ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
MOBILISER
LA COMMUNAUTÉ
ÉDUCATIVE
AUTOUR DU PROJET
D’ÉTABLISSEMENT
Rapport public thématique
Synthèse
Janvier 2023
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
1
Un projet d’établissement encore trop peu mobilisé
7
2
Des marges de manœuvre insuffisamment exploitées
8
3
Une autonomie juridique formelle et limitée
9
4
Renforcer les capacités d’action des chefs d’établissement 10
5
Moduler davantage l’allocation des moyens aux EPLE
11
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
En dépit d’une dépense nationale d’éducation supérieure à la moyenne des pays
de l’organisation de coopération et de développement économiques – OCDE –
(109 584 USD contre 105 502 USD pour l’éducation d’un élève de 6 à 15 ans
en 2021
1
), le système éducatif français peine à produire des résultats satisfaisants
et les difficultés que rencontre son pilotage, particulièrement centralisé, conduisent
à s’interroger sur la manière dont les établissements scolaires peuvent se mobiliser,
à leur niveau, pour bâtir et mettre en œuvre un projet pédagogique adapté aux
spécificités de leurs élèves, afin d’améliorer leur réussite, point focal de l’attention
des parents . Comme le montrent les enquêtes internationales, le système scolaire
français ne parvient pas à réduire les inégalités ; il tend plutôt à les creuser, malgré
les dispositifs mis en œuvre pour remédier aux situations les plus défavorables,
mais qui connaissent des limites .
En effet, malgré les objectifs d’égalité du système éducatif, l’ensemble des rapports
sur la mixité scolaire dans les établissements, tout comme les analyses sur les
différences de résultats aux examens nationaux et d’accès à la filière générale du
lycée, montrent à quel point l’uniformité nationale formelle peut s’accommoder
de larges inégalités réelles de traitement des élèves .
Par ailleurs, la décentralisation a amendé le pilotage strictement national de
l’éducation en transformant les lycées et les collèges en établissements publics
locaux d’enseignement (EPLE) . En confiant davantage de responsabilités aux
collectivités tout en maintenant les pouvoirs étendus de l’État, ce nouveau statut
invitait l’établissement à prendre toute sa place dans le pilotage pédagogique, en
mobilisant notamment les marges de manœuvre qui lui sont allouées . Adoptée par
la loi d’orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989, la notion de projet d’établissement
est venue compléter les modalités de pilotage de l’EPLE .
L’enquête menée par la Cour s’est attachée à dresser un état des lieux en analysant
la manière dont les EPLE se mobilisent autour de ce projet . Elle s’est intéressée à la
place de l’établissement public local d’enseignement au sein du système éducatif,
et à ses capacités d’action, telle que définies par les textes réglementaires .
1
OCDE, Regards sur l’éducation 2022,2022 .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
La Cour a pu mesurer combien ces établissements ont été, ces dernières
années, impactés par des dispositions normatives visant à la fois leurs missions
et leurs relations, notamment la loi n° 2019-79 du 26 juillet 2019 pour une
école de la confiance qui a renforcé la place de l'évaluation à tous les échelons
du système éducatif .
Ses travaux ont également analysé la place du chef d’établissement pour mieux
faire ressortir les ambiguïtés qui demeurent attachées à cette fonction . Un fossé
important existe ainsi entre la perception qu’ont les familles du rôle des chefs
d’établissement, et la réalité des leviers dont ces derniers disposent au quotidien
pour diriger leurs établissements .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Chacun des collèges et des lycées doit,
comme l’impose le code de l’éducation,
se doter d’un projet d’établissement,
fixant les choix pédagogiques et la
politique éducative de l’établissement
pour une durée de trois à cinq ans . Il
s’agit notamment d’adapter le cadre
scolaire national aux caractéristiques
des élèves de l’établissement, pour
favoriser leur réussite . La démarche,
engagée par le chef d’établissement,
est collective et vise, à partir d’un
diagnostic tiré de l’évaluation de
chaque établissement, à définir, avec
les représentants de la communauté
éducative, les modalités particulières
de mise en œuvre des orientations, des
objectifs et des programmes nationaux,
ainsi que du projet académique . Or, la
moitié des établissements ne sont pas
dotés d’un tel projet, et, parmi ceux qui
le sont, la qualité de la démarche et la
portée du document sont très inégales .
Question sondage « votre établissement
disposait-il d’un projet d’établissement
signé avec les services académiques ? »
Oui
50 %
Non
Source : Cour des comptes
1
Un projet d’établissement
encore trop peu mobilisé
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Au-delà de l’autonomie juridique que
les textes réglementaires accordent aux
EPLE, leur capacité d’action se décline à
plusieurs niveaux incluant la gestion des
ressources humaines, l’organisation pé-
dagogique des heures d’enseignement,
ou encore le pilotage pédagogique et
éducatif par la construction de leur
d’établissement, adapté aux besoins des
élèves et aux spécificités du territoire .
Force est cependant de constater que,
derrière l’affichage d’une autonomie
formelle, les marges de manœuvre des
établissements ne sont pas toujours
suffisamment saisies . Avec des
situations environnementales, sociales,
économiques et culturelles comparables,
et à moyens d’enseignement analogues,
deux établissements peuvent avoir des
résultats très différents en matière de
réussite scolaire .
La Cour a cherché à en comprendre
les raisons . Elle a également tenté
de mesurer le coût et l’efficacité
des moyens affectés aux EPLE, et
d’identifier les voies susceptibles d’en
améliorer l’efficience .
Face au creusement des inégalités
et aux résultats mitigés des élèves
français dans le cadre des évaluations
internationales, une amélioration
de l’organisation scolaire s’avère
indispensable . Pour cela, le ministère
doit se doter d’une véritable stratégie
reposant sur plusieurs piliers qui
lui font encore défaut, au premier
rang desquels devraient figurer un
renforcement du rôle des chefs
d’établissement et une refonte des
modalités d’allocation des moyens en
direction des EPLE .
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Des marges de manœuvre
insuffisamment exploitées
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Se fondant sur l’observation d’une
quarantaine d’établissements, la
Cour a cherché à comprendre quels
étaient les leviers à disposition
des établissements au service de
la réussite de leurs élèves, et la
façon dont ils s’en emparaient pour
préconiser des évolutions possibles .
Si les EPLE disposent juridiquement
d’une autonomie, les marges de
manœuvre dont ils bénéficient dans
les faits pour adapter leur organisation
pédagogique sont inégales . De
nombreux freins, autant liés à la
gouvernance des établissements qu’à
l’hétérogénéité des acteurs (institution
scolaire, enseignants, parents d’élèves,
collectivités territoriales) qu’il faut
parvenir à mettre en synergie, peuvent
en effet limiter la volonté des équipes
éducatives de se mobiliser .
Cette inégalité est le résultat d’une
combinaison de facteurs relevant, au
premier chef, d’un modèle de gestion
rigide et très centralisé . Peu de place
est en effet laissée à l’appréciation
des équipes éducatives face à une
administration ancrée dans une culture
de gestion « descendante » . Elle traduit
également la capacité variable des chefs
d’établissement à fédérer leurs équipes
pédagogiques . Enfin, la situation sociale
des élèves, de même que l’implantation
géographique de l’établissement sont
déterminantes dans les choix éducatifs
réalisés par un EPLE .
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Une autonomie juridique
formelle et limitée
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le chef d’établissement est un
acteur-clé dans la conduite d’un projet
pédagogique et éducatif . Il lui revient
d’engager une dynamique collective au
sein de l’établissement et d’en assurer
le suivi au quotidien .
Malgré cela, sa légitimité et la définition
de ses prérogatives souffrent d’insuf-
fisances . Si des évolutions positives
sont intervenues ces dernières années
pour renforcer son rôle d’encadrant de
proximité, les leviers à sa disposition,
notamment en matière d’évaluation
des enseignants, sont encore limités .
Les marges de manœuvre dont il
dispose ne suffisent pas pour lui
permettre de valoriser l’investissement
d’un enseignant impliqué dans la vie de
l’établissement, motiver son équipe et
mieux rétribuer ceux de ses membres
les plus investis .
Réponses des chefs d’établissement à la question « Les marges d’autonomie
dans la DHG vous paraissent-elles suffisantes ? »
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Collèges
REP et REP+
Collèges
hors EP
Lycées
LP
21,3 %
30,6 %
38,6 %
25,4 %
40,1 %
45,6 %
38,6 %
38,4 %
26,5 %
18,0 %
15,7 %
24,3 %
9,0 %
3,6 %
3,9 %
9,2 %
Non pas du tout
Non plutôt pas
Oui plutôt
Oui tout à fait
Nsp
En %
Source : Cour des comptes
Face à ce constat, la Cour appelle à
une évolution des conditions d’exercice
professionnel des chefs d’établissement
pour en faire de véritables cadres
dirigeants au sein de l’institution,
bénéficiant des prérogatives associées
à leur statut, sans pour autant étendre
leurs attributions actuelles en matière
de recrutement . Le ministère doit
accompagner cette évolution par un
renforcement de leur formation et de
leur accompagnement, ainsi qu’une
modernisation de la gestion de leur
carrière .
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Renforcer les capacités d’action
des chefs d’établissement
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le système scolaire français s’appuie
sur une logique d’allocation des moyens
éducatifs globalement uniforme, à
l’exception des établissements relevant
de l’éducation prioritaire et des moyens
de fonctionnement apportés par les
collectivités territoriales . Le critère
principal demeure, le plus souvent,
le nombre d’élèves fréquentant
l’établissement rapporté à un nombre
de divisions (classes) . Les résultats et
la situation sociale des élèves, tout
comme le contexte géographique
de l’établissement, ne sont pas pris
en compte de manière systématique
sur l’ensemble du territoire, certaines
académies déployant des modalités
d’allocation progressive des moyens
à partir d’indicateurs élaborés par
la direction de l'évaluation, de la
prospective et de la performance
(DEPP), quand d’autres s’en abstiennent .
Sous couvert d’un objectif d’égalité,
l’institution scolaire tend, en réalité,
à ne pas suffisamment corriger les
inégalités existantes . Pour contrecarrer
cette situation, la Cour estime que
l’efficience des moyens alloués aux
établissements serait mieux assurée
si les modalités d’allocation prenaient
davantage en compte les résultats
des évaluations et les contraintes
pesant sur le lieu d’implantation
de l’EPLE, et si elles étaient mieux
coordonnées avec les interventions des
collectivités territoriales .
5
Moduler davantage l’allocation
des moyens aux EPLE
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Veiller à ce que chaque EPLE
dispose d’un projet d’établissement
à jour, condition préalable à la mise en
œuvre d’une démarche d’évaluation
(MENJ).
2.
Engager une rationalisation des
outils de pilotage des établissements
en faisant du projet d’établissement
le document pivot permettant une
meilleure appropriation de l’action
stratégique de l’établissement
(MENJ)
3.
Confier au chef d’établissement
l’évaluation des enseignants du second
degré, en ménageant une possibilité
de recours auprès de l’inspecteur,
(recommandation réitérée)
(MENJ)
4.
Annualiser les obligations de service
des enseignants du second degré, en
quantifiant les missions individuelles
et collectives des enseignants assurées
en dehors des heures de cours
(recommandation réitérée)
(MENJ)
5.
Au sein de la dotation globale, laisser
à la main du chef d’établissement une
enveloppe permettant de valoriser
l’investissement d’enseignants
au regard des objectifs du projet
d’établissement
(MENJ)
6.
Réformer les modalités de
recrutement et de mutation des
chefs d’établissement en réservant à
l’échelon central la seule désignation
des postes spécifiques, des nouveaux
titulaires et des personnels changeant
d’académie
(MENJ)
7.
Intégrer, dans les modèles
d’allocation des moyens aux
établissements, des critères tenant
compte du profil des élèves scolarisés,
des caractéristiques spécifiques
de l’établissement, notamment
géographiques, et de la mise en œuvre
de projets particuliers en faveur de la
réussite des élèves
(MENJ)
8.
Favoriser la contractualisation
entre établissements, académies
et collectivités territoriales afin
d’intégrer une véritable logique
de complémentarité des moyens
apportés aux EPLE
(MENJ)