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L’accueil et la prise en charge par l'État des réfugiés d'Ukraine en France en 2022

COUR DES COMPTES

L’audit flash présenté ce jour porte sur les conditions et la coordination de l’accueil et de la prise en charge des réfugiés ukrainiens à la suite du déclenchement de la guerre dans le pays le 24 février 2022. Depuis le début du conflit et jusqu’en septembre 2022, plus de 7,1 millions de ressortissants ukrainiens avaient quitté leur pays. 4 millions ont bénéficié de la protection temporaire ou d’un système de protection analogue en Europe. 115 000 ont été accueillis par la France, principalement des femmes et des enfants. Dès le 9 mars 2022, une cellule interministérielle de crise (CIC) Ukraine, placée sous l’autorité du Premier ministre et animée par le ministre de l’intérieur, a été activée et s’est concentrée en priorité sur l'accueil des personnes fuyant le conflit en coordonnant l’action de l’ensemble des acteurs concernés. L’ensemble des dépenses engagées par l’État et la Sécurité sociale pour la protection temporaire des Ukrainiens devrait s’élever à environ 634 M€ pour l’année 2022.

Une réaction immédiate des pouvoirs publics

Dès le 4 mars 2022, une décision européenne a permis d’accorder pour la première fois aux réfugiés ukrainiens le statut dit de la « protection temporaire ». En France, grâce à une coordination interministérielle assurée au sein d’une cellule de crise réunie dès le 9 mars 2022, un relais opérationnel immédiat dans les préfectures et l’intervention d’associations et de collectivités locales a permis de prendre en compte dans des conditions satisfaisantes les premières arrivées. Au cours des trois premiers mois, les arrivées se sont concentrées sur les métropoles et les territoires frontaliers de l’Est de la France, où plus de 80 000 personnes ont été accueillies. Dans les principales métropoles, des lieux d’accueils ont été proposés dans des formats parfois inédits, à l’image des « hub » et ont permis une réponse véritablement mutualisée et une première mise à l’abri des réfugiés.

Des réponses massives et spécifiques pour l’hébergement et le logement

Principalement centré sur les métropoles, l’hébergement a constitué un défi de taille pour ces zones tendues, déjà saturées par l’accueil ou la mise à l’abri d’autres publics précaires. Plus de 87 000 places ont été néanmoins créées, dont près de 60 000 demeuraient actives à la fin de l’année 2022. Dans ce cadre, l’hébergement collectif (accueil de première urgence, nuitées hôtelières ou assimilées) directement financé par l’État a représenté un tiers des réponses, pour un coût unitaire représentant presque le double de celui des dispositifs offerts aux demandeurs d’asile classiques, du fait de l’urgence des mises à l’abri et de l’incertitude pesant sur la durée du conflit. L’hébergement citoyen, porté par une mobilisation sans précédent des Français, a été essentiel : il représente plus de 40 % des solutions d’hébergement. Enfin, si les propositions de logement pérenne progressent depuis l’automne, elles demeurent difficiles à mettre en œuvre du fait, là encore, des incertitudes liées à la durée du conflit, mais aussi de la situation économique des réfugiés.

Un accès aux droits élargi

Le statut de la protection temporaire, qui suppose l’octroi d’un « asile » de courte durée sans souhait d’une installation durable, ouvre des droits supplémentaires à ses bénéficiaires par rapport à un demandeur d’asile de droit commun, notamment en matière d’allocations familiales, de logement, de santé, de scolarisation ou d’accès à l’emploi. Dans ce cadre, l’enjeu d’un accueil efficace repose sur la rapidité de la délivrance des titres de séjour qui conditionnent l’ouverture de ces droits. La mise en place de sas d’accueil a répondu à cette nécessité. En décembre 2022, 86 000 autorisations de séjour demeuraient actives et 45 000 allocations pour demandeurs d’asile avaient été versées, 15 000 ménages étaient allocataires des prestations familiales ou de logement, 107 000 personnes bénéficiaient d’une couverture santé et 19 000 enfants étaient encore scolarisés.

Des enjeux liés à l’inscription dans la durée du conflit

À la fin de l’année 2022, le flux de personnes déplacées d’Ukraine vers la France continuait de croître à un rythme de 2 000 à 4 000 réfugiés par mois. Le maintien sur le territoire de ceux-ci et la possibilité d’une nouvelle vague soulèvent de nombreuses questions sur la soutenabilité des dispositifs d’accueil mis en place et suggèrent des inflexions à leur apporter. De plus, la capacité humaine et financière à maintenir une prise en charge dans la durée est en question. Il convient également de prévoir les conditions de sortie du statut de la protection temporaire - dispositif communautaire d’une durée d’un an et limité à trois ans au maximum. Par ailleurs, la stabilisation de l’offre d’hébergement citoyen ou la capacité à maintenir une indemnisation des hébergeurs ne sont pas garanties à ce jour, ainsi que les contraintes des logements situés dans les métropoles qui appellent la mise en place d’une meilleure répartition territoriale, que l’État tente de promouvoir auprès des personnes déplacées. Un accompagnement accru vers l’emploi sera nécessaire pour faciliter l’accès au logement. Enfin, sur le plan budgétaire, et alors que 400 M€ de crédits avaient été débloqués par l’État au début de la crise, l’ensemble des dispositifs d’aide devrait atteindre, selon la Cour, environ 634 M€ sur l’ensemble de l’année 2022. Dans ce cadre, l’absence d’inscription de crédits dans la loi de finances pour 2023 prive l’ensemble des intervenants de la visibilité nécessaire pour organiser les moyens d’agir.