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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
AUDIT FLASH
Février 2023
L’ACCUEIL ET LA PRISE
EN CHARGE PAR L’ÉTAT
DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE
EN FRANCE EN 2022
COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
4
PROCÉDURES ET MÉTHODES
6
SYNTHÈSE
9
INTRODUCTION
10
I - L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS : DES SOLUTIONS
INNOVANTES
10
A - Une gestion réactive de la crise dès mars 2022
11
B - Le statut de la protection temporaire mis en place
pour la première fois
13
C - Une mobilisation forte des services de l’État
14
D - Des lieux d’accueil aux formes diverses
16
II - L’HÉBERGEMENT ET LE LOGEMENT DES PERSONNES
ACCUEILLIES : DES RÉPONSES SPÉCIFIQUES
16
A - Une garantie d’hébergement réelle
17
B - Le renfort indispensable de l’hébergement citoyen
18
C - La difficile transition vers un logement pérenne
18
III - L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL : UNE OFFRE ÉTENDUE
19
A - L’octroi aux bénéficiaires de la protection
temporaire de l’allocation pour demandeur
d’asile dans des conditions exceptionnellement
favorables
20
B - Un accompagnement social et administratif large
22
C - La mobilisation pour la scolarisation et l’insertion
dans l’enseignement supérieur
24
D - Un dispositif d’insertion professionnelle volontariste
25
IV - L’INSCRIPTION DE LA CRISE DANS LA DURÉE :
DES QUESTIONS EN SUSPENS
25
A - L’enjeu d’une relocalisation territoriale
des bénéficiaires de la protection temporaire
27
B - L’encadrement nécessaire de l’hébergement citoyen
indemnisé
27
C - Un accompagnement vers l’emploi à renforcer
28
D - Une visibilité du financement du dispositif en faveur
des déplacés d’Ukraine non assurée pour 2023
31
RÉPONSE DE L’ADMINISTRATION CONCERNÉE
4
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
PROCÉDURES ET MÉTHODES
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres
thématiques
1
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour
ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi
bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports
publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations faites
lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations
et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises
aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne
peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses
reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des procédures
de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou
plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant
au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-
rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
*
**
Le présent audit flash a été conduit sur le fondement des articles L. 111-2
et suivants du code des juridictions financières. Il est rendu public en vertu
des dispositions de l’article L. 143-1 alinéa 2 du même code. Contrairement
à d’autres publications de la Cour des comptes, il ne donne pas lieu à un
rapport exhaustif sur un organisme ou une politique publique mais permet
de dresser dans un délai resserré un état des lieux factuel sur un dispositif
public bien délimité.
1. La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES
5
Il s’est ainsi attaché à mesurer et évaluer la réactivité des services de l’État face
à l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine. Il ne saurait par conséquent
constituer un contrôle des comptes ou de la régularité de l’utilisation des
crédits alloués, ni résumer l’ensemble des actions menées par d’autres
entités, telles que les collectivités territoriales ou les associations.
*
**
Le présent contrôle a été notifié le 29 septembre 2022 au secrétaire général
du ministère de l’intérieur et des outre-mer, ainsi qu’au secrétaire général
des ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des
territoires, qui ont été destinataires de questionnaires. Des entretiens ont
également été menés avec plusieurs associations et dix préfectures ayant
contribué à l’accueil des réfugiés.
Le projet de rapport a été préparé, puis délibérée le 6 janvier 2023 par la
Cinquième chambre présidée par Mme Catherine Démier et composée de
MM. Emmanuel Suard, Philippe-Pierre Cabourdin et Arnaud Oseredczuk et de
Mmes Corinne Soussia, Marie-Ange Mattei et Isabelle Latournarie-Willems,
conseillères et conseillers maîtres, et de MM. Michel Lalande et Stéphane
Keïta,
conseillers maîtres en service extraordinaire, ainsi que, en tant que
rapporteur, M. Jérôme Rivoisy, conseiller maître, MM. Guillaume  Lacroix
et Michel Anrijs, conseillers référendaires, et Mme Emmanuelle Faure,
conseillère référendaire en service extraordinaire et, en tant que contre
rapporteur, M. Philippe Hayez, conseiller maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé le 17 janvier 2023
par le comité du rapport public et des programmes de la Cour
des comptes, composé de M. Pierre Moscovici, Premier président,
Mme Carine Camby, rapporteure générale du comité, M. Gilles
Andréani, Mme Annie  Podeur, M. Christian  Charpy, Mme  Catherine
Démier,
M.
Jean-Yves
Bertucci
et
Mme
Véronique
Hamayon,
et
M. Nacer
Meddah,
présidentes
et
présidents
de
chambre,
M. 
Christian 
Michaut,
M.
Bernard
Lejeune,
M. Frédéric
Advielle,
Mmes Marie-Aimée Gaspari et Valérie Renet présidentes et présidents de
chambre régionale des comptes, et M. Louis Gautier, Procureur général,
entendu en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur
le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
6
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
SYNTHÈSE
Une réaction immédiate des pouvoirs publics
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, fin février 2022, la France a
accueilli, au total un peu moins de 115 000 personnes, principalement des femmes
et des enfants. Dès la décision européenne du 4 mars 2022 d’accorder pour la
première fois aux réfugiés ukrainiens le statut dit de la protection temporaire, les
pouvoirs publics se sont mobilisés sur la base d’une estimation initiale portant sur
100 000 personnes susceptibles de trouver refuge sur le territoire national. Grâce
à une coordination interministérielle assurée au sein d’une cellule de crise réunie
dès le 9 mars, un relais opérationnel immédiat par les préfectures et l’intervention
d’associations et de collectivités locales a permis de prendre en compte dans des
conditions satisfaisantes les premières arrivées.
Au cours des trois premiers mois, les arrivées se sont concentrées sur les métropoles
et les territoires frontaliers de l’est de la France, où plus de 80 000 personnes ont été
accueillies. Dans les principales métropoles, des lieux d’accueils ont été proposés
dans des formats parfois inédits. Qu’il s’agisse d’un hall du parc des expositions
de Paris, de la mobilisation d’un ferry de 1 600 places à Marseille, ou de nombreux
sites ouverts par les services de l’État, les collectivités ou encore les associations,
ces lieux ont permis une réponse véritablement mutualisée et une première mise
à l’abri des réfugiés.
Des réponses massives et spécifiques pour l’hébergement et le logement
Principalement centré sur les métropoles, l’hébergement a constitué un défi
de taille pour ces zones tendues, déjà saturées par l’accueil ou la mise à l’abri
d’autres publics précaires. Plus de 87 000 places ont été néanmoins créées,
dont près de 60 000 demeuraient actives à la fin de l’année 2022. Dans ce cadre,
l’hébergement collectif (accueil de première urgence, nuitées hôtelières ou
assimilées) directement financé par l’État a représenté un tiers des réponses, pour
un coût unitaire représentant presque le double de celui des dispositifs offerts
aux demandeurs d’asile classiques. Ce coût a tenu à l’urgence des mises à l’abri
et à l’incertitude pesant sur la durée du conflit. L’hébergement citoyen, porté par
une mobilisation sans précédent des Français, a été essentiel, représentant plus
de 40 % des solutions d’hébergement. Cette modalité nouvelle appelle plusieurs
clarifications en matière d’encadrement, d’accompagnement et de pérennité
que le décret du 17 novembre 2022 prévoyant l’indemnisation des hébergeurs
n’apporte pas véritablement.
Enfin, si les propositions de logement pérenne progressent depuis l’automne, elles
demeurent difficiles à mettre en œuvre du fait, là encore, des incertitudes liées à
la durée du conflit mais aussi de la situation économique des réfugiés.
Un accès aux droits élargi
Le statut de la protection temporaire, qui suppose l’octroi d’un « asile » de courte
durée sans souhait d’une installation durable, ouvre des droits supplémentaires à ses
bénéficiaires par rapport à un demandeur d’asile de droit commun, notamment en
COUR DES COMPTES
7
matière d’allocations familiales, de logement, de santé, de scolarisation ou d’accès à
l’emploi. Dans ce cadre, tout l’enjeu d’un accueil efficace repose sur la rapidité de la
délivrance des titres de séjour, qui conditionnent l’ouverture de ces droits. La mise en
place de sas d’accueil, devenus de véritables plateformes (
hubs
) dans les métropoles
principalement concernées, a répondu à cette nécessité. En décembre  2022,
85  000  autorisations de séjour demeuraient actives et 45 000 allocations pour
demandeurs d’asile avaient été versées. À cette même période, 10 599 ménages
étaient allocataires des prestations familiales ou de logement, 107 000 personnes
bénéficiaient d’une couverture santé et 19 000 enfants étaient encore scolarisés.
Des enjeux liés à l’inscription dans la durée du conflit
À la fin de l’année 2022, le flux de personnes déplacées d’Ukraine vers la France
continuait de croître à un rythme de 2 000 à 4 000 réfugiés par mois. Le maintien sur
le territoire de ceux-ci dans un contexte d’incertitude et la possibilité d’une nouvelle
vague provoquée par l’évolution du conflit soulèvent de nombreuses questions sur la
soutenabilité des dispositifs d’accueil mis en place et suggèrent des inflexions à leur
apporter.
La capacité humaine et financière à maintenir une prise en charge dans la durée est
ainsi en question. Il convient également de prévoir les conditions de sortie du statut de
la protection temporaire, dispositif communautaire, d’une durée d’un an et limitée à
trois ans au maximum.
La stabilisation de l’offre d’hébergement citoyen ou la capacité à maintenir une
indemnisation des hébergeurs ne sont à ce jour pas garanties. Parallèlement, le
desserrement de la contrainte en matière d’hébergement et de logement pesant
sur les métropoles, notamment Paris, demeure un enjeu fort depuis l’été 2022. Cette
situation appelle la mise en place d’une meilleure répartition territoriale que l’État
tente de promouvoir auprès des personnes déplacées. Un accompagnement accru
vers l’emploi sera nécessaire pour faciliter l’accès au logement.
Enfin, au plan budgétaire, et alors que 400 M€ de crédits avaient été débloqués
par l’État au début de la crise, les seuls coûts de l’hébergement et des allocations
pour demandeur d’asile (Ada) versées ont dépassé cette enveloppe, la dépense
représentant 471 M€ en 2022. Au total, l’ensemble des dispositifs d’aide devrait
avoir atteint environ 634 M€ sur l’ensemble de l’année 2022. La Cour n’a pas
procédé à l’occasion de cette enquête à un contrôle de la gestion et de la régularité
de ces crédits.
Dans ce cadre, l’absence d’inscription de crédits dans la loi de finances pour 2023
prive l’ensemble des intervenants de la visibilité nécessaire pour organiser les
moyens d’agir.
2. Donnée au 30 septembre 2022.
8
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
RECOMMANDATIONS
• Recommandation 1
Mieux encadrer l’hébergement citoyen en cas de
financement par l’Etat (
Première ministre
).
• Recommandation 2
Assurer la visibilité du financement budgétaire en faveur
des réfugiés ukrainiens pour l’année 2023 et prévoir les
crédits nécessaires. (
Première ministre
).
• Recommandation 3
Anticiper et clarifier les conditions de fin de prise en
charge des bénéficiaires de la protection temporaire
(
Première ministre
).
COUR DES COMPTES
9
INTRODUCTION
En septembre 2022, plus de 7,1 M de ressortissants ukrainiens avaient quitté
leur pays depuis le début de la guerre, dont 4 M ont bénéficié de la protection
temporaire ou d’un système de protection analogue en Europe.
En France, la réponse institutionnelle a été rapide. Dès le 9 mars 2022, une cellule
interministérielle de crise (CIC) Ukraine, placée sous l’autorité du Premier ministre
et animée par le ministre de l’intérieur, a été activée. Cette cellule s’est concentrée
en priorité sur l’accueil des personnes fuyant le conflit en coordonnant l’action de
l’ensemble des acteurs concernés : services centraux et déconcentrés de l’État,
collectivités territoriales, opérateurs, associations, citoyens.
Les conditions de mise en œuvre de la protection temporaire ont été rapidement
définies dans le cadre d’une instruction interministérielle du 10 mars 2022, complétée
par une autre le 22 mars 2022 pour l’accès à l’hébergement et au logement des
personnes déplacées d’Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire.
Au plan opérationnel, la mise en œuvre a été confiée aux préfectures et aux services
déconcentrés de l’État,dans lesquels des cellules de crise régionales et départementales
ont été activées dès le début du mois de mars, soit moins de huit  jours après le
déclenchement de la guerre, comme la Cour l’a vérifié dans neuf départements .
Cette réactivité n’a pas été sans prix : l’ensemble des dépenses engagées par l’État
et la Sécurité sociale pour la protection temporaire des Ukrainiens devrait s’élever
à environ 634 M€ pour l’année 2022.
Répartition des déplacés ukrainiens en Europe
Les arrivées d’Ukraine se sont majoritairement concentrées sur les pays
limitrophes : 6 300 000 personnes en Pologne, 1 200 000 en Roumanie,
1 000 000 en Hongrie, 800 000 en Slovaquie, 500 000 en Moldavie.
Parmi
les
États
membres
de
l’Union
européenne,
l’Allemagne
(400 
000 
personnes),
la
République
tchèque
(270
000
personnes),
l’Autriche (260 000 personnes), l’Italie (100 000 personnes) et l’Espagne
(100  000  personnes) ont été les pays qui ont majoritairement accueilli
les déplacés. La France se situe seulement au 4
e
 rang des pays européens
non limitrophes par le nombre de personnes accueillies (près de
115 000 personnes en cumulé).
4,2 millions de personnes seraient retournées en Ukraine depuis le début du
conflit, sans que ce nombre soit fiable.
Le conflit présente en effet une caractéristique particulière : les familles
déplacées d’Ukraine recherchent une mise à l’abri mais ne sont pas en rupture
avec leurs autorités nationales. Elles peuvent ainsi circuler librement, non
seulement au sein des États de l’Union, mais également en direction de leur
pays d’origine, ce qui rend leur dénombrement particulièrement complexe.
3. Échantillon de dix préfectures : Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Hérault, Moselle, Hautes-Pyrénées,
Bas-Rhin, Rhône, Paris (préfecture de région Île-de-France et préfecture de police) et Seine-Saint-Denis.
10
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
A - Une gestion réactive de la crise
dès mars 2022
La majorité des déplacés d’Ukraine sont arrivés
en France ou ont transité par la France – vers
l’Espagne et le Portugal principalement  –
de manière spontanée et autonome, et ce
n’est que très ponctuellement qu’ont été
organisés des transferts
4
. Les arrivées ont eu
lieu principalement par voie routière (43,3 %),
aérienne (29,3 %) et ferroviaire (12,5 %).
Les personnes déplacées ont d’abord été
comptabilisées dans les gares et aéroports
parisiens
et
dans
plusieurs
points
de
passage terrestres. Les flux d’arrivée se sont
majoritairement concentrés en Île-de-France,
en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), en
Auvergne-Rhône-Alpes et en Grand Est. Les
lieux d’implantation ont découlé des lieux
d’arrivée ou des liens préexistant avec des
compatriotes déjà présents sur le territoire –
notamment dans les Alpes-Maritimes – ou ont
résulté de mises en relation spontanées.
La comptabilisation des flux d’arrivée est fondée
sur le nombre de personnes bénéficiaires
d’une autorisation provisoire de séjour
5
(APS)
et de l’allocation pour demandeurs d’asile
(Ada). Fin décembre 2022, le nombre d’APS
délivrées atteignait un volume d’un peu plus
de 86 000 autorisations et 45 000 ménages
environ bénéficiaient de l’Ada, soit un peu plus
de 82 000 personnes.
I - L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS : DES SOLUTIONS INNOVANTES
La difficile comptabilisation du nombre de déplacés ukrainiens
Le dénombrement précis des bénéficiaires de la protection temporaire est difficile dans la mesure
où ceux-ci se déplacent librement sur le territoire national et dans l’Union européenne, mais
également vers leur pays d’origine. Ainsi, les chiffres varient chaque mois du fait des entrées et
des sorties.
Les unités de mesure des données peuvent également varier. Les deux principales sont l’allocation
pour demandeur d’asile (Ada) et l’autorisation provisoire de séjour (APS). L’Ada est accordée à
raison d’une carte par ménage. Les chiffres de personnes couvertes peuvent varier selon la
composition, les revenus et les mouvements de membres de la famille. Par conséquent, ces
données ne correspondent pas exactement aux déplacés présents sur le territoire. Certains
d’entre eux n’ont pas demandé l’Ada ou bien n’en ont pas bénéficié durant une période parce qu’ils
travaillaient. L’APS, quant à elle, n’est délivrée qu’aux seuls adultes. Néanmoins, par exception, des
APS ont pu être délivrées à des mineurs dans des situations d’isolement.
Enfin, certaines données sont arrêtées à des dates différentes, rendant difficile leur comparabilité
et leur mise en cohérence.
Près de 115 000 personnes ont été accueillies en France de manière cumulée depuis le début du
conflit. Fin décembre, 86 000 APS étaient encore en vigueur et 45 000 Ada étaient versées.
4. Opérations organisées pour des enfants ukrainiens relevant de soins et d’un suivi médical avec leurs familles proches
et pour des blessés de guerre.
5. La protection temporaire s’accompagne de la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de
validité de six mois, renouvelable dans la limite de trois ans, assortie d’une autorisation de travail.
COUR DES COMPTES
11
Les flux d’arrivées ont été importants au cours
des premiers mois de la crise : plus des deux
tiers des réfugiés bénéficiant de l’Ada ont été
enregistrés entre mars et avril 2022. Depuis
le mois de mai, les enregistrements se sont
poursuivis à un rythme moins soutenu.
Le conflit se prolongeant, l’évolution des
flux qui en résultent ne repose que sur des
hypothèses. À ce jour, les services de l’État
projettent un accueil mensuel de 2 000 à
4 000 personnes
supplémentaires.
En
fin
d’année 2022, les arrivées se poursuivaient à un
rythme relativement soutenu : 4 681 entrées
constatées au niveau de l’Ada en septembre,
3 483 en octobre et 3 098 en novembre.
B - Le statut de la protection
temporaire mis en place
pour la première fois
Le Conseil européen a décidé le 4 mars 2022
d’activer la protection temporaire au profit
des ressortissants ukrainiens, ce qui leur a
ouvert un droit au séjour sur le territoire des
différents États membres pour trois ans au
maximum. Conformément à l’article L. 581-4
du code de l’entrée et du séjour des étrangers
et du droit d’asile (Ceseda), cette protection ne
préjuge pas de la reconnaissance de la qualité
de réfugié au titre de la Convention de Genève
du 28 juillet 1951 et ne fait pas obstacle à
l’introduction d’une demande d’asile.
Ce dispositif n’anticipe pas une installation
durable en France et n’implique pas d’enjeu
d’intégration. Les personnes déplacées d’Ukraine
disposent d’une autorisation provisoire de séjour
(APS) valable six mois portant la mention
« bénéficiaire de la protection temporaire »,
dont la délivrance ne relève pas de la procédure
d’asile de droit commun.
Par comparaison, les Afghans arrivés en France
depuis l’été 2021 par des moyens mis en place
par l’État, dans le cadre de la mission Apagan,
n’ont pas bénéficié de la protection temporaire.
Ils ont relevé de la procédure d’asile avec un
souhait d’installation, leur retour vers le pays
d’origine étant peu probable.
Les déplacés d’Ukraine sont principalement des femmes et des enfants
La connaissance des déplacés d’Ukraine demeure parcellaire. Sur la base des éléments
partagés par les préfectures rencontrées, les déplacés sont arrivés en France avec les
membres proches de leur famille, avec peu de biens matériels et, le cas échéant, leurs
animaux de compagnie.
Les personnes déplacées sont majoritairement des femmes (75 % des adultes) et des enfants
(30 % des personnes accueillies).
Selon la Caisse nationale d’allocations familiales, cette population est même essentiellement
composée de femmes isolées avec enfants, qui « sont dans une situation ambivalente car
elles souhaitent revenir au pays et ne savent pas pour combien de temps elles resteront en
France ». Ceci peut expliquer la raison pour laquelle ce public engage peu de démarches
pour demander des prestations sociales (fin 2022, 15 200 foyers étaient couverts par des
aides, soit environ 20 % des bénéficiaires de la protection temporaire).
Plusieurs préfectures se saisissent de l’opportunité du renouvellement des APS pour adresser
un questionnaire aux bénéficiaires permettant de mieux connaître leur situation (sociale,
professionnelle, familiale) et leurs besoins à moyen terme.
12
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
La situation incertaine des déplacés d’Ukraine relevant d’une autre nationalité
La protection temporaire est également ouverte aux ressortissants des pays tiers qui
résidaient régulièrement en Ukraine sur la base d’un titre de séjour permanent et qui ne sont
pas en mesure de rentrer dans leur pays dans des conditions sûres et stables, ainsi qu’aux
ressortissants des pays tiers ou apatrides qui bénéficient d’une protection internationale ou
nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022. Les membres de familles de ces
personnes sont également concernés.
S’agissant des étudiants ressortissants d’États tiers à l’Ukraine, qui y suivaient leurs études
et n’ont pas été rapatriés dans leur pays d’origine, au regard des conclusions arrêtées par le
Conseil européen, plusieurs pays européens ont accepté de faire bénéficier ces étudiants de
cette protection.
En France, les étudiants ressortissants de pays tiers ayant introduit une demande de
protection temporaire avant le 17 juin 2022 et ayant fait, dans un premier temps, l’objet
d’un refus d’APS, se sont vu remettre, concomitamment à la notification de l’arrêté de refus,
une APS d’une durée d’un mois, délai devant permettre un examen complet de la situation
de l’étranger souhaitant solliciter une carte de séjour temporaire « étudiant ». Compte tenu
d’un certain nombre de situations où ce délai n’avait pas pu permettre d’apporter tous les
justificatifs requis, il a été décidé d’accorder un délai supplémentaire à ces publics pour
solliciter une carte de séjour temporaire « étudiant », jusqu’au 31 octobre 2022
6.
Selon la
direction générale des étrangers en France (DGEF), une majorité des étudiants concernés a
été rapatriée dans leur pays d’origine à l’initiative de leurs États d’appartenance.
6. Pour bénéficier de ce titre, les requérants devaient apporter un justificatif d’inscription dans un établissement
d’enseignement supérieur et y suivre une formation qualifiante. Ils devaient également justifier de ressources mensuelles
d’un montant minimal de 615 €. Les étudiants ressortissants d’États tiers déplacés d’Ukraine et arrivés en France après le
17 juin sont soumis au droit commun. Au 15 novembre 2022, les données disponibles faisaient état, pour 531 demandes
de titre « étudiant », de 156 acceptations, 28 rejets et 343 demandes en cours d’instruction.
Graphique n° 1 : nombre d’APS délivrées par mois et cumul jusqu’en septembre 2022
0
APS délivrées dans le mois
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
APS en cumulé
Stock de ménages BPT bénéficiaires de l’ADA
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
Source : Cour des comptes à partir des données de la DGEF
COUR DES COMPTES
13
C - Une mobilisation forte
des services de l’État
La coordination de ce dispositif a été assurée
par la cellule interministérielle de crise Ukraine
(CIC Ukraine), activée dès le 9 mars 2022. Elle
s’est organisée pour assurer un pilotage autant
stratégique qu’opérationnel.
Dès son installation, cette cellule a permis de
faire évoluer rapidement les dispositifs de droit
commun existant par l’adoption de plusieurs
décrets et instructions pour compléter le
Ceseda et formaliser la stratégie d’accueil
autour des quatre piliers de l’hébergement,
de l’accès aux droits et aux soins, de l’insertion
professionnelle et de la scolarisation.
Dès le mois de mars 2022, ces textes ont couvert
l’ensemble
des
publics
(adultes,
mineurs,
étudiants, personnes en situation de handicap) et
ont pourvu aux besoins des personnes déplacées
(ouverture des droits, accès à l’hébergement
et au logement, droit au travail, insertion
professionnelle, formation linguistique).
Les
autorités
ont
organisé
l’information,
l’orientation des personnes concernées par
une large communication sur de multiples
supports, notamment en langue ukrainienne
auprès des partenaires locaux (élus locaux,
espaces France services, associations, etc.).
La CIC a contribué à faciliter le partage
d’information des actions menées par les
services de l’État et l’ensemble des acteurs :
elle a organisé des points de situation réguliers
7
ainsi que des tableaux de bord diffusés à
l’ensemble des parties prenantes centrales
et territoriales,
permettant
de
consolider
à un rythme soutenu (quotidien jusqu’au
14 juillet 2022) les données disponibles. Dans
ce cadre, des choix structurants d’organisation
ont été opérés, notamment pour :
coordonner et associer le plus grand
nombre des parties prenantes de premier
rang
8
, ainsi que les autres partenaires
de gestion de cette crise (collectivités,
associations, entreprises et fédérations
professionnelles) afin de couvrir un spectre
large des acteurs impliqués ;
confier
aux
préfectures
la
dimension
opérationnelle de gestion de la crise, ce qui
a conduit à la création d’un pôle territorial
au sein de la CIC, destiné à décliner des
outils au profit des services déconcentrés
de l’État et des partenaires locaux (boîte
fonctionnelle, questionnaire en ligne, FAQ) ;
impulser des actions sans se substituer à
l’action des administrations compétentes.
La CIC-Ukraine s’est appuyée sur un noyau
de collaborateurs permanents, sur quelques
renforts ponctuels de courte durée et sur un
réseau d’experts ministériels mobilisés au fil
de l’eau par les ministères partenaires. Cette
organisation souple a permis de maintenir la
structure de la CIC dans un format réduit et de
conserver un fonctionnement très agile.
7. Sous forme de notes, courriels ou briefings oraux aux membres du Gouvernement, cabinets ministériels, administrations, etc.
8. Les cabinets (Présidence de la République, Première ministre, Secrétariat général de la défense et de la sécurité
nationale, etc.), les administrations (direction générale des étrangers en France, délégation interministérielle à
l’hébergement et à l’accès au logement, délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, Santé, etc.) et
les opérateurs (Office français de l’immigration et de l’intégration, Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs
salariés, Caisse nationale des allocations familiales, Pôle emploi).
14
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
L’approche déconcentrée de gestion de la
crise, assurée par les préfets de département,
a facilité le partenariat territorial de l’ensemble
des acteurs. Les précédentes crises (sanitaires et
migratoires) ont aussi permis de capitaliser sur
leurs enseignements et la nécessité reconnue
d’agir de manière transversale et coopérative
et d’investir sur un travail de proximité avec
les acteurs locaux pour garantir la continuité
des actions de l’État. La CIC-Ukraine a laissé
les préfectures interagir avec les collectivités
territoriales de leur ressort. La qualité de cette
relation a été variable selon les territoires.
La CIC a, par ailleurs, assuré l’animation des
relations avec les grandes associations de
solidarité, avec les autorités diplomatiques et
consulaires ukrainiennes et avec les associations
franco-ukrainiennes, qui se sont impliquées
localement pour l’accueil des déplacés.
L’avenir de la CIC-Ukraine n’est pas encore
déterminé
9
. Alors que s’achève le premier
cycle de la crise des déplacés, un autre
fonctionnement est nécessaire pour organiser
l’accueil des déplacés dans la durée, c’est-à-dire
à l’horizon de la fin du dispositif de protection
temporaire des déplacés, prévue par le cadre
européen et législatif au plus tard en mars 2025,
date butoir de la protection temporaire.
D - Des lieux d’accueil
aux formes diverses
L’accueil des réfugiés ukrainiens a concerné des
populations d’origine géographique proche et
dont l’acheminement vers la France ne reposait
ni sur des ponts aériens comme après la chute
de Kaboul en Afghanistan (été 2021), ni sur des
trajets longs avec regroupements intermédiaires
comme pour la guerre en Syrie (années 2010),
ce qui avait permis dans ces deux derniers cas
d’anticiper l’ampleur du phénomène.
C’est dans un contexte d’arrivées possiblement
soudaines et dans un volume inconnu que l’État a
dû s’organiser. Dès la fin février 2022, les réseaux
consulaires ukrainiens ont sollicité les préfectures
des grandes métropoles, les collectivités et les
acteurs associatifs spécialisés dans l’accueil
des demandeurs d’asile, tels que France Terre
d’Asile ou encore Forum Réfugiés à Lyon. Dès
le début de la crise, les premiers accueils ont
ainsi été réalisés dans le cadre d’organisations
bien souvent conventionnées oralement par les
pouvoirs publics.
Par exemple, France Terre d’Asile, en lien avec
la préfecture d’Île-de-France et la préfecture de
police de Paris, a fait preuve de réactivité : dès
les premières heures, cette association a mis en
place un premier sas d’accueil, dit « de la rue des
Cheminots ». Outre un premier accompagnement
social, ce lieu a rapidement permis l’installation
des services de l’État pour le suivi et l’octroi des
titres de séjour et droits afférents.
À l’image de ce lieu, les préfectures ont mis en
place des sas d’accueil dont l’organisation a été
encadrée
10
. Plus de 80 sites ont été ainsi ouverts
entre mars et août 2022. Les arrivées se sont
principalement concentrées sur les grandes
métropoles (Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille
et Nice) et sur des territoires frontaliers, tels
que la Moselle. Dans ces métropoles, les sas
d’accueil ont pris la forme de plateformes
hubs
»), qui ont permis de regrouper en
un seul lieu le premier accueil, le diagnostic
social et de santé, l’émission de titres de séjour,
les formalités pour l’obtention des droits, le
premier hébergement et les premières aides
11
,
ainsi que l’orientation vers des hébergements
ou logements de moyen terme.
9. La CIC a recommandé le maintien d’une organisation interministérielle, soit sous la forme d’une mission ou d’une
délégation dédiée pour la durée de la crise, soit au sein d’une administration centrale à vocation interministérielle (Dihal,
DGEF, délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés).
10. Instruction ministérielle du 22 mars 2022.
11. Notamment des chèques pour l’alimentation, l’hygiène, l’habillement et l’habitat d’une valeur de 250 € par adulte,
remis par la Croix Rouge.
COUR DES COMPTES
15
Ces lieux uniques ont pris des formes diverses.
Un hall du parc des expositions de Paris, où
plusieurs centaines de personnes affl
uaient
chaque jour (1 000 arrivées en moyenne par jour
au plus fort de la crise), a été ainsi entièrement
consacré au premier accueil dès le début du
mois de mars 2022. À Marseille, fin mars, un ferry
de la compagnie Corsica Linea a été mobilisé
par le ministère de l’intérieur pour accueillir un
peu plus de 800 personnes au total. Ces lieux
ont permis des coopérations inédites entre
acteurs associatifs et humanitaires, bénévoles,
collectivités
(centres
communaux
d’action
sociale), ministère de l’intérieur, Offi
ce français de
l’immigration et de l’intégration (Ofii), agences
régionales de santé (ARS), caisses d’allocations
familiales, services de l’éducation nationale et de
Pôle emploi, notamment.
Le coût de ces «
hubs
» et sites d’hébergement
de grande urgence a été élevé par comparaison
à celui de l’hébergement d’urgence habituel,
allant de 41 € par jour et par place à la porte
de Versailles à Paris (440 places) à 71 € par
jour et par place à Marseille
12
(1 600 places
13
),
mais il intègre une offre plus étendue. Avec le
ralentissement des arrivées, plusieurs sites
ont fermé. Une soixantaine d’accueils de
jour demeuraient actifs fin septembre 2022.
À Paris, où l’on constate désormais une
moyenne de 50 arrivées par jour, l’accueil
est organisé dans une structure modulaire
sur un site privé dédié à l’organisation
d’évènements, boulevard de la Villette dans le
19
ème
arrondissement. L’esprit d’unicité de lieu
reste identique, même si certains acteurs ne
sont plus présents, comme l’Ofii. À Marseille,
où l’on recense dix nouvelles arrivées par jour
en moyenne, le ferry a été libéré fin juin 2022
pour laisser la place à un accueil social situé
en ville sans autre présence que l’association
mandatée par l’État. Ce lieu est ouvert tous
les jours, un numéro spécial d’appel permet
de le joindre et des astreintes sont mises
en
place
pour
récupérer
les
personnes
déplacées d’Ukraine 24 h/24 partout en
ville. Un établissement hôtelier est mobilisé
intégralement par ailleurs pour assurer le
premier hébergement de grande urgence.
Photo n° 1 : structure d’accueil de Paris
Source : Cour des comptes. Photos des rapporteurs de la Cour des comptes, libres de
droit d’usage. Escale Ukraine du boulevard de la Villette à Paris - novembre 2022
12 Ces coûts intègrent les frais d’accompagnement social et de restauration.
13. Dont il a fallu régler aussi les places inoccupées à hauteur de 39 € par jour.
16
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
14. 121 554 demandes d’asile (mineurs compris) ont été formulées en guichet unique des demandeurs d’asile (Guda) en
2021, ce qui a représenté une hausse de 30,3 % par rapport à 2020, sans atteindre le nombre de demandes déposées
en 2019 (151 283). En 2022, le nombre de demandes d’asile est à nouveau en augmentation. Le chiffre de 2019, pic
de demandes d’asile suite à la crise syrienne, pourrait être atteint. Par ailleurs, le taux d’occupation dans le dispositif
national d’accueil (DNA) a atteint 97,5 % en septembre 2022.
15. La préfecture des Alpes-Maritimes a, dans certains cas, conditionné l’accès au logement à la participation à des
formations à la langue française et à une contribution financière de 20 % du coût de l’hébergement.
La CIC a demandé aux préfectures d’organiser
au sein des sas d’accueil, la délivrance
des titres de séjour et la proposition de
solutions d’hébergement et de logement.
L’hébergement est une solution provisoire
visant à répondre à des besoins immédiats
dans l’attente d’un logement durable et
adapté. Le logement est une solution durable
pour laquelle l’occupant dispose d’un titre
d’occupation (ex : bail).
Afin de ne pas désorganiser les dispositifs
existants d’accueil d’urgence (115, centres
d’hébergement et de réinsertion sociale, etc.)
et ceux de l’accueil
14
des demandeurs d’asile, un
parc d’hébergement et de logement spécifique
a été mobilisé en urgence. Il s’est appuyé
sur des dispositifs préexistant que sont les
conventionnements hôteliers, l’intermédiation
locative et l’hébergement citoyen, dont les
modalités, les ambitions et les impacts financiers
ont été adaptés à la crise. L’hébergement et le
logement ont été un enjeu majeur.
Les mesures prises en matière d’hébergement
ont permis la création de 32 000 places
d’hébergement temporaire entre mars et
juillet 2022.
Au 25 août 2022, l’État recensait 87 825 places
disponibles
(hébergements
collectifs,
logements
des
collectivités,
logements
sociaux, hébergement citoyen et mobilisation
du
parc
privé).
Fin
septembre,
plus
de
57 000 personnes étaient hébergées ou logées.
A - Une garantie d’hébergement réelle
L’hébergement
collectif
(hébergement
de
première
urgence
de
type
dortoirs
et
mobilisation de nuitées hôtelières) représentait
26 % des places occupées fin septembre contre
32 % fin août. La mobilisation de ces logements
dits
ad hoc
a reposé sur les préfectures et leurs
réseaux associatifs et ne devait en aucun cas
empiéter sur les dispositifs sociaux de mise à
l’abri dits de droit commun (115, accueil des
demandeurs d’asile), souvent déjà saturés.
Si le plan de mise à l’abri lié à la covid avait déjà
permis aux préfectures de répondre à une crise
d’envergure, la gestion de la crise ukrainienne
a été d’une autre ampleur. Ainsi, sur le territoire
francilien, qui compte chaque jour près de
50 000 nuitées hôtelières de mise à l’abri (sans
compter les places de centre d’hébergement
d’urgence
ou
de
centre
d’hébergement
et de réinsertion sociale - CHRS), plus de
7 000 places ont été créées spécifiquement.
Plus de 2 200 l’ont également été à Marseille,
près de 1 300 à Lyon et plus de 500 places dans
les Alpes-Maritimes (soit un nombre supérieur
aux nuitées de droit commun de Nice
15
).
Sur la période, le coût par place et par jour s’est
élevé à 38 € en moyenne nationale, là où la mise
à l’abri de droit commun en nuitée hôtelière
est en moyenne inférieure à 20 € et à 18 € dans
le dispositif national d’accueil des demandeurs
d’asile.
Des
conventions
types
avec
les
établissements hôteliers ou de vacances ont
été élaborées par le ministère de l’intérieur
II - L’HÉBERGEMENT ET LE LOGEMENT DES PERSONNES
ACCUEILLIES : DES RÉPONSES SPÉCIFIQUES
COUR DES COMPTES
17
avec des plafonds allant de 30 € à 75 € par nuit
selon la gamme de l’établissement. La durée
limitée de ces conventions (maximum de trois
mois) n’a pas facilité la négociation financière
ni la stabilité du système sur la période, par
ailleurs fortement soumis à la saisonnalité de
la disponibilité des chambres au regard des
enjeux touristiques.
B - Le renfort indispensable
de l’hébergement citoyen
L‘hébergement citoyen s’est développé depuis
plusieurs années dans le cadre de l’accueil des
demandeurs d’asile. Il repose sur l’engagement
d’hébergeurs volontaires, qui se signalent
auprès du tissu associatif développant cette
offre inclusive d’accueil. Les interventions
des associations sont diverses : repérage des
hébergeurs, pédagogie et évaluation de leur
capacité à héberger, mise en rapport avec les
demandeurs d’asile et suivi de la cohabitation.
Face à la crise ukrainienne, le gouvernement
a
fait
appel
à
l’engagement
volontaire
pour contribuer à l’accueil : propositions
de
bénévolat,
de
traduction
ou
encore
d’hébergement ont été recueillies dans le cadre
d’une plateforme en ligne. L’État recensait
35 600 offres début avril 2022 et 44 000 offres
fin août pour près de 21 000 personnes ainsi
hébergées à la même date, soit 43 % des
solutions d’hébergement. À la mi-octobre
2022, 20 231 logements vérifiés étaient
recensés pour 12 918 personnes logées contre
plus de 23 000 fin septembre.
Cette
solution
d’hébergement
conduit
à
dresser deux constats.
D’une
part,
un
nombre
non
mesurable
de ces hébergements s’est organisé sans
intermédiaires, aux abords des gares ou sur
les réseaux sociaux, sans qu’un contrôle soit
possible. La délégation interministérielle à
l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal)
estimait en mai 2022 que 50 000 personnes
étaient hébergées dans ce cadre informel.
Ainsi, la réalité de l’hébergement citoyen
en
nombre
comme
en
qualité
demeure
aujourd’hui mal connue des services de l’État
et des associations.
D’autre part, ce type d’hébergement ne
garantit pas une solution d’accueil de moyen
terme. Une première vague de ruptures
d’hébergement citoyen a été constatée par
les préfectures avant la période estivale et
à l’approche de l’hiver. Dans une période
d’alourdissement
des
coûts
de
l’énergie,
notamment, d’autres ruptures, sans compter
celles liées aux difficultés inhérentes à une
longue cohabitation, risquent de se produire.
L’instruction
de
la
Première
ministre
du
22 juin 2022 a anticipé le besoin de conforter
l’hébergement citoyen, alors même que la
charge de l’accueil à domicile n’a fait l’objet
d’aucune prise en compte en début de crise. Par
décret du 17 novembre 2022, le gouvernement
a établi une indemnisation de 150 € par mois
(5 € par jour au-delà du troisième mois) allouée
aux personnes ayant accueilli ou s’engageant
à accueillir des personnes déplacées d’Ukraine
plus de trois mois avant le 31 décembre 2022.
18
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
C - La difficile transition
vers un logement pérenne
Dès le début de la crise, l’installation des
personnes
déplacées
dans
un
logement
indépendant pour une période de moyen et
long terme a été un objectif prioritaire. La
mobilisation des acteurs sociaux du logement
(hors du contingent de logements destiné
aux publics prioritaires) comme du parc
privé au travers de l’intermédiation locative
16
a été encouragée, en fixant un objectif de
7  500  logements indépendants à mobiliser
avant la fin juin 2022.
Fin décembre 2022, 8 500 logements étaient
occupés par plus de 27 000 personnes. Dans
ce cadre, 4 250 logements du parc social ont
été mobilisés (principalement des logements
vacants ainsi que des logements vides du fait
d’opérations de réhabilitation) et accueillent
plus de 13 400 personnes.
4 280 logements du parc privé ont été mis
à disposition, dont un peu plus de la moitié
par des propriétaires particuliers. Les autres
proviennent des collectivités ou de personnes
morales disposant de logements. Au total,
13 000 personnes déplacées ont pu être
accueillies dans des logements pérennes.
Le Gouvernement a mis en place une aide
de 2 200 € par place créée et par an pour
les
associations
intervenant
au
titre
de
l’intermédiation locative, ainsi qu’une aide non
systématique de 200 € pour faciliter le paiement
du loyer, si les aides de la caisse d’allocations
familiales (Caf) et la rémunération d’un emploi
n’y pourvoient pas.
Dans
les
faits,
cette
mobilisation
s’est
révélée complexe. D’une part, l’incertitude
quant à la durée du conflit limite la capacité
d’engagement que représente la signature
de baux. D’autre part, les difficultés liées à
la situation économique des bénéficiaires
rend l’accès au logement particulièrement
complexe.
Plusieurs
associations
agréées
concédaient fin novembre que la mobilisation
de logements ne faisait que débuter, comme le
montrent les données nationales.
Outre
la
délivrance
d’une
autorisation
provisoire de séjour sur le territoire français
d’une durée de six mois, les droits attachés à la
protection temporaire sont les suivants :
le
versement
de
l’allocation
pour
demandeur d’asile (Ada) ;
l’accès aux droits sociaux et aux soins ;
la scolarisation des enfants mineurs ;
l’autorisation
d’exercer
une
activité
professionnelle.
Enfin, un volet transversal d’accompagnement
social a été prévu pour informer, accompagner
les bénéficiaires de la protection temporaire
dans
leurs
démarches
administratives
et
s’assurer, le cas échéant, que l’hébergement
citoyen se déroule dans de bonnes conditions.
Cet accompagnement se traduit également
par une ouverture des offres de formations
linguistiques organisées par l’Ofii.
III - L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL : UNE OFFRE ÉTENDUE
16. Instruction du 4 juin 2018 prévoyant, dans le cadre du plan « logement d’abord », la possibilité pour des propriétaires
privés de proposer leur logement ou pour des associations agréées (article L. 365-4 du CCH) de procéder à des locations
privées pour loger des personnes en difficulté au logement. Ces dispositifs garantissent le paiement du loyer, la remise
en état du logement, le cas échéant, et peuvent donner lieu à des avantages fiscaux.
COUR DES COMPTES
19
Un traitement massif et inédit des titres et droits de la protection temporaire
Des guichets réservés à l’examen de ces demandes ont été mis en place dans les sas
d’accueil («
hubs
») ainsi que dans toutes les préfectures avec une prise en charge directe
des personnes se présentant spontanément, et ce, contrairement aux autres démarches
des étrangers en préfecture, qui passe par un mécanisme de prise de rendez-vous. Les
opérations de demande de l’Ada auprès de l’Ofii étaient réalisées dans ce même sas au
début de la crise après l’instruction de l’APS.
La documentation a été préparée en langue ukrainienne pour l’ensemble des démarches.
Des sessions d’information à destination des partenaires locaux identifiés ont été
organisées pour qu’ils soient en mesure d’orienter les demandeurs vers la préfecture et
éventuellement de fournir une aide à la constitution du dossier.
En Île-de-France, si l’instruction des demandes d’APS « protection temporaire » déposées
par les personnes fuyant le conflit en Ukraine est réalisée par le préfet du département de
résidence ou d’hébergement, dans un souci d’efficacité et de rapidité, la préfecture de police
a délivré les APS pour le compte des autres préfectures de la région, indépendamment du
lieu d’hébergement des personnes déplacées.
A - L’octroi aux bénéficiaires
de la protection temporaire
de l’allocation pour demandeur
d’asile dans des conditions
exceptionnellement favorables
Les détenteurs de la protection temporaire
bénéficient de l’allocation pour demandeurs
d’asile (Ada) pendant la durée de leur protection
temporaire dans les mêmes conditions que les
demandeurs d’asile. Son montant est fixé selon
un barème identique à celui des demandeurs
d’asile qui prend en compte la composition
familiale et les ressources du ménage
17
.
L’allocation est versée mensuellement au
moyen d’une carte de paiement délivrée au
titulaire d’une APS.
À
l’inverse
des
demandeurs
d’asile,
les
déplacés
d’Ukraine
ont
bénéficié
à
titre
exceptionnel du montant additionnel de l’Ada
(dit « pécule »). Or, le Ceseda prévoit que ce
montant additionnel ne doit être versé qu’aux
personnes qui n’ont pas accès gratuitement à
un hébergement ou un logement à quelque
titre que ce soit. Cette décision a été prise
pour des raisons de rapidité de mise en œuvre
alors que le système d’informations de l’Ofii
nécessitait une évolution pour intégrer les
bénéficiaires de la protection temporaire et le
caractère gratuit ou non de leur hébergement
ou du logement. Ce montant additionnel n’est
plus attribué aux déplacés hébergés ou logés à
titre gratuit depuis le 1
er
octobre 2022. La fin de
son versement marque le retour à l’application
du régime de droit commun de l’Ada pour les
bénéficiaires de la protection temporaire.
17. Le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer, entre 6,80 € (une personne) et 44,80 €
(dix personnes) par jour. Un montant additionnel (pécule) de 7,40 € par jour est versé si le demandeur n’a pas bénéficié
gratuitement d’un hébergement alors qu’il en a fait la demande. Le coût mensuel moyen par individu, tel que constaté
pour le mois de mars, s’élève à 326 € (651 € par ménage).
20
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
Fin
décembre
2022,
45 000
ménages
bénéficiaires de la protection temporaire,
soit 82 000 personnes, bénéficiaient de l’Ada.
Par comparaison, 100 000 ménages parmi
l’ensemble des demandeurs d’asile en étaient
bénéficiaires à la même période.
Compte tenu des flux importants des déplacés,
les équipes de l’Ofii ont été renforcées afin
d’accompagner la montée en puissance des
guichets uniques de délivrance et de garantir
l’octroi sans délai de la carte de paiement.
Les bénéficiaires de la protection temporaire
titulaires d’une autorisation provisoire de
séjour ont, par ailleurs, bénéficié de l’allocation
de subsistance dans des délais beaucoup plus
brefs que pour les demandeurs d’asile.
Pour
les
Ukrainiens
dans
l’attente
de
l’attribution de l’Ada, la Croix-Rouge française
a mis en place un dispositif de soutien
financier en coopération avec les ministères
sociaux appelé chèques d’accompagnement
personnalisés (Cap)
18
. Début octobre 2022,
546 357 Cap avaient été distribués au profit de
14 078 foyers concernant 25 743 bénéficiaires.
Ils ont principalement été financés par l’usage
de dons effectués au profit de la Croix Rouge. Le
budget de l’État a contribué à ce financement
à hauteur de 1,1 M€ (représentant moins de
20 % du coût du dispositif).
B - Un accompagnement social
et administratif large
Des conventions conclues avec les opérateurs
chargés de l’accueil et de l’hébergement des
personnes déplacées ont prévu la couverture
des missions relevant de l’accompagnement
sanitaire, social et administratif.
Les opérateurs effectuent ainsi les premiers
diagnostics sociaux, recensent les situations
administratives et les éventuels liens familiaux
et sociaux des personnes en France. Ils
identifient
les
situations
de
vulnérabilité
donnant lieu à des hébergements spécifiques.
Ils accompagnent les protégés temporaires
dans
les
démarches
administratives
et
répondent aux besoins de première nécessité
des
personnes
accueillies
(kits
d’hygiène,
restauration
trois
fois
par
jour
ou
aide
alimentaire, aide vestimentaire, matériel de
puériculture). En coordination avec l’opérateur
chargé de l’hébergement, ils assurent la
préparation des personnes accueillies vers un
hébergement ou un logement pérenne, en lien
avec l’administration.
Ainsi, du 4 mai au 5 octobre 2022, France Terre
d’Asile a reçu 1 367 ménages sur les points
d’accueil. Ces entretiens ont donné lieu à des
actions et orientations dans les domaines
suivants : 365 aides Solidarité transport,
74 accompagnements relatifs à l’Ada, 25 aides
alimentaires d’urgence, 189 démarches auprès
des Caf, 170 orientations vers des cours de
français, 150 actions relatives à l’emploi et la
formation, 19 informations et orientations sur
la reconnaissance des diplômes, 70 aides à la
scolarisation, 62 orientations « Santé/Psy »,
140 accompagnements relatifs à l’assurance
maladie.
1 - Un panier de droits sociaux variés
Dès
la
publication
de
la
circulaire
interministérielle
du
10
mars
2022,
les
déplacés se sont vu ouvrir les droits aux aides
personnelles au logement (APL). Par la suite,
le ministre des solidarités et de la santé les
18. Cette aide était de 250 € par adulte et 50 € par enfant de moins de 12 ans.
COUR DES COMPTES
21
a rendus éligibles à six autres prestations :
allocations familiales, complément familial,
allocation de soutien familial (ASF), allocation
d’éducation pour enfant handicapé (AEEH),
allocation de base de la prestation d’accueil
du jeune enfant et prime à la naissance
19
.
Les aides personnelles au logement (APL) et
les allocations familiales sont normalement
réservées
aux
personnes
étrangères
qui
possèdent un titre de séjour en cours de validité,
ce qui n’est pas le cas des demandeurs d’asile.
Au-delà, la Caisse nationale des allocations
familiales (Cnaf) a pris en charge des frais
d’accueil en crèche des enfants déplacés
d’Ukraine pour 2022.
Tableau n° 1 : nombre de foyers couverts par des prestations versées par le réseau des Caf
20
Mai
2022
Juin
2022
Juillet
2022
Août
2022
Sept
2022
Oct
2022
Nov
2022
Déc
2022
Nombre
de foyers
couverts
1 448
2 413
5 573
8 737
8 686
11 002
10 599
15 208
Source : Cour des comptes à partir des données de la Cnaf
19. Les bénéficiaires de la protection temporaire ne sont pas éligibles au RSA, à la prime d’activité (PA), allocations qui
requièrent une résidence préalable de cinq ans sous couvert d’un titre de séjour autorisant à travailler et à l’allocation
aux adultes handicapés (AAH). Néanmoins, conformément aux dispositifs du CASF, ils sont éligibles aux RSA et à la
PA majorés (dès lors qu’ils en respectent les conditions prévues aux articles L. 262-4 et L. 262-9 du CASF ainsi qu’aux
articles L. 842-2 et L. 842-7 du CSS). Peu de bénéficiaires de la protection temporaire sont concernés par cette mesure.
En novembre, 37 foyers seulement bénéficiaient du RSA et 10 de la prime d’activité.
20. La branche Famille ne dispose pas de données précisant la nationalité de ses bénéficiaires. Une codification spécifique
pour suivre les familles ukrainiennes, entraînant un traitement manuel, a été mise en place. Les évaluations doivent donc
être prises avec précaution.
21. Les demandeurs d’asile ont droit à la PUMa et la complémentaire santé solidaire (CSS) à compter d’un délai de
trois mois de résidence ininterrompue sur le territoire français. En attendant d’être affilié à cette PUMa, le migrant peut
bénéficier de soins urgents qui visent à empêcher la propagation d’une maladie, qui concernent les femmes enceintes ou
les nouveau-nés, ou qui permettent de soigner le demandeur dont le pronostic vital est engagé.
22. Les personnes en attente, n’ayant reçu qu’une APS limitée à un mois dans l’attente de la fin de l’instruction de leur
demande, bénéficient d’une prise en charge dérogatoire ne requérant pas le dépôt d’une demande d’aide médicale d’État.
En qualité de tête de réseau de la branche
Famille, la Cnaf a informé les Caf sur
les
conditions
d’ouverture
des
droits
à
ce public particulier. Elle a mis en place
des
visioconférences
pour
recueillir
les
interrogations et signalements venant des
Caf, tout en mettant à leur disposition des
documents utiles (imprimés Cerfa, demande
aide
logement,
déclaration
de
ressource
traduits en ukrainien, plaquette d’information
sur
l’aide
au
logement
et
vidéos
de
présentation d’une crèche, centre de loisirs,
centre social sous-titrées en ukrainien).
En novembre 2022, 15 200 foyers avaient
bénéficié d’une prestation versée par la
branche famille. Parmi eux, 9 032 bénéficiaient
des prestations familiales et 5 818 des
allocations de logement pour un montant
moyen de droits de 239 €.
2 - Un accès aux soins rapide
La protection universelle maladie (PUMa)
et la complémentaire santé solidaire (CSS)
ont été accordées sans application du délai
de carence
21
pour l’accès aux soins médicaux
aux personnes ayant obtenu le bénéfice de la
protection temporaire
22
.
22
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
Ces dernières se sont vues ainsi délivrer une
attestation de droits à l’assurance maladie et
la CSS leur permettant de bénéficier de soins
intégralement pris en charge par l’assurance
maladie et sans avoir à en avancer les frais. Les
droits sont ouverts rétroactivement à compter
de la date d’arrivée sur le territoire, pour un
an, quelle que soit l’évolution de la situation
professionnelle.
Au 30 septembre 2022, 107 000 personnes
étaient affiliées à la protection universelle
maladie (PUMa), dont 35 000 mineurs et
72 000 majeurs.
Les enjeux de santé ont été cruciaux dès
le début de la crise : parmi les premiers
réfugiés, figuraient notamment des personnes
atteintes des pathologies engendrées à la
suite de l’explosion de la centrale nucléaire
de Tchernobyl en 1986. Un second enjeu
réside désormais dans le suivi des pathologies
mentales liées aux traumatismes de la guerre
et de l’exode.
C - La mobilisation pour la scolarisation
et l’insertion dans l’enseignement
supérieur
Une grande partie des enfants ukrainiens ont
pu être scolarisés conformément au code de
l’éducation. 19 236 élèves
23
bénéficiaires de la
protection temporaire sont ainsi inscrits dans
les établissements de l’éducation nationale
pour l’année scolaire 2022-2023.
Les
services
de
l’éducation
nationale
se
sont mobilisés, aux côtés des préfectures,
pour scolariser les enfants ukrainiens le plus
rapidement possible, dès leur arrivée dans les
unités pédagogiques pour élèves allophones
arrivants. Il n’a pas été nécessaire d’en créer
de nouvelles, dans la mesure où le nombre
d’élèves allophones a diminué depuis le début
de la crise sanitaire.
Le maintien d’un lien avec la scolarisation
ukrainienne,
par
l’intermédiaire
d’une
plateforme numérique, est organisée par le
ministère ukrainien de l’éducation en accord
avec l’éducation nationale française. Ce lien
doit être assuré au sein de l’établissement
scolaire et, dans la mesure du possible, sur le
temps périscolaire. Le coût moyen par élève
des seuls dispositifs spécifiques est évalué à
environ 2 650 €.
23. À la mi-novembre 2022, 54 % des élèves ukrainiens étaient scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires,
33 % au collège et 13 % au lycée.
COUR DES COMPTES
23
Le ministère de l’enseignement supérieur,
de la recherche et de l’innovation (MESRI) a
mobilisé le programme « Pause » pour venir en
aide aux chercheurs, y compris les doctorants
déplacés
d’Ukraine,
accordant
une
aide
financière d’urgence permettant de financer
le séjour de quelques chercheurs ukrainiens
et de leurs familles. Les centres régionaux
des œuvres universitaires et scolaires (Crous)
ont été appelés à accorder une attention
particulière aux étudiants ukrainiens présents
dans les cités universitaires. Ainsi, des places
disponibles jusqu’à la rentrée 2022, dans la
limite des capacités d’accueil existantes, ont
pu être mobilisées de même que des aides
financières
24
. Les étudiants sous protection
temporaire
pourront
bénéficier
des
APL.
1  266  étudiants ukrainiens sont ainsi inscrits
dans l’enseignement supérieur français.
L’effort
de
scolarisation
des
enfants
a
fortement mobilisé les services du ministère
de l’éducation nationale pour faciliter un
accueil en classe en cours d’année scolaire
2021-2022 (plus de 18 000 enfants inscrits)
puis effectuer les inscriptions de la rentrée de
septembre  2022 (19 236 enfants scolarisés,
dont 55 % dans les cycles maternelle et
élémentaire). Il pourrait être appelé à aller
au-delà de l’année scolaire 2022-2023.
Graphique n° 2 : nombre d’élèves inscrits dans les établissements de l’éducation nationale
255
10 817
13 980
17 998
18 815
Volume des scolarisations
du 8 mars au 30 juin 2022
8 mars
22 mars
5 avril
19 avril
3 mai
17 mai
31 mai
14 juin
28 juin
Source : CIC Ukraine
24. Les bénéficiaires de la protection temporaire ont droit aux bourses sur critères sociaux sous réserve de respecter les
conditions prévues par la réglementation (notamment inscription en France dans une formation habilitée à recevoir des
boursiers). Le repas en restaurant universitaire à 1 € a été mis en place pour ces étudiants et les Crous ont pu verser des
aides d’urgence après évaluation sociale par les services sociaux (pouvant aller jusqu’à 500 €, et ce, avec une évaluation
sociale simplifiée, sans examen préalable de la commission sociale)..
24
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
D - Un dispositif d’insertion
professionnelle volontariste
Une différence significative entre le statut de
bénéficiaire de la protection temporaire et celui
de demandeur d’asile réside dans la possibilité
de travailler sans délai
25
et de s’inscrire comme
demandeur d’emploi.
Le ministère du travail, avec le service public
de l’emploi (SPE), a engagé une démarche
« d’aller vers » pour identifier les personnes
souhaitant travailler, définir les dispositifs
d’accompagnement
vers
l’emploi
et
la
formation
professionnelle. Afin
d’identifier
les besoins, les souhaits, les diplômes et
compétences, Pôle emploi a élaboré un court
questionnaire en français et en ukrainien à la
demande de la délégation générale à l’emploi
et à la formation professionnelle.
La mise en place d’un « point emploi »
dans les sas d’accueil («
hubs
») a permis de
délivrer un premier niveau d’informations sur
l’accompagnement vers l’emploi par le SPE.
Dans le même temps, le Haut-commissariat
à l’emploi et à l’engagement des entreprises
a centralisé l’ensemble des engagements des
entreprises et des besoins exprimés en matière
d’emploi sur la plateforme
lesentreprises-
sengagent.gouv.fr.
25. Les demandeurs d’asile ont interdiction de travailler au cours des six premiers mois qui suivent l’enregistrement de
leur demande par l’office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
26. Offre comprenant une évaluation du niveau de langue puis une formation linguistique de 100 heures ou 200 heures
vers le niveau A1 ainsi que d’une formation de 100 heures vers les niveaux A2 ou B1.
L’apprentissage du français, un enjeu prégnant
Une offre linguistique de premier niveau est constituée par les ateliers sociolinguistiques (environ
700 ateliers sur le territoire pour développer l’autonomie sociale des adultes migrants), les ateliers
« Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » (1 190 ateliers proposés aux parents
allophones dans les écoles et collèges, visant l’apprentissage du français, la compréhension des
valeurs de la République) et des offres numériques. Un recensement à la mi- octobre 2022 laissait
apparaitre que plus de 4 500 personnes auraient bénéficié de cette offre.
Par ailleurs, l’offre de français généraliste de l’Ofii mise en place pour les contrats d’intégration
républicaine a été ouverte aux bénéficiaires de la protection temporaire
26
. Cette offre a été
calibrée pour permettre la réalisation de 15 000 parcours de formation, soit 10 % du montant
des marchés actuels de l’Ofii. Toutefois, début novembre 2022, seuls 4 397 diagnostics avaient
été réalisés et 2 547 personnes étaient entrées en formation.
Le SPE a également mis en place des formations linguistiques à visée professionnelle financées
par Pôle emploi et les conseils régionaux.
Enfin, des cours de langue ont été mis en place dans les structures d’hébergement par les
associations chargées de l’accompagnement social, par des universités ou des collectivités
territoriales.
Alors que certains déplacés se sédentarisent et se mettent en situation de rechercher un
emploi, l’enjeu linguistique devient prégnant. Une communication sur les dispositifs existants
et la coordination seront accentuées par un plan d’action en trois temps reposant sur le niveau
départemental (recenser les dispositifs mobilisables et les capacités disponibles, informer les
acteurs de l’accompagnement et coordonner les interventions en mobilisant l’instance de
concertation locale la plus adaptée).
COUR DES COMPTES
25
Après avoir su mettre en place une réaction
d’urgence, le Gouvernement est désormais
confronté
à
une
difficulté
nouvelle
:
l’incertitude se prolongeant sur la durée du
conflit, et avec elle sur le nombre de réfugiés
appelés à demeurer en France ou à la rejoindre,
il doit désormais adapter des dispositifs conçus
comme temporaires à une inscription dans un
temps plus long, alors même que leur public
ne manifeste pas nécessairement davantage
de projet d’installation pérenne.
A - L’enjeu d’une relocalisation
territoriale des bénéficiaires
de la protection temporaire
L’accueil des personnes déplacées d’Ukraine
s’inscrivant
dans
la
durée,
les
enjeux
de
l’hébergement
hôtelier
vont
devoir
être
réévalués,
tant
au
plan
financier
qu’opérationnel. Dans les territoires où l’offre
d’hébergement et de logement est la plus
contrainte, l’option d’une mise à contribution
aux frais associés des personnes accueillies
serait envisagée dès lors qu’elles disposent
de ressources suffisantes (revenus tirés d’un
emploi, par exemple) comme c’est d’ores et
déjà le cas dans les Alpes-Maritimes. Cette
mesure est à l’étude par la DGEF et la Dihal.
IV - L’INSCRIPTION DE LA CRISE DANS LA DURÉE :
DES QUESTIONS EN SUSPENS
L’épineux impératif du « desserrement » géographique
Face à la concentration des personnes déplacées sur les grandes métropoles de quelques
régions, l’État a imposé une solidarité territoriale, notamment en faveur des régions
Île-de-France et PACA. Ainsi, une orientation des personnes accueillies sur le territoire
francilien est mise en place en direction des régions Normandie, Centre-Val-de-Loire, Bretagne,
Pays-de-la-Loire et Grand Est. Il en a été de même depuis PACA vers Auvergne-Rhône-Alpes
et Occitanie. Cette disposition nécessaire n’est pas sans poser plusieurs types de difficultés.
Pour certaines régions déjà fortement concernées par l’arrivée de personnes déplacées, cet
accueil supplémentaire accroît les difficultés déjà existantes dans le cadre d’un desserrement
infra régional entre métropoles et départements voisins comme Lyon et Auvergne-Rhône-
Alpes. Il en va de même pour les territoires touristiques, dont les capacités d’accueil varient
avec la saisonnalité. La solidarité territoriale a néanmoins joué puisque plus de 6 000 personnes
ont quitté le territoire francilien depuis le début de la crise et que des départements ruraux
tels que les Hautes-Pyrénées ont pu offrir près de 500 places d’hébergement collectif pour
soulager la région PACA (en mobilisant en particulier le parc hôtelier exceptionnellement
vaste et disponible de Lourdes).
26
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
D’autres diffi
cultés ont trait à des considérations humaines. L’orientation géographique
vers les villes moyennes n’est pas souhaitée par une population attachée à rester dans
des métropoles perçues comme mieux adaptées à ses attentes et besoins. Des efforts de
pédagogie et de communication sont mis en œuvre par l’État et les associations afin de
mieux accompagner et convaincre les personnes déplacées d’Ukraine des avantages réels
propres à ces nouvelles installations. Des critères familiaux, sociaux, éducatifs et de santé
ont été mis en place pour assurer une forme d’égalité.
Néanmoins, face à des diffi
cultés persistantes, l’instruction de la Première ministre de
juin 2022 a prévu que le refus de deux solutions de logement entraîne la fin de la prise en
charge (au risque de venir surcharger l’hébergement de droit commun).
Les réorientations territoriales, déjà réalisées
en 2022, pourraient également s’imposer
davantage en 2023 et seraient de nature à
favoriser une installation pérenne de qualité
des familles accueillies. Un recours plus
systématique aux transferts vers des régions
et départements disposant d’une offre de
logements de qualité hors des zones tendues
devra être ainsi développé. L’intermédiation
locative en sera un levier incontournable, pour
peu que ce dernier soit véritablement suivi et
encouragé par l’État.
Carte n° 1 : répartition nationale des logements occupés dans le cadre de la crise ukrainienne
0
43
70
101
284
Nombre
de logements
occupés
Source : Dihal au 7 novembre 2022
COUR DES COMPTES
27
La mise en œuvre de ces transferts implique
toutefois, pour être réussie et bien acceptée,
qu’elle intervienne désormais dès l’arrivée des
personnes déplacées d’Ukraine, hors les cas
de grande vulnérabilité ou de regroupement
familial qui justifieraient un maintien dans les
grandes métropoles.
Parallèlement, une mise en œuvre systématique
et un contrôle régulier de la règle du double
refus
prévue
par
circulaire
devront
être
opérés. En complément, un effort accru de
pédagogie (mettant en évidence les avantages
résultant d’un changement de lieu de vie) et de
responsabilisation des bénéficiaires de droits,
dans une logique de droits et devoirs, devra être
encouragé.
B - L’encadrement nécessaire
de l’hébergement citoyen indemnisé
Le
rôle
positif
joué
par
le
dispositif
d’hébergement citoyen est indiscutable.
Néanmoins, sa réalité en nombre comme en
qualité demeure aujourd’hui mal connue des
services de l’État et des associations. En outre,
des interrogations quant à son usage ne sont
pas toute levées, telles que la possibilité de
s’assurer dans l’urgence de la qualité réelle
des hébergements et des hébergeurs, ou
d’accompagner
les
hébergés
comme
les
hébergeurs sur les obligations liées à une
cohabitation de longue durée.
La mise en place d’une mesure de soutien
financier en novembre 2022 suscite elle aussi
plusieurs questionnements.
D’une part, en l’absence de contrôle, cette
indemnisation pourrait contribuer à financer
des logements non vérifiés qui ont permis des
hébergements spontanés, et dont la qualité,
la sécurité de l’accueil comme celles de la
cohabitation ne sont pas garanties.
D’autre part, cette aide n’est conditionnée
à
ce
stade
par
aucun
accompagnement
spécifique, qui permet pourtant, lorsque celui-
ci est mis en œuvre de façon professionnelle,
de sécuriser des hébergements de qualité
à moyen et long terme en limitant les
échecs prématurés, au profit des personnes
hébergées comme de celles qui les accueillent.
Enfin, si l’indemnisation prévue à ce stade
pour 2022 devait devenir la règle et s’adresser
exclusivement aux hébergeurs des réfugiés
ukrainiens, elle pourrait constituer une rupture
d’égalité avec les hébergeurs de demandeurs
d’asile et en réduire l’intérêt pour l’avenir.
En conséquence, si l’hébergement citoyen
devient une forme d’accueil complémentaire
d’urgence face aux crises et
a fortiori
s’il est
indemnisé, il conviendrait, sans remettre en
cause la libre initiative et en s’appuyant sur les
associations les mieux à même d’en garantir
la viabilité, de donner un cadre à cette forme
d’hébergement pour pouvoir la mobiliser à
l’avenir dans les meilleures conditions.
C - Un accompagnement vers l’emploi
à renforcer
Le dispositif d’insertion professionnelle connait
des résultats modestes. Depuis le mois de mars,
seuls 11 916 bénéficiaires de la protection
temporaire sont inscrits à Pôle emploi, dont
2 820 inscrits en formation.
28
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
Sur cette même période, 12 893 personnes
nées en Ukraine ont été salariées au moins
une heure dans le mois sans avoir été salariées
avant mars 2022, dont 75 % de femmes
et 27 % dans le secteur de l’hébergement-
restauration  ; cette donnée permet une
approximation du nombre de réfugiés ayant
travaillé
27
, à rapporter aux 85 000 adultes
arrivés sur le territoire national.
Si, dans une optique de séjour bref, l’accès
à
l’emploi
peut
revêtir
une
importance
secondaire, il n’en va pas de même dans le cadre
d’un séjour d’un an. Dans cette hypothèse, il
devient souhaitable d’opérer une transition
de l’hébergement vers le logement, et d’une
allocation
minimale
couvrant
les
besoins
d’urgence vers des revenus plus substantiels.
L’accès à l’emploi apparaît dès lors déterminant.
Toutefois, pour améliorer les résultats mitigés
observés à ce stade en matière d’insertion
dans l’emploi, il importe de lever les principaux
freins rencontrés par les personnes déplacées
d’Ukraine, tout en prenant en compte le fait
que l’absence de projet d’installation durable
est à lui seul un frein difficile à surmonter. À ce
titre, il convient de renforcer prioritairement
l’apprentissage du français en systématisant
les formations de préparation à l’emploi sur la
base des offres proposées par des employeurs
en attente de main d’œuvre, en les combinant
avec des solutions de garde d’enfants, puisque
les femmes accompagnées de mineurs sont
majoritaires au sein de la population accueillie.
D - Une visibilité du financement
du dispositif en faveur des déplacés
d’Ukraine non assurée pour 2023
La prévision de l’ensemble des dépenses
engagées par l’État et la Sécurité sociale
pour la protection temporaire des Ukrainiens
devrait s’élever à environ 634 M€ pour
l’année 2022.
27. Qui peut comporter, faute d’information, des personnes arrivées en France avant le démarrage du conflit.
Graphique n° 3 : répartition des dépenses de l’accueil et de la prise en charge
des bénéficiaires de la protection temporaire (en M€)
ADA :
218,5
Divers (renfort, aide alimentaire,
accueil de jour, etc.) : 21,3
Dépenses d’intégration : 13,8
Accompagnement
vers le logement : 49,7
Aide pour hébergement citoyen : 14,2
Hébergement : 253,3
Dépenses d’Éducation nationale : 25
Dépenses de santé : 25
Prestations de la branche
famille : 15
Source : Cour des comptes à partir des données CIC, DGEF, Dihal, Cnaf, Cnamts
Nota : les chiffres relatifs aux dépenses de l’éducation nationale, de la branche famille,
de la branche maladie ne constituent que des approximations.
COUR DES COMPTES
29
Les crédits du décret d’avance à hauteur de
400 M€ ne suffiront donc pas pour couvrir
ces dépenses au regard de la prévision
de dépenses pour 2022
28
. Ces montants
n’incluent pas les demandes du ministère
chargé de l’éducation nationale ni celles du
MESRI ni les dépenses indirectes concernant
l’accès aux transports publics.
Si
les
missions
Immigration,
Asile
et
Intégration
(dépenses d’Ada, d’hébergement
et d’intégration) et
Cohésion des Territoires
(dépenses
sur
l’accès
au
logement,
l’hébergement citoyen et les APL) sont les
principales contributrices de cet accueil, de
nombreuses autres missions y concourent
de manière limitée. Les dépenses les plus
significatives sont constituées de l’allocation
versée aux bénéficiaires de la protection
temporaire (218,46 M€) et des prises en charge
d’hébergement (253,27 M€). À ces dépenses,
s’ajoutera le financement de l’intermédiation
locative pour 49,7 M€ et l’hébergement
citoyen pour 14,2 M€ selon le nombre de
familles accueillantes : aux 4 000 familles ayant
déjà une convention avec l’État au travers
d’associations pourraient s’ajouter entre 5 000
à 10 000 familles non conventionnées mais
éligibles à cette aide.
L’évaluation
globale
prend
également
en
compte
les
renforts
en
personnels
contractuels et vacataires – soit l’équivalent de
221 ETP - recrutés par la DGEF, les préfectures,
et les directions régionales de l’économie, de
l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets)
pour l’accueil, la prise en charge et le traitement
des dossiers des déplacés, pour un coût total
de 8,7 M€ en masse salariale.
À ces dépenses sur le budget de l’État,
s’ajoutent des moyens prévisionnels dans le
champ de la Sécurité sociale difficiles à estimer.
Les dépenses de santé pourraient atteindre
25 M€ et les prestations versées par la branche
famille 15 M€ compte tenu des premiers
éléments fournis.
La loi de finances pour 2023 du 30 décembre 2022
ne prévoit pourtant aucun crédit
pour financer
les actions en faveur des publics ukrainiens
accueillis,
en
particulier
sur
les
missions
Immigration, Asile et Intégration et Cohésion des
territoires
. Si les besoins sont difficiles à prévoir
précisément, tant en matière d’hébergement
que d’accompagnement, ils n’en demeurent
pas moins incontestables, compte tenu de la
prolongation du conflit en 2023.
À ce défaut de sincérité budgétaire de la part
de l’État s’ajoute une absence de visibilité
quant au financement des dispositifs, porteuse
de risques pour certains des intervenants,
notamment les associations.
Un premier risque serait de peser de manière
excessive sur la trésorerie de ces opérateurs
privés mobilisés aux côtés des services de
l’État dans le cadre de cette crise. Fortement
sollicitée pendant de nombreux mois en 2022
(jusqu’à
des
remboursements
intervenus
en toute fin d’année), la trésorerie de ces
opérateurs, dont les marges de manœuvre
sont inégales selon leur taille et leur champ
d’intervention, ne saurait être à nouveau
activée dans des proportions comparables,
sauf à mettre certains d’entre eux en difficulté
financière.
28. Le décret d’avance n° 2022-512 du 7 avril 2022, ratifié par la loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022,
a ouvert 300 M€ de crédits sur le programme 303 et 100 M€ sur le programme 177.
29. Voir également le rapport spécial du 6 octobre 2022 de Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre sur la mission
Immigration, asile et intégration
fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle
budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023.
30
L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE PAR L’ÉTAT DES RÉFUGIÉS D’UKRAINE EN FRANCE EN 2022
Ce défaut de visibilité quant au financement des
actions pour 2023 pourrait également induire
un risque d’affaiblissement de la relation
de
confiance
entre
partenaires,
pourtant
indispensable à la qualité de la réponse
apportée aux prochains développements de
cette crise ou d’une éventuelle nouvelle crise
migratoire.
L’accueil
des
réfugiés
d’Ukraine
a
été
caractérisé par la réaction immédiate et la
forte mobilisation des services de l’État dans
la gestion de la crise. La mise en place, pour
la première fois, du statut de protection
temporaire a été rapide et efficace. Ce statut
autorise le bénéfice d’aides et des droits
afférents, que ne reçoivent pas les demandeurs
d’asile classiques. Toutefois, cet avantage est
d’une durée limitée en raison de la décision
du Conseil européen d’ouvrir ce droit dans
un premier temps pour un an (jusqu’au
4 mars 2023) et pour trois ans au maximum
(jusqu’au 4 mars 2025), s’il subsiste des
raisons de la maintenir.
Ce dispositif n’anticipe pas à ce jour les
conséquences d’une éventuelle fin de la
prise en charge des bénéficiaires de la
protection temporaire, pas plus que des
dispositions spécifiques de transition avant
un éventuel retour vers l’Ukraine. Même si
cette compétence relève au premier chef
du Conseil européen, il serait souhaitable,
en dépit de toutes les incertitudes liées à
la durée du conflit, qu’une réflexion soit
engagée sur les conditions d’expiration de
ce statut en mars 2025.
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
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Février 2023