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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE SOUTIEN AUX
EXPORTATIONS
DE MATÉRIEL
MILITAIRE
Rapport public thématique
Synthèse
Janvier 2023
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
L’organisation du soutien à l’exportation
de matériel militaire
6
2
Le contrôle des exportations de matériel militaire
peut être rendu plus efficace
8
3
Des risques nouveaux tant pour l’État
que pour les entreprises
10
4
Des contraintes pour la capacité exportatrice
des industries d'armement et de sécurité
11
5
Les coûts de la politique de soutien doivent être mieux
pris en compte
12
6
Un important soutien financier de l’État qui devra
être consolidé dans la durée
14
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
La France exprime régulièrement sa volonté d’indépendance stratégique dans
les documents relatifs à la politique industrielle de l’armement . C’est dans ce
contexte que s’est développée une ambitieuse politique d’exportation de matériel
militaire pour favoriser l’équilibre des rapports de force, renforcer les alliances et
les coopérations bilatérales ou européennes, mais aussi et surtout pour assurer
l’autonomie stratégique de la France . Une politique dynamique d’exportation de
matériel militaire est en effet indispensable pour maintenir une base industrielle
et technologique de défense autonome . Or, l’étroitesse du marché français ne lui
permet pas de supporter à lui seul les coûts de recherche, de développement et de
production des matériels de haute technologie équipant les forces armées . Cette
vision stratégique a conduit à mettre en place un système très complet de soutien
aux exportations de matériel militaire (Soutex) .
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Les pouvoirs publics s’impliquent
fortement dans le Soutex à travers
des structures et des mécanismes
nombreux, constituant un ensemble
cohérent et efficace . La direction
générale de l’armement (DGA) du
ministère des armées joue un rôle pivot
au sein de cet ensemble, qui mobilise
près de 900 agents des services de l’État
(ministères des armées, de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, de l’Europe
et des affaires étrangères), des niveaux
techniques aux plus hautes instances
politiques .
Ces mécanismes ont aidé la France à
se hisser au troisième rang des pays
exportateurs de matériel militaire et à
dégager un excédent commercial dans
ce secteur de plus de 7 Md€ en 2021 .
Les effectifs de certaines structures
concourant au Soutex mériteraient
toutefois d’être renforcés, notamment
à la DGA (mission de supervision des
opérations d’exportation et direction
technique), et à la direction générale
du Trésor (DG Trésor, bureau des
affaires aéronautiques, militaires et
navales) .
Afin de réduire la dépendance aux
grands contrats, ce soutien pourrait
être davantage mis au service des
petites et moyennes entreprises (PME)
en partageant des lignes directrices
d’analyse des marchés export, en
développant des programmes de
formation copilotés par la DGA, la
DG Trésor et les structures dédiées
en place . Il gagnerait aussi à associer
davantage les secteurs voisins des
biens à double usage (civil et militaire)
et de la sécurité, portés souvent par
les mêmes entreprises, aux enjeux
industriels et réglementaires proches .
L’organisation du soutien
à l’exportation de matériel
militaire
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’organisation du soutien à l’exportation
de matériel militaire
Prises de commandes de l’industrie française d’armement 2011-2021 en M€
6 516,9
4 817,2
6 873,9
8 217,6
16 921,6
13 942,8
6 940,8
9 118,2
8 322,1
4 860,6
0
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
14 000
16 000
18 000
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
2021
Prises de commandes en M€
11 720,4
Source : Cour des comptes, données du rapport au Parlement de 2022 sur les exportations
d’armement de la France
Ventilation du chiffre d’affaires militaire 2017 par types de sociétés*
Entreprises
exportatrices
de matériels militaires
Entreprises
non-exportatrices
de matériels militaires
Total des entreprises
industrielles
de la BITD française
25,2
4,3
29,5
2 % 14 %
84 %
20 %
25 %
55 %
4 %
16 %
80 %
PME
ETI
Grandes entreprises
Md€, %
Sources : EID 2017, DGDDI, OED
* Exportation de matériel militaire ou non.
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
2
Le contrôle des exportations
de matériel militaire
peut être rendu plus efficace
Réglementé et de nature politique,
le commerce des armes est soumis à
un régime dérogatoire d’autorisation
préalable, impliquant des contrôles
rigoureux, encadrés par des règles
internationales et européennes
pour délivrer et vérifier les licences
d’exportation . Mis en œuvre sous
l’autorité du secrétariat général de
la défense et de la sécurité nationale
(SGDSN), ce système de contrôle
paraît robuste en amont, malgré les
dysfonctionnements du système
d’information qui lui est associé et dont
les améliorations en cours pourraient
permettre de réduire les délais
d’instruction des demandes de licence .
Les trois commissions interministérielles
en place pour le contrôle de l’exportation
des matériels de guerre et assimilés, des
biens à double usage ainsi que des armes
civiles et des explosifs fonctionnent
de manière satisfaisante . Toutefois,
une meilleure coordination entre la
commission interministérielle pour
l’étude des exportations des matériels
de guerre (CIEEMG) et la commission
interministérielle des biens à double
usage (CIBDU) serait souhaitable pour
faciliter le classement de matériels et
éviter des avis divergents ou rendus
dans des délais différents portant sur
des matériels semblables .
1
Seulement 21 contrôles sur place ont été réalisés en 2021 contre une quarantaine avant 2018 .
La mise en place de licences de
contrats, initiée par la DGA, devrait
aussi contribuer à simplifier ce système,
de même que le transfert, souhaitable,
au SGDSN de la notification des
licences, actuellement assurée par
les services des Douanes . De plus, les
actions d’information, de formation et
d’orientation des PME mises en place
par la DGA pourraient être renforcées,
en lien avec la DG Trésor et la direction
générale des entreprises (DGE) . Cet
effort accru permettrait d’aider les
PME à mettre en œuvre les dispositifs
de conformité et à mieux connaître les
marchés, les procédures et les contacts
à mobiliser, afin d’accroître le volume
des contrats de moins de 200  M€ .
Il aiderait ainsi à lisser, sur la durée,
des performances à l’exportation
aujourd’hui très dépendantes des
grands contrats d’armement .
Ces dispositifs nécessiteraient aussi
d’être mutualisés aux secteurs
connexes de la sécurité et des biens
à double usage, y compris dans leur
dimension de soutien à l’exportation .
Enfin, le système de contrôle
a
posteriori
des licences pourrait être
amélioré, en augmentant le nombre
des contrôles sur pièces et sur place
1
La mise en œuvre, en tant que de
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le contrôle des exportations de matériel militaire
peut être rendu plus efficace
besoin, de sanctions dissuasives
envers les exportateurs ne respectant
pas la réglementation est également
indispensable pour renforcer la
crédibilité du système de contrôle .
Le contrôle des exportations
d’armement prend en considération
les préoccupations liées aux droits
de l’Homme, ainsi que les critères
européens en la matière, dans un
contexte de montée en puissance
des exigences éthiques, portées par
les parlements, les organisations
non gouvernementales (ONG) et les
opinions publiques . L’État doit anticiper
ces demandes éthiques et sociétales,
afin de mieux concilier ces exigences
avec l’exercice de la souveraineté de la
France et les impératifs d’exportation
et de compétitivité des entreprises des
secteurs de l’armement et de la sécurité .
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Essentiellement interétatique, le
commerce des matériels militaires
s’inscrit dans des contextes politiques
évolutifs pouvant conduire à
accélérer ou retarder la signature
de contrats, voire à les dénoncer et
à choisir d’autres partenaires . La
conclusion d’accords de partenariat
stratégique visant à créer un cadre
favorable ne prémunit pas contre
ces retournements, si ces accords
ne sont pas soutenus dans le temps
et portés par une volonté commune .
Pour répondre à la demande des pays
partenaires d’inscrire les contrats
militaires dans un cadre étatique
et en vue d’offrir des facilités aussi
structurées que les «
foreign military
sales
» des États‑Unis, la France a tenté
de mettre au point un outil global
pour structurer les ventes aux pays
étrangers . Elle n’y est pas parvenue,
faute de profondeur de ses stocks et
de capacité à imposer ses règles du
jeu . Elle a donc retenu, au cas par cas,
diverses formules pour répondre à
la demande de ses partenaires, dont
certaines laissent à la charge de l’État
des risques en cas de conflit entre le
fournisseur et le pays acheteur .
Outre un cadre interétatique, les pays
acheteurs demandent de plus en
plus de compensations («
offsets
»)
potentiellement risquées pour les PME
sous‑traitantes . Le développement de
la pratique des «
offsets
» conduit les
grands maîtres d’œuvre à rechercher
des fournisseurs locaux susceptibles de
bénéficier de transferts de technologies,
au risque de concurrencer leurs sous‑
traitants traditionnels . Il les amène aussi
à demander à ces mêmes sous‑traitants
de les accompagner et d’investir dans
des pays où des partenariats locaux
majoritaires sont souvent exigés et où
les règles de droit sont parfois instables .
Les travaux du département du
commerce américain ont montré que si
les «
offsets
» permettaient aux grands
groupes de remporter des grands
contrats, ils avaient un effet négatif sur
le tissu des PME nationales . Ce constat
conduit à préconiser à la DGA et à la DG
Trésor d’assurer une veille très attentive
sur cette question, non seulement en
assurant mieux le suivi des «
offsets
»
dans le cadre des outils existants, mais
aussi en mettant en place un système
de déclaration obligatoire donnant lieu
à un rapport annuel au Parlement .
3
Des risques nouveaux
tant pour l’État
que pour les entreprises
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’interdépendance industrielle globale
conduit l’industrie de l’armement
à dépendre partiellement des pays
fournisseurs . Or, l’incorporation de
composants étrangers aux matériels
fabriqués ou la coopération inter‑
étatique dans leur conception et leur
production soumet les exportations
aux réglementations de ces pays, ce
qui peut conduire à bloquer certaines
exportations françaises . Cela a ainsi
été le cas à la suite du refus de délivrer
des licences d’exportation des autorités
allemandes ou américaines . Un accord
bilatéral susceptible de résoudre ces
difficultés a été conclu avec l’Allemagne ;
il conviendra de s’assurer dans le temps
long de son bon fonctionnement .
S’agissant des États‑Unis, il apparaît
judicieux de s’émanciper le plus
possible de la dépendance aux
composants américains en dévelop‑
pant des solutions industrielles dites
«
Itar free
», dès la conception des
matériels . Ces risques doivent être
également prévenus dans le cadre des
programmes menés en coopération
avec des partenaires européens .
Par ailleurs, le développement des
réglementations européennes en
matière de taxonomie et d’écolabel
doit aussi susciter la vigilance, car ces
normes pourraient amener à évincer les
industries d’armement et de sécurité
des financements « verts » et restreindre
leurs possibilités de développement .
Enfin, la politique de soutien aux
exportations d’armement doit tenir
compte de l’acceptabilité par les opinions
publiques d’exportations de matériels
militaires et de sécurité vers des pays
en situation de crise ou susceptibles
de détourner ces équipements de leurs
objectifs légitimes initiaux, voire de les
utiliser à des fins répressives internes
ou d’agression externe . Ces problèmes,
pouvant donner lieu à des contentieux
judiciaires, doivent être anticipés et
prévenus, faute de quoi la capacité
de la France à poursuivre sa politique
d’exportation pourrait être entravée .
Des contraintes pour la capacité
exportatrice des industries
d'armement et de sécurité
4
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le soutien aux exportations est
devenu une mission à part entière
du ministère des armées avec une
très forte implication de la DGA, de
l’état‑major des armées (EMA) et des
forces . Ce ministère a mis en œuvre une
politique accompagnant les entreprises
exportatrices de la prospection à la
formation des armées utilisatrices . Bien
que des efforts aient été accomplis pour
mieux soutenir les PME, cette politique
bénéficie principalement aux grands
groupes . Aussi les efforts en faveur des
PME devraient‑ils être renforcés, tant
du point de vue de la formation que
du suivi des plans de portage que les
grands groupes sont supposés mettre
en œuvre pour les appuyer dans leur
développement international .
En amont, le ministère des armées
déploie une intense activité pour
soutenir les actions de prospection
et de promotion des exportations .
Il met en œuvre avec les autres
départements ministériels (le ministère
de l'économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique,
en particulier la DG Trésor, et le
ministère de l’Europe et des affaires
étrangères) et au sein de ses propres
services (DGA, EMA et armées) des
actions coordonnées au service des
grands contrats . Au sein du ministère,
une coopération renforcée entre la
DGA et l’EMA a été mise en place . Elle
permet de répondre à la demande des
pays clients ou des industriels, afin
d’accompagner ces contrats par des
prestations en matière de qualification
des matériels ou des personnels,
voire d’accélérer dans certains cas les
livraisons de matériels, ce qui constitue
un atout pour l’offre française .
Néanmoins, ces actions pèsent de plus
en plus sur les moyens des armées
qui sont impliquées tant dans les
opérations de prospection que dans les
exportations ou les actions de formation
qui les accompagnent . Alors que les
armées françaises sont amenées à être
déployées sur les théâtres d’opération,
elles sont parfois contraintes de se
priver temporairement de capacités
pour répondre aux demandes des
pays clients, parce que les industriels
ne sont pas en mesure d’accroître
rapidement leur production ou qu’ils
ne disposent pas de stocks suffisants .
Les conséquences (prélèvement
sur les stocks, prélèvements sur les
équipements, retard des livraisons,
mobilisation des moyens de
formation, etc .) ne sont évaluées ni
du point de vue financier, ni du point
de vue opérationnel . Les bénéfices
putatifs (baisse du prix unitaire des
équipements, amélioration du potentiel
des équipements de remplacement,
etc .) qui en résulteraient ne sont pas
davantage évalués mais posés comme
5
Les coûts de la politique
de soutien doivent être mieux
pris en compte
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les coûts de la politique de soutien
doivent être mieux pris en compte
des prédicats . Cette constatation
conduit la Cour à recommander qu’un
bilan coûts/bénéfices soit tiré des
différentes opérations de soutien et
que le ministère des armées cherche à
en obtenir une meilleure valorisation .
Cela concerne la facturation des
prestations techniques et des actions de
formation en situation opérationnelle,
dont les industriels ont parfois été
exonérés . Il en a été de même pour les
redevances que les industriels doivent
acquitter dès lors que l’État a participé
aux frais d’études, de recherche et
de développement des matériels .
Ces redevances restent d’autant
plus modestes que les principaux
industriels contributeurs en contestent
les modalités de calcul et répugnent à
les acquitter sans que le ministère des
armées mette tout en œuvre pour les
établir et les recouvrer rapidement .
Par ailleurs, les différentes parties
prenantes du ministère des armées
(DGA, EMA, armées) et du ministère
de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique
(DG Trésor) n’ont pas une vision
consolidée des actions entreprises au
bénéfice des industriels, alors qu’elles
font souvent l’objet de demandes
visant à améliorer le soutien qu’elles
accordent à ces entreprises . Elles
devraient partager ces informations, ce
qui pourrait être fait dans le cadre de la
commission des garanties et du crédit
au commerce extérieur qui statue sur
les garanties délivrées pour le compte
de l’État au titre de la politique de
financement des exportations .
Montants facturés annuellement au titre du Soutex par la DGA (en M€)
Montants
2018
2019
2020
2021
Total
15,55
26,88
21,05
20,40
Dont supérieurs à 1M€
11,45
16,34
18,06
15,16
Source : DGA
Facturation du Soutex par l’EMA (en M€)
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
AAE
7,05
23,2
164,5
94,1
89,3
43,2
18,2
8,6
AdeT
1,08
1,9
0,6
3,9
2,6
1,7
0,6
0,2
Mar .
0,18
1,6
1,9
0,4
0,3
0,2
0,2
0,4
Total
8,31
26,7
167
93,4
92,3
45,1
19
9,2
Source : EMA
Redevances perçues par la DGA (en M€)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
8,7
17,3
34,2
15,7
19,9
15,3
26,4
Source : DGA
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le ministère de l’économie, des
finances et de la souveraineté
industrielle et numérique est un
des acteurs incontournables de la
politique d’exportation, grâce à
l’ensemble des procédures de soutien
qu’il met en œuvre . Si certaines
d’entre elles sont peu ou pas utilisées
(assurance prospection, garantie
des investissements), les garanties
des contrats en cours d’exécution
sont au contraire très fortement
mobilisées, avec un encours de plus de
17 Md€ représentant près de 29 % du
portefeuille de l’assurance‑crédit géré
par Bpifrance assurance exportation
(AE) pour le compte de l’État . Bien
que la France applique volontairement
au secteur militaire l’ensemble des
dispositions résultant de l’Arrangement
de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE)
relatif aux crédits à l’exportation, elle
peut, en cas de concurrence avérée
pour des affaires majeures, y apporter
des aménagements .
La distribution géographique des
exportations françaises conduit à un
portefeuille d’assurance‑crédit très
concentré sur quelques pays dont
certains sont considérés à risque .
Cependant, les sinistres ou menaces
de sinistre intervenus au cours des
dix dernières années en matière
militaire ont résulté non pas d’une
défaillance des États emprunteurs
mais d’embargos ou de refus de
licence du fait des pays exportateurs .
L’embargo sur les exportations d’armes
destinées à la Russie, qui s’est appliqué
aux bâtiments de projection et de
commandement, a ainsi induit un coût
pour l’État supérieur à 400 M€ .
Au‑delà de ces risques, le financement
des exportations d’armement et de
matériel de sécurité par les banques
pourrait être rendu plus ardu en raison
de la possible exclusion de ces secteurs
de la taxonomie verte européenne .
Deux facteurs y contribuent : d’une
part la montée en puissance des
impératifs de responsabilité sociale
et environnementale et des règles de
conformité, et, d’autre part, l’appli‑
cation de mesures extraterritoriales,
notamment américaines . Aussi, à côté
des actions diplomatiques, et de celles
visant à s’émanciper des composants
étrangers, une action spécifique
est nécessaire pour parer ce risque .
Une utilisation renforcée des outils
dont dispose l’État pour financer ces
exportations (Bpifrance, Société de
financement local – Sfil, Caisse des
dépôts et consignations, prêts du Trésor,
lignes de crédit) doit être envisagée . En
outre, les financements multilatéraux
pourraient être davantage mobilisés
pour les exportations vers des pays
peu solvables .
6
Un important soutien financier
de l’État qui devra être
consolidé dans la durée
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un important soutien financier de l’État
qui devra être consolidé dans la durée
In fine
, la stratégie, constante et
efficace, mise en place par les pouvoirs
publics pour soutenir les grandes
entreprises du secteur de l’armement
porteuses des plus grands contrats
à l’exportation pourrait bénéficier
davantage aux entreprises plus
petites et au secteur des matériels
de sécurité . Elle doit être poursuivie
pour assurer le développement de ces
secteurs essentiels à l’indépendance
nationale .
Concours financiers pouvant être mis en œuvre au bénéfice des exportations
militaires et de sécurité
Développement /
industrialisation
Prospection
Négociation des contrats /
offres Exécution des contrats
Avance remboursable
ad hoc
(Airbus)
Assurance‑prospection
Garantie des préfinance‑
ments et des cautions
Garantie du contrat
commercial
Article 90 (spécifique
matériel de guerre)
Aides DGA aux salons
Garantie de l’appel
abusif des cautions
Garantie du crédit
Aides à l’investissement
Actions de Business France
Garantie de change
Garantie
des investissements
Stabilisation de taux
Source : CGA/IGF, Cour des comptes
Volume et part du secteur militaire dans le stock d’encours total de Bpifrance
2020
2018
2016
2014
2012
2010
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
60 000
70 000
80 000
Secteur militaire en M€
Secteur civil en M€
2011
2013
2015
2017
2019
2021
Source : DG Trésor
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Sur le modèle du plan stratégique
export de 2014, élargi aux biens
à double usage et aux matériels
de sécurité, élaborer des lignes
directrices d’analyse des marchés
export et les partager avec les
entreprises
(SGDSN, ministère des
armées, ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, ministère
de l’intérieur, ministère de l’Europe et
des affaires étrangères)
2.
Renforcer le contrôle
a posteriori
en termes de programmation et de
sanctions en cas de manquement à
la réglementation, et communiquer
le rapport d’activités du comité
ministériel du contrôle
a posteriori
à l’ensemble des membres de la
commission interministérielle pour
l'étude des exportations de matériels
de guerre ainsi qu’aux présidents
des commissions parlementaires
concernées
(ministère des armées)
3.
Réduire le délai moyen d’instruction
des demandes de licence soumises
à la CIEEMG
(SGDSN, ministère des
armées)
4.
Lancer un programme conjoint
de formation à l’exportation des
TPE et PME des secteurs de la
défense et de la sécurité (procédures,
classement des matériels, stratégie
et risque pays, soutiens financiers,
contrôle interne, enjeux juridiques,
interlocuteurs)
(ministère des armées,
ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique)
5.
Créer pour les entreprises du
secteur de la défense et de la sécurité
une obligation légale ou réglementaire
de déclarer les
offsets
et faire
annuellement rapport au Parlement
du suivi des
offsets
(ministère des
armées, ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique)
6.
Dans les plans de portage
qui accompagnent les dossiers
d’assurance‑crédit relatifs aux
grands contrats et dans le cadre des
conventions qui lient le ministère
des armées aux grands groupes
industriels, préciser la part des
offsets
et en détailler les modalités et le
contenu ; en assurer localement le
suivi sur pièces et sur place
(ministère
des armées, ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique)
7.
Établir pour les contrats conclus
à partir de 2022 un bilan financier
et capacitaire de chacune des
opérations de Soutex menées : coûts,
contreparties obtenues et objectifs de
contreparties à obtenir
(ministère des
armées)
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
8.
Faire preuve de davantage de
diligence dans l’établissement et le
recouvrement des redevances dues
par les industriels exportateurs
(ministère des armées)
9.
Relever les plafonds d’intervention
de Bpifrance en matière de crédits‑
acheteurs au bénéfice des PME .
À  moyen terme, examiner les
modalités selon lesquelles Bpifrance
(avec la Sfil) ou la Caisse des dépôts
et consignations pourraient pallier le
risque de désengagement des banques
françaises du financement des grands
contrats d’armement
(ministère
de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique)
10.
Mettre en place des lignes de
crédit au bénéfice des PME et des
ETI pour les pays cibles identifiés
dans les lignes directrices export
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique)
11.
Mieux partager les informations
concernant les financements
internationaux auxquels les
entreprises françaises pourraient
recourir pour développer leurs
exportations en Afrique
(ministère
des armées, ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, ministère
de l’Europe et des affaires étrangères)