AUDIT FLASH
Décembre 2022
ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
TRACER LES CONTACTS DES
PERSONNES CONTAMINÉES
PAR LA COVID 19 : UNE
FORTE IMPLICATION DE
L’ASSURANCE MALADIE,
UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Exercices 2020-2021-actualisation à septembre 2022
COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
4
PROCÉDURES ET MÉTHODES
6
SYNTHÈSE
9
I - UN DISPOSITIF INÉDIT ET DE GRANDE AMPLEUR,
REPOSANT PRINCIPALEMENT SUR L’ASSURANCE MALADIE
9
A - Une implication de portée variable
des acteurs concernés
15
B - Des coûts significatifs pour l’assurance maladie
19
II - UN DISPOSITIF À L’EFFICACITÉ INCERTAINE DONT
LA DISPARITION EST PROGRAMMÉE FIN JANVIER 2023
20
A - Une grande majorité de personnes jointes
par l’assurance maladie, mais un recensement
de plus en plus incomplet des contacts
25
B - Une efficacité d’ensemble du
contact tracing
limitée
par des facteurs structurels
29
C - Une disparition programmée début 2023,
des enseignements à tirer
33
ANNEXES
4
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
PROCÉDURES ET MÉTHODES
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres
thématiques
1
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour
ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi
bien l’exécution de leurs contrôles, et enquêtes que l’élaboration des rapports
publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance institutionnelle
des juridictions financières et l’indépendance
statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations faites
lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et
recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent
être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y
a lieu, après audition des responsables concernés.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des procédures
de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou
plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au
moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur
et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses sont
présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
Le présent audit a été conduit sur le fondement des articles L.111-2 et
suivants du code des juridictions financières. Il est rendu public en vertu
des dispositions de l’article L.143-1 alinéa 2 du même code. Contrairement
à d’autres publications de la Cour des comptes, il ne donne pas lieu à un
rapport exhaustif sur un organisme ou une politique publique mais permet de
dresser dans un délai resserré un état des lieux factuel sur un dispositif public
bien délimité.
1. La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
COUR DES COMPTES
5
L’audit a été effectué par la Sixième chambre de la Cour selon plusieurs
modalités complémentaires :
- la réalisation d’entretiens et le recueil d’éléments documentaires auprès des
administrations et organismes auxquels l’enquête a été notifiée : la direction
générale de la santé (DGS), le secrétariat général des ministères chargés des
affaires sociales (SGMAS), l’agence nationale de santé publique ou Santé
publique France (SPF), la caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et
deux caisses primaires d’assurance maladie de son réseau (Hauts-de-Seine
et Rouen-Elbeuf-Dieppe), ainsi que deux agences régionales de santé (Île-de-
France et Normandie) ;
- l’analyse des données suivies par l’assurance maladie en ce qui concerne les
personnes dépistées positives et leurs cas contact ;
- l’exploitation des données de Santé Publique France et des études publiées en
France et en Europe en vue d’apprécier l’incidence du
contact tracing
sur les
chaînes de contamination.
Le projet d’audit a été préparé, puis délibéré le 13 septembre 2022, par la sixième
chambre présidée par Mme Véronique Hamayon, présidente de chambre, et
composée de Mme Anne Mondoloni, conseillère maître, MM. Laurent Rabaté,
François de La Guéronnière, David Appia, Stéphane Seiller, Nicolas Fourrier,
Gilles Bizeul, conseillers maîtres, M. Yves Guégano, conseiller maître en service
extraordinaire, ainsi qu’en tant que rapporteurs Mme Gala Munforte et
M. Ollivier Vacchino, conseillers maître en service extraordinaire, et en tant que
contre-rapporteur, M. Jean-Pierre Viola, conseiller maître.
Il a été examiné le 11 octobre 2022, par le comité du rapport public et des
programmes de la Cour des comptes, composé de M. Moscovici, Premier
président, Mme Camby, rapporteure générale du comité, M. Andréani,
Mme Podeur, M. Charpy, Mme Démier, M. Bertucci, Mme Hamayon et
M. Meddah, présidents de chambre, M. Martin, M. Advielle, M. Lejeune et
Mme Renet, présidents de chambre régionale des comptes, et M. Gautier,
Procureur général, entendu en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site
internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr.
6
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
SYNTHÈSE
2. Contaminations recensées dans SiDep de mars 2020 à août 2022. L’enquête de la Cour a pris en
compte les résultats des tests enregistrés dans SiDep et,
a contrario,
pas ceux des auto-tests qui n’y
sont pas retracés.
3. Données Santé Publique France et Data.gouv.fr
4. La Cour a porté de premiers constats sur ce dispositif dans son rapport sur l’application des lois de
financement de la sécurité sociale publié en octobre 2021 (chapitre IV « Les organismes de sécurité
sociale dans la crise sanitaire, premiers constats »).
L’identification des personnes cas contact à risque ou
contact tracing
Entre 2020 et août 2022, 34,5 millions de cas de contamination à la covid 19
2
ont
été identifiés en France (hors résultats des auto-tests). Plus de 150 000 personnes
sont décédées, dont près de 126 400 à l’hôpital
3
.
Le
contact tracing
, déployé à partir de mai 2020 à la sortie du premier confinement
4
,
est l’un des outils de lutte contre cette épidémie. Il consiste à joindre, par téléphone,
par SMS ou par courriel, les personnes dépistées positives afin qu’elles recensent les
personnes avec lesquelles elles ont eu un contact à risque, puis à prendre l’attache
de celles-ci, en préservant l’anonymat des personnes positives, et à utiliser ces
échanges pour communiquer des consignes de prévention (tests pour détecter une
contamination pour les personnes contact ou une guérison pour celles positives ;
isolement dans l’attente ou à la suite de leurs résultats).
L’implication de l’assurance maladie dans une mission de santé publique inédite,
de grande ampleur et évolutive
Dans l’urgence, l’assurance maladie a créé un nouveau système d’information, mis
en place des plateformes départementales d’enquêteurs, recruté des milliers de
contractuels à durée déterminée, puis indéterminée pour stabiliser les effectifs et
adapté continûment son dispositif.
Depuis mai 2020, l’assurance maladie a joint plus de 32 millions de personnes
dépistées positives et près de 22,7 millions de personnes contact, d’abord par
téléphone puis essentiellement par SMS ou par courriel.
Au total, les dépenses liées au
contact tracing,
notamment de personnel, pourraient
dépasser 600 M€ au titre des trois années 2020 à 2022.
Une efficacité globale incertaine
Sans le
contact tracing,
il est vraisemblable que les contaminations auraient été
plus nombreuses ou rapides et leur incidence plus forte sur les hôpitaux, mais ces
impacts ne peuvent être quantifiés en l’absence d’évaluation scientifique.
COUR DES COMPTES
7
L’assurance maladie est parvenue à joindre plus de neuf personnes sur dix dépistées
positives ou qui lui ont été déclarées comme cas contact et plus de 90 % des
personnes positives jointes l’ont été dans les 24 heures suivant l’annonce du résultat
du test. En revanche, seules 70 à 80 % des personnes contact ont été jointes dans les
24 heures suivant leur recensement.
Surtout, l’assurance maladie n’est parvenue à recenser qu’une partie,
potentiellement minoritaire, des personnes contact. En moyenne, une personne
dépistée positive sur deux ne lui a déclaré aucune personne contact en 2020 et
en 2021. En augmentant sa charge de travail, les vagues épidémiques ont conduit
l’assurance maladie à alléger ses procédures de recherche des cas contact. Devant
l’impact des 5
e
à 7
e
vagues sur le nombre de personnes à contacter, l’assurance
maladie a dématérialisé l’essentiel des procédures de traçage. Or, l’envoi de SMS aux
personnes positives pour les inviter à télédéclarer leurs contacts sur un site internet
entraîne moins de déclarations de cas contact que les appels téléphoniques. Près
de 90 % des personnes positives n’en ont déclaré aucun au premier semestre 2022.
En outre, les rares éléments d’analyse disponibles font apparaître un respect partiel
par les personnes positives et par leurs contacts des consignes de prévention
qu’elles ont reçues, ce qui n’a pu qu’amoindrir l’efficacité du
contact tracing
.
Un dispositif en voie d’extinction, des enseignements à tirer
La vaccination est devenue le principal instrument de lutte contre l’épidémie, alors
que le
contact tracing
ne recense plus qu’une part réduite des personnes contact
(moins de 0,5 en moyenne par personne positive en juillet 2022, contre près de 2,5
en novembre 2021).
La loi du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre
l’épidémie liée à la covid 19 conduit à interrompre ce dispositif au 31 janvier 2023,
après la nouvelle vague épidémique qui a débuté et potentiellement au cours d’une
nouvelle vague en hiver. Les effectifs consacrés par l’assurance maladie au
contact
tracing
ont été fortement réduits (350 ETP de CDD-CDI en septembre 2022, contre
6 500 en moyenne en 2021).
Il apparaît cependant essentiel que les outils, procédures et effets d’apprentissage
du
contact tracing
soient valorisés pour l’avenir. Dans l’éventualité de la survenance
de nouvelles épidémies de grande ampleur ou d’une virulence accrue de celle de
la covid 19 (dans l’hypothèse où la protection apportée par les vaccins disponibles
deviendrait insuffisante), il convient de permettre aux pouvoirs publics d’activer
rapidement un dispositif opérationnel et plus performant dans l’attente d’une
couverture vaccinale efficace.
8
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Les principaux enseignements de l’enquête
Le traçage des personnes contact à risque de personnes dépistées positives,
ou
contact tracing,
est un dispositif de prévention de la covid 19, devenu
secondaire à la suite de la montée en charge de la vaccination.
L’assurance maladie s’est fortement impliquée dans cette mission de santé
publique inédite et de grand ampleur et a joint dans des délais rapides
plusieurs dizaines de millions de personnes positives et de personnes contact.
Cependant, elle n’est parvenue à recenser qu’une partie des personnes contact.
Le remplacement des appels téléphoniques par des demandes par SMS de
déclaration des contacts sur internet s’est accompagné d’une chute des
nombres de contacts déclarés. L’efficacité du
contact tracing
a par ailleurs été
affectée par des facteurs sur lesquels l’assurance maladie ne pouvait avoir prise
(non-respect des consignes de prévention données).
Alors que le
contact tracing
va s’arrêter fin janvier 2023, il convient de procéder
à une évaluation scientifique de son impact sur les chaînes de contamination
de la covid 19 afin de concevoir un dispositif plus efficace dans l’éventualité de
nouvelles épidémies.
RECOMMANDATION
• Recommandation
unique
À partir d’une évaluation scientifique de l’impact du
contact tracing
sur les chaînes de contamination de la
covid 19, concevoir un dispositif de crise visant à rompre
ces chaînes et pouvant être activé puis désactivé dans
des délais rapides dans l’éventualité de nouvelles
épidémies de grande ampleur (ministère de la santé et
de la prévention, SPF, Cnam).
COUR DES COMPTES
9
Afin de protéger la santé de la population,
notamment des personnes les plus fragiles,
et de prévenir le débordement du système
de santé, tout particulièrement des hôpitaux
publics, les pouvoirs publics ont mis en œuvre
une stratégie de santé publique fondée sur
le triptyque Tester-Tracer-Isoler, puis Tester-
Alerter-Protéger (TAP), complétée par la
vaccination à partir de décembre 2020
5
.
La recherche des sujets contacts à des fins de
prévention est une démarche habituelle de
santé publique, mise en œuvre par les agences
régionales de santé (ARS) en liaison avec les
établissements et professionnels de santé et
Santé Publique France (SPF) pour 36 maladies
à déclaration obligatoire. Dès l’alerte donnée
par l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
fin 2019, les ARS ont appliqué les procédures
relatives aux maladies émergentes.
Dans un avis du 20 avril 2020
(« Sortie
progressive de confinement, prérequis et
mesures phares »),
le Conseil scientifique
covid 19 a proposé une stratégie comprenant
le déploiement d’« un service professionnalisé
de santé publique de détection, de suivi,
d’isolement des cas et de leurs contacts »,
fondé sur :
- des plateformes professionnalisées
territoriales reliées aux résultats des tests
et disposant des informations permettant
d’appeler les cas répertoriés et leurs contacts
et de proposer une solution d’isolement ;
- des équipes mobiles ciblant les populations
isolées ou précaires ou en cas d’éclosion de
foyers de transmission ;
- des outils numériques en cours de
développement.
Le Gouvernement a alors décidé le
déploiement d’un dispositif d’identification
des personnes ayant eu un contact à risque
(dites personnes contact ou cas contact) avec
des personnes dépistées positives à la covid 19
(dite personnes positives) – le
contact tracing
6
– adapté à l’échelle inédite de l’épidémie. Des
dispositifs similaires ont été mis en œuvre
dans plusieurs pays européens (notamment
l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, l’Italie et
le Royaume-Uni).
Le
contact tracing
a été conçu, avant
tout, comme un outil de prévention non
contraignant, respectueux des libertés
individuelles, proposant à la population un
accompagnement personnalisé en cas de
dépistage positif ou de contact à risque.
A - Une implication de portée variable
des acteurs concernés
Au regard de besoins alors estimés à
60 000 cas contact par jour, la stratégie définie
en mai 2020 prévoyait la mise en œuvre sur
l’ensemble du territoire national d’un
contact
tracing
individuel, assuré par les professionnels
de santé et par l’assurance maladie, et d’un
contact tracing
collectif, confié aux ARS. Cette
5. En décembre 2020, le Gouvernement a annoncé une stratégie vaccinale donnant la priorité à la protection des
personnes les plus vulnérables ; en mai 2021, la vaccination a été généralisée à l’ensemble de la population. La stratégie
a alors été renommée TAP2.
6. Le
contact tracing
est la terminologie employée par le Gouvernement, par référence à celle retenue par l’OMS.
SPF utilise la terminologie « traçage des personnes contact ». Dans le cadre de ce rapport, ces termes sont employés
indifféremment, ainsi que ceux, à caractère générique, d’identification des contacts ou de recherche des contacts.
I - UN DISPOSITIF INÉDIT ET DE GRANDE AMPLEUR,
REPOSANT PRINCIPALEMENT SUR L’ASSURANCE MALADIE
10
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
7. Contact Covid a connu 77 versions successives depuis mai 2020, traduisant des évolutions de la doctrine ou des
demandes de Santé Publique France.
8. Ces cellules doivent coordonner les mesures de gestion mises en œuvre en cas d’événement susceptible de menacer
la santé de la population.
9. Les CIRE peuvent mener des investigations épidémiologiques lors de situations inhabituelles (maladies rares, cas
groupés, épidémies, etc.).
10. Pilotées par les préfectures, les CTAI rassemblent les opérateurs locaux susceptibles d’évaluer les besoins d’isolement,
de mettre en place des prestations dans ce sens et d’organiser la prise en charge d’hébergement des personnes
contaminées.
activité prenait appui sur deux applications
informatiques sécurisées : SiDep, développé
par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
(AP-HP) sous la maîtrise d’ouvrage de la
Direction générale de la santé (DGS), pour
l’enregistrement des tests de dépistage à la
covid, et Contact Covid, développé par la Cnam
pour celui des personnes positives et de leurs
cas contact . Cette organisation a par la suite
évolué.
1 - Les ARS, une double fonction
d’opérateur du traçage collectif
et d’animation régionale
À partir d’une évaluation des risques de
dissémination au sein de collectivités
d’individus (lieux de travail ou de vie collectif,
établissements de santé, médico-sociaux ou
sociaux) ou à l’occasion de rassemblements, le
contact tracing
collectif a pour objet d’émettre
des mesures de prévention et de gestion à
caractère collectif.
Selon la vulnérabilité des collectivités
concernées ou de leurs membres (dès le
premier cas pour les établissements médico-
sociaux accueillant des personnes âgées ou
handicapées), ou le nombre de cas constatés
(constat d’un foyer de contagion ou cluster dès
trois cas sur sept jours dans les collectivités),
un signalement peut être transmis à l’ARS par
l’assurance maladie ou par d’autres acteurs.
L’ARS effectue alors des investigations visant
à définir des mesures de nature à circonscrire
les contaminations : isolement des personnes
cas contact ; fermetures temporaires totales
ou partielles de structures ou de services ;
dépistages collectifs ; intervention de renforts
(comme les infirmiers mobiles d’hygiène dans
les Ehpad) ; reconfiguration des lieux et flux
de personnes pour éviter la mise en contact de
groupes d’individus contaminés ou à fort risque
de contamination des autres (par exemple dans
les restaurants collectifs).
Le traçage collectif des contacts a donné lieu
à des partenariats locaux rassemblant les
cellules de veille, d’alerte et de gestion sanitaire
(CVAGS) des ARS et d’autres acteurs régionaux
ou départementaux : l’assurance maladie, les
cellules d’intervention en région (CIRE ) de SPF,
des professionnels libéraux, des établissements
de santé et médico-sociaux, les services de
santé au travail, des médecins de la protection
maternelle et infantile, l’éducation nationale et
les préfectures au titre des cellules territoriales
d’appui à l’isolement .
La plupart des personnes contact ont été
identifiées par les structures collectives elles-
mêmes, avec l’appui méthodologique des
ARS. En revanche, l’assurance maladie a été
le principal pourvoyeur de signalements de
collectivités à risque, d’après l’ARS Île-de-France.
Il n’existe pas de données nationales
spécifiques sur le nombre total de
signalements de cas positifs traités par les ARS
et sur les mesures de gestion visant à limiter les
contaminations qu’elles ont mises en œuvre.
En effet, chaque ARS a mis en place son propre
COUR DES COMPTES
11
11. Instruction Minsanté-99 du 5 mai 2020 modifiée les 6 et 9 mai 2020.
12. Les médecins généralistes ont enregistré 14 % des personnes positives en 2020 et seulement 3 % en 2021. À la
suite de la mise sur le marché des tests antigéniques en septembre 2020, les pharmaciens ont effectué 12 % des
enregistrements en 2021, contre 1 % en 2020.
13. Au total, l’assurance maladie a supporté 18,7 M€ de dépenses à ce titre.
outil de suivi, doté de fonctionnalités limitées
comme constaté pour les ARS Île-de-France
et Normandie. Il n’a pas non plus été effectué
d’étude de niveau national sur la portée de
l’activité des ARS pour la prévention de la
diffusion de la covid 19, pour ce qui concerne
notamment le
contact tracing
collectif.
Le ministère de la santé a confié aux ARS
11
la
responsabilité
« de la coordination générale
du dispositif de contact tracing et de la mise en
œuvre du niveau 3 du dispositif ».
En pratique,
elles ont joué un rôle d’animation des acteurs
du
contact tracing
.
2 - Une participation limitée des
professionnels de santé au
contact tracing
individuel
Le
contact tracing
individuel opère une
prévention ciblée sur les personnes positives
à la covid 19 et celles qui ont eu un contact à
risque avec ces dernières.
Le médecin de ville devait jouer un rôle central,
en prenant en charge les personnes positives,
en traçant les personnes du foyer et en leur
indiquant la conduite à tenir. En deuxième
niveau, l’assurance maladie devait tracer les
personnes contact extérieures au foyer du
patient ; le médecin avait cependant la faculté
d’effectuer tout ou partie de ce traçage.
La comparaison des nombres de fiches de
personnes positives et de leurs cas contacts
créées sous Contact Covid par des professionnels
de santé fait apparaître une contribution
croissante, mais globalement limitée de leur
part, au
contact tracing
. Ainsi, ils ont créé un
million de fiches de personnes positives en 2020
et 2,4 millions en 2021, soit respectivement
16 % et 15 % des nombres totaux de fiches en
question
12
. Au cours de la même période, ils ont
créé 180 000 fiches (2020) et 500 000 fiches
(2021) au titre des cas contact, soit 4 % de leur
total pour chacune de ces deux années. L’écart
entre ces deux séries de pourcentages indique
que les professionnels de santé ont peu investi la
mission de
contact tracing
.
Malgré des communications visant mobiliser
les médecins, leur participation au
contact
tracing
a chuté à partir de juillet 2020, date à
laquelle la prescription médicale des tests de
dépistage, qui les plaçait au centre de la prise en
charge de la covid 19, a été levée. Ainsi, en 2020,
547 000 consultations médicales ont fait l’objet
de la majoration tarifaire spécifique de 30 euros
au tarif de base de la consultation de 25 euros,
intégralement prise en charge par l’assurance
maladie et visant à rémunérer la recherche
de personnes contact par les médecins. Pour
autant, le nombre des consultations a chuté
à 75 700 en 2021, avant que la majoration ne
soit supprimée au 1
er
avril 2022
13
. Par ailleurs,
la mise sur le marché des tests antigéniques
en septembre 2020 a eu des effets limités sur
la participation des pharmaciens au
contact
tracing
: en 2021, ils ont été à l’origine de 3 %
des enregistrements de personnes contact
(410 000 fiches), tandis que ceux effectués par
les médecins généralistes ont chuté à moins de
1 % (60 000 fiches).
12
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
3 - Une activité intense de l’assurance
maladie, devenue entièrement
dématérialisée
Grâce à la déclaration au laboratoire d’analyses
biologiques ou au pharmacien de leur numéro
de téléphone portable et/ou de leur adresse
courriel, les personnes dépistées positives sont
destinataires de messages adressés par courriel
et SMS par SiDep (consignes sanitaires, lien
vers le site de l’assurance maladie pour déclarer
les contacts et le cas échéant demander un
arrêt de travail dérogatoire)
14
.
Au titre du
contact tracing,
l’assurance maladie
devait de surcroît appeler à J+1 toutes les
personnes positives afin d’identifier avec
elles leurs contacts à risque, en complément
des professionnels de santé, puis appeler ces
personnes contact. Ces entretiens personnalisés
devaient freiner les contaminations, favoriser
l’adhésion aux mesures individuelles
d’isolement et de dépistage, répondre aux
interrogations et rassurer.
Au-delà de l’information apportée
spontanément par les personnes positives à
leur entourage, l’intervention de l’assurance
maladie était de nature à assurer la diffusion
de consignes de prévention, en préservant
l’anonymat des personnes positives, auprès
de personnes exposées à un risque de
contamination et auxquelles elles n’avaient
pas songé ou ne souhaitaient pas s’adresser
directement.
Dans un premier temps, l’assurance maladie
a mis en place dans chaque département une
plateforme de
contact tracing,
ouverte de
8 heures à 19 heures, y compris le week-end,
rattachée à la caisse primaire d’assurance
maladie (CPAM).
En 2020, l’assurance maladie a enregistré et
contacté 2,5 millions de personnes positives
et 5 millions de cas contact, puis, en 2021,
7,2 millions de personnes positives et
11,8 millions de cas contacts. Entre janvier
et juillet 2022, elle a joint près de 23 millions
de personnes positives et 7,2 millions de cas
contact. Au total, 56,7 millions de personnes
ont été contactées entre mai 2020 et juillet
2022. À titre de comparaison, l’assurance
maladie a reçu sur le numéro téléphonique
3646 ouvert aux assurés 22,6 millions d’appels
en 2020 et 29,3 millions en 2021.
Comme le montre le graphique suivant, les
nombres de personnes positives et de cas
contact à joindre par l’assurance maladie ont
connu d’amples variations, en fonction des
vagues épidémiques. La 5
e
vague liée au variant
Omicron, puis la 6
e
vague imputable au sous-
variant BA2 ont suscité, entre décembre 2021
et avril 2022, un nombre inédit de contacts
à prendre avec des personnes positives,
y compris après le pic de janvier 2022 (plus
de neuf millions en janvier 2022 et près de
trois millions pour chacun des trois mois
suivants). La 7
e
vague liée notamment au sous-
variant BA5 s’est traduite par 2,5 millions de
personnes positives en juillet 2022. Le nombre
de personnes contact jointes par l’assurance
maladie a également été très important : près
de 9 millions de décembre 2021 à juillet 2022.
14. Ce dispositif concerne les personnes dépistées positives au moyen d’un test RT-PCR en laboratoire ou d’un test
antigénique en pharmacie, mais pas celles dépistées par un autotest seul, dont les résultats ne sont pas intégrés à SiDep.
COUR DES COMPTES
13
Graphique n° 1 : évolution des nombres de personnes positives et de cas contact
recensés par l’assurance maladie
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
10 000
10 500
Milliers
Mai 2020
Juin 2020
Juillet 2020
Août 2020
Septembre 2020
Octobre 2020
Novembre 2020
Décembre 2020
Janvier 2021
Février 2021
Mars 2021
Avril 2021
Mai 2021
Juin 2021
Juillet 2021
Août 2021
Septembre 2021
Octobre 2021
Novembre 2021
Décembre 2021
Janvier 2022
Février 2022
Mars 2022
Avril 2022
Mai 2022
Juin 2022
Juillet 2022
Vague 1
Vague 2
Vague 3
Vague 4
Vague 5
Vague 6
Vague 7
Nombre de personnes positives au Covid
Nombre de cas-contacts
Semaine
du 2 novembre
Pic épidémique
Semaine
du 23 mars
Semaine
du 2 novembre
Semaine
du 29 mars
Semaine
du 9 août
Semaine
du 24 janvier
Semaine
du 31 mars
Semaine
du 14 juillet
Note de lecture : le nombre de personnes positives en janvier 2022, soit 9,4 millions, n’est pas représenté à l’échelle dans
le graphique.
Source : Cour des comptes, d’après les données de la Cnam
L’assurance maladie s’est adaptée dans des
délais rapides au contexte fortement évolutif
de l’épidémie. Le graphique suivant détaille les
interactions entre l’évolution de l’épidémie et
celle du dispositif mis en œuvre jusqu’au début
de l’année 2022.
14
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Graphique n° 2 : évolution du dispositif de traçage des contacts
(mars 2020 – février 2022)
Vague 1
Vague 2
Vague 3
Vague 4
Vague 5
70.100
47.551
29.479
483.117
mars 20
avril 20
mai 20
juin 20
juil. 20
août 20
sept. 20
oct. 20
nov. 20
déc. 20
janv. 21
fév. 21
mars 21
avril 21
mai 21
juin 21
juil. 21
août 21
sept. 21
oct. 21
nov. 21
déc. 21
janv. 22
fév. 22
• Apparition du virus de la Covid19
• Traçage manuel réalisé par les ARS
• Consignes ministérielles (Minsanté du 5 mai 2020)
• Déconfinement progressif
• Stratégie TAP (Tracer Alerter Protéger)
• Traçage de niveau 1 à la main des médecins de ville
et établissements de santé
• Traçage de niveau 2 réalisé par l’assurance maladie
par appel aux patients 0 et aux personnes contacts
• Traçage de niveau 3 confié aux ARS
• Dématérialisation partielle du traçage N1 par l’assurance maladie :
envoi d’un message aux personnes contacts
• Variant Alpha
• Stratégie TAP 2 : accompagnement social et sanitaire, SMS
conversationnels, lancement du site BriserLaChaîne permettant
aux patients 0 (P0) de pré-identifier leurs personnes contacts
• Variants Béta et Gamma
• Expérimentation puis déploiement du rétro-tracing
• Apparition de nouveaux variants
• Généralisation progressive du rétro-tracing
• Tracing renforcé (fin du suivi des variants, remplacé par le rappel
des P0 sans PC)
• Variant Delta
• Arrêt du rétro-tracing
• Fin du tracing renforcé
• Reprise du tracing renforcé (2
e
appel P0 sans PC)
• Reprise du rétro-tracing (arrêt mi-novembre)
• Variant Omicron
• Dématérialisation du contact tracing suite à la reprise épidémique
• Adaptation des messages P0 et PC (consignes différentes
selon le statut vaccinal)
• Mise en production d’un téléservice permettant aux P0
de déclarer leurs PC en ligne
• Traitement des appels entrants
• Appels sortants maintenus uniquement pour les P0 et PC
sans téléphone portable
Note de lecture : le nombre de nouveaux cas s’entend par jour. Les personnes positives sont dites P0 et les personnes
contact PC.
Source : Cnam
À la suite du déploiement de la vaccination,
l’assurance maladie a réduit la place des appels
téléphoniques et dématérialisé de plus en
plus les échanges avec les personnes positives
et les personnes contact. L’émergence fin
2021 du variant Omicron, dont la contagiosité
a démultiplié le nombre de personnes
contaminées, l’a conduite à dématérialiser,
sauf exception, la relation avec les personnes
positives et leurs contacts afin d’absorber des
volumes d’activité considérablement accrus.
Depuis juillet 2022, le
contact tracing
est
entièrement dématérialisé.
COUR DES COMPTES
15
La dématérialisation croissante du
contact tracing
À partir de novembre 2020, les personnes positives ont reçu un SMS leur permettant de
préparer l’entretien téléphonique avec l’enquêteur sanitaire. Les cas contact ainsi renseignés
recevaient alors, à leur tour, un SMS les renvoyant vers le site de l’assurance maladie et
précisant les informations relatives aux mesures sanitaires et à leurs droits. L’assurance
maladie a continué à appeler les personnes contact qui ne se rendaient pas sur ce site.
Fin 2021, la dématérialisation s’est poursuivie. En décembre 2021 et janvier 2022, les
personnes positives ont été invitées par SMS à alerter elles-mêmes leurs cas contacts, qui
n’étaient ainsi plus recensés par l’assurance maladie. Début février 2022, la Cnam a mis en
ligne le téléservice « Lister mes cas contacts » afin de dématérialiser l’ensemble du dispositif.
Ce téléservice aide les personnes positives à identifier leur période de contagiosité et les
situations à risque et permet d’informer automatiquement les cas contact par SMS. Les appels
téléphoniques sont alors devenus résiduels, les enquêteurs sanitaires n’appelant plus que les
personnes positives n’ayant pas renseigné au préalable leur numéro de téléphone portable.
Depuis juillet 2022, le
contact tracing
est entièrement dématérialisé : l’assurance maladie ne
passe plus d’appels, même aux personnes pour lesquelles elle ne disposait pas au préalable des
coordonnées téléphoniques ; elle continue en revanche à traiter des appels entrants.
Compte tenu de cette dématérialisation intégrale, les personnes n’ayant pas communiqué au
préalable leur numéro de téléphone portable ne reçoivent pas de SMS de l’assurance maladie les
invitant à déclarer leurs cas contact. Elles représentent une part réduite des assurés (moins de
5 %) et restent en revanche destinataires des messages adressés par SiDep par courriel et SMS.
B - Des coûts significatifs
pour l’assurance maladie
Entre 2020 et 2022, l’assurance maladie
pourrait supporter plus de 600 M€ de dépenses
administratives au titre du
contact tracing,
dont un peu plus de 500 M€ en interne et près
de 110 M€ pour la couverture de dépenses des
ARS et de l’État.
1 - Une hausse du budget administratif
de l’assurance maladie pour recruter
plusieurs milliers d’agents, désormais
en nombre réduit
La Cnam estime à un peu plus de 500 M€
en cumul entre 2020 et 2022 les dépenses
administratives directement liées au
contact
tracing :
dépenses de personnel liées au
recrutement de contractuels à durée
déterminée (CDD) et indéterminée (CDI), autres
dépenses de fonctionnement (intérimaires,
communications téléphoniques et par SMS) et
dépenses d’investissement (équipement des
plateformes et de leurs agents). Le montant
constaté pour 2021 représente près de 5 % du
montant total des dépenses brutes de gestion
administrative de l’assurance maladie. Celui
indiqué ci-après pour 2022 correspond à une
estimation du mois de juillet 2022, qui tient
compte du recalibrage à la baisse des moyens
des plateformes de
contact tracing
décidé en
mai 2022, renforcé par la dématérialisation
complète du dispositif (voir I.A.3.
supra
).
16
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Tableau n° 1 : dépenses directes de l’assurance maladie au titre du
contact tracing
(en M€)
Graphique n° 3 : évolution des effectifs affectés au
contact tracing
par l’assurance maladie (ETP en moyenne mensuelle)
2020
(exécuté)
2021
(exécuté)
2022
(prévision
juillet)
Total
Dépenses de personnel
71,0
233,6
91,5
396,1
Autres dépenses de fonctionnement
2,5
23,9
75,0
101,4
Dont intérim
0,0
7,9
48,3
56,2
Investissements
0,9
3,9
-
4,8
Total
74,4
261,4
166,5
502,3
0
10 000
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
3 050
2 387
1 175
1 935
5 575
5 152
6 185
7 848
9 448
9 048
7 948
6 614
5 595
6 086
6 284
4 110
3 618
4 665
5 309
4 606
8 142
8 150
mai 2020
juin 2020
juillet 2020
août 2020
septembre 2020
octobre 2020
novembre 2020
décembre 2020
janvier 2021
février 2021
mars 2021
avril 2021
mai 2021
juin 2021
juillet 2021
août 2021
septembre 2021
octobre 2021
novembre 2021
décembre 2021
janvier 2022
février 2022
Source : Cour des comptes d’après les données de la Cnam
Source : Cour des comptes d’après les données de la Cnam
En 2020, les dépenses supplémentaires liées
au
contact tracing
ont été financées, sur
autorisation des administrations de tutelle, par
des marges budgétaires inutilisées en 2018 et
2019, dans la limite des plafonds d’emplois et
de dépenses fixés par la convention d’objectifs
et de gestion (COG) avec l’État pour les années
2018 à 2022. Pour 2021 et 2022, un avenant à
la COG (juin 2021) a relevé ces plafonds au titre
des dépenses relatives au
contact tracing
et à la
vaccination contre la covid 19.
Des moyens humains très significatifs ont été
affectés aux plateformes de
contact tracing
de
l’assurance maladie, dont le graphique ci-après
retrace l’évolution. À titre de comparaison,
l’assurance maladie comptait en 2020 un peu
plus de 85 300 ETP en moyenne annuelle.
COUR DES COMPTES
17
Parmi les effectifs représentés dans le graphique
précédent, les données communiquées par
la Cnam ne permettent pas de distinguer les
contributions respectives des redéploiements
internes aux CPAM, de l’entraide interne à
l’assurance maladie ou d’autres partenaires et
des recrutements en CDD et CDI.
Dans un premier temps, la mission de
contact
tracing
a été confiée à des agents volontaires,
notamment chargés de la relation clients ou
affectés à des missions dépriorisées dans le
contexte de la crise sanitaire (gestion du risque,
services juridiques, fonctions supports). En
outre, les CPAM ont bénéficié de l’aide d’autres
structures de l’assurance maladie (directions
régionales du service médical, services de
prévention des Carsat et centres d’examen de
santé) et de partenaires (CAF, MSA, MGEN)
qui aurait, selon la Cnam, procuré 590 ETP par
semaine (soit plus de 80 ETP par jour) entre
octobre et décembre 2021.
Ces ressources étant insuffisantes, l’assurance
maladie a obtenu de ses autorités de tutelle des
autorisations de recrutement de contractuels à
durée déterminée (CDD) au-delà des plafonds
de dépenses et d’emplois fixés par la COG
2018-2022 avec l’État, puis également de
contractuels à durée indéterminée (CDI) afin
de limiter le renouvellement continu de l’effort
de formation inhérent à la rotation rapide des
CDD et surmonter l’assèchement progressif des
viviers de recrutement de ces derniers.
Les effectifs de CDD et de CDI s’inscrivent
aujourd’hui en-deçà des plafonds d’emplois
supplémentaires au titre du
contact tracing
autorisés par l’avenant de juin 2021 à la COG
2018-2022, que décrit le tableau ci-après : en
mai 2022, les effectifs du
contact tracing
ont été
ramenés à 2 900 ETP mensuels, notamment par
le non-renouvellement de CDD ; en septembre
2022, ils n’atteignaient plus que 350 ETP. Depuis
la mi-juillet 2022, l’assurance maladie ne compte
plus que 14 plateaux actifs (dont quatre dans
les DOM), au lieu d’un plateau par département
à l’origine. Les CDD et CDI pourvus à fin 2022
seront intégrés aux plafonds d’emplois et de
dépenses qui seront fixés par la nouvelle COG
2023-2027.
Tableau n° 2 : plafonds de recrutements autorisés au titre du
contact tracing
(en ETP en cumul) et variation autorisée par rapport à l’année précédente
Fin 2020
Fin 2021
Fin 2022
CDD
4 000
5 800 (+ 1 800)
5 800
CDI
-
1 200 (+ 1 200)
900 (- 300)
Source : Cour des comptes d’après les données de la Cnam
Compte tenu du caractère progressif des
recrutements de CDD et de l’activité des
plateformes, les CPAM ont, par ailleurs, recouru
aux heures supplémentaires, pour un montant
de 25,3 M€ entre mai 2020 et juin 2021.
Confrontées à des difficultés de recrutement,
elles ont été autorisées à recourir à l’intérim, de
manière alternative ou cumulative à des CDD ; en
septembre 2022, 325 agents intérimaires étaient
en activité. Sur les deux années 2021 et 2022, le
montant agrégé de dépenses liées au recours à
l’intérim est estimé à un peu plus de 56 M€.
En revanche, la Cnam n’est pas parvenue à
allonger la durée d’activité des agents en CDD
affectés au
contact tracing
au-delà de la durée
maximale de six mois prévus par la convention
18
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
collective des agents du régime général de
sécurité sociale. En juin 2021, un accord conclu
avec une organisation représentative des salariés
qui ouvrait la possibilité de prolonger cette durée
jusqu’à 18 mois au titre du seul
contact tracing,
moyennant certaines contreparties, a fait l’objet
d’une opposition majoritaire exprimée par deux
autres organisations.
2 - Le financement par l’assurance maladie
de dépenses des ARS et de l’État
Les ARS, dont les dépenses de gestion
administrative sont financées par des dotations
de l’assurance maladie, ont engagé en 2020
et en 2021 près de 64 M€ de dépenses pour le
contact tracing,
dont 35,9 M€ afin de recruter
808 salariés supplémentaires en CDD entre
2020 et 2022, essentiellement affectés au
traçage des contacts. À titre de comparaison,
leur plafond d’emplois s’élève à près de
13 300 CDI en 2021 et 2022.
En outre, un abondement spécifique de 28 M€
du fonds d’intervention régional (FIR Covid) a
financé des plateformes de
contact tracing
ainsi
que l’externalisation du processus par trois ARS
(Grand-Est, Centre-Val-de-Loire et Provence-
Alpes-Côte d’Azur).
D’autres dépenses ont été engagées par le
ministère de la santé, pour environ 15 M€, au
titre des applications StopCovid en 2020 et
TousAntiCovid (TAC, voir annexe 2) en 2021.
Leur financement a été assuré par un fonds de
concours financé par SPF à partir de dotations
exceptionnelles versées par la Cnam. La Cour
a critiqué ce dispositif et préconisé que les
dépenses du budget de l’État liées à la crise
sanitaire soient intégralement financées par des
ouvertures de crédits en loi de finances
15
.
3 - Des effets indirects sur les autres
activités de l’assurance maladie
Dans un premier temps, la montée en charge
du
contact tracing
au printemps 2020 a reposé
sur des effectifs préexistants de l’assurance
maladie, avant qu’intervienne le recrutement de
CDD, puis de CDI et d’intérimaires. Il s’agissait
notamment, lors du premier déconfinement,
d’agents dont l’activité était encore à l’arrêt ou
en lente reprise (agents d’accueils et des centres
d’examen de santé avant leur réouverture,
agents affectés aux activités de contrôle et de
lutte contre les fraudes et de prévention et de
gestion du risque).
Indépendamment des cinq services « socle »
essentiels (traitement des feuilles de soins,
règlement des indemnités journalières,
instruction des demandes de complémentaire
santé solidaire ou C2S, réponses aux appels
téléphoniques et aux courriels) dont les effectifs
ont été préservés, voire renforcés, le
contact
tracing
a pu en revanche avoir une incidence sur
les conditions d’exercice d’autres missions ou
fonctions de l’assurance maladie (par exemple
la gestion des ressources humaines du fait
des recrutements en grand nombre de CDD et
de CDI auxquels elle a procédé). Les données
disponibles ne permettent cependant pas de
porter une appréciation précise sur ce point.
De manière conjoncturelle, la réaffectation par
les CPAM, depuis mai 2022, d’agents recrutés en
CDI au titre du
contact tracing
à deux services
de base en difficulté (indemnités journalières
et appels téléphoniques) contribue à atténuer
le déséquilibre entre les ressources disponibles
et une charge de travail plus élevée qu’avant la
crise sanitaire.
15. Cour des comptes,
Les dépenses publiques pendant la crise sanitaire et le bilan opérationnel de leur utilisation,
communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, juillet 2021.
COUR DES COMPTES
19
16. Le
contact tracing
aurait permis d’éviter une contamination supplémentaire pour 20 % des 7,2 millions de personnes
contaminées en 2021, soit 1,4 million de personnes.
17. Le taux moyen d’hospitalisation des personnes atteintes par la covid 19 s’est élevé à 4,5 % en 2021.
18. Le nombre de patients hospitalisés du fait de la covid 19 a atteint 218 000 en 2020 et 332 000 en 2021 (Agence
technique de l’information hospitalière, in Analyse de l’activité hospitalière 2020 – covid 19, publiée en octobre 2021, et
rapport d’activité 2021 publiée en juillet 2022).
19. Le rapport
Charges et Produits
pour 2023 établi par la Cnam (juillet 2022) indique 200 000 hospitalisations dues à la
covid 19 en 2021, dont 42 000 en soins critiques, pour un coût de 1,6 Md€, soit 7 800 € en moyenne par patient.
20. Centre for Mathematical Modelling of Infectious Diseases,
« Contact tracing is an imperfect tool for controlling
COVID-19 transmission and relies on population adherence », Nature Communications,
septembre 2021.
II - UN DISPOSITIF À L’EFFICACITÉ INCERTAINE DONT
LA DISPARITION EST PROGRAMMÉE FIN JANVIER 2023
Les effets du
contact tracing
sur le niveau et
le rythme des contaminations sont par nature
difficiles à apprécier et n’ont pas donné lieu à
une évaluation à ce jour.
En fonction d’une hypothèse conventionnelle
portant sur l’année 2021
16
et de certaines
données
17
, la Cnam avance que le
contact
tracing
pourrait avoir permis d’éviter
1,4 million de contaminations, près de
65 000 hospitalisations
18
et 14 000 passages
en réanimation. Sous réserve de la validité
de cette hypothèse, 0,5 Md€ de dépenses
d’hospitalisation pourraient avoir été évitées
19
.
Au regard des informations communiquées par
la Cnam, les dépenses directes de l’assurance
maladie au titre du contact tracing en 2020
et 2021, soit près de 336 M€, pourraient être
compensées par des économies, à condition
qu’au moins 43 000 hospitalisations,
correspondant à environ un million de
contaminations, aient été évitées grâce à ce
dispositif au cours de ces deux années.
Si le
contact tracing
a vraisemblablement
atténué les vagues épidémiques successives
et leurs conséquences sur le système de santé,
notamment hospitalier, ces effets n’ont pu
être quantifiés dans le cadre de l’enquête de
la Cour. Il apparaît d’ailleurs difficile d’isoler
les effets propres du
contact tracing
de ceux
des autres vecteurs de consignes d’isolement,
de déclaration des contacts et de réalisation
d’un nouveau test pour s’assurer d’une
guérison (courriel et SMS adressés par SiDep,
communication publique, autres sources
d’information).
Alors que la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022
mettant fin aux régimes d’exception créés
pour lutter contre l’épidémie liée à la covid 19
va conduire à interrompre ce dispositif au
31 janvier 2023, la Cour souligne certaines
réussites du
contact tracing,
mais aussi ses
limites, de fait prépondérantes. Une étude
20
publiée en septembre 2021 indique, au regard
de l’expérience britannique, que lorsque 80 %
des contacts sont tracés et que l’adhésion au
traçage et à l’isolement est élevée, le taux de
reproduction de l’épidémie diminue de 6 à
13 %. Si la proportion de cas contact tracés
descend à 40 %, cette diminution est inférieure
à 6 %. Les éléments d’information disponibles
sur la situation française ne permettent pas
de quantifier ces deux critères essentiels de
l’efficacité du
contact tracing
. Néanmoins, les
constats réalisés par la Cour suggèrent qu’ils
n’ont été que partiellement satisfaits.
20
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
A - Une grande majorité de personnes
jointes par l’assurance maladie,
mais un recensement de plus
en plus incomplet des contacts
L’assurance maladie contacte la plupart des
personnes dépistées positives et les personnes
contact dans des délais généralement rapides,
mais le recensement des cas contact de
personnes positives est resté incomplet, et
ce dans des proportions nettement accrues
depuis décembre 2021.
1 - Plus de neuf personnes sur dix jointes,
généralement dans des délais très rapides
En moyenne, l’assurance maladie est parvenue
à joindre 95 % des personnes positives (après
4 appels en moyenne en 2020 et 3,4 en 2021
21
)
et 92 % des personnes contact (après 1,3 appel
en moyenne en 2020 et 1,2 en 2021) entre mai
2020 et décembre 2021.
Ces moyennes recouvrent des disparités dans
le temps. Les résultats ont été moins bons
lorsque l’épidémie s’est accélérée et que la
charge d’activité du
contact tracing
s’est, par
conséquent, accrue.
21. Pour les personnes positives, plusieurs appels devaient être effectués. Par exemple, celles dont le criblage du test RT-PCR
révèle un variant (comme le variant delta) ont été systématiquement rappelées. Par ailleurs, à certaines périodes notamment
de basse circulation de l’épidémie, les personnes positives n’ayant pas déclaré de cas contact ont pu être rappelées.
COUR DES COMPTES
21
Graphique n° 4 : fréquence des prises de contact par l’assurance maladie
(mai 2020-juillet 2022)
Mai 2020
Juin 2020
Juillet 2020
Août 2020
Septembre 2020
Octobre 2020
Novembre 2020
Décembre 2020
Janvier 2021
Février 2021
Mars 2021
Avril 2021
Mai 2021
Juin 2021
Juillet 2021
Août 2021
Septembre 2021
Octobre 2021
Novembre 2021
Décembre 2021
Janvier 2022
Février 2022
Mars 2022
Avril 2022
Mai 2022
Juin 2022
Juillet 2022
Vague 1
Vague 2
Vague 3
Vague 4
V. 5
Vague 6
Vague 7
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
90 %
100 %
0
500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
2 500 000
3 000 000
3 500 000
3 500 000
85 000 000
90 000 000
Semaine
du 23 mars
Semaine
du 2 novembre
Semaine
du 29 mars
Semaine
du 9 août
Semaine
du 24 janvier
Semaine
du 31 mars
Semaine
du 14 juillet
Nombre de personnes positives au Covid (P0)
% CC contactés
% P0 contactés
Semaine
du 2 novembre
Pic épidémique
Notes de lecture : l’axe de gauche correspond au nombre de personnes positives (P0), l’axe de droite au taux de personnes
positives (P0) ou de cas contact (CC) jointes par l’assurance maladie. À partir de décembre 2021, les prises de contact ont
été pour l’essentiel dématérialisées par SMS. Le nombre de personnes positives en janvier 2022, soit 9,4 millions, n’est pas
représenté dans le graphique.
Source : Cour des comptes d’après les données de la Cnam
22
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
De surcroît, 92 % des personnes positives
contactées l’ont été dans les 24 heures suivant
la disponibilité des résultats d’un test positif en
2020, et 93 % en 2021. Le résultat est moins
favorable pour les cas contact, puisque 76 %
des personnes contact jointes l’ont été dans les
24 heures suivant leur identification par une
personne positive, et 78 % en 2021. Là encore,
les résultats ont été moins bons lors des phases
d’accélération de l’épidémie.
Graphique n° 5 : délai de contact par l’assurance maladie (mai 2020-juillet 2022)
50 %
55 %
60 %
65 %
70 %
75 %
80 %
85 %
90 %
95 %
100 %
Mai 2020
Juin 2020
Juillet 2020
Août 2020
Septembre 2020
Octobre 2020
Novembre 2020
Décembre 2020
Janvier 2021
Février 2021
Mars 2021
Avril 2021
Mai 2021
Juin 2021
Juillet 2021
Août 2021
Septembre 2021
Octobre 2021
Novembre 2021
Décembre 2021
Janvier 2022
Février 2022
Mars 2022
Avril 2022
Mai 2022
Juin 2022
Juillet 2022
% P0 contactés dans les 24h après confirmation du diagnostic
% CC contactés dans les 24h suivant l'appel au P0
Semaine
du 2 novembre
Pic épidémique
Vague 1
Vague 2
Vague 3
Vague 4
V. 5
Vague 6
Vague 7
Semaine
du 23 mars
Semaine
du 2 novembre
Semaine
du 29 mars
Semaine
du 9 août
Semaine
du 24 janvier
Semaine
du 31 mars
Semaine
du 14 juillet
Note de lecture : à partir de décembre 2021, les prises de contact ont été pour l’essentiel dématérialisées par SMS.
Source : Cour des comptes d’après les données de la Cnam
COUR DES COMPTES
23
L’assurance maladie s’est attachée à
maîtriser les délais en optimisant l’activité
des plateformes départementales de
contact
tracing
. À partir de juillet 2020, grâce à l’outil
national de gestion des personnes dépistées
et de leurs contacts Contact Covid, elle a
réparti de manière automatisée les fiches
à traiter en fonction des niveaux relatifs de
charge d’activité et des moyens humains des
plateformes. Ce dispositif national d’entraide
a été complété, entre avril 2021 et mars
2022, par une plateforme nationale située en
Normandie, dotée de 50 emplois.
À partir de décembre 2021, le taux d’atteinte
des personnes positives proche de 100 % et
celui des personnes contact tendant vers 100 %
(cf. graphiques n° 3 et 4 ci-dessus) s’expliquent
pour l’essentiel par la dématérialisation du
contact tracing
(voir I.A.3.
supra
). Toutefois,
l’envoi de SMS aux personnes positives pour
les inviter à déclarer leurs contacts sur un
téléservice est moins efficace qu’un entretien
téléphonique pour identifier l’ensemble des
personnes contact, comme le font apparaître
les données ci-après.
2 - Un recensement des personnes
contact de plus en plus incomplet
Le traçage repose sur une déclaration
facultative pour les personnes positives.
Son efficacité repose ainsi sur la bonne
compréhension des questions posées et la
disposition des personnes positives à indiquer
l’ensemble des personnes contact à risque.
Or, en moyenne, 49 % des personnes positives
contactées en 2020 n’ont déclaré aucune
personne contact. Cette proportion a atteint
55 % en 2021, alors même que l’Insee estime
à 20,5 % la proportion de personnes de quinze
ans ou plus vivant seules dans leur logement
en 2018
22
. Ces résultats soulignent
a contrario
l’intérêt de TousAntiCovid (TAC), qui laisse à
chacun la faculté de signaler ses contacts de
manière anonyme, fonctionnalité cependant
peu utilisée (voir annexe n° 2).
Le nombre de personnes contact par personne
positive est demeuré réduit tout au long de
la crise, indépendamment des mesures de
confinement et de couvre-feu qui ont limité les
interactions sociales. En 2020, les personnes
positives déclaraient en moyenne deux
personnes contact. En 2021, cette moyenne
se réduisait à 1,6, du fait, notamment, d’une
chute entre juin et août, puis en décembre.
Le nombre moyen de contacts par personne
positive ayant déclaré au moins un contact a
également diminué, passant de quatre, en 2020,
à 3,6 en 2021.
Depuis décembre 2021, dans le contexte de la
5
e
vague épidémique liée au variant Omicron,
particulièrement contagieux, le nombre de
personnes cas contact déclarées, tout en
s’inscrivant à un niveau élevé en valeur absolue,
est tombé nettement en deçà de celui des
personnes dépistées positives (voir graphique
n° 1
supra
) et la proportion de personnes
positives ne déclarant aucun contact s’est
inscrite à un niveau particulièrement élevé
(73 % en décembre 2021 et 87 % en moyenne
sur le premier semestre 2022, avec une
tendance à la hausse), comme le montre le
graphique ci-après.
22. Insee, Chiffres clés, 2 juillet 2021.
24
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Graphique n° 6 : évolution des cas contacts déclarés par personne positive
(mai 2020-juillet 2022)
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
Mai 2020
Juin 2020
Juillet 2020
Août 2020
Septembre 2020
Octobre 2020
Novembre 2020
Décembre 2020
Janvier 2021
Février 2021
Mars 2021
Avril 2021
Mai 2021
Juin 2021
Juillet 2021
Août 2021
Septembre 2021
Octobre 2021
Novembre 2021
Décembre 2021
Janvier 2022
Février 2022
Mars 2022
Avril 2022
Mai 2022
Juin 2022
Juillet 2022
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
90 %
100 %
Vague 1
Vague 2
Vague 3
Vague 4
Vague 5
Vague 6
Vague 7
Nb cas-contacts déclarés moyen par P0
% des P0 sans personne contact déclarée
Semaine
du 2 novembre
Pic épidémique
Semaine
du 2 novembre
Semaine
du 29 mars
Semaine
du 9 août
Semaine
du 24 janvier
Semaine
du 31 mars
Semaine
du 14 juillet
Semaine
du 23 mars
Note de lecture : l’axe de gauche correspond aux nombres moyens de cas contact par personne positive, celui de droite
aux différentes données en pourcentage. À partir de décembre 2021, les prises de contact ont été pour l’essentiel
dématérialisées par SMS.
Source : Cour des comptes, d’après les données de la Cnam
Cette situation reflète le passage à un
contact
tracing
essentiellement dématérialisé.
En décembre 2021 et en janvier 2022, les
personnes positives ont été invitées par SMS
à alerter elles-mêmes leurs cas contacts,
qui n’ont, de ce fait, plus été recensés par
l’assurance maladie. Depuis début février
2022, le téléservice « Lister mes cas contacts »
proposé par l’assurance maladie aux personnes
dépistées positives contactées par SMS n’a
pas conduit à redresser significativement la
proportion de personnes contact déclarées.
Ainsi, en juillet 2022, 88 % des personnes
dépistées positives n’ont déclaré aucune
personne contact, soit deux fois plus qu’en
novembre 2021 ; en moyenne, chaque
personne positive n’a déclaré que 0,5 contact,
contre 2,5 en novembre 2021.
COUR DES COMPTES
25
Le manque d’ergonomie du dispositif a pu
affecter le recensement des cas contact : les
personnes dépistées positives qui reçoivent un
SMS de l’assurance maladie doivent cliquer un
lien sur leur téléphone mobile pour y saisir leurs
contacts, ce qui s’avère peu pratique.
Des comparaisons internationales à manier avec prudence
23
En Angleterre, en novembre 2020, les traceurs échouaient à contacter une personne positive
sur huit, soit une proportion plus élevée qu’en France. Mais lorsque le contact était établi,
seules 18 % déclaraient n’avoir eu aucun contact ; cette proportion atteignait en revanche
50 % aux États-Unis.
Le nombre de cas identifiés par personne positive a varié de 17 à Taiwan à 2 au Royaume-Uni
et à moins de 1 dans certains états des États-Unis.
L’absence d’informations détaillées sur les protocoles d’appel mis en œuvre par ces pays limite
par nature les possibilités de comparaison avec les résultats obtenus par le dispositif français.
B - Une efficacité d’ensemble
du
contact tracing
limitée
par des facteurs structurels
1 - Les délais d’obtention des résultats
des tests des personnes dépistées
positives : une difficulté résolue fin 2020
Le
contact tracing
individuel par l’assurance
maladie ne peut débuter qu’à partir du
moment où les résultats de tests positifs ont
été intégrés à l’application SiDep.
Or, à la suite de la suppression de la
prescription médicale obligatoire des tests
RT-PCR
24
en juillet 2020, l’activité des
laboratoires d’analyses biologiques a connu
une embolie : en septembre 2020, plus de 25 %
des résultats n’étaient pas disponibles dans
les 48 heures, d’après le rapport de décembre
2020 de la commission d’enquête du Sénat
25
.
L’arrivée des tests antigéniques en pharmacie,
en septembre 2020, a élargi les possibilités de
dépistage et réduit le délai d’obtention des
résultats de tests de la covid 19 (ces derniers
étant disponibles en 15 à 30 minutes) ; il a
par ailleurs eu pour effet de reporter des
laboratoires vers les pharmacies une partie
de la charge de travail liée à la création des
fiches relatives aux personnes positives. Les
résultats des tests antigéniques sont toutefois
moins fiables que ceux des tests RT-PCR,
qui détectent une proportion plus élevée de
personnes infectées.
23. Dyani Lewis,
« Why many countries failed at COVID contact-tracing – but some got it right »,
Nature Communications,
17 décembre 2020.
24.
Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction
(réaction en chaîne par polymérase après transcription inverse).
25.
Santé publique : pour un nouveau départ – Leçons de l’épidémie de covid 19,
rapport n° 199(2020-2021 de la
commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise
sanitaire de la covid 19 et de sa gestion, Sénat, décembre 2020.
26
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Entre décembre 2020 et juin 2022
26
, les tarifs
des tests RT-PCR ont été modulés en fonction
de la rapidité de restitution de leurs résultats
par les laboratoires d’analyses biologiques dans
SiDep. Cette utilisation de l’outil tarifaire à des
fins de prévention de la covid 19 a été efficace :
plus de 90 % des résultats ont été validés en
moins de 24 heures pendant cette période
27
.
2 - Une efficacité du recensement des
cas contact obérée par plusieurs facteurs
Les personnes dépistées positives sont
inégalement enclines à se remémorer les
personnes avec lesquelles elles ont eu un
contact rapproché et à déclarer celles-ci.
Souvent, elles ne connaissent pas les
circonstances dans lesquelles elles ont été
contaminées, ni l’ensemble de leurs contacts,
particulièrement lors d’évènements collectifs.
La faible utilisation des fonctionnalités de
contact tracing
de
l’application TousAntiCovid
(voir annexe 2) n’a pas permis de pallier cette
difficulté.
La proportion de personnes ne déclarant aucun
cas contact augmente lorsque la diffusion de
l’épidémie s’accélère et elle se réduit quand
cette dernière ralentit. Son évolution n’est pas
corrélée à celle de la définition des personnes
contact (voir annexe n° 1). Elle reflète surtout
les adaptations auxquelles l’assurance maladie
a procédé afin d’absorber une charge de
travail ascendante en phase d’accélération de
l’épidémie, comme la suspension du deuxième
appel aux personnes positives n’ayant déclaré
aucun contact lors du premier appel et le
raccourcissement de la durée des appels
28
.
En France, n’ont été recherchées que les
personnes contact de premier niveau, c’est-
à-dire celles directement en contact avec la
personne positive, et non les contacts des
contacts. À cet égard, le Vietnam
29
, qui a tracé
et isolé les contacts de deuxième, voire de
troisième niveau si un cas de contamination
était détecté ultérieurement, a pu identifier
jusqu’à 200 contacts par personne positive.
En outre,
le retrotracing,
qui étudie les
circonstances dans lesquelles les personnes
positives ont été contaminées afin de repérer
des moments ou des lieux à l’origine des
chaînes de contamination
30
, n’a été déployé par
l’assurance maladie que tardivement, en juin
2021, et ponctuellement, y compris lors des
phases de basse circulation du virus, lorsque ce
dernier pouvait être plus facilement contenu.
Or plusieurs études attestent de l’efficacité
accrue du
retrotracing
par rapport au
contact
tracing
classique, la propagation du virus étant
favorisée par des « super contaminateurs »
32
.
26. Un arrêté du 21 juin 2022 a mis fin au dispositif de bonus/malus tarifaire en fonction du délai d’intégration des résultats
des tests RT-PCR dans SiDep. Depuis lors, les tests dont les résultats sont rendus dans un délai supérieur à 36 heures suivant
le prélèvement ne sont plus remboursés du tout par l’assurance maladie aux laboratoires d’analyses (en tiers payant).
27. Voir Chapitre VI,
Les dépenses de biologie médicale : des efforts d’efficience encore insuffisants,
Rapport sur l’application
des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2021.
28. La Cnam estime la durée moyenne d’un appel à 45 minutes pour une personne positive et à 15 minutes pour une
personne contact. Elle ne dispose pas d’un suivi détaillé, à caractère mensuel, des durées des appels sortants.
29. Dyani Lewis, op.cit.
30. Le
retrotracing
permet de remonter les chaînes de contamination en identifiant les personnes co-exposées de trois à
quatorze jours avant la date des premiers symptômes, soit la durée d’incubation maximale, non identifiées par le
contact
tracing
classique (deux jours avant la date des premiers symptômes).
31. Après l’avoir expérimenté dans deux départements début 2021, la Cnam a généralisé le
retrotracing
à l’échelle
nationale fin juin 2021 en partenariat avec les ARS, les collectivités étant souvent à l’origine des contaminations. Elle l’a
interrompu dès l’été 2021 et la 4
e
vague épidémique. Après l’avoir repris en septembre 2021, elle l’a arrêté en novembre,
dans le contexte de la 5
e
vague Omicron.
32. Selon une étude publiée en septembre 2020, à Hong-Kong, 19 % des cas de covid 19 étaient responsables de 80 % des
transmissions ; au contraire, 69 % n’auraient contaminé personne.
COUR DES COMPTES
27
À la demande de la Cnam, le ministère chargé de
la santé a admis que ce dispositif, qui nécessite
des entretiens plus longs et donc des moyens
humains plus importants, n’était plus praticable
à partir de 5 000 nouveaux cas quotidiens.
Comme il a été souligné (voir II.A.2.
supra
), la
dématérialisation du
contact tracing
permet de
traiter, sans dégradation des délais, des volumes
croissants de personnes dépistées positives,
mais a pour corollaire un recensement très
incomplet des personnes contact. Elle a de
surcroît eu pour effet de réduire le nombre de
signalements de foyers épidémiques (clusters)
potentiels par l’assurance maladie, car les
personnes positives ne peuvent plus faire
connaître les circonstances possibles de leur
contamination, et l’assurance maladie repérer
celles appelant un signalement à l’ARS.
Enfin, les limites du contrôle qualité de la mise
en œuvre des procédures de recensement ont
pu affecter l’exhaustivité du recensement des
personnes contact, malgré le soutien apporté
par la Cnam aux organismes de son réseau et
aux enquêteurs eux-mêmes.
Un pilotage étroit de l’activité de
contact tracing
par la Cnam,
mais un contrôle qualité des entretiens insuffisamment probant
À l’attention des CPAM, une mission nationale de la Cnam a défini des procédures standardisées,
rédigé des scripts, établi des consignes d’appels, conçu en continu des supports de formation,
régulièrement mis à jour les évolutions de la doctrine du
contact tracing
et organisé des
webinaires hebdomadaires (à titre d’illustration, la première expérimentation du
retrotracing
s’est traduite par plus de 16 webinaires en un mois, impliquant 3 000 agents). La Cnam suit des
tableaux de bord comportant une batterie réduite d’indicateurs quantitatifs, élaborés selon les
préconisations de SPF.
Sur instruction de la Cnam, les plateformes ont déployé un dispositif de double écoute pour
superviser l’activité des agents nouvellement recrutés, dans un contexte de rotation rapide des
effectifs en CDD, les plus nombreux, ou en cas d’évolution majeure des consignes. Bien qu’il
s’agisse du principal dispositif d’évaluation de la qualité des entretiens, ses résultats n’ont pas
été consolidés au niveau national. Sauf exception, la qualité des entretiens, dont le déroulement
est déterminant pour le recueil exhaustif des données, ne peut ainsi être appréciée.
La supervision de la qualité du traçage a essentiellement reposé sur les équipes administratives
des caisses d’assurance maladie, dépourvues de compétences particulières en matière de
santé publique et d’épidémiologie. À titre principal, les médecins conseils du service médical de
l’assurance maladie sont intervenus dans des situations individuelles complexes requérant des
appels de réassurance.
3 - Un respect partiel des consignes
de prévention
L’efficacité du
contact tracing
dépend non
seulement de l’étendue du recensement des
personnes contact, mais aussi du respect, par les
personnes positives et contact, des mesures de
prévention, notamment d’isolement, alors que
ce dernier n’a pas un caractère contraignant.
28
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
L’enquête CoviPrev de SPF portant sur l’évolu-
tion des comportements et de la santé mentale
pendant l’épidémie (données déclaratives)
33
suggère une adhésion élevée des personnes
à l’isolement dans l’attente du résultat du test
(92 % en juillet 2021, 89 % fin septembre 2021).
Pour les personnes non-vaccinées, cette adhésion
est cependant moindre (85 %). Pour les personnes
asymptomatiques, elle est encore moins élevée
(79 %). Il n’a pas été réalisé d’évaluation du
respect effectif des mesures d’isolement par des
personnes positives et contact.
D’après l’étude
YouGov et Imperial College Covid
Datahub
citée par la Mission indépendante
nationale sur l’évaluation de la gestion de la
crise covid 19 et sur l’anticipation des risques
pandémiques dans son rapport de mars 2021
34
,
l’observance de l’isolement est meilleure en
France qu’en Allemagne, mais moindre qu’en
Italie ou en Espagne. Les données reposent
cependant sur des déclaration d’intention.
S’agissant de la France, la réalité du respect de
l’isolement n’a pas fait l’objet d’études donnant
lieu à publication.
33. Enquête CoviPrev, Santé Publique France, 2021. Questionnaire déclaratif qui mesure la connaissance et la mise en
œuvre des mesures de protection sur un échantillon de 2 000 personnes.
34. Mission indépendante nationale sur l’évaluation de la gestion de la crise covid 19 et sur l’anticipation des risques
pandémiques, présidée par Pr. Didier Pittet, rapport de mars 2021.
Graphique n° 7 : déclarations d’intention d’isolement en cas d’apparition de symptômes
de la covid 19 (avril – octobre 2020)
Note de lecture : Les pourcentages indiquent la proportion de répondants qui ont répondu oui à la question « vous
isoleriez-vous si vous aviez les symptômes de la Covid ? ».
Source : YouGov et Imperial College Covid Datahub
50
60
70
80
90
2 avril
8 avril
16 avril
25 avril
1 mai
7 mai
14 mai
28 mai
10 juin
24 juin
9 juil.
22 juil.
1 août
20 août
2 sept.
19 sept.
4 oct.
15 oct.
29 oct.
France
Italie
Allemagne
Espagne
COUR DES COMPTES
29
35. L’analyse porte sur une période allant de trois jours avant le signalement dans Contact Covid à neuf jours après.
36. Ce projet de loi a été remanié au cours de la discussion parlementaire, pour devenir la loi n° 2022-1089
du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid 19.
Une étude interne de la Cnam indique que le
taux de dépistage des personnes contact est
un peu plus élevé quand elles ont été appelées
que dans le cas contraire, tout en demeurant
faible (64 %, contre 57 % pour la période du
17 août au 19 novembre 2020)
35
. La Cnam
n’a pas analysé ses bases de données afin
d’apprécier dans quelle mesure les personnes
positives et leurs contacts se dépistent suivant
les protocoles en vigueur, en vue notamment
de sortir de l’isolement.
À partir de janvier 2021, les enquêteurs
de l’assurance maladie ont proposé
systématiquement aux personnes dépistées
positives jointes par téléphone une visite
à domicile d’accompagnement à l’isolement
par un infirmier, prise en charge à 100 % par
l’assurance maladie, sans avance de frais. En
2021, 13 % des personnes positives ont
accepté cet accompagnement, soit près
de 940 000 demandes. Le nombre de visites
effectuées est cependant beaucoup plus faible :
seules 518 000 visites ont été acceptées par un
infirmier (55,1 %) et seules 250 000 visites, tarifées
à 22,64 euros, ont été facturées entre janvier
2021 et la mi-mars 2022 au régime général de
sécurité sociale. D’après la Cnam, les infirmiers
libéraux se sont inégalement mobilisés, selon les
départements, pour assurer ces consultations.
C - Une disparition programmée
début 2023, des enseignements à tirer
1 - Un rôle devenu secondaire parmi
les outils de prévention de la covid 19
En mai 2020, le
contact tracing
constituait
un dispositif central de la stratégie de
déconfinement, dans un contexte où les
instruments de prévention se limitaient aux
tests RT-PCR, aux gestes barrière et au port du
masque.
Dans un avis de juillet 2021
(« Réagir
maintenant pour limiter une nouvelle vague
associée au variant delta »),
le Conseil
scientifique covid 19 estimait que la nouvelle
vague épidémique liée au variant Delta
« ne
pourra pas être complétement absorbée par
le niveau élevé de la vaccination, qui reste
encore insuffisant au sein de la population
pour assurer une protection collective
efficace ».
Parmi diverses mesures, il invitait
à « utiliser au maximum la stratégie
« Tester,
Tracer, Isoler, Accompagner » en maintenant
suffisamment d’équipes actives et motivées
au niveau de la Cnam, en dépit de la période
de vacances »,
en relevant que
« Le niveau bas
de l’incidence permet d’avoir une approche
très opérationnelle, en principe plus efficace
qu’auparavant ».
Aucun des 26 avis ou notes
ultérieurs n’évoque plus le
contact tracing
pour
la France, sauf pour soutenir en juin 2022 le
maintien de Contact Covid jusqu’en mars 2023,
terme proposé par le projet de loi maintenant
provisoirement un dispositif de veille et de
sécurité sanitaire en matière de lutte contre la
covid 19, déposé le 4 juillet 2022
36
.
Dispositif de sortie du confinement général
en mai 2020, le
contact tracing
a été poursuivi
malgré la mise en œuvre d’autres mesures de
confinement et de couvre-feu entre octobre
2020 et mai 2021. La vaccination est ensuite
devenue le principal instrument de lutte contre
l’épidémie, avec une ouverture à l’ensemble
de la population fin mai 2021, puis la mise en
place du passe sanitaire en juin 2021 et celle du
passe vaccinal en janvier 2022.
30
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Dans ce contexte, le
contact tracing
joue un
rôle de plus en plus secondaire, même si la
levée progressive des mesures contraignantes
37
conduit
de facto
à faire de lui, depuis le
printemps 2022, la principale mesure visant à
rompre les chaînes de contamination.
Depuis l’automne 2021, comme le montre le
graphique suivant, le taux élevé de vaccination
de la population française, limite la dangerosité
de la covid 19, à défaut de sa transmissibilité,
et a conduit à envisager qu’elle devienne une
maladie endémique. Le risque de débordement
des hôpitaux par un afflux de patients
connaissant une situation sévère s’est réduit.
Graphique n° 8 : évolution de la couverture vaccinale de la population
(janvier 2021-septembre 2022)
Source : Cour des comptes
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
90 %
100 %
03/01/2021
03/02/2021
03/03/2021
03/04/2021
03/05/2021
03/06/2021
03/07/2021
03/08/2021
03/09/2021
03/10/2021
03/11/2021
03/12/2021
03/01/2022
03/02/2022
03/03/2022
03/04/2022
03/05/2022
03/06/2022
03/07/2022
03/08/2022
03/09/2022
Schéma 2 doses : période d’égibilité progressive
des populations jusqu’aux 12 ans et plus.
Taux de
couverture
schéma à deux
doses (en %)
Éligibilité des enfants de 5 à 11 ans
90, 6 %
78,6 %
Schéma 2 doses - Taux sur population totale
Schéma 2 doses - Taux sur population éligible âgée de 12 ans et plus
COUR DES COMPTES
31
Schéma n°1 : enchaînement des actions de prévention de la covid 19 depuis mars 2020
Source : Cour des comptes
37. Les personnes contact ne sont plus tenues de s’isoler depuis le 3 janvier 2022. Le passe vaccinal, qui avait remplacé le passe
sanitaire le 24 janvier 2022, et l’obligation de port du masque ont été suspendus le 14 mars 2022 (sauf, pour ce dernier, dans
les transports et les lieux de santé). À partir du 16 mai 2022, le port du masque demeurait obligatoire dans les seuls lieux de
santé. Depuis le 1
er
août 2022, cette obligation a été levée, sauf décision contraire des responsables des lieux de santé.
38. Loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.
39. Loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la
covid 19.
Tests
Vaccination
Passe sanitaire puis vaccinal
Mars
2020
Avril
2021
Mars
2022
Janv.
2023
Mai
Juin
Juillet
Avril
Mai
Août
Mai
Juillet
Octobre
Décembre
Contact tracing
Port du masque
Confinement
Confinement
Confinement
2 - L’interruption du
contact tracing
fin janvier 2023
La loi du 10 novembre 2021
38
avait reporté
au 31 juillet 2022 la fin des dispositions
fondant l’état d’urgence sanitaire. La loi du
30 juillet 2022
39
prévoit la fin de l’utilisation de
Contact Covid, et donc du
contact tracing,
au
31 janvier 2023.
Dans un contexte de nouvelle vague épidémique
observée depuis l’automne 2022, le
contact
tracing
dématérialisé, qui échoue à recenser
la plupart des personnes contact, permettra
malgré tout d’adresser des messages de
prévention à plusieurs millions de personnes,
jusqu’à fin janvier 2023. Dans la perspective
d’une vague d’hiver succédant à une vague
d’automne, le projet de loi gouvernemental
proposait de fixer le terme de Contact Covid à
fin mars 2023.
Compte tenu de la dématérialisation complète
de ce dispositif (voir I.A.3.
supra
), les effectifs
affectés au
contact tracing
en septembre 2022
se consacrent au traitement des rejets
issus de la base SiDep (recherche manuelle
d’informations manquantes ou erronées,
comme le NIR ou le numéro téléphonique),
à celui des rejets d’injections de données
de SiDep dans l’outil utilisé par l’assurance
maladie (correction manuelle d’informations
complètes mais mal renseignées) et à celui
d’appels téléphoniques émanant de personnes
dépistées ou contact et de professionnels de
32
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
santé (appels portant notamment sur les arrêts
de travail dérogatoires).
3 - Une expérience et des outils à valoriser
Compte tenu de l’évolution de l’épidémie,
la direction générale de la santé (DGS)
prévoit, en collaboration avec ’a direction
de la recherche, des études, de l’évaluation
et des statistiques du ministère de la santé
(Drees), Santé publique France et la Cnam,
la mise en œuvre d’une stratégie globale de
surveillance des infections respiratoires aigües.
Cette stratégie, qui prendra en compte les
enseignements de la crise sanitaire, intégrera la
surveillance de la covid 19 et ciblera les foyers
épidémiques
(clusters)
et les cas groupés dans
des collectivités réunissant des personnes
risquant de développer une forme grave.
La DGS prévoit, par ailleurs, de développer à
compter de fin 2022 un entrepôt national des
données de biologie (ENDB) pour l’intervention
et la recherche en épidémiologie. L’ENDB
prendra la suite de SiDep, outil performant
pour l’intégration des résultats des laboratoires,
dont la loi du 30 juillet 2022 précitée prévoit
l’arrêt fin juin 2023. L’ENDB permettra le
suivi d’autres pathologies que la covid 19,
notamment la grippe saisonnière, sera
accessible aux professionnels de santé habilités
et comprendra un module de gestion de crise.
Par ailleurs, l’assurance maladie a démontré au
cours de la crise sanitaire sa capacité à prendre
en charge rapidement et à grande échelle
une mission entièrement nouvelle de santé
publique. Il apparaît essentiel que les outils
et procédures qu’elle a établis et les effets
d’apprentissage dont elle a bénéficié puissent
être valorisés, afin de permettre la préfiguration
de dispositifs de
contact tracing
plus efficaces,
pouvant être activés puis désactivés dans
des délais rapides, dans l’éventualité d’un
regain de virulence de l’épidémie (du fait de
nouveaux variants face auxquels les vaccins
seraient moins efficaces) ou de la survenance
de nouvelles épidémies de grande ampleur.
À cette fin, il importe que les parties
prenantes du
contact tracing
procèdent à un
retour d’expérience complet et documenté,
comportant, en particulier, une évaluation de
son impact sur les chaînes de contamination de
la covid 19 depuis mai 2020.
Recommandation unique :
à partir d’une évaluation scientifique de l’impact du
contact
tracing
sur les chaînes de contamination de la covid 19, concevoir un dispositif de crise
visant à rompre ces chaînes et pouvant être activé puis désactivé dans des délais rapides
dans l’éventualité de nouvelles épidémies de grande ampleur (ministère de la santé et de la
prévention, SPF, Cnam).
COUR DES COMPTES
33
ANNEXES
Annexe n° 1.
Une définition de la personne contact à risque en constante évolution
Annexe n° 2.
TousAntiCovid (TAC) : une application qui invite les usagers au traçage
des contacts, mais dont l’utilisation à cette fin est restée limitée
34
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Annexe n° 1
Une définition de la personne contact à risque
en constante évolution
En mai 2020, en l’absence de mesures de protection efficaces (masques par
exemple) pendant toute la durée du contact, était personne contact à risque la
personne partageant le même lieu de vie qu’une personne dépistée positive à la
covid 19 ; celle ayant eu un contact direct avec une telle personne, en face à face,
à moins d’un mètre, quelle qu’en soit la durée
40
; celle lui ayant prodigué ou reçu
d’elle des actes d’hygiène ou de soins ; celle ayant partagé avec elle un espace
confiné pendant au moins 15 minutes. Étaient en revanche considérées contact à
risque négligeable toutes les autres situations de contact, les cas de covid 19 déjà
identifiés, guéris ou encore malades. Cette définition a par la suite évolué à quatre
reprises.
La mise à jour de novembre 2020 a adopté une notion plus restrictive de protection
suffisante. Ainsi, n’étaient plus considérées comme mesures de protection
efficaces : une plaque de plexiglas posée sur un comptoir, les masques en tissu
« maison » et les visières en plastique transparent portées seules.
En décembre 2020, les personnes à nouveau contaminées ont été considérées
à risque de contamination : toute détection de la covid 19 chez une personne
(symptomatique ou non) ayant un antécédent de covid 19 confirmé datant d’au
moins deux mois est susceptible de correspondre à une nouvelle contamination ; la
personne concernée est à nouveau considérée comme un cas de covid 19 appelant
la mise en œuvre de mesures d’isolement et le traçage de ses contacts.
En janvier 2021, la distance avec une personne dépistée positive conduisant à
caractériser une situation à risque a été élargie : la personne contact à risque
est désormais toute personne ayant notamment eu un contact direct avec une
personne dépistée positive, en face à face, à moins de deux mètres, quelle qu’en soit
la durée, et non plus d’un mètre.
40. En revanche, des personnes croisées dans l’espace public de manière fugace ne sont pas considérées
comme des personnes-contacts à risque.
COUR DES COMPTES
35
La dernière modification, en juillet 2021, distingue trois niveaux de contact à
risque, en fonction du schéma vaccinal. Est considérée comme personne-contact
à risque élevé celle n’ayant pas reçu un schéma complet de primo-vaccination ou
ayant reçu très récemment un schéma complet de primo-vaccination non encore
valide, ou étant atteinte d’une immunodépression grave, et ayant eu un contact
direct avec un cas confirmé
41
. Est à risque modéré toute personne-contact ayant
reçu un schéma complet de primo-vaccination valide et ayant eu un contact direct
avec un cas confirmé ou probable, en face à face, à moins de deux mètres, quelle
qu’en soit la durée. Les personnes-contact à risque négligeable correspondent à
toutes les autres situations de contact, ainsi qu’à toute personne-contact ayant un
antécédent de contamination par la covid 19 datant de moins de deux mois.
Ces évolutions ont élargi ou au contraire réduit la population des cas contacts
à tracer. Dans le sens de l’élargissement : définition des mesures efficaces de
protection, cas de nouvelle contamination. Dans le sens de la réduction : contact
à deux mètres ; depuis juillet 2021 traçage des seules personnes contact à risque
élevé ou modéré, à l’exclusion de celles à risque négligeable, qui ne sont pas
enregistrées comme personne cas contact.
41. En face à face, à moins de deux mètres, quelle qu’en soit la durée, ou ayant prodigué ou reçu
des actes d’hygiène ou de soins à ou par un cas confirmé ou probable, ou ayant partagé un espace
intérieur pendant au moins 15 minutes consécutives ou cumulées sur 24 h avec un cas confirmé ou
probable ou étant resté en face-à-face avec un cas confirmé ou probable durant plusieurs épisodes
de toux ou d’éternuement.
36
TRACER LES CONTACTS DES PERSONNES CONTAMINÉES PAR LA COVID 19 :
UNE FORTE IMPLICATION DE L’ASSURANCE MALADIE, UNE EFFICACITÉ INCERTAINE
Annexe n° 2
TousAntiCovid (TAC) : une application qui invite les usagers
au traçage des contacts, mais dont l’utilisation
à cette fin est restée limitée
En juin 2020, la direction générale de la santé a lancé l’application mobile StopCovid,
remplacée en octobre 2020 par TousAntiCovid, qui a progressivement intégré des
évolutions destinées à s’adapter aux besoins des utilisateurs et au contexte sanitaire.
TAC est une application de contact tracing qui permet d’établir, de façon anonyme,
que plusieurs personnes se sont croisées et ont pu être exposées à des contacts
à risque de transmission de la covid 19. S’il active la fonction
Bluetooth
du
smartphone et la fonction contact tracing, TAC notifie l’utilisateur qu’un autre
utilisateur testé positif était à proximité alors qu’il était contagieux.
Depuis juin 2021, la fonctionnalité « cahier de rappel numérique » permet, après
avoir scanné un QR code attribué à un établissement, de signaler sa présence dans
un lieu recevant du public. Si une personne contagieuse se déclare positive dans
l’application ou si un cluster est suspecté, des notifications sont envoyées à tous les
autres utilisateurs ayant fréquenté ce même lieu sur la même plage horaire.
En outre, depuis avril 2021, l’utilisateur de TAC est informé de son éligibilité à la
vaccination et au rappel vaccinal et peut stocker dans son carnet ses résultats de
tests (positifs ou négatifs) et les informations relatives aux injections de vaccination
qui peuvent lui être demandées en fonction du cadre sanitaire en vigueur.
Un rapport du Sénat a souligné en juin 2021 le démarrage difficile de l’application
StopCovid, puis de TousAntiCovid. En avril 2021, l’application avait été téléchargée
par environ 22 % de la population, soit des niveaux inférieurs à ceux constatés
pour des applications similaires en Allemagne ou au Royaume-Uni (31 % pour ces
deux pays). En janvier 2022, le rapport d’activité de l’application TousAntiCovid
établi par la DGS indique toutefois que l’application avait été téléchargée sur
près de 50 millions de téléphones portables et contenait plus de 39 millions
d’enregistrements, sous l’effet notamment de la mise en place du passe vaccinal.
Selon le rapport précité du Sénat, le nombre de personnes averties via l’application
est resté faible : 1,1 % de la population contre 8 % au Royaume-Uni. L’application
britannique a fait l’objet d’une étude scientifique visant à évaluer son efficacité à
partir de modèles statistiques. Publiée par l’Institut Alan Turing, cette étude estime
qu’elle a permis d’éviter 600 000 contaminations. Plus précisément, elle estime
qu’une hausse de 1 % du nombre d’utilisateurs induit une baisse de 2,3 % du
nombre de contaminations. Une évaluation scientifique de cette nature n’a pas été
conduite en France, comme le relève le rapport du Sénat.
COUR DES COMPTES
37
Données quantitatives relatives à TousAntiCovid
Selon le rapport d’activité de l’application TousAntiCovid pour la période
du 2 juin 2020 au 30 novembre 2021, intégrant des données actualisées
au 10 janvier 2022, établi par le ministère des solidarités et de la santé et le
secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications
électroniques, l’application était présente au 1
er
janvier 2022 sur 49,8 millions
d’appareils uniques (premiers téléchargements iOS ou Android).
39,4 millions d’enregistrements avaient été effectués à cette même date dans
l’application (l’utilisateur a activé une première fois l’application après l’avoir
installée sur son smartphone).
Depuis le lancement de TousAntiCovid, le nombre de personnes qui se
déclarent positives dans TousAntiCovid a représenté entre 5 et 25 % de
l’ensemble des personnes testées positives à la covid 19 en France et
rapportées dans SiDep selon les périodes concernées.
Les notifications effectuées dans le cadre du cahier de rappel numérique
ont représenté 15 % des notifications totales sur la période du 10 au
28 novembre 2021.
Au 28 novembre 2021, parmi les utilisateurs ayant accepté la collecte de
données issues de l’application pour réaliser des statistiques anonymes, seuls
2,3 % des utilisateurs se déclarant positifs à la covid 19 dans l’application
avaient été notifiés auparavant comme contacts à risque. À titre de
comparaison, la proportion de personnes testées positives qui avaient
été préalablement identifiées comme personnes contact à risque par le
contact tracing
de l’assurance maladie oscillait entre 17 et 24 % entre début
septembre et fin novembre 2021 selon Santé publique France.
AUDIT FLASH
Décembre 2022
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr