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DEUXIEME CHAMBRE
PREMIERE SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
COMPTES ET GESTION DE
L’AUTORITE DE
REGULATION DES
TRANSPORTS (ART)
Exercices 2016 et suivants
Le présent document, qui a f
ait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 7 septembre 2022.
En application de l’article L
. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de ces
observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour arrêter
la liste des destinataires.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
2
TABLE DES MATIÈRES
1
UN REGULATEUR DOTE DESORMAIS DE COMPETENCES LARGES,
MAIS TRES HETEROGENES
......................................................................................
10
1.1
Une régulation ferroviaire stabilisée mais encore grevée de certaines limites
.........
10
1.1.1 Un fondement européen décliné par une succession rapide de textes législatifs
.........
10
1.1.2 Un régulateur doté de pouvoirs étendus
.......................................................................
11
1.1.3 Une régulation globalement stabilisée
.........................................................................
12
1.1.4 Dans un contexte en mutation, des enjeux de régulation plus cruciaux
.......................
13
1.1.5
La nécessité d’améliorer le cadre de la
régulation
.......................................................
18
1.2
Une régulation aéroportuaire limitée dans son principe et difficile dans son
exercice
......................................................................................................................
21
1.2.1
L’installation
progressive d’un régulateur indépendant
...............................................
21
1.2.2
Une compétence principalement limitée à l’homologation des tarifs des
redevances
....................................................................................................................
21
1.2.3
Un exercice de régulation assuré dans la continuité de l’ASI
......................................
22
1.2.4 Une régulation toujours entravée par la faiblesse de ses moyens
................................
28
1.3
Le cas des autoroutes, un rôle multiforme éloigné de la régulation de l’accès à
une infrastructure
.......................................................................................................
30
1.3.1
L’origine des compétences de l’ART dans les domaines routi
er et autoroutier
...........
30
1.3.2
Des compétences autoroutières dont l’exercice demeure difficile
...............................
33
1.4
Le suivi des données de mobilité : une compétence émergente, un rôle encore
limité
..........................................................................................................................
41
1.4.1
Une nouvelle compétence dont l’attribution peut être discutée
...................................
41
1.4.2 Un rôle encore à définir
................................................................................................
42
1.5
Un régulateur dont les compétences mériteraient d’être encore rationalisées
..........
43
1.5.1 Une autorité indépendante dont le rôle semble désormais compris et accepté
............
43
1.5.2 Une autorité qui contribue à clarifier les règles du jeu
.................................................
44
1.5.3
Une relation complexe avec l’État, plus fluide avec l’Autorité de la concurrence
......
45
2
UNE GOUVERNANCE ET UNE GESTION PERFECTIBLES
...................................
47
2.1
La nécessaire adaptation de la gouvernance et de l’organisation à des missions
élargies
......................................................................................................................
47
2.1.1 Une gouvernance qui doit devenir plus professionnelle
...............................................
47
2.1.2 Une application rigoureuse des règles de déontologie
.................................................
50
2.1.3 Une organisation revue selon un principe de transversalité
.........................................
54
2.2
Un accroissement des moyens concomitant de l’évolution des compétences
..........
57
2.2.1
La gestion comptable et financière de l’ART
..............................................................
57
2.2.2 Des marges de progrès en matière de gestion des ressources humaines
......................
62
2.2.3 Des choix immobiliers contestables
.............................................................................
68
2.2.4 Une fonction « achats » à renforcer
..............................................................................
72
2.2.5
Des systèmes d’information en cours de structuration
.................................................
74
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
3
SYNTHÈSE
Depuis sa création en 2009, l’autorité publique
indépendante chargée de la régulation des
transports a profondément évolué, sous la pression du droit européen, mais aussi de la volonté
du législateur de traiter certains sujets nationaux. En dix ans
, l’Autorité aura pris en charge, outre
ses missions originelles sur le secteur ferroviaire, cinq nouveaux champs de compétence, sans
toutefois qu’une vision stratégique n’accompagne
ce changement de dimension, singulier en
comparaison avec la situation des autres régulateurs sectoriels.
De fait, la régulation assurée par l’ART est aujourd’hui à des stades différents de maturité
selon les secteurs.
Un cadre de régulation ferroviaire encore perfectible
La régulation ferroviaire,
pour laquelle l’ART dispose
des compétences les plus étendues
au moyen d’avis conformes ou motivés, de recommandations, de règlements de différends, de
procédures en manquement, d’études et de consultations, représente toujours
près de la moitié
du travail de l’ART et de ses effectif
s. Assise sur de nombreuses décisions et une doctrine
largement validées par le juge, elle a atteint son régime de croisière au regard des questions
posées jusqu’
à présent. De fait, il
s’est agi
, depuis 13 ans,
de mettre en place l’ouverture à la
concurrence et
s’il reste encore quelques sujets irritants
-
l’accès aux installations de services, les
informations à transmettre dans le cadre de la mise en concurrence des services conventionnés
–
l’objectif est atteint
dans le fret, dans les services librement organisés de transports de voyageurs
et, selon les régions, dans le transport express régional. Cependant, les enjeux changent de
nature : la structure de la tarification et la robustesse du réseau, qui doit être en mesure
d’accueillir le supplément de trafic potentiellement induit par l’arrivée de nouveaux opérateurs,
comme le montrent les exemples étrangers, deviennent des questions plus prégnantes pour les
gestionnaires d’infrastructures ou d’installations de services
, les entreprises ferroviaires et les
autorités organisatrices de mobilité.
Sur ces deux sujets,
l’ART ne peut
agir que dans le cadre défini par le législateur. Or,
celui-ci assigne aux péages - et donc aux usagers que sont les entreprises ferroviaires
–
non
seulement la couverture des charge
s d’exploitation, mais aussi
le financement de la rénovation
et de la modernisation des infrastructures.
Tout en s’inscrivant dans
ce choix « politique », qui
n’est pas celui fait
par
d’autres États européens, l’Autorité
pourrait, sans sortir de son rôle,
accompagner
l’incitation à la performance en prévoyant que les coûts du gestionnaire de réseau
pris en compte pour le calcul des redevances soient ceux d’un opérateur efficace, notion qu’elle
manie déjà pour la tarification des prestations de sûreté ferroviaire. Concomitamment, le dialogue
entre l’État, SNCF Réseau et l’ART gagnerait à être
enrichi et rendu plus productif lors de
l’élaboration du projet de contrat de performance, l’Autorité
étant ainsi en mesure de mieux
appréhender, en amont, la trajectoir
e industrielle du gestionnaire d’infrastructure.
Des compétences à consolider dans le domaine aéroportuaire
Compétente en matière aéroportuaire depuis fin 2019 en lieu et place de l’Autorité de
supervision indépendante, l’ART exerce une mission limitée principalement à l’homologation
des redevances tarifaires. L’Autorité
a toutefois continué d’user
de ses prérogatives avec la même
indépendance en refusant à plusieurs reprises les propositions tarifaires des aéroports. Elle a
affiné progressivement sa doctrine, régulièrement contestée, mais toujours validée par le juge.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
4
Dans un contexte aéroportuaire
où les intérêts des acteurs sont divergents, ce qu’ont accentué
les
effets de la crise sanitaire, l’ART n’exerce pas un rôle complet de régulation à l’instar d
e celui
qu’elle tient en matière ferroviaire. L’Autorité ne dispose pas de pouvoir d’avis sur les projets de
textes réglementaires, ne peut s’exprimer sur les programmes d’investissement des plateformes
et reste entravée dans l’exercice de sa régulation pa
r les modalités de collecte des données. En
dépit de l’élargissement des prérogatives de l’Autorité par la loi
portant diverses dispositions
d'adaptation au droit de l'Union européenne (dite DDADUE), le cadre de régulation aéroportuaire
demeure instable et
incomplet. Sans substituer la responsabilité de l’Autorité à celle de l’État
dans la détermination du périmètre soumis à régulation et du modèle économique de chaque
aéroport, il apparait opportun, sur la base de l’expérience acquise dans les autres secte
urs régulés,
de consolider les compétences de l’Autorité au bénéfice d’une régulation favorisant les accords
entre les parties prenantes.
Un rôle de « tiers de confiance », dans le domaine des autoroutes concédées, qui appelle
certaines clarifications
Les
compétences de l’ART dans le domaine autoroutier constitue
nt un cas particulier,
dans la mesure où le législateur ne les lui a pas confiées dans le souci de garantir un accès
équitable à une infrastructure
: elles visent l’exercice d’une forme de contrôle
des relations entre
concédant et sociétés concessionnaires privatisées, ainsi que de certains aspects de leur gestion
(marchés, sous-concessions). De fait, ce premier élargissement de ses compétences au-delà du
secteur ferroviaire, décidé en 2015, fait suite à une polémique sur la rentabilité de ces sociétés et
sur leur politique tarifaire. L’Autorité a été ainsi érigée en «
tiers de confiance », en partie parce
que l’État concédant était
de facto
suspecté de ne pas défendre suffisamment l’intérêt des usage
rs.
Ce rôle, entre conseil et contrôle, dans la mesure où l’ART rend des avis sur des accords ayant
l’aval de l’État, s’avère différent
de celui sur
d’autres secteurs régulés, de sorte qu’il semble
parfois moins accepté par certains de ses partenaires.
Un de ses principaux rôles consiste, en effet, à rendre un avis sur les projets de contrats
de concession et sur leurs avenants, aux fins de prévenir des formes de surcompensation tarifaire.
Des désaccords sont apparus
à l’occasion de l’examen du plan d’inves
tissement autoroutier (PIA)
de 2017
. Notamment, l’Autorité
et
l’État ont divergé quant au caractère «
compensable » de
certaines opérations, l’ART étant
réputée défendre une interprétation trop restrictive des critères
d’utilité et de nécessité. De fait, le concédant n’a pas tenu compte de ses réserves, non plus que
le juge administratif, et le législateur a, depuis, consacré une vision plus large. D
’autres points
de doctrine pourraient mériter également une clarification, notamment quant aux possibilités de
recourir à l’adossement pour de nouvelles sections de taille limitée
, dans la mesure où elles
peuvent donner lieu à des interprétations plus ou moins restrictives.
De même, l’État s’est peu appuyé sur les avis de l’ART, qui jugeait surestimé le coût de
certains travaux, pour demander la révision de compensations accordées aux SCA. Dans ce
contexte,
l’Autorité s’attache aujourd’hui à la constitution d’une base de données sur les coûts à
partager avec le concédant, de manière à ce que ses avis soient davantage entendus. En tout état
de cause, elle a obtenu plus de succès en permettant à l’État de renégocier à la baisse les taux de
rendement interne retenus pour estimer les compensations financières de certains investissements
du PIA. Plus généralement, les avis rendus depuis lors sur les différents avenants qui lui ont été
soumis auraient,
selon l’ART
, conduit à des économies substantielles au bénéfice des usagers,
qu’elle s’est efforcée de quantifier récemment
.
Conformément à la loi, l’ART s’est livrée à la tâche délicate d’évaluer la rentabilité des
concessions, dans le cadre d’un rapport sur leur économie générale. S’agissant d’une question
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
5
controversée, elle gagnerait à associer plus largement à cette réflexion économistes et juristes
intéressés, et à publier des résultats les plus détaillés possibles, dans les limites du droit
applicable. E
lle s’est
aussi
penchée sur la question de l’avenir des concessions et a émis des
préconisations relativement précises, sans se prononcer sur la forme juridique de la suite à leur
donner. Ces analyses et travaux, rendus publics, illustrent souvent la complexité du
positionnement de l’ART,
conseiller et contrôleur, mais aussi une certaine absence, pour
l’instant, de réflexion et de vision prospective sur ces sujets de la
part des services de l’État.
Un régulateur dont les compétences mériteraient d’être encore rationalisées
En définitive, il
s’agirait aujourd’hui de
rendre plus cohérentes les interventions du
régulateur, sachant que son positionnement est dépendant des choix faits par le législateur et des
postures parfois contradictoires de l’État à la fois actionnaire, financeur, responsable de la
politique publique des transports, voire encore régulateur lui-même. À cet égard, il faut insister
sur le fait que la montée
en compétences de l’ART ne doit pas avoir pour corollaire un
quelconque désengagement ou une perte d’expertise de l’État.
Les observations et
recommandations contenues dans le présent rapport tendent, en respectant les rôles impartis à
l’État, au régulate
ur et aux acteurs de marché, à promouvoir son rôle
d’information, d’alerte, de
tiers de confiance e
t d’accompagnement des acteurs afin de lui permettre d’éclairer davantage la
décision publique et donc de mieux concourir au bon fonctionnement des marchés régulés.
Les évolutions rapides et conséquentes
des missions confiées à l’ART ont naturellement
eu un impact sur sa gouvernance et sa gestion.
D’une manière générale, l
es présidents et les collèges successifs, ainsi que les services,
ont su s’adapter
pour s
’approprier, dans des délais parfois très brefs, des domaines d’intervention
complexes et porteurs de lourds enjeux.
Une gouvernance qui peut encore être améliorée
La g
ouvernance de l’ART, organisée de manière classique autour d’un collège et de
services
d’instruction,
bien que plus efficace, reste toutefois
perfectible. D’abord, la composition
du collège réduite au regard de la diversité des secteurs régulés
puisqu’
à la fin de 2022 il ne
comprendra plus que cinq membres permanents, ne satisfait qu’imparfa
itement les critères de
compétences im
posés par la loi. Ensuite, son fonctionnement est contraint par la mise en œuvre
des règles de déport qui, n’ayant pas été suffisamment prises en compte lors des nominations,
peuvent affecter
l’exercice des missions, s
urtout au moment où le nombre de ses membres se
réduit. Enfin, les méthodes de travail entre le collège et les services, en voie de structuration,
pourraient gagner encore en efficacité.
En dehors des conflits d’intérêt, l’application des nombreuses règles
déontologiques,
enjeu majeur s’agissant d’un régulateur disposant de prérogatives de puissance publique, se fait
dans des conditions satisfaisantes. En matière de mobilité externe des agents, elles ne semblent
pas constituer un frein aux déroulements de carrière et, partant, gêner les recrutements. Il
convient de veiller rigoureusement
à leur mise en œuvre, quelques départs
ayant échappé aux
contrôles prévus.
Une gestion qui doit encore se professionnaliser et se donner des objectifs d’économie
s.
L’extension des compétences de l’Autorité s’est accompagnée d’un accroissement de ses
effectifs, qui ont triplé en une dizaine d’années, pour atteindre près de 90 ETPT en 2021. Elle
recrute essentiellement des agents contractuels dans le cadre de CDD de droit public, pouvant
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
6
être convertis en CDI au bout de trois
ans. L’ART demeure l’autorité indépendante où la part
d’agents en CDD, supérieure à la moitié, reste la plus importante. La masse salariale a
naturellement aussi beaucoup augmenté. On constate que la rémunération par agent est
sensiblement plus élevée que la moyenne calculée dans les autres autorités indépendantes, les
dépenses de personnel par agent excédant de 30% celles de la CRE, par exemple, ce que le haut
niveau de qualification exigé ne peut expliquer entièrement. Y contribuent le poids relatif de la
rémunération des membres du collège, mais aussi, et surtout, un taux d’encadrement dit
« supérieur » élevé.
L’ART fait face à des besoins d’expertise auxquels elle a, en partie, répondu au fil de
l’évol
ution de ses missions en tentant de mutualiser ses compétences. La récente réorganisation
a pour objectif d’approfondir cette démarche. Fondée sur des pôles de compétences et la
constitution d’équipes «
ad hoc » par dossier à traiter, elle facilite la répartition et le lissage de la
charge de travail au sein de l’Autorité et permet de couvrir un champ de régulation de plus en
plus vaste, mais elle a des limites vis-à-vis de domaines qui supposent des connaissances
précises.
L’analyse des achats a mis en évi
dence des dysfonctionnements et des écarts significatifs
par rapport à la réglementation, qui doivent conduire
l’Autorité
à se professionnaliser et à se
doter d’un contrôle interne
. La gestion immobilière, longtemps grevée par une double
localisation, a donné lieu à des surcoûts. Une partie de ces derniers pèsera de manière pérenne
sur les comptes, conséquence
d’un récent choix de déménagement
.
Les systèmes d’information, sont
en cours de consolidation, démarche nécessaire eu
égard à la sensibilité de certaines données utilisées. Une attention doit être portée au recours à la
prestation externe, qui, actuellement, met
l’ART en situation de trop grande dépendance
.
Essentiellement financée
jusqu’en 2019
par deux taxes affectées prélevées sur les
entreprises des secteurs régulés
, l’Autorité perçoit à présent
une dotation de fonctionnement pour
charges de service public.
L’Autorité
a bénéficié de sa création
jusqu’à récemment, d’une forme
d’aisance
financière qui peut expliquer certains de ses choix et pratiques. Si, depuis 2015, le
fonds de roulement diminue, cette évolution renforce la nécessité de procéder à un réexamen
précis de
s ressources nécessaires à l’exercice de l’ensemble
de ses compétences, pour ajuster en
conséquence la subvention annuelle qui lui es
t versée, d’un montant de 14 M€ en 2022, et lui
fixer des objectifs d’économie et d’efficience.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
7
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1
(DGITM, 2024) : Adapter les textes applicables afin que les coûts pris
en compte pour déterminer les tarifs d’accès au réseau
ferroviaire et aux installations de services
soie
nt ceux d’un opérateur efficace.
Recommandation n° 2
(DGITM, 2023)
: Donner à l’ART com
pétence pour émettre un avis
motivé sur les conditions non tarifaires d’accès aux installations de service gérées par SNCF
Voyageurs.
Recommandation n° 3
(DGAC, 2023)
: Permettre à l’ART d’émettre un avis simple sur les
programmes d’investissement des aéroports régulés.
Recommandation n° 4
(DGAC, 2023) Attribuer à l’ART un pouvoir d’avis simple sur les projets
de textes réglementaires relatifs à la régulation aéroportuaire.
Recommandation n° 5
(DGITM, 2022) : Motiver
publiquement les décisions qui s’écartent des
avis émis par l’ART sur
des contrats de concessions autoroutières et
des projets d’avenants à
ces
contrats.
Recommandation n° 6
(MTECT, sans délai) : Prendre en compte lors du choix des membres,
les risques de déports susceptibles d’affecter le fonctionnement du collège.
Recommandation n° 7
(MTECT, direction du budget, 2024) : Redéfinir les moyens financiers
et humains de l’ART, en adéquation avec ses missions effectivement exer
cées et ajuster en
conséquence la dotation pour charges de service public.
Recommandation n° 8
(ART, 2023) : Utiliser plus largement les possibilités de modulation de
la part variable de la rémunération liée à la performance individuelle.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
8
INTRODUCTION
Une dizaine d’anné
es après un précédent contrôle de ses comptes et de sa gestion pour
les exercices 2010 à 2012, la Cour a souhaité mener une enquête sur la gestion de l’autorité
administrative indépendante chargée de la régulation de certains marchés de transport depuis
20
13 et sur la manière dont elle s’acquitte de ses missions, alors que son rôle, ses pouvoirs et ses
moyens ont été considérablement renforcés.
L’autorité
dénommée depuis 2019 « Autorité de régulation des transports » (ART) est
issue de l’Autorité de régula
tion des activités ferroviaires (ARAF), créée par la loi du
8 décembre 2009, laquelle prenait le relais de la mission de contrôle des activités ferroviaires
(MCAF), rattachée au ministère des transports. Depuis lors, elle a connu un changement de
dimension, spectaculaire par son périmètre et sa rapidité
en réponse à l’évolution du droit
européen mais aussi d’enjeux strictement nationaux
.
Le régulateur compétent à l’égard du seul secteur ferroviaire s’est ainsi vu confier, depuis
sept ans, cinq nouveaux domaines de régulation.
Depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance,
l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi «
Macron », ses compétences sont
étendues à certains aspects des secteurs des autoroutes et du transport routier de voyageurs.
L
’ordonnance du 24 juillet 2019 lui attribue
ensuite la régulation des redevances aéroportuaires,
prenant le relais
de l’autorité de supervision indépendante (ASI). Dans la foulée, la loi
d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 lui confèr
e des prérogatives en matière de
transports publics urbains en Île-de-France et de services numériques de mobilité. Enfin, la loi
du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans
le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances accroît ses pouvoirs
dans le secteur aéroportuaire.
La densité et la rapidité de cet élargissement doivent être soulignés
, d’autant qu’il
intervient, s’agissant des extensions les plus récentes, dans un contexte de cr
ise sanitaire qui a
affecté très significativement le fonctionnement de la plupart des marchés concernés. D’une
manière générale, ces deux caractéristiques sous-tendent une bonne part des observations qui
peuvent être faites sur les conditions dans lesquel
les l’ART exerce les missions qui lui sont
confiées, mais aussi les moyens humains et matériels qui sont mis à sa disposition pour ce faire.
Par ailleurs, la diversité des motifs ayant présidé à ce changement de dimension, la
multiplicité des supports juri
diques mobilisés et l’absence de stratégie d’ensemble conduisent à
une très grande hétérogénéité des cadres de régulation, qu’il s’agisse des pouvoirs de l’Autorité,
des finalités de son intervention ou du degré de maturité de chacun des secteurs. Comme en
atteste le contenu de son premier rapport traitant des différents modes de transport, publié fin
2021, son rôle se définit concrètement par la juxtaposition de compétences sectorielles, l
’ART
se revendiquant comme le
« plus grand régulateur de transports européen
». Elle exerce une
panoplie de fonctions différentes selon les secteurs, mais aussi au sein de chacun d’eux. En tenant
compte des évolutions législatives et réglementaires successives, la Cour, dans un souci de
pédagogie, s’est efforcée de caracté
riser quatre grands rôles du régulateur :
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
9
Schéma n° 1 :
Présentation des
rôles de l’ART
Source : Cour des comptes
Le
« gendarme »
: l’ART agit sur la définition et l’évolution des paramètres des marchés
de transport pour éviter les atteintes à la libre concur
rence. Cette fonction, cœur de toute
régulation, s’illustre historiquement dans le domaine ferroviaire (avis conformes sur les horaires
de services par exemple) mais s’inscrit dans les secteurs d’activités régulés en matière tarifaire
(homologation des redevances aéroportuaires) ou non tarifaires (accès aux gares routières pour
les services librement organisés de transport par autocar)
Le
« juge »
: l’Autorité traite des contentieux et utilise une palette d’outils plus ou moins
puissants selon les secteurs pour arbitrer les conflits et faire appliquer ses décisions
Le
« législateur »
: le régulateur va au-delà de vérifier la bonne application des règles en
vigueur mais peut en édicter de nouvelles à caractère réglementaire.
La
« vigie »
: l’Autorité assure une mission d’alerte et d’orientation des acteurs du marché
à partir des informations qu’elle collecte. Elle peut ainsi rendre des avis sur les projets de textes
relatifs aux secteurs contrôlés, produire des études pour préciser les points potentiellement
litigieux en amont
Le présent rapport
examine dans un premier temps les conditions dans lesquelles l’ART
exerce les missions qui lui sont confiées par le législateur pour chacun des secteurs régulés,
s’efforçant, quand cela est possible, de dégager certai
ns enseignements généraux tout en
formulant des propositions d’ajustement
s éventuellement rendus nécessaires. Dans un second
temps, il examine comment la gouvernance
et la gestion de l’Autorité ont accompagné son
changement de dimension.
Gendarme
Régulation
ex-ante
Juge
Régulation
ex-post
Législateur
Production de
normes
Vigie du
marché
Information et
alerte des
usagers et
autorités
o
Règlements
de
différends
(ferroviaire, routier, données
mobilités)
o
Procédures en manquement
o
Avis
projets
de
textes
réglementaires
(tous
secteurs sauf aéroportuaire)
o
Rapports et études
o
Suivi
économique
et
financier
o
Avis conforme sur les tarifs
(ferroviaire et aéroportuaire)
o
Tests d’équilibres
économiques (ferroviaire,
routier)
o
Décisions
réglementaires
(séparation comptable dans le
ferroviaire, conditions d’accès
au
réseau,
principes
d’allocation
d’actifs
au
périmètre régulé
)
Conseil auprès des
acteurs
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
10
1
UN REGULATEUR DOTE DESORMAIS DE COMPETENCES
LARGES, MAIS TRES HETEROGENES
L’élargissement rapide, massif et continu de son périmètre de compétences aura, en moins
de 10 ans, profondément modifié le format et la place de l’autorité chargée de la régulation des
transports. Celle-ci sera ainsi
passée d’un régulateur uniquement ferroviaire à un acteur assurant
la supervision de six marchés liés aux transports ou en périphérie - seuls les secteurs fluviaux et
maritimes échappant à son contrôle -
à l’égard desquels l’Autorité n’a
toutefois pas pour
compétence de développer une analyse croisée, en principe prérogative des pouvoirs publics.
L
es missions de régulation aujourd’hui dévolues à l’ART se répartissent en deux
catégories. Certaines d’entre
-elles concernent des marchés organisés dans un cadre politique et
juridique européen directement issu des traités progressivement mis en œuvre par un ensemble
de règlements et directives relatifs à l’organisation des différents marchés et à leur ouverture à la
concurrence, puis déclinés au niveau national par des textes législatifs et réglementaires. Il en est
ainsi des secteurs ferroviaire et aéroportuaire, ainsi que du suivi des données de mobilité.
D’autres missions sont afférentes à des marchés, les secteurs autoroutiers et de transpor
ts routiers
de voyageurs, dont l’organisation, sans être dépourvue de liens avec un environnement européen,
procède d’enjeux essentiellement nationaux et de choix effectués par les pouvoirs publics.
Ensuite, l’examen des compétences afférentes à chacun des
secteurs régulés fait apparaître une
grande hétérogénéité, résultant d’un processus empirique et d’un empilement législatif dénué de
vision d’ensemble.
Au total, chacun des cadres de régulation, qui répondent à des enjeux spécifiques, se
trouve à un degré
de maturité différent. Cela n’empêche toutefois pas de formuler quelques
constats globaux sur les conditions dans lesquelles l’ART remplit les missions qui lui sont
assignées par le législateur et sur son positionnement.
1.1
Une régulation ferroviaire stabilisée mais encore grevée de certaines
limites
1.1.1
Un fondement européen décliné par une succession rapide de textes législatifs
C’est dans le
secteur ferroviaire
, cœur de métier historique de l’ART, que la prégnance
du droit européen est la plus marquée.
Engagé par la directive 91-440 du 29 juillet 1991 qui pose le principe de la séparation
entre le gestionnaire de l’infrastructure (GI) et l’opérateur historique, le processus
d’ouverture à
la concurrence a ensuite donné lieu à quatre « paquets ferroviaires »: en 2001, le 1
er
paquet définit
les fonctions essentielles et organise l’ouverture à la concurrence du fret international
1
; en 2004,
le 2
ème
paquet approfondit l’ouverture à la concurrence du fret
; en 2007, le 3
ème
paquet met en
place l’ouverture à la concu
rrence du transport international de voyageurs, qui doit intervenir au
1
Directives 2001/12/CE, 2001/13/CE et 2001/14/CE
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
11
plus tard en 2010 ; enfin, le 4
ème
paquet, en 2016
, achève l’espace ferroviaire unique, à travers un
pilier « technique » (Agence ferroviaire européenne, interopérabilité et sécurité ferroviaire) et un
volet « marché » (gouvernance des acteurs et ouverture à la concurrence du transport de
voyageurs).
La transposition de ce corpus juridique européen
s’est opérée, jusqu’à aujourd’hui, au
moyen de cinq textes législatifs qui, en dix ans, ont organisé
l’extension continue des
compétences de l’autorité indépendante chargée de la régulation du secteur ferroviaire.
1.1.2
Un régulateur doté de pouvoirs étendus
Les compétences reconnues à l’ARAF en 2009 constituaient
déjà un socle solide, lui
permettant de formuler ses premiers éléments de doctrine. Leurs extensions successives lui
donnent
aujourd’hui, en théorie du moins, les moyens d’assurer une régulation technico
-
économique « de plein exercice », au point que certains acteurs du secteur estiment que l
’ART
est actuellement un des régulateurs les plus puissants en Europe. De fait, ces compétences
définissent un cadre de régulation complet, en tous cas en comparaison avec d’autres secteurs
régulés, et lui donnent
a priori
les moyens juridiques de remplir les missions qui lui sont confiées.
Quatre objectifs lui sont assignés : concourir au bon fonctionnement du système de
transport ferroviaire national ; s
uivre et garantir l’ouverture à la concurrence des services
ferroviaires ; contrôler la trajectoire fi
nancière des gestionnaires d’infrastructure (GI) et
d’installations de service
; veiller à ce que les entreprises ferroviaires accèdent au réseau et aux
installations de service
2
dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. Un
tableau en annexe n°2
illustre l’hétérogénéité et la complexité des compétences ferroviaires de
l’Autorité, dont l’appréhension globale n’est pas toujours aisée, notamment par les parties
prenantes. De fait, même si des différences objectives de situation peuvent, dans certains cas,
justifier des traitements spécifiques, l’empilement des textes n’a pas toujours contribué à
la
cohérence des outils juridiques dont dispose le régulateur.
En outre, d
epuis la LOM, l’ART régule également les activités de la
RATP en qualité de
gestionnaire d’infrastructure s’agissant du réseau historique du métro et des portions des RER A
et B qu’elle exploite, de gestionnaire technique du réseau du Grand Paris Express (GPE), ainsi
que les prestations de sûreté assurées par le groupe de protection et de sécurisation des réseaux
(GPSR). Les transports ferrés en Île-de-France sont aussi gérés par Transilien, direction générale
de SNCF Voyageurs, sur le réseau déjà régulé par l’ART dans le cadre de ses compétences
ferroviaires « de droit commun ».
Ses prérogatives sont logiquement du même ordre que celles dont elle dispose dans le
secteur ferroviaire puisqu’il s’agit de garantir l’accès à des infrastructures essentielles gérées en
situation de monopole
–
à ce titre la RATP constitue le pendant de SNCF Réseau - et aux
prestations de sécurité
fournies par l’EPIC –
qui à cet égard, joue le même rôle que le groupe
2
Gares de voyageurs, voies de triage pour le fret, formation des convois de trains de voyageurs ou de frets,
stationnement des matériels roulants, terminaux de marchandises, installations de maintenance des matériels
roulants, stations de combustibles pour les matériels roulants thermiques
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
12
SNCF. Mais le contexte dans lequel s’exerce
nt ces compétences est différent en raison du
calendrier de mise en concurrence en Île-de-France, les lignes du GPE pouvant donner lieu à des
appels d’offre
s à partir de 2025, celles du métro et des RER A et B à partir de 2040.
Plusieurs questions ont mobilisé dès la première année l
’ART
qui a approuvé les règles
de séparation comptable applic
ables à l’EPIC
3
. Elle a aussi rendu un premier avis conforme sur
la
rémunération de l’activité de gestionnaire d’infrastructure par la RATP versée par
IDFM pour
la période 2021-2024
4
, selon une méthode simplifiée qu’elle justifie à la fois par l’urgence e
t par
le fait qu’IDFM et la RATP s’étaient
accordées sur un niveau raisonnable de couverture des coûts
du GI. L’ART indique s’inspirer en l’espèce de la pratique anglo
-saxonne des
« negociated
settlements »
qui consiste, pour le régulateur, agissant comme un tiers de confiance, à prendre
acte d’un accord et à le valider afin de le rendre opposable
, démarche répondant aussi aux
contraintes inhérentes à une montée en compétence très rapide.
1.1.3
Une régulation globalement stabilisée
La régulation ferroviaire a donné lieu, pendant la période sous revue, à 332 décisions,
dont plus de 82 % rendues à partir de 2015, 56 % d’entre
-elles correspondant à des mesures
contraignantes. La « production » ferroviaire aura également justifié la moitié (11) des
consultations publi
ques lancées par l’ART et plus de 40 % de ses publications.
Entre 2015 et 2021, l’Autorité a rendu 61 avis sur des projets de textes réglementaires
concernant le secteur ferroviaire, la grande majorité étant assortie de réserves ou
recommandations dont le
taux de suivi par le Gouvernement est, de l’aveu même de l’Autorité,
assez faible, notamment pour les textes les plus sensibles (
cf. infra, 1.5.3
).
Depuis 2013, les décisions en matière ferroviaire n’auront donné lieu qu’à sept recours
pour excès de pou
voir. Trois ont été rejetés, trois ont fait l’objet de désistement de la part du
requérant
5
. Une décision a été annulée par le Conseil d’État en
2020 pour une erreur de droit,
mais l’essentiel de la position de l’ART avait été validée
.
Sur la même période, 29 procédures de
règlement des différends ont été engagées, donnant lieu, après désistement, à 11 recours devant
la Cour d’appel de Paris et 4 pourvois en cassation, tous écartés. Jusqu’à présent, la Cour d’appel
a rejeté la quasi-totalité des recours
6
, d
onnant raison à l’ART. Ces données attestent de la solidité
juridique de ses décisions, de la rigueur de ses analyses et confortent sa fonction jurisprudentielle.
3
N° 2021-012 du 11 février 2021
4
Incluse dans les contributions annuelles versées par IDFM dans le cadre des contrats pluriannuels conclus avec la
RATP ; N° 2021-039 du 29 juillet 2021
5
Une fois de la part de l’UTP, deux
fois de la part de SNCF Réseau.
6
À l’exception du recours formé par SNCF Voyageurs contre la décision relative à la détermination du nombre
d’emplois transférés en cas de changement de titulaire du contrat de service public, pour lequel la Cour d’Appel a
réformé la décision de l’ART sur un point mineur.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
13
A la date de rédaction du présent rapport, un contentieux était pendant
7
: celui engagé par
la Région Nouvelle Aquitaine contre une décision de février 2021 relative à un différend avec
SNCF Gares & Connexions
8
.
Par ailleurs, 17 procédures en manquement ou de mise en demeure ont été diligentées,
dont 9 se concluant par un non-lieu à poursuivre la procédure, les intéressés finissant par se
conformer à leurs obligations. Ce constat illustre le caractère souvent dissuasif du déclenchement
des procédures, mis en avant par les parties prenantes. Bien que regrettée par certains opérateurs
qui souhaiteraient un règlement plus rapide des difficultés soumises
à l’ART, la
préférence
donnée par le régulateur au dialogue
plutôt qu’au
déclenchement d’emblée des procédures
contraignantes y contribue aussi.
1.1.4
Dans un contexte en mutation, des enjeux de régulation plus cruciaux
L
’action de l’ART se déploie aujourd’hui dans un environnement concurrentiel
radicalement différent de celui existant lors du contrôle mené par la Cour sur l’ARAF.
Cinq régions (Sud-PACA, Hauts-de-France, Grand-Est, Pays de la Loire, Île-de-France)
ont ouvert des lots TER à la concurrence, la région PACA attribuant, en 2021, deux lots à SNCF
Voyageurs et à Transdev. Les sept autres
n’ont pas encore précisé leur calendrier, les conventions
en cours arrivant à échéance de 2021 à 2029. Pour les
trains d’équilibre du territoire, une
procédure a été lancée pour deux lignes
9
, mais les appels d’offre ont été déclarés sans suite en
l’attente de la sortie de crise sanitaire.
De décembre 2020, fin du monopole pour les services librement organisés (SLO), à la
date de rédaction du présent rapport,
l’ART
avait reçu 41 notifications
d’intention d’exploitation
par six opérateurs alternatifs
10
. Voyageurs a
notifié son intention d’exploiter deux nouveaux
SLO
sur lignes classiques (Paris-Lyon et Paris-Nantes). Midnight Trains a indiqué, courant 2021,
vouloir développer, d’ici 2024, des services de nuit
et Trenitalia a lancé, le 18 décembre 2021,
une offre TGV entre Paris et Milan, via Lyon.
Cette mutation du secteur place
l’ART, à la fois
de jure
et
de facto,
au centre du bon
fonctionnement du marché ferroviaire. Si des raisonnements sont déjà posés et des jurisprudences
stabilisées, les enjeux changent de dimension, certains devenant plus prégnants.
Quand bien même elle le souhaiterait, l’A
utorité, dont les compétences sont définies par
la loi,
ne peut pas d’elle
-même réorienter ses priorités, aussi se limite-t-elle à consolider et à
7
Le recours formé par SNCF Réseau à l’encontre de la décision rendue en juillet 2020 sur saisine de la Région
Hauts-de-
France au sujet de la transmission d’information à l’AOM a donné lieu à un arrêt de la
Cour d’appel de
Paris en date du 23 juin 2022.
8
N° 2021-016. La région demandait de modifier le DRG 2020
; l’Autorité, a fait valoir que qu’elle n’était pas
compétente pour statuer sur le règlement d’un différend lié à la fixation des tarifs rendus exécu
toires par son avis
conformes et qu’en l’espèce, les demandes de la région portaient sur les tarifs rendus exécutoires.
9
Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon
10
Flixtrain, LeTrain, Railcoop, Trenitalia France (ex-Thello), Midnight trains et Renfe Viajeros
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
14
approfondir la démarche entamée par
l’ARAF.
Quelques sujets concentrent les interventions de
l’ART
11
.
1.1.4.1
La définition d’un cadre tarifa
ire pertinent
Selon la directive 2012/34/UE, la tarification
de l’accès aux infrastructures
doit répondre
à deux objectifs principaux : favoriser une « utilisation effective et optimale » et contribuer à leur
financement. Pour y parvenir, le droit européen prévoit un régime général et un régime
d’exception auquel les États membres peuvent recourir.
Le premier correspond à des redevances visant à couvrir le coût directement imputable,
assimilable au coût marginal d’utilisation
12
. Mais ce régime général, le seul obligatoire, ne
permettant pas de couvrir les coûts communs et les coûts fixes, deux options cumulables sont
ouvertes :
d’une part,
le financement par des subventions publiques et
d’autre part,
le régime
d’exception qui perme
t au GI
d’appliquer des ma
jorations tarifaires au-delà du coût directement
imputable pour couvrir ses coûts fixes
13
.
C’est cette deuxième option qui est retenue en France,
contrairement à
d’
autres États européens (Allemagne, Suède et Italie, notamment), qui
privilégient les subventions publiques.
C’est sur ces bases que sont émis les avis conformes sur la tarification, avis qui ont donné
lieu récemment à un important contentieux. L’ART
avait donné un avis favorable à celle
proposée par SNCF Réseau pour les SLO au titre des horaires de service de 2021 à 2023
14
. En
revanche, comme elle l’avait fait pour les horaires 2020,
elle a rejeté les propositions de
majoration tarifaires applicables aux services conventionnés de TER et de Transilien
15
,
considérant que, au regard de leur soutenabilité,
bien qu’
assises sur les trajectoires prévues dans
le contrat de performance, elles manquaient de justification économique.
Saisi par SNCF Réseau en vue de l’annulation de la décision relative à l’horaire de service
2020,
le Conseil d’État
a rendu, le 27 novembre 2020, une décision qui, conforte sur le fond la
marge d’appréciation de l’ART. Il lui a, notamment, reconnu
la possibilité de fixer une limite
aux majorations tarifaires à travers son avis conforme
et a admis que l’appréciation de leur
soutenabilité
n’était pas
liée par le contrat de performance.
Le dispositif qui figurait dans son avis de février 2019
16
a été reconduit par l’Autorité
dans celui rendu en 2021.
Appliquant les critères posés par le Conseil d’État, l’Autorité a
finalement donné un a
vis favorable à hauteur d’une évolution maximale globale de + 1,8 %
par
rapport aux horaires de services 2019 et 2020, au lieu des 2,4 % proposés par SNCF Réseau
17
.
11
Ils sont aussi déclinés à la fois dans les « orientations stratégiques » 2021-2022, mais aussi dans les constats et
recommandations formulés dans l’étude précitée sur l’ouverture à la concurrence.
12
La « redevance de circulation » et la « redevance de circulation électrique » relèvent du régime général.
13
La « redevance de marché » (acquittée par les opérateurs pour les services non conventionnés, par les AOM pour
les services conventionnés) et la « redevance d’accès » (acquittée par l’État et IDFM pour les se
rvices conventionnés)
correspondent au régime d’exception.
14
N° 2020-16
15
N° 2020-049
16
N° 2019-005
17
N°2021-004
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
15
Elle a également validé les hausses de péages pour les horaires de service 2021 à 2023, mais
inférieures d’un point par rapport à la trajectoire contractuelle
18
.
S’agissant des
installations de services
19
, aux termes de la directive précitée, l
’exploitant,
qu’il soit public ou privé, doit garantir l’accès aux entreprises et leur proposer les servic
es dans
des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes. Dans ce cadre l
’Autorité émet
un avis conforme sur les tarifs d’accès
aux installations et aux services qui y sont rendus.
L’ART estime que, d
epuis 2016, au gré de ses avis conformes
et de l’ouverture de
procédures en manquement, en 2017 et 2019, mais aussi de recommandations formulées en 2019,
l’offre de référence tarifaire relative à l’accès régulé aux prestations de maintenance fournies par
SNCF Réseau et SNCF Voyageurs a été progressivement améliorée. Elle considère toutefois que
les tarifs
applicables aux centres de maintenance et aux voies de garages ou de manœuvre
doivent
être plus transparents, soulignant le manque de lisibilité des offres, la complexité des procédures,
la posture commerciale, jugée encore limitée en comparaison de ce qui existe
d’autres pays
européens et, enfin, la complexité des
transferts d’installat
ions de maintenance aux régions.
Concernant les autres installations de service, elle a émis des avis favorables sur les tarifs
proposés par SNCF Réseau et SNCF Voyageurs pour les stations de combustibles, au titre de
l’horaire de service 2020.
Elle a donné, en 2020 un premier avis, favorable, sur les tarifs proposés
par SNCF Gares & Connexions
20
, tout en formulant des recommandations sur le modèle
économique de tarification régulée de l’accès aux gares de voyageurs et aux services qui y sont
fournis, complétées par une contribution publique.
1.1.4.2
La simplification de
l’accès au
réseau et aux installations de services
Da
ns la perspective de l’ouverture à la concurrence des services de trans
ports
domestiques de voyageurs
à partir de l’horaire de service 2021
, les aspects non tarifaires de
l’accès au réseau deviennent de plus en plus
prégnants pour
l’ART, comme en atteste
nt
notamment les avis annuels
–
simples -
rendus sur les documents de référence (DRR) du réseau
ferré national (RFN) pour les horaires de service pour 2020, 2021 et 2022
21
,
ainsi que l’avis rendu
le 10 février 2022 pour l’horaire de service 2023
22
. Il en ressort que, même si des progrès ont été
accomplis, les points de frictions avec SNCF Réseau restent nombreux.
En 2021, l’Autorité avait formulé une soixantaine de
recommandations, dont 15
considérées prioritaires
, concernant les conditions opérationnelles d’a
ccès, les répartitions des
capacités
–
les sillons
–
la gestion opérationnelle des circulations ferroviaires et l’exploitation
des installations de service. L’ART insistait notamment sur les rigidités relatives à la répartition
des capacités au détriment du nombre de sillons disponibles, favorable,
de facto, à
l’opérateur
historique. Elle pointait la programmation des travaux et la gestion opérationnelle des
circulations :
l’Autorité, soutenue par les opérateurs, demandait l
e déploiement des 16 postes de
18
N° 2021-009
19
Gares de voyageurs, voies de triage pour le fret, formation des convois de trains de voyageurs ou de frets,
stationnement des matériels roulants, terminaux de marchandises, installations de maintenance des matériels
roulants, stations de combustibles pour les matériels roulants thermiques
20
N° 2020-020
21
N°21-005.
22
N° 2022-011
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
16
commande centralisée du réseau (CCR) en lieu et place des 2
200 postes d’aiguillage,
et du
système européen de signalisation (ERTMS), conditions
sine qua non
du renforcement des
capacités.
Aux termes de l’avis de février 2022, il apparait que si plus de tro
is quarts des
recommandations afférentes aux conditions opérationnelles d’accès au réseau ont été suivies, le
taux de mise en œuvre des autres ne dépasse pas 25%, voire plafonne à 7% pour l’accès aux
installations de service, qui reste un abcès de fixation entre SNCF
Réseau et l’ART.
Partant, l’Autorité formule 21 nouvelles recommandations, qui entendent répondre à un
certain nombre de constats, dont les principaux concernent la gestion des gabarits, l’accès des
personnels aux installations ferroviaires sécurisées par badge, la modernisation des systèmes
d’information au profit de la gestion des circulations et, surtout, les conditions d’accès aux
installations de service exploitées par le GI
, qui ont fait l’obje
t de 27 recommandations en 2021
et ne connais
sent pas d’évolution significative
.
À
cet égard, la Cour ne peut que se féliciter du lancement, en juin 2022, d’un processus
annuel d’audition du PDG de SNCF Réseau relative au suivi des recommandations de l’ART,
décliné par un comité de suivi infra-annuel. Cette initiative, qui permettra de porter les sujets sur
la place publique, contribue
à l’intensification
du dialogue
que la Cour appelle de ses vœux
.
1.1.4.3
L’accompagnement de l’ouverture à la concurrence des contrats de service
public.
Trois sujets sont d’i
mportance majeure pour les AOM dans la perspective de la mise en
concurrence des services conventionnés, deux ayant donné lieu à des contentieux dans le cadre
de procédures de règlement de différend.
S’agissant du
nombre de salariés à transférer en cas de
changement d’attributaire, l’ART,
saisie par la région PACA en novembre 2019, a rendu une décision de règlement de différend en
février 2020
23
dans laquelle elle définit un cadre méthodologique donnant effet aux dispositions
législatives et réglementaires a
pplicables. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant la Cour
d’appel de Paris, qui
le 6 mai 2021 a déclaré la méthodologie utilisée par SNCF Voyageurs non
conforme à la réglementation et validé
la décision de l’Autorité.
Ensuite,
l’Autorité
s’est
prononcée
sur la transmission d’informations
relatives à
l’organisation des services publics de transports
. Prévue par les textes
24
, elle est essentielle pour
permettre aux AOM de définir précisément le service et
établir les critères d’attribution des
contrats. Saisie par la région Hauts-de-France, une première décision de règlement des
différends, le 30 juillet 2020, a enjoint SNCF
Voyageurs de communiquer, dans un délai d’un
mois, de nombreuses informations
25
. Celle-ci a formé, le 27 août 2020, un recours contre cette
décision, la première dans ce domaine sensible,
devant la Cour d’appel de Paris, ainsi que, le 31
août 2020, une requête en référé aux fins de sursis à exécution, rejetée le 18 novembre 2020. À
23
N° 2020-019 du 28 février 2020
24
Article L.2129 du code des transports
25
Relatives notamment à l’organisation générale du service, à la justification des compensations versées par la
région pour l’exécution du service public, au matériel roulant utilisé pour l’exécution du service, et à sa maintenance,
à
l’offre de transport, au trafic et aux modalités de distribution des titres, aux ressources humaines
.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
17
la suite d’une plainte adressée par la région pou
r non-
exécution de la décision, l’Autorité a ouvert
une procédure en manquement le 16 avril 2021.
L’arrêt de la
Cour, délibéré le 23 juin 2022,
donne largement raison à l’ART,
estimant que «
l’interprétation que fait l’autorité
» sur le
périmètre des données concernées est «
confortée, sans aucune ambiguïté, par les travaux
parlementaires
», même s
’i
l admet que la
SNCF n’
a pas à transmettre certaines
d’entre elles.
26
Enfin,
l’ART a été saisie de deux projets de décrets
relatifs au transfert de gestion de
lignes et de gares de voyageurs aux régions. Concernant le transfert de gares
27
, l’Autorité, estime
que le projet de décret ne garantit pas à SNCF Gares & Connexions leur maîtrise, le périmètre
des gares éligibles étant trop large. Dans l’avis relatif aux tran
sferts de lignes
28
, elle estime
nécessaire de préciser le périmètre des lignes et des installations de service transférables, de
mieux définir les obligations incombant aux AOM et de préciser le calcul des compensations
financières. Seule la recommandation concernant le périmètre transférable a été suivie, nouvelle
illustration des limites
rencontrées par l’ART pour faire prévaloir son point de vue.
1.1.4.4
Les relations entre l’État et le gestionnaire d’infrastructure
Le
8 février 2022, l’ART a émis son avis
sur le projet de contrat de performance 2021-
2030 entre l’État et SNCF Réseau
, le contrat 2017-2026, étant devenu caduc du fait
de l’adoption
de la loi de 2018 portant nouveau pacte ferroviaire.
Si l’Autorité avait déjà eu l’occasion d’adresser des signaux à l’É
tat, son dernier avis, qui
formule des critiques systémiques, constitue une nouvelle étape, d’autant plus que
les 29
recommandations formulées en 2019 en vue
de l’actualisation du
contrat
n’ont été que
marginalement prises en compte dans le nouveau projet
29
.
L’ART
estime
d’abord
que le projet de contrat conduit à un risque de «
spirale de
paupérisation industrielle
», la priorité donnée à l’assainissement de la situation financière
et à
l’autofinancement
, bien que légitime, ne permettant pas de garantir la performance du GI. Elle
regrette l’insuffisance des efforts de renouvellement –
il manquerait 4 Md€ par rapport à la
trajectoire issue d’un audit de 2018
- et de modernisation, notamment en matière de commandes
centralisées et de déploiement du système ERTMS (
European Rail Traffic Management System
),
deux investissements majeurs dont elle rappelle continûment le caractère prioritaire tout en
soulignant les retards pris en France.
Elle critique également les hausses des péages prévues
–
50 % sur la durée du contrat
–
en corrélation avec le choix consistant à faire financer les infrastructures par les usagers
(cf.
infra)
. Elle craint qu’à défaut de refonte de la structure des tarifs, cette hausse ne vienne contrarier
la volonté d’accroître le trafic.
Elle regrette, enfin, que le contrat ne constitue pas un outil
26
Données antérieures à 2016 (historique de maintenance) ou à 2018 (détails des prestations de sûreté ou
réclamations clients).
27
N° 2020-064 du 8 octobre 2020
28
N° 2020-069 du 22 octobre 2020
29
Au cours de l’élaboration du contrat, l’Autorité est amenée, actuellement, à se prononcer à deux reprises
: d’abord
avant son élaboration ou son actualisation, à la demande du ministre des transports, elle peut formuler des
recommandations
sur son contenu afin que les orientations retenues en matière de gestion de l’infrastructure
concourent au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire ; ensuite une fois le projet formalisé, elle
donne un avis motivé su
r l’ensemble de ces composantes en particulier sur la soutenabilité de l’évolution tarifaire et
sur l’adéquation des recettes attendues aux dépenses prévues.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
18
d’incitation à la performance.
L
’ART appelle de ses vœux
la révision des structures des péages
pour le prochain cycle tarifaire 2024-2026 dans le but de garantir la soutenabilité des trajectoires
prévues au contrat, l
a mise en place d’outils incitatifs à la performance
et, lors de la prochaine
actualisation du contrat en 2024, la définition d’une vision cible pour le réseau et d’une trajectoire
industrielle
ainsi que d’
une réflexion sur les moyens mis à la disposition de Réseau pour assurer
la pérennité de son outil industriel.
Dans le prolongement de celles déjà effectuées, ces dernières
remarques de l’ART
traduisent
une vision plus affirmée des relations entre l’État et le gestionnaire d’infrastructure
,
attentive à la modernisation du réseau, dont la fragilité pourrait contrecarrer les effets espérés
bénéfiques
de l’ouverture à la concurrence.
Cette prise de position vient aussi, en contrepoint, répondre aux observations formulées
par des parties prenant
es, notamment l’État, le gestionnaire d’infrastructure et des AOM, qui
mettent en exergue le tropisme de l’ART pour l’accès au réseau au profit des «
entrants » - ce qui
est, au demeurant, de sa compétence - au détriment de sa robustesse
–
ce qui, en revanche, ne
l’est pas au
moyen des outils juridiques dont elle dispose.
1.1.5
La nécessité
d’améliorer
le cadre de la régulation
À la lumière de ses avis, conformes ou motivés, de ses recommandations ou de ses
publications relatives au fonctionnement du marché, on
peut admettre que l’ART
a pleinement
utilisé et optimisé le cadre législatif et réglementaire mis à sa disposition, tout en restant dans le
cadre d’une stricte régulation technico
-économique. Il reste que si
l’ouverture du réseau est
désormais globalement assurée,
les enjeux se déplacent vers l’équilibre économique du marché
et la robustesse du réseau.
S’il ne s’agit pas de modifier le rôle du régulateur tel qu’il est défini par le législateur,
l’amélioration de certains outils de régulation mis à la disposition de l’ART peut être envisagée.
Le point d’attention majeur, d’ordre stratégique, concerne la structure de la tarification.
La politique des pouvoirs publics, confirmée par la loi sur le nouveau pacte ferroviaire,
consiste à faire supporter le coût complet du financement des infrastructures par les usagers,
essentiellement par le biais des redevances de circulation et des majorations tarifaires. De fait,
ces dernières, constituées par la « redevance de marché » - acquittées par les entreprises
ferroviaires -
et la « redevance d’accès »
-
versée par l’État ou les AOT –
représentent plus de
80 % des redevances perçues, celles-
ci couvrant 87 % du chiffre d’affaire
s de SNCF Réseau
30
.
Au total, selon l’ART
31
, les entreprises ferroviaires contribuent à près des deux-tiers du total des
redevances,
qui représentent entre 25 et 40% de leurs coûts. L’ART note que le niveau des
redevances payées par les entreprises ferroviaires, est plus élevé en France que dans la moyenne
des autres pays européens : par exemple, par train-km, il est deux fois plus élevé pour les SLO
30
Soit, en 2019, avant la crise sanitaire, 2,5 Md€ pour la redevance de marché et 2 Md€ pour celle
d’accès, pour un
total de redevance de 5,8 Md€
; en 2020, ces montants étaient de respectivement 1,9 Md€, 2,1 Md€, et 4,8 Md€.
(Source
: Sénat, rapport d’information sur la situation financière de la SNCF, 9 mars 2022).
31
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
19
en France qu’en Allemagne, Espagne ou Italie, même si, compte tenu de la forte capacité
d’emport des LGV en France, l’écart exprimé en passagers
-km est moins important.
La recherche de l’équilibre entre l
e besoin de financement des infrastructures et un niveau
de redevances propice au développement du trafic
–
dont la Cour a souligné qu’il s’agit d’un
enjeu majeur -
place l’ART à mi
-
chemin entre, d’un côté, l’État et le GI qui attendent des péages
à la hau
teur de leurs besoins et, de l’autre, les opérateurs ferroviaires qui les souhaitent les plus
bas possibles. Le choix politique du mode de financement des infrastructures définit le cadre de
la régulation et la question de la structure tarifaire, sur la base de laquelle le régulateur doit se
prononcer, est donc centrale.
Toutefois, l’ART n’a pas
de compétence
à l’égard de
la consistance de l’infrastructure
qui détermine le niveau des redevances. Tout au plus peut-elle donner des avis sur les
investissements et la trajectoire de hausse des péages, mais ceux-ci sont consultatifs et, comme
on l’a vu, peu suivis. En revanche, dans le cadre des avis conformes sur les tarifs, l’Autorité
apprécie la soutenabilité de la hausse de redevances, sans être liée, comme l’
a rappelé le Conseil
d’État, par les trajectoires prévues par le contrat de performance. Dès lors, elle devrait pouvoir
s’assurer, d’une part, que les majorations portent sur les segments les plus rentables et, d’autre
part, que les coûts de gestion de l’i
nfrastructure soient optimisés, étant entendu que le contrat de
performance est davantage centré sur la trajectoire financière de SNCF Réseau que sur
l’incitation à la performance.
Un moyen consisterait à reconnaître formellement à l’Autorité la capacité d
e recourir à la
notion « d’opérateur efficace », prise en compte dans d’autres secteurs régulés, les
communications électroniques
32
ou l’énergie
33
, mais aussi, depuis un décret du 14 mai 2021, en
matière de prestations de sûreté assurée par la SNCF ou la RATP
34
.
Certes, cette démarche, qui nécessiterait des adaptations législative et réglementaires
35
dès lors qu’une inflexion de doctrine ne garantirait pas la stabilité juridique d’une telle évolution
,
se heurte à la difficulté de définir la notion de gestionnaire efficace, au risque de donner une
marge de manœuvre « prétorienne » à l’ART, sous le contrôle, toutefois, du juge de l’excès de
pouvoir. De leur côté, les
opérateurs font valoir que l’appréciation de l’efficacité économique est
de leur ressort et non pas de celui du régulateur qui doit se prononcer sur la base des seuls
éléments objectifs de charges et de coûts, pondérés, le cas échéant, par le caractère
« raisonnable » de la marge.
Il reste que
l’Autorité procède déjà à une telle appréciation en matière de sûreté. C’est en
partie sur ces bases qu’elle a émis un avis défavorable sur le Document de référence sûreté (DRS)
32
Art L.1 du code des postes et télécommunications électroniques
33
Article L.452-1 du cod
e de l’énergie
: «
Les tarifs des prestations annexes réalisées par les gestionnaires de ces
réseaux, sont établis de manière transparente et non discriminatoire afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés
par ces gestionnaires, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace
»
34
Art R. 2258-1 du code des transports : le tarif « est établi au regard du coût de la prestation, qui doit être celui d'un
opérateur efficace, majoré d'un bénéfice raisonnable ».
35
Notamment
de l’article L.2111
-25 du code des transports qui fixe les principes et les règles de tarification
applicable au réseau et les articles 30 et 31 du décret n° 2003-
194 du 7 mars 2003 modifié relatif à l’utilisation du
réseau ferroviaire
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
20
de la SNCF pour l’horaire de service 2021, ce qui a conduit à un nouveau tarif, cette fois ci
accepté par l’Autorité
36
.
(DGITM, 2024) : Adapter les textes applicables afin que les coûts
pris en compte pour déterminer les tarifs d’accès au réseau
ferroviaire et aux installations
de services soie
nt ceux d’un opérateur efficace.
Par ailleurs,
à l’occasion de
l’élaboration du
projet de contrat de performance, sans
remettre en cause les rôles respectifs
de l’État et de SNCF Réseau, d’une part, et du régulateur,
d’autre part, le dialogue entre ces trois acteurs au cours du processus mériterait d’être approfondi
et, partant,
d’être rendu plus pro
ductif.
L’ART y gagnerait une meilleure appréhension de la
trajectoire industrielle du GI
et pourrait ainsi remettre en perspective les avis qu’elle donne sur
le projet formalisé.
Enfin
, il apparaît opportun de permettre à l’ART de formuler un avis motivé
sur les
éléments non tarifaires des offres de référence pour l’accès aux installations de services gérées
par SNCF Voyageurs (installations d’entretien du matériel roulant et de fourniture de
combustible), sur lesquelles elle ne peut pas se prononcer contrairement aux installations gérées
par les autres gestionnaires d’infrastructures et d’installations de services.
Aucun élément objectif ne vient justifier cette divergence qui ne permet pas de donner
plein effet à la réglementation européenne relative aux installations de services
37
et qui semble
résulter davantage de l’empilement des modifications textuelles et de la diversité de leurs auteurs
que de motifs de fond. Certes, l’ART peut intervenir indirectement sur les éléments non tarifaires
à l’occasion de
l’avis conforme sur la tarification elle
-
même, mais cette dichotomie est d’autant
moins satisfaisante que l’Autorité peut se prononcer sur ces mêmes sujets lors de procédures de
règlement des différends ou en manquement.
(DGITM, 2023)
: Donner à l’ART com
pétence pour émettre un
avis motivé sur les conditions non tarifaires d’accès aux installations de service gérées par
SNCF Voyageurs.
36
À noter que la SNCF, à la suite du premier avis défavorable, a mis en place un groupe de travail dont un des volets
a consisté à intégrer la notion d’opérateur efficace
.
Dans son avis concernant l’horaire de service 2021, l’Autorité
estime que ces nouvelles dispositions réglementaires lui permettent de «
questionner plus globalement les conditions
de production d
es prestations de sûreté prises en compte pour l’élaboration des tarifs régulés afin d’apprécier dans
quelle mesure elles se rapprochent de celles d’un opérateur ef
ficace
»
37
Notamment le Règlement d’exécution (UE) 2017/2177 du 22 novembre 2017 concernant l’accès aux installations
de services et aux services associés au transport ferroviaire
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
21
1.2
Une régulation aéroportuaire limitée dans son principe et difficile dans
son exercice
1.2.1
L’installation progressive d’un ré
gulateur indépendant
Jusqu’à la fin des années 2000, la supervision des redevances aéroportuaires incombait à
l’État. L
eurs tarifs étaient soumis à une approbation tacite ou à une homologation par les
ministres chargés de l’aviation civile et de l’économie
.
Le cadre de régulation en matière aéroportuaire a été structuré par la directive 2009/12/CE
du 11 mars 2009
38
. Cette dernière prévoit la
mise en œuvre dans chaque
État
membre de l’Union
européenne d’une « autorité de supervision indépendante »
(ASI) pour les tarifs des aéroports
dont le trafic annuel dépasse cinq millions de mouvements de passagers dans un souci
«
d’impartialité des décisions
»
. Ce cadre européen, s’il transcrit les principes généraux de non
-
discrimination, de transparence et de consultation des usagers laisse toutefois une large marge de
manœuvre aux États membres pour déterminer l’organisation et le rôle de l’ASI.
Dans ce domaine, le législateur français a adopté quatre textes pour stabiliser un cadre de
régulation conforme aux exigences du droit européen. Si le décret n° 2011-1965 du 23 décembre
2011
a d’abord confié la fonction d’autorité de supervision indépendante à la direction du
transport aérien de la DGAC, cette transposition a été sanctionnée dès 2015 par le Conseil d’État
la jug
eant insuffisante au regard des obligations d’impartialité fixées par la directive.
Le Gouvernement a ainsi mis en place une nouvelle entité par le décret n° 2016-825 du
23 juin 2016 dénommée « ASI
». Bien qu’indépendante de par sa composition, l’ASI souf
frait
encore d’un lien fonctionnel avec la DGAC qui assurait son secrétariat, et donc l’essentiel de
l’analyse technique. Un nouveau décret
du 30 octobre 2017 a donc entériné les garanties
d’autonomie de l’ASI en lui assurant des moyens de fonctionnement p
ropres, déliés de la DGAC.
Ce cadre de régulation a fonctionné avec quelques succès entre fin 2017 et 2019. A
l’occasion de l’examen de la loi
relative à la croissance et la transformation des entreprises a été
introduit l’habilitation du gouvernement pour confier à l’ASI le statut d’autorité publique
indépendante ou la rapprocher d’une autre bénéficiant d’ores et déjà de ce statut. C’est dans cette
logique que
l’ordonnance n° 2019
-761 du 24 juillet 2019
a confié les compétences de l’ASI
à
l’ARAFER donnant
ainsi naissance à la nouvelle autorité de régulation des transports.
1.2.2
Une compétence principalement limitée à l’homologation des tarifs des
redevances
Les compétences de l’ART en matière aéroportuaire, reprises de l’ASI en 2019, ont été
consolidées par la loi dit « DDADUE » de 2021
39
. L’ART a ainsi pour mission générale de
38
L_2009070FR.01001101.xml (europa.eu)
39
Loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne
dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
22
réguler les tarifs des redevances des aéroports ou systèmes d’aérodromes de plus de cinq millions
de passagers
40
. Plus précisément, l’ART
:
-
homologue les tarifs des redevances et leurs modulations au regard des « règles
générales » de régulation. Elle veille ainsi au respect effectif de la consultation des
usagers et au caractère non discriminatoire des tarifs. Elle vérifie le caractère modéré des
tarifs des redevances, la juste rémunérat
ion de l’exploitant et l’adéquation entre coût des
services rendus et montant des redevances
41
.
Elle peut en ce sens rendre un avis
motivé
sur
le coût moyen pondéré du capital (CMPC)
42
à prendre en compte dans un projet de
contrat de régulation économique en
cas de saisine par l’État
;
-
détermine les principes qui
régissent les règles d’allocation des actifs, des produits et des
charges au périmètre régulé;
-
assure une mission de suivi économique et financier et d’information de l’ensemble des
acteurs du secteur.
L’ART dispose ainsi d’un pouvoir de régulation principalement limité à l’homologation
des évolutions tarifaires. Elle ne peut s’exprimer sur les programmes d’investissements, son rôle
de suivi économique et financier est entravé par les modalités techniques de collecte de données
et elle ne peut émettre
d’avis sur les projets de textes réglementaires
.
1.2.3
Un exercice de régulation assuré dans la continuité de l’ASI
1.2.3.1
L’homologation des redevances
En matière
d’homologation de redevances, l’ART assure, d’une
part, un contrôle de
régularité procédurale en vérifiant la bonne consultation des usagers
et, d’autre part,
confronte
les propositions tarifaires sur le fond aux «
règles générales applicables aux redevances
»
43
.
•
L’homologation annuelle
L’ART a rendu 19
décisions d’homologation à fin 2021, 31 avaient été adoptées
auparavant par l’ASI. Dans la continuité de sa prédécesseure, l’ART a matérialisé l’indépendance
qui lui est conférée par les textes. Ainsi, dès sa première saisine pour homologation, l’
Autorité a
rejeté les tarifs proposés pour 2020 par la société Aéroports de la Côte d’Azur
(ACA) applicables
aux aérodromes de Nice-
Côte d’Azur et de Cannes
-Mandelieu
44
. Au total, l’ART a refusé, dans
40
Ce seui
l devant être atteint lors de l’une des cinq années civiles précédentes
41
«
L’exploitant d'aérodrome reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités
[« régulé »], appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital calculé sur ce périmètre, et que le produit
global des redevances n'excède pas le coût des services rendus ».
Article L. 6327-2 du code des transports.
42
Le CMPC constitue le «
taux de rentabilité moyen attendu par les actionnaires et les créanciers, en retour de leur
apport de fonds. Il correspond à la moyenne pondérée du coût des fonds propres et du coût de la dette
» (ART)
43
L
’article L. 6327
-2 du code des transports
prévoit que l’Autorité doit veiller à ce que «
les tarifs et leurs
modulations respectent les r
ègles générales applicables aux redevances, qu’ils sont non discriminatoires et que leur
évolution, par rapport aux tarifs en vigueur, est modérée »
44
Dans sa décision n° 2019-
075 du 7 novembre 2019, l’ART a refusé la proposition tarifaire en considérant q
ue
l’évolution des tarifs unitaires de 49
% par rapport aux tarifs en vigueur étaient contraires au principe de modération.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
23
une proportion similaire à l’ASI, près d’un tiers des décisions d’homologation qui lui étaient
soumises (dont une en seconde proposition).
Tableau n° 1 :
Décisions de refus d’homologation
Autorité
compétente
Refus d'homologations
Nombre de refus
Proportion de
refus/total décisions
ASI
Première proposition
10
35%
Seconde proposition
1
ART
Première proposition
5
32%
Seconde proposition
1
Source
: Cour des comptes d’après ART
L’ART devant homologuer les tarifs au regard de «
règles générales » relatives aux
redevances, elle s’est emparée elle
-même de ces dispositions et les a interprétées de manière
prétorienne au fil des exercices. La formation de jurisprudence s’illustre particulièrement à
propos du principe de « modération tarifaire » établi pour protéger les usagers de hausses
excessives de tarifs. Cette modération, qui ne
relève pas d’une transposition européenne, est
appréciée au regard du service rendu aux usagers, des projets en cours sur la plateforme et de
l’avis des usagers. Elle a pris une dimension centrale dans la construction de la légitimité d’un
régulateur indép
endant en matière aéroportuaire. L’ASI avait ainsi déjà rendu plusieurs décisions
défavorables au motif que le principe de modération n’était pas respecté. Elle avait également
,
pour les mêmes motifs, refusé la seconde proposition des aéroports de Nice en 2019 et avait fixé
elle-même les tarifs.
Précisée par le juge administratif
45
, la modération tarifaire est admise dans une fourchette
allant de 0 à + 5%
sans qu’elle ne constitue pour autant un principe général.
Dans un contexte de
forte perturbation économique en raison de la crise sanitaire, la modération tarifaire a pris une
acuité d’autant plus forte. Face à des aéroports proposant des hausses de tarifs parfois sensibles,
l’ART a pris plusieurs décisions de refus d’homologation tarifaire
46
ayant conduit
jusqu’au gel
des tarifs de
l’aéroport de Lyon
47
. Ce refus a suscité un nouveau contentieux tranché par le
Conseil d’État qui conforte l’ART dans ses prérogatives en écartant le recours formé par la
société Aéroports de Lyon
48
. Le juge confirme que le régulat
eur dispose d’une marge de
manœuvre pour exercer sa mission et que la modération tarifaire doit s’apprécier comme un
critère à part entière dans une logique tenant d’abord compte de l’intérêt des usagers.
En dépit des précisions apportées, le cadre de régulation reste sujet à controverse et à
contentieux. Un nombre significatif de recours a été engagé à l’encontre des décisions ou avis du
régulateur (sept
pour l’ASI,
trois
pour l’ART) par les exploitants d’aéroports ou
les usagers que
sont les compagnies aériennes
. Bien que l’ensemble de ces contentieux soient désormais purgé,
à l’exception d’un nouveau relatif à la décision d’homologation des tarifs des redevances de
45
CE, 31 décembre 2019,
SCARA et autres
, req. n°424088.
46
En 2020, l’ART a refusé d’homologuer en première proposition les tarifs des aéroports de Côtes d’Azur et de
Marseille-
Provence avant d’approuver leur seconde proposition
47
Décision n°2020-085 du 22 décembre 2020 et décision n°2021-010 du 11 février 2021
48
CE, 28 décembre 2021, Société Aéroports de Lyon
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
24
l’aéroport de Toulouse
-Blagnac
49
, l’intervention régulière du juge administratif illustre l’état
d’une régulation toujours en construction.
Dans ce contexte de tension entre parties prenantes, plusieurs compagnies aériennes et
aéroports rencontrés par la Cour
font état d’une relative incompréhension des décisions de l’ART
indépendamment du sens
des conclusions. La même critique est émise à l’encontre des
consultations publiques dont les acteurs ne voient pas toujours la manière dont leurs observations
sont intégrées dans les raisonnements de l’ART. Malgré l’effort d’argumentation des décisions
(
une vingtaine de pages pour chacune), la transparence de l’
Autorité dans les motifs justifiant ses
décisions reste un axe de progrès. Cet effort de pédagogie conjugué à celui d’une plus grande
association en amont des parties prenantes dans le cadre de consultations publiques serait
probablement de nature à pacifier la régulation aéroportuaire dans une logique proactive de
prévention des différends.
C’est dans ce même esprit que la Cour propose d’associer l’ART à
l’élaboration des textes réglementaires par l’Etat (
cf. infra
). Le récent allongement des délais
d’instruction des propositions tarifaires
50
, réclamé de longue date par l’ART, devrait par ailleurs
favoriser une dynamique d’échange entre les exploitants et le régulateur.
L’ART peut fixer elle
-même les tarifs des redevances aéroportuaires si aucune
homologation n’est accordée sur une période de 24 mois consécutifs. En apparence ce pouvoir
de substitution incite fortement les exploitants d’aéroports à soumettre annuellement leur
proposition tarifaire à l
’ART. En pratique, le délai de 24 mois laisse aux aéroports la faculté de
ne saisir l’ART d’une demande d’homologation qu’une année sur deux et ainsi de conserver
pendant deux ans les tarifs en vigueur. Les gestionnaires d’aéroports peuvent donc éviter,
te
mporairement, le contrôle de l’ART
a fortiori
quand les conditions conduiraient à une baisse
des tarifs. L’ASI avait été confrontée à trois reprises à une non
-présentation de tarifs dans le délai
des deux ans. Depuis le passage à l’ART, cinq des sept aérop
orts régulés ont pu bénéficier des
tarifs précédemment homologués en l’absence de nouvelle proposition au
-delà des 12 mois. Cette
pratique, non systématique, constitue une marge de souplesse dans un processus d’élaboration
tarifaire rendu plus complexe compte tenu des effets de la crise sanitaire
et de l’accroissement de
l’incertitude économique depuis 2020.
•
L’homologation dans le cadre d’un CRE
: un exercice contraint et désormais
virtuel
L’ART est également compétente pour homologuer les redevances dans le cadre d’un
contrat de régulation économique (CRE) signé entre l’État concédant et un opérateur d’aéroport.
Dans ce cadre, l’ART dispose d’un pouvoir d’avis conforme lors de l’élaboration du CRE mais
son rôle d’homologation est ensuite largement diminué
par rapport au cadre annuel. En effet,
l’ART ne peut apprécier au cours du contrat la juste rémunération des capitaux de l’exploitant
qui est réputée acceptée tant que les trajectoires tarifaires définies par le CRE sont respectées.
L’ART se borne alors à un contrôle de régularité s’agissant du respect de la consultation des
usagers, des principes généraux applicables aux redevances et des stipulations du contrat.
49
Recours introduit par de
s représentants de compagnies aériennes le 17 mars 2022 à l’encontre de la décision
2021-
071 du 23 décembre 2021
50
Le décret n° 2022-1106 du 1er août 2022
prévoit l’allongement du délai d’instruction pour homologuer les tarifs
des redevances d’un, précédemment, à désormais deux mois hors CRE et de deux à quatre mois dans le cadre d’un
CRE
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
25
Dans les faits, il n’existe actuellement plus aucun CRE en vigueur, les aéroports estimant
la situation liée à la crise sanitaire trop instable pour projeter des évolutions tarifaires à court ou
moyen terme. L’ART n’a donc pas pu faire la démonstration de sa doctrine en matière
d’homologation de redevances dans le cadre de CRE.
1.2.3.2
L’appréciation de
la juste rémunération des capitaux investis
Dans le cadre de sa mission d’homologation, l’ART doit prendre en considération la
«
juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités régulées
». Il est ainsi
prévu que cette rémunération soit appréciée
51
sur la base du coût moyen pondéré du capital
calculé sur le périmètre régulé.
La notion de « juste rémunération » est centrale dans le fonctionnement de la régulation.
Elle fournit une base de référence pour déterminer si l’évolution tarifai
re annuelle est bien
« modérée
» en vue d’une homologation. Dans le cadre de la préparation d’un CRE, l’État peut
saisir l’
Autorité
d’un avis «
motivé » (dit « avis de cadrage ») sur le coût moyen pondéré du
capital (CMPC) à prendre en compte
52
, étant entendu que le taux de CMPC ne peut être remis en
cause une fois le contrat signé. En raison de la sensibilité du sujet, l’ART a pris soin de consulter
les parties prenantes dès sa prise de compétence. Elle a ainsi mené une première consultation
publique en novembre 2019, appuyée préalablement par un cabinet de conseil, afin de dégager
des points de consensus relatifs au calcul du CMPC. Ces éléments ont été utilisés, entre autres,
pour nourrir l’avis de cadrage demandé par le ministre chargé de l’aviation civile
sur le coût
moyen pondéré du capital à prendre en compte pour le projet de contrat de régulation économique
d’Aéroports de Paris sur la période 2021
-2025 (le « CRE 4 »). L
’ART a publié en février 2020
son avis de cadrage dans une visée « pédagogique » à l
’égard du secteur
53
. Elle a ensuite
poursuivi sa logique de concertation à travers une nouvelle consultation publique à l’été 2020
pour expliciter les mécanismes de calcul de CMPC à retenir dans le cadre des homologations
tarifaires annuelles
54.
La détermin
ation du niveau approprié de rentabilité de l’exploitant d’aéroport est un
exercice particulièrement complexe techniquement. D
es marges d’interprétation
existent dont
l’
Autorité se saisit afin de forger sa doctrine. La
rémunération de l’opérateur
se calcule en
comparant le ROCE (
return on capital employed
ou retour sur les capitaux engagés) avec le
CMPC
. L’ART apprécie donc la rémunération de l’exploitation sur la base d’un taux de CMPC
appliqué à la base des actifs régulés
de l’infrastructure
. Il en découle logiquement que le
régulateur est confronté à deux paramètres essentiels
: d’une part la détermination du périmètre
régulé et, d’autre part, l’impact des investissements effectués par les opérateurs aéroportuaires
qui ont un effet mécanique sur le niveau
des redevances. L’enjeu est déterminant puisque sur ces
deux sujets, l’ART se trouve placée entre les gestionnaires d’aéroports, qui souhaitent
légitimement maximiser leur rémunération, et les usagers des aéroports qui, non moins
logiquement, souhaitent acquitter des redevances limitées.
51
Article L. 6327-2 du code des transports
52
Article L. 6327-3 du code des transports
53
version-publique_avis-n-2020-017_adp-cre-4.pdf (autorite-transports.fr)
54
consultation-publique_cmpc.pdf (autorite-transports.fr)
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
26
•
La définition du périmètre régulé
: l’arbre qui cache la forêt du système de caisse
Par définition, l’intervention du régulateur, et partant la capacité pour celui
-ci à apprécier
le niveau de rémunération au regard du principe de modération, doit tenir compte des actifs,
produits et charges constitutifs d’un périmètre dit «
régulé », par opposition au périmètre « non
régulé
» qui lui échappe. Bien que défini sur la base d’un périmètre d’activités précisé par voie
réglementaire
55
, l’étendue du périmètre régulé est sujet à interprétation étant donné la relative
imbrication d’éléments communs à ce qui relève directement du service public aéroportuaire et
des activités commerciales de l’aéroport (ex
: routes, aérogares, hall d’a
ccueil, etc.). La
constitution de ce périmètre est sensible pour deux raisons qui sont liées :
-
d
’une part, le périmètre régulé servant de base de calcul pour apprécier la juste
rémunération des capitaux investis, toute évolution de celui-ci peut avoir un impact,
potentiellement significatif, sur le niveau des tarifs ;
-
d
’autre part, et singulièrement pour les aéroports fonctionnant avec un système de
« caisse double », il a un effet sur
la valeur intrinsèque de l’aéroport. Là aussi, une
modulation de la bas
e d’actifs
régulés peut donc avoir un effet important sur la valeur
comptable d’un aéroport et, par extension, sur la valeur de la société exploitante
avec un
effet sur le cours de bourse lorsque que celle-ci fait
l’objet d’une capitalisation boursière
à l
’instar d’Aéroports de Paris (ADP).
L’examen du projet de loi DDADUE a conduit à une évolution des compétences de l’ART
sur ce terrain. Il lui a été en effet reconnu, en lieu et place de la DGAC, la faculté d’adopter des
décisions à valeur réglementaire f
ixant les principes auxquels obéissent les règles d’allocations
des actifs, des produits et des charges au périmètre régulé. Cette disposition tire les conséquences
de la décision rendue par le Conseil d’État le 28
janvier 2021
56
, aux termes de laquelle il revient
à l’Autorité, en application de la directive 2009/12/CE, d’intervenir dans la détermination de ces
règles. En apparence technique, cette nouvelle compétence de l’ART peut conduire à une réelle
inflexion dans le rôle dévolu au régulateur en matière
aéroportuaire. L’ART s’est vu attribuer un
moyen supplémentaire d’analyser la juste rémunération des capitaux des aéroports.
Avec une
nouvelle mission de suivi économique et financier du secteur
, l’
Autorité
dispose d’une boite à
outils bien plus complète pour examiner les raisons pour lesquelles les niveaux de taux de retour
sur les capitaux investis s’éloignent du niveau
du CMPC
. Elle s’autorise ainsi à corriger
indirectement les écarts de ROCE, constatés de manière importante sur certains aéroports dans
l
e contexte sanitaire, entre activités régulées et non régulées lorsqu’ils procèdent d’une mauvaise
allocation d’actifs.
En d’autres termes, l’ART au moyen de cette prérogative agit indirectement sur les effets
et la portée du système de caisse dont la responsabilité juridique lui échappe. Pour cette raison,
les aéroports en caisse double ou aménagée s’opposent
fermement à cette nouvelle compétence
de l’ART
,
estimant qu’elle procède d’une volonté d’inciter à un système de caisse favorisant la
réduction des tarifs payés par les usagers et
qu’elle est irréalisable techniquement.
Eu égard à la nouveauté du dispositif, la Cour ne dispose pas du recul suffisant pour en
évaluer les effets réels. Il demeure que le sujet est particulièrement sensible comme en atteste le
fait que le texte initial de l’amendement
,
prévoyant que l’
Autorité détermine non seulement les
55
Article L6325-1 du code des transports
56
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
27
principes d’allocation des actifs, produits et charge
s
mais aussi leurs modalités d’application, a
été corrigé en cours de navette, à la demande du Gouvernement, pour exclure cette deuxième
prérogative.
Indépendamment de la rédaction finalement retenue et au regard du jeu d’acteurs
particulièrement heurté dans le domaine aéroportuaire, les décisions à venir de l’ART pourraient
faire l’objet de contentieux
massifs qui viendraient déstabiliser un cadre de régulation déjà
complexe. La responsabilité incombe ainsi à l’ART d’user de cette prérogative de sorte à
rechercher des consensus avec les acteurs du secteur tout en gagnant en transparence sur les
règles d’allocation à employer. C’est le sens de
s deux consultations publiques menées sur le sujet
en 2021
et 2022 ayant permis à l’Autorité d’établir
, sur cette base concertée, ces principes et des
lignes directrices précisant leur portée et leur interprétation
57
.
•
Le « paradoxe
» de l’absence de prise en compte du niveau des investissements
L’ART n’a aucun rôle en matière
d’investissements
. Elle ne peut se positionner ni en
arbitrage, ni en suivi, ni en évaluation du niveau ou de l’opportunité des investissements
réalisés
par l’exploitant de l’aéroport, quel que soit par ailleurs l’avis (y compris négatif) des
représentants de la CoCoEco
58
obligatoirement consultés en la matière. La responsabilité des
programmes d’investissement revient à l’État concédant et aux co
ncessionnaires exploitants
chargés de leur mise en œuvre.
Ce cadre peut apparaitre logique. Les propriétaires étant dépositaires d’une mission
d’intérêt général, ils disposent de la compétence exclusive de définir ce qui semble opportun de
réaliser au regard des enjeux de gestion et de développement des plateformes. Il souffre toutefois
de certaines incohérences. Premièrement, le cycle des investissements apparait comme
fondamental dans l’analyse économique que peut conduire l’ART dans
le cadre de ses missions.
Même si elle dispose des données transmises par les concessionnaires à l’occasion des
homologations annuelles, l’ART n’a pas de compréhension en amont du programme
d’investissement
, ce qui la conduit à adopter une logique régulatrice principalement financière.
Cette situation est d’autant moins satisfaisante que, paradoxalement, la DGAC et les exploitants
d’aéroports eux
-mêmes regrettent la « myopie » du régulateur tout en estimant que celui-
ci n’a
pas à se prononcer sur leurs programmes
d’investissem
ents. Pourtant, la stratégie
d’investissement apparait comme un élément déterminant pour apprécier la juste rémunération
des capitaux investis, a fortiori dans un CRE avec une portée pluriannuelle.
La reconnaissance de la capacité de l’ART d’émettre un av
is sur les investissements
permettrait d’éclairer les
compagnies, les usagers et les pouvoirs publics sur leur soutenabilité.
C’est
ainsi
la portée des avis que donne l’Autorité sur le projet de contrat de performance conclu
entre l’État et
SNCF Réseau, son exécution annuelle et le budget annuel de SNCF Réseau, qui
permettent d’éclairer le débat public sur le financement du gestionnaire d’infrastructure
, quand
bien même ils sont peu suivis d’effet.
57
Décisions ART n° 2022-024 du 31 mars 2022 (Détermination des principes auxquels obéissent les règles
d’allocation des produits, des actifs et des charges pour les aéroports relevant du champ de compétence de l’Autorité
de régulation des transports) et n° 2022-025 du 31 mars 2022 (Adoption de lignes directrices relatives à
l’interprétation et à la portée qui seront données aux principes édictés dans la décision n°2022
-024 du 31 mars 2022)
58
La commission de consultation économique (CoCoEco) réunit notamment, dans chaque grand aéroport, les
représentants d
e l’exploitant aéroportuaire, des compagnies aériennes usagers et organisations professionnelles du
transport aérien. La CoCoEco donne un avis consultatif sur les redevances aéroportuaires et les programmes
d’investissement prévus.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
28
L’
Autorité pourrait être par ailleurs amenée à intégrer dans sa régulation les objectifs
environnementaux en s’assurant notamment que les programmes d’investissement proposés par
les aéroports dans la base régulée sont bien conformes aux seules recommandations européennes
et nationales. Le secteur aéroportuaire est amené à une mutation profonde dans les années à venir
(réduction des normes d’émissions, développement des carburants alternatifs et de l’hydrogène,
électrification des infrastructures au sol, évolution de la capacité d’emport, etc.). L’ART
gagnerait à se positionner en amont sur ces enjeux afin de prévenir les potentielles distorsions de
concurrence résultant des objectifs environnementaux des aéroports en distinguant notamment
ce qui relève des réglementations européennes ou nationales et de la politique propre des
aéroports. En outre, un avis sur les investissements permettrait de nourrir la transparence du débat
entre exploitants
et compagnies aériennes en plaçant sur un pied d’égalité compagnies
traditionnelles et
low cost
s’agissant notamment des enj
eux de qualité de service.
Si la responsabilité de l’arbitrage des projets d’investissement doit rester de la prérogative
du concédant et du concessionnaire, rien ne semble réellement s’opposer à reconnaître à l’ART
un avis simple sur les programmes correspondants.
(DGAC, 2023)
: Permettre à l’ART d’émettre un avis simple sur
les programmes d’investissement des aéroports régulés.
1.2.4
Une régulation toujours entravée par la faiblesse de ses moyens
Après deux ans d’exercice de la régulation, l’ART a saisi l’oc
casion du projet de loi
DDADUE pour élargir son champ de compétence qu’elle juge insatisfaisant.
1.2.4.1
Un accès aux données renforcé mais toujours partiel
L’ordonnance du 24 juillet 2019 transférant la fonction d’ASI à l’ART a renforcé les
pouvoirs de collecte de données en élargissant notamment
aux exploitants d’aérodromes le
champ de l’article L.1264
-
2 du code des transports. À ce titre, l’ART dispose d’un pouvoir
d’investigation et de collecte ponctuelle en vue notamment d’homologuer les redevances
tarifaire
s. L’intégration au sein de l’ART de la compétence aéroportuaire s’est donc traduite par
un alignement par le haut des pouvoirs de collecte du régulateur alors que l’ASI ne pouvait que
« demander » aux exploitants ces éléments.
La loi DDADUE a dévolu au régulateur une mission de suivi économique et financier du
secteur aéroportuaire sans toutefois permettre à
l’ART de définir, par une «
décision motivée »
comme dans les autres secteurs régulés, les informations dont elle a régulièrement besoin pour
exercer sa mission.
Cette situation
est inconfortable pour l’ART qui, faute de formats standardisés de données
collectées à une échéance
fixée à l’avance, est en difficulté pour produire des études sectorielles
suffisamment qualitatives. Elle est tout autant contreproductive pour les aéroports confrontés à
des demandes de données dont ils ne perçoivent pas toujours la logique et qui mobilisent des
moyens humains que n’ont pas tou
tes les plateformes.
Dans ces conditions, La Cour invite l’ART à mener une concertation avec l’ensemble des
parties prenantes, y compris la DGAC elle-
même productrice d’études sectorielles, pour préciser
les modalités de transmission des données que requie
rt l’exercice de sa compétence. Si cette
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
29
logique ne se révélait pas satisfaisante, il appartiendrait
à l’
État de prendre les mesures
nécessaires pour que le régulateur puisse mener correctement sa mission de suivi économique et
financier.
1.2.4.2
L’absence
d’avis
sur les projets de textes réglementaires
, révélateur d’une
concurrence encore vive
entre le régulateur et l’
État
L’ART est consultée pour avis par le pouvoir réglementaire dans les secteurs ferroviaires,
autoroutiers et de transport routier de voyageurs. La possibilité de lui confier
un pouvoir d’
avis
sur les projets de textes réglementaires en matière aéroportuaire
a été débattue à l’occasion
de
l’examen
du projet de loi DDADUE, mais
n’a pas été adoptée
par le législateur. Cette opposition
peut paraitre étonnante au regard notamment de l’avis
motivé
que rend l’ART en matière
ferroviaire sur les projets de textes réglementaires
ou du rôle central que joue l’ART en matière
d’appui technique à l’
État en matière de concession autoroutière. Ce refus de principe
s’explique
pour deux raisons :
-
La DGAC ne souhaite pas que l’ART apporte un éclai
rage sur des règles de régulation
qu’elle est chargée de faire appliquer et non de définir. Bien que cet avis, non
contraignant, serait utile pour éclairer
l’
État en matière par exemple de renouvellement
de concession, la DGAC souhaite
que l’ART reste dans
le cadre strict des compétences
d’homologation de redevances qui lui sont confiées.
-
L
es aéroports craignent qu’une
expression
de l’ART
sur les projets de textes
réglementaires
l’autorise
à peser sur le modèle de caisse applicable, dans un sens plus
profitable aux usagers selon une logique où le « non-régulé » permettrait de « payer » le
coût du périmètre régulé et ainsi de baisser les redevances.
Le débat sur la compétence d’avis de l’ART est révélateur d’un cadre de régulation non
stabilisé marqué par u
n antagonisme latent entre le régulateur et l’Etat. Dans ce contexte, et
considérant l’intérêt d’un dialogue nourri et constructif entre le régulateur et l’administration
constaté dans d’autres secteurs, il serait utile de confier à l’ART un pouvoir d’avis
simple sur les
projets de textes réglementaires relatifs à la régulation aéroportuaire.
(DGAC, 2023) Attribuer à l’ART un pouvoir d’avis simple sur les
projets de textes réglementaires relatifs à la régulation aéroportuaire.
En conclusion, malgré une con
solidation de son intervention de par l’approfondissement
de sa jurisprudence sur les homologations de redevances, les effets de ses récentes consultations
publiques et l’élargissement de ses compétences
issues de
la loi DDADUE, l’ART reste un acteur
de régulation relativement faible en matière aéroportuaire au regard des autres secteurs régulés.
Elle demeure à ce stade une autorité de « supervision » qui doit encore
s’affermir en rejoignant
les standards de régulation du secteur ferroviaire.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
30
1.3
Le cas des autoroutes, un rôle multiforme éloigné de la régulation de
l’accès à une infrastructure.
1.3.1
L’origine des compétences de l’ART dans
les domaines routier et autoroutier
Après une ouverture partielle du capital de certaines sociétés concessionnaires
d’autoroute (SCA) dans la première moitié des années 2000, l’État a décidé, en 2006, de les
privatiser, notamment pour des raisons financières, cette opération ayant rapporté 14,8 Md€ de
recettes et permis de transférer 16,8 Md€ de dette autoroutière aux nouveaux actio
nnaires. Si
cette opération a immédiatement fait l’objet de contestations dans son principe, il en a été
rapidement de même de ses conséquences sur la gestion des autoroutes et, en pratique, surtout
sur les tarifs pratiqués.
De fait, cette cession n’a pas
été précédée d’une réflexion et d’une révision en profondeur
des relations entre État et SCA
ainsi que des contrats de concession, sur la base d’une redéfinition
de leur équilibre économique et financier à long terme. Pourtant, l’exploitation de ces
infra
structures par des filiales de grands groupes privés plutôt que par des sociétés d’économie
mixte impliquait à l’évidence de repenser le cadre de cette régulation.
Dans ce domaine, la compétence de l’ART, fondée également sur la loi «
Macron » de
2015, ne
découle pas du droit européen, mais d’un contexte français bien spécifique, en
l’occurrence, l’importance des concessions autoroutières et leur privatisation récente. Il en résulte
qu’elle y joue un rôle de nature différente que dans le secteur ferroviair
e, par exemple, souvent
plus proche du contrôle que de la régulation.
1.3.1.1
L’avis de l’Autorité de la concurrence
de 2014
et la polémique qui s’en est suivie
En 2013, dans un rapport sur les relations entre l’
État et les sociétés concessionnaires
d’autoroute
59
,
qu’elle jugeait déséquilibrées au bénéfice de ces dernières
, la Cour recommandait
notamment
l’élaboration d’
une doctrine sur le champ des investissements des SCA devant donner
lieu à une compensation financière et la réalisation systématique
d’une contre
-expertise de leurs
coûts prévisionnels. En outre, établissant le constat de certaines défaillances du concédant, elle
faisait des recommandations allant dans le sens
d’un renforcement des contrôles de l’État, sans
remettre en cause sa compétence technique ni son objectivité.
En septembre 2014,
l’Autorité de la concurrence
(AdlC) a rendu un avis très critique sur
le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires, mettant en cause,
en particulier, leur niveau de profit
. L’A
dlC évaluait leur bénéfice net à 24 % de leur chiffre
d’affaires sans justification au regard des risques pris.
Ceci
légitimait l’expression
, selon elle, de
« rente autoroutière ». Elle critiquait également les procédures suivies et les critères utilisés pour
l’attribution des marchés de travaux passés par les sociétés d’autoroutes, dans la mesure où ils
avantageaient, toujours selon elle, les sociétés de BTP liées aux concessionnaires.
L’avis émettait
59
Communication à la co
mmission des finances de l’Assemblée nationale (article 58
-2 de la loi organique du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances).
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
31
un ensemble de recommandations visant à une meilleure régulation du secteur au p
rofit de l’État
et des usagers.
Il contenait aussi des développements très négatifs
à l’égard du
plan de relance autoroutier
(PRA), alors en négociation, qui consistait en
un certain nombre d’investissements
supplémentaires, normalement non prévus dans les contrats, compensés financièrement par un
allongement de la durée des concessions.
S’agissant d’un secteur où la concurrence
sur
le marché
est impossible, la prolongation des concessions contribue à limiter la seule forme de concurrence
possible, à savoir la concurrence
pour
le marché, qui ne peut s’exer
cer au bénéfice du
consommateur, en termes de prix et de qualité de service
60
, que lors des réattributions des droits
d’exploitation. L’Autorité, qualifiant le PRA de «
dangereux précédent
», redoutait la répétition
de tels plans :
«
La prolongation des concessions est l’objectif principal des SCA puisque sans
leur concession, elles sont sans objet, ni actif, ni revenu. Il est donc logique qu’elles cherchent à
les prolonger, a fortiori, san
s mise en concurrence. De plus, une telle prolongation parce qu’elle
se justifie par la construction de sections nouvelles, bénéficiera également aux groupes de
travaux publics auxquelles elles appartiennent pour cinq d’entre elles.
»
L’AdlC préconisait la
création d’une autorité indépendante de régulation des transports
terrestres ayant compétence sur les autoroutes concédées, dotée d’un pouvoir d’avis et disposant
d’un large pouvoir de communication et de sanction, ainsi qu’un abaissement du seuil de mise
en concurrence des marchés de travaux des SCA.
Ces polémiques allèrent parfois jusqu’à mettre en cause l’attitude de l’Etat, suspecté
de
ne pas défendre l’intérêt des usagers avec
suffisamment de détermination, notamment dans la
mesure où l’allongement de
s concessions ou la hausse des péages se traduisent par des recettes
fiscales supplémentaires (de taxe d’aménagement du territoire, de redevance domaniale et
d’
impôt sur les sociétés
), tandis qu’il se trouve
déchargé d’une lourde tâche de gestion,
généralement tenue pour accomplie de manière satisfaisante par les SCA.
Dans ce contexte, des propositions furent faites allant jusqu’à la résiliation pure et simple
des conventions de concession en cours, notamment dans
le rapport de la mission d’information
de l
’Assemblée nationale sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport
61
. Le
Premier ministre mit en place un groupe de travail réunissant des parlementaires et des
représentants de l’administration pour éclairer les décisions à prendre, not
amment dans le cadre
de la préparation du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques. La note de ce groupe d
u 10 mars 2015 met principalement l’accent
,
d’une part, sur
le risque de concessions sans cesse prolongées, d
’autre part, sur le coût important d’une
indemnité de résiliation, pouvant atteindre de 40 à 55
Md€
.
S’agissant de la question sensible de la rentabilité des concessions, le groupe
de travail
conclut qu’un taux de marge annuel élevé, comme
le relevait
l’Autorité de la concurrence,
pouvait être compatible avec un taux de rentabilité interne (TRI) raisonnable sur toute la durée
de la concession. Toutefois, il soulignait que la multiplication des avenants et la complexité des
structures de financement mises en place par les nouveaux actionnaires rendai
ent l’économie
60
Ou au bénéfice du concédant s’il octroie la concession à l’opérateur qui propose le prix le plus élevé possible, à
règle ta
rifaire donnée (plutôt qu’à l’opérateur qui propose les règles tarifaires les plus favorables aux usagers, à prix
donné de la concession).
61
Déposé par MM. J.-P. Chanteguet et B. Pancher, en décembre 2014.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
32
générale des concessions «
difficile à décrypter
», et regrettait
qu’aucun mécanisme de
transparence et de régulation de la rentabilité n’ait été introduit dans les conventions de
concession au moment de la privatisation.
1.3.1.2
Les conséquences
tirées d’un choix politique
.
À la suite de ces polémiques, la
loi d’août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité
des chances économiques a transformé l’ARAF en
ARAFER (autorité de régulation des activités
ferroviaires et
routières
),
et l’a chargée, en s’inspirant largement de l’ensemble de ces réflex
ions,
d’
une mission générale de surveillance des performances économiques du secteur,
d’
émettre un
avis sur tout projet de contrat de concession ou d’avenant aux contrats existants
et de veiller à
l’exercice d’une concurrence effective lors de la passation
des marchés des SCA.
S’agissant du risque de «
concessions perpétuelles
», du fait d’accords successifs
conduisant régulièrement à leur prolongation, le projet de loi prévoyait que l’ARAFER rende un
avis sur tout projet de décret relatif aux conditions d
’application des dispositions relatives à
l’allong
ement de durée des concessions. Toutefois, un amendement législatif a transféré du
décret à la loi la possibilité de prendre une telle décision.
L’auteur de cet amendement a évoqué
la nécessité «
de sortir du face-à-
face entre l’État et les concessionnaires
», ce qui résume bien
la situation ou, à tout le moins, l’interprétation qui en était alors donnée.
1.3.1.2.1
La mise en place d’un «
tiers de confiance ».
Cet élargissement des compétences de l’Autorité, sans lien avec l’ouverture à la
concurrence d’un secteur des transports, trouve donc son origine dans l’idée que les relations
étaient déséquilibrées entre l’État et les SCA, au détriment, in fine, des usagers, actuels ou futurs,
voire des contribuables (en cas de contribution publique au financement de certains travaux).
Des sociétés concessionnaires ont contesté la pertinence de cette extension, en excipant
du fait que, selon elles,
ces asymétries n’existeraient pas moins avec l’Autorité qu’avec l’État
maître d’ouvrage et qu’il conviendrait plutôt de renforcer les moyens de ce dernier. Au sortir
d’une controverse médiatique,
une réforme de cette nature
n’a pas été jugée suffisante. Ainsi, le
rapport de l’ART de novembre 2020 justifie sa compétence autoroutière no
tamment par le fait
que «
le secteur des autoroutes concédées et, partant, le choix des pouvoirs publics relatifs à ces
infrastructures, font, depuis toujours, l’objet de nombreux débats et controverses dont les
arguments peuvent, parfois, faute d’un niveau d’information suffisant, manquer de rationalité. Il
importait donc qu’un éclairage indépendant, fiable et circonstancié puisse être apporté sur ce
secteur
».
1.3.1.2.2
Un arrangement institutionnel inédit
Certaines sociétés concessionnaires ont pu critiquer ou critiquent encore le rôle confié à
un nouveau partenaire, qui, selon elles, complexifierait la gestion des contrats de concession, et
pourrait empêcher la réalisation de certains investissements, malgré la volonté commune du
concédant et du concessionnaire. Plus généralement, il remettrait en cause la commune intention
des parties et affaiblirai
t l’autorité du ministère et la confiance dans la qualité des contrats. Il se
trouve que c’est bien cet affaiblissement qui est à l’origine de cette innovation législa
tive et
l’exposé des motifs
de la loi « Macron »
explique qu’il s’agit précisément d’y remédier.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
33
En revanche, la loi de 2015 crée incontestablement le risque de « doublons » puisque
l’État concédant, qui signe les contrats de concession ainsi que leurs av
enants et contrôle leur
application, doit naturellement conserver une capacité d’expertise propre. Le rapport du CGEDD
et de l’IGF de 2015 appelait à la réalisation, à l’horizon de
deux ou trois
ans, d’un bilan de
l’articulation de l’action de contrôle de l’ARAFER et du rôle des services de l’État, afin de limiter
les risques de double instruction, s’agissant des projets de modification des contrats de
concession -
ce qui n’a pas été fait.
1.3.1.3
Une compétence routière plus limitée : la régulation du transport interurbain de
voyageurs par autocar
La loi « Macron » du 6 août 2015 a également libéralisé le marché du transport régulier
interurbain par autocar
, dans un souci de développement de l’activité et de démocratisation des
transports à longue distance. Dans ce cadre, elle a
confié à l’ARAFER, trois types de fonctions
.
Les deux premières -
observer le marché et veiller à des conditions d’accès équitables aux gares
routières - correspondent à missions « classiques »
d’
accompagnement de
l’ouverture à la
concurren
ce d’un secteur.
Pour sa part, la troisième - assurer la régulation des liaisons inférieures
à cent kilomètres - répond aux inquiétudes exprimées lors de la discussion de ce projet de loi, en
particulier de mise en danger de liaisons ferroviaires conventionnées bénéficiant de subventions
de la part des régions. Confier un tel examen à une autorité essentiellement chargée de veiller à
une concurrence ouverte et équitable constituait un moyen de garantir qu’il ne serait pas fait un
usage excessif de ce pouvoi
r d’interdiction.
1.3.2
Des compétences autoroutières dont l’exercice demeure difficile
En tant que concédant, l’État reste responsable des appels d’offres pour les nouvelles
concessions autoroutières et de la gestion des contrats existants. L
’Autorité est
pour sa part
chargée de missions spécifiques :
-
elle est consultée sur les projets de contrat de concession et d’avenant à un contrat
existant, lorsqu’ils ont une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée de la
concession ;
-
elle assure une mission de suivi économique et financier du secteur ;
-
elle contrôle les procédures de passation des marchés des sociétés concessionnaires
d’autoroutes dans le cadre de leur activité d’exploitation
;
-
elle assure le contrôle des procédures d’attribution des «
sous-concessions », en vue
de l’exploitation des installations annexes à caractère commercial.
Au total, l’ART exerce donc un rôle principalement consultatif, en particulier s’agissant
des négociations entre l’État et les SCA, ainsi que de suivi et d’analyse du secteur, en s’appuyant
sur des droits d’accès à l’information étendus et assortis de pouvoirs de sanction.
S’agissant
du transport interurbain de voyageurs par autocar
,
l’ART régule les liaisons de
moins de 100 km, aux fins de préserver l’équilibre économique
des services de transport public,
ainsi que les gares et aménagements de transport routier (tenue d’un registre, tarification, règles
d’accès) et exerce une mission classique d’observation du marché.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
34
1.3.2.1
Les avis rendus sur les projets de contrats de concession ou leurs avenants.
Rappelons que, dans le cas des concessions actuelles, c’est
-à-dire pour la plus grande
partie des autoroutes existantes, ce rôle ne permet que d’infléchir à la marge, à l’occasion du
calcul des compensations de travaux et de taxes, l
’évolution des péages autoroutiers, dans la
mesure où celle-
ci obéit pour l’essentiel à une règle d’indexation partielle (70%) sur l’inflation.
Le plan d’investissement autoroutier de 2017, d’un montant initial de 803,5 M€ HT, a été
la première occasion p
our l’ART d’utiliser et même d’affirmer ce pouvoir de consultation.
1.3.2.1.1
La question de doctrine relative aux opérations « compensables »
Dans un avis de juin 2017, l’Autorité a estimé qu’il n’apparaissait pas justifié de faire
supporter par l’usager le financ
ement de 34 opérations faisant partie du PIA (représentant environ
373 M€ de travaux
), soit parce que les projets correspondaient à des obligations déjà prévues
dans les contrats, soit parce qu’il n’était pas établi qu’ils étaient strictement nécessaires ou utiles
à l’exploitation de l’autoroute, indépendamment d’autres motifs d’utilité pour le réseau routier
dans son ensemble. En particulier, l’ART considère que, selon le code la voirie routière, les
péages constituent des redevances pour service rendu, les améliorations dictées par un autre motif
que l’intérêt de l’usage
r devant, quant à elles, être financées par des fonds publics
62
.
L’État concédant n’a tenu aucun compte de cette critique. Si certains projets ont été
abandonnés, ceci,
d’après la DGITM
,
a tenu à d’autres raisons. Cette situation s’explique
notamment par u
ne divergence de vues quant aux critères de nécessité et d’utilité justifiant la
compensation de certains travaux, dont l’ART aurait, selon le ministère, une conception trop
restrictive. Pour le concédant, responsable de la politique des transports, ils recouvrent un intérêt
qui ne se limite pas à l’amélioration de l’exploitation de l’infrastructure au service des usagers
stricto sensu, mais plus généralement au « besoin de la concession » et donc à un intérêt public
plus large comme, par exemple, l’aménage
ment du territoire (ex. : des échangeurs desservant des
villes de taille moyenne) et/ou la fluidification de la circulation sur les réseaux routiers
secondaires. Ceci le conduit à une approche plus globale de ce critère d’utilité et, donc, à prendre
en compte les bénéfices des investissements en faveur du réseau adjacent. Des sociétés
concessionnaires, prolongeant cet argument, ont fait valoir
qu’une interprétation
trop stricte de
la notion de redevance pour service rendu pourrait, selon elles, faire obstacle au financement de
dispositifs intermodaux ou environnementaux ne bénéficiant
pas directement à l’usager
autoroutier.
En entérinant les décrets approuvant les avenants afférents, le Conseil d’État n’a pas
retenu le point de vue de l’ART. La loi d’orienta
tion des mobilités de décembre 2019 a confirmé
cette doctrine
63
.
62
Pour autant, les opérations finançables par une hausse des péages
peuvent inclure, selon l’ART,
non seulement
les travaux de mise en qualité des infrastructures mais aussi la réparation des préjudices causés par celles-ci à des
tiers (externalités négatives qui constituent une partie du « coût social » complet des services ainsi rendus). D
’où
son avis favorable à la compensation des dépenses requises pour la construction de murs anti-bruit, par exemple.
63
Un ajout à l’article L.122
-4 du code de la voirie routière spécifie que les conditions de nécessit
é et d’utilité doivent
s’apprécier au regard de
«
l’amélioration du service autoroutier sur le périmètre concédé, une meilleure articulation
avec les réseaux situés au droit de la concession, afin de sécuriser et fluidifier les flux de trafic depuis et vers les
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
35
D’autres différends persistent, notamment quant au caractère compensable d’une
majoration de la redevance domaniale supportée par une SCA,
ou à l’intégration de nouvelles
sections dans l’assiette d’une concession
déjà existante, sans mise à péage spécifique. Dans ce
dernier cas, une hausse des péages revient à faire financer un tronçon supplémentaire par
l’ensemble des usagers de l’autoroute concédée
(ou, en tout cas, par un ensemble plus vaste que
les seuls bénéficiaires de ces sections additionnelles
). La DGITM considère que l’ART a une
position trop restrictive et trop tranchée sur une question juridique complexe, qui ne serait pas de
son ressort. Là encore, par-delà la jurisprudence, une clarification permettrait de faire
l’économie
de divergences stériles
entre l’A
utorité et le concédant.
Enfin, selon la DGITM : «
Il est important de prendre en compte le coût complet et non
le seul coût marginal dans la réalisation des infrastructures. En effet, la France a choisi depuis
la constitution du réseau autoroutier de faire porter son coût complet sur les usagers et non sur
l’impôt. Cet équilibre en coût complet (et non en coût marginal comme le recommande l’ART)
est également souligné par la théorie économique comme un bon équilibre, et est celui adopté
en France actuellement pour le réseau autoroutier
»
64
.
1.3.2.1.2
Le taux de rendement interne
L
’Autorité a mis en exergue le fait que les taux de rendement interne (TRI) pr
évus pour
le PIA apparaissaient excessifs au regard des risques effectivement encourus par les SCA. Ceux-
ci ne justifiaient pas, de son point de vue, des taux sensiblement différents du coût moyen pondéré
du capital de ces sociétés (calculé sur la base d’une méthodologie commandée à un cabin
et
extérieur). Sur ce fondement, la DGITM a renégocié ces TRI et obtenu leur diminution, ce qui -
tous les autres paramètres économiques restant inchangés - a permis de revoir à la baisse les
augmentations
tarifaires d’environ 5
%.
1.3.2.1.3
L’évaluation du coût de
s travaux
L’Autorité
a considéré, que dans le périmètre des opérations du PIA pour lesquelles le
financement par une hausse des péages apparaît justifié, pour 17 % du montant total des
investissements, les coûts étaient supérieurs de 10 % aux référentiels
qu’elles avaient pu établir
,
pour 24 %, supérieurs de 20 à 30 %, et pour 41 %, supérieurs de plus de 30 %.
Ces arguments tirés du coût des travaux ont particulièrement surpris le ministère et les
SCA, qui ont paru considérer que l’ART outrepassait ses fon
ctions. Celle-ci, au contraire, met
en exergue qu’elle s’efforce, en l’occurrence, de remédier à une asymétrie d’information entre
les SCA et l’État, estimant que la base de données dont dispose ce dernier est devenue largement
obsolète,
puisqu’il ne réalise plus que peu d’investissements importants sur le réseau non
concédé. Aux fins de cette contre-
expertise, l’ART s’est appuyée sur certaines références de prix
publiques ainsi que sur les données qui lui sont transmises dans le cadre des responsabilités lui
incombant de par la loi d’août 2015 en matière de concurrence (en l’espèce certains marchés
récents relatifs à des opérations jugées similaires). Estimant cette méthode inappropriée compte
tenu de la spécificité de chaque projet, le ministère n’a pas so
uhaité renégocier le coût des
réseaux adjacents à la concession et une connexion renforcée avec les ouvrages permettant de desservir les
territoires
[…]
»
.
64
Commentaires relatifs au projet de rapport de l’ART sur l’économie des concessions autoroutières (juillet 2020).
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
36
opérations. Pour se justifier, il s’est basé, au surplus, sur une étude commandée postérieurement
à un bureau suisse, NIBUXS, portant sur six opérations importantes et conduisant à des
estimations proches des siennes. Ce doubl
e exercice d’évaluation ne paraît pas de bonne
méthode.
À la suite des différends apparus lors de l’a
vis rendu sur le PIA et le calcul de ses
compensations,
et pour prévenir que ce type de situation se reproduise, l’Autorité
a voulu mettre
en place une méthode de contre-
expertise systématique partagée avec l’
État concédant
65
. Pour ce
faire, elle a constitué une base de données qui repose
sur la collecte de dossiers d’études et de
travaux des SCA (
cf. Annexe n° 4
), certaines sociétés concessionnaires se plaignant de la grande
quantité d’informations qui
leur a été demandée à cet effet, voire contestant le principe de cette
démarche, à raison, selon elles, de la spécificité de chaque projet.
C’est en s’appuyant sur c
ette base
66
que, par exemple,
l’ART a
rendu son avis sur le
contournement Ouest de Montpellier, en octobre 2021. En
l’espèce
, elle a estimé les coûts
surévalués de 11 % (33 M€),
tout en indiquant avoir ajusté les prix pour tenir compte des
spécificités et des niveaux de risques, conformément à ce que prévoit la méthode concertée avec
la DIT. Elle prête à la SCA concernée (ASF) «
des erreurs d’appréciation manifestes
», en citant
l’exemple du poste «
écrans acoustiques
», chiffré à 14,9 millions d’euros dans
le dossier de
saisine, mais estimé par l’Autorité à 9,2 millions d’euros, soit un écart de 62
%.
1.3.2.1.4
Au final, une contre-expertise qui pourrait être rendue plus utile
L’ART
fait valoir des gains substantiels au profit des usagers. Dans le cadre de son bilan
2016-2022 publié en juillet 2022
67
, elle estime
à près de 500 millions d’euros hors taxes les
économies en faveur de ces derniers, grâce à son intervention, dont 290 M€, du fait de moindres
hausses de péages en contrepartie d’investissements (à la suite de
ses avis sur les avenants aux
contrats de concession) et 210 M€ au titre de sa mission de contrôle des procédures d’attribution
des sous-concessions (installations annexes à caractère commercial).
Toutefois, cette contre-expertise pourrait être rendue plus utile encore si le concédant
devait se justifier.
Actuellement, le concédant n’a pas l’obligation de motiver sa décision dans
les cas où il
s’écarte
des avis de l’ART. Il en découle un hiatus entre, d’une part, une
argumentation détaillée, publiée par l
’ART, d’autre part, une décision de l’État éventuellement
en partie contraire, mais ce, sans justification -
sans compter que le citoyen n’a pas toujours
facilement accès au contenu même de cette décision, donc aux suites données à l’avis de l’ART.
Il y a
d’ailleurs une certaine anomalie tenant au fait qu’après cette décision, on puisse prendre
connaissance des avis et analyses de l’Autorité, alors qu’ils ne mentionnent pas, le cas échéant,
qu’ils ont été écartés ni pourquoi.
65
Pour au
tant, les services de l’Etat continuent, de leur côté, à recourir à des prestataires extérieurs pour évaluer le
coût prévisionnel de ces travaux.
66
L
’ART s’est également
dotée une base de données géolocalisées des trafics (en cours de structuration), afin
d’améliorer sa capacité à contre
-expertiser les études sur ce sujet. De fait, ils entrent dans le calcul des mesures de
compensation (futures) à prendre, qu’elles prennent la forme d’une revalorisation tarifaire ou d’un allongement de
la durée des concessions.
67
Postérieurement à l’instruction menée par la Cour, de sorte qu’elle n’a pu contre
-expertiser ces évaluations
(« Six
ans de régulation des transports (2016-2022) -
De l’ARAFER à l’ART »
, juillet 2022).
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
37
Si les pouvoirs publics s’éloignent de l’avis rendu par l’ART, motiver leurs décisions
garantirait, outre leur qualité, l’utilité du travail de cette dernière. A terme, ceci contribuerait sans
doute aussi à améliorer ces avis et responsabiliserait davantage l’ART,
in fine
en vue, là encore,
des décisions de l’Etat les plus pertinentes possibles.
(DGITM, 2022) : Motiver publiquement les décisions qui
s’écartent des avis émis par l’ART sur
des contrats de concessions autoroutières et des
projets d’avenants à
ces contrats.
Il conviendrait
, en corollaire, que l’ART
actualise les avis figurant sur son site internet,
relatifs aux projets d’avenants aux contrats de concession, en y précisant les suites qui y ont été
apportées et la consistance (provisoire ou finale) des projets d’investissemen
t qui en résulte.
1.3.2.2
Le suivi économique et financier du secteur
La mesure de la rentabilité des concessions constituait une des missions les plus
importantes et les plus délicates confiées à l’ART par la loi d’août 2015, au cœur des polémiques
qui ont condui
t à étendre les compétences de l’ARAF, l’idée d’une rentabilité excessive allant de
pair avec celles de péages trop élevés, de concessions trop longues et d’un déséquilibre des
relations entre État et concessionnaires, qui défendraient trop bien leurs intérêts. La difficulté
tient à ce que l’on ne peut se baser sur les seuls critères de marges et de profits à court terme,
nécessairement élevés puisqu’il s’agit d’amortir un investissement initial d’un montant
important, à savoir le coût d’acquisition des droits d’exploitation, dans lesquels il faut inclure la
reprise de dettes.
L’Autorité a étudié
68
, dans son rapport sur l’économie générale des concessions (EGC)
de novembre 2020, la rentabilité des concessions dans la perspective d’un régulateur sectoriel
,
c’
est-à-dire au regard du fonctionnement du régime des péages. Elle a présenté un taux de
rendement interne (TRI) agrégé pour l’ensemble des concessions historiques et des concessions
récentes. L’objectif de l’Autorité était d’évaluer la rémunération du capi
tal que les usagers de
l’autoroute paient à travers le péage
69
.
Plus précisément, l’Autorité
a mesuré le TRI « projet »
des concessions, c’est
-à-
dire le taux de rentabilité pour l’ensemble des pourvoyeurs de fonds, sur
la durée de vie du contrat. Dès lors,
la mesure effectuée par l’Autorité
a mobilisé à la fois des
éléments historiques (flux de trésorerie réalisés sur les années passées), et prospectifs (flux de
trésorerie attendus sur les années restantes). L’estimation du TRI est donc prévisionnelle
et
sus
ceptible d’évoluer jusqu’à la fin des concessions concernées.
En
2019, l’Autorité l’a évalué à
7,8 % pour les sociétés historiques, en reconnaissant une
marge d’incertitude de l’ordre d’un point de pourcentage. Pour les sociétés récentes, son
estimation est de 6,4 %.
En revanche, elle s’est gardée de porter une appréciation. Selon elle
,
l’estimation du TRI
en valeur absolue est imprécise, tout du moins pour les concessions historiques, excipant qu’elle
68
En commandant des travaux au cabinet
Frontiers economics
.
69
Et non d’analyser la rentabilité, pour les groupes Vinci, Eiffage et Abertis, de l’acquisition des titres des
concessions historiques.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
38
a dû développer une méthode spécifique pour remédier à la méconnaissance des flux de trésorerie
avant 2002.
Selon l’Autorité, s
i les variations des TRI ainsi obtenues sont robustes, les analyses
de sensibilité montrent que les résultats ne seraient pas exploitables en valeur absolue, car
insuffisamment fiabl
es. Elle ajoute, par ailleurs, qu’une telle
analyse du TRI en valeur absolue
serait difficilement conclusive
car seul un TRI calculé avant la réalisation de l’investissement sur
la base des flux de trésorerie attendus, se compare à un coût du capital estimé à cette même date,
avec les anticipations de marchés du moment, permettant de statuer sur une éventuelle
rémunération excessive.
Or, un tel calcul n’a pas été fait. En définitive,
«
l’Autorité n’a pas
qualifié la rentabilité des concessions, mais a uniquement mesuré le taux de rentabilité
interne »
70
.
Au vu de ce dernier argument, on mesure l’écart existant
avec la perception usuelle de ce
problème, ayant conduit la représentation nationale
à confier cette mission à l’ART
. De fait, la
dénonciation par certains des profits jugés anormalement élevés des concessions historiques y
associe le plus souvent des «
effets d’aubaine
»
. Or, n’étant par définition pas connus à la
signature des contrats, ils ne pourraient
participer d’une forme de caractérisation de «
rentabilité
excessive », dans le cadre de la théorie de la concession « aux risques et périls du
concessionnaire »
71
.
En tout état de cause, au regard de la rédaction lapidaire de l’article L122
-9 du code la
voirie routière
(« L' Autorité de régulation des transports établit, au moins une fois tous les cinq
ans, un rapport public portant sur l'économie générale des conventions de délégation
.[…]
En
outre, l' Autorité de régulation des transports assure un suivi annuel des taux de rentabilité
interne de chaque concession. »
), on peut considérer que l’ART a rempli l’obligation qui lui était
imposée, la question pouvant être de savoir s’il faudrait la préciser, notamment quant à la
publicité à donner à certains éléments d’information et d’analyse.
Ce travail n’a toutefois pas mis fin aux divergences d’analyse et controverses sur ce sujet.
La DGITM, dans sa réponse à la version provisoire du présent rapport, estime notamment
que les études financières prévisionnelles, établies par les SCA et reprises par l’ART, co
mportent
un biais conservateur (étant conçues pour évaluer la capacité des SCA à assurer à l’avenir la
continuité du service public) et devraient donc être écartées au profit de projections ad hoc.
S’agissant d’un sujet aussi controversé, qui a fait l’obj
et de prises de position de certains
universitaires et qui intéresse un large public, de tels échanges devraient associer
d’autres
interlocuteurs que les seuls signataires de contrats, et ce, le plus en amont possible, en vue
d’
une
forme d’accord initial
(autant que faire se peut) sur la méthode de calcul à employer. À cet égard,
l
e rapport d’activités 2020
de l’ART
fait état de huit consultations publiques sur des projets de
décision, mais aucune n’a concerné le secteur autoroutier
.
70
ART, Analyse de l’article «
2016-2022 : la régulation autoroutière à la croisée des chemins », 18 mars 2022.
71
Dont l’esprit a été fortement remis en cause, puisqu’un article introduit dans le code de la voirie routière dispose
désormais que le cahier des charges d’une nouvelle concession «
prévoit un mécanisme de modération des tarifs de
péages, de réd
uction de la durée de la concession ou d’une combinaison des deux, applicable lorsque les revenus
des péages ou les résultats financiers excèdent les prévisions initiales
».
L’ART elle
-même se montre favorable à
ce type de dispositif (cf infra).
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
39
1.3.2.3
Le rôle de
l’ART dans la réflexion sur l’avenir des concessions arrivées à leur terme
La réflexion sur l’avenir des concessions à leur terme
ne fait pas explicitement partie des
attributions de l’ART, mais, dans le cadre de sa mission générale d’information économique sur
le secteur,
et dans le prolongement de travaux qu’elle a menés sur la préparation des dernières
années des concessions (
cf. Annexe n° 5
),
l’Autorité s’est engagée à fournir des éclairages
objectifs visant à alimenter ce débat.
Les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur le
contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières (septembre 2020) en ont
montré
l’importance.
L’Autorité déclare ne pas envisager d’élaborer une doctrine relative aux
possibles
formules futures de gestion des autoroutes concernées. Toutefois, dans le dernier chapitre sur
l’économie générale des concessions
, elle présente une étude comparative du secteur autoroutier
à l’étranger, en particulier en Allemagne, en Espagne,
en Italie, au Portugal et au Royaume-Uni.
En outre, l’étude analyse les modalités d’organisation alternatives.
Conformément aux orientations stratégiques de l’Autorité, ces travaux se poursuivent,
notamment dans la perspective du deuxième rapport
sur l’éc
onomie générale des concessions,
prévu en 2022.
Plusieurs axes de travail ont d’ores et déjà été identifiés et une convention de
partenariat a été conclue avec la Toulouse School of Economics (TSE). Dans ce cadre, il s’agira
d’aborder deux questions
:
-
dans
l’hypothèse d’une remise en concession d’une partie du réseau autoroutier à l’issue
des contrats historiques, quelle forme de mise en concurrence retenir ?
-
une fois le délégataire de service en place, comment rendre plus efficace la négociation
des avenan
ts aux contrats et limiter les conséquences de l’asymétrie d’information
?
L’ART a déjà exprimé un certain nombre de recommandations relativement précises,
notamment dans son rapport d’activité 2020, sous un intitulé général «
Envisager toutes les
organisations possibles du secteur, au-delà de la poursuite des concessions et de la mise en
régie
» :
-
réduire la durée des contrats pour bénéficier plus souvent de la concurrence,
-
envisager une revue périodique des contrats,
-
rechercher un partage des risques procurant les meilleures incitations aux opérateurs
privés.»
72
En outre, toujours dans son rapport sur l’économie des concessions routières de 2020, elle
souligne le fait, que, contrairement à l’usager des routes nationales non concédées, celui des
autoroutes concédées supporte un total de prélèvements (péages, TICPE, taxes sur les assurances,
à l’essieu et sur les cartes grises) d’ores et déjà supérieur à l’ensemble des coûts, y compris
externes, qu’il fait supporter à la collectivité. Ce constat n’est évidem
ment pas indifférent dans
72
En particulier, le président de l
’ART a eu l’occasion d’indiquer : «
[…]
on peut légitimement regretter que le
risque de financement, qui est exogène, ait pu être transféré aux concessionnaires, ce qui renchérit le coût des
prestations déléguées sans qu’il en découle d’incitation par ailleurs
»
(courrier de président de l’ART à MM. Vila
et Wels, du 14 janvier 2021). D’autres documents
présentent le risque « trafic », ou commercial, comme, lui aussi,
en grande partie exogène.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
40
les réflexions sur l’évolution de leur tarification. L’ART suggère notamment la mise en œuvre
de modulations géographiques et temporelles.
Toutes ces préconisations, déjà relativement précises, se fondent sur des analyses
économi
ques éprouvées, mais prennent relativement peu en compte les enjeux d’acceptabilité,
ce qui est parfois reproché à l’ART. Il découle de ce partage un risque de déphasage sur des sujets
particulièrement sensibles, comme l’expérience l’a montré.
Par exemple,
l’augmentation d’un
péage existant pour financer une nouvelle infrastructure ou sa rénovation peut soulever moins de
difficultés que la mise en péage de celle-
ci, même s’il ne s’agit pas de la formule
économiquement la plus rationnelle. On a vu que l’Auto
rité a défendu des positions restrictives
en matière de péréquation tarifaire.
En la matière, l’ART estime jouer son rôle de conseiller du concédant. Si, en tout état de
cause, la décision reviendra à ce dernier, on peut s’étonner de sa faible implication
dans les débats
sur ces questions stratégiques, qui laisse au régulateur l’initiative de réflexions sur l’avenir des
concessions, mais aussi sur des points importants de l’organisation de la fin des premières
arrivant à échéance. Le jeu de rôle entre acteu
rs ne paraît pas aujourd’hui entièrement organisé
ni stabilisé et, sur ce sujet, l’État semble, pour l’instant, en retrait du sien. S’agissant d’un enjeu
aussi crucial, il conviendrait que l’État prenne l’initiative d’organiser
avec l’ART un cadre de
réfle
xion sur l’avenir des concessions autoroutières.
On ne peut dissocier cette question de celle des moyens.
L’ART a estimé à 17
équivalents-
temps-plein (ETP) les effectifs
qu’elle consacre au secteur autoroutier, soit à peu près autant que
la DGITM en a aff
ecté au suivi des contrats (une quinzaine d’ETP selon le rapport du CGEDD
et de l’IGF). L’exercice de ses fonctions par l’ART et la montée en charge de ses compétences
ne doivent pas se traduire par un désengagement de l’État, propriétaire concédant et res
ponsable
des choix stratégiques en la matière, d’autant qu’approche l’échéance de certains de ces derniers.
D’un point de vue méthodologique, qu’il s’agisse de nouvelles autoroutes concédées, ou
du renouvellement de certaines concessions arrivées à échéance,
la commission d’enquête
sénatoriale a recommandé que les services de l’État lui fournissent tout élément utile relatif au
choix des concessionnaires, en particulier les dossiers présentés par les candidats non retenus.
Ces derniers contiennent des informations qui ne peuvent que renforcer la pertinence des avis de
l’ART. Ils lui donneraient probablement aussi les moyens de les comparer et pourrait donc
conduire, à terme, les pouvoirs publics à devoir justifier leur choix de manière beaucoup plus
précise
qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, on trouvera une présentation, en annexe :
-
du contrôle des marchés passés par les SCA (
cf. Annexe n° 6
)
-
de celui des
procédures d’attribution des contrats passés en vue de l’exploi
tation des
installations annexes à caractère commercial, ou « sous-concessions » (
cf. Annexe n° 7
),
-
des responsabilités de l’ART relativement au système européen de télépéage
(
cf. Annexe
n° 8
).
Au total, la diversité des problèmes illustre la complexité du positionnement institutionnel
de l’ART à la fois «
conseiller autoroutier
» de l’exécutif et contrôleur
73
des concessions,
73
Quoique principalement habilité à formuler des avis seulement consultatifs.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
41
parallèlement au concédant, et donc finalement contrôleur aussi de ce dernier
74
. C’est d’autant
plus vrai que l’ART considère qu’elle peut ou doit donner son avis sur un champ très large de
problématiques autoroutières. Ainsi, le p
résident de l’Autorité écrit que
« sur la forme, il convient
de rappe
ler que l’article L.122
-
9 du code de la voirie routière demande à l’Autorité d’établir,
au moins une fois tous les cinq ans, un rapport public portant sur l’économie générale des
conventions de délégation, en lui laissant une forte marge d’appréciation pou
r déterminer les
sujets méritant d’être développés
»
75,
ce qui l’a, par exemple, conduit à se prononcer sur la
question de l’état des biens de retour
- un sujet relatif à la fin des concessions actuelles, et non à
de nouvelles concessions ou à des avenants aux contrats.
1.4
Le suivi des données de mobilité : une compétence émergente, un rôle
encore limité
1.4.1
Une nouvelle compétence dont l’attribution peut être discutée
Dans le prolongement de la « directive STI » de 2010
76
, qui prévoit la mise à disposition,
de ser
vices d’information sur les déplacements multimodaux, l’ouverture des données de
mobilité a donné lieu, en mai 2017, à l’édiction d’un règlement délégué
77
.
Ce texte prévoit la création, par chaque État membre, d’un point d’accès national unique
aux données sur les déplacements et la circulation ainsi
qu’à celles
concernant la circulation des
différents modes de transport, fournies par les autorités chargées des transports, les opérateurs de
transports, les gestionnaires d’infrastructures et les fournisseurs
de services de transport à la
demande. Le règlement prévoit seulement une obligation de fourniture des données et fixe les
exigences applicables à leur réutilisation. Il confie aux États membres le soin de vérifier le respect
de ses prescriptions.
C’est l
a « LOM »
78
qui a mis en œuvre le
règlement délégué
79
. Elle favorise
l’ouverture
des données nécessaires à l’information des voyageurs et au développement des services
numériques de mobilité, dits Maas (
Mobility as a service
). Les opérateurs de transport et les
fournisseurs de services de mobilité ainsi que les gestionnaires d’infrastructures sont tenus de
mettre à disposition, en principe gratuitement, les données de leurs services et réseaux par
l’interméd
iaire du point d'accès national, la plateforme numérique
transport.data.gouv.fr
,
désignée à cet effet en mars 2020.
Ensuite, elle favorise la création de services numériques
multimodaux (SNM). Enfin, sans que cela ne découle du règlement délégué, le législateur confie
74
On pourrait prendre d’autres exemples : «
une analyse technique du bon état des biens de retour
[…]
a conduit
l’Autorité à inviter le concédant à mieux défendre ses intérêts patrimoniaux et à ne pas suivre l’analys
e des SCA
»
(Analyse de l’article «
2016-2022 : la régulation autoroutière à la croisée des chemins ».
75
Courrier à MM. Vila et Wels, à la suite d’articles publiés dans la Semaine juridique, en novembre 2020.
76
2010/40/UE du 7 juillet 2010
77
Règlement délégué (UE) 2017/1926 de la Commission du 31 mai 2017.
78
Articles 25 et 28 de la loi n°2019-
1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités
.
79
Décret n° 2020-183 du 28 février 2020 portant désignation du point d'accès national aux données de l'information
sur les déplacements multimodaux.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
42
à l’ART la mission d’évaluation du
respect des exigences du règlement
80
, ainsi que celles de
contrôle et de résolution des conflits
81
.
L’étude d’impact
du projet de loi justifie cette extension de compétences au motif que
l’A
utorité est indépendante, expérimentée, familière des questions de trans
ports et qu’elle manie
des procédures contraignantes
82
. Son bien-
fondé n’a pas
été un enjeu lors des débats
parlementaires, même si l’Autorité n’était
pas, semble-t-il, demandeuse de cette nouvelle mission
qui fait appel à des savoir-faire techniques particuliers et qui, dans le cas des SNM, concerne des
services
–
touristiques par exemple
–
qui excèdent la sphère de compétence de l’ART.
De l’aveu de
cette dernière,
« les nouvelles missions nécessitent à la fois une montée en
compétence sur un sujet nouveau
ainsi que le travail avec un grand nombre d’acteurs
(potentiellement plus de 1 000 producteurs de données) et un grand nombre de jeux de données
à contrôler (une estimation basse serait d’environ 4
000 jeux de données de taille très
variable) ».
Pour autant, elle considère
qu’est concernée
une « ressource essentielle » qui
présente de fortes analogies avec la régulation des infrastructures essentielles. Cette appréciation
n’est pas totalement dénuée de fondement, mais elle aboutit à confier à l’ART des fonc
tions très
spécifiques, éloignées de son cœur de métier.
1.4.2
Un rôle encore à définir
Les prérogatives
de l’ART
définissent un cadre minimaliste de « régulation » de ce
secteur, à l’égard duquel
elle exerce ex ante une mission de « certification administrative » des
jeux de données et ex post de garant
d’une
utilisation équitable et non discriminatoire.
L’ART est
en phase d’appropriation de ces nouvelles compétences, selon un calendrier
inscrit dans le cadre des orientations stratégiques figurant dans son document de référence. Dans
le domaine de l’ouverture des données, où elle est tributaire du rythme de déclarations sur la
plateforme, son intervention s’est traduite principalement par la définition d’une stratégie de
contrôle, la conduite de phase de tests
et l’exploitation de la consultation publique lancée en
2021. En 2022 devaient avoir lieu les premiers contrôles effectifs avec, à la clef, un premier
rapport, publié le 28 juin 2022. Concernant le suivi des Maas, les actions sont moins avancées,
même si l
’ART annonce également la publication
rapide
d’un premier état des lieux
après
l’adoption de sa feuille de route le 15 mars 2022.
80
Article L. 1115-
5 du code des transports, issu de l’article 25
de la LOM
81
Article L. 1115-10 du code des transports
82
Une option alternative, l'Autorité pour la qualité des services de transport (AQST), a été écartée aux motifs
qu’elle
ne connaît pas les procédures de règlement des différends et que sa proximité avec le Haut comité pour la qualité
des services de transport, où siègent des entités contrôlables, soulèverait la question de son indépendance.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
43
1.5
Un régulateur dont les compétences mériteraient d’être encore
rationalisées
1.5.1
Une autorité indépendante dont le rôle semble désormais compris et accepté
L’Autorité s’est imposée dans les secteurs régulés
et a fait la preuve de son indépendance.
Son impartialité est reconnue par les parties prenantes.
Cette légitimité institutionnelle s’ancre également dans la montée en puissance
de
l’Autorité du point de vue technique. L’ART s’est progressivement installée dans le monde des
transports par son activité normative, décisionnelle et informationnelle avec 70 décisions ou avis
adoptés en 2021 contre 30 en 2013
83
.
Les services de l’Autori
té sont reconnus comme
compétents
, même si ce n’est pas pleinement le cas dans le domaine autoroutier, en partie du fait
de principes d’analyse divergents, voire de désaccords sur la légitimité et le sens de cette mission.
Tableau n° 2 :
Production normative de l’ART pa
r type de mesures
84
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Avis
simples/motivés
et
recommandations
12
9
15
33
30
22
48
41
31
241
Décisions de collecte de données
1
6
6
1
1
4
6
25
Décisions/avis
juridiquement
contraignants
2
5
15
168
74
50
22
29
29
394
Lignes directrices
2
2
2
6
Pouvoir réglementaire supplétif
3
5
4
3
1
16
Procédures en manquement/mise
en demeure
1
1
6
3
9
10
7
2
39
Règlement de différend
6
4
5
3
4
1
1
3
2
29
Total
20
22
39
223
121
86
84
85
70
750
Source :
Cour des comptes d’après
ART
Son expertise et sa capacité de mobilisation lui ont
permis d’investir rapidement des
domaines entièrement nouveaux pour elle, qu’il s’agisse du secteur aéroportuaire ou de celui des
données de mobilité. Elle témoigne
d’une volonté d’écoute et de compréhension des secteurs
concernés. Bien que relativisée par certaines parties prenantes, celle-ci constitue une qualité
essentielle à toute régulation,
que l’ART semble avoir
intégrée dans son référentiel.
83
Près de 5
5% du total des décisions et avis adoptés par l’Autorité avait un caractère juridiquement contraignant.
84
Décisions / avis juridiquement contraignants : avis conformes tarifaires (ferroviaire, RATP), homologation
(aéroportuaire), tests d'équilibre économique (ferroviaire et transport routier de voyageurs), approbation des règles
de séparation comptable (ferroviaire, RATP), projets de nomination du président de SNCF Réseau (ferroviaire),
approbation des PGIC des gestionnaires d'infrastructure (ferroviaire, RATP), composition ou règles internes de
commissions des marchés (autoroutes); ouverture et clôture de procédures en manquement, mise en demeure.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
44
Tableau n° 3 :
Production normative par secteurs
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total
Ferroviaire
19
22
37
55
48
31
47
31
25
315
Transport routier de voyageurs
1
2
121
58
31
6
4
2
225
Autoroutes
47
15
24
29
37
29
181
Aéroportuaire
2
11
10
23
Services
numériques
de
mobilité
2
2
Transports publics en IdF
4
Total
20
22
39
223
121
86
84
85
70
750
Source
: Cour des comptes d’après ART
L’Autorité a ainsi généralisé l’exercice de consultations publiques
85
en complément des
concertations bilatéra
ux ou thématiques. La valeur de dialogue prônée par l’Autorité s’illustre
également dans une pratique tendant à éviter le recours aux sanctions dans le but de faire
progresser la concurrence sans heurter les acteurs (et en particulier les opérateurs historiques).
Ce positionnement, regretté
, comme on l’a vu,
par certaines parties prenantes, correspond à une
orientation délibérée du collège et, singulièrement, du président
en fonction jusqu’à l’été 2022
,
assumée dans le cadre de l
’
« accompagnement
» de l’ou
verture à la concurrence pour en
favoriser l’acceptabilité
. Ce parti pris est compréhensible, mais il gagnerait sans doute à être plus
clairement explicité.
À travers sa capacité d’études, l’ART apporte aussi un éclairage sur les politiques de
transport. Par exemple, le premier « rapport multimodal » publié le 20 décembre 2021
86
livre une
analyse comparée de l’impact de la crise liée au Covid19 sur les différents secteurs régulés.
1.5.2
Une autorité qui contribue à clarifier les règles du jeu
L’apport
de l’ART
à la qualité du fonctionnement des marchés est lié au dialogue avec
les secteurs régulés, mais aussi
à la force de ses moyens d’action. En dépit des insuffisances et
hétérogénéités constatées, elle
dispose globalement d’un arsenal de prérogatives
lui permettant
de se faire entendre et respecter par les acteurs concernés. Les avis conformes que le régulateur
rend
sur les conditions d’accès tarifaires dans le domaine ferroviaire
, ses homologations des
redevances tarifaires en matière aéroportuaire, sa surveillance des marchés passés par les sociétés
concessionnaires d’autoroutes
et plus largement ses pouvoirs de règlement des différends et de
sanction lui donnent une autorité reconnue.
Au fur et à mesure de son intervention,
l’ART a forgé une doctrine qui s’i
mpose auprès
des acteurs régulés. Ses
décisions font l’objet de peu
de recours. Sur 394 décisions ou avis
85 22 consultations ont été organisées depuis 2015, dont 10 depuis 2019, dans tous les secteurs régulés à
l’exc
eption des données de mobilité
86
Le transport de voyageur en France : état des lieux des mobilités à longue distance et quotidiennes avant la covid-
19
, ART, déc. 2021
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
45
juridiquement contraignants rendus depuis 2013, seulement 25 ont fait l’objet de recours.
L’Autorité est rarement prise en défaut
avec seulement deux contentieux partiellement perdus
87
,
le juge consolidant
à l’inverse
parfois les prérogatives du régulateur,
à l’instar des décisions
récemment rendues par le C
onseil d’État en matière aéroportuaire
et ferroviaire.
Le rôle d’arbitre
de l’Autorité fait lui a
ussi la preuve de sa solidité juridique. Si 10 recours ont été engagés sur 21
décisions de règlement de différends depuis 2013,
aucun contentieux n’a pour l’heure été perdu.
En outre
, l’ART
exerce indubitablement une fonction jurisprudentielle. Sur des sujets
sensibles, par l’effet de ses décisions
, voire des recours engagés à leur encontre, elle règle des
questions complexes et clarifie des règles communes aux acteurs. Cet impact se mesure par
exemple
dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des
services ferroviaires conventionnés,
notamment en matière de transfert de personnel, et dans le secteur aéroportuaire,
où l’ART a
amplement précisé les règles relatives aux conditions d’homologation des redevances tarifaires.
1.5.3
Une relation complexe avec l’État, plus fluide avec l’Autorité de la concurrence
Le rapport de l’ART avec les différentes entités de l’État est
souvent
plus difficile qu’avec
les acteurs régulés eux-mêmes. Elle doit composer avec la faible coordination entre le ministère
en charge des transport
s (DGITM, DGAC) et le ministère de l’économie et des finances
(direction du budget, agence des participations de l’État).
Ce morcellement de la gouvernance
des secteurs de transports concernés favorise indirectement le
positionnement central de l’ART
qui dispose d’une vision consolidée de leur fonctionnement. Cette situation n’est pas sans
inconvénient. Elle
témoigne d’une forme de désengagement de l’État du pilotage de la politique
des transports sans qu’il ne soit de la responsabilité du régulateur de s’y substituer. L’incohérence
d’un système de pilotage et de régulation des transports éclaté entre les différents services de
l’État, le régulateur et les gestionnaires d’infrastructures est
amplement souligné par les autorités
organisatrices des mobilités.
Au-
delà de cette complexité institutionnelle, l’ART se heurte à une réticence, voire à une
méfiance, de la part des services de l’État. Cette relation est d’abord le produit d’une histoire au
cours de laquelle le régulateur s’est construit à partir
de compétences retirées, notamment, à la
DGITM et à la DGAC. La difficulté à travailler de concert au bon fonctionnement des marchés
s’illustre notamment par la faible prise en compte des avis de l’ART sur les projets de textes
réglementaires. On relèvera que leur suivi
formalisé systématique à l’attention du collège
est
assuré depuis la fin 2019, ce qui aurait pu être fait depuis longtemps même si quelques textes
importants en faisaient déjà
l’objet.
88
. Or,
l’Autorité se veut force de propositions dans cet
exercice, émettant ainsi des recommandations dans 42 des 74 avis adoptés. Il est problématique
87
Cour d'appel de Paris, 6 mai 2021, RG 20/05166
réformant à la marge la décision de l’AR
T relative à la
détermination du nombre d’emplois devant être transférés en cas de changement de titulaire de lots du contrat de
service public de transport ferroviaire de voyageurs conclu entre la région PACA et SNCF Voyageurs ; CE,
27 novembre 2020, n° 431748
enjoignant l’ART de réexaminer la proposition tarifaire de SNCF Réseau pour l’année
2020 au motif que les critères de soutenabilité des majorations tarifaires pris en compte étaient erronés.
88
Sur les 74 avis émis sur des textes réglementaires, 5 so
nt défavorables, 14 favorables avec réserves. Selon l’ART,
sur 16 avis rendus depuis 2018 (l’ART n’a pas pu reconstituer une série antérieure), 10 ont été suivis à moins de
50%, dont 7 à moins de 33%.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
46
que le Gouvernement
n’en tienne pas
davantage compte sans en expliciter les raisons, notamment
lorsque le régulateur alerte sur le risque contentieux dû à l’imprécision d’un texte qu’il sera
chargé d’appliquer
89
.
En outre, il n’exist
ait,
jusqu’à présent
, aucun cadre de dialogue autre que
très ponctuel entre les services de l’État et
ceux de
l’ART.
Mais cette dernière
–
et crédit doit lui
en être donné -
semble s’en
gager dans un processus vertueux. Dans le cadre de la contradiction,
elle a indiqué que le collège envisageait
d’auditionner
annuellement le DGITM sur les suites
données aux recommandations dans le secteur autoroutier et dans le secteur ferroviaire
90
. Ce suivi
serait assuré dans le cadre du REGC ou
dans le rapport d’activité,
voire
au moyen d’un rapport
ad hoc, option qui a la préférence de la Cour.
La relation entre l’ART et l’Autorité de la concurrence (
cf. Annexe n° 9
) apparait, quant
à elle, davantage articulée. Les textes organisent une coopération croisée entre les deux autorités
de telle sorte que l’ART prévient les situations discriminatoires de marchés
ex-ante
tandis que
l’Autorité de la concurrence interv
ient
ex-post
pour sanctionner les pratiques anti-
concurrentielles. Cette répartition des rôles procède également d’une dimension pratique.
L’AdlC ne dispose pas des moyens lui permettant de traiter de l’ensemble des questions relatives
aux transports et le
s délègue donc facilement à l’ART. Cela peut entrainer pour les acteurs
régulés, en particulier les nouveaux entrants en particulier les moins dotés en ressources, une
incertitude sur le « guichet
» à saisir en cas de barrières à l’entrée. La clarification
des rôles entre
les deux autorités mériterait d’être renforcée selon une perspective «
usager ».
Conclusion intermédiaire
L’ART
a pris en charge des compétences juxtaposées en dehors de toute vision
stratégique. Ce constat se traduit dans la typologie des
rôles confiés à l’ART : celui d’un
régulateur de plein exercice, puissant, dans le domaine ferroviaire
; celui d’un superviseur
« contesté » dans le secteur aéroportuaire
; celui d’un conseil du concédant et
supposé tiers de
confiance dans l’autoroutier
;
celui d’un certificateur administratif, possiblement garant des
abus de position dominante, pour les données de mobilité.
Ce cadre d’intervention construit de manière empirique s’accompagne de prérogatives
hétérogènes qui, notamment, ne permettent pas de régler de manière cohérente des enjeux
parfois comparables. On reconnaîtra, toutefois, que l’ART met en avant, chaque fois que
l’occasion lui est donnée, l’opportunité de réduire ces incohérences, comme en attestent,
notamment, les débats lors de l’examen
du projet de loi DDADUE.
Ces observations plaident en faveur d’une rationalisation des objectifs et des
pouvoirs de
l’ART, préalable nécessaire, notamment
, à toute nouvelle extension de ses compétences. Cet
objectif semble d’ailleurs partagé par la DGI
TM, selon laquelle la loi devrait se pencher
spécifiquement sur le cas de l’ART pour clarifier les attentes à son égard et rationaliser
l’architecture de ses attributions, vis
-à-vis de ses nombreux partenaires : État (actionnaire,
89
A titre d’exemple, le décret r
elatif aux informations portant sur les contrats de service public de transport
ferroviaire de voyageurs et aux éléments nécessaires à l’exploitation des matériels roulants transférés
a fait l’objet
de plusieurs procédures de règlement de différends devant l’ART puis de recours
devant la Cour d’Appel alors que
l’autorité avait alerté sur l’imprécision du texte dans son avis n° 2019
-037.
90
A l’instar de ce qui est enclenché, depuis juin 2022, avec le PDG de SNCF Réseau.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
47
financeur, régulateur, concédant, responsable des politiques nationales de mobilité),
gestionnaires d’infrastructures, opérateurs de transports, autorités organisatrices de mobilité.
Par ailleurs
, l’action de l’ART doit être appréciée au regard des choix effectués par les
pouvoirs publics, singulièrement en matière de financement des infrastructures, mais aussi des
postures contradictoires de l’État et des limites des moyens juridiques mis à sa disposition
. En
particulier, il ne lui revient pas d’arbitrer entre l’objectif de faciliter
l’accès aux réseaux et
infrastructures et celui d’assurer leur pérennité et leur modernisation.
De fait, la situation actuelle découle largement des choix opérés par le législateur. Si la
mission de la
commission de régulation de l’énergie (CRE)
est de concourir « au bon
fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel au bénéfice des consommateurs
finals, en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique », les textes actuels
n’établissent pas de lien entre le rôle imparti à l’ART
et la politique des transports
91
92
.
Tout en préservant cette répartition des rôles, il convient néanmoins de rendre plus
cohérents les moyens d’action du régulateur. Les observations et recommandations contenues
dans le présent rapport tendent à promouvoir
son rôle informationnel, d’alerte, de tiers de
confiance et d’accompagnement des acteurs. Il s’agit également,
y compris par une meilleure
appréhension des choix d’investissements, de lui permettre d’éclairer la décision publique et
donc de mieux concourir au bon fonctionnement des marchés régulés.
2
UNE GOUVERNANCE ET UNE GESTION PERFECTIBLES
2.1
La nécessaire adaptation de la gouvernance et
de l’
organisation à des
missions élargies
2.1.1
Une gouvernance qui doit devenir plus professionnelle
2.1.1.1
Le collège : une composition évolutive
Le collège définit les grandes orientations et adopte les avis et les décisions
–
à l’exception
des décisions de sanction
–
de l’Autorité. Ses décisions et avis peuvent être déférés au Conseil
d’État, à l’exception des décisions de règleme
nt de différend, qui relèvent
de la Cour d’appel de
Paris. Sa composition
n’a cessé d’évoluer
depuis la création de l’ARAF en 2009
et ne devrait se
stabiliser qu’à la fin de 2022.
91
Article L. 131-
1 du code de l’énergie.
92
Aux termes de l’
article L. 132-1 (II) du code des postes et des télécommunications électroniques,
l’ARCEP, dans
le cadre de ses attributions, doit prendre des mesures raisonnables et proportionnées pour atteindre un certain nombre
d’objectif dont, entre autres, le développement de l’emploi, l’aménagement du territoire ou la protection des
consommateurs
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
48
De fait, e
n 2019, l’
article 153 de la LOM a créé deux nouveaux postes de vice-présidents,
portant à cinq le nombre de membres permanents. Les membres non permanents achèveront leur
mandat et ne seront pas remplacés ; le collège sera ainsi composé de cinq membres permanents
93
.
Le collège en fonction, présidé par M. Bernard Roman
d’
août 2016 à août 2022, compte quatre
vice-présidents :
à la date de rédaction du présent rapport, il s’agit de
M. Philippe Richert, depuis
novembre 2018, de Mme Florence Rousse et de M. Patrick Vieu, depuis mai 2020 et de Mme
Sophie Auconie depuis mars 2021
94
.
Introduit à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, la dernière
modification de la composition du collège a été justifiée par l’extension
des compétences de
l’Autorité
, notamment en matière de règlement des différends et de sanctions et
d’
accès aux
données de mobilité
. Selon les travaux préparatoires, il s’agissait de remédier aux limites d’un
collège composé majoritairement de membres à temps partiel et de tenir compte des contraintes
rencontrées
« pour désigner des membres non permanen
ts résultant des règles d’incompatibilité
et des obligations de qualifications requises…
»
95
. Si le premier argument est recevable, le
second n’emporte pas la conviction.
C
omparé aux autres régulateurs, le collège de l’ART apparaîtra, au départ des membres
non permanents, particulièrement compact, seul celui de la CRE étant de taille comparable.
Comme on le verra (cf.
infra
), cela constitue une contrainte en cas de déports. Par ailleurs, la
diversification sectorielle de l’ART, contrairement au cas de la CRE
, justifierait, au contraire, un
collège plus étoffé.
Tableau n° 4 :
Composition du collège des principaux régulateurs
ARCEP
AdlC
ANJ
AMF
CRE
ARCOM
7
17 (Pdt et VP temps plein)
9 (Pdt temps plein)
16 (Pdt temps plein)
5
9
Source : Cour des comptes
Aux termes des articles L.1261-4 et L.1261-5 du code des transports, la composition du
collège doit respecter deux conditions. D’une part, ses membres sont
choisis pour leurs
compétences économiques, juridiques ou techniques dans le domaine des services numériques,
des transports terrestre ou aérien, ou pour leur expe
rtise en matière de concurrence. D’autre part,
il doit compter au moins un juriste, un économiste et un spécialiste de la concurrence, notamment
dans le domaine des industries de réseau ou des services numériques. Il apparait que le premier
critère donne lieu à une interprétation parfois compréhensive et que le second ne sera
a priori
plus satisfait à
l’automne
2022, au départ de la seule spécialiste dans le domaine de la
concurrence.
Cette situation n’est pas sat
isfaisante. Le nombre plus restreint de membres du collège
alors que les secteurs régulés sont plus nombreux et l’absence de certaines compétences en son
sein affectent la crédibilité de l’Autorité. La Cour insiste, à tout le moins, sur la nécessité
93
En application de la loi organique n°2010-
837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de
l’article 13 de la Constitution, le
p
résident de l’Autorit
é est nommé après avis public de la commission permanente
compétente de chaque assemblée.
94
En 2020, deux membres non permanents dont le mandat arrivait à échéance n’ont pas été renouvelés.
95
Rapport, au nom de la commission du développement durable, par Mme Bérangère ABBA, Bérangère
COUILLARD, MM. Jean-Luc FUGIT et Bruno MILLIENNE, Mme Zivka PARK (n°220)
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
49
d’appl
iquer strictement les critères fixés par le code des transports présidant à la composition du
collège.
2.1.1.2
L’amélioration des méthodes de travail entre le collège et les services
L’instruction
est réalisée au sein des services et donne lieu à des présentations
intermédiaires aux membres du collège, effectuées par l’équipe projet, leur nombre variant selon
les sujets abordés. Elles permettent de recueillir l’avis du collège et de «
sécuriser »
progressivement le travail d’instruction. La même méthode s’applique
pour les travaux de suivi
des secteurs : plusieurs présentations ont ainsi été nécessaires dans le cadre de la réalisation de
l’étude sur l’état de la concurrence dans le secteur ferroviaire, une petite dizaine pour celle sur
l’économie générale des conce
ssions autoroutières.
Tout au long de l’instruction, les membres du collège peuvent accéder aux pièces et sont
destinataires de notes, mais les interactions entre le collège et les services restent limitées et se
concentrent lors des délibérations. Ce mode de fonctionnement, très cloisonné, peut expliquer le
constat dressé par plusieurs parties prenantes qui regrettent l’absence de dialogue en amont avec
le collège, alors que les échanges sont nourris avec les services, ce qui constituerait, selon elles,
un
facteur d’incertitude sur les décisions finalement rendues par l’organe délibérant.
L’arrivée des deux nouveaux vice
-présidents permanents en 2020
a conduit à s’interroger
sur les méthodes de travail, probablement compatibles avec un collège majoritairement composé
de vacataires, mais inadaptées pour des membres à temps plein ; elles apparaissent aussi en
décalage avec d’autres AAI/API, du moins celles dont le collège fonctionne habituellement en
réunion plénière
96
et non en formations spécialisées, à l’instar de l’ARCEP, de la CRE ou de
l’ARCOM (ex CSA).
Deux options étaient envisageables pour améliorer la gouvernance de l’Autorité.
La première aurait consisté, à l’instar de la CRE, et selon des modalités différentes, de
l’ARCOM, à spécialiser les membre
s, amenés,
de facto
, à exercer des fonctions de rapporteurs
ou co-
rapporteurs avec l’agent responsable de l’instruction
97
. Ce schéma, somme toute assez
classique dans une instance délibérative, renforce la professionnalisation du collège, garantit la
fluidité avec les services, assigne de fait un correspondant aux interlocuteurs externes et peut
contribuer à accélérer et sécuriser le processus décisionnel.
La seconde, retenue par le p
résident de l’ART
alors en fonction, en accord avec les vice-
présidents, consiste, pour chaque dossier, à désigner un vice-président « référent » qui peut
notamment assister aux réunions avec les parties prenantes. Outre qu’il ménage le rôle central du
p
résident et du secrétaire général, ce schéma a été préféré aux motifs qu’il é
viterait la création de
« directeurs bis
», qu’il préserverait mieux la collégialité et que l’inégale importance des secteurs
rendrait difficile leur répartition. L’exemple de la CRE montre qu’un tel dispositif ne semble
96
Tel n’est pas le cas à l’Autorité de la concurrence dont le collège comprend 17 membres mais seulement 5
permanents. Si certaines décisions sont rendues en « juge unique », le collège se réunit le plus souvent en
commission permanente (le président et les quatre VP) ou en formation spécialisée (une des six sections, présidée
par un membre permanent).
97
À l’ARCOM, les délibérations du collège sont préparé
es par sept groupes de travail thématiques présidés par un
membre du collège, qui sont les interlocuteurs privilégiés des parties prenantes
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
50
produire aucun de deux premiers inconvénients. Quant au troisième, il pourrait être contourné,
par exemple, en confiant le secteur ferroviaire à deux vice-
présidents. Il reste que l’option choisie
remédie, au moins partiellement, au relatif isolement du collège.
2.1.1.3
Une commission des sanctions peu sollicitée, mais en état de marche
La commission des sanctions, dans son format issu de la loi portant réforme ferroviaire
de 2014, ne s’est réunie qu’une fois à l’occasion de son installation en 2016.
Elle n’a jamais prononcé de sanction, le lancement d’une instruction, voire l’envoi d’une
mise en demeure, incitant
, comme on l’a vu,
les intéressés à se mettre en conformité.
Les trois membres
98
, dont le mandat était arrivé à expiration le 15 octobre 2021, ont été
progressivement renouvelés par les autorités de nomination respectives entre mai 2021 et février
2022, mais la publication de sa composition n’est intervenue qu’en mai 2022, la commission
n’étant donc pas opérationnelle pendant ce laps de temps.
2.1.2
Une application rigoureuse des règles de déontologie
2.1.2.1
L’origine et les conditions d’application de ces règles
Depuis 2013, au moins quatre lois et huit décrets ont encadré la déontologie des agents
publics
–
dont une loi et un décret spécifiques aux API et AAI
99
. Si
les agents de l’A
utorité sont
majoritairement des contractuels, les dispositions relatives aux obligations et à la déontologie des
fonctionnaires
100
, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la
déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, leur sont applicables
101
.
Par une décision du 4 novembre 2015
, l’ARAFER,
à l’instar d’autres autorités
indépendantes
102
,
s’est dotée d’une
charte de déontologie opposable à la fois aux membres du
collège et à ses agents, charte actualisée en 2016, 2017, 2018 et en 2020 afin de prendre en
compte les évolutions législatives et réglementaires
103
.
L’option d’une «
charte », diffère de celle
préconisée par la loi relative aux AAI et API, qui mentionne, pour les agents, le renvoi au
98
Issus du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, nommés pour six ans sur proposition
du vice-président et des Premiers présidents de ces juridictions.
99
Loi n°2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des
autorités publiques indépendantes (la « loi AAI »), notamment ses articles 13 et 14 et décret n° 2014-747 du 1er
juillet 2014 modifié relatif à la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et par
les présidents et membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
intervenant dans le domaine économique.
100
Le chapitre IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est applicable
aux contractuels en application de l’article 34 de la même loi.
101
Article 32 de la même loi.
102
Par exemple CSA (2003), ARCEP (2007), HAS (2008), AdlC (2009), Médiateur national de l’énergie (2010)
Défenseur des droits (2012).
103
Décisions n° 2015-040 du 4/11/2015, n°2016-214 du 19/10/2016, n°2017-035 du 22/03/17, n°2018-022 du
15/01/2022, n° 2020-026 du 26 mars 2020.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
51
règlement intérieur
104
. Mais ce choix ne soulève pas de difficulté, charte et règlement procédant
d’une décision du collège et
ayant la même portée juridique.
La dernière version, qui, pour l’essentiel, transpose
les dispositions de la loi n° 2019-828
du 6 aout 2019 de transformation de la fonction publique
105
, compte 16 pages, contre 10 pour la
version de 2015, preuve
de l’approfond
issement du cadre déontologique.
Depuis 2018
106
, le président nomme un référent déontologue,
chargé d’apporter aux
membres du collège, mais aussi aux agents, tout conseil utile au respect de leurs obligations
déontologiques. Saisi, ou de sa propre initiative, il peut formuler des recommandations.
Jusqu’en mars 2020, la fonction de déontologue était assurée par la directrice, puis le
directeur, des affaires juridiques. Depuis lors, une membre du collège a exercé ce mandat, ainsi
que celui de référent chargé du recueil et du traitement des signalements émis par les lanceurs
d’alerte.
Cette situation diffère du choix effectué par
d’
autres autorités qui ont opté pour la
désignation de personnalités extérieures, mais
elle n’est pas sans équivalent
107
. L
’ART
met en
avant le profil juridique et
l’
expérience de
l’intéressée qui, d’ailleurs,
restera référente
déontologue de l’ART
à l’issue de son mandat.
Depuis sa nomination, la référente a reçu sept saisines. Deux sont relatives au déport de
deux membres du collège
les autres concernent essentiellement des compatibilités d’activités
annexes ou de projets d’activité de collaborateurs.
À ce stade, le travail de transposition effectué par le collège apparaît rigoureux et
exhaustif, ce qui est attendu d’une autorité de régulation exerçant une mission de puissance
publique.
Mais l’enjeu majeur reste la prévention des conflits d’intérêts
108
.
Il s’agit
de trouver un
équilibre avec le besoin de faire
bénéficier l’Autorité du concours de
membres du collège et
d’agents
bons connaisseurs de la fonction de régulation, mais aussi des secteurs régulés, par
hypothèse originaires
de l’environnement concurrentiel. Il n’est pas certain que les règles
actuelles,
avec lesquelles l’ART doit composer, ainsi que la pratique,
qui forment un ensemble
rigoureux, y concourent dans tous les cas.
104
Article 13 de la n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes
et des autorités publiques indépendantes :
« L'autorité administrative indépendante ou l'autorité publique
indépendante détermine dans son règlement intérieur les règles déontologiques applicables à ses agents et, le cas
échéant, à ses collaborateurs ou experts »
.
105
Elle substitue à la commission de déontologie de la fonction publique la Haute Autorité pour la transparence de
la vie publique (HATVP), désormais compétente en ses lieu et place ; elle met fin, en cas de cessation de fonctions
des agents, à la saisine systématique de la commission de déontologie
–
désormais la HATVP -
au profit d’une
intervention de l’autorité hiérarchique, en l’espèce le secrétaire général, chargée d’apprécier la compatibilité de toute
activité lucrative avec les fonctions exercées par l’agent au cours des trois années précédant le début de cette activité
;
elle introduit un contrôle déontologique
préalable à l’exercice des fonctions, réservé à la nomination du secrétaire
général et du secrétaire général adjoint
106
Loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et décret du 2 avril
2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique
107
L’Autorité nationale des jeux (ANJ)
a également désigné un membre de son collège.
108
Au sens de l’article 2 de
loi n°2013-
907 du 11 octobre 2013, soit « toute situation d’interférence entre un intérêt
public et d
es intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant,
impartial et objectif d‘une fonction »
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
52
2.1.2.2
Les dispositions applicables à
l’entrée en fonction
En ce qui concerne les membres du collège, elles consistent essentiellement en des
incompatibilités et l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts auprès de la HATVP. C
ette
obligation est respectée, même si les délais de dépôt ne sont que rarement tenus.
Pour les agents, les exigences
s’appliquent
au premier chef au secrétaire général et au
secrétaire général adjoint
. D’une part, ceux
-ci doivent adresser au président de la HATVP une
déclaration de situation patrimoniale
et une déclaration d’intérêt. D’autre part, lorsqu’il est
envisagé de procéder à leur nomination et que
l’un ou l’autre
exerce ou a exercé au cours des
trois dernières années une activité privée lucrative, le président examine si celle-ci est compatible
avec les fonctions envisagées au regard des termes de la loi
109
110
.
Les autres agents doivent déclarer au se
crétaire général les intérêts qu’ils détiennent dans
une entité éventuellement concernée. Est posée la question de la compatibilité des fonctions
qu’ils ont
exercées antérieurement, sachant que p
lusieurs collaborateurs ayant rejoint l’ART
depuis 2016, dont un dans un emploi de directeur-adjoint, occupaient auparavant des emplois
dans des entreprises des secteurs régulés. La charte est conforme aux dispositions législatives et
réglementaires qui ne prévoient pas de restrictions, mais l’absence de tout contrô
le pose question,
notamment pour les directeurs « sectoriels », au moment où la nouvelle organisation des services
entraine une plus grande responsabilisation de l’encadrement supérieur.
L
’ART fait valoir que
,
le cas échéant, le secrétaire général exercerait un «
contrôle d’opportunité
».
2.1.2.3
Les dispositions applicables en cours de fonction
L
a prévention des conflits d’intérêt
à
l’égard des membres du collège et de la commission
des sanctions repose principalement sur l’obligation de déport prévue par l’articl
e L. 1261-15 du
code des transports
111
. Outre cette obligation, le
président de l’Autorité
peut demander à un
membre du collège
de s’abstenir de siéger.
Depuis 2016, année d’entrée en vigueur de la rédaction actuelle de l’article 1261
-15
précité, cinq membres ont été concernés, un cas ayant donné lieu à une note de la référente
déontologue concluant à l’absence d’exigence de déport.
109
Sur ce point la charte
transpose l’article 5 du décret n°2020
-69 du 30 janvier 2020 relatif au contrôle
déontologique dans la fonction publique
110
Il s’agit des principes mentionnés au chapitre IV de la loi n° 83
-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations
des fonctionnaires
; les infractions sont celles prévues à l’article 432
-12 du code pénal : prendre, recevoir ou
conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou
son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge
d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement,
111
«
Sans préjudice de la possibilité, pour tout membre du collège, de se déporter dans toute affaire dans laquelle
il l'estimerait nécessaire, aucun membre ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle il a eu un intérêt au cours
des trois années précédant la délibération. Cette interdiction s'applique également lorsque, au cours de la même
période, un membre a détenu un mandat ou exercé des fonctions de direction, de conseil ou de contrôle au sein
d'une personne morale ayant eu intérêt à cette affaire
».
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
53
Ce dispositif, légitime et conforme à la loi, conduit à ce que certains membres, qui
bénéficient d’une expertise avérée dans un
secteur régulé, ne peuvent la faire valoir pendant une
partie non négligeable de leur mandat, sachant
que les cas de déport sont loin d’être anecdotiques.
Tableau n° 5 :
Nombre de cas de déport
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Déports
16
9
15
29
29
15
Nombre de délibérations du Collège
116
81
77
80
88
76
Source : Cour des comptes
S’il n’est pas possible d’anticiper les déports
à la suite d’une extension de compétences,
certaines nominations intervenues depuis 2018
n’ont pas
anticipé
l’existence d’une difficulté
suscepti
ble d’affecter le travail de l’Autorité dans des secteurs qui constituent son «
cœur de
métier ».
Pour concilier au mieux les exigences déontologiques et opérationnelles, les autorités de
nomination gagneraient à mieux évaluer les profils des candidats. Il leur serait possible, tout en
respectant les termes de la loi,
d’apprécier
les déroulements de carrière des personnes pressenties
et de choisir celles
dont l’expérience pourrait être valorisée le plus rapidement et le plus
longtemps possible
, sachant qu’à
la fin de 2022, le collège ne comptera que cinq membres.
(MTECT, sans délai) : Prendre en compte lors du choix des
membres
, les risques de déports susceptibles d’affecter le fonctionnement du collège.
De leur côté, les agents
doivent s’abstenir de partic
iper au traitement des affaires
susceptibles de les placer en situation de conflit d'intérêts, en saisissant leur supérieur
hiérarchique. L
’ART a
indiqué que, pour les membres du comité de direction, incluant le
secrétaire général, la situation ne s’était
jamais produite et que, si tel était le cas, elle justifierait
une décision du secrétaire général ou du président, si le premier était concerné. Pour les autres
agents, elle fait valoir que la situation peut être gérée par la voie hiérarchique ; ce point de vue
est acceptable, mais il suppose une vigilance certaine de la part des managers.
2.1.2.4
Les règles concernant la « mobilité externe »
À l’égard des membres du collège et de la commission des sanctions, les règles sont
classiques et se traduisent par des incompatibilités
ex post
qui conduisent à interdire, pendant
trois ans, toute prise de fonction dans une entité ressortissant d’un secteur régulé et, dans les
autres cas, à saisir la HATVP qui s’assure de la compatibilité des nouvelles fonctions.
Pour les agents, le dispositif repose essentiellement sur un contrôle préventif. Avant 2016,
la saisine de la commission de déontologie était obligatoire dans certains cas
–
essentiellement
les départs vers des entreprises du secteur concurrentiel avec lesquelles les agents avaient été en
contact à l’occasion de leur fonction
- et « recommandée » dans les autres. Entre 2016 à 2020,
tout départ dans le secteur concurrentiel devait donner lieu à une saisine de la commission de
déontologie.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
54
Depuis l’entrée en vigueur de
la loi de transformation de fonction publique et de son texte
d’application
112
, si la mobilité concerne le secrétaire général ou son adjoint, le président la soumet
à la HATVP qui
apprécie la compatibilité de l’activité avec les fonctions exercées au cours
des
trois années précédentes. Pour les autres agents, le contrôle est assuré par le secrétaire général :
en cas de doute sérieux sur la compatibilité, celui-ci saisit le référent déontologue et si son avis
ne permet pas de lever le doute, saisit la HATVP, dont l
’avis lie l’administration.
Ce dispositif, plus souple, semble, du moins en apparence, rigoureux. Dans les autres
autorités de régulation des transports au sein
de l’OCDE
, les restrictions à la mobilité externe
sont loin d’être la norme
: inexistantes en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni, elles ne
concernent que les emplois supérieurs au Canada et en Italie.
113
Ce contrôle préventif aura été exercé à 22 reprises, dont 9 depuis 2020, à rapporter aux
89 départs. Cette différence s’explique essentie
llement par le fait que près de la moitié des départs
(42) s’est effectuée vers des entités publiques ne relevant pas du secteur concurrentiel et qu’une
vingtaine ne correspondait pas à un projet de mobilité professionnelle. Mais six démissions de
contract
uels ont échappé aux contrôles, ce qui est pour le moins surprenant. L’ART explique ce
constat par le caractère unilatéral de la démission d’un contractuel, contrairement au cadre
réglementaire applicable aux mouvements de fonctionnaires. Elle précise que, vérifications
faites, ces mobilités n’apparaissent pas incompatibles et que, depuis la fin de 2021, l’information
des contractuels a été amplifiée afin d’éviter de telles situations.
La Cour prend acte de cette initiative récente,
et encourage l’ART à s’
assurer de la mise
en œuvre scrupuleuse des dispositions législatives applicables.
Au total, aucune situation en contradiction avec les
textes n’a été constatée
. Un certain
nombre de
départs s’effectuent
vers des parties prenantes à la régulation,
qu’il s’agisse de GI
(SNCF Réseau)
114
ou d’
AOM (Région Hauts-de-France, Région Occitanie, IDFM), en
conformité avec la loi. L
es règles actuelles n’empêchent
donc pas la mobilité professionnelle et
ne semblent pas constituer pas un obstacle dirimant aux déroulements de carrière et un handicap
pour le recrutement de candidats. La préférence pour le secteur public non concurrentiel
s’explique sans doute autant par les prescriptions déontologiques exigeantes que par
l’environnement et le profil professionnel des intéres
sés.
2.1.3
Une organisation revue selon un principe de transversalité
2.1.3.1
Une réorganisation visant davantage de flexibilité
Confrontée à des enjeux de technicité sectorielle de pointe, l’ART est par nature
contrainte de composer une organisation des services suffisamment souple et transversale pour
absorber les pointes d’activité en mutualisant autant que possible les moyens déployés pour
chaque secteur. Ce principe de transversalité, dans les faits
plus ou moins mis en œuvre depuis
112
Article 19 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020.
113
OECD,
Survey on the ressourcing arrangements of economic regulators
, 28 octobre 2021.
114
Un départ en direction de SNCF Réseau ne ressort pas du dispositif légal car ne relevant pas du secteur
concurrentiel. Concrètement, est donc soumis au contrôle le départ vers SNCF Voyageurs, mais non vers SNCF
Réseau, ce qui est conforme aux termes de la loi, mais discutable sur le plan de la logique.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
55
les premières extensions de compétences,
s’incarne
désormais opérationnellement par le « mode
projet
», au cœur de la réforme de l’organisation des services de l’ART menée entre septembre
2020 et septembre 2021.
Eu égard au caractère récent de cette réorganisation, il est difficile de porter un regard
approfondi sur ses impacts
en termes de performance globale de l’Autorité
. Force est toutefois
de constater que l’ART s’est
principalement structurée ces dernières années pour absorber une
succession rapide de compétences nouvelles. Son portefeuille de compétences étant désormais
stabilisé, il lui serait profitable de remettre en réflexion son organisation à l’aune de la
redéfinition de son projet stratégique comme ont pu le faire précédemment d’autres autorités
indépendantes
115
. Le démarrage du mandat du nouveau président fournira cette opportunité.
•
Les incertitudes pesant sur les besoins liés à la montée en puissance de nouvelles
compétences
Ces incertitudes touchent d’abord
son
champ d’intervention
en matière aéroportuaire, qui
s’est renforcé avec l’attribution d’un pouvoir réglementaire en matière d’allocation d’actifs et
charges au périmètre régulé et de suivi économique et financier du secteur. L’absence
de
composante de l’organigramme
consacrée spécifiquement à
l’aérien, a contrario
des autres
secteurs, pose question. L’intégration de ce sujet dans un pool consacré à l’audit financier peut
se comprendre au regard du rôle dévolu actuellement à l’
Autorité, mais pose question au moment
où elle gagne de nouvelles compétences dans ce secteur complexe.
Par ailleurs
, l’ART fait face à la montée en charge du suivi des données numériques de
mobilités.
D’abord estimé à 11 ETPT
lors des travaux parlementaires sur la loi LOM, le personnel
nécessaire à l’exercice de cette nouvelle compétence a été
revu à 5 ETP
116
. En régime de croisière
l’ART
considère que les traitements de données en cours de développement, la priorisation des
contrôles et la montée en compétence d
’
agents polyvalents
devraient permettre d’éviter de
nouveaux recrutements.
L’évaluat
ion évolutive
par l’ART d
e ses besoins traduit les difficultés à estimer
ex ante
les ressources humaines nécessaires pour exercer de nouvelles missions, même si les estimations
initialement communiquées au législateur et les besoins constatés auront varié, en peu de temps,
du simple au double. Elle reflète également la primeur donnée au « mode projet »,
l’
ART
indiquant que les agents ont été recrutés sur des profils-type
susceptibles d’être
affectés sur
d’autres
dossiers.
Comme l’on
t souligné certaines parties prenantes, pour utiles et stratégiques
qu
’elles
soient, ces nouvelles missions nécessitent des moyens humains suffisants en quantité et
en niveau d’expertise, sauf à limiter la portée
des interventions ou à effectuer des arbitrages au
détriment des autres activités.
•
Des services supports fragiles en cours de structuration
Les services supports doivent assurer la continuité et la régularité du fonctionnement de
l’
Autorité et
sont indissociables de la qualité de l’action de régulation
. Le nombre restreint
d’agents de la direction des ressources et systèmes d’information fait peser un risque de rupture
115
L’ARCEP a mené en 2015 une démarche de réflexion stratégique «
l’ARCEP pivote
» associant parties prenantes
et équipes de l’Autorité pour aboutir à une feuille de route et à la publication d’un «
manifeste »
116
2 économistes, 2 analystes de données et un juriste.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
56
sur des fonctions essentielles (chaî
ne comptable, maitrise du système d’information, édition de
la paie, passation des marchés). Cette vulnérabilité a été prise en considération dans le cadre de
la réorganisation des services de l’Autorité
avec un relèvement du nombre d’agents des directions
ressources de 8 à 12 ETP (12% de l’effectif total).
Ce renforcement, en cours au moment du
contrôle de la Cour est salutaire ; il
n’en
reste pas moins un enjeu prépondérant dans la maitrise
des risques de l’Autorité.
2.1.3.2
Le secrétariat général, un maillon central exposé à
l’augmentation des compétences
et des moyens de l’ART
Depuis la création de l’ARAF, les cinq titulaires
successifs de ce poste auront cumulé à
la fois les fonctions de pilotage des services de l’Autorité et de rapporteur général de l’ensemble
de l’activité de régulation auprès du collège. Quant aux secrétaires généraux adjoints ou
directeurs faisant fonction ayant figuré
sur l’organigramme, il est difficile d’appréhender
rétrospectivement quelle aura été la consistance exacte de leur portefeuille.
Cette organisation diffère de celle en vigueur dans d’autres autorités de régulation où sous
une forme ou sous une autre, les fonctions de « rapporteur général », chef des services
d’instruction
sont souvent dissociées de celles de responsable administratif. Tel est le cas à la
CRE,
à l’ANJ, ainsi qu’à l’Adlc. L’ARCOM a un organigramme proche de celui de l’ART, mais
le directeur général est assisté de deux directeurs généraux adjoints. Seule l’ARCEP dispose
d’une organisation comparable, sa directrice générale pilotant l’ensemble des directions métiers
et support.
L’organisation actuelle de l’ART confère
donc un rôle pivot au secrétaire général, qui
seul a une vision panoramique du fonctionnement de l’Autorité et centralise les interfaces entre
services, Président et collège. Ce positionnement se comprend dans une organisation de taille
modeste, mais il devient diffici
lement tenable dès lors que le champ de compétences de l’ART
s’est sensiblement élargi et que les fonctions support se sont développées. Il est à craindre un
engorgement au niveau du secrétariat général, ce qui n’est sans doute pas étranger au turn
-over
ob
servé sur le poste, quatre secrétaires généraux s’étant succédé depuis 2015.
L’entrée en fonction effective d’une nouvelle secrétaire générale adjointe devrait
permettre d’alléger la charge
du
secrétaire général, qui, indépendamment de l’implication des
différents titulaires, est souvent très forte, ce qui ne contribue pas au fonctionnement optimum
des services. Reste posée la question de la dissociation des responsabilités. Les exemples cités
plus haut et des arguments de principe plaideraient sans doute e
n faveur d’une séparation des
missions
de pilotage de l’instruction et de supervision des
fonctions supports
117
.
117
Il est précisé qu’aux termes de l’article L1261
-18 du code des transports, le secrétaire général peut déléguer ses
pouvoirs à tout agent de l'autorité dans des matières et des limites déterminées par le collège. Cette délégation
n’emp
orte pas, néanmoins, dissociation des responsabilités.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
57
2.2
Un
accroissement
des
moyens
concomitant
de
l’évolution
des
compétences
2.2.1
La gestion comptable et financière de l’ART
Originairement fixées par le décret 2010-1023 modifié, les articles R 1261-6 à 1261-23
du code des transports fixent, depuis 2017
118
, l’organisation financière de l’Autorité. Le
règlement comptable et financier, prévu par l’a
rticle R1261-6 du code des transports, établit les
principes d
e fonctionnement de l’Autorité en ce domaine. Ce document, adopté en 2014, mérite
toutefois un toilettage, lequel est prévu dans la feuille de route 2021-2023. La gestion comptable
et financière de l’Autorité repose sur un chef de service «
du budget et de la comptabilité » et,
depuis peu, une assistante comptable au sein de la direction des ressources et des systèmes
d’information.
2.2.1.1
L’adoption
des budgets
et le taux d’exécution
Le budget est arrêté par le collège sur proposition de son président (
cf.
article 19 de la loi
n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes
et des autorités publiques indépendantes). Le collège de l'Autorité arrête désormais le budget
chaque année avant le début de l'exercice (article R 1261-
10 du code des transports), ce qui n’était
pas le cas lors du précédent contrôle de la Cour. Au cours de la période sous revue, aucun budget
rectificatif n’a été
présenté
en cours d’année.
En tant qu’autorité publique indépendante (
cf
.
loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017),
l’Autorité n’est pas soumise à l’ensemble des règles du décret GBCP (décret n°
2012-1246). Le
règlement comptable et financier de l’ART prévoit un vote du budget en trois chapitres
(fonctionnement, personnel et investissement) qui
constituent le niveau d’autorisation du collège
et la présentation d’un compte de résultat et d’un tableau de financement prévisionnels
.
Depuis 2016, le budget est voté avec un déficit prévisionnel croissant, les ressources
légèrement supérieures à 11 M€
étant stables au cours de la période alors que les charges
augmentent régulièrement, passant de 12 M€ à 16,5 M€ en 2021. Toutefois, jusqu’en 2019
l’Autorité dégageait un excédent en exécution en raison de la sous exécution des dépenses.
118
Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des API/AAI et décret n° 2017-107 du 30 janvier 2017.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
58
Tableau n° 6 :
Taux d’exécution du
budget (en milliers d’euros)
Source
: Comptes financiers de l’Autorité
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Taux exécution Produits
92%
95%
101%
104%
98%
98%
Taux exécution Charges
86%
93%
91%
92%
91%
85%
Taux exécution Investissement
84%
127%
195%
32%
17%
90%
Source :
Cour des comptes d’après données ART
En fonctionnement, le taux d’exécution des charges comme des produits est supérieur à
90%. Le taux d’exécution des investissements est par contre largement fluctuant, même si, sans
surprise, les prévisio
ns d’investissement de
l’
exercices 2020 ont été largement affectées par la
crise sanitaire (conséquence du retard du projet immobilier).
2.2.1.2
L’organisation comptable et financière
L'exercice budgétaire et comptable
correspond à l’année civile. Les modalités de
l’organisation financière et de son fonctionnement sont déterminées par les dispositions de
l’article R.
1261 du code des transports.
L’Autorité est dotée d’un
agent comptable nommé par
arrêté du ministre chargé du budget. Le compte financier annuel est ét
abli par l’agent comptable
et arrêté par le collège. Le contrôle de la gestion de l'agent comptable est assuré par le directeur
départemental des finances publiques.
Le règlement comptable et financier n° 2014-028 du 11 décembre 2014, arrêté par le
collège, a été transmis au ministre chargé des transports et au ministre chargé du budget. Selon
les termes de ce règlement
119
, repris par la note relative aux « r
ègles et procédures d’engagement
et de liquidation des dépenses
» du 15 octobre 2021, l’Autorité disp
ose d
’ «
ordonnateurs
secondaires » désignés par le président et habilités à engager des dépenses. Dans les faits, les
119
Le
règlement comptable et financier de l’Autorité prévoit que
le président, ordonnateur principal, peut désigner
un ou plusieurs ordonnateurs secondaires
, terme repris par d’autres documents internes comme la note
NS/2021-
004 du 15/10/2021 fixant les r
ègles et procédures d’engagement et de liquidation des dépenses
de l’Autorité
.
-
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
2016
2017
2018
2019
2020
2021
hors reversement du droit fixe et frais de
gestion
BI Recettes
BI Dépenses
BI Investissements
CF Recettes
CF Dépenses
CF Investissements
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
59
« ordonnateurs secondaires
» désignés par l’Autorité n’ont aucune
délégation de crédits mais
bénéficient de simples délégations de signature « au nom du président », formalisées par des
décisions du président. Il convient donc de réviser les textes internes.
2.2.1.3
Le compte de résultat
Le résultat d’exploitation de l’ART est déficitaire depuis les deux derniers exercices en
raison de la forte progression des dépenses (tout particulièrement de personnel et liées à
l’immobilier) et de la diminution des recettes, concomitante de la volonté de réduire le fonds de
roulement. Ce déficit atteint
ainsi pour l’exercice 2021
l’équivalent de
plus du tiers des dépenses
(
cf. Annexe n° 10
).
Tableau n° 7 :
Évolution du résultat
En euros
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Total des charges
7 675 984
11 927 576
12 135 223
12 317 917
13 113 664
14 646 737
16 452 443
Total des produits
13 025 415
12 489 800
12 137 662
12 546 831
13 504 860
11 385 406
11 374 719
Résultat
5 349 431
562 224
2 439
228 914
391 196
-3 261 331
-5 077 725
Source
: Cour des comptes d’après comptes financiers
➢
Les produits
:
Au cours de la période sous revue, les ressources propres dites « autres produits »
représentent un faible pourcentage des produits et sont quasi exclusivement
« constituées des
remboursements effectués par la CPAM des indemnités journalières des agents en arrêt
maladie »
.
Jusqu’à l’exercice 2019, l’Autorité a été essentiellement financée par deux taxes
affectées, prélevées sur les entreprises des secteurs régulés : un droit fixe acquitté par les
entreprises ferroviaires et une taxe annuelle pour frais de contrôle versée par les sociétés
c
oncessionnaires d’autoroutes, d’une part,
par les entreprises de transport public routier de
personnes (entre 2016 et 2018 uniquement
120
), d’autre part. Les montants de ces taxes affectées
étaient plafonnés par une loi de finances. Comme le rappellent les observations définitives de la
Cour de 2014 sur l’ARAF, ce mode de financement résultait d’une initiative sénatoriale et a
conduit le législateur à doter l’Autorité de la personnalité morale, puisque la LOLF prévoit
qu’une ressource établie au profit de l’État ne peut être affectée qu’à une instance ayant la
personnalité morale. Ainsi, la principale raison qui, initialement, a conféré à l’ART le statut
d’«
API
», plutôt que d’«
AAI », a disparu.
A contrario
, la personnalité morale n’implique
toutefois pas de percevoir une telle ressource.
120
Créée par la loi de finances n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, elle a été supprimée par la loi de finances n°
2018-1317 du 28 décembre 2018
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
60
Tableau n° 8 :
Évolution des produits affectés
Source
: Comptes financiers de l’Autorité
Si le droit fixe ferroviaire était collecté par l’Autorité, qui reversait à l’État
le surplus au-
delà du plafond fixé de
8,8 millions d’euros
en 2019 (
8,3 M€ précédemment), la taxe pour frais
de contrôle des sociétés
concessionnaires d’autoroutes plafonnée à 2,6 millions d’euros
par la loi
de finances (depuis 2016) et la taxe pour frais de contrôle des entreprises de transport public
routier de personnes étaient collectées par la DGFIP qui prélevait 4 % de frais de gestion avant
versement à l’Autorité.
En 2020, du fait de la suppression de diverses taxes à faible rendement par le
gouvernement, les ressources fiscales affectées ont été remplacées par une dotation budgétaire
globale de fonctionnement pour charges de service public (inscrite au programme 203
121
)
permettant de financer les missions de l’Autorité et dont le montant
correspond au plafond total
des taxes affectées en 2019 (11,4 M€ moins une retenue de 0,173 M€ de la DGITM qui
correspond au taux de mise en réserve commun aux différents opérateurs). Le montant de la
subvention a été relevé à 14 M€ en 2022.
➢
Les charges :
Le reversement d’une part du droit fixe et des frais de gestion à l’État représentait une
part non négligeable (de 10% à 17%) des dépenses de
l’Autorité
(comptabilisés dans « autres
charges de gestion
») jusqu’en 2019
.
Les dépenses de personnel représentent le principal poste de dépenses. Elles ont plus que
doublé depuis 2015, en lien avec l’évolution des compétences de l’Autorité et de l’évolution de
son effectif.
Leur part est aujourd’hui prépondérante, passant de 56 % en 2016 à 70 % des
dépenses de fonctionnement en 2020.
Les services extérieurs qui comprennent les dépenses liées à
l’
immobilier représentent le
deuxième poste de charges après celui du personnel (12% des dépenses de fonctionnement en
2020 - cf
. infra
). Le montant des services extérieurs progresse de 55 % sur la période et de près
de 40 % entre 2019 et 2020, effet de l’opération immobilière en cours à Paris et de l’amélioration
des systèmes d’information.
Les
dotations
aux
amortissements
et
provisions
comprennent
essentiellement
l’amortissement des investissements r
éalisés et, depuis 2018, une provision pour charges
constituée afin de valoriser les jours de compte épargne temps des personnels.
121
Versée par la DGITM.
Taxes affectées en milliers d'€
2015
2016
2017
2018
2019
Droit fixe ferroviaire
12 976,00
9 651,00
9 217,00
9 554,00
10 822,00
Reversement
0,00
1 992,00
1 122,00
1 264,00
1 622,00
Droit fixe ferroviaire net
12 976,00
7 659,00
8 095,00
8 290,00
9 200,00
Taxes pour frais de contrôle
0,00
2 771,00
2 839,00
2 910,00
2 600,00
Frais de gestion
0,00
111,00
114,00
116,00
104,00
Taxes pour frais de contrôle nettes
0,00
2 660,00
2 725,00
2 794,00
2 496,00
Total
produits affectés nets
12 976,00
10 319,00
10 820,00
11 084,00
11 696,00
Total reversement et frais de gestion
0,00
2 103,00
1 236,00
1 380,00
1 726,00
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
61
2.2.1.4
Le fonds de roulement et la trésorerie
Le niveau du fonds de roulement met en évidence que l’ART ne se trouve pas soumise à
une contrainte financière avérée.
Ceci est le cas depuis sa création, du fait de la lenteur de sa
montée en charge, alors que son financement, par contraste, a été mis en place sans délai, ce qui
l’a notamment conduite à renoncer d’elle
-même à une année de recettes en 2014.
Tableau n° 9 :
Évolution du fonds de roulement et de la trésorerie
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
FDR au 31/12 (K€)
22 399
22 507
22 266
22 452
23 181
19 700
13 056
Trésorerie au 31/12 (K€)
19 371
22 612
21 105
21 249
21 989
19 463
13 717
FR/mois
charges
de
fonctionnement
35
23
22
22
21
16
10
Source : Comptes annuels de
l’Autorité
La trésorerie de l’Autorité, qui tend à se réduire, est déposée
sur un compte au Trésor.
Depuis 2015, le fonds de roulement qui représentait près de trois ans de charges est en
diminution. En 2018, le fonds de roulement de 22,5 M
€ couvrait encore près de deux années de
charges et devait permettre de faire face à des dépenses à venir conséquentes : changement de
locaux parisiens et systèmes d’information
. En 2021, le fond de roulement de 13
M€
qui couvre
encore 10 mois de charges de fonctionnement, devrait être réduit à 6 mois fin 2022
122
. Cette
réduction correspond à la volonté de l’État de conduire l’ART dont les dépenses sont relativement
prévisibles, à ne conserver qu’un fonds de roulement «
raisonnable », sans que ce niveau soit
explicitement fixé.
L’existence d’un tel fonds de roulement et le souci de le réduire ont eu pour conséquence
regrettable de repousser une nouvelle réflexion et l’échéance d’échanges approfondis avec la
DGITM et la direction du budget sur les moyens néce
ssaires au fonctionnement de l’ART, dans
le contexte d’un élargissement de ses missions. Aussi conviendrait
-il de prendre une mesure
précise des besoins financiers et humains de l’ART. On peut rappeler, à cet égard, le rapport de
septembre 2015 de l’IGF et
du CGEDD consacré à l’évaluation des moyens de l’ARAFER,
demandé à la suite de la loi d’août 2015 étendant ses compétences, qui recommandait une
révision régulière de cette estimation, au regard des incertitudes relatives au niveau des besoins
liés à ses nouvelles compétences en régime de croisière
.
Il est aujourd'hui essentiel, après les
élargissements successifs de compétences, de redéfi
nir les moyens dont l’Autorité doit disposer
pour remplir pleinement ses missions. Sur cette base et dans un second temps, des objectifs
globaux de gains de productivité et d’économies, aujourd’hui inexistants,
doivent être établis.
(MTECT, direction du budget, 2024) : Redéfinir les moyens
financiers et humains de l’ART, en adéquation avec ses missions effectivement exer
cées et
ajuster en conséquence la dotation pour charges de service public.
122
Si l’ART justifie son niveau par la nécessité de faire face à une éventuelle condamnation à indemnisation à l’issue
d’un contentieux, la constitution de provisions pour risques parait plus appropriée à ce cas de figure.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
62
2.2.1.5
Le bilan
Un tableau retraçant l’évolution du bilan figure en
Annexe n° 10.
➢
L’actif
:
L’évolution de l’actif immobilisé (qui a triplé depuis 2015 pour atteindre 3 M€ en 2021)
traduit l’investissement réalisé pour les systèmes d’information et l’aménagement des nouveaux
locaux parisiens. Les charges constatées d’avance
correspondent aux loyers et charges locatives.
L’actif circulant, de 13,8 M€ en 2021, correspond essentiellement, jusqu’en 2019, au produit du
droit fixe ferroviaire.
➢
Le passif :
L’essentiel des fonds propres est constitué par le report à nouveau (de plus de 22 M€
jusqu’en 2020, 19 M€ en 2021), quand l’essentiel du passif circulant (dettes d’e
xploitation)
correspond, jusqu’en 2019, à l’excédent du droit fixe ferroviaire à reverser à l’État en N + 1. La
croissance des dettes sociales s’explique par celle des effectifs. Les provisions pour risques et
charges correspondent à la valorisation des jours de compte épargne temps (CET). La diminution
du passif et de l’actif circulant en 2020 s’explique par la fin des droits ferroviaires perçus par
l’ART.
2.2.2
Des marges de progrès en matière de gestion des ressources humaines
2.2.2.1
Des effectifs en croissance au fil des compétences sans changement organisationnel
majeur jusqu’à 2020
Si les compétences de l’ART se sont progressivement élargies, à un rythme rapide depuis
2015, cet accroissement s’est réalisé sans conséquence majeure (respect des délais à 100% depui
s
2017) alors que l’Autorité
ne bénéficiait des
relèvements des plafonds d’emplois en loi de
finances que parfois plusieurs mois après les prises de compétences.
De fait, la
dotation initiale d’effectifs de l’ART était
suffisamment importante pour
amortir
cette évolution. En 2015, l’Autorité disposait de 49,6 ETPT alors qu’elle régulait le seul
secteur ferroviaire. En 2016, alors que, par ailleurs, 15 ETPT supplémentaires étaient recrutés à
la suite de la loi « Macron
», le nombre d’ETPT affectés au ferroviaire s’est réduit à 36,5, ce qui
a permis de faire face aux nouveaux besoins regardant les domaines routiers et autoroutier, pour
lesquels près d’une trentaine d’ETP ont pu être mobilisés dès cette année de prise de
compétences. Le niveau des effectifs af
fecté au secteur ferroviaire s’est de nouveau stabilisé, à
un niveau plus élevé, à compter de 2019.
De même ordre, les moyens obtenus pour assurer la régulation du secteur du transport par
autocars librement organisés (12,3 ETPT mobilisés au plus fort de
l’activité en 2017) ont été
réorientés sur d’autres priorités au fur et à mesure que cette activité se réduisait (seulement 4,7
ETPT mobilisés en 2020).
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
63
Tableau n° 10 :
Répartition des effectifs (ETPT) de l’ART par compétence, selon une comptabilité en
temps de travail
Source :
Cour des comptes d’après données ART
L’Autorité a historiquement utilisé ses effectifs pour lisser la charge entrainée par de
nouvelles compétences grâce à une mutualisation des ressources existantes. C’est ainsi que
l’ART a pris en charge la co
mpétence aéroportuaire ou la régulation des transports urbains
franciliens grâce à la constitution en interne d’équipes projets sans recrutement supplémentaire.
Il reste que cette méthode d’organisation a affecté les ressources de l’ART. En 2020, première
année de régulation effective, les compétences aéroportuaires et liées aux transports urbains d’Île
de France ont mobilisé près de 11 ETPT sur 85,5 (respectivement 8,1 pour le premier et 2,8 pour
le second secteur).
2.2.2.2
Les effectifs
Les effectifs de l’Autorité ont suivi le rythme de l’évolution de ses compétences depuis
la création de l’ARAF en 2009. Ils se sont notamment accrus à l’occasion de
:
-
la loi portant réforme ferroviaire de 2014 (+9 ETP entre 2014 et 2015) ;
-
la loi dite « Macron » de 2015 portant c
réation de l’ARAFER et élargissant les
compétences de l’Autorité aux secteurs autoroutier et de transports urbains de voyageurs
(+15 EPT entre 2015 et 2016) ;
-
la loi portant « nouveau pacte ferroviaire
» de 2018 et l’ordonnance prise sur l’habilitation
de
cette loi étendant les prérogatives de l’ART en matière ferroviaire (+9 ETP entre 2018
et 2019) ;
-
la loi d’orientation des mobilités en
2019 qui lui confère la mission de suivi des données
de mobilité (+5 ETP).
Au total, le nombre d’agents de l’ART
aura p
resque triplé en une dizaine d’années, pour
atteindre près de 90 agents.
46,5
36,5
39,2
40
45,3
51,2
45,3
2,3
12
12,3
12
10,6
4,7
7,3
0,7
15,5
20
19,2
14,9
17,6
17,1
0
1,6
8,1
8,1
2,8
5,5
0,6
1,1
5,9
0
10
20
30
40
50
60
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Ferroviaire
Transport routier de voyageurs
Autoroutier
Aéroportuaire
RATP
Services numériques de mobilité
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
64
Tableau n° 11 :
La répartition des effectifs selon le mode de recrutement
Effectif au 31/12 (en ETPT)
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Détachés
7,04
7,17
8,87
13,30
14,50
14,19
14,60
14,32
11,71
Mis à disposition
0,40
0,40
0,40
0,40
0,40
0,40
0,00
0,00
0,33
CDD droit public
23,65
15,81
22,27
35,40
34,80
32,98
33,16
40,61
40,92
CDI droit public
0,91
16,78
18,00
14,90
21,90
23,67
25,30
30,56
36,68
Total
32,00
40,16
49,54
64,00
71,60
71,24
73,06
85,49
89,64
Source : ART
Cette croissance continue, le mode de recrutement, la nature des besoins ont pour résultat
que l’âge moyen des collaborateurs est assez bas (37,8 ans en 2020, hors personnel administratif
et membres du collège), de même
que l’ancienneté, même si celle
-ci tend à augmenter (3 ans en
moyenne en 2020, contre 2,25 en 2015).
Au passage, on peut s’étonner d’un recours relativement faible à l’apprentissage et à
l’emploi de stagiaires, au regard de la variété des secteurs suivis par l’ART, de la technicité de
ses missions, notamment pour des analyses et des études ponctuelles, mais aussi de leur intérêt
pour des étudiants, en économie, en droit ou en finances. Ces possibilités pourraient être
davantage exploitées, en particulier le recours à des apprentis, intégrés pour au moins une année
universitaire à la structure et donc susceptibles de participer à des travaux d’une certaine durée,
alors que la technicité de ces derniers, à l’ART, exige un investissement spécifique minimal.
En 2021, les effectifs (y compris les membres du collège) étaient ventilés de la façon
suivante :
•
CDD : 40,92 ETPT, soit 46 % des effectifs en ETPT ;
•
CDI : 36,68 ETPT, soit 41 % ;
•
Détachements et mise à disposition : 12,04 ETPT, soit 13 %.
Tableau n° 12 :
Répartition des effectifs en ETPT par mode de recrutement
à l’Autorité
Position statutaire
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Détachement et mise à disposition
23%
19%
19%
21%
21%
20%
20%
17%
13%
Agents contractuels en CDD
74%
39%
45%
55%
49%
46%
45%
48%
46%
Agents contractuels en CDI
3%
42%
36%
23%
31%
33%
35%
36%
41%
Source : ART
La loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives
indépendantes et des autorités publiques indépendante, à laquelle se conforment les conditions
générale
s de recrutement, d’emploi et de rémunération du personnel de l’ART (CGE), offre de
grandes marges de manœuvre pour le recrutement des agents contractuels par ces autorités
.
La pratique de l’Autorité consiste à inscrire l’ensemble des primo
-recrutements d
’agents
contractuels dans le cadre de CDD de droit public de trois ans. À cette échéance, ceux qui donnent
satisfaction et qui souhaitent poursuivre leur parcours professionnel au sein de l’Autorité se
voient proposer un CDI dans le cadre du renouvellement de leur contrat.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
65
En dépit de l’augmentation de la part d’employés en CDI au fil du temps, les modalités
de recrutement de l’ART en font l’API qui présente toujours le plus faible taux de CDI, la CRE
mise à part.
Tableau n° 13 :
Répartition des effectifs (en ETPT) en 2020 par mode de recrutement dans les API
Position statutaire
AMF
H3C
CSA
HADOPI
HAS
MNE
AFLD
ART
Détachement et mise à disposition
4%
7%
16%
10%
4%
2%
12%
15%
Agents contractuels en CDD
1%
0%
5%
25%
9%
44%
11%
51%
Agents contractuels en CDI
94%
93%
79%
65%
87%
54%
77%
34%
Source : Rapport sur les autorités administratives et publiques indépendantes annexé au PLF pour 2022
Ce constat se vérifie également à l’échelle d’un échantillon plus vaste d’API
-AAI. La
pratique de l’ART pourrait
constituer un frein à
l’embauche de salariés expérimentés,
précédemment déjà employés en CDI. Cependant, elle ne souhaite pas remettre en cause une
forme d’égalité entre salariés
en son sein.
Les difficultés de recrutement concernent, en particulier, des collaborateurs de la direction
de la régulation financière des transports (auditeurs-analystes financiers et responsables de
domaines), qui, majoritairement issus d’écoles de commerce et de cabinets d’audit ou d’analyse
financière, se voient proposer des niveaux de rémunération plus élevés que ceux des structures
publiques. Pour ces profils,
selon l’ART,
la durée de vacance de poste peut atteindre une année,
y compris en recourant à l’assistance d’un cabinet de recrutement.
Tableau n° 14 :
Estimation des écarts de rémunération entre le secteur
privé et l’ART pour les profils
« auditeur-analyste financier »
Secteur privé
ART
Auditeur-analyste financier junior (0 à 3 ans)
38-50
k€
40-45
k€
Auditeur-analyste financier confirmé (3 à 5 ans)
45-70
k€
48-55
k€
Source
: ART, d’après cabinets Michael Page et Hays
Les métiers de l’informatique et des réseaux constituent un autre défi. Dans un contexte
d’une demande supérieure à l’offre sur le marché de l’emploi, les entreprises du secteur privé
proposent des salaires élevés. Sur les deux agents actuellement en poste au service des systèmes
d’information, le premier est un ancien prestataire de l’Autorité et le second a été embauché par
l’intermédiaire d’un cabinet de recrutement
123
après une recherche de presqu’une année. La
stratégie actuelle de recrutement paraît ainsi inadaptée, pour pourvoir à des fonctions
d’importance
croissante.
L
’ART
se caractérise par des écarts salariaux concentrés sur certains métiers et comme
le faisaient déjà remarquer la Cour dans ses observations définitives de 2014, des recrutements
essentiellement effectués en CDD, alors que le secteur privé et
d’autres API ont davantage
recours aux CDI.
À cet égard, si l’
embauche en CDD paraît de bonne gestion pour la plupart des
123
Depuis 2015, 6,5 % des recrutements ont été assurés par l’intermédiaire d’un cabinet.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
66
emplois proposés par l’ART, notamment dans le cas d’experts débutants, il pourrait y être fait
certaines exceptions selon la nature des fonctions et l’expérience requises.
Par ailleurs, l’ART fait
valoir que les règles déontologiques peuvent constituer une
difficulté pour accéder par la suite à certains postes hors de l’Autorité, alors que la compétence
qui y a été acquise serait de grande valeur mais aussi parfois très spécifique. Cet argument semble
à nuancer en pratique (cf.
infra
).
Celle-ci a notamment voulu renforcer son attractivité en proposant un certain nombre
d’avantages financiers (couverture de frais de mutuelle
, de déplacements domicile-travail, tickets
restaurants), de meilleures conditions de travail (télétravail, compte épargne-
temps etc…)
. Ces
avancées, nécessaires, ne semblent pas de nature à combler un éventuel déficit en la matière avec
le secteur privé, qui offre souvent le même type d’avantages.
L’ART
a également souhaité offrir de meilleures perspectives de progression
professionnelle, en distinguant plusieurs niveaux de séniorité.
2.2.2.3
La masse salariale et le coût moyen par agent
Au total, le coût moyen par ETPT atteint 116
000€ en 2021, y compris cotisations
sociales
124
, taxe sur les salaires et avantages divers. Il s’élève à près de
76
000 € pour le seul
salaire brut, toujours y compris parts variables et membres du collège.
Tableau n° 15 :
Évol
ution du coût moyen par ETPT (en €)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
ETPT
49,54
64
71,6
71,24
73,06
85,49
89,64
Rémunérations brutes
3 535 417
4 709 958
5 205 039
5 145 153
5 410 128
6 610 399
6 785 936
Rémunération par agent
71 365
73 593
72 696
72 223
74 050
77 324
75 702
Masse salariale
5 285 579
7 061 085
7 837 756
7 760 893
8 293 006
10 267 797
10 430 785
Coût par agent
106 693
110 329
109 466
108 940
113 510
120 105
116 363
Source : ART
Ces montants s’expliquent, d’abord, pa
r le haut niveau de qualification requis pour la
quasi-
totalité des agents. Au 31 décembre 2021, l’Autorité ne comptait ainsi que 4 non
-cadres.
Même si l’alourdissement de la masse salariale tient principalement à l’accroissement des
effectifs, on constate
qu’elle a augmenté davantage (+94%) que ces derniers (+73%), depuis
2015. Au cours de la même période, le coût par agent a, en effet, crû de 12,6%, soit de 2,4% par
an.
124
Elles ne comprennent pas de cotisations d’ass
urance-
chômage, car Pôle Emploi a refusé l’affiliation des salariés
de l’ART, assimilant celle
-
ci à un établissement public administratif, sur la base d’un faisceau d’indices. Elles
incluent donc, en revanche, des dépenses d’indemnisation du chômage, lesqu
elles ont coûté 725
000 € entre 2015 et
2020 (et 22
000€ en frais de sous
-traitance pour le calcul des allocations), dont 160
000 € pour un même agent entre
2015 et 2018.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
67
Au sein de cet échantillon, l’ART se situe à 120
800 €, sensiblement au
-dessus de la
moyenne, (aux environs 90
000€/an), autour de laquelle les différentes estimations par autorité
indépendante apparaissent relativement regroupées, malgré la variété de leurs domaines d’action
(mais exigeant toujours une technicité certaine). Seul le coût m
oyen à l’AMF serait plus
important (142
300€)
. On peut observer, par exemple, que les dépenses de personnel par agent
de l’ART s’avèrent supérieures à celles de la CRE
de près de 30%.
Tableau n° 16 :
Coût unitaire du travail (2020)
AAPI
Dépenses de
personnel
(en M€)
Effectifs
(En ETPT)
Coût unitaire du
travail
AFLD - Agence française de lutte contre le
dopage
5,89
72
81 8
00 €
ARCEP
15,61
177
88
200 €
ADLC - Autorité de la concurrence
16,92
193
87 700
€
ANJ - Autorité nationale des jeux
5,14
55
93 5
00 €
AMF
67,16
472
142
300 €
CNIL
15,99
219
73
000 €
CRE
14,35
153
93 8
00 €
CSA
23,07
276
83 6
00 €
HCERES - Haut conseil de la recherche et de
l’enseignement supérieur
9,86
112
88
000 €
HAS
37,8
415
91 1
00 €
HADOPI
4,28
48
89
300 €
ART
10, 27
85
120 8
00 €
Source : Annexe au PLF pour 2022 - Rapport sur les autorités administratives et publiques indépendantes. Les
données incluent les membres du collège
La taille limitée de l’institution confère un poids relativement plus important
dans la
masse salariale aux rémunérations, plus élevées, des membres du collège
125
, que dans d’autres
AAPI. Pour autant, leur contribution à la moyenne globale n’excède pas 3% en 2020.
On note un nombre particulièrement élevé de cadres dits « supérieurs » (responsables de
domaines) et dirige
ants (secrétaire général, directeurs), puisqu’il atteint 26 fin 2021. Cette
spécificité tient en partie à un choix d’organisation, combinant encadrement sectoriel et
fonctionnel, et au grand nombre de « responsables » impliqués à divers titres dans la relecture et
le contrôle des travaux réalisés. L’audit mené par le cabinet Mazars concluait aussi, en 2020, à
un taux d’encadrement supérieur élevé. Une gestion en «
mode projet » et une structure
matricielle, auraient pu aller de pair avec le souci de limiter
le nombre d’encadrants par
125
La rémunération brute du président atteignant 152
000€, celle des vice
-présidents, 115
000€, depuis un décret et
un arrêté de février 2020 relatifs aux modalités de rémunération des membres des AAPI, qui distinguent quatre
catégories en leur sein de ce point de vue.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
68
« producteur ». Ce facteur organisationnel peut participer du niveau élevé du coût par agent de
l’ART en comparaison d’autres autorités indépendantes.
La part variable de la rémunération se caractérise par une faible différenciation autour
d’une valeur pivot de 12%, de fait intégrée dans la négociation salariale à l’embauche. Ainsi
« une performance et une implication exceptionnelles » (part variable entre 14,5% et 15%) ne
rapporte en fin de compte qu’un supplément d’au plus 3,
5% par rapport à une « une manière de
servir donnant satisfaction » (entre 11,5% et 12,5%). En outre, la
dispersion
autour de cette
valeur pivot apparaît elle-même limitée, ce qui revient à distinguer peu de performances
s’écartant de la moyenne et, donc, à limiter l’efficacité de l’incitation
.
Tableau n° 17 :
Répartition des montants de part variable attribués aux agents
Part variable
entre
0 % et 7,5 %
Part variable
entre
8 % et 11 %
Part variable entre
11,5 % et 12,5 %
Part variable
entre
13 et 14 %
Part variable entre
14,5 % et 15 %
Nombre d’agents concernés
2
7
29
39
9
Source : ART
L’ART doit h
iérarchiser plus nettement les différents taux de rémunération au titre de la
part variable du salaire et, de manière plus générale, faire de la modulation de cette dernière un
véritable outil au service de la motivation de ses agents, mais aussi de l’attractivité de ses postes
pour les profils les plus prometteurs. Ce
tte recommandation avait déjà été formulée à l’occasion
du rapport précité de la Cour de 2017 sur les politiques de rémunération dans les autorités
indépendantes
126
.
(ART,
2023) : Utiliser
plus
largement
les
possibilités
de
modulation de la part variable de la rémunération liée à la performance individuelle.
2.2.3
Des choix immobiliers contestables
2.2.3.1
L’abandon de la loc
alisation historique au Mans
L’article L 1261
-
12 du code des transports résultant de l’ordonnance n°2016
-79 modifiée,
précise que
« le collège décide de la localisation des services de l'Autorité, en fonction des
nécessités de service »
. Cet article vient contrarier les dispositions antérieures du code des
transports spécifiant
que le siège de l’Autorité est fixé par décret
(article R. 1261-5-1) et que
celui-ci est fixé au Mans
127
(article D. 1261-5-2
), articles qui n’ont jamais été abrogés jusqu’à
présent. Le p
résident de l’ART a sollicité auprès du Premier ministre
par courrier du 20 octobre
2021, une abrogation des dispositions réglementaires encadrant la localisation du siège de
l’Autorité au Mans, arguant de la
«
nécessaire relocalisation de l’ensemble de
s services à Paris
126
Recommandation n°6 : utiliser plus largement les possibilités de modulation de la part variable de la rémunération
liée à la performance individuelle, sur la base d’entretiens d’évaluation.
127
Décret n° 2010-
1064 du 8 septembre 2010 instituant l’ARAF
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
69
pour répondre aux besoins opérationnels de l’Autorité
»
. Cette demande a trouvé sa traduction
dans le décret n° 2022-976 du 1
er
juillet 2022 qui a supprimé la mention géographique de son
siège et la décision du 28 juillet de l’Autorité f
ixant ce dernier à Paris.
La localisation mancelle
d’origine
présentait
, selon l’Autorité, le double inconvénient
d’un faible bassin de recrutement local et de l’éloignement de la région parisienne et de ses
interlocuteurs (ministères et entreprises). Elle
l’a conduit
e à ouvrit une « antenne » à Paris pour
« les réunions avec les acteurs du secteur mais également les séances du collège »
. La Cour
relevait dans son précédent rapport de juillet 2014 que
«
si [la double localisation] n’est pas
critiquable d’u
n point de vue budgétaire, elle pose de réelles contraintes opérationnelles »
, avec
des coûts et des temps de transport conséquents et de potentielles difficultés de recrutement ainsi
que des difficultés managériales difficiles à chiffrer.
Suite à l’élargissement de ses compétences en 2014 et 2015, à l’augmentation de ses
effectifs et à sa réorganisation, l
e collège de l’Autorité a choisi de transférer l’ensemble de ses
services d’instruction à Paris à compter du 1
er
février 2016 (délibération du collège du 20 octobre
2015), soit l’ensemble des services à l’exception des fonctions support (8 personnes) qui
demeuraient au Mans.
Le regroupement de l’ensemble de ses agents sur un unique site parisien
s’est achevé en 2021.
2.2.3.2
L’évolution des dépenses immobilière
s
L’immobilier constitue le deuxième poste de dépenses de l’Autorité, après les dépenses
de personnel. L’ART n’est propriétaire d’aucun immeuble, mais uniquement locataire et, fort
logiquement, ses dépenses ont augmenté au fil des années et de l’expansion
des domaines de
compétences de l’Autorité et de ses effectifs.
Tableau n° 18 :
Évolution des dépenses immobilières
Source : comptes financiers
En perspective des jeux olympiques de 2024, la tour Montparnasse, qui hébergeait
l’Autorité,
a contraint ses locataires à libérer s
es locaux au cours de l’année 2020
, pour réaliser
des travaux.
Si l’ART a pris à bail les nouveaux locaux
dès le 1
er
janvier 2020, afin d’y conduire des
travaux avant d’y emménager, l’ensemble a pris du retard du fait de la crise sanitaire, tant pou
r
la tour Montparnasse que pour les futurs locaux et le déménagement a été réalisé en 2021.
L’Autorité
avait fait le choix de trouver des locaux à proximité immédiate de la gare
Montparnasse pour
«
faciliter l’acceptation du déménagement par les agents du
Mans, ne pas
En €
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Bureaux Le Mans
298 854,10
473 232,76
121 152,65
72 377,49
73 304,00
54 651,48
36 132,46
Bureaux Paris
320 941,89
190 516,12
598 306,05
798 489,41
714 787,00
1 157 184,81
1 916 824,46
Parking Le Mans
16 095,78
16 030,31
3 240,00
4 369,40
6 131,00
3 110,30
3 411,33
Parking Paris
6 225,58
1 819,93
5 358,66
4 890,14
6 629,61
12 489,91
10 825,98
Locations diverses
809,12
28 493,28
18 531,04
0,00
5 337,60
0,00
770,40
Charges Le Mans
38 839,03
38 329,80
19 979,47
6 360,00
6 360,00
6 360,00
8 207,60
Charges Paris
111 667,80
255 370,18
264 876,12
289 114,91
294 902,00
503 873,16
410 406,70
Total loyers chargés
793 433,30
1 003 792,38
1 031 443,99
1 175 601,35
1 107 451,21
1 737 669,66
2 386 578,93
Effectif (brut)
55
70
73
74
83
88
91
Coût total/agent
14 426
14 340
14 129
15 887
13 343
19 746
26 226
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
70
occasionner de départ des agents en poste et valoriser cette implantation offrant une excellente
connexion avec la gare comme argument de recrutement, permettant d’attirer des agents dont la
résidence familiale se trouve en dehors de Paris »
. La première raison semble peu convaincante
dans la mesure où ne restaient au Mans que quatre agents du service des moyens généraux depuis
2018.
Par ailleurs, la proximité de toute autre gare aurait pu satisfaire à l’argument d’attractivité.
Présenté comme
plus efficient, le regroupement de l’ensemble des agents de l’Autorité
sur un même site, n’est pas pour autant plus économique.,
Le total des dépenses immobilières
présente un quasi doublement par rapport à 2015,
avec un loyer de 1,5 M€ en 2022
, alors que
dans le même temps, l’effectif réel de l’Autorité n’a augmenté que de 65%.
Le déménagement du Mans à Paris s’est traduit par une augmentation du coût par agent
qui est passé de 14 400
€/ agent à 26
200
€/agent, soit une augmentation de 82 % entre 2015 et
2021. En 2022, le coût par agent diminuera cependant du fait du regroupement sur un site unique
et devrait revenir à un coût par agent proche de 2018.
Hors parking, le loyer au m² SUN des bureaux parisiens
de l’ART
est supérieur à 1 100
€ HT/hors charges
en 2021, bien au-
delà de la moyenne parisienne selon l’observatoire de
l’immobilier de bureaux Immostat
128
(moyenne 4
ème
trimestre 2019
129
de 640 € pour les biens de
seconde main à Paris centre ouest), ce secteur de Paris étant par ailleurs le plus onéreux de la
capitale.
La situation est quelque peu biaisée par l’existence des deux sites parisiens payés en 2021.
E
n considérant la baisse de loyer qui interviendra à partir de 2022 où l’Autorité n’aura plus
qu’une seule localisation parisienne, le loyer de
611
€
HT/hors charges/m
2
SUN correspondra à
la moyenne parisienne.
Graphique n° 1 :
128
« La surface inscrite dans la base de données correspond en priorité à la Surface Utile Nette de bureaux » -
Méthodologie confirmée par Immostat le 4 juillet 2022.
129
Montant le plus élevé pendant la période : le 1
er
trimestre 2019 et le 4
ème
trimestre 2021 selon les données
Immostat
–
observatoire utilisant la surface utile
nette. Ce montant est de 621,75 € moyenné sur l’ensemble de
l’année 2021 et de 655 € au 1
er
semestre 2022 pour les biens de seconde main à Paris centre ouest.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
71
Source
: Cour des comptes d’après données ART et comptes financiers
Avec une surface utile brute (SUB) globalement identique au total de sa double
localisation antérieure, les nouveaux locaux parisiens disposent de davantage de surface utile
nette (SUN), passant de 1 205 m² à 1 470 m². Toutefois, si l’abandon des locaux manceaux permet
d’améliorer le ratio SUB global, celui
-ci reste très largement supérieur au ratio SUB/par agent
de 18 m
2
fix
é par la direction de l’immobilier de l’État
130
(DIE) : 23,19 m
2
fin 2021 après abandon
des locaux du Mans.
L’Autorité justifie, dans l’annexe au projet de loi de finances,
sa superficie de bureaux
utile par un nombre de postes de travail (120 en 2021), supé
rieur à son plafond d’emploi
s, en
raison de
« la prévision de bureaux dédiés aux prestataires externes, aux stagiaires »
. Or,
l
’instruction
a montré que le recours aux prestataires externes
131
comme aux stagiaires
132
est
limité à quelques unités.
L’ART a conve
nu que le nombre de postes de travail affiché correspond,
selon le ratio de 12 m
2
SUN/agent de la DIE, à 122 postes de travail pour la superficie des
nouveaux locaux, superficie permettant, le cas échéant, de faire face à une extension de ses
compétences.
Avec un plafond d’emploi
s de 101 agents en 2021
133
, le ratio SUB/poste de travail
(20,89 m
2
) reste supérieur au ratio de densification défini par la DIE, de même pour le ratio
SUN/par poste de travail (14,55 m
2
).
En outre, le dimensionnement des locaux n’i
ntègre pas les effets du recours accru au
télétravail -
étant entendu qu’il n’était pas possible de l’anticiper au moment du choix de
déménagement.
2.2.3.3
Le coût du regroupement parisien
Pour sa dernière opération immobilière, l’ART a eu recours à diverses pres
tations
externalisées : prestation de conseil et négociation pour la recherche de nouveaux locaux
(165
K€), assistance à maitrise d’ouvrage (AMO) pour l’aménagement des nouveaux locaux
(32
K€), travaux d’aménagement
des futurs locaux et perte sur la partie non amortie des
aménagements de la Tour Montparnasse (490
K€), déménagement
(20
K€), ameublement
(47
K€), soit un total de 754
K€.
Selon la propre estimation de l’ART, le coût du regroupement des services de l’ART à
Paris, indépendamment de sa composante
immobilière, est de 425 K€ entre 2016 et 2021,
essentiellement constitué par l’allocation de retour à l’emploi (226
K€), mais également des
indemnités de licenciements (87
K€), indemnités de départ volontaire (38
K€) et prise en charge
des transports TGV et parking (76
K€).
Le rapport de la Cour en juillet 2014 relatif à l’ARAF relevait qu’
« en définitive, la décision
de déménagement dans Paris qui peut avoir certaines justifications opérationnelles, est celle
d’une structure sur laquelle ne pèse pas de c
ontrainte financière forte »
. Ce constat se trouve
aujourd’hui renforcé à l’issue du regroupement de l’ensemble des services au sein de nouveaux
130
DIE -
Fiche de définition et typologie des surfaces de l’État
(version décembre 2018).
131
Presta
tion d’accueil et infogérant informatique pour l’essentiel
132
Entre deux et quatre personnes pour quelques semaines à quelques mois chaque année
133
102 en 2022
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
72
locaux parisiens, dont le coût est, en soi, estimé à 1,2
M€. La Cour relève que le regroupement
parisien aurait
pu être conduit avec un plus grand souci d’économie en matière de surface par
agent.
2.2.4
Une fonction « achats » à renforcer
2.2.4.1
Les insuffisances de l’
organisation des achats
L
’Autorité
est soumise au code de la commande publique. Le président, ordonnateur de
l’
Autorité, a donné délégation de signature « au nom du président » pour signer des conventions,
contrats et marchés et engager des dépenses au secrétaire général
134
(jusqu’à 193
000 €HT) et
depuis le 14 octobre 2021, à la DRSI
(jusqu’à 40
000
€HT). Si le plafond de 193
000 €HT
correspondait à l’origine au seuil de passation selon une procédure formalisée, il n’a aujourd’hui
plus de signification.
Les achats de l’Aut
orité
qui représentent entre 1,6 M€ et 3 M€
selon les années, relèvent
de la direction des ressources et des systèmes d'information (DRSI) et antérieurement de la
direction des affaires générales (DAG). Jusqu’en 2021, les achats mobilisaient 1,1 ETP (local
isés
au Mans) chargés du choix de la procédure, de la conception des pièces administratives (hors
CCTP), de la
mise en ligne de la consultation, de l’appui à l’analyse des offres. Dans la réalité,
la DAG veillait essentiellement à l’exécution des marchés e
t aux achats les plus urgents. La
réorganisation de 2021 a permis de doubler l’effectif (2 ETP) avec l’objectif de structurer et
professionnaliser la fonction achat.
La réglementation de l’achat public est rappelée à grands traits dans des notes de
procédu
re ou/et guide des achats (de juin 2014 pour l’ARAF, actualisée en 2016 pour l’ARAFER
et en octobre 2021 pour l’ART). Ces notes, qui ne couvrent pas toutes les procédures d’achat
utilisées, restent aussi trop succinctes sur le partage des diverses tâches et responsabilités au sein
de l’Autorité. Elles peuvent faire référence à des documents internes annulés et ne sont pas
toujours appliquées de façon rigoureuse par les agents. L
’arrivée,
en avril 2022
, d’un responsable
de la performance, du contrôle interne et de la qualité
devrait permettre de pallier l’inexistence
de contrôle interne des achats.
La pandémie ne semble avoir eu aucun impact sur le fonctionnement du service achats,
ceux-ci étant dématérialisés ou informatisés depuis plusieurs années du fait notamment de la
double localisation.
Les besoins de l’année N+1 sont évoqués par chaque direction lors des discussions
relatives à la construction du budget au dernier trimestre de l’année N, sans qu’une stratégie n’ait
été définie à ce jour, le choix d’une procédure d’achat étant déterminé au cas par cas.
La part des achats effectués auprès de l’UGAP pour les fournitures et prestations
courantes (ménage, accueil, fournitures de bureau, location et maintenance de copieurs, mobilier,
matériel informatique
et licences…) reste modeste
135
(110
000 € en 2021) et limitée s’agissant
134
Conformément à la décision du collège de du 29 septembre 2010,
135
Par rapport au montant global
d’achat de l’Autorité
et par rapport à l’offre de l’UGAP (moins de 50%).
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
73
d’achats mutualisés. L’adhésion en 2019 au groupement de commandes permanent piloté par la
direction des achats de l’État n’a pour le moment débouché sur aucun marché. Conclu pour deux
ans, il est renouvelé tacitement.
Les seuls achats mutualisés concernent les déplacements (entre 24 000 et 80 000
€ par
an), l’Autorité faisant partie d’un premier groupement de commandes
136
piloté par l’AMF en
2017, d’une durée de quatre ans, pour les prestations relatives à la fourni
ture de titres de transport
ainsi que les prestations annexes (réservations d’hôtels) s’inscrivant dans le cadre des missions
effectuées par les « collaborateurs des membres du groupement ». Un nouveau groupement de
commandes ayant le même objet a été cons
titué en 2021 avec l’AMF et le H3C et piloté par
l’AMF a abouti à la notification des marchés subséquents par l’Autorité en avril 2022, soit
plusieurs mois après la fin normale du précédent marché, signe d’une anticipation insuffisan
te
de ses besoins pour
la constitution d’un nouveau groupement de commandes
.
Hors dépenses locatives ou liées au récent déménagement, l’essentiel des achats
correspond à des achats d’études, d’informatique (matériels, prestations extérieures,
maintenance) et de déplacements.
L’Autorité a indiqué souhaiter refondre, d’ici fin 2022, les conditions générales de
passation des achats, lesquelles devraient inclure le traitement des conventions (en particulier les
conventions de recherche).
2.2.4.2
Une gestion défaillante
La Cour a procédé
à l’examen d’un échantillon de 1
8
procédures d’achat passées depuis
2016.
De façon générale, les marchés examinés révèlent de nombreux cas de non-respect de la
règlementation de l’achat public
et
des règles internes édictées par l’Autorité
altérant la qualité
des documents produits
ou encore l’exécution
des marchés
. Enfin, la qualité de l’archivage des
dossiers de marchés doit être améliorée
137
.
Si certaines des défaillances relevées introduisent de la confusion dans l’exécution des
marchés, d’autres sont s
usceptibles de remettre en cause leurs conditions de passation et créent
un risque juridique pour l’Autorité et son ordonnateur. Il en va ainsi de l’absence de respect du
dossier de consultation des entreprises jusqu’à l’attribution
du marché ou la contradiction des
pièces de consultation, facteur d’incertitude juridique pour les candidats, qui aurait dû conduire
à l’annulation de la procédure de plusieurs marchés.
L’exécution de certains marchés par bons de commandes, dont les modalités d’exécution
sont trop imprécises, sont également source de potentiels contentieux.
L’établissement est
aussi invité à améliorer ses pratiques quant aux délais de publication
souvent réduit à leur minimum,
non conformes à l’esprit de la réglementation de l’achat public
136
Avec l’Autorité des marchés financiers, l’Agence française de lutte contre le dopage, l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes, la Haute autorité pour
la diffusion des œuvres et la protection des droits
sur Internet et le Haut conseil du commissariat aux comptes
137
A minima 5 ans après notification pour les documents relatifs à la passation, 10 ans après la fin du marché pour
les documents d’exécution –
cf
.
Délégué interministériel aux archives de France : cycle de vie des documents issus
des marchés publics - référentiel de conservation -
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
74
et qu
i pourrait être contraire à ses propres intérêts et qui traduisent un manque d’anticipation dans
la programmation de ses achats.
Enfin, l’Autorité a recouru à des contrats de vacations au lieu et place de marchés publics
au cours de la période 2015-2017 pour diverses prestations intellectuelles et de services. Ainsi,
l’Autorité a conclu deux contrats de vacation avec
un membre du
Conseil d’État, pour une
mission de conseil juridique « à la demande » de l’Autorité rémunérée forfaitairement
2
400€/mois, soit
un total de 110
400 € (dont 86
400
€ pour le 1
er
contrat de trois ans). Ces
contrats ne peuvent être qualifiés de contrats de vacations dans la mesure où ils n’en remplissent
pas les conditions
138
, et concernent des prestations entrant dans le champ de la commande
publique. Ces contrats, passés sans mise en concurrence, ne respectent pas les règles internes
précitées (note de procédure/organisation de l’achat public du 02/06/2014) de l’Autorité.
L’examen de l’échantillon de marchés met en évidence un risque c
ontentieux réel pour
l’Autorité, dont
certaines des procédures de passation des contrats de la commande publique
pourraient être contestées devant le juge administratif, en raison des manquements au respect des
principes constitutionnels d’égalité d’accès
à la commande publique et à la transparence des
procédures.
L
’Autorité a formalisé les procédures internes d’achat, comme le demandait la Cour lors
du dernier contrôle de l’ARAF
. Pour autant,
les dysfonctionnements et les écarts aujourd’hui
relevés par rapport à la réglementation applicable doivent la conduire, sans délai, à
professionnaliser sa fonction achat, à davantage recourir aux groupements de commandes ou à
une centrale d’achats
afin de respecter les principes et règles de la commande publique et à se
doter d’un contrôle interne permettant de sécuriser la procédure de passation et d’exécution des
achats.
2.2.5
Des systèmes d’information en cours de structuration
2.2.5.1
Une gouvernance améliorée mais encore insuffisamment structurée
Avant 2019, il n’existait pas de fonction informatique spécifique. L’accroissement du
périmètre des systèmes d’information,
le besoin de les renforcer et de les sécuriser ont conduit à
la création d’un service
, actuellement composé de deux agents (
un chef de service ainsi qu’un
assistant chef de projets), recruté en février 2022 et rattaché à la direction des ressources et des
SI (DRSI)
.
Depuis 2017, l’Autorité dispose d’un schéma directeur informatique
(SDI), qui couvre la
période 2017-2022 et qui a été actualisé en 2019.
Enfin, l’Autorité dispose d’un
r
esponsable de la sécurité des systèmes d’information
(RSSI)
nommé par le président de l’Autorité, en l’occurrence
le chef de service SI, option
justifiée par
la taille de l’ART.
138
Selon la jurisprudence, le statut de vacataire nécessite de remplir plusieurs conditions cumulatives : réaliser des
tâches ponctuelles et déterminées et être rémunéré à la tâche c’est
-à-dire à la vacation
; à défaut, il s’agit d’un agent
contractuel.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
75
Le pilotage des SI semble adapté aux besoins, mais il serait souhaitable de le formaliser
davantage en matière de programmation et de comptes rendus, démarche qui, selon les réponses
de l’ART,
devrait se concrétiser au second semestre 2022, notamment
au moyen d’une
comitologie planifiée.
Outre le SDI, le SSI a r
éalisé un dossier d’architecture technique
(DAT), ainsi
qu’un plan
de continuité d’activité informatique et un plan de reprise d’activité informatique.
Par ailleurs
, l’ART
a mis en place une
politique de sécurité du système d’information
(PSSI) propre à son infrastructure, qui transpose celle
de l’État
et prend en compte des
préconisations de l’ANSSI, mais
qui reste à formaliser dans un document cadre. Elle ne dispose
pas, en revanche,
d’un
plan de communication des risques de cybersécurité et
n’entreprend
pas
de sensibilisations auprès des utilisateurs.
2.2.5.2
Un environnement technique satisfaisant
L’ART dispose de plusieurs outils modernes adaptés à ses besoins
, la majorité des
applications utilisées provenant
d’
éditeurs. La tierce maintenance applicative (TMA) et la gestion
de la version de ces applications étant
de la responsabilité de l’éditeur, le risque d’obsolescence
est limité.
D’une manière générale,
le
système d’information
est «
à l’état de l’art
», compte tenu
de la taille de la structure.
2.2.5.3
Un recours systématique à la prestation externe
L’ART externalise
les fonctions essentielles
: l’exploitation de la sécurité périmétrique,
l’infogérance globale (assistance technique, sécurité et maintien en conditions opérationnelles),
la conception et la réalisation technique en mode projet. Ces fonctions sont supportées par un
unique prestataire infogérant
, à l’exception
de la sécurité périmétrique et du réseau télécom.
Cette externalisation systématique répond
à l’absence
de compétences techniques en
interne. Il est donc impératif de diversifier les prestataires pour limiter le risque de dépendance
et de perte de maîtrise, ce vers quoi
s’oriente opportunément l’ART à l’occasion de
la mise en
place de ses nouveaux marchés d’infogérance qui seront découpés en quat
re lots.
2.2.5.4
Une maitrise de la sécurité du système d’information
Afin de s’assurer de la maîtrise de la sécurité du SI, l’ART a réalisé une analyse de risque
informatique, ce qui atteste
d’une bonne maîtrise des systèmes d’
information. Par ailleurs, le SSI
a le projet de mettre en place un outil de suivi de la gestion des risques. Le
premier identifié n’est
pas, à date, en totale conformité avec les besoins métiers et doit encore être adapté.
2.2.5.5
Une gestion de la donnée à harmoniser
L’ART
gère un grand nombre de données. Alimentées par les agents habilités, les bases
sont accessibles par le service concerné et par la direction métier, sous la responsabilité du
directeur. L
a multitude d’interfaces utilisées pour
les récupérer engendre des risques.
L’ART
doit, autant que faire se peut, poursuivre les efforts engagés pour harmoniser et automatiser les
collectes régulières de données dans le cadre du chantier de dématérialisation de ses processus
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
76
métiers. On admettra toutefois que cette démarche est plus aléatoire lo
rsqu’il
s’agit de collecte
s
ponctuelles et qu’elle
peut se heurter aux réticences des fournisseurs de données.
Conclusion intermédiaire
Structurée, à l’instar d’autres régulateurs sectoriels, autour d’un collège et d’une
commission des sanctions, la gouve
rnance de l’Autorité a, depuis 2009, été
fortement réformée.
Pour s’en tenir à son instance décisionnelle, le collège a vu sa composition passer de sept
membres, dont un seul, son président, était à temps complet, à cinq membres permanents, soit
un président et quatre vice-
présidents. Cette évolution est positive en ce qu’elle traduit un souci
de « professionnalisation
» au moment où l’ART devient multisectorielle.
Cependant, elle reste
inachevée.
En premier lieu, l
’
effectif du collège apparaît désormais particulièrement resserré, ce qui
ne facilite pas l’appréhension des nouveaux secteurs
ni le respect des critères posés par la loi
quant à la disponibilité des compétences nécessaires en son sein. En second lieu, son mode de
collaboration avec les services, mal compris par certaines
parties prenantes, en dépit d’une
amélioration récente grâce à la désignation de vice-présidents « référents », peut sans doute
encore être amélioré, tout en préservant la collégialité.
Le dispositif déontologique apparaît compl
et et conforme aux textes applicables, qu’il
concerne les membres du collège, la commission des sanctions ou les
agents. Sa mise en œuvre
appelle deux observations. Tout d’abord, l’application
des règles destinées à prévenir les conflits
d’intérêt
s par des
obligations de déport conduit trop souvent le collège à devoir se priver d’une
partie de ses membres. Il revient donc aux autorités de nomination d’anticiper autant que faire
se peut les situations « à risques », de sorte de ne pas handicaper son fonctionnement, surtout
au moment où sa composition se réduit. Ensuite
, les contrôles préventifs déclenchés à l’occasion
du départ de personnel
, s’ils figurent parmi les plus rigoureux au sein des régulateurs européens,
ne semblent pas constituer un obstacle a priori pour le recrutement des agents, ceux-ci pouvant
poursuivre leur carrière sans difficultés, parfois même au sein de parties prenantes à la
régulation dès lors qu’elles ne ressortissent pas du secteur concurrentiel.
L’ART a su prendre en charge rapidemen
t et efficacement de nouvelles compétences, par
exemple en mettant en place une organisation du travail flexible dans le but de mutualiser les
compétences en son sein, mais sans doute aussi grâce à des dotations en effectifs et à une masse
salariale initialement généreuses. Le coût par agent se situe sensiblement au-dessus de la
moyenne des autres autorités indépendantes, notamment
en raison d’un taux d’encadrement
supérieur élevé. Le niveau des frais immobiliers, temporairement grevés par un problème de
double localisation, désormais réglé, apparait, lui aussi, élevé. Les choix faits à
l’occasion
du
regroupement parisien semblent a posteriori surévalués par rapport aux besoins,
sans qu’il ne
soit envisageable de revenir en arrière eu égard aux dépenses engagées.
D’une manière générale, l’ART n’a pas été soumise à une forte contrainte financière en
raison d’une relative
aisance
résultant, pendant longtemps, d’un fonds de roulement conséquent.
Sa réduction progressive semble avoir été
l’unique outil de pilotage budgétaire de l’ART, faute
d’un dialogue de gestion approfondi et régulier, dans le cadre de la préparation des lois de
finances. Elle a eu pour conséquence une insuffisante mise sous tension de cette institution dans
l’usage de ses moyens. Il convient donc aujourd’hui d’établir un diagnostic du niveau des
ressources adéquat et, en outre, de fixer à l’ART des objectifs d’économie et d’efficience précis,
à l’instar des autres organismes publics
.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
77
Par ailleurs, les fonctions « supports
», n’ont longtemps pas fait l’objet de toute
l’attention nécessaire, alors qu’elles ont un rôle fondamental à jouer dans la mise en œuvre d’une
gestion rigoureuse.
Devenues inadaptées à la taille et aux missions
de l’ART
, elles viennent
d’être restructurées
.
L’Autorité doit
,
en particulier, améliorer ses processus d’
achat, la
passation et l’exécution
des marchés ayant révélé de nombreuses irrégularités. De même, les
systèmes d’informations constituent aujourd’hui un domaine sensible de par les données
collectées et exploitées,
dont l’Autorité a pris la mesure
,
mais qu’il convient encore de
consolider.
Dans ces domaines, l’ART a, par ailleurs, trop peu cherché à pallier certaines
insuffisances, ou à réaliser des gains d’efficacité, en se rapprochant d’autres autorités
indépen
dantes ou d’administrations centrales, ce que sa dimension réduite rendrait pourtant
d’autant plus pertinent.
A cet égard,
la Cour invite l’ART à envisager la mise en œuvre d’
une
recommandation du rapport précité de la Cour sur les autorités administratives et publiques
indépendantes (recommandation n°8 : « Amplifier la démarche de mutualisation des services et
l’étendre au domaine des ressources humaines
».)
139
139
Ce rapport prend l’exemple de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (devenue l’autorité nationale des jeux)
:
« A
l’ARJL, le périmètre des fonctions supports a été réduit au strict nécessaire, en s’appuyant sur les moyens du
secrétariat général des ministères économiques et financiers, sans que l’indépendance de décision des autorités soit
remise en cause »
.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
78
ANNEXES
Annexe n° 1. Glossaire
.......................................................................................................................
79
Annexe n° 2.
Les compétences ferroviaires de l’ART
.......................................................................
81
Annexe n° 3. Éléments de comparaisons internationales
...................................................................
83
Annexe n° 4.
La base de données constituée par l’ART relatives aux coûts des travaux
autoroutiers
...................................................................................................................
85
Annexe n° 5. La préparation de la fin des certaines concessions autoroutières
.................................
86
Annexe n° 6.
Le contrôle des marchés passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes
(SCA)
...........................................................................................................................
88
Annexe n° 7.
Le contrôle des procédures d’attribution des contrats passés en vue de
l’exploitation des installations annexes à caractère commercial («
sous-
concessions »).
.............................................................................................................
90
Annexe n° 8. Le système européen de télépéage
...............................................................................
91
Annexe n° 9.
Les relations avec l’Autorité de la concurrence (AdlC)
...............................................
92
Annexe n° 10.
L’évolution des comptes de l’ART
............................................................................
95
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
79
Annexe n° 1.
Glossaire
AAI/API
Autorité administrative indépendante/autorité publique indépendante
AdlC
Autorité de la concurrence
ADP
Aéroports de Paris
AOM
Autorités organisatrices de la mobilité
AOT
Autorité organisatrice des transports
ARF
Association des régions de France
CCTP
Cahier des clauses techniques particulières
CDD/CDI
Contrat à durée déterminée/contrat à durée indéterminée
CET
Compte épargne temps
CGEDD
Conseil g
énéral de l’
environnement et du développement durable
CMPC
Coût moyen pondéré du capital
CORDIS
Comité de règlement des différends et des sanctions
CRE
Contrat de régulation économique
DGAC
Direction générale de l'aviation civile
DGCCRF
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes
DGFIP
Direction générale des finances publiques
DGTIM
Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités
DIE
Direction de l’immobilier de l’État
DRG
Document de référence Gares
DRR
Document de référence des réseaux
DRS
Document de référence sûreté
EPSF
Établissement public de sécurité ferroviaire
ETP/ETPT
Équivalent temps-plein/équivalent temps-plein travaillé
GI
Gestionnaire d'infrastructure
GPE
Grand Paris Express
GPSR
Groupe de protection et de sécurisation des réseaux
HATVP
Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
IDFM
Île-de-France Mobilité
IGF
Inspection générale des finances
LGV
Ligne à grande vitesse
LOM
Loi d'orientation des mobilités
MaaS
Mobility as a Service
MCAF
Mission de contrôle des activités ferroviaires
MTECT
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
ORR
Office of Rail and Roads
OSP
Obligations de service public
PIA
Plan d'investissement autoroutier
PLF
Projet de loi de finances
PRA
Plan de relance autoroutier
PRA
Plan de r
estauration de l’
activité
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
80
PSSI
Politique de sécurité du système d’information
RATP
Régie autonome des transports parisiens
SCA
Sociétés concessionn
aires d’autoroute
SDI
Schéma directeur informatique
SLO
Service librement organisé
SNCF
Société nationale des chemins de fer
SNM
Services numériques de mobilité
SUB/SUN
Surface utile brute/surface utile nette
TEE
Tests d’équilibre économique
TICPE
Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
TMA
Tierce maintenance applicative
TRI
Taux de rentabilité interne
UGAP
Union des groupements d'achats publics
Autorités indépendantes :
AdlC
Autorité de la concurrence
AFLD
Agence française de lutte contre le dopage
AMF
Autorité des marchés financiers
ANJ
Autorité nationale des jeux
ARCEP
Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la
distribution de la presse
ARCOM
Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ex CSA)
CGLPL
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
CNDP
Commission nationale du débat public
CRE
Commission de régulation de l'énergie
CSA
Conseil supérieur de l'audiovisuel
H3C
Haut conseil du commissariat aux comptes
HADOPI
Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
HAS
Haute Autorité de santé
HCERES
Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
81
Annexe n° 2.
Les compétences ferrovi
aires de l’ART
Tableau n° 19 :
Les compétences de l’Autorité peuvent être illustrées de manière synthétique de la manière suivante.
Avis conformes
et motivés
Autres avis consultatifs
Litiges
et manquements
Pouvoir réglementaire
(soumis à
homologation)
Textes réglemen-
taires
Notification et
test d’équilibre
économique
Publications
Régulation
de l’accès
tarifaire
Régulation
de l’accès
non tarifaire
Ouverture
à la concurrence
Pouvoir de RDD sur les
données et le nombre
d’ETP et pouvoir de
sanction
Avis motivé
Notification des
nouveaux SLO et
TEE à la demande
Possibilité de
limiter ou interdire
l’exercice du droit
d’accès aux SLO
Livrets
et étude
Séparation comptable
(SNCF)
Avis
conforme sur
les règles
après avis
AdlC
Pouvoir de sanction
Cadre juridique en
matière de séparation
comptable
Indépendance GI,
suivi budgétaire
et financier
des gestionnaires d’infrastructure
et de gares
Avis conforme : nomination, révocation et
renouvellement DG/PDG SNCF Réseau
Avis :
. PGIC Réseau
. Contrats État- GI et leur exécution
. Budget GI
. Modalités financements investissements
+ de 200 M€.
Accès au réseau ferroviaire
et aux installations de service
Avis
conforme
Avis
motivé
Pouvoir de RDD et de
sanction
Conditions techniques et
administratives d’accès au
réseau
Conditions d'accès aux
facilités essentielles
accès au réseau
ferroviaire, à la
conception, la
réalisation et
l'utilisation des
infrastructures et des
matériels de transport
ferroviaire
Étude
Accès au tunnel sous la manche
Avis
motivé
Avis
motivé
Pouvoir de RDD et de
sanction
Avis
motivé
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
82
Prestations
de sûreté
Avis
conforme
Suivi et bon fonctionnement
du système
de transport ferroviaire national
Rapports annuels,
focus, plaquettes
Source :
Cour des comptes d’après
ART
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
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75100 PARIS CEDEX 01
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Annexe n° 3.
Éléments de comparaisons internationales
Rapport de l’OCDE «
Survey on the ressourcing arrangements of economic régulators »
(octobre 2021)
Ce rapport distingue 42 régulateurs sectoriels (énergie, transports, E-communication,
eau), dont l’ART relève, et 16 régulateur
s multisectoriels, du type de la Bundesnetzagentur
(BnetzA) allemande qui régule les trois premiers secteurs ou de la Comision nacional de los
mercados y la competencia (CNMC) espagnole qui
est compétente pour l’audiovisuel,
l’énergie, les transports, les
télécoms et la poste mais
assure aussi les fonctions d’autorité de la
concurrence.
Les observations qui suivent portent sur les indicateurs applicables aux régulateurs
sectoriels « transports ».
1.- Généralités
•
90 % des régulateurs transports sont des organes indépendants.
•
L’effectif moyen des régulateurs sectoriels est d’environ 324
: c’est
environ
l’effectif
de l’ORR, l’ART étant comptabilisée pour 76
; l’ART italienne pour 100
.
•
Le budget moyen est de l’ordre
de 30 à
35 M€
: l’ORR est créditée de près de 40 M€,
l’ART italienne d’environ 30 M€. Les dépenses de l’ART s’élèvent à une vingtaine de
M€, pour des recettes d’environ 14 M€.
2.- Ressources humaines
•
74% des employés des régulateurs sont des fonctionnaires ou équivalents (environ 14 %
pour l’ART)
.
•
Le turn-
over est d’environ 12 %, à noter le plus élevé au sein des quatre secteurs retenus
(entre 20 et 25 % pour l’ART)
.
•
55% des employés des régulateurs étudiés ont une ancienneté supérieure à 5 ans
(l’ancienneté moyenne à l’ART est inférieure à 3 ans)
.
•
54 % ont un niveau de qualification au moins égal à un Master.
•
38
%
des
employés
proviennent
du
secteur
privé,
39%
d’autres
entités
gouvernementales
; seulement 5% sont originaires d’autres instances d
e régulation.
3.- Déontologie
•
Restrictions à la mobilité sortante : 48 % des régulateurs posent des restrictions
uniquement pour le emplois supérieurs, 38 % également pour les employés juniors et
intermédiaires
(cas de l’ART) ; à noter que l’ART italienne ne prévoit de rest
rictions
que pour les emplois supérieurs alors que l’ORR ne fixe aucune restriction.
4.- Rémunérations
•
57 % des régulateurs doivent appliquer la politique de rémunération préconisées par le
gouvernement, 17 % doivent les suivre mais peuvent s’en écarter su
r certains points et
24 appliquent leurs propres règles (les rémunérations à l’ART résultent des CGE)
.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
84
•
61 % des salaires versés par les régulateurs sont supérieurs (23 %) ou égaux à ceux
versés dans les secteurs régulés.
5.- Ressources financières
•
48 % des régulateurs sont financés par des recettes budgétaires, 33 % par des
redevances, 19 % par les deux
; à noter que c’est dans le secteur des transports que la
part de financement budgétaire est la plus élevée, et de loin (21 % dans les
communications, 32 %
dans l’énergie)
; les risques perçus sont symétriques : la
réallocation budgétaire en cas de financement public, les aléas de la conjoncture en cas
de redevance. L’ART Italienne et l’ORR sont financés par des redevances.
•
62 % des régulateurs ferroviaires font état de ressources insuffisantes.
•
La moitié des régulateurs négocient eux-mêmes leurs budgets avec les autorités
budgétaires.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
85
Annexe n° 4.
La
base de données constituée par l’ART relatives aux coûts des
travaux autoroutiers
À la fin de l’année 2017, l’ART
a engagé des échanges auprès des SCA pour la mise en
place d’une collecte, qui lui
a permis, en 2019, de disposer de 380 dossiers de marchés de
travaux (rattachés à 250 opérations distinctes) et de 490 dossiers d’études (rattachés à 380
opérations distinctes). Pou
r exploiter ces dossiers, l’Autorité a fait appel au bureau d’études
SETEC qui l’a aidé à constituer une de
base de données de prix comprenant :
-
un volet « micro » relatif au niveau de prix de certaines prestations standardisées
récurrentes, externalisées
par les sociétés concessionnaires. L’unité de base est le
marché et les données proviennent des dossiers de marchés travaux,
-
un volet « macro
» relatif au coût estimé des opérations d’investissement sur le
réseau autoroutier concédé, à différents stades d
’avancement. Dans le volet
« macro
», l’unité de base est l’opération et les données proviennent des dossiers
d’étude établis à différentes phases
: opportunité, faisabilité, dossier de demande
de principe, avant-projet,
dossier d’enquête publique
, projet, dossier de
consultation des entreprises travaux et réalisation.
Afin d’actualiser ces données et, donc, de conférer un caractère pérenne à ce suivi, le
collège a adopté, en octobre 2020, une décision relative à la transmission régulière à l’Autorité
des documents de la consultation, des candidatures et des offres des marchés de travaux passés
par les SCA, après une concertation organisée auprès de celles-ci
en septembre.
S’agissant du
volet « macro », une collecte ponctuelle a été mise en place par courrier du secrétaire général
d’avril 2021, mais elle a égaleme
nt vocation à devenir régulière.
La maintenance et l’utilisation
de cette base de données occupe à plein temps deux agents
de l’ART.
Un groupe de travail a été mis en place pour définir un référentiel commun
avec l’État
.
Celui-ci, dont font partie
les services de la DIT, ceux de l’Autorité et les équipes du centre
d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema)
se réunit à un rythme mensuel ou bimestriel.
Les travaux conduits dans ce cadre ont permis
l’établissement d’une note de méthodologie «
préliminaire
» sur l’exploitation de la base de
données et d’identifier des sujets à approfondir, notamment la valorisation des risques en
matière de construction. Cette démarche a été formalisée par un échange de courrier entre le
p
résident de l’Autorité et la directrice des infrastructures de transport, actant notamment la
transmission de la base de données aux services du ministère, mais aussi la nécessité
d’a
ppliquer
la méthodologie préliminaire pour l’exploiter.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
86
Annexe n° 5.
La préparation de la fin des certaines concessions autoroutières
Le
cadre de sa fonction de suivi des contrats de concession et de leurs avenants, l’ART
a été conduite à examiner des questions spécifiquement liées à cette perspective. En particulier,
il importe que les travaux de remise en état de l’infrastructure ne soient pas compensés. En
effet, ceux-
ci relèvent d’obligations déjà prévues dans les contrats : le concessionnaire doit
supporter à ses frais exclusifs tous les investissements nécessaires à la remise des biens de retour
en bon état à la fin de la concession. Or, par exemple, lors d’une opération financée par un
avenant, il peut être pertinent d’anticiper des opérations de renouvellement
afin de mutualiser
certains coûts. L’Autorité vérifie donc que les dépenses de renouvellement évitées sont bien
prises en compte dans l’équilibre économique de l’avenant dont elle est saisie, car elles ne
doivent pas donner lieu à compensation.
L’Autorité
a alerté le concédant sur l’urgence de préciser l’état des biens de retour en
fin de concession dans le cadre de son rapport sur l’économie générale des concessions. En
effet, les contrats de concession ne le précisent pas, mais indiquent seulement qu’il
revient au
concédant d’établir sept ans avant l’expiration de la concession et après concertation avec le
concessionnaire, le programme d’entretien et de renouvellement. Sans cette clarification, il peut
être difficile d’apprécier si un investissement prév
u dans un avenant ne relève pas déjà des
obligations contractuelles relatives à la remise des biens en bon état en fin de contrat. Dans ce
rapport, l’Autorité a invité le concédant à avoir une acception exigeante
de cette notion de bon
état en fin de contrat et, donc,
à défendre au mieux ses intérêts patrimoniaux, l’évolution
programmée des péages ayant été normalement conçue pour faire face aux dépenses
nécessaires.
Elle a recommandé de s’appuyer sur un jeu d’indicateurs exhaustifs mesurant l’état de
la s
tructure de la chaussée, afin de s’assurer qu’aucune opération d’entretien majeure ne sera
nécessaire dans les années qui suivront la fin de la concession. De fait, les indicateurs actuels,
progressivement introduits dans les contrats, ne sont pas exhaustifs (ne comprenant pas, par
exemple, les bassins d’assainissement) et ne renseignent pas sur la pérennité de l’autoroute (son
état structurel) mais, essentiellement, la qualité du service rendu. A contrario, on ne peut, en
pratique, exiger un « bon état » assimilable à du « comme neuf ».
Par ailleurs, s’est posée la question du financement d’investissements non prévus par
les contrats durant les dernières années des concessions. L’échéance des concessions
autoroutières historiques est comprise entre 10 à 15 ans. Or cette période est à la fois trop longue
pour que tout investissement utile et nécessaire puisse être reporté à la prochaine mise en
concurrence, mais peut également s’avérer trop courte pour permettre son amortissement. Le
concédant a donc saisi l’Autorité pour obtenir son avis sur un dispositif qu’il envisage pour
remédier à ce problème. À la fin du contrat, la part non amortie de ces investissements donnerait
lieu au versement d’une soulte au concessionnaire sortant, soulte que le concédant peut m
ettre
à la charge d’un éventuel nouveau concessionnaire, ou, en toute hypothèse, du futur
gestionnaire.
Dans sa réponse, l’Autorité a indiqué des points de vigilance dans l’emploi d’un tel
dispositif. Elle a notamment souligné que la rémunération de l’aven
ant faisant usage de ce
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
87
dispositif devrait être adaptée. En effet, pour le concessionnaire, une recette résultant du
versement d’une soulte par le concédant emporte un risque inférieur à celui d’une recette liée
au péage, dans la mesure où son versement es
t garanti par l’État, tandis que les revenus tirés du
péage présentent un risque lié au trafic. Dans le cas d’un mécanisme d’amortissement partiel,
le concessionnaire n’est ainsi exposé au risque lié au trafic qu’à hauteur de son investissement
net de la s
oulte. Lors de son avis sur le premier avenant mettant en œuvre un report
d’amortissement, en juillet 2021, l’Autorité a ainsi estimé que la rémunération du capital
retenue par le concédant était en conséquence trop élevée.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
88
Annexe n° 6.
Le contrôle des marchés passés par les sociétés concessionnaires
d’autoroutes (
SCA)
Les SCA consultent régulièrement l’Autorité pour connaître son appréciation sur la
réglementation applicable en matière de marchés, par exemple lorsqu’elle fait débat au sein
d’une commission des marchés. Ces échanges informels permettent, selon l’ART, de prévenir
des irrégularités dans la passation des contrats. Néanmoins, l’Autorité a déjà été amenée à saisir
le juge des contrats d’un référé précontractuel. L’Autorité a en effet décidé, en décembre 201
7,
de former un recours contre une procédure de marché d’une société concessionnaire appliquant
une méthode de notation amenant à sélectionner l’attributaire sur le critère unique du prix. Or,
le principe d’une pluralité de critères de sélection permettant
de sélectionner l’offre
économiquement la plus avantageuse par opposition à la sélection du moins-disant sur le critère
unique du prix est une obligation qui s’impose aux SCA.
L’ART a affiné sa stratégie de contrôle afin de mieux identifier les pratiques
nuisant à
une mise en concurrence efficace. En particulier elle a mis en œuvre une campagne de contrôle
visant à s’assurer que les SCA ne découpent pas artificiellement leurs marchés pour passer en
-
dessous des seuils de publicité et de mise en concurrence. Elle compte pouvoir en faire un
premier bilan prochainement.
Cette partie des missions de l’ART ne semble pas soulever des difficultés
particulières
140
. En revanche, elle représente une charge de travail très importante et
n’apparaissant pas toujours justifiée. Aussi la loi de décembre 2019 d’orientation des mobilités
(« LOM
») a prévu un allègement du dispositif, en chargeant l’ART de proposer aux ministres
de l’économie ainsi que des transports une liste de marchés de fournitures et services pouvant
en être soustraits.
Dans une approche prudente, l’Autorité a estimé que les obligations ne pouvaient être
levées pour un marché donné que si deux critères étaient vérifiés cumulativement, c’est
-à-dire
si non seulement, le marché ne présentait pas de lien direct et spécifique avec les missions
déléguées, mais encore, la levée des obligations n’était pas susceptible d’avoir un impact sur le
bon fonctionnement concurrentiel des secteurs concernés.
La proposition soumise pour avis à l’AdlC consistait à maintenir le
s obligations pour
les marchés de carburants, de maîtrise d’œuvre, de fourniture d’équipements et de services
nécessaires à l’exploitation de la route et à les exclure pour les autres marchés de fourniture et
de services. En s’appuyant sur les marchés passés par les SCA entre 2017 et 2019, l’Autorité a
estimé que ce projet aboutirait à retirer des obligations de publicité et de mise en concurrence
53
marchés par an pour un montant total de 80 M€, soit 44
% des marchés de fournitures ou
services en nombre et 38
% en montant. L’avis de l’AdlC a été favorable, sous réserve de deux
recommandations : la réintégration dans la liste des marchés soumis aux obligations de publicité
et de mise en concurrence de l’ensemble des contrats de maîtrise d’œuvre et d’assistance à
maîtrise d’ouvrage, ainsi que des marchés lorsqu’il existe un risque
d’attribution à une
entreprise liée.
140
L’Autorité n’a dû qu’une seule fois ouvrir une procédure en manquement à l’encontre d’une SCA (Atlandes)
pour obtenir communication des marchés, qui fut rapidement clôturée.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
89
L’Autorité fait état de la baisse, depuis 2017 de la part des marchés passés par les SCA
avec des entreprises liées, qu’elle attribue à la mise en place des règles de publicité et contrôle
du régulateur sectoriel. Aujo
urd’hui, elle ne diffère presque plus de la part de marché globale
des travaux publics détenue par ces entreprises, ce qui signifie que les SCA ne leur attribuent
pas plus de marchés qu’elles n’en obtiennent de manière générale. La vigilance demeure
toutefois appropriée, car une telle situation ne constitue pas en soi une condition nécessaire et
suffisante d’une concurrence non faussée
.
Enfin
, l’effectivité des pouvoirs très larges
qui sont ceux de l’ART dans ce domaine
requiert la faculté d’appliquer des s
anctions crédibles en cas de non transmission. A cet égard,
la situation apparaît perfectible. Certes, si l’information n’a pas été transmise dans les temps,
l’Autorité peut ouvrir une procédure en manquement et mettre en demeure la SCA de
communiquer ces documents dans un délai imparti, puis en cas de non-respect de la mise en
demeure, ouvrir une procédure de sanction. Néanmoins, si la SCA obtempère à celle-ci dans le
délai imparti par l’Autorité et que celle
-ci identifie une irrégularité procédurale dans la
passation du marché, elle ne pourra pas nécessairement lancer une action en référé contractuel
ou précontractuel, compte tenu des conditions qui y sont attachées. Il conviendrait donc
de prévoir des sanctions en cas de méconnaissance des obligations de transmission des marchés
des SCA à l'ART, afin que celle-ci soit en mesure d'exercer un recours éventuel dans les délais,
c’est
-à-dire de jouer efficacement son rôle.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
90
Annexe n° 7.
Le contrôle des procédures d’attribution des contrats passés en vue
de l’exploitation
des installations annexes à caractère commercial (« sous-
concessions »).
L’autorité rend un avis simple dans le cadre d’une procédure d’agrément ministériel de
l’attributaire de tout contrat conclu par une SCA pour la construction, l’exploitation et
l’entr
etien de sous-concessions situées sur le réseau routier concédé (distribution de carburant,
restauration, boutiques, hôtellerie), en particulier en examinant l’effectivité des engagements
de modération tarifaires.
L’Autorité s’est notamment intéressée aux
méthodes de notation utilisées par les
concessionnaires pour sélectionner ces exploitants. En effet, s’il revient à l’acheteur de choisir
sa méthode de notation, cette liberté de principe n’est pas sans limite compte tenu de ses effets
sur l’effectivité du critère de sélection. Ainsi, elle a constaté, dans un avis d’octobre 2020, que
la méthode d’ASF pour noter les engagements tarifaires des soumissionnaires amenait à
neutraliser le critère de la modération tarifaire dans la procédure de passation. Pour parvenir à
cette conclusion, l’Autorité a démontré le caractère faiblement discriminant de la méthode de
notation utilisée, ce qui revient à le neutraliser en partie au regard des autres critères.
On peut considérer que l’ART joue ainsi pleinement son rôle
de promotion des prix les
plus bas pour les usagers de la route (en l’occurrence de services et d’achats annexes), qui ne
correspond pas nécessairement au choix le plus rentable pour la SCA, dans le contexte d’une
forme de monopole local.
À cet égard, l’ART s’est fixé pour orientation stratégique la réalisation d’une étude sur
le modèle économique des activités de service sur les installations annexes à partir des données
collectées auprès des exploitants et des SCA. Elle doit lui permettre de se prononcer sur les
durées prévues des contrats de sous-concession et le niveau des redevances perçues par le
concessionnaire, notamment sur leurs effets sur les prix payés les usagers.
Dans ce cas, il semble que ses pouvoirs de collecte de données ne soient pas
suffisamment garantis. Pour exercer ses compétences et mener des études sur le secteur
autoroutier, l’Autorité dispose de pouvoirs étendus, qu’il s’agisse de recueillir ponctuellement
ou régulièrement les informations. En particulier un article du code de la voirie routière prévoit
qu’elle «
peut notamment, par une décision motivée, prévoir la transmission régulière
d'informations et de données
» détenues par les concessionnaires d’autoroutes, leurs
actionnaires et leurs filiales, ainsi que leurs cocontractants et leurs financeurs. Le champ
d’application de cet article est ainsi suffisamment large pour lui permettre d’exercer
correctement ses missions.
Jusqu’en 2021, le code ne mentionnait pas expressément les sous
-concessionnaires du
réseau autoroutier, alors que
la collecte d’informations auprès des sous
-concessionnaires revêt
des enjeux importants pour l’Autorité, notamment pour contrôler les engagements pris en
matière de modération tarifaire pour les carburants. Un article de la loi d’octobre 2021 portant
d
iverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, est donc venu préciser le
droit existant en introduisant explicitement «
les titulaires de contrats passés par le
concessionnaire d'autoroute en vue de faire assurer par un tiers la construction, l'exploitation
et l'entretien des installations annexes à caractère commercial situées sur le réseau autoroutier
concédé
» dans le périmètre du pouvoir de collecte de l’Autorité.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
91
Annexe n° 8.
Le système européen de télépéage
La transposition en droit français de la directive « télépéage
» de 2019, à l’occasion de
la loi DDADUE d’octobre 2021, a eu pour effet de confier une nouvelle mission autoroutière à
l’ART, en lien avec
ce système. Elle consiste en la tenue du registre des prestataires, la
vérification annuelle du respect
des conditions d’enregistrement et la
conciliation à l’occasion
de différends.
En l’espèce, l’Autorité considère que l’État s’est déchargé sur elle d’une fonction qui
n’entretient qu’un rapport marginal avec son rôle de régulateur, mobilisant
, selon elle,
l’équivalent de deux ETPT. Ainsi, elle indique que
:
«
Si l’Autorité fera ses meilleurs efforts pour mener à bien cette mission, elle tient à
souligner les risques qui s’attachent à ce que diverses compétences relevant du secteur des
transpor
ts lui soient attribuées alors même qu’elles n’ont aucun lien avec le cœur de ses
missions, à savoir la régulation économique sectorielle,
c’est
-à-dire la régulation
de secteurs
économiques caractérisés par la présence d’infrastructures exploitées dans le cadre d’un
monopole et dont l’accès est indispensable à des opérateurs pour pouvoir offrir des produits
ou des services sur des marchés avals ouverts à la concurrence. La démultiplication des
compétences de l’Autorité sur des problématiques sans lien avec son cœur de métier est
susceptible de réduire l’efficacité de son action sur les secteurs relevant de son cœur de
métier
. »
Comme on l’a vu, on ne peut imputer les compétences autoroutières de l’ART, comme
c’est le cas pour d’autres secteurs, à la nécessit
é de veiller à un accès non discriminatoire à une
infrastructure dite essentielle, gérée par un monopole. Par ailleurs, une des missions qui lui a
été attribuée consiste à éviter que les percepteurs de péages (c’est
-à-dire les SCA) ne profitent
de leur situation pour appliquer des conditions contractuelles qui pourraient être
discriminatoires envers les prestataires de ces services, ce qui s’apparente au rôle que l’Autorité
tient déjà en matière de marchés autoroutiers.
Il reste que l’ensemble des tâches dont le législateur l’a chargée dans ce domaine ne
rentre pas dans ce cadre et correspondent, en partie, à des activités de gestion auparavant
assumées par l’administration. Certes, dans d’autres secteurs, les pouvoirs de l’ART peuvent
aller jusqu’à imposer
des décisions qui relèveraient ordinairement de la gestion, mais seulement
dans des champs très circonscrits, quand se trouve clairement en jeu ce principe d’accès non
discriminatoire à une infrastructure. Dans tous les autres cas, toute confusion entre régulation
et gestion paraît à éviter.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
92
Annexe n° 9.
Les relations avec
l’
Autorité de la concurrence (AdlC)
Les secteurs régulés par l’ART relèvent également du contrôle a posteriori exercé par
l’Autorité de la concurrence
(
AdlC). Est donc posée la question de l’articula
tion de leurs
interventions.
1.- La distinction entre régulation sectorielle et contrôle de la concurrence en
matière de transports
Il s’agit d’un débat classique
141
, la notion de régulation recouvrant à la fois la régulation
a priori
et le contrôle
a posteriori
.
En principe, la régulation sectorielle vise à organiser le marché
a priori
, essentiellement
dans les secteurs d’activité où les conditions de marché créent des barrières notamment en cas
de monopole de droit ou de fait
–
l’exemple du transport ferro
viaire est typique - tandis que le
contrôle de la concurrence a pour objet de détecter et de sanctionner
a posteriori
les
comportements anti-concurrentiels des acteurs de marché.
En France, ce qui n’est pas le cas partout
142
, le choix du législateur a été de tirer des
conséquences organiques de cette distinction. D’un côté, la régulation sectorielle des transports
est ainsi confiée à l’ART qui est une autorité indépendante dont la mission est de veiller à ce
que la concurrence s’exerce sans entrave, de manière effective et loyale. De l’autre, la
supervision
a posteriori
de la concurrence est exercée par l’AdlC–
autorité également
indépendante
–
qui traite les difficultés dans la pratique concrète de la concurrence et qui
dispose d’une compétence transversale.
Une conséquence de cette dichotomie est que le régulateur sectoriel, qui intervient en
amont, ne maîtrise pas les conditions réelles du marché et n’a pas accès à toutes les données
dont dispose les opérateurs. Il doit, en théorie, prendre des décisions, singulièrement en matière
tarifaire, sans avoir connaissance des coûts des opérateurs et, d’une manière générale, au vu de
données externes qui s’imposent à lui. Ce constat vaut, par exemple, pour l’ART pour les cycles
d’investissements des gestionnaires d’
infrastructure ; cela explique pourquoi elle a érigé la
« régulation par la donnée
», en orientation stratégique. L’AdlC, qui s’intéresse aux
comportements des acteurs de marché, n’a pas les mêmes contraintes puisqu’elle est en mesure
de constater elle-même ceux qui ont des impacts sur la concurrence.
Au total, les deux autorités n’interviennent pas au même niveau. L’Adlc résume les rôles
respectifs des deux entités par la métaphore du paysagiste
–
l’ART
- et du jardinier
–
l’AdlC.
Pour autant, la frontièr
e n’est pas totalement étanche. Compétentes en matière de
règlement des différends, l’ART dispose de fait d’une capacité d’action a postériori, sa
jurisprudence ayant pour effet de contribuer à définir un cadre opposable aux acteurs. En
parallèle, les déci
sions de l’AdlC conduisent à orienter
ex ante
les comportements des
entreprises. De même, ses analyses sectorielles éclairent les biais concurrentiels constatés dans
le secteur concerné. Par ailleurs, la répartition des compétences peut être évolutive dans le
temps : certains secteurs, ou compartiments de secteurs ayant atteint un certain degré de
141
Voir notamment Régulation économique : quels secteurs réguler et comment ? , Note du
Conseil d’Analyse
économique, n°44, novembre 2017.
142
Au Royaume-
Uni, le régulateur du Rail, l’ORR, assure à la fois de la régulation a priori et la politique de la
concurrence a posteriori
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
93
maturité pourraient en théorie sortir du champ de la régulation
a priori
au profit d’une seule
régulation
a posteriori
.
2.-
La répartition des rôles entre l’ART et l’AdlC
Les deux autorités sont amenées à interagir dans quatre situations.
•
L’ART et l’AdlC peuvent être amenées à donner un avis sur un même projet de
texte réglementaire.
Tel a été le cas sur les projets de décrets déterminant les statuts de la SNCF, de SNCF
Réseau et de SNCF Mobilités et portant sur l’indépendance des fonctions essentielles
143
.
Cette intervention concurrente met en lumière un problème de répartition des rôles,
quoique difficilement surmontable, dans la mesure où, dans son avis, l’Autor
ité de la
concurrence se prononce notamment sur l’architecture du groupe public ferroviaire et sur la
gestion des gares de voyageurs en s’interrogeant sur le respect des principes d’indépendance,
de neutralité et de transparence de l’accès aux infrastructu
res ferroviaires ce qui est davantage
de la compétence du régulateur économique sectoriel, même si, chemin faisant, l’AdlC renvoie
à l’avis de l’ART et appelle au renforcement de ses prérogatives.
•
Dans certains cas, l’ART doit consulter l’AdlC avant de ren
dre ses avis ou
décisions.
o
Dans le secteur ferroviaire, en matière de séparation comptable,
l’ART
doit consulter
l’AdlC avant de rendre sa décision.
144
o
Dans le secteur du transport routier de voyageurs, l’ART doit établir la liste des
opérateurs réputés ex
ercer une influence significative en matière d’aménagements de
transport routier (gares routières), de contrôle sur l’exploitation de ces aménagements
et de fourniture de services à destination des entreprises de transport public routier
dans ces aménagements. Cette liste doit, préalablement à son adoption, être soumise
pour avis à l’AdlC.
145
o
Dans le secteur autoroutier concédé, la loi d’orientation des mobilités a chargé l’ART
de proposer aux ministres compétents une liste de marchés de fournitures et services
pouvant être soustraits aux obligations de publicité et de mise en concurrence
préalables, après avis de l’AdlC. Cette liste lui a été soumise le 18 décembre 2020.
•
L’AdlC, lorsqu’elle est saisie de problématiques en lien avec l’activité de l’ART,
doi
t procéder à sa consultation pour avis. En parallèle, l’ART doit porter à la
connaissance de l’AdlC les abus de position dominante et des pratiques entravant
le libre exercice de la concurrence dont elle a connaissance
146
.
•
L’AdlC peut solliciter la contribution de l’ART à des consultations publiques dans
le cadre de l’instruction d’avis qu’elle doit rendre au titre de ses compétences en
matière de régulation économique sectorielle dans le secteur des transports.
143
A
vis de l’Autorité de la concurrence n°
15-A-01 du 6 janvier 2015 relatif à des projets de décrets pris pour
l’application de la loi portant réforme ferroviaire et avis de l’ART
n° 2014-023, n° 2014-024, n° 2014-025 et
n° 2014-026 du 27 novembre 2014.
144
Article L. 2133-4 du code des transports
145
Article L. 3114-14 du code des transports
146
Article L 1264-15 du code des transports
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
94
Tel a été le cas, par exemple, le 15 juillet 2020, dans le cadre de la consultation publique
restreinte relative à une demande d’avis du ministère de l’économie et des finances concernant
le niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale,
s’agissant notamment de l
a desserte maritime de la Corse. Le p
résident de l’ART a répondu à
cette consultation le 15 septembre 2020. Il rappelle que l’ART n’est pas compétente en matière
de transport maritime, mais que son expertise dans les secteurs régulés lui permet de répondre
sur certains points. On notera que dans sa réponse, le président de l’ART
met en avant ses
prérogatives :
-
Il promeut la mission d’observation des marchés dont elle dispose dans les secteurs
ferroviaire et guidés, autoroutier et aéroportuaire, pour laquelle elle dispose de pouvoirs
de collecte (sauf dans l’aéroportuaire) et de sanction
;
-
Il insiste sur l’expertise sectorielle qui lui permet de quantifier le besoin de service
public, à l’instar des textes d’équilibre économique qui conduisent à évaluer l’imp
act
d’une offre de transport privée sur un contrat de service public et souligne que l’ART
pourra, dès la fin 2023, se prononcer sur les attributions directes d’un contrat de service
public de transport ferroviaire par une AOM ;
-
Il conclut à l’opportunité
de mettre à la disposition de la collectivité de Corse une
expertise indépendant en instaurant un cadre de régulation approprié.
On ne sera pas surpris que, dans son avis remis au ministre, l’AdlC plaide pour une
extension des compétences de l’ART en donna
nt la possibilité à la collectivité de Corse de
solliciter un avis de l’ART sur le besoin et le champ du service public de liaison maritime.
D’un point de vue qualitatif, les deux autorités semblent globalement satisfaites de leur
complémentarité, même si le cadre de coopération entre les deux autorités gagnerait sans doute
à être précisé afin de prévenir les éventuelles
divergences d’interprétation. Mais il ressort de
l’instruction que les sujets de désaccord sont rares, et ont porté essentiellement sur le
s avis
consultatifs rendus sur les textes réglementaires d’application de la loi portant réforme
ferroviaire en 2014, notamment s’agissant des règles de séparation comptable.
En toute hypothèse, il ne semble pas y avoir de problème de lisibilité des compétences
respectives, les opérateurs s’adressant au bon interlocuteur en fonction de leurs besoins.
En fait, l’AdlC vient en appui de l’ART dans le souci de conforter son rôle, ce qui n’est
pas surprenant de la part d’une autorité transversale qui doit définir des priorités d’action
adaptée à ses moyens et qui ne peut que soutenir les démarches permettant de stabiliser le cadre
de la concurrence en amont. Outre sa préconisation, déjà mentionnée, d’étendre les
compétences de cette dernière dans certains secteurs du transport maritime en Corse, elle estime
que les avis conformes en matière de tarification gagneraient à intégrer une vision de plus long
terme, à l’instar d’autres autorités de régulation sectorielle, et plaide pour un renforcement de
ses pouvoirs
d’enquête et de collecte de données afin de renforcer la régulation
informationnelle. Ce point de vue conforte la position de l’ART, qui a fait de la régulation par
la donnée une priorité stratégique, sans toutefois solliciter d’extension significative de
compétences dans ce domaine, mis à part pour le pouvoir de collecte de données dans le secteur
aéroportuaire qui lui a été refusé par le législateur lors de l’examen du projet de loi portant
diverses dispositions
d’adaptation au droit de l’union européenne
à l’automne 2021.
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
95
Annexe n° 10.
L’évolution des comptes de l’ART
Tableau n° 20 :
Évolution du compte de résultat
Source
: Comptes annuels de l’Autorité
En euros
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Achats
26 145,60
374 619,00
451 025,00
172 545,54
306 813,97
764 559,50
285 872,66
Services extérieurs
1 934 701,82
2 012 861,83
2 089 129,89
2 345 647,25
2 178 024,34
2 999 270,52
4 044 337,11
Autres impôts et taxes
92 389,06
176 116,71
149 481,31
165 748,21
171 944,19
205 226,03
167 286,18
Autres charges de gestion
54 242,66
2 078 793,97
1 294 188,73
1 428 148,42
1 744 288,84
78 020,31
4 029,65
Charges exceptionnelles
360,19
0,00
0,00
597,69
0,00
0,00
0,00
Valeur nette comptable éléments d'actif
537 047,08
Dotation aux amortissements et provisions
282 565,90
224 099,40
302 144,01
444 336,79
419 586,78
331 863,51
983 085,62
TOTAL
DES
CHARGES
(
hors
personnel)
2 390 405,23
4 866 490,91
4 285 968,94
4 557 023,90
4 820 658,12
4 378 939,87
6 021 658,30
Rémunération du personnel
3 535 417,09
4 709 958,15
5 205 039,54
5 145 153,61
5 410 128,62
6 610 398,92
6 785 935,57
Charges de SS
1 300 960,87
1 761 712,84
1 957 192,69
1 941 450,90
2 070 242,02
2 658 166,30
2 664 018,42
Autres charges sociales
50 695,77
84 537,46
96 966,42
115 359,88
199 884,07
216 586,55
202 108,01
Taxe sur les salaires
398 505,00
504 877,00
590 055,40
558 929,00
612 751,00
782 645,00
778 723,00
TOTAL
DES
CHARGES
DE
PERSONNEL
5 285 578,73
7 061 085,45
7 849 254,05
7 760 893,39
8 293 005,71
10 267 796,77
10 430 785,00
part des dépenses de personnel
69%
59%
65%
63%
63%
70%
63%
TOTAL DES CHARGES
7 675 983,96 11 927 576,36
12 135 222,99
12 317 917,29
13 113 663,83
14 646 736,64
16 452 443,30
Subvention de fonctionnement
11 226 542,00
11 222 337,00
Droit fixe du par entreprises ferroviaires
10 822 489,20
68 346,71
Taxe due par concessions d'autoroutes
2 600 000,00
Autres produits divers
45 443,77
66 941,44
81 812,63
83 545,84
82 370,31
90 517,26
152 049,40
Produits exceptionnels (en capital)
3 940,00
112 000,00
-
-
-
-
332,38
TOTAL DES PRODUITS
13 025 414,87 12 489 800,37
12 137 662,16
12 546 831,20
13 504 859,51
11 385 405,97
11 374 718,78
RESULTAT
5 349 430,91
562 224,01
2 439,17
228 913,91
391 195,68
-3 261 330,67
-5 077 724,52
12 463 285,36
12 976 031,10 12 310 858,93
12 055 849,53
L’AUTORITÉ DE RÉGULA
TION DES TRANSPORTS (ART)
96
Tableau n° 21 :
Évolution du bilan de l’ART
Source
: Comptes annuels de l’Autorité
En €
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
ACTIF IMMOBILISE
Immobilisations incorporelles
9 245
13 516
129 379
118 030
52 250
245 877
342 664
Immobilisations corporelles
863 918
1 198 503
1 309 906
1 141 172
898 876
769 739
1 440 351
Immobilisations corporelles en cours
162 062
1 394 393
Immobilisations financières
157 996
161 560
178 028
450 018
453 717
456 763
444 236
Total actif immobilisé
1 031 159
1 373 579
1 617 313
1 709 220
1 404 843
1 634 441
3 621 645
ACTIF CIRCULANT
Créances
3 260 939
2 626 936
2 410 552
2 400 000
2 800 069
637
52 363
Charges constatées d'avance
12 938
285 015
297 043
303 346
560 077
20 259
Trésorerie
19 371 434
22 611 620
21 105 421
21 249 444
21 988 603
19 463 329
13 716 733
Total actif circulant
22 645 311
25 238 556
23 800 988
23 946 487
25 092 018
20 024 044
13 789 355
TOTAL ACTIF
23 676 470
26 612 135
25 418 301
25 655 707
26 496 861
21 658 485
17 410 999
FONDS PROPRES
Réserves
805 308
1 051 872
1 614 096
1 616 535
1 843 010
2 234 206
2 234 206
Report à nouveau
17 163 412
22 266 280
22 266 280
22 266 280
22 268 719
22 268 719
19 007 388
Résultat de l'exercice
5 349 431
562 224
2 439
228 914
391 196
-3 261 331
-5 077 725
Provisions réglementées
0
Total fonds propres
23 318 151
23 880 376
23 882 815
24 111 729
24 502 924
21 241 594
16 163 869
Provisions pour risques et charges
112 000
49 165
83 247
93 337
513 857
Passif circulant
Dettes d'exploitation
164 045
2 724 855
1 528 118
1 494 814
1 793 097
179 177
434 697
Dettes fiscales et sociales
82 274
6 905
7 368
117 593
144 377
298 577
Total passif circulant
246 319
2 731 759
1 535 486
1 494 814
1 910 690
323 554
733 274
TOTAL PASSIF
23 676 470
26 612 135
25 418 301
25 655 707
26 496 861
21 658 485
17 410 999