi les
deux années 2022 et 2023 qui devraient rester caractérisées par des déficits
importants (- 5,0 points de
PIB), retardant d’autant l’engagement d’une
trajectoire crédible de réduction des ratios de déficit et de dette publics.
A -
Une activité économique ralentie, une inflation
toujours élevée
, un niveau d’incertitude inhabituel
Après avoir atteint 6,8 % en 2021, la croissance du PIB se replierait
à 2,6 % en 2022. La croissance pour 2022 résulte principalement de celle
constatée en 2021 (on parle de « croissance acquise »)
4
, alors que l’activité
économique a été peu dynamique tout au long de 2022,
d’environ 0,2
% en
moyenne sur les quatre trimestres de l’année.
Pourtant, parmi les quatre principaux pays de la zone euro, la France
est celui qui a absorbé le mieux le choc de la crise sanitaire sur l’activité
économique, laquelle se situait en 2022 à + 1 % au-dessus du niveau de
2019 contre + 0,6 % en Allemagne, + 0,9 % en Italie et en recul de - 1,3 %
en Espagne. La France a également fait mieux que le Royaume-Uni, dont
le niveau d’activité en 2022 est inférieur de
- 0,3 %
à ce qu’il était en 2019
.
Avec le faible taux de croissance du dernier trimestre 2022 et la
progression modérée de l’activité prévue en 2023, la croissance faiblirait à
nouveau pour atteindre 1,0 %
sur l’année selon le projet de loi de
financement rectificative de la sécurité sociale (PLFSSR) pour 2023.
4
L’acquis de croissance pour 2022 à la fin de l’année 2021, c’est
-à-dire le niveau de
croissance qui aurait été atteint en 2022 si l’activité économique était restée sur tous les
trimestres de 2022 égale à son niveau du quatrième trimestre 2021, était ainsi de 2,4 %.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
17
Le ralentissement de l’activité résulte notamment de la hausse des
prix de l’énergie qui, en dépit des mesures prises pour en atténuer les effets,
pénalise le pouvoir d’achat des ménages et renchérit les coûts des
entreprises. L’augmentation des taux d’intérêt, en lien avec le resserrement
de la politique monétaire, vient également freiner l’investissement des
entreprises et des ménages. Enfin, le ralentissement du commerce mondial
devrait peser sur les exportations.
Dans ce context
e difficile, l’économie française a montré des signes
de résilience au deuxième semestre 2022. La prévision du Gouvernement,
maintenue à 1 % depuis la présentation du PLF 2023, «
reste élevée
»,
comme l’a relevé le Haut Conseil des finances publiques (HCF
P) dans son
avis du 18 janvier 2023 sur le projet de loi de financement rectificative de la
sécurité sociale
5
. Plus récemment, dans sa publication de février 2023, le
Consensus forecasts
, qui rassemble les prévisions de différents économistes,
a relevé sa prévision de croissance 2023 pour la France à 0,4 % contre 0,2 %
le mois précédent.
Tableau n° 1 :
prévisions de croissance et d’inflation en France
pour 2023 (en %)
Croissance
Inflation*
Consensus forecasts
(février 2023)
0,4
4,8
Commission européenne (février 2023)
0,6
5,2
Banque de France (décembre 2022)
0,3
6,0
OCDE (novembre 2022)
0,6
5,7
FMI (octobre 2022)**
0,7
4,6
Gouvernement (PLF 2023 septembre 2022)
1,0
4,2
Source : prévision des différents organismes
*Indice des prix à la consommation pour le Consensus forecasts et le RESF, indice harmonisé des
prix à la consommation pour les autres.**Le FMI a maintenu sa prévision de croissance dans sa
publication de fin janvier 2023.
En recul entre 2022 et 2023, l’inflation demeurerait à des niveaux
élevés ces deux années. Après 5,2 % en 2022, elle atteindrait 4,2 % en 2023
selon le projet de loi de finances (PLF) 2023, cette prévision se situant un
peu en dessous du consensus des économistes (4,8 %). Ce repli serait
principalement dû à celui de l’inflation énergétique. L’inflation sous
-jacente,
5
Avis n° HCFP-2023-1 relatif au projet de loi de financement rectificative de la sécurité
sociale pour l’année 2023.
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18
qui exclut les prix les plus volatils et notamment ceux de l’énergie, resterait
cependant élevée à 4,1 % après 3,9 % en 2022. En raison des mesures prises
pour atténuer l’impact de l’augmentation des prix de l’énergie, comme p
ar
exemple la remise à la pompe, la France aura connu en 2022 l’inflation la
plus faible des pays de la zone euro à 5,9 %
, au sens de l’indice harmonisé
des prix à la consommation, contre 8,4 % pour la zone dans son ensemble.
L’incertitude autour du scéna
rio macroéconomique 2023 est
inhabituellement élevée du fait des aléas sur les prix de l’énergie et des
risques qui continuent à peser sur les approvisionnements en gaz. Elle
résulte également de la poursuite du relèvement des taux d’intérêt
par les
banques centrales
pour lutter contre l’inflation. En effet, les niveaux que
pourraient atteindre
in fine
ces taux d’intérêt ainsi que le calendrier de leur
relèvement sont sujets à de fortes inconnues.
B -
Des recettes publiques encore dynamiques en 2022
mais qui ralentiraient nettement en 2023
Les années 2022 et 2023 dessinent un tableau contrasté en termes de
prélèvements obligatoires. Selon les prévisions du Gouvernement, ils
progresseraient de 7,9 % en 2022, soit un rythme nettement supérieur à
celui du PIB (+ 5,7 % en valeur). En 2023, dans un contexte de
ralentissement économique, les prélèvements obligatoires seraient en
revanche moins dynamiques (+ 3,9 %
) que l’activité en valeur (
+ 4,6 %).
Malgré les mesures de baisses d’impôt, comme la quasi
-suppression
de
la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et la
suppression de la redevance audiovisuelle, le taux de prélèvements
obligatoires atteindrait son pic historique en 2022, à 45,2 % du PIB. En
2023, ce taux diminuerait à 44,9 %, se rapprochant ainsi de son niveau
d’avant crise (44,7
% atteint en 2018
6
).
6
L
’année 2019 ne peut constituer une référence d’«
avant
crise » s’agissant du taux de
prélèvements obligatoires, car elle a été marquée par une baisse exceptionnelle des
prélèvements du fait de la concomitance du
crédit d’impôt pour la compétitivité et
l’emploi (
CICE) dû au titre de la masse salariale 2018 et
de l’allègement de cotisation
se substituant à ce dispositif.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
19
Graphique n° 1 :
évolution du taux de prélèvements obligatoires
sur la période de 2000 à 2023 (en points de PIB)
Source : Insee, Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
1 -
Une évolution spontanée des prélèvements obligatoires
plus heurtée
que celle de l’activité économique
Selon le PLFSSR pour 2023, les prélèvements obligatoires
augmenteraient spontanément, c’est
-à-dire hors mesures nouvelles de baisse
ou de hausse, de 8,2 % en 2022 puis de 2,9 % en 2023. Ces évolutions se
distinguent nettement de celles du PIB en valeur
7
sur ces deux années
(+ 5,7 % en 2022, + 4,6 % en 2023) et tranchent avec celles enregistrées en
2021, où les recettes auraient évolué, à législation constante, à un rythme
plus proche de celui de l’activité (respectivement +
9,4 % et + 8,2 %).
En 2022, le dynamisme spontané des prélèvements obligatoires est
essentiellement imputable à la forte progression des recettes de taxe sur la
valeur ajoutée (TVA) (+ 9,5 %
) liée à l’ampleur du choc d’inflation,
notamment sur les produits importés comme le pétrole, à l’impôt sur le revenu
7
Le PIB en valeur correspond au montant du PIB en euros courants. L’évolution du PIB
en valeur d’une année sur l’autre intègre donc à la fois un effet volume et un effet prix.
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20
(+ 12,1 %) et aux prélèvements sociaux (+ 8,2 %), en raison de la forte
progression de la masse salariale (+ 8,6 %
), et à l’imp
ôt sur les sociétés
(+ 24,6 %
) sous l’effet de la très forte hausse du bénéfice fiscal 2021 (+
41 %)
qui a eu un double impact sur le solde et les acomptes payés en 2022.
Les recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits
énergétiques (TICPE) diminueraient en revanche de 1 % à législation
constante, du fait de l’impact sur la consommation en volume de la hausse
des prix de l’énergie et des grèves du mois d’octobre dans les raffineries.
La croissance spontanée des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)
serait très faible (+ 1,0 %), le nombre de transactions ayant diminué
8
.
Enfin, les recettes spontanées de taxe foncière (indépendamment des
mesures de hausse des taux que peuvent décider les communes), peu
sensibles à l’activité, progresser
aient de 4,0 % en raison de la revalorisation
légale des bases cadastrales d’habitation au niveau de l’inflation.
Depuis le dépôt du PLFSSR pour 2023, les résultats du budget de
l’État pour 2022 affichent des recettes plus élevées qu’attendues pour près
de
7 Md€, dont la moitié est liée à l’impôt sur les sociétés. L’effet de ces
recettes supérieures à la prévision sur le niveau des prélèvements obligatoires
en comptabilité nationale ne peut cependant pas encore être mesuré.
À l’inverse, en 2023, la plupart
des prélèvements obligatoires
augmenteraient moins vite que l’activité économique. C’est en particulier le
cas de l’impôt sur le revenu qui enregistrerait une progression spontanée de
2,9 % freinée par la revalorisation du barème applicable aux revenus de 2022
(+ 5,4 %)
9
, de l’impôt sur les sociétés dont les recettes spontanées
chuteraient de 16,2 % en lien avec la baisse attendue du bénéfice fiscal 2022
(- 3,0 %), des DMTO (- 4,0 %) dans un contexte où le marché immobilier
est pénalisé par la hausse des ta
ux d’intérêt et de la TICPE
(- 0,4 %).
La TVA, les cotisations sociales, la contribution sociale généralisée
(CSG) et les autres prélèvements sociaux évolueraient à législation
inchangée à un rythme proche de celui du PIB. Seule la taxe foncière se
distinguerait par sa dynamique spontanée élevée (+ 7,1 %
) sous l’effet
d’une nouvelle revalorisation des bases cadastrales au niveau de l’inflation.
8
Dans son avis sur le PLFR2, le HCFP a indiqué que cette prévision apparaît basse au
vu du dynamisme observé sur les neuf premiers mois de l’année (+
5 % par rapport à la
même période en 2021).
9
La revalorisation du barème n’est pas considérée comme une mesure nouvell
e et son
effet se voit donc dans l’évolution spontanée.
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BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
21
2 -
Une poursuite des baisses pérennes d’impôts compensée
temporairement par une hausse des recettes liées à l’énergi
e
La politique de baisse pérenne de certains impôts menée depuis
2018 s’est poursuivie en 2022 et en 2023.
En 2022, la principale mesure a porté sur la diminution à son niveau
plancher de la TICFE dans le cadre du « bouclier tarifaire », pour un coût de
7,4
Md€. Parallèlement,
certaines baisses d’impôts engagées au cours des
années précédentes se sont poursuivies. C’est le cas de la suppression
progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales, qui est
venue réduire les recettes publiques de 2,8
Md€ supplémentaires en 2022,
ainsi que de la dernière étape de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés,
qui a amputé son produit à hauteur de 2,9
Md€. Enfin, la suppression de la
redevance audiovisuelle représente un manque à gagner de 3,2
Md€ po
ur les
finances publiques.
En 2023, la baisse de la taxe communale sur la consommation finale
d’électricité (TCCFE) s’ajouterait à l’effet en année pleine de celle de la
TICFE, pour une baisse globale de 2,0 Md€. La suppression de la cotisation
sur la valeur ajoutée (CVAE), prévue en deux ans, viendrait réduire les
recettes publiques de 4,0
Md€ dès 2023. Enfin, la dernière étape de la
suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales
amputerait les recettes de 2,8
Md€, comme l’année précéd
ente.
La forte hausse des prix de l’énergie perturbe toutefois l’évolution
des prélèvements obligatoires en 2022 et en 2023 du fait des gains réalisés
par l’État sur les charges de service public de l’énergie (CSPE) et de
l'instauration de la contribution sur les rentes infra-marginales des
producteurs d'électricité. Cette dernière, conformément à la réglementation
européenne, impose les producteurs d’électricité sur leurs revenus résultant
de prix de marché supérieurs au seuil de rentabilité des modes de
production les plus coûteux.
En effet, dans le cadre du dispositif des CSPE,
l’État subventionne
les entreprises productrices d’énergies renouvelables en leur versant la
différence entre le prix de marché et un prix de référence assurant leur
rentabilité. Les prix de marché excédant à présent les prix de référence, les
opérateurs doivent en conséquence reverser à l’État l’écart entre les deux
prix. Le classement de ces reversements en produit d’impôt se traduit par une
hausse des prélèvements obligatoires de 8,4
Md€ en 2022 puis de 6,6
Md€
supplémentaires en 2023. Parallèlement, la contribution sur les rentes infra-
marginales viendrait augmenter les recettes de 9,7
Md€ supplémentaires en
2023 après 1,3
Md€ en 2022.
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22
Ces hausses de prélèvements obligatoires ne sont toutefois pas
pérennes, contrairement à la suppression de la taxe d’habitation et de la
CVAE et à la baisse de l’IS et de la TICFE, mentionnées précédemment.
Elles devraient disparaître à moyen terme avec le reflux des prix de l’énergie.
Au total, hors prise en compte des remboursements du CICE
10
, les
mesures nouvelles en prélèvements obligatoires dégraderaient les recettes
publiques à hauteur de 5,7
Md€ en 2022 et les amélioreraient de 5,5
Md€
en 2023.
Comme le relève le HCFP dans son avis du 18 janvier 2023 sur le
PLFSSR pour 2023, «
les prévisions de prélèvements obligatoires sont
entourées d’importantes incertitudes sur la dynamique des prix de l’énergie
et sur la croissance de l’activité, qui pourraient peser sur les recettes
».
Tableau n° 2 :
mesures nouvelles en prélèvements obligatoires
en 2022 et en 202
3 (hors effet CICE, Md€)
Mesures nouvelles
2022
2023
Baisse du taux d’IS
- 2,9
- 0,4
Suppression de la taxe d’habitation
- 2,8
- 2,8
Suppression de la CVAE
0,0
- 4,0
TICFE
–
bouclier tarifaire
- 7,4
- 2,0
Suppression de la redevance audiovisuelle
- 3,2
0,0
Autres
+ 0,9
- 1,6
Total prélèvements obligatoires hors charges de SPE
et contribution sur les producteurs d’électricité
- 15,4
- 10,8
Contribution sur les rentes infra- marginales
des producteurs d’électricité
1,3
9,7
Traitement en recettes des gains sur les charges de SPE
8,4
6,6
Total prélèvements obligatoires
- 5,7
+ 5,5
Source : Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
10
La fin des remboursements des créances non consommées de CICE en 2022 (relatives
pour l’essentiel à la masse salariale 2018) aurait pour effet d’augmenter les prélèvements
obligatoires à hauteur de 5,6
Md€
en 2023. En comptabilité nationale, cet effet est toutefois
neutre sur le solde public, puisque c’est la créance acquise chaque année qui est prise en
compte et que cette dernière est quasi- nulle depuis la suppression du CICE en 2019.
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(À FIN FÉVRIER 2023)
23
C -
Une dépense publique qui continue de croître
à un rythme soutenu
Après avoir atteint 1 461
Md€ en 2021, les dépenses publiques
11
progresseraient en valeur de 4,3 % en 2022 puis de 3,2 % en 2023. Ces fortes
croissances s’expliquent par le maintien de mesures de soutien à l’économie
importantes, notamment pour atténuer l’effet des prix élevés de l’énergie,
mais également par les conséquences de l’inflation. En volume
12
, la dépense
publique croîtrait de 1,5 % en 2022 avant de se replier de 0,4 % en 2023.
L’évolution en volume de la dépense étant inférieure les deux
années à la croissance économique, la dépense publique, mesurée en
proportion du PIB, refluerait en 2022 (57,7 % après 58,4 % en 2021) puis
en 2023 (56,9 %). Elle resterait néanmoins à un niveau élevé et supérieur
de plus de trois points au niveau d’avant crise (53,8
% en 2019).
L’augmentation des dépenses de l’État autorisée par la deuxième loi de
finances rectificatives pour 2022 (+ 12,9
Md€ de crédits ouverts
partiellement compensés par l’annulation de 5,9
Md€ de crédits déjà gelés
pour l’essentiel) et, pour 2023, lors de l’examen
parlementaire du PLF
(+ 15,8
Md€ entre le PLF et la LFI) témoignent de la difficulté des pouvoirs
publics à répondre aux chocs économiques autrement que par une
augmentation nette de la dépense publique, même si un effort bienvenu a
été fait en 2023 pour davantage cibler les mesures de soutien sur les
bénéficiaires qui en ont le plus besoin.
Selon les prévisions de la Commission européenne de novembre
2022, la France conserverait le niveau de dépense publique rapportée au
PIB le plus important des pays de la zone euro en 2022 comme en 2023,
avec un montant supérieur de huit points à la moyenne de la zone.
11
Dans ce paragraphe, et sauf mention contraire, est considérée la dépense publique
hors crédits d’impôts.
12
Les évolutions en volume sont calculées ici à partir du déflateur du PIB. En effet, si
l’indice des prix à la consommation rend compte de l’évolution des prix
du point de vue
des ménages et détermine l’évolution de plusieurs catégories de dépenses publiques
(indexation des prestations sociales, achats, dépenses de fonctionnement courant), le
déflateur du PIB, qui neutralise l’augmentation des prix des composante
s du PIB et
n’intègre donc pas celle des importations par exemple, est davantage utilisé pour
mesurer l’évolution en volume des grandeurs macroéconomiques et de finances
publiques (croissance potentielle, solde structurel, effet structurel ,etc.) dans le contexte
de la politique économique nationale.
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24
Graphique n° 2 :
poids de la dépense publique dans le PIB
(en % du PIB
–
y compris crédits d’impôts)
Source :
Eurostat jusqu’en 2021, prévisions d’automne de 2022 de la
Commission pour les années 2022 et 2023
1 -
D’importantes dépenses de soutien face aux crises sanitaire
et énergétique essentiellement portées par l’État
Le Gouvernement a fait le choix de mettre en œuvre d’importantes
mesures à partir de 2020 pour soutenir les ménages et les entreprises face aux
effets de la crise sanitaire, prolongées ensuite par des dépenses de relance
dès l’automne 2020. Le poids de ces mesures a progressivement décru mais
elles restent significatives en 2022 (37,5
Md€) et 2023 (12,5
Md€).
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25
Tableau n° 3 :
dépenses de soutien face à la crise sanitaire
et de relance (Md€)
2021
2022
2023
Activité partielle
8,1
0,3
0,0
Fonds de solidarité et aides annexes
23,9
1,1
0,0
Dépenses de santé
18,3
12,1
1,0
Sinistralité PGE nette des primes
- 0,3
1,0
1,2
Autres dépenses de soutien
11,1
1,0
0,7
Dépenses de relance
22,9
22,0
9,6
Total
84,0
37,5
12,5
Source : Gouvernement
À ces mesures de soutien sont venues s’ajouter celles destinées à
atténuer l’impact de l’augmentation des prix de l’énergie, comme les
boucli
ers tarifaires, la remise à la pompe ou l’amortisseur électricité (voir
encadré), qui pèseraient sur la dépense à hauteur de plus de 25
Md€ en
2022 et 36
Md€ en 2023.
Ces dépenses exceptionnelles sont très majoritairement portées par
l’État.
L’impact sur les finances publiques des mesures prises en réponse
à la hausse des prix de l’énergie
Pour faire face à la hausse
des prix de l’énergie, le Gouvernement a pris
différentes mesures dont le coût net pour les finances publiques, par rapport à
la situation d’avant crise, atteindrait 23
Md€ en 2022 et 19,7
Md€ en 2023,
avec un surcroît de dépenses publiques de respectivement + 25,5
Md€
et + 36,3
Md€ en partie compensé par des recettes de 2,3
Md€ et de 16,6
Md€.
Du côté des mesures en dépenses, le dispositif le plus emblématique
est le bouclier tarifaire qui a plafonné les évolutions des tarifs réglementés
du gaz et de l’é
lectricité. Ces tarifs ont été gelés entre octobre 2021 et la fin
de l’année 2022 pour le gaz avant de croître de 15
% au 1
er
janvier 2023.
Pour l’électricité, la hausse a été contenue à 4
% au 1
er
février 2022 puis à
15 % au 1
er
février 2023.
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COUR DES COMPTES
26
Ces mesures ont été complétées par une remise sur le carburant du
1
er
avril jusqu’à la fin de l’année 2022. D’autres dispositifs ont été introduits
pour soutenir les ménages (aide exceptionnelle de rentrée, chèque énergie
exceptionnel) et les entreprises dont les dé
penses de gaz et d’électricité
représentent une part élevée des charges.
Lors de la discussion au Parlement du PLF 2023 ont été également
ajoutés l’amortisseur électricité pour les plus petites entreprises, le
renforcement et la simplification de l’aide a
u paiement des factures
d’énergie ainsi que la nouvelle indemnité carburant. Ces trois mesures
traduisent un ciblage plus important du soutien aux ménages et aux
entreprises face au choc sur les prix de l’énergie.
Le surcroît de dépenses est minoré par la baisse des dépenses de
service public de l’énergie (SPE) par rapport à la situation d’avant crise pour
un montant estimé à près de 9
Md€ en 2022 et 2023.
Du côté des recettes, le coût pour les finances publiques de la baisse
à son niveau plancher de la TICFE en 2022, prolongé en 2023 par la baisse
de la TCCFE, dans le cadre du bouclier tarifaire, s’élèverait à 7,4
Md€ en
2022 et à 9,4
Md€ en 2023. Cet effet serait plus que compensé par deux
éléments. D’une part, les reversements à l’État effectués par les
entreprises
du secteur des énergies renouvelables au titre des charges de SPE,
procureraient
un
surcroît
de
8,4
Md€
en
2022
et
de
6,6
Md€
supplémentaires en 2023 pour atteindre 15,0
Md€. D’autre part, la création
du prélèvement sur la rente infra- marginal
e des producteurs d’électricité
augmenterait les prélèvements obligatoires de 1,3
Md€ en 2022 et de
9,7
Md€ supplémentaires en 2023 pour atteindre 11,0
Md€. Cette nouvelle
taxe permet ainsi de financer les dernières mesures de soutien annoncées
(amortisseur électricité, aides au paiement, indemnité carburant).
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
27
Tableau n° 4 :
coût pour les finances publiques des mesures de
soutien pour faire face à la hausse des prix de l’énergie (en Md€)
2021
2022
2023
Bouclier gaz
0,4
8,5
11,6
Bouclier électricité
11,6
25,1
Indemnité inflation
3,8
Chèque énergie exceptionnel
0,5
1,8
Remise carburants
7,6
Indemnité carburant
1,0
Amortisseur électricité et guichet d’aide
au paiement des factures d’électricité
1,5
7,5
Aide exceptionnelle de rentrée
1,1
Soutien aux ménages modestes chauffés
au fioul et au bois
0,4
Aides sectorielles
1,1
Moindres dépenses de SPE
-
1,9
-
8,8
-
8,8
Autres
0,7
-
0,1
Total dépenses
2,8
25,5
36,3
TICFE
–
bouclier tarifaire
7,4
9,4
Contribution sur les rentes infra- marginales
des producteurs d’électricité
-
1,3
-
11,0
Traitement en recettes des gains
sur les charges de SPE
-
8,4
-
15,0
Total recettes
-
2,3
-
16,6
Total coût net
2,8
23,2
19,7
Source :
Ministère de l’économie et des finances
2 -
Des dépenses publiques alour
dies par l’inflation
La forte hausse des prix à la consommation constatée en 2022 devrait
se prolonger en 2023 (+ 4,2 % après 5,2 % en 2022). Elle majore la dépense
publique par le biais des mécanismes d’indexation (sur les prestations
sociales par exemple
), par le renchérissement d’autres postes de dépenses
(achats, investissements, etc.) et par des décisions discrétionnaires, comme
la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.
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COUR DES COMPTES
28
Cette dernière, de 3,5 % au 1
er
juillet 2022, s’est traduite pou
r les
administrations publiques (État, collectivités territoriales et administrations
de sécurité sociale) par un surcoût de 3,7
Md€ en 2022 et représentera
7,4
Md€ en 2023.
La revalorisation anticipée de 4 %
13
des prestations sociales au
1
er
juillet 2022 a quant à elle augmenté la dépense publique de 6,6
Md€ au
total en 2022, à raison de 1,9
Md€ pour l’État (dont 1,3
Md€ pour les
pensions des fonctionnaires), de 4,1
Md€ pour l’assurance vieillesse au
titre des pensions du régime général et d’invalidité et de 0,5
Md€ pour les
prestations de la branche famille. Cette revalorisation a eu un effet plus
limité sur les finances des départements à travers la majoration des
dépenses de RSA, à hauteur de 0,1
Md€.
L’inflation a également un effet majeur sur la charge d’indexation
du capital des titres de dette indexés, qui représentent 11 %
de l’encours de
la dette de l’État, soit environ 240
Md€. Cette charge a atteint près de
20
Md€ en 2022 soit 11,4
Md€ de plus qu’en 2021. Avec le reflux attendu
de l’inflation en fin d’année 2023, elle se replierait fortement,
de près de
10 Md€, avec en sens inverse une augmentation des charges d’intérêt de
près de 6
Md€ liée à l’augmentation des taux. Au total, en comptabilité
nationale, les charges d’intérêt de l’État, y compris les charges d’indexation
du capital des obligations indexées, atteindraient 37,5
Md€ en 2023 après
42,2
Md€ en 2022.
Les achats
14
des collectivités territoriales augmentent également
fortement (7,3 % en 2022 puis 5,4 %
en 2023) sous l’effet de la hausse des
prix. L’inflation a en effet été particulièrement forte sur l’énergie, les
carburants et combustibles et l’alimentation qui représentent plus de la
moitié des achats des communes. L’investissement local (+
7,4 % en 2022
et + 4,3 % en 2023) est également tiré par la hausse des prix dans le
bâtiment et les travaux publics.
3 -
Hors dépenses exceptionnelles de crise,
la dépense publique continue à croître
L’ampleur des dépenses engagées en réponse aux crises sanitaire et
énergétique brouille l’appréciation de l’évolution de la dépense publique
totale et les conditions de sortie du «
quoi qu’il en coûte
». En neutralisant
ces dépenses exceptionnelles, la dépense publique progresserait en volume
13
Le paramètre loyer des aides personnalisées au logement (APL) a été revalorisé de
3,5
% en cohérence avec le plafonnement de l’indice de référence des loyers (IRL).
14
En comptabilité nationale, il s’agit de l’agrégat des consommations intermédiaires
hors services d’intermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM).
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
29
de 3,5 % en 2022 et 0,7 %
en 2023 lorsqu’évaluée à partir du déflateur du
PIB. Ce rythme reste élevé et supérieur aux objectifs de la programmation
pluriannuelle (cf.
infra
).
En particulier, au niveau de l’État, les crédits de la mission
Défense
croîtront de 3,5
Md€ en 2023 conformément aux dispositions de la loi de
programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Les dépenses de la
mission
Enseignement scolaire
devraient progresser de 4,6
Md€ en raison
de la hausse du point d’indice de la fo
nction publique (cf.
supra
) mais
également de revalorisations catégorielles. Les crédits de la mission
Travail et emploi
augmenteront aussi (+ 6,3
Md€) sous l’effet des aides en
faveur du développement de l’alternance ainsi que de la poursuite du Plan
d’in
vestissement dans les compétences.
4 -
Des aléas pèsent sur l’évolution de la dépense en 2023
La prévision de progression en 2023 de la dépense publique en
volume (+ 0,7 %
lorsqu’évaluée par le déflateur du PIB
15
), plus faible que
la croissance potentielle
16
, est soumise à de nombreux aléas.
Le premier aléa porte sur les mesures de soutien mises en place pour
atténuer les effets de l’évolution des prix de l’énergie qui ont déjà conduit
à augmenter le montant des dépenses du périmètre « normé »
17
de 480
Md€
à 496
Md€ au cours de l’examen parlementaire du PLF pour 2023. En
particulier, une enveloppe d’aide de 2
Md€ a été décidée au bénéfice des
collectivités territoriales alors même que, prises dans leur ensemble, leur
situation financière est satisfaisante.
Les dé
penses de soutien pour faire face aux prix de l’énergie
pourraient donc encore beaucoup fluctuer,
d’autant plus que les résultats de
l’exécution budgétaire pour 2022 montrent qu’une partie des dépenses non
réalisées en 2022, pour près de 12 Md€, pourraient
l’être en 2023.
Le
ciblage accru des aides en 2023 (l’aide à l’acquisition de carburants est
15
Hors dépenses de soutien face aux crises sanitaire et énergétique et dépenses de relance.
16
La comparaison entre croissance de la dépense publique et croissance potentielle de
l’économie est un indicateur qui permet de juger de la capacité de l’économie à financer
durablement la dépense publique.
17
Introduit par le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, ce
périmètre
est plus large que l’ancienne norme de dépenses pilotables. Il inclut
l’ensemble des crédits du budget général (hors contributions aux pensions, intérêts de
la dette et remboursements et dégrèvements), les prélèvements sur recettes au profit des
collectiv
ités territoriales et de l’Union européenne, les budgets annexes et certains
comptes spéciaux et les taxes plafonnées affectées à des tiers autres que les collectivités
territoriales et la sécurité sociale.
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COUR DES COMPTES
30
désormais réservée aux ménages des cinq premiers déciles de revenus
utilisant leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail) constitue un
progrès qu’il fa
udra poursuivre.
Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour
2023 prévoit que les dépenses dans le champ de l’objectif national des
dépenses d’assurance maladie (Ondam) s’élèveraient à 244,1
Md€. Hors
dépenses liées à la crise sanitaire, elles progresseraient ainsi de 3,5 % en
2023, soit presque un point de moins que l’évolution du PIB en valeur,
correspondant à un tassement voire à un léger repli de ces dépenses
mesurées en proportion de ce dernier, contre la tendance générale observée
au cours des dernières années.
Le risque existe que ces dépenses soient plus élevées. Dans son avis
du 14 octobre 2022, le comité d’alerte de l’Ondam souligne que les
dépenses pour 2023 pourraient être plus élevées qu’attendu, notamment
parce que l
es prévisions de la LFSS n’intègrent pas de coûts additionnels
liés aux négociations conventionnelles. Il signale également un risque
d’insuffisance de la provision de 1
Md€ destinée à couvrir les coûts
spécifiques de l’épidémie de covid 19 en 2023, très en retrait des dépenses
estimées pour 2022 (11,5
Md€)
18
.
Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale
(PLFRSS) de janvier 2023 estime à 0,4
Md€ le coût de la réforme des
retraites en 2023, du fait notamment de la mesure de revalorisation des
petites retraites. Ce coût prévisionnel pourrait être dépassé si la discussion
du projet de loi conduisait à prévoir des mesures supplémentaires
d’accompagnement du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite.
Enfin, il n’est pas exclu que le maintien de l’inflation à un niveau
élevé conduise à de nouvelles revalorisations salariales actuellement non
intégrées dans les prévisions du Gouvernement. Aucune nouvelle hausse
du point d’indice de la fonction publique n’est ainsi prévue à ce stade en
2023, alors qu’une inflation de 4,2
% est attendue. De même, une
revalorisation des prestations s
ociales par anticipation en cours d’année,
à l’image de ce qui a été fait en 2022, viendrait sensiblement alourdir les
dépenses publiques.
18
Ces dépenses ont été revues depuis à la hausse à 12,1
Md€.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
31
D -
Des déficits effectifs et structurels qui baissent peu,
une dette publique toujours supérieure à 110 points
de PIB
1 -
Des déficits effectifs élevés
Après 6,5 points de PIB en 2021, le déficit public atteindrait 5,0 points
de PIB en 2022 selon le PLFSSR pour 2023 présenté en janvier de cette
année. Cette amélioration est essentiellement liée au dynamisme des recettes
alors
que la dépense totale continue à augmenter malgré l’extinction de la
plupart des mesures liées à la crise sanitaire. Depuis, le déficit budgétaire de
l’État pour 2022 est ressorti près de 20 Md€ plus bas qu’attendu au moment
de la loi de finances rectifica
tive de fin d’année. Pour autant, il est
prématuré à ce stade d’en tirer des conclusions pour le déficit
public en
comptabilité nationale, qui sera publié par l’Insee à la fin du mois de mars.
En 2023, le déficit public serait au même niveau de 5,0 points de PIB,
dans un contexte où la croissance se tasserait (1 % attendu en 2023, selon la
prévision du Gouvernement, contre 2,6 % en 2022), où les dépenses de
bouclier énergétique resteraient élevées et où, après deux années de très fort
dynamisme, les prélèvements obligatoires augmenteraient spontanément
moins vite que l’activité, avec une élasticité de 0,6.
Dans son avis du 18 janvier 2023 sur le PLFSSR 2023, le HCFP a
estimé que le risque que le déficit soit plus dégradé que prévu par le
Gouvernement «
es
t aujourd’hui contrebalancé par la baisse récente des
prix de gros du gaz et de l’électricité. Si cette dernière se confirme, elle
pourrait alléger le coût net des dispositifs destinés à amortir l’impact pour
les ménages et pour les entreprises de prix de
l’énergie élevés
».
De son côté, le FMI, à l’issue de sa mission sur la France achevée
en novembre 2022
19
, a indiqué que la politique de Gouvernement était
«
modérément expansionniste en 2023
» et a préconisé au contraire un
«
resserrement budgétaire
» notamment en «
ciblant mieux les soutiens en
matière énergétique
».
19
FMI, « France
: déclarations des services du FMI à l’issue de leur mission de 2022
au titre de l’article IV
», 21 novembre 2022.
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COUR DES COMPTES
32
Graphique n° 3 :
solde public en 2021, 2022 et 2023 (en Md€)
Source : Insee, PLFSSR pour 2023
En 2022 et 2023, le déficit public est principalement porté par l’État,
dont le déficit serait respectivement de 5,8
20
et 5,6 points de PIB, puisque
c’est lui qui supporte la plupart des dépenses de soutien aux ménages et
aux entreprises ainsi que les baisses d’impôts. Les administrations
publiques locales seraient, elles, proches de l’équilibre avec des
collectivités territoriales en léger excédent les deux années.
Les administrations de sécurité sociale (Asso), quant à elles, seraient
excédentaires de 0,8 point de PIB en 2022 et en 2023, mais avec une situation
contrastée selon les régimes. Si les régimes complémentaires de retraite et
l’Unedic afficheraient un excédent, lié pour cette dernière à la bonne santé
du marché du travail et à l’effet des réformes de l’assurance chômage, le
régime général et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) seraient, pris dans
leur ensemble, en déficit (de - 0,6 et - 0,3 point de PIB respectivement en
2022 et 2023, estimation à la date de la présentation du PLF 2023).
L’excédent des Asso serait principalement porté par celui de la
caisse
d’amortissement de la dette sociale (Cades),
qui sert au remboursement de
la dette créée par les déficits du régime général et du FSV.
20
Ce chiffre n’intègre pas le résultat meilleur que prévu de près de 20
Md€
de l’exécution
budgétaire en 2022.
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BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
33
2 -
Des déficits structurels très supérieurs à l’objectif de moyen
terme, un ratio de dette publique au-dessus de 110 points de PIB
Après - 4,2 points de PIB en 2022, le solde structurel serait encore
de - 4,0 points de PIB en 2023 selon le PLFSSR pour 2023
21
. Il reste donc
très éloigné de l’objectif de moyen terme (OMT) fixé à
- 0,4 point de PIB
dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Ave
c le rythme d’ajustement structurel programmé par le Gouvernement
pour la trajectoire 2023-
2027, soit 0,3 point de PIB par an, l’OMT ne serait
atteint qu’en 2035.
Par rapport à la situation d’avant crise, soit l’année 2019, le déficit
structurel se serait ainsi dégradé de 1,4 point de PIB en 2023. Cette
évolution masque cependant des effets importants de sens contraires.
Ainsi, entre 2019 et 2023, l’évolution de la dépense publique plus
rapide que la croissance potentielle a contribué à dégrader le déficit
structurel de 1,4 point de PIB. Les mesures nouvelles en prélèvements
obligatoires prises durant cette période, comme la suppression de la taxe
d’habitation ou la convergence du taux normal d’impôt sur les sociétés vers
25 %, ont, elles aussi, dégradé le déficit structurel de 0,9 point de PIB. Ces
deux effets cumulés, qui relèvent des choix discrétionnaires du
Gouvernement, auraient donc dû conduire à un déficit structurel de
4,9 points de PIB en 2022 contre un niveau de 2,6 points de PIB en 2019.
En sens inverse, le dynamisme spontané des prélèvements
obligatoires, bien supérieur à la croissance économique (cf.
supra
) a
contribué de manière positive à la variation du solde structurel, pour un
montant estimé à 1,0 point de PIB entre 2019 et 2023.
L’estima
tion du solde structurel reste par ailleurs entourée
d’incertitudes importantes, liées notamment à l’estimation de l’écart de
production (voir encadré
infra
) et aux éventuelles révisions qui pourraient
être apportées aux comptes nationaux (croissance, déflateur du PIB) au
moment de la publication des comptes annuels en mai 2023. Le niveau
affiché du solde structurel est donc susceptible de changer ultérieurement,
à la baisse ou à la hausse.
21
Ces estimations sont basées sur l’écart de production et la croissance potentielle
retenus dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
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34
Graphique n° 4 :
passage du solde structurel 2019 à celui de 2023
(en % du PIB potentiel)
Source : PLFRSS pour 2023
*La contribution de l’évolution spontanée des PO incorpore l’évolution spontanée des PO qui ne se
retrouve pas dans l’évaluation du déficit conjoncturel.
Conséquence de ces déficits élevés, la dette publique, rapportée au
PIB, évoluerait peu. Elle s’établirait à 111,2 points de PIB en 2023 (après
111,6 points de PIB en 2022 et 112,8 en 2021) selon le PLFSSR 2023. Elle
se situerait près de 14 points au-
dessus de son niveau d’avant crise et
atteindrait près de 3 070
Md€, sup
érieure de plus de 700
Md€ à son
montant de fin 2019.
Solde public effectif, solde conjoncturel et solde structurel
Les évolutions du solde public sont affectées par les fluctuations de
l’activité économique. Afin de mieux apprécier la situation des financ
es
publiques, le solde « effectif » peut être corrigé de cet effet conjoncturel
ainsi que des facteurs exceptionnels pour en déduire le solde « structurel ».
Ce calcul se fait en plusieurs étapes :
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
35
-
l’estimation du PIB
« potentiel »
, c’est
-à-dire du PIB corrigé de la
conjoncture, et le calcul de l’écart entre le PIB effectif et ce PIB potentiel,
appelé écart de production (output gap) ;
-
l’estimation de la composante conjoncturelle du solde effectif, dit
solde conjoncturel, qui résulte, pour l’essentiel
, du gain ou de la perte de
recettes, ainsi que des dépenses d’assurance chômage, associé à cet écart de
production. Dans le projet de loi de programmation 2023-2027, la méthode
de calcul a évolué. En points de PIB, le solde conjoncturel est maintenant
égal à 57 %
de l’écart de production
;
- la désignation et le chiffrage des mesures ponctuelles et
temporaires, qui ne contribuent pas au solde structurel ;
-
l’estimation du solde structurel par différence entre le solde effectif
et la somme du solde conjoncturel et des mesures ponctuelles et temporaires.
Les trois premiers paramètres ne sont pas mesurés directement et
résultent nécessairement de retraitements, d’hypothèses ou de conventions.
3 -
Des finances publiques parmi les plus dégradées
au sein de la zone euro en 2023
Les prévisions de la Commission européenne publiées en
novembre 2022 permettent de comparer la situation des finances publiques
des huit principaux pays de la zone euro (qui représentent près de 90 % du
PIB de cette dernière) par rapport à
leur niveau d’avant crise de 2019. Trois
groupes de pays se distinguent.
Un premier groupe est constitué de l’Allemagne, des Pays
- Bas et
de l’Autriche. Ces pays connaissaient une situation très favorable en 2019
en termes structurels, qui leur a permis de soutenir fortement leur économie
tout en conservant un niveau d’endettement modéré en 2023, compris entre
50 et 80 points de PIB, ainsi qu’un déficit structurel sous les 3
% (à
l’exception notable des Pays
-Bas qui, avec un déficit structurel de
4,3 points du PIB prévu en 2023, verraient leur solde perdre plus de
5 points de PIB par rapport à 2019).
À l’opposé, un deuxième groupe, constitué de la France, de l’Italie
et de la Belgique, est entré dans la crise avec des niveaux élevés de déficit
structurel et
de dette et les mesures mises en œuvre pendant la crise n’ont
fait que de détériorer cette situation, avec des déficits structurels supérieurs
à 4 points de PIB et un niveau d’endettement compris entre 110 et
140 points de PIB en 2023.
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COUR DES COMPTES
36
L’Espagne et le Port
ugal se distinguent de ces deux groupes, leur
situation ayant peu évolué en termes de déficits structurels.
La divergence entre ces groupes de pays est un facteur de risque
pour la cohésion de la zone euro. L’engagement d’une réelle convergence
serait pou
rtant d’autant plus nécessaire que la banque centrale européenne
(BCE) durcit sa politique monétaire en augmentant ses taux directeurs et
en ne procédant plus à
l’achat
net de titres publics dans le cadre des
programmes mis en place au moment de la pandémie. Dès lors, les
conditions de financement des pays dont l’endettement est élevé se sont
fortement dégradées en 2022. Ainsi, selon les données de la BCE, l’Italie
a vu ses taux d’intérêt à dix ans augmenter de plus de 300 points de base
en 2022 et son
spread
, c’est
-à-dire la différence entre son taux à 10 ans et
celui de l’Allemagne, de plus de 70 points de base. Le spread de la France
vis-à-
vis de l’Allemagne a quant
à
lui augmenté d’environ 10 points de
base depuis début 2022.
Graphique n° 5 :
évolution de la dette publique et du déficit
structurel des principaux pays européens entre 2019 et 2023
(en % du PIB)
Source : Prévision de novembre 2022 de la Commission européenne
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BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
37
Alors que les années 2022 et 2023 devaient marquer un retour vers
la normale après la crise sanitaire, la crise énergétique a prolongé la période
de soutien public massif à l’économie et aux ménages, synonyme de déficit
et de dette publics toujours très élevés.
Réduire sensiblement les déficits et inscrire la dette publique dans une
trajectoire descendante, tout en préservant le potentiel de croissance, sont les
trois objectifs posés à l’horizon de la trajectoire pluriannuelle 2023
-2027.
Cette stratégie est d’autant plus nécessaire que les situations des finances
publiques des pays de la zone euro, et notamment de la France, ont divergé
avec la crise, avec des risques accrus d’instabilité. C’est à l’aune de ces
objectifs que la gouvernance des finances publiques, au plan européen
comme au plan national, doit se montrer plus crédible et plus efficace.
II -
Une trajectoire optimiste de retour
du déficit sous 3 % en 2027
La trajectoire présentée dans le projet de loi de programmation des
finances publiques (PLPFP) 2023-
2027, qui n’est pas voté à ce jour
22
, est
celle d’un retour du déficit public sous 3
% en 2027. Néanmoins, les
hypothèses qui étayent cette trajectoire soit sont trop optimistes soit
requièrent une rupture importante par rapport à la pratique passée,
notamment s’agissant de la maîtrise de la dépense publique. Alors que la
Commission européenne
a rendu publiques ses propositions en vue d’une
réforme globale de la gouvernance européenne, les cibles affichées par le
Gouvernement dans ce projet s’inscrivent dans le cadre de la réforme
organique menée à bien fin 2021 qui, en dépit de son utilité en matière de
transparence, ne renforce pas substantiellement les mécanismes de maîtrise
de la dépense.
22
Le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) 2023-2027 a été
déposé par le Gouvernement le 26 septembre 2022. Rejeté en première lecture par
l’Assemblée nationale le 25 octobre puis adopté après modification par le Sénat le
2
novembre, il a fait l’objet d’une commission mixte paritaire le 15 décembre, qui n’est
pas parvenue
à établir un texte commun. À ce jour, le Gouvernement n’a pas fait savoir
si, et le cas échéant dans quelles conditions, il envisageait d’inscrire le texte en nouvelle
lecture à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
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38
A -
Une trajectoire qui vise à ramener le déficit
sous 3 % en 2027 et à amorcer une décrue de la dette
À travers le projet de loi de programmation des finances publiques
(PLPFP) 2023-
2027, le Gouvernement a présenté une trajectoire jusqu’en
2027 ayant pour objectif de ramener le déficit sous 3 % et de placer la dette
sur une trajectoire décroissante à cet horizon. Ainsi, en 2027, les déficits
effectif et structurel atteindraient respectivement 2,9 et 2,8 points de PIB.
Avec ce niveau de déficit en fin de période, la dette publique rapportée au
PIB commencerait à refluer légèrement avec un ratio de 110,9 points de
PIB en 2027, certes un peu en baisse mais encore très proche du niveau
atteint en 2022 (111,6 points de PIB prévu).
Tableau n° 5 :
trajectoire pluriannuelle associée
au projet de plan budgétaire (en points de PIB)
2021
2022
2023
2024
2025
2026
2027
Solde public, dont :
- 6,5
- 5,0
- 5,0
- 4,5
- 4,0
- 3,4
- 2,9
Solde structurel
- 5,1
- 4,2
- 4,0
- 3,7
- 3,4
- 3,1
- 2,8
Ajustement structurel
- 3,3
+ 0,9
+ 0,2
+ 0,3
+ 0,3
+ 0,3
+ 0,3
Dette publique
112,8
111,6
111,2
111,3
111,7
111,6
110,9
Source : Projet de plan budgétaire (octobre 2022) sauf pour le solde public 2022 (PLFRSS 2023)
*Hors crédits d’impôt
Le scénario économique sous-
jacent à cette trajectoire est celui d’une
croissance comprise entre 1,6 % et 1,8 % entre 2024 et 2027 après 1 % prévu
en 2023, qui permettrait de porter l’activité économique à son
niveau
potentiel en 2027 (soit de fermer l’écart de production –
output gap
–
en cinq
ans). Dans ce scénario, l’inflation s’infléchirait progressivement (3
% en
2024 puis 2,1 % en 2025 et 1,75 % ensuite). Comme le Gouvernement
estime que l’écart de produc
tion est largement négatif en début de période, à
- 1,1 point de PIB en 2022, cela implique une croissance effective plus élevée
que la croissance potentielle en moyenne sur 2023-2027 (1,6 % contre
1,35 %). Cette projection suppose donc que, à partir de 2024, les facteurs
conjoncturels et exceptionnels maintiennent la croissance effective au-dessus
de son potentiel.
Au-
delà de l’amélioration du déficit permise par le scénario
économique du Gouvernement, la trajectoire s’appuierait également sur un
ajustement structurel de plus de 2 points de PIB entre 2021 et 2027. Celui-
ci résulterait d’une faible croissance de la dépense publique (0,6
% en
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
39
volume
23
sur 2022-
2027 en excluant les dépenses d’urgence et de relance)
ainsi que de la réduction des niches fiscales et sociales et de la lutte contre
la fraude pour près de 9 Md€ au total, dont 5 Md€ dès 2024.
En dépit de cet effort affiché de redressement, le déficit structurel
resterait très élevé en 2027, à 2,8 points de PIB, soit très au-dessus de
l’objectif de moy
en terme (OMT) des administrations publiques, fixé à
0,4 point de PIB dans le projet de LPFP 2023-2027.
B -
Une trajectoire qui repose
sur des hypothèses favorables
Au-
delà du peu de précision sur l’impact des réformes inscrites dans
le PLPFP, qui n’est pas vo
té à ce jour, il convient de noter que les
hypothèses de croissance et de taux d’intérêt apparaissent optimistes alors
que l’objectif affiché de maîtrise de la dépense requiert une rupture
significative par rapport à la pratique passée. Si l’une de ces hyp
othèses
devait se révéler trop favorable, l’objectif d’inflexion du taux
d’endettement à l’horizon 2027 ne serait pas atteint.
1 -
Un scénario économique optimiste
La croissance retenue pour la trajectoire pluriannuelle, de 1,6 % en
moyenne sur 2023-2027, perm
et à l’horizon 2027 de ramener l’activité à
son niveau potentiel, et donc de fermer l’écart de production, sur la base
d’une croissance potentielle estimée à 1,35
%.
Cette estimation de la croissance potentielle est supérieure de
0,1 point à celle qui prévalait avant la crise (1,25 % entre 2011 et 2019). Le
Gouvernement justifie ce niveau par les effets attendus des réformes de
l’assurance chômage et des retraites qui devraient à la fois augmenter la
population active et l’emploi. Si ces effets sont vraisem
blables, leur ampleur
est incertaine, notamment sur les premières années de la trajectoire.
L’estimation à ce niveau de la croissance potentielle conduit à un
scénario économique favorable dans lequel, par exemple, le taux de
chômage atteindrait 5 % en 2027 alors que celui-ci a été en moyenne de
9 % sur les 30
dernières années, n’est jamais descendu en dessous de 7
%
23
Ce chiffre en volume est calculé
à partir de l’indice des prix à la consommation hors
tabac (IPCHT).
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COUR DES COMPTES
40
sur la
même période et, alors qu’il se situe au
quatrième trimestre 2022 à
un niveau de 7,2 %, correspond déjà à des difficultés de recrutement
marquées dans la plupart des secteurs à forte intensité de main d’œuvre.
Les effets des réformes viendraient ainsi, selon les prévisions du
Gouvernement, plus que compenser les effets négatifs durables hérités de
la crise, la tendance séculaire au ralentissement de la croissance potentielle
observée depuis près de 50 ans, ainsi que la stabilisation de la population
active inscrite dans les dernières projections de l’Institut national de la
statistique et des études économiques (Insee).
Dans sa note d’é
tude «
La croissance potentielle à l’horizon de
moyen terme », publiée en juillet 2022, le secrétariat permanent du HCFP
privilégiait ainsi un «
un scénario de croissance potentielle à l’horizon de
moyen terme proche de 1 % par an
». Sous cette hypothèse, la croissance
effective serait en moyenne de 1,2 % sur 2023-2027 contre 1,6 % prévu par
le Gouvernement dans le PLPFP. Dans ce scénario alternatif, toutes choses
égales par ailleurs, la dette publique dépasserait 115 points de PIB en 2027
contre une ambition de 110,9 points de PIB dans le PLPFP.
2 -
Un scénario de taux d’intérêt très incertain
Les pressions inflationnistes et le resserrement de la politique
monétaire ont contribué à relever sensiblement les taux d’intérêt sur la dette
française, comme ceux de nos partenaires européens. Le taux à 10 ans a ainsi
augmenté de près de 250 points de base depuis le début de l’année 2022.
La trajectoire pluriannuelle est construite sur l’hypothèse d’une
remontée progressive et modérée des taux d’intérêt, de 2,5
% fin 2022
jusqu’à 3,0
% fin 2027. Ce scénario, quoique lissé, se traduirait déjà par
une augmentation conséquente des charges d’intérêts qui passeraient de 1,6
point de PIB en 2023 à 2,1 points de PIB en 2027.
Or, depuis le dépôt du PLPFP, les taux d’intérêt ont
déjà dépassé les
2,5 % et même, brièvement, atteint le niveau de 3 %
qui n’était pas attendu
avant 2027. Il est donc possible que les taux d’intérêt réellement constatés
soient plus élevés que ceux du scénario sur lequel repose le PLPFP, avec un
double impact négatif sur la croissance et les dépenses publiques. Si les taux
devaient s’inscrire 100
points de base au-dessus de ceux prévus par le PLPFP
pendant toute la durée de cette dernière, cela se traduirait par 17
Md€ de
charges d’intérêts supplémentaires en 2027. Dans ce dernier scénario, et toutes
choses égales par ailleurs, la dette publique atteindrait environ 113 points de
PIB en 2027, soit 2,1 points de plus que la cible du Gouvernement.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
41
3 -
Une trajectoire des dépenses publiques
qui suppose une maîtrise
d’une ampleur inédite
Procéder à un ajustement structurel de 0,3 point de PIB chaque
année entre 2023 et 2027 suppose une maîtrise forte de la dépense publique
puisqu’en volume
24
et en moyenne sur 2023-2027, elle croîtrait de 0,2 %
seulement. En excluant l’effet de la disparition progressive des dépenses
d’urgence et de relance, cette croissance en volume serait de 0,6
% en
moyenne sur 2023-2027.
Cette évolution serait nettement en deçà de celle observée sur les dix
dernières années avant la crise (2010-2019), soit 1 %. Par rapport à cette
période, qui intégrait déjà diverses mesures de maîtrise de la dépense, ce
sont près de 30
Md€ d’économies supplémentaires qu’il faudrait réaliser
d’ici 2027. Sans ces économies, et toutes choses égales par ailleurs, la dette
publique atteindrait plus de 114 points de PIB en 2027 contre 110,9 prévu
par le PLPFP.
24
Tous les chiffres en volume de cette partie sont calculés à partir du déflateur du PIB.
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42
Graphique n° 6 :
taux de croissance de la dépense publique
en volume* (en %)
Source : Insee et projet de loi de programmation des finances publiques
* Les volumes ont été calculés à partir du déflateur du PIB.
Le PLPFP précise comment cet effort pourrait se répartir entre les
différentes administrations publiques. Ainsi, les dépenses de fonctionnement
des collectivités locales devraient croître de 0,5 point de pourcentage moins
vite que l’inflation. La dynamique de l’Ondam devrait être de 2,7
% en 2024
et 2025 et de 2,6 % en 2026 et 2027 contre 3,7 % en 2023 hors dépenses
« covid »
. Enfin, sous l’agrégat
«
périmètre de dépense de l’État
», la
dépense augmenterait de 480
Md€ en 2023
25
à 509
Md€ en 2027.
25
Le vote de la LFI ayant déjà porté ce montant à 496
Md€ en 2023.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
43
La maîtrise des dépenses que suppose cette évolution en volume est
étayée par des réformes structurelles dont les principales sont celle des
retraites, de l’assurance chômage avec la mise en place d’un mécanisme de
contracyclicité, de Pôle emploi et du RSA. La présentation, depuis le dépôt
du PLPFP, des réformes de l’assurance chômage et des retraites vient
étayer les hypothèses retenues pour construire la trajectoire mais l’absence
d’indic
ation chiffrée, année après année, de leur impact ne permet pas
d’apprécier si les effets attendus de ces réformes sont cohérents avec les
montants provisionnés dans le PLPFP à l’automne 2022.
Même si le PLPFP n’a pas vocation à présenter en détail des
ré
formes planifiées jusqu’en 2027, l’absence de précisions sur le
calendrier, sur les impacts macroéconomiques et sur les économies
attendues de ces réformes ne permet pas d’assurer que la trajectoire de
redressement des finances publiques est robuste.
En d
ehors de ces réformes, l’identification des économies est
renvoyée à une revue annuelle des dépenses (voir
infra
) qui devrait
conduire chaque année au printemps à faire des propositions d’économies.
Au total, l’analyse des hypothèses sous
- jacentes au PLPFP montre
que, prises dans leur ensemble, elles sont trop favorables ou requièrent une
rupture marquée par rapport à la pratique passée, notamment en matière de
maîtrise de la dépense publique.
Les scénarios d’évolution de la dette publique
, élaborés par la Cour,
représentés ci-
dessous, qui intègrent chacun la non réalisation d’une des
hypothèses du PLPFP, conduisent tous à une dette qui demeurerait en 2027
supérieure au niveau atteint en 2022. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs,
une croissance potentielle de 1 %, et non de 1,35 % comme dans le PLPFP,
conduirait à un niveau de dette en 2027 de 5 points de PIB supérieurs au
niveau 2022. De même, une dépense publique qui augmenterait au même
rythme qu’observé avant crise (2010
-2019) se traduirait par un ratio de dette
supérieur de plus de trois points à celui du PLPFP en 2027. Enfin, un scénario
de taux d’intérêt de 100 points de base au
-dessus de celui du PLPFP sur toute
la période verrait la dette atteindre près de 113 points de PIB contre 111 points
de PIB dans le PLPFP, soit deux points de PIB supplémentaires. Replacer la
dette sur une trajectoire descendante constitue pourtant un impératif pour
garantir sa soutenabilité, restaurer des marges de manœuvre et éviter une
divergence accrue de la France par rapport à ses partenaires européens
26
.
26
Dans son analyse de soutenabilité d’avril 2022, la Commission européenne juge que
le risque pesant sur la soutenabilité de la dette française est élevé à moyen terme.
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44
Graphique n° 7 :
scénarios d’évolution de la dette publique
(en points de PIB)
Source : PLPFP et calcul Cour des comptes
*La variante croissance retient une croissance potentielle de 1 % contre 1,35 % dans le PLPFP. La
variante
dépense retient un rythme de croissance de la dépense égale à celui de l’avant crise hors
disparition des mesures d’urgence et de relance. La variante taux d’intérêt retient un scénario de
taux 100 points de base au-dessus de celui du PLPFP sur toute la période couverte par celle- ci.
Même si la Cour, tout comme le Haut Conseil des finances publiques,
regrette le caractère peu ambitieux et faiblement documenté de la trajectoire
des finances publiques prévue par le PLPFP, elle rappelle qu’il est
indispensa
ble que la France dispose d’une loi de programmation pour asseoir
les lois financières et les objectifs de finances publiques sur les bases prévues
par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), pour garantir la
soutenabilité de la dette et se conformer à ses engagements européens.
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BLE DES FINANCES PUBLIQUES
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45
Disposer d’une loi de programmation des finances publiques
est nécessaire pour crédibiliser l’engagement de redressement
des finances publiques aux niveaux national et européen
L’article 3 du traité européen sur la
stabilité, la coordination et la
gouvernance (TSCG) prévoit que les États veillent à assurer une
convergence rapide de leur solde structurel vers leur objectif à moyen terme
(OMT) et qu’un mécanisme de correction est déclenché automatiquement
si des écarts importants sont constatés par rapport à la trajectoire vers
l’objectif de moyen terme.
La transposition de ce texte en droit français accorde un rôle
prééminent aux lois de programmation des finances publiques. Disposer
d’une loi de programmation est à ce
titre un impératif aux termes de la loi
organique relative aux lois de finances (Lolf). L’article 1A de celle
-ci
dispose ainsi que «
la loi de programmation des finances publiques fixe
l’objectif à moyen terme des administrations publiques
»
et qu’elle
détermine les trajectoires de finances publiques. Le mécanisme de
correction est prévu par l’article 62 de la Lolf, qui précise qu’il est déclenché
après que le HCFP a identifié un écart important entre la trajectoire
pluriannuelle inscrite dans la LPFP et l
’exécution de l’année écoulée.
L’absence de LPFP priverait de base nationale la mise en œuvre des
dispositions prévues au niveau européen, qu’il s’agisse de la définition d’une
trajectoire de convergence structurelle des finances publiques vers l’OMT ou
de
l’effectivité de la mise en œuvre du mécanisme de correction par le HCFP.
Par ailleurs, l’adoption de la LPFP est un jalon au titre de l’exercice
2023 défini dans le plan national de relance et de résilience (PNRR) élaboré
dans le cadre du plan «
Next generation EU
». Son respect conditionnant les
versements de l’Union aux États, l’absence de LPFP fait peser un risque sur
l’encaissement des fonds européens, attendu à 12,7
Md€ en 2023.
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46
C -
Une trajectoire qui devra s’inscrire
dans une gouvernance européenne et nationale rénovée
1 -
La Commission européenne propose une réforme
en profondeur des règles de finances publiques
Les règles européennes du pacte de stabilité et de croissance sont
contestées depuis plusieurs années en raison de leur complexité, de leur
caractère potentiellement procyclique
–
conduisant parfois à des politiques
budgétaires restrictives en période de mauvaise conjoncture
–
et de leur
inadaptation à la situation singulière de chaque pays. Elles reposent de
surcroît sur des concepts et des valeurs conventionnelles comme le solde
structurel ou la croissance potentielle, qui ne sont pas directement mesurés
mais seulement estimés, ce qui pouvait conduire à des erreurs de politique
économique. Ces règles ont été suspendues pendant la crise sanitaire, avec
l’activation en mars 2020 de la clause dérogatoire générale du Pacte de
stabilité et de croissance, prolongée pour l’année 2023 en raison des fortes
perturbations économiques engendrées par la guerre en Ukraine.
C’est dans ce contexte que la Commi
ssion européenne a proposé,
dans sa communication du 9 novembre 2022, une réforme en profondeur
des règles de la gouvernance économique européenne. Sur la base des
discussions qui auront lieu avec les États membres, la Commission devrait
faire des propositions législatives au premier trimestre 2023, avant, le cas
échéant, une négociation sur les modifications du Pacte de stabilité au
Conseil Ecofin puis avec le Parlement européen. L’objectif est que ces
nouvelles règles soient arrêtées avant la levée de la clause dérogatoire
générale du Pacte prévue à ce stade en janvier 2024.
Avec cette réforme, la surveillance budgétaire européenne vise un
double objectif : garantir la soutenabilité de la dette et favoriser la
croissance potentielle au regard notamment des grands objectifs
climatiques de l’Union. Elle s’appuierait sur des plans nationaux
pluriannuels dessinant à la fois une trajectoire de soutenabilité et un
programme de réformes structurelles visant à garantir dans la durée le
maintien du déficit public en-deçà de 3 % du PIB.
Pour ce faire, le respect de la trajectoire reposerait à l’avenir sur un
seul indicateur :
l’évolution des dépenses publiques nettes des mesures
nouvelles de prélèvements obligatoires, des financements européens
exceptionnels, des c
harges d’intérêts et de la part conjoncturelle des
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
47
dépenses d’assurance chômage. Il s’agirait ainsi de définir une trajectoire
de dépenses nationales qui ne serait pas dépendante du cycle économique.
Le dialogue bilatéral entre la Commission et chaque État membre
gagnerait en importance. À partir d’une trajectoire d’ajustement
(«
adjustment path
») proposée par la Commission et adoptée par le
Conseil, les États membres s’engageraient en retour sur une trajectoire de
dépense nationale nette, dans le cadre de « plans nationaux budgétaires
structurels à moyen terme »
d’au moins quatre ans qui permettraient au
cours des 10 années suivantes d’engager une tendance à la baisse du ratio
de dette publique (de manière à revenir à terme à un endettement de 60 %
du PIB) et de maintenir continûment le déficit public sous 3 % du PIB
pendant toute la période couverte par ce plan.
Les États membres pourraient toutefois bénéficier d’une période
d’ajustement supplémentaire de trois ans à la condition de s’engager sur
des réformes structurelles et des investissements publics de nature à
augmenter le potentiel de croissance et à conforter à moyen terme la
soutenabilité de la dette publique. Les plans nationaux seraient discutés
avec la Commission, puis approuvés par le Conseil, sans possibilité de
modification au cours des quatre premières années.
Les seuils de 3 % de déficit public et 60 % de dette publique
demeureraient des références, le premier susceptible de justifier une
procédure de déficit excessif (également activée en cas de déviation de la
trajectoire de dépense nette pour les États les plus endettés) avec des
sanctions facilitées, le second étant en revanche renvoyé à un horizon
lointain. Une clause dérogatoire serait par ailleurs maintenue pour les chocs
d’ampleur exceptionnelle, affectant l’ensemble de l’Union européenne
(UE) ou uniquement un ou plusieurs États membres. En revanche,
l’exigence d’un ajustement structurel de 0,5 point par an et la fixation d’un
objectif de moyen terme pour le solde structurel seraient supprimées.
Au total, le projet de réforme de la Commission européenne reconnaît
la complexité et l
es difficultés d’application des règles actuelles. En se
concentrant sur un indicateur de dépenses publiques nettes, elle retient une
règle synthétique plus simple à appliquer que les règles de solde structurel
existantes. Avec la fixation de trajectoires spécifiques à chaque État, la
réforme envisagée reposerait davantage qu’aujourd’hui sur une négociation
bilatérale entre chaque État et la Commission européenne en lieu et place
d’un ensemble de règles plus homogènes dont les
20 dernières années ont
montré les difficultés des États-membres à les appliquer effectivement. Il
subsiste toutefois des ambiguïtés autour des nouvelles règles envisagées, qui
devront
être levées au cours de l’année 2023 afin que la réforme soit adoptée
avant la levée de la clause dérogatoire.
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48
2 -
Au plan national, des progrès réels en termes de transparence
mais qui restent à accomplir en matière d’encadrement
des dépenses
a)
Une amélioration de la transparence et de la programmation
pluriannuelle des finances publiques au terme
de la réforme organique de 2021
La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation
de la gestion des finances publiques et la loi organique du 14 mars 2022
relative aux lois de financement de la sécurité sociale ont permis des
avancées
en
matière
de
gouvernance
des
finances
publiques,
principalement en matière de programmation pluriannuelle et de
transparence. Il est toutefois possible que ces dispositions organiques
relatives aux finances publiques doivent être à nouveau revues pour
s’adapter au nouveau cadre européen lorsque celui
-ci aura été adopté.
Tout d’abord, la programmation des dépenses publiques est
désormais exprimée par sous- secteur des administrations publiques en
milliards d’euros (et non plus en points de PIB), gage d’un suivi et d’un
pilotage plus transparents. Le rapport économique, social et financier
(RESF) présentera pour chaque année de la programmation les écarts
cumulés entre les prévisions et les dépenses réalisées ou prévues au sein de
la dernière loi de finances afférente à l’année concernée. Ces progrès
avaient été recommandés par la Cour dans son rapport public thématique
de 2020 sur la gouvernance des finances publiques
27
.
La réforme favorise également une présentation plus claire des
dépenses d’investissement pluriannuelles, dont les montants attendus sur la
période de programmation figurent désormais dans le PLPFP. L’information
du Parlement est améliorée par de nouveaux rapports sur les finances locales
et sur la dette publique qui pourront donner lieu à des débats.
Enfin, la loi organique élargit les compétences du HCFP à
l’évaluation des prévisions de recettes et dépenses publiques du
Gouvernement et instaure un avis du Haut Conseil sur les projets de loi de
programmation sectorielle.
27
Cour des comptes,
Les finances publiques : pour une réforme du cadre organique et
de la gouvernance
, rapport public thématique, novembre 2020.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
49
b)
Une programmation des finances publiques plus modeste
en termes d’encadrement des dépenses
Le projet de loi de programmation des finances publiques
2023-2027 comprend plusieurs dispositions relatives à la gouvernance des
finances publiques.
Parmi les mesures les plus notables figurent des évaluations de la
qualité de l’action publique, la limitation dans le temps des dépenses
fiscales, des modalités de plafonnement des taxes affectées, la limitation
de la durée des aides aux entreprises ou encore des précisions sur
l’interdiction, pour les organismes divers d’administration centrale (Odac),
de mobiliser des financements sur une période excédant 12 mois.
Dans le champ des finances sociales, la limitation dans le temps
ainsi que le plafonnement des niches sociales sont prévus tandis que les
finances des collectivités territoriales seront régulées à travers un
mécanisme incitatif complexe.
Ces dispositions, à l’exception de l’évaluation de la qualité de
l’action publique et du bornage dans le temps des aides aux entreprises,
étaient déjà présentes à l’identique ou sous une forme proche dans la loi de
programmation des finances publiques 2018-2022.
En revanche, des dispositions de la précédente loi de programmation
n’ont pas été reprises, comme le plafonnement du montant des dépenses
fiscales qui ne figure désormais plus dans les règles de finances publiques
en vigueur (alors que le plafonnement des niches sociales a été conservé).
Si ces dispositions n’avaient pas toutes été suivies d’effet, leur disparition
ne contribue pas à crédibiliser l’effort de maîtrise affiché dans le PLPFP.
c)
D’indispensables revues de dépenses.
Le PLPFP 2023-
2027 prévoit la réalisation d’
« évaluations de la
qualité de l’action publ
ique dont les conclusions sont transmises au
Parlement au plus tard le 1
er
avril de chaque année
». Ces évaluations
porteraient sur le champ large des moyens des administrations publiques et
entités bénéficiant de fonds publics ainsi que sur les niches fiscales et
sociales et devraient identifier des mesures d’amélioration de l’efficacité,
de l’efficience et des coûts des politiques et des structures évaluées.
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COUR DES COMPTES
50
En février 2023, selon le ministre chargé de l’économie, les premiers
chantiers structurels d’économies devraient être présentés lors d’assises des
finances publiques réunissant économistes, grands témoins internationaux,
représentants du monde économique, parlementaires et élus locaux.
La remise des évaluations au Parlement le 1
er
avril afin de nourrir
les réflexions sur les textes financiers de la rentrée permettra une meilleure
articulation avec le calendrier budgétaire. Alors que la date de restitution
des premières évaluations (1
er
avril 2023) est proche, ni les sujets étudiés
et ni l’objectif quantitatif d’économies n’ont cependant pu être
communiqués à la Cour. Par ailleurs, des augmentations conséquentes ont
été annoncées sur certains budgets comme celui de la défense, dont le
montant passerait d’un peu moins de 300
Md€ sur
2017-2023 à 413
Md€
sur 2024-2030, soit une augmentation de près de 30 %, sans que leurs
conséquences sur la trajectoire des finances publiques prévue par la LPFP
aient été précisées.
De surcroît, la mise en place de revues de dépenses est également
indispensable pour sécuriser le versement des fonds européens dans le
cadre du plan de relance européen. En effet, le PNRR prévoit, au titre des
jalons conditionnant le versement des fonds européens, la «
construction
des lois financières articulée avec les évaluations de la dépense publique
couvrant le champ des APU dans le respect de la trajectoire de dépenses
de la loi de programmation des finances publiques »
.
Enfin, les expériences passées de la revue générale des politique
publiques (RGPP), de la mo
dernisation de l’action publique (MAP) ou de
l’action publique 2022 (AP 2022), qui n’ont pas généré les économies
initialement espérées, montrent qu’au
-
delà de la mise en place d’une revue
de dépenses, c’est un changement de culture profond vis
-à-vis de la
dépense publique qu’il convient de favoriser.
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
51
______________________ CONCLUSION _____________________
En 2022 et 2023, le ralentissement de l’économie lié à la crise de
l’énergie et les mesures de soutien mises en œuvre pour en atténuer les effets
conduiraient à un déficit public élevé, de cinq points de PIB. La situation des
finances publiques de la France restera ainsi en 2023 parmi les plus dégradées
dans la zone euro alors que la Commission européenne juge que les risques
sont élevés sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme.
Il est donc indispensable de mettre en place une stratégie qui combine
redressement résolu des finances publiques et préservation du potentiel de
croissance à moyen terme, conformément aux deux objectifs que se donne la
réforme attendue de la gouvernance macroéconomique européenne.
L’aboutissement rapide en 2023 de cette réforme est crucial pour qu’elle
puisse s’appliquer une fois la clause de sauvegarde levée, ce qui est prévu à
ce stade au 1
er
janvier 2024.
La trajectoire présentée par le Gouvernement dans le projet de loi de
programmation des finances publiques apparaît, à ce titre, peu ambitieuse,
avec un déficit public qui ne passerait sous les trois
points de PIB qu’en 2027
et avec une dette qui serait à cette date quasiment au même niveau qu’en
2022.
Par ailleurs, les hypothèses sous- jacentes à cette trajectoire sont, pour
certaines, trop optimistes et
l’effort de maîtrise
renforcé de la dépense
publique affiché est peu documenté. La mise en place d’une revue des
dépenses, prévue par le projet de loi de programmation des finances
publiques 2023-2027, serait un pas dans la bonne direction mais les
expériences passées (RGPP, MAP, AP2022), dont la capacité à identifier et
mettre en œuvre des montants conséquents d’économies s’est révélée limitée,
montrent que la réussite réside dans une volonté politique forte et une adhésion
collective de tous les acteurs de la dépense publique.
Malgré les critiques qu’elle exprime sur le projet de loi de
programmation des finances publiques, la Cour rappelle, comm
e elle l’a fait
à plusieurs reprises, la nécessité de disposer d’une telle loi pour respecter nos
engagements européens et crédibiliser les objectifs de finances publiques à
moyen terme.
La situation actuelle des finances publiques ne permet plus de repousser
à nouveau le nécessaire retour à une trajectoire de finances publiques
soutenable et durable. Il sera donc essentiel à l’avenir de faire preuve de
sélectivité dans les dépenses comme dans les baisses discrétionnaires de
prélèvements obligatoires, d’eng
ager des réformes ambitieuses dans certains
secteurs clés pour infléchir durablement le rythme de la dépense, sans
repousser les efforts à la fin de la période de programmation, et de faire du
renforcement de son efficience une priorité de premier rang
.
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Réponses
Réponse commune du ministre de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministre délégué
auprès du ministre de l’économie, des finances et de la so
uveraineté
industrielle, chargé des comptes publics
......................................................
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RÉPONSE COMMUNE DU M
INISTRE DE L’ÉCONOMI
E,
DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET
NUMÉRIQUE ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE
DE L’ÉCONOMIE, DES F
INANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ
INDUSTRIELLE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS
Par courrier en date du 27 janvier, vous nous avez transmis le chapitre
du Rapport public annuel de la Cour des comptes sur la situation d’ensemble
des finances publiques, dont nous avons pris connaissance avec intérêt. Il
constitue une contribution utile au « changement de culture profond vis-à-vis
de la dépense publique » auquel vous appelez et que nous portons.
Nous partageons ainsi de nombreux points d’analyse et souscrivons
globalement aux orientations de la Cour, en particulier sur la nécessité de
redresser durablement les finances publiques et de préserver le potentiel
de croissance à moyen terme. Certains points appellent toutefois des
remarques, qui font l’objet du présent courrier
, notamment sur notre
action, notre ambition et nos leviers pour la période à venir.
S’agissant de 2022, l’analyse des résultats obtenus sur le front de
l’activité comme des finances publiques doit pleinement tenir compte d’un
contexte économique et géopolitique encore fortement perturbé. La Cour
souligne ainsi un net ralentissement de l’activité économique, en lien avec le
choc sur le prix de l’énergie et les conséquences de l’invasion russe en
Ukraine : nous souhaitons ici rappeler que le ralentissement d
e l’économie en
2022 reflète aussi une normalisation attendue de l’activité, compte tenu d’une
année 2021 exceptionnelle. En outre, en 2022, le solde public poursuivrait son
amélioration, à −5,0
%
du PIB, conformément à l’objectif que nous avons
défendu lo
rs de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2022 du
1
er
décembre 2022. Cet objectif est donc maintenu, alors même que, face aux
tensions inflationnistes et aux conséquences de l’invasion russe en Ukraine, le
Gouvernement a amplifié et adapté au
cours de l’année les mesures visant à
limiter la hausse des prix et soutenir les ménages et les entreprises, engagées
dès l’automne 2021. Le déficit se réduirait ainsi notamment grâce à la
poursuite du rebond de l’activité et à l’extinction des mesures de
soutien
d’urgence sanitaire, hors mesures de santé directement liées à l’épidémie,
extinction effective et rapide que la Cour appelait de ses vœux.
S’agissant de 2023, les derniers développements confortent la
prévision de croissance du Gouvernement, que la Cour considère pourtant
comme « restant élevée ». Les autres prévisions institutionnelles sont en
effet proches de celles du projet de loi de finances et plusieurs éléments
démontrent la résilience de l’économie française. L’invasion russe en
Ukraine n’a ainsi pas empêché l’activité de continuer à croître tout au long
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COUR DES COMPTES
56
de l’année 2022. Selon les premiers résultats publiés fin janvier par
l’Insee, les entreprises françaises ont continué, durant l’année 2022, à
investir et à créer des emplois à un rythme soutenu, conduisant à un taux
de chômage au plus bas depuis 2008. Les indicateurs conjoncturels de
janvier montrent également que l’activité reste bien orientée. Enfin, les
risques sur l’approvisionnement en gaz et en électricité sont contenus,
grâce aux mes
ures prises pour remplir les stocks de gaz avant l’hiver, à la
baisse de la consommation d’énergie permise par le plan de sobriété et
déjà observée, ainsi qu’au redémarrage des réacteurs nucléaires qui
étaient en maintenance. Compte tenu de ces éléments de résilience, les
prévisionnistes institutionnels ont confirmé le diagnostic du projet de loi
de finances pour 2023 :
celui d’une activité qui ralentirait par rapport à
2022, mais qui progresserait, avec des écarts à relativiser au regard de la
forte incertitude actuelle.
S’agissant des dépenses, la Cour en souligne le niveau élevé depuis
2020. Ce constat brut est toutefois à nuancer à la lumière de l’action
résolue du Gouvernement pour préserver les ménages, les entreprises et la
capacité de production de la France, et surtout des résultats obtenus. La
mobilisation légitime des finances publiques, dans le contexte de la crise
sanitaire puis du conflit en Ukraine, a fortement contribué au rebond de la
croissance économique en 2021 et en 2022. Les mesures mise
s en œuvre
fin 2021 et en 2022 pour limiter les effets du choc inflationniste ont atteint
leur objectif : comme le mentionne la Cour des comptes, la France aura
connu en 2022 l’inflation la plus faible des pays de la zone euro. Par
ailleurs, nous nous sommes employés, en pleine cohérence avec les
recommandations de la Cour, à resserrer au fil du temps les dispositifs de
soutien pour les concentrer et les cibler vers ceux qui en ont le plus besoin.
Malgré ce contexte incertain et difficile et en parallèle des mesures
ponctuelles de soutien, le Gouvernement est pleinement engagé dans une
démarche de maîtrise de la dépense publique. À titre d’illustration, les
nouvelles
règles
d’assurance
-chômage
applicables
depuis
2021
permettraient des économies d’environ 2
M
d€ par an en 2022 et en 2023.
Un nouveau mécanisme de modulation de la durée d'indemnisation, selon
un principe de contracyclicité, est introduit à partir de février 2023. Elle
devrait également déboucher sur 100 000 à 150
000 retours à l’emploi à
moyen terme. De même, la réforme des retraites est portée par le projet de
loi de financement rectificative de la sécurité sociale déposé le 23 janvier
à l’Assemblée nationale par le Gouvernement. Cette réforme représente un
rendement financier brut estimé à 17,7
Md€ en 2030 pour le système de
retraite, permettant le retour de son solde à l’équilibre en 2030 (déficit de
13,5
Md€
en l’absence de réforme), et une hausse du taux d’activité des
séniors. Ainsi, dès aujourd’hui et pour l’avenir, le Gouvernement poursuit
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LA SITUATION D’ENSEM
BLE DES FINANCES PUBLIQUES
(À FIN FÉVRIER 2023)
57
son effort de réduction du poids des dépenses publiques, à travers des
réformes structurelles et une programmation ambitieuse.
À ce titre, nous nous félicitons que la Cour rappelle à nouveau la
nécessité de disposer d’une loi de programmation des finances
publiques.
Nous regrettons cependant qu’elle juge «
optimiste » la trajectoire proposée
par le Gouvernement. Les objectifs du projet de loi de programmation
(PLPFP) sont clairs et a priori partagés par la Cour : garantir la
soutenabilité de la dette publiq
ue, restaurer des marges de manœuvre
budgétaires et éviter une divergence accrue de la France avec ses
partenaires européens. La trajectoire retenue dans le PLPFP, avec un retour
du déficit public sous le seuil des 3,0 % du PIB en 2027, est conforme à ces
objectifs. L’effort structurel en dépense, réparti sur l’ensemble des sous
-
secteurs des administrations publiques, est certes significatif mais il est
nécessaire. Au total, le rythme d’ajustement retenu permet d’engager une
normalisation à la fois résolue et crédible des comptes publics : en
particulier, elle garantit la capacité à réaliser des investissements
indispensables pour assurer les transitions écologiques et numériques et
soutenir l’objectif de plein emploi
; elle est également fondée sur la
prolongation de la politique de baisse des prélèvements obligatoires menée
depuis 2017, au profit tant du pouvoir d’achat des ménages que de la
compétitivité des entreprises et de l’attractivité du territoire français.
S’agissant du scénario de taux d’intérêt,
la Cour estime à la fois
qu’il est «
optimiste » et « très incertain ». Les taux sont très volatils
actuellement (évoluant à 10 ans entre 2,45 % et 3 % depuis le début de
l’année), du fait des incertitudes géopolitiques et économiques au niveau
international. En toute hypothèse, le poids de la charge de la dette, en
particulier sous l’effet de la dynamique potentielle des taux, constitue bien
un point d’attention majeur, qui conforte la nécessité de contenir, puis de
réduire, le poids de la dette publique, avec une trajectoire de référence et
des outils efficaces de gouvernance des finances publiques.
De ce point de vue, nous regrettons que la Cour estime que les
apports du projet de loi de programmation des finances publiques
2023-2027 (PLPFP) sont « modestes
» en termes d’encadrement des
dépenses. Si certains dispositifs ont été abandonnés, c’est avec le souci de
recentrer le PLPFP sur des outils efficaces, en complément des avancées
majeures portées par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021
relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
À
l’inverse, le PLPFP introduit de nouvelles dispositions utiles et
ambitieuses, comme la revue annuelle et pérenne de la qualité de l’action
publique, la définition d’une nouvelle norme plus
large qui permet un
meilleur pilotage de la dépense de l’État, une réduction progressive de la
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vacance sous plafond des opérateurs ou encore l’encadrement dans la
durée des aides aux entreprises. Le PLPFP donne en outre une impulsion
forte pour un verdisse
ment du budget avec l’ambition de mobiliser l’outil
du « budget vert » pour la préparation des lois de finances à venir et un
objectif de réduction de 10 % du ratio des dépenses « brunes » sur les
dépenses « vertes » et « mixtes » sur la durée de programmation.
Concernant particulièrement les revues de dépenses, nous nous
félicitons que la Cour en souligne le caractère indispensable. Il s’agit d’un
pilier du « changement de culture vis-à-vis de la dépense publique » que
nous portons, qui doit pleinement ass
ocier l’ensemble des ministères, le
Parlement et l’ensemble des parties prenantes. La revue de dépense
proposée tire ainsi les conséquences des expériences passées et s’articule
autour de facteurs clés de succès reconnus notamment par les organisations
int
ernationales et les pays étrangers. Ainsi, l’évaluation a vocation à devenir
une pratique régulière, avec un calendrier précis et des objets d’évaluation
ciblés en fonction des enjeux en termes d’amélioration de la qualité de la
dépense et de redressement
des comptes publics, sur l’ensemble du champ
de la dépense publique. Ces revues, portées à haut niveau, auront pour
objectif d’identifier et de documenter les gisements d’économies en amont
du vote des textes financiers annuels, en articulation avec les travaux du
Parlement.
Elles constituent le cœur de la stratégie de maîtrise de la dépense
sous-jacente au PLPFP qui, par construction, ne peut conduire à préciser
dès à présent et in abstracto l’ensemble des réformes qui seront réalisées sur
la période de pr
ogrammation. Pour autant, il s’agit d’un processus
structurant, qui s’inscrit pleinement dans les conclusions de la Cour quant à
la nécessité d’un retour à une trajectoire des finances publiques soutenable
et durable, du besoin de faire preuve de sélectivité dans les dépenses et
d’engager des réformes ambitieuses.
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