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PREMIERE CHAMBRE
S 2022-1897
DEUXIEME SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES
RESULTATS FINANCIERS ENCORE
INCERTAINS
Exercices 2018-2021
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 29 septembre 2022.
En application de
l’article L
. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
II
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
...................................................................................................................
V
LISTE DES RECOMMANDATIONS
........................................................................
1
INTRODUCTION
.....................................................................................................
2
1
LA BANQUE DES TERRITOIRES, UN PROJET MOBILISANT LES
ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT LOCAL
...................................................
3
1.1
Une volonté de se repositionner vis-à-vis du développement local
.................
3
1.1.1 De nouvelles attentes des acteurs
......................................................................
3
1.1.2
Un cadre spécifique d’intervention
...................................................................
4
1.1.3 Une articulation à surveiller avec les acteurs de marché et La Banque Postale 7
1.2
Une mise en œuvre centrée sur l’instauration d’un pilotage transversal et sur
l’amélioration de la relation «
clients »
............................................................
8
1.2.1 Une nouvelle direction pour piloter les activités de développement local
........
8
1.2.2 Un pilotage, des fonctions support et une gouvernance partagée avec
l’
établissement public CDC
............................................................................
11
1.2.2.1
Des départements transverses chargés du pilotage opérationnel des directions
métier
....................................................................................................................
11
1.2.2.2
Un pilotage stratégique et
financier réalisé au niveau de l’EP
.............................
12
1.2.2.3
Une gouvernance imbriquée dans celle de la CDC
..............................................
13
1.2.2.4
Des activités imbriquées avec celles des autres métiers de la CDC
.....................
14
1.2.2.5
Une trajectoire de transformation à l’horizon 2030, un dispositif de suivi en
construction
..........................................................................................................
15
1.2.3 Une première étape vers un modèle de distribution « omnicanal » associant
réseau territorial et plateforme digitale
...........................................................
18
1.2.3.1
Une digitalisation en cours des processus métiers, un modèle commercial de
plateforme digitale à reconsidérer
........................................................................
19
1.2.3.2
Une organisation du réseau plus lisible, distinguant les activités transverses des
activités commerciales de « front office »,
...........................................................
20
1.2.3.3
Une simplification des processus et une déconcentration des décisions
..............
22
1.3
Des moyens en croissance, reflet de l’ambition du projet
..............................
24
1.3.1 Une progression marquée des effectifs depuis la création de la BdT
..............
24
1.3.1.1
Une dynamique haussière, pour un projet initialement présenté comme porteur de
gains de productivité
............................................................................................
24
1.3.1.2
Des besoins de recrutement à mieux étayer
..........................................................
26
1.3.2.2
Une dynamique de lancement de projet encore à l’œuvre sur de nombreux postes
29
2
DES RESULTATS A CONSOLIDER
................................................................
32
2.1
Le soutien aux activités de conseil des collectivités
......................................
32
2.1.1
L’activité d’ingénierie de la BdT, une activité subventionnelle destinée à
favoriser l’émergence de projets locaux
..........................................................
32
2.1.2 Des d
épenses en augmentation sur la période, supports de la mise en œuvre de
programmes nationaux d’aménagement
..........................................................
33
2.1.3 La SCET, une filiale commerciale au modèle économique incertain
.............
36
2.2
Une forte progression du volume d’investissements en fonds
propres, des
risques à maîtriser
...........................................................................................
38
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
III
2.2.1
Des outils et des secteurs d’intervention diversifiés
.......................................
38
2.2.2 Une stratégie de croissance des investissements en fonds propres dans
l’immobilier, les infrastructures et les entreprises
...........................................
40
2.2.2.1
Une relance des investissements amplifiée avec la BdT
......................................
40
2.2.3 Une gestion plus active du portefeuille se traduisant par un raccourcissement
de la durée moyenne de détention
...................................................................
42
2.2.4 Une contribution négative au PNB de la BdT sur la période 2018-2020, des
perspectives de redressement appelant un renforcement du pilotage des
risques
.............................................................................................................
43
2.2.4.1
Des provisions en augmentation, concentrées sur une vingtaine d’investissements
antérieurs à la création de la BdT
.........................................................................
43
2.2.4.2
Une gestion du portefeuille faisant appel à plusieurs méthodes d’évaluation du
couple rentabilité/risques
......................................................................................
44
2.3
Une activité de prêt pénalisée par le décalage persistant entre le TLA et les
taux de marché
...............................................................................................
47
2.3.1
Un contexte de marché et de taux d’intérêt difficile pour la BdT
...................
48
2.3.1.1
Une position dominante sur le financement du logement social, une place assez
marginale en matière de financement des autres projets d’intérêt général
...........
48
2.3.1.2
Un taux variable règlementé dont le niveau a pénalisé pendant plusieurs années
l’offre de prêts sur Fonds d’épargne
.....................................................................
52
2.3.2 Une politique commerciale aux résultats décevants en termes de signatures . 54
2.3.2.1
Les avantages traditionnellement associés aux offres de prêts sur Fonds
d’épargne
..............................................................................................................
54
2.3.2.2
Les actions destinées à compenser le déficit de compétitivité lié à l’écart entre le
TLA et les taux de marché
...................................................................................
54
2.3.2.3
Une gamme enrichie pour mieux accompagner les politiques mises en œuvre
dans le cadre des différents plans gouvernementaux
............................................
58
2.3.2.4
Des résultats décevants en termes de signatures, dans un contexte de taux
défavorable aux prêts sur Fonds d’épargne
..........................................................
59
2.3.3 Un encours au rendement décroissant
.............................................................
61
2.3.3.1
Un encours stabilisé depuis quatre ans, majoritairement composé de prêts au
logement social
.....................................................................................................
61
2.3.3.2
Un encours progressivement réaménagé à la demande des emprunteurs,
demandeurs de conditions financières plus avantageuses
....................................
63
2.3.3.3
Des marges qui ne rémunèrent plus suffisamment l’offre de prêts sur Fonds
d’épargne
..............................................................................................................
64
2.3.4 Des mesures de remédiation qui échappent en grande partie à la BdT
...........
65
2.3.4.1
Les actions techniques envisagées par la Caisse des dépôts pour desserrer les
contraintes pesant sur le Fonds d’épargne
............................................................
66
2.3.4.2
Les actions relevant des pouvoirs publics
............................................................
66
2.4.1
L’internalisation de fonctions auparavant exercées par la DGFiP
..................
68
2.4.2
Le maintien d’une relation privilégiée avec la profession notariale
................
69
2.4.2.1
Des subventions plus ajustées aux besoins de ces professions au titre du service
public de la justice
................................................................................................
69
2.4.2.2
Des prestations bancaires concourant à la relation de proximité établie avec les
notaires
.................................................................................................................
70
2.4.3 Une diminution progressive des taux servis aux dépôts pour compte de tiers
des professions juridiques
...............................................................................
71
3
UN PILOTAGE FINANCIER QUI DOIT GAGNER EN RIGUEUR ET EN
TRANSPARENCE
...............................................................................................
74
3.1
Un dispositif produisant des résultats financiers difficiles à interpréter
........
74
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
IV
3.1.1 Une information financière hybride
................................................................
74
3.1.2 Les particularités du « bilan analytique » de la BdT
.......................................
75
3.1.3
Des choix d’affectation analytique qui masquent la faible rentabilité des
activités d’intérêt général de la BdT
................................................................
77
3.1.3.1
La répartition des charges et produits du Fonds d’épargne
..................................
77
3.1.3.2
La valorisation des ressources issues des dépôts des professions juridiques
........
79
3.2
Des résultats très dépendants de facteurs exogènes, une diminution de la
rentabilité anticipée sur les quatre prochaines années
....................................
81
3.2.1 Des résultats fluctuants sur la période 2018-2020
...........................................
81
3.2.2 Une rentabilité des fonds propres en diminution progressive sur la période
2022-2026
.......................................................................................................
83
3.2.2.1
Une contribution contrastée des différentes activités aux résultats de la BdT
......
83
3.2.2.2
Une rentabilité diminuée par la hausse des besoins de fonds propres et par
l’effritement de plusieurs sources de revenus
.......................................................
84
3.3
Une information financière sur la Banque des territoires qui pourrait être
améliorée
........................................................................................................
85
3.3.1 Une information financière analytique exploitée dans le cadre du pilotage
financier interne de la CDC
.............................................................................
85
3.3.2 Une information sectorielle du groupe CDC silencieuse sur la Banque des
territoires et sur l’organisation de l’établissement public en métiers
..............
86
ANNEXES
....................................................................................................................
89
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
V
SYNTHÈSE
Trois années après le regroupement de plusieurs directions opérationnelles de la Caisse
des dépôts dans une entité intitulée « Banque des territoires » (BdT), la Cour dresse un bilan de
ce projet visant à rendre plus efficaces les actions de conseil, financement et investissement
déployées en direction des acteurs publics locaux. La Cour a analysé les objectifs, les actions
transversales menées pour accompagner ce regroupement, les premiers résultats des métiers de
conseil et de financement
et les résultats financiers de l’entité BdT. L’opérate
ur CDC Habitat,
bien qu’inclus dans le périmètre fonctionnel de la BdT, fera l’objet d’un contrôle ultérieur.
1.
Une stratégie qui se veut ambitieuse
Une volonté de repositionner la Caisse des dépôts vis-à-vis des acteurs du
développement local
La création de la BdT trouve ses racines dans la volonté de la Caisse des dépôts (CDC)
de répondre aux attentes de ses clients (organismes de logement social, collectivités, entreprises
publiques locales, professions juridiques) dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
Si le terme « banque » a été retenu afin de rompre, selon la CDC, avec une image trop
institutionnelle, il ne s’agit pas d’une entité juridique autonome, ni d’une banque au sens de la
loi bancaire de 1984, mais d’une entité fonctionnelle de l’
établissement public Caisse des
dépôts.
Le projet BdT embarque plusieurs activités de la CDC (conseil aux entités publiques
locales, investissement dans des projets soutenant le développement territorial, distribution des
prêts du Fonds d’épargne, banque
du service public de la justice) entre lesquelles il existait
auparavant peu d’interactions au sein de l’établissement public ou au sein du réseau. Les
promoteurs de ce projet attendaient du décloisonnement de ces activités au sein d’une nouvelle
entité f
onctionnelle l’émergence de synergies démultipliant l’action de la Caisse des dépôts au
service du développement territorial.
Une première étape de renforcement du réseau territorial, associée à la digitalisation
et à la simplification des processus métiers, pour renforcer le pilotage commercial
Prenant appui sur les enquêtes menées auprès des clients et la réorganisation du groupe
CDC engagée en 2018, un plan stratégique et de transformation 2020-2024 de la BdT est
présenté en novembre 2019, qui décrit une vision de transformation sur 10 ans en « entreprise
plateforme », capable de proposer une offre « sans couture
», c’est
-à-dire une distribution
« omnicanale » associant plateforme digitale et contacts physiques (réseau territorial) sans
rupture de charge.
Pour renforcer l’action de la CDC «
au plus près des territoires » et gagner en agilité, le
réseau territorial a été réorganisé en distinguant les activités de « front office » des fonctions
support et de la modernisation des systèmes d’information «
métiers », tout en préservant 37
implantations territoriales. Son rôle de pilotage commercial des activités de la CDC tournées
vers les acteurs du développement local est renforcé. Les relations avec les directions centrales
ont été clarifiées et fluidifiées par un mouvement de déconcentration des investissements, de
simplification des processus métiers et de développement de nouveaux services. Toutefois, si
la première étape de digitalisation et de simplification des processus métiers est bien engagée,
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
VI
les perspectives commerciales de la transformation en « entreprise plate-forme
» d’ici 2030
doivent être réévaluées.
Une augmentation des moyens qui doit désormais être contenue
La BdT a connu une croissance significative de ses moyens depuis sa création,
cont
rairement aux annonces initiales, que ce soit en matière d’effectifs (croissance nette de +
16
%) ou plus généralement de charges de fonctionnement (+
19 %, s’expliquant notamment par
les recrutements et les achats de prestations à l’extérieur de la BdT).
Elle doit désormais passer
d’une phase de lancement de projet à un fonctionnement en rythme de croisière plus économe
en termes de moyens. Il lui sera nécessaire d’étayer davantage ses besoins de recrutement,
notamment en matière de gestion des investissements, qui
devra être optimisée. Il sera d’autant
plus important de contenir la croissance des charges que les fragilités du modèle économique
de la Banque des territoires et de ses activités ne sont pas toutes solubles dans le renforcement
de sa force de frappe commerciale.
2.
Des synergies limitées entre les différents métiers de la BdT, des premiers
résultats en demi-teinte
Une évolution contrastée des métiers de la BdT
En matière d’ingénierie, les dépenses croissent significativement depuis le
développement, à partir de 2015, de
l’
activité de versement de subventions (dite
subventionnelle) pour alimenter un flux de projets territoriaux. Elles s’élèvent à près de 290M€
cumulés sur la période 2016-
2021, dont 226M€ sur la période 2018
-2020 pour accompagner
des
programmes nationaux (Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain, Territoires
d’Industrie, Quartiers de la politique de la Ville) en lien avec l’Agence nationale de la cohésion
des territoires et selon une logique de
substitution au budget de l’
État. En parallèle, la BdT a
maintenu son soutien à la SCET, filiale qui intervient dans les activités de conseil et dont les
difficultés structurelles, constatée
s par la Cour en 2016, se sont poursuivies jusqu’en 2021,
confirmant les interrogations sur la viabilité du modèle économique de cette société et amenant
la mise en place d’une nouvelle gouvernance et d’un plan de transformation au deuxième
trimestre 2021.
La forte croissance des investissements, passés d’un flux annuel de l’ordre de 392 M€ à
1291 M€ en
2021 (CDC Habitat exclu), est présentée comme un des principaux éléments à
mettre au crédit de la BdT, trois ans après sa création. Cette approche en termes de flux doit
cependant être complétée par un examen de la valeur créée par ces interventions qui, sans viser
une rentabilité maximale, doivent répondre aux critères de «
l’investisseur avisé
». Enfin, la
diversification des investissements fait apparaître des risques de chevauchement avec Bpifrance
et le groupe La Poste.
La BdT englobe dans son périmètr
e l’activité de distribution des prêts du Fonds
d’épargne, qui centralise l’épargne placée sur les livrets réglementés (livret A, LDD, LEP). À
ce titre, elle assure l’essentiel du financement bancaire du logement social et une part limitée
du financement b
ancaire d’autres projets d’intérêts général (infrastructures et secteur public
local). En dépit de la participation de la BdT aux différents plans gouvernementaux de soutien
au logement et de relance de l’économie, et malgré l’adjonction de ressources exté
rieures à taux
fixe permettant de renforcer l’attractivité de son offre de prêts, la dynamique de croissance de
cette activité apparaissait enrayée à la fin 2021, même si la BDT est parvenue à conserver ses
parts de marché sur le financement du logement social.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
VII
Les nouveaux prêts atteignaient 13 Md€ en 2021, soit un montant tout juste suffisant
pour éviter une érosion de l’encours. La maturité particulièrement longue des prêts du Fonds
d’épargne ne suffisait plus à les rendre attractifs pour les emprunteur
s locaux, pas plus que la
baisse progressive des marges facturées en sus du taux du livret A, supérieur aux taux de marché
depuis 2015. La Banque des territoires a regagné des parts de marché sur le secteur public local
au cours des premiers mois 2022, dans un contexte particulier marqué par une hausse rapide
des taux d’intérêt et un retrait de certains acteurs bancaires, le taux de l’usure devenant
momentanément inférieur à leurs coûts de refinancement. Le niveau des marges ne permet
cependant plus de couv
rir les frais de gestion du Fonds d’épargne, toujours plus dépendant de
la gestion financière d’actifs non utilisés pour ses missions principales
pour équilibrer ses
résultats, le défaut de rentabilité de l’activité de prêts devenant désormais structurel.
Ce
problème est en partie occulté par les résultats financiers exceptionnels du Fonds d’épargne en
2021 (2,1 Md€), dont une part importante (939 M€) est comptabilisée dans le résultat de la BdT.
Une meilleure explicitation des conséquences de la fixation du taux du livret A sur les usages
du Fonds d’épargne et sur son équilibre financier apparaît
désormais nécessaire.
La gestion des dépôts pour compte de tiers de plusieurs professions juridiques répond à
une toute autre logique que celle qui sous-tend les métiers de conseiller et de financeur des
acteurs publics locaux par la BdT. L’ajustement à la baisse des taux d’intérêt servis sur les
différents dépôts en période de taux de marché négatifs a rapproché temporairement la
rémunération consentie par la Caisse de celle constatée sur les marchés. Les travaux menés pour
revoir les modalités de rémunération des notaires au titre de la collecte des dépôts obligatoires
n’ont en revanche pas abouti.
Sans abandonner ce second chantier, il est nécessaire, pour éviter
l’apparition de rentes, d’ajuster régulièrement
aux conditions de marché les taux servis à
l’ensemble des déposants.
3.
Une rentabilité limitée en 2020, des perspectives à moyen terme affectées par la
diminution prévisibles des revenus des prêts sur Fonds d’é
pargne
Un pilotage financier qui doit gagner en rigueur et en transparence
Les
différentes
problématiques
auxquelles
sont
confrontées
les
directions
opérationnelles
(pour
l’investissement,
capacité
à
sélectionner
des
opérations
de
développement territorial répondant aux critères de «
l’investisseur avisé
», pour les prêts du
Fonds d’épargne, capacité à préserver l’encours et à octroyer des prêts couvrant le coût de la
ressource) pèsent fortement sur le modèle économique de la BdT, et limitent le développement
de synergies entre les différents métiers au cœur du projet managérial. Ces différents constats
ne remettent pas en cause la pertinence des objectifs du projet. Ils invitent en revanche à
l’apprécier à partir de l’information financière disponible, pour
autant que celle-ci renseigne
sur la valeur créée par les différents métiers rassemblés sous cette bannière commune.
L’information financière sur la Banque des territoires agrège des comptes établis selon
des normes différentes (normes françaises pour les
comptes sociaux de Fonds d’épargne,
normes IFRS pour les comptes consolidés de la CDC). Elle repose sur une comptabilité
analytique encore en développement au sein de la Caisse, et sur des conventions de répartition
entre ce qui relève de la BdT, du Fonds
d’épargne et des autres métiers de la Caisse qui peuvent
induire des biais dans le résultat.
Des résultats modestes en 2020 après retraitement des flux générés par la gestion des
dépôts juridiques, une baisse de rentabilité anticipée dans les années à venir
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
VIII
Les résultats de la BdT sont fortement dépendants d’éléments exogènes (modification
des taux d’intérêt de l’épargne règlementée, gestes consentis en faveur du logement social à la
demande du gouvernement, hausse des dépôts de professions juridiques liée à la hausse de
l’immobilier), ce qui fragilise leur interprétation et l’avis qui peut être donné sur la performance
de l’ensemble.
Sur l’ensemble de la période, les résultats positifs de la gestion de dépôts pour compte
de tiers et des prêts sur Fonds
d’épargne compensent les résultats plus incertains de l’activité
d’investissement, dont le redressement à l’horizon 2026 est très dépendant des plus
-values
attendues sur les lignes en portefeuille.
Le ROE
1
social agrégé de 6,1 % affiché par la BdT pour 2020 ressort à 4,2% une fois
corrigé de la rémunération anormalement élevée attribuée analytiquement à la gestion des
dépôts des professions juridiques.
Fondées sur des conventions analytiques favorables, les
projections de juillet 2021 faisaient néanmoins ressortir la fragilité du modèle économique de
la BdT, se traduisant par une diminution progressive de sa rentabilité, avec un ROE social
agrégé qui ne dépasserait pas 1,6% à l’horizon 2026, et un ROE agrég
é (bénéficiant de la
contribution de CDC Habitat et de la valorisation des investissements) qui serait ramené de 7,9
% à 3,1%.
La perspective d’une diminution de la rentabilité de la BdT, sous l’effet de la baisse des
marges perçues sur l’encours de prêt, impose un pilotage financier rigoureux d’un ensemble qui
demeure composite sur le plan comptable. Une amélioration de l’information financière est de
ce point de vue souhaitable.
Enfin, trois ans après son lancement, l’objectif, ambitieux, de création de v
aleur et
d’externalités extra
-financières dans les territoires grâce aux synergies provenant de la réunion
de ces activités, qui devait constituer une spécificité de la BdT par rapport aux autres entités du
groupe CDC, paraît incertain et devrait faire d’objet d’un effort renouvelé d’évaluation et de
suivi.
Tout en prenant acte de la volonté de la Caisse des dépôts de simplifier l’interface avec
la clientèle locale, la Cour note en effet
des points d’incertitude concernant notamment les
relations avec La Banque Postale, désormais intégrée dans le groupe CDC, ainsi que les
perspectives de retombées effectives de la plateforme digitale en cours de construction. Les
synergies entre les métiers de la Caisse concernés par ce projet sont limitées par l’étanchéité
à
respecter entre activités de conseil et de financement vis-à-
vis d’un même client
. Le
rattachement du métier de dépositaire des fonds des professions juridiques à la BdT paraît
également générer des synergies limitées.
L’information financière sur la BdT issue de l’agrégation des comptes du Fonds
d’épargne pour le métier de prêteur et des comptes du groupe CDC pour les autres métiers ne
permet pas d’apprécier en première lecture la création de valeur apportée par la nouvelle entité.
Celle-ci apparaissait faible en 2020 une fois corrigée la survaleur attribuée pour des raisons
historiques à la direction collectant les fonds des professions juridiques, avec un risque de
décroissance pour les années 2022 et suivantes en raison de la diminution progressive des
recettes générées par les prêts sur Fonds d’épargne.
1
« Return on Equity » : résultat rapporté aux capitaux propres, ou rentabilité financière.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAIN
1
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1 (CDC) : Préciser les cibles associées aux indicateurs de performance
opérationnelle et de performance extra-financière du plan stratégique et de transformation, en
les distinguant des indicateurs de pilotage annuel de
l’activité
.
Recommandation n°
2 (CDC) :Revoir le dimensionnement de la plateforme digitale afin de
maîtriser les coûts de distribution et s’assurer de l’équilibre financier du projet de dist
ribution
omnicanale.
Recommandation n°
3 (CDC) : Engager une stabilisation des effectifs et des charges de
fonctionnement de la Banque des territoires.
Recommandation n°
4 (CDC)
:
Mesurer
et
suivre
la
performance
financière
des
investissements par niveau de décision.
Recommandation n°
5 (CDC, DGT) : Ajuster régulièrement les
taux d’intérêt servis sur les
dépôts des professions juridiques aux conditions de marché (recommandation reformulée).
Recommandation n°
6 (CDC) : Fonder le pilotage financier de la Banque des territoires sur
une comptabilité analytique auditable permettant d’apprécier la contribution
des différents
métiers à ses résultats et à ceux de la CDC.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
2
INTRODUCTION
Quatre ans après la création de la Banque des territoires (BdT) par la nouvelle direction
générale de la Caisse des dépôts, à la mi 2018, cette entité suscite toujours des interrogations,
même si son image semble désormais établie auprès des acteurs du développement local. Ni
héritière de Dexia, vis-à-vis de laquelle elle réfute toute filiation, ni partenaire opérationnel de
La Banque Postale, désormais intégrée dans le groupe CDC, elle n’a ni l’organisation ni l’assise
capitalistique d’une filiale de la Caisse des dépôts.
Rassemblant sous une seule dénomination les directions de la CDC en relation avec une
clientèle locale (collectivités, entreprises publiques locales, organismes de logement social,
professions juridiques), son réseau régional, ainsi que les filiales SCET et CDC Habitat, elle
constitue surtout un pari sur la capacité d’une force de frappe mutualisée
à susciter et financer
des projets favorisant le développement territorial.
S’il est encore un peu tôt pour faire le bilan complet de ce projet, qui
vient de traverser
deux années de crise sanitaire
, il est utile d’en comprendre la logique, et de voir en q
uoi la
démarche de la BdT, qui se revendique «
banque de l’intérêt général
» capable de développer
une approche commerciale « orientée clients », constitue ou non une rupture par rapport au
mode d’intervention traditionnel de la Caisse.
La première partie de ce rapport resitue le projet Banque des territoires dans son
contexte, et en décrit l’architecture et l’ambition, les premières étapes de sa mise en œuvre ainsi
que la croissance des moyens de fonctionnement qui lui sont associés.
L’examen en deuxième p
artie des métiers de conseil et de financement rassemblés au
sein de cette entité fait ressortir la constance des enjeux auxquels la Caisse est confrontée en
matière d’investissement local (
développement du
soutien à l’ingénierie territoriale
, sélection
d
’opérations en «
investisseur avisé
», rotation du portefeuille permettant d’économiser les
fonds propres), de prêts au logement social et au secteur public local (faiblesse des marges
appliquées sur les prêts, manque de compétitivité des prêts indexés sur le taux du livret A), et
de gestion des dépôts des professions juridiques (priorité au maintien d’une relation de
proximité avec ces professions). Ces problématiques, largement étrangères au développement
de synergies entre les différents métiers qui se t
rouve au cœur du projet Banque des territoires
,
pèsent fortement sur son modèle économique.
L’examen du métier d’opérateur incarné par
CDC Habitat n’a pas été effectué dans le cadre de ce contrôle. La contribution de CDC Habitat
aux résultats financiers de
la BdT a cependant été prise en compte dans l’examen des comptes
de la BdT.
Pour porter une première appréciation sur la capacité du projet Banque des territoires à
créer de la valeur, à travers notamment la croissance des investissements mise en avant par les
dirigeants de la Caisse, il est nécessaire de disposer d’une information financière de qualité. La
troisième partie de ce rapport étudie la documentation disponible, issue de la comptabilité
analytique de la CDC et des comptes du F
onds d’épargne, et
souligne la complexité de cette
construction et la difficulté d’appréhender sur cette base la rentabilité et la pertinence d
e ce
projet.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
3
1
LA BANQUE DES TERRITOIRES, UN PROJET MOBILISANT
LES ACTIVITES DE DEVELOPPEMENT LOCAL
Le projet de la Banque des terri
toires trouve ses racines dans la volonté d’adapt
er la
Caisse des dépôts aux évolutions de son environnement institutionnel et économique, affichée
dès 2015 avec l’objectif affiché de redevenir la «
Caisse des dépôts des territoires ». La BdT
entend accélé
rer les transformations des métiers du développement local, tout en s’attachant à
répondre aux attentes des pouvoirs publics sur la période (accompagnement des réformes du
secteur du logement et des programmes d’aménagement
des villes moyennes, plan de relance),
et en intégrant les impacts de la loi PACTE et les orientations issues de la réorganisation du
groupe CDC. Les développements ci-
après décrivent la genèse du projet, sa mise en œuvre et
les moyens engagés.
1.1
Une volonté de se repositionner vis-à-vis du développement local
1.1.1
De nouvelles attentes des acteurs
À l’été 2017, la CDC a pris connaissance des résultats d’une étude menée auprès des
collectivités montrant que ses procédures sont jugées longues, complexes, éloignées des
territoires,
en retard par rapport aux services ou aux prestations digitales offertes par d’autres
acteurs. Si l’image de la CDC est associée à la notion de confiance, certaines collectivités
(intercommunalités, grandes collectivités) ont une idée très floue de ses activités. À
l’inverse,
les petites collectivités, qui la connaissent le mieux, accordent une confiance équivalente à la
Banque Postale et utilisent autant le site Internet de la CDC que les directions régionales comme
canaux de communication, posant la quest
ion de l’apport du réseau territorial en matière de
relation de proximité.
Des groupes de travail internes ont été mis en place pour approfondir le diagnostic et les
pistes d’améliorations, constatant les évolutions structurelles de l’environnement de la
CDC,
tant du côté des collectivités et entreprises publiques locales, que des organismes de logement
social et des professions juridiques.
La CDC reste un acteur significatif du financement de projets des collectivités à long
terme (prêts sur F
onds d’épa
rgne) mais les banques se positionnent de plus en plus sur ce
segment d’
activité et cherchent à se différencier en digitalisant leur offre et en simplifiant le
parcours clientèle.
Par ailleurs, le paysage institutionnel se transforme, avec l’affirmation d
u rôle des
régions, des métropoles et des intercommunalités, dans le cadre des lois MAPTAM (affirmation
des métropoles) et NOTRé (fusion des régions, clarification des compétences respectives des
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
4
collectivités). Le paysage historique des satellites
2
(sociétés de projets et entreprises publiques
locales (EPL), historiquement dominé par les Sociétés d’Économie Mixte (SEM) se modifie
également amenant de nouveaux formats d’investissement. En parallèle, les pouvoirs publics
renforcent le soutien ciblé sur les territoires « à enjeux » (territoires fragiles ou en reconversion,
montagne, littoral, territoires ruraux, villes moyennes, friches) en faisant appel à la CDC.
Les modalités de financement des organismes de logement social (OLS) évoluent. Dans
un contexte
d’abondance de liquidités et de taux bas, sollicités par de nombreux acteurs
bancaires et par des cabinets spécialisés, les OLS expriment un besoin accru en conseil et
ingénierie financière avec des interlocuteurs plus experts.
Le secteur des professions juridiques, dont les dépôts sont une ressource cruciale pour
la
CDC,
se
transforme :
renouvellement
des
entreprises,
évolution
des
process,
dématérialisation des actes, développement de nouveaux acteurs et prestataires de service. De
nouvelles attentes s’expriment vis
-à-vis de la CDC, au-delà de ses interventions traditionnelles.
De ce diagnostic « clients » effectué début 2017 se dégagent des attentes communes de
qualité de services et d’offre
: proximité, simplification, adaptation aux besoins, digitalisation.
L’objectif assigné à la BdT est clair
: s’adapter à ces a
ttentes nouvelles des acteurs du
développement local afin de conserver les « clients » historiques de la CDC et les activités sous
mandats publics. Dès sa création, la direction a dû également
s’engager à répondre aux attentes
des pouvoirs publics. Lors de la cérémonie de lancement de la Banque des territoires le 30 mai
2018, le Premier ministre a salué la volonté de l’
établissement public
d’amplifier son action
territoriale dans le conseil aux élus pour leurs projets d’investissement, le logement et la
transformation du secteur du logement social suite à la loi ELAN, la revitalisation des centres-
villes de 222 villes moyennes (programme Action Cœur de Ville) et
le soutien aux
infrastructures en matière de numérique (plan Très Haut Débit) et de tourisme.
1.1.2
Un cadre spécifique d’intervention
L’
établissement public Caisse des dépôts et ses filiales sont définis par le Code
monétaire et financier (CMF) comme un «
grou
pe public au service de l’intérêt général et
développement économique du pays
[qui] remplit des missions d’intérêt général en appui des
politiques publiques conduites par l’État et les collectivités locales et [qui] peut exercer des
activités concurrentielles
. » (Article L. 518-2 et suivants du CMF).
S
es interventions en matière de développement local se fondent sur l’article L
. 518-2.2
du CMF, selon lequel la CDC «
contribue également au développement économique local et
national, particulièrement dans le
domaine de l’emploi, de la politique de la ville, de la lutte
contre l’exclusion bancaire et financière, de la création d’entreprise et du développement
durable
». Le Code monétaire et financier indique également que «
la Caisse des dépôts et
consignations est un investisseur de long terme et contribue, dans le respect de ses intérêts
patrimoniaux, au développement des entreprises
».
La notion d’«
investisseur de long terme
»
2
925 SEM
dont près de 400 avec des participations de la CDC, 359 sociétés publiques locales, 16 sociétés
d’économie mixte à opération unique (SEMOP), représentant un capital de 5 Mds€ et 13, 9Mds€ de CA.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
5
n’est pas définie en droit des sociétés
.
Elle fait l’objet d’une définition
par le « Club des
investisseurs de long terme »
dont la CDC est à l’initiative.
Les investisseurs de long terme
Les investisseurs de long terme sont peu dépendants de la liquidité à court terme grâce à leurs ressources stables,
souvent constituées de dépôts ré
gulés ou garantis, d’épargne longue (assureurs, fonds de pension) ou
d’emprunts à long terme
. Ils ont en général un capital solide, résultant de réserves accumulées, qui leur
permettent d’absorber les fluctuations de court terme des marchés financiers (en
prenant sur leurs réserves les
mauvaises années et en les augmentant les bonnes années). De cette façon :
- ils peuvent conserver leurs actifs plus longtemps que les autres acteurs de marché, y compris en période de
crise, ce qui peut avoir un effet contracyclique sur les marchés financiers ;
- ils peuvent investir en titres de capitaux, souvent illiquides, ou en titres de dette qui apportent des rendements
à long terme, comme ceux offerts par les entreprises opérant dans les secteurs des matières premières, des
infrastructures, de l’innovation, des énergies renouvelables
;
- leur passif est différent de celui des autres investisseurs financiers ;
- la performance et le niveau de risque de leurs investissements sont calculés sur un horizon de long terme.
Les investisseurs de long terme comprennent des institutions financières majeures finançant le développement
économique, les fonds souverains, les fonds de pensions, les retraites publiques, les fonds d’assurance.
Source : CDC
Les modalités d’intervention de
l’
établissement public
dans l’économie sont précisées
par le CMF qui dispose que«
la CDC […] contribue, dans le respect de ses intérêts
patrimoniaux, au développement des entreprises
». Toute intervention doit être réalisée selon
le principe de «
l’invest
isseur avisé » conformément aux règles européennes sur les aides
d’État
.
La Commission européenne a établi, dans sa décision du 30 avril 2003 sur la séparation
des activités de CDC IXIS de celles de l’
établissement public, un principe structurant aux
termes duquel
l’
établissement public
ne peut agir que dans le cadre des missions d’intérêt
général
et en tant qu’investisseur avisé
, les activités concurrentielles devant être filialisées. La
Commission écrit ainsi : «
Afin de mener à bien ses missions d'intérêt général, la CDC doit
uniquement prendre part à des services ou autres activités qui sont directement liés à la
réalisation de ces missions. Dans le cadre de ses investissements dans CDC IXIS ou d'autres
sociétés commerciales, la CDC doit respecter le principe de l'investisseur en économie de
marché, sans faire valoir l'avantage de la garantie
». Cette décision se fonde sur le droit
communautaire qui garantit la libre concurrence, avec des aménagements pour les services
d’intérêt économique général (SIEG)
, au titre de
l’article
106 (SIEG) du Traité sur le
fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE)
3
.
3
Article 106. 2 du TFUE : « Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou
présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de
concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
6
Les missions d’intérêt général recouvrent le versement de subventions, les activités dites
de mandat (Programme d’Investissement d’Avenir, PIA) et les activités d’investissement en
fonds propres et de financement (prêts sur Fonds d’épargne) qui poursuivent des objectifs
d’intérêt général. Les activités commerciales relèvent des filiales. Les relations de
l’
établissement public avec celles-ci sont soumises au p
rincipe de l’investisseur avisé en
économie de marché : les ressources (matérielles et immatérielles) mises à disposition des
filiales doivent l’être au prix de marché (pas de subventions croisées) et le recours aux services
d’une filiale doit se faire ave
c mise en concurrence (marchés publics) si celle-
ci n’est pas «
in
house »
4
.
Ainsi, CDC Habitat et la SCET, qui exercent des activités concurrentielles et ne sont
pas des filiales
in-house
, ne peuvent être proposées dans une offre BdT qu’à la condition d’avoir
été sélectionnées à l’issue d’un marché. En toute autre circonstance, la CDC doit respecter un
principe de neutralité.
La CDC affirme enfin dans une « Charte des relations entre
l’
établissement public et les
filiales » le principe selon lequel les
filiales contribuent toutes aux missions d’intérêt général :
«
toutes les entités du groupe contribuent, chacune dans leur domaine, à l’intérêt général et au
développement économique. Ainsi, dans le respect de leurs intérêts propres et du droit de la
concurrence, les filiales du groupe concourent dans des proportions variables à la mise en
œuvre de politiques publiques
».
Dans ce contexte, les activités de
l’
établissement public se répartissent selon la CDC en
quatre missions :
- tiers de confiance pour les dépôts des professions juridiques, les consignations, les
comptes en déshérence,
- investisseur de long terme sur les marchés financiers sur lesquels
l’
établissement
public joue un rôle contracyclique,
- p
rêteur et investisseur dans des projets d’intér
êt général, au titre desquels les prêts du
F
onds d’épargne, principalement dans le cadre de la politique de la ville
;
- accompagner sur le long terme le développement de ses participations stratégiques,
dans le but notamment de générer des dividendes vena
nt soutenir ses missions d’intérêt général.
La Banque des territoires assure principalement deux de ces quatre missions : tiers de
confiance pour les dépôts des professions juridiques, les consignations, les comptes en
déshérence, prêteur
sur Fonds d’épar
gne et investisseur en fonds propres dans des projets
d’intérêt général
, avec pour objectif de renforcer le soutien au développement local.
de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une
mesure contraire à l'intérêt de l'Union. »
4
Une filiale serait considérée comme « in-house » si plus de 80 % de son CA était effectué avec la CDC.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
7
1.1.3
Une articulation à surveiller avec les acteurs de marché et La Banque Postale
Lors des discussions préalables au lancement du projet, le choix des termes « Banque
des territoires », marque déposée par le groupe La Poste, a suscité des craintes de la part des
syndicats de personnel, opposés à une filialisation des activités de développement territorial,
signifiant un départ des fonds propres et un rapprochement des réseaux.
Si la CDC a finalement racheté la marque « Banque des territoires », l
’articulation des
activités de développement local de la CDC avec celle des acteurs de marché, notamment La
Banque Postale, a bien été soulevée dans les discussions préalables à la création de la BdT. La
lettre de mission adressée par le ministre de l’économie au DG de la CDC en novembre 2017
abordait explicitement la question : «
la CDC renforcera son action auprès des collectivités
locales, dont elle doit être le partenaire privilégié. Cela passe par une rationalisation de ses
interventions et de celles de de ses filiales en matière de prêts aux collectivités locales et par
une optimisation de sa présence territoriale, en lien avec d'autres réseaux de service public,
notamment celui de La Poste, (. . .) une large décentralisation (. . . ) pour rapprocher la prise
de décision des projets au financement desquels la CDC contribue ».
Une note commune CDC-La Poste a également été transmise en mai 2018 au ministère
de l’économie, identifiant
leurs complémentarités et synergies possibles dans les domaines
suivants : lutte contre les fractures territoriales, synergies bancaires, logistiques urbaines et
villes intelligentes. En mat
ière d’investissement en fonds propres, les activités de la CDC et de
LBP sont jugées complémentaires, comme l’ancrage territorial des deux réseaux. Certaines
propositions visent néanmoins à limiter la concurrence au sein du groupe CDC, en envisageant
par
exemple que LBP s’interdise le rachat des prêts sur
F
onds d’épargne
ou de proposer des
financements d’une durée supérieure à celle de son refinancement SFIL/CAFFIL, permettant à
la CDC d’intervenir sur des maturités plus longues
, ou bien encore de concurrencer Bpifrance.
Ces questions sont aujourd’hui considérées comme résolues par la
CDC
: l’articulation
entre les prêts sur F
onds d’épargne aux collectivités
(hors logement social) et ceux de La
Banque Postale est déterminée par le
ministre de l’économie
, qui définit les enveloppes et les
modalités de ces prêts
5
. En outre, des réunions se tiennent à échéances régulières entre les
directeurs « financiers » du groupe (Bpifrance, La Poste, SFIL), auxquelles participent des
représentants de la BdT et de la CDC. La portée de cette ligne de partage est toutefois limitée
au g
roupe CDC et ne préjuge pas des offres commerciales d’autres acteurs de marché
. Elle
serait par ailleurs fragilisée par un nouvel environnement de taux d’intérêt améliorant la
compétitivité des prêts sur F
onds d’épargne.
Enfin, la marque « Banque des territoires » est endossée par le groupe CDC, dont le nom
est inscrit sur le logo, accompagnée d’un slogan « L’intérêt général a choisi sa banque »
marquant ainsi l’orientation donnée. Pour la CDC, il s’agit ainsi de modifier son image
, jugée
trop « institutionnelle »,
tout en se différenciant d’autres acteurs financiers y compris au sein
5
Par ailleurs, selon les analyses
de la DGT, la présence d’acteurs publics dans le financement des collectivités
(CDC, AFD, BEI, BDCE) à même de sécuriser des financements de long terme et de palier d’éventuelles ca
rences
de marché participe à créer un environnement rassurant, que les agences de notation mettent fortement en avant
dans leur appréciation du secteur public français.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
8
de la CDC. Ainsi, alors que la Banque Postale se voit assigner un objectif de ROE de 8 %, à
l’instar de
s directio
ns de l’
établissement public chargées de la gestion des actifs et des
participations stratégiques, la BdT est assimilée par la CDC à une « banque de
développement », ce qui justifie un objectif de ROE de 4 %, similaire à ceux de Bpifrance ou
de la SFIL.
Pour autant,
la Banque des territoires n’est pas une
banque au sens de la loi, mais une
direction intégrée d’un
établissement public, supervisant des investissements en fonds propres,
l’octroi de prêts
, la gestion de dépôts de secteurs réglementés et le financement
d’études et de
conseils pour soutenir des projets locaux
. L’utilisation d
u terme « banque » en dépit de ces
limites et de l’absence d’un bilan et d’une personnalité juridique propre n’est pas exempt
d’ambiguïté et signe l’importance de
s objectifs de communication dans le projet.
1.2
Une mise en œuvre centrée sur l’instauration d’un pilotage transversal
et sur l’amélioration de la relation «
clients »
Selon la présentation effectuée devant la Commission de surveillance début 2019, la BdT
est «
avant tout un projet managérial visant à fédérer les expertises pour développer le service
rendu par la Caisse des dépôts à destination de ses clients. Sa vocation est de développer une
vision partagée et une culture de travail commune au sein des directions Métiers (Clientèles
b
ancaires, Investissement, Prêt) et de la direction du Réseau par le biais d’une unité de prise
de décision et à travers l’appui de fonctions support et de pilotage mutualisées favorisant la
transversalité et l’appui aux opérationnels.
».
1.2.1
Une nouvelle direction pour piloter les activités de développement local
Créée en 2018, la banque des territoires (BdT)
est une direction de l’
établissement
public Caisse des dépôts. Elle regroupe dans un pôle unique les directions et les filiales de
soutien au développement local (investissement en fonds propres, prêt sur F
onds d’épargne,
CDC Habitat, SCET), le réseau territorial ainsi que les activités en lien avec le service public
de la justice.
Elle forme ainsi un ensemble composite d’activités rè
glementées (prêts pour le
compte du
Fonds d’épargne, gestion des consignations) et d’intervention
s dans le champ
concurrentiel (investissements en fonds propres, gestion de filiales).
Quatre directions y sont intégrées : direction des prêts sur F
onds d’épa
rgne, direction de
l’
investissement
(ex direction de l’investissement et du développement local)
, direction des
clientèles bancaires, direction du réseau (35 implantations dont 16 directions régionales). Deux
filiales détenues à 100 % par la Caisse, la SCET et la CDC Habitat, lui sont rattachées.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
9
Organigramme n° 1 :
Organigramme de la direction BdT
Juillet 2021
Source : CDC
Banque des territoires
Assignant à cette nouvelle entité l’ambition de
devenir «
la plate-forme du
développement des territoires
», avec quatre axes de développement pour des territoires « plus
connectés, plus attractifs, plus inclusifs, plus durables » afin de réduire les fractures territoriales,
la CDC a fait le choix de re
grouper des entités préexistantes sans création d’une filiale, tout en
affichant des objectifs de rationalisation des fonctions support, de réorganisation de la direction
du F
onds d’épargne et de la direction du réseau,
pour une plus grande intégration de ces activités
dans
l’
établissement public. La BdT
rassemble les expertises et les capacités d’intervention du
groupe (filiales concurrentielles et établissement public
) afin de couvrir l’ensemble de la chaîne
de valeur du développement local décrite dans le schéma ci-dessous.
Schéma n° 1 :
Chaîne de valeur du développement local.
Source : CDC
BdT
Filiale
CDC
Habitat
Directeur
Direction des
clientèles
bancaires
Département Transformation
numérique de l’EP et
stratégie digitale
Département Ressources
humaines
Département
Communication
Département des
Finances
Direction
du réseau
Direction de
l’investissement
Direction
des prêts
Filiale
SCET
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
10
Cette vision justifie le rattachement fonctionnel de la SCET et de CDC Habitat, filiales
de la Caisse contribuant directement au triptyque « Conseiller
Financer
Opérer », dont le
présent rapport analyse les deux premiers volets
6
.
. La CDC estime qu’un tel regroupement est
générateur de synergies. Celles-ci restent cependant difficiles à identifier sur le champ examiné
par la Cour.
On peut par ailleurs s’interroger sur la possibilité de conflits d’intérêts dans des
domaines où
il est usuel, dans l’intérêt des clients, de séparer
les fonctions de conseil, de prêt
et d’investissement à l’échelle d’un projet donné.
La plus-value apporté
e à l’échelle des
territoires par le regroupement incarné par la BdT reste donc un pari.
Schéma n° 2 :
Triptyque des activités de la direction BdT et de ses filiales
Source : CDC
BdT
La SCET, filiale à 100 % de la CDC
, est une société de conseil et d’appui aux terr
itoires,
intervenant dans le champ concurrentiel du volet « Conseiller ». CDC Habitat est un opérateur
immobilier qui accompagne les collectivités locales en matière de gestion locative, de
construction, de rénovation et de valorisation du patrimoine public. Elle intervient dans le
champ du volet « Opérer ».
Selon son budget prévisionnel 2021 et sa trajectoire 2021-2025, la BdT comprenait
1 642,74 ETPT permanents au 31 décembre 2020, pour un produit net bancaire (PNB) de
775M
en 2019 et 1,25
Md€
en 2020. Son activité se répartit principalement entre :
- des prêts sur F
onds d’épargne, pour le financement du logement social et de la politique
de la ville, du secteur public local et des titres participatifs, qui représentent une activité de
l’ordre de 14 Mds/
an, pour un encours évalué à 189
Md€
en 2020 ;
- d
es investissements, en particulier dans l’immobilier et les infrastructures, pour un
portefeuille d’
investissement dont la valeur totale est évaluée à 6,1
Md€
fin 2021 ;
- une activité bancaire au titre du service public de la justice, pour un montant de prêts
de l’ordre de
500 M
/an aux professions juridiques (notamment notaires et mandataires
sociaux) et
des dépôts pour compte de tiers dont l’encours atteignait
73,9
Md€
en 2020 ;
- u
ne activité de subvention de l’ingénierie territoriale et d’interventions
sous mandats
dans le cadre de programmes publics (politique de la ville, PIA).
6
Comme indiqué en introduction,
l’examen du volet «
Opérer » porté par CDC Habitat sera réalisé
ultérieurement par la Cour des comptes.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
11
Ces activités s’inscrivent dans le contexte de
la réorganisation du groupe CDC engagée
par le directeur général nommé en novembre 2017, destinataire
d’une lettre
de mission envoyée
par le ministre de l’économie
qui
fait référence aux enjeux de la BdT, et de la mise en œuvre
de la loi PACTE. Promulguée le 22 mai 2019, cette loi
confirme l’orientation donnée
à la CDC
en faveur des territoires tout en réformant sa gouvernance (Commission de surveillance,
nomination des cadres dirigeants, cadre comptable et budgétaire) et en instaurant la supervision
prudentielle des activités de la Caisse par l’Autorité de con
trôle prudentielle et de résolution
(ACPR).
1.2.2
Un pilotage, des fonctions support et une gouvernance partagée avec
l’
établissement public CDC
Pour donner corps à un pilotage unifié des métiers dirigés vers les territoires, la création
de la BdT s’est
accompagnée de celle de départements transverses, mutualisant les fonctions
support auparavant exercées au sein des directions opérationnelles de l’
établissement public.
La poursuite de la centralisation des services support sous l’égide de son secrétariat
général a
limité les équipes fonctionnelles rattachées à la BdT aux agents considérés comme nécessaires
à son pilotage opérationnel. Pour le reste de ses fonctions support, comme pour son pilotage
stratégique et financier et sa gouvernance, la BdT dépend
de l’
établissement public CDC.
1.2.2.1
Des départements transverses chargés du pilotage opérationnel des directions
métier
Ces départements transverses sont au nombre de quatre :
- département finances, chargé notamment du pilotage économique et opérationnel, du
pilotage des portefeuilles et engagements, de l’appui au contrôle permanent et à la conformité,
ainsi que de l’évaluation extra financière des activités, qui a bénéficié lo
rs de la création de la
BdT
d’un renfort de 20 effectifs en provenance de l’EP, et dont les effectifs permanents
atteignaient 75 agents à la fin 2021 ;
- département stratégie digitale et transformation numérique, qui comporte 88 agents.
Les deux tiers de ces agents travaillent pour la BdT, le tiers restant travaillant sur des projets
intéressant l’
établissement public, dont sont originaires 22 agents de ce département ;
-
département ressources humaines, qui s’est vu doter de 42 agents avant que la majorit
é
des effectifs soient transférée en 2019 à la direction des ressources humaines de l’
établissement
public, seule une équipe de 6 agents demeurant formellement rattachée à la BdT ;
-
département communication, dont les 21 agents, rattachés à l’
établissement public, ne
sont pas répertoriés parmi les effectifs de la BdT.
Cette organisation fonctionnelle n’est pas
strictement calée sur l’organisation administrative de la CDC, également caractérisée par un
processus de regroupement au secrétariat général de fonctions supports auparavant disséminées
pour partie au sein des directions métier. Les compétences du département stratégie digitale
dépassent le champ couvert par la BdT
, tandis qu’à l’inverse le département communication,
qui porte les efforts consacrés à
la promotion d’une «
marque » dans le projet BdT, est intégré
dans la direction de communication de
l’
établissement public.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
12
Ce dispositif se traduit par des rattachements hiérarchiques et fonctionnels à géométrie
variable selon les départements concernés. Le directeur du département communication a des
objectifs annuels fixés par le directeur de la BdT et par la directrice de la communication de la
CDC, tandis que les objectifs de la directrice du département ressources humaines de la BdT
lui sont fixés par le directeur des ressources humaines de la Caisse. Ces deux chefs de
département sont à la fois membres du Comex de la BdT et des CODIR ressources humaines
et communication de
l’établissement
public. Les deux autres départements (finances et stratégie
digitale) sont pour leur part hiérarchiquement rattachés au directeur de la BdT et entretiennent
des relations fonctionnelles avec les autres services support de
l’établissement
public.
1.2.2.2
Un pilotage stratégique et financier réalisé au niveau de l’
EP
Autonome dans la déclinaison opérationnelle de ses stratégies métier, la BdT est
fortement dépendante pour son fonctionnement des autres directions de l’
établissement public.
L’assistance à maîtrise d’ouvrage des projets informatiques a été confiée à la di
rection
des services informatiques de l’
établissement public dans un mouvement de centralisation de
services support au secrétariat général de la Caisse antérieur à la création de la BdT. La gestion
des ressources humaines, dont une part significative (notamment recrutements) était déjà
réalisée en dehors des directions métiers, est désormais assurée pour l’essentiel en dehors de la
BdT. Si un premier niveau de pilotage financier est réalisé par le département finances de la
BdT, les autres directions et se
rvices de l’
établissement prennent enfin en charge de nombreuses
fonctions financières, parmi lesquelles
-
le pilotage stratégique,
notamment l’élaboration du plan stratégique à moyen terme
présentant la contribution des métiers et filiales aux résultats futurs de la CDC ;
-
l
’établissement des comptes, la gestion de bilan
;
-
la gestion des actifs financiers ;
-
le suivi des risques et la mission de contrôle permanent et de conformité ;
-
l
’audit interne
;
-
l
’expertise juridique et fiscale
;
-
le suivi financier des filiales, assuré par la direction des participations stratégiques.
Les moyens de fonctionnement de la BdT sont pour leur part arbitrés dans des comités
décidant de
l’allocation des ressources au sein du groupe CDC
. La BdT sous-traite par ailleurs
la gestion technique de certaines tâches à la Direction des relations sociales (DRS) : le dispositif
de résorption des avoirs en déshérence, intitulé Ciclade, est géré par la Direction des clientèles
bancaires (DCB) de la BdT , qui en délègue le back-office à la DRS ; cette dernière assure
également le back-office du PIA, géré par la BdT
sur mandat de l’État, ainsi que le suivi
administratif des marchés d’ingénierie sur bons de commande passés par la
BdT ; pour les
conseillers numériques installés dans les territoires, la DRS assure le paiement de subventions
via la plateforme TRIO.
Si un soutien de type « middle office » est fourni par les départements fonctionnels de
la BdT, celle-ci ne pourrait fonctionner sans les directions support de
l’établissement
public.
Entité fonctionnelle du groupe CDC, la BdT ne dispose pas en son sein des services qui
permettraient de la transformer aisément en filiale, indépendamment des
problèmes d’assise
financière que poserait une telle évolution (cf. infra)
.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
13
1.2.2.3
Une gouvernance imbriquée dans celle de la CDC
Le directeur de la BdT, porteur du projet depuis son origine, est également directeur
général délégué de la CDC. Cette double appartenance est une des marques de la gouvernance
de la BdT qui se partage entre les instances de
l’établissement
public CDC et des instances
propres à cette entité fonctionnelle. Au titre de la gouvernance de
l’établissement
public peuvent
être citées :
-
la participation au COMEX ;
-
la présentation à la Commission de surveillance de sujets thématiques (bilans,
mise en œuvre des missions d’intérêt général, …)
.
La BdT participe également à des comités administrés par les fonctions centrales de la
Caisse des dépôts : comités de gestion de bilan ; comité conformité loi PACTE ; comité RGPD.
Elle dispose par ailleurs d’instances de gouvernance en propre :
-
COMEX BdT en format restreint tous les 15 jours et COMEX ;
-
COMEX BdT en format élargi (avec SCET, CDC Habitat) tous les 15 jours ;
-
comités de direction de chacune des directions de la BdT, hebdomadaire ;
-
réunions des départements, pôles, services de chacune des directions de la
BdT, fréquence adaptée aux besoins de chacun de ces collectifs.
Certains comités sont dédiés à la mise en œ
uvre et au contrôle des activités de la BdT
7
:
comités d’engagements (investisseur, prêteur, bancaire) avec plusieurs seuils de montants qui
définissent le niveau de déconcentration de la décision d’engagement ; comités marketing ;
comités produit ; comité stratégique SI, etc. Si les engagements (prêts, investissements) sont en
quasi-totalité de la seule responsabilité de la BdT, les engagements les plus importants peuvent
au moins en théorie être évoqués au niveau groupe. Le schéma présenté en comité stratégique
en mars 2019 rend compte de manière simplifiée de cette organisation :
Schéma n° 3 :
Comitologie Banque des territoires
Source : CDC - BdT
7
Liste non exhaustive : comités majeurs uniquement
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
14
Les relations sont plus ténues avec les filiales SCET et CDC Habitat, en dehors de la
participation de responsables de la BdT aux organes de gouvernance de ces sociétés, et de la
participation du directeur de la SCET et de la présidente du directoire de CDC Habitat au
Comex élargi de la BdT. Le pilotage financier de ces deux filiales est en effet assuré par la
Direction des participations stratégiques de la CDC, et la contribution de CDC Habitat aux
plans de soutien au logement social présentés par la Caisse préexistait à la création de la BdT.
L’organisation des fonctions support comme la comitologie
et les relations avec les filiales
attestent de l’étroitesse des relations entretenues par l’entité fonctionnelle Banque des territoires
avec
l’établissement
public CDC,
dont elle demeure l’une des composantes
sans disposer de
l’autonomie qui serait celle d’une filiale
.
1.2.2.4
Des activités imbriquées avec celles des autres métiers de la CDC
Le groupe CDC est réorganisé en cinq
métiers depuis l’exercice 2018
: BdT, Gestion
d’actifs
, Direction des politiques sociales, Gestion des participations stratégiques, Bpifrance,
auxquels est venu se rattacher La Poste en 2020 (opération « Mandarine »).
Schéma n° 4 :
Organigramme fonctionnel de la CDC et métiers du Groupe CDC (avril 2021).
Source : CDC
BdT
La BdT, dont le métier est présenté comme celui du « financement des projets dans les
territoires » par la CDC, interagit avec les autres « métiers » du Groupe de la manière suivante :
-
Avec la direction du F
onds d’épargne (DFE)
, qui regroupait, avant la création de la BdT,
la gestion des ressources du F
onds d’épargne et des prêts
: la direction des prêts,
rattachée à la BdT entretient toujours une relation étroite avec la DFE, désormais
rattachée à la direction financière de
l’établissement
public. La conception et le suivi
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
15
des produits sont validés par un comité stratégique qui réunit les deux directions sous la
présidence de la BdT. La DFE
est membre du comité d’engagement présidé par la
direction des prêts, qui participe aux comités de gestion du bilan du F
onds d’épargne.
Enfin, ces deux directions participent ensemble aux réunions organisées par la direction
générale du Trésor dans le cadre de la tutelle qu’elle exerce sur le
F
onds d’épargne
;
-
Avec les deux autres directions de
l’établissement
public qui réalisent des activités
d’investissement en fonds
propres, la direction de la gestion des actifs, dont la mission
est de contribuer à assurer la solidité du modèle des prêts du F
onds d’épargne et des
investissements et la direction des participations stratégiques (DPS). Cette dernière
coopère avec la BdT sur les sociétés en commun (CDC Habitat), la définition de la
contribution de la CDC aux politiques publiques sectorielles (énergie, tourisme).
Plusieurs membres du COMEX BdT exercent des mandats au sein des filiales suivies
par la DPS, le directeur de la BdT est également en charge du suivi des filiales et
participations en sa qualité de directeur général délégué, et la responsable des
participations stratégiques fait partie du COMEX restreint de la BdT. Une ligne de
partage a été tracée entre ces deux directions et
la direction de l’investissement de la
BdT (cf.2.2.1).
-
Avec la direction des politiques sociales
: la BdT s’appuie sur l’expertise de cette
direction pour la réalisation de nombreuses prestations (Consignations et dépôts
spécialisés, gestion administrative du PIA - back office et de comptabilité -, déploiement
des conseillers numériques) ;
-
Avec le métier du financement des entreprises, exercé par Bpifrance : la BdT se
concentre sur les interventions en direction des acteurs du secteur public local, des OLS
et des professions juridiques, les participations au capital des entreprises relevant
désormais de Bpifrance, sauf exception (cf. 2.2.1).
La BdT occupe ainsi une place particulière dans
l’établissement
public CDC : par ses
interactions avec les autres directions, elle contribue à la mobilisation des ressources issues du
Fonds d’épargne (dans le cadre de son
activité de prêteur) et de la Section générale
(subventions, prise de participations ou prêts sur Section générale) et à la formation des
ressources de la Section générale lors de la centralisation des encours des professions juridiques.
1.2.2.5
Une trajectoire de transformation à l’horizon 2030, un dispositif de suivi en
construction
Prenant appui sur les réflexions menées en 2017 et la réorganisation du groupe CDC, un
Plan stratégique et de transformation (PST) 2020-2024 de la BdT est présenté en novembre
2019. Ce plan décrit une vision de transformation en « entreprise plateforme » sur 10 ans,
capable de proposer une offre « sans couture
», c’est
-à-dire une distribution omnicanale
associant plateforme digitale et contacts physiques (réseau territorial) sans rupture de charge.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
16
Schéma n° 5 :
Présentation de la trajectoire de transformation à horizon 2030
Source : CDC
Banque des territoires
Le PST fixe cinq « caps stratégiques » et quatre priorités de « transformation » de la BdT,
résumées dans le tableau ci-dessous :
Priorités du PST 2020-2024 de la BdT
Cap stratégiques
Priorités de transformation
Devenir une banque au service de tous les
territoires et de toutes les populations
Placer le client au cœur de l’action de la BdT
Structurer un écosystème de partenaires à une
nouvelle échelle
Jouer collectif pour favoriser l’engagement et
l’innovation,
Piloter et mesurer ses impacts sur le territoire
Piloter la BdT par les impacts grâce à la donnée
Disposer d’un modèle économique performant
Créer et animer un écosystème.
Accompagner et accélérer la réalisation de
projets d’avenir et de transformation.
Source : CDC
BdT
Présentation PST
Au titre du PST, 24 indicateurs « clés » (KPI) sont définis, dont 14 « stratégiques » et
10 au titre de la transformation (cf. Annexe n° 1). Le PST est également associé à 102 priorités
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
17
d’action qui résultent de la combinaison de 12 orientations stratégiques
8
, de 7 territoires « à
enjeux »
9
et d’une typologie des produits BdT en trois catégories, selon les priorités
poursuivies
: maintenir son cœur de métier (priorités d’intensification), développer de nouvelles
activités en industrialisant ses offres (priorités de développement), anticiper les évolutions de
marché (priorités d’exploration)
10
.
Sur ces bases, la BdT présente ses activités en regroupant les priorités stratégiques dans
quatre objectifs de développement territorial : « Territoires + durables, + attractifs, + connectés
+ inclusifs » et en agrégeant les montants des prêts sur F
onds d’épargne, des investissements
en fonds propres et des subv
entions, ainsi que les chiffres d’affaires des filiales
, comme le
montre le tableau n°2.
Activités de la BdT entre 2021 et 2026 (hors PIA 4)
Source : CDC - BdT
Sur la période 2018
2020, la BdT communique ainsi sur une « force de frappe »
territoriale de 20 Md
/an, dont les deux tiers proviennent des activités liés au logement.
Une cinquantaine d’indicateurs ont été ajoutés en 2019, dans le cadre de la démarche de
performance opérationnelle lancée par le secrétariat général de la CDC
afin d’optimiser
l
’allocation des ressources de fonctionnement
11
. Ces indicateurs alimentent un suivi mensuel
des métiers « Conseiller », « Financer », « Opérer » et de la plateforme, un suivi trimestriel de
8
Habitat, Santé-Vieillissement, Protection des fonds et patrimoine, Relation au citoyen, Energie, Environnement
et biodiversité, Aménagement et développement économique, Mobilité, Tourisme - Loisirs -Culture, Éducation et
formation, Infrastructures numériques, Services numériques
9
Villes moyennes, Quartiers prioritaires de la ville, Montagne, Littoral, Territoires ruraux, notamment petites
centralités type centre bourg, Outre
Mer, Friches.
10
Sur les 101 priorités d’action, de nature très diverse, 30 priorités concernent l’intensification des activités cœur
de métier, 48 le développement de nouvelles offres et 33 l’exploration.
11
Selon 5 axes : satisfaction clients, réduction et maîtrise des risques, efficacité et coûts de fonctionnement,
développement et augmentation du PNB à ressources constantes, collaborateurs et montée en compétences.
Territoires +
Axes stratégiques
Crédits d'ingénierie
territoriaux
Investisseur Bancaire
Prêteur
PIA
SCET
CDC
Habitat
Total Axes
Total T+
Energie
0,00
1,55
-
22,43
0,04
-
-
24,02
Environnement et
biodiversité
-
0,32
-
2,22
0,52
-
-
3,06
Mobilité
-
1,19
-
1,14
0,04
-
-
2,37
Education et Formation
-
0,03
-
1,20
1,62
-
-
2,85
Aménagement et
développement économique
0,38
1,65
0,76
3,54
0,59
0,14
-
7,06
Tourisme, loisirs et culture
-
1,61
-
-
0,02
-
-
1,63
Infrastructures numériques
-
1,01
-
0,13
0,42
-
-
1,56
Services numériques
-
0,13
-
-
0,02
-
-
0,15
Habitat
-
0,78
-
42,32
0,01
-
22,62
65,73
Santé, Vieillissement
-
0,88
-
2,58
0,03
-
-
3,49
Relation au citoyen
-
0,01
-
-
0,00
-
-
0,01
Protection des fonds et
patrimoine
-
-
1,96
-
-
-
-
1,96
0,38
9,16
2,72 75,56
3,30
0,14 22,62
113,88
113,88
Activité de la Banque des Territoires sur 5 ans - 2021/2026 (en Md€)
Totaux
71,20
1,70
13,91
27,07
+Durables
+Atrractifs
+Connectés
+Inclusifs
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
18
la performance opérationnelle, un rapportage semestriel du programme «
Action Cœur de
Ville » et des indicateurs stratégiques de la plateforme.
Seules les présentations de ces indicateurs « métiers » et de performance sont
disponibles, ce qui ne permet pas de disposer d’un document consolidé retraçant les objectifs,
les
moyens et l’état d’avancement du projet. Les présentations transmises à la Cour témoignent
de la place prise par le pilotage annuel de l’activité par métiers et les priorités de court terme
(Action Cœur de Ville, Plan de relance), qui font l’objet d’un sui
vi régulier. En revanche, les
indicateurs
initialement prévus sur l’impact de la BdT dans les
territoires « à enjeux » (montants
financés ou investis par habitant par type de territoires, financés ou investis localement par
habitant ou population éligible, effet levier des investissements) ne sont pas disponibles, ce qui
ne permet pas d’évaluer l’atteinte de l’objectif ambitieux de lutte contre les fractures
territoriales. En matière de développement durable, les indicateurs font référence aux flux de
projets et ne semblent pas répondre aux critères de la taxonomie européenne, qui impliquera
une analyse détaillée par projet et type
d’actifs financiers
à partir de 2023. Elle nécessitera de
déterminer les activités éligibles
12
et la vérification de leur alignement avec 6 objectifs
environnementaux (adaptation des changements climatiques, atténuation des changements
climatiques, eau et ressources marines, économie circulaire, prévention et recyclage des
déchets, pollution et écosystèmes).
L’
analyse doit aboutir
à l’évaluation d’un
pourcentage des
actifs « verts » (GAR,
Green Asset Ratio
) du portefeuille.
Enfin, en matière de performance opérationnelle, les cibles à moyen terme concernant
les gains de productivité (coûts d’instruction, de gestion et de distribution des produits) ne sont
pas déterminées, les modèles de coûts faisant encore l’objet d’ajustements, conf
irmant que les
indicateurs du projet BdT lancé en 2018 sont toujours en construction. Des travaux sur les
indicateurs ont débuté en 2022. Ils doivent
s’attacher à dégager les éléments du pilotage
transversal de la transformation engagée du suivi de
l’activ
ité annuelle par métiers et à
renforcer l’évaluation des impacts extra
-financiers (territoriaux, environnementaux), qui
constituent une spécificité de la BdT par rapport aux autres entités du groupe.
Recommandation n° 1.
(CDC) : Préciser les cibles associées aux indicateurs de
performance opérationnelle et de performance extra-financière du plan stratégique et
de transformation, en les distinguant des indicateurs de pilotage annuel de
l’activité
.
1.2.3
Une première étape vers un modèle de distribution « omnicanal » associant
réseau territorial et plateforme digitale
Les premières réalisations de la BdT visent à amorcer le développement d’un modèle
de distribution omnicanal, en menant de front la réorganisation du réseau territorial et des sites
internet, la simplification et la digitalisation des processus métiers.
12
Activités dite de transition ou habilitante : les activités « habilitantes »
sont les activités qui permettent à d’autres
activités qu’elles
-mêmes de co
ntribuer à l’atteinte d’un des six objectifs (par ex : infra mobilité douce
). Les
activités « de
transition »
sont les activités pour lesquelles il n’existe pas d’alternative bas
-carbone
économiquement ou technologiquement viable.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
19
1.2.3.1
Une digitalisation en cours des processus métiers, un modèle commercial de
plateforme digitale à reconsidérer
Dans le cadre plus large de la transformation digitale de l’
établissement public CDC,
trois objectifs sont assignés à la plateforme digitale BdT :
- offrir les services en ligne pertinents et conformes aux règlementations en vigueur
(essentiellement banque en ligne et gestion de prêts) ;
- d
evenir incontournable dans l’écosystème digital du développement
territorial et, en
tant que banque à impact, orchestrer la création de valeur des offres de partenaires ;
- d
évelopper un modèle de distribution omnicanal permettant d’abaisser le coût unitaire
de distribution des produits de la BdT (et permettre ainsi de réaliser les objectifs ambitieux liés
au plan de relance à effectifs quasi-constants en directions régionales).
Ce projet s’est appuyé sur la réorganisation des fonctions support à l’échelle de
l’
établissement public. La DSI a
rassemblé les équipes œuvran
t pour les activités de la BdT qui
étaient précédemment réparties au sein de quatre domaines. Dans
un premier temps, l’effort a
été
concentré sur la modernisation des systèmes d’information existants, avec des progrès sur
la dématérialisation des processus (prêts, professions juridiques).
Une première étape
s’est traduite par la mise en œuvre de la plateforme
unifiée
« banquedesterritoires.fr » en 2018, associée à une infrastructure de gestion de la relation
« clients » (CRM, Customer Relationship Management), permettant des entrées par
thématiques (programmes gouvernementaux), par besoins (prêt, conseil) et par segments de
clientèle.
Ces évolutions ont pour objectif d’amorcer le
modèle de distribution omnicanal en
complétant la dimension « informationnelle » des sites préexistants par des transactions
commerciales et des « parcours clients » dématérialisés. Les indicateurs de performance
associés montrent une progression du nombre de visites et de souscription en ligne.
Après cette première phase, le budget du projet de plate-forme a été évalué à 81,9
M€
pour la période 2021-2022, dont 42,6
M€
d’investissement et 39,3 M€
de coûts de
fonctionnement. Compte tenu de leur ampleur, ces montants ont été validés en octobre 2020
par le C
omité d’
engagement du groupe CDC
13
. Le dossier présenté ne prend pas en compte les
dépenses de la première étape (2018-
2019) et les prévisions d’activité commerciale ne prennent
pas suffisamment pris en compte les règles qui s’appliquent à l’établissement public.
Une étape complémentaire, couvrant la période 2023-2025, devrait
permettre d’étendre
l’offre de «
services partenaires », créatrice de valeur pour commencer à générer des revenus
propres à partir de ces services en ligne, de manière à couvrir une part croissante des coûts de
fonctionnement de la plateforme (comme le font les plateformes de type Amazon). Selon un
audit interne CDC, le projet prévoit au total, sur la période 2020-2025
, des charges d’un montant
de 420 M
€ et des produits de 229M€, dont 134 M€ de revenus généré
s par la plateforme et des
coûts « évités » de 115
M€
correspondant aux économies générées par la digitalisation.
Les revenus « propres » de la plateforme ou revenus externes attendus sont de 14
M€
sur 2020-2025, ce qui paraît très faible par rapport au coût du projet. Ces revenus proviendraient
13
Le CE Groupe examine l
es projets d’un montant supérieur à 50 M€.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
20
d’abonnement à
des outils de diagnostic territorial, de revenus issus de commissions prélevées
sur une
market place
de conseil, de prestations de gestion immobilière et de recettes de
publicité.
Une partie significative des produits attendus (59 M
, 44 % des produits sur la période)
correspondrait à des refacturations internes pour la commercialisation des prêts sur Fonds
d’épargne, indépendamment de tout objectif de développement commercial. Par ailleurs,
l’évalua
tion des « coûts évités » par la réduction des effectifs serait réalisée en appliquant un
ratio de 10 % issu d’une évaluation de l’impact de la digitalisation
par le cabinet Roland Berger
en 2015, sans qu’un suivi détaillé de ces impacts ne semble avoir ét
é mis en place à ce stade
14
.
Enfin, le
statut d’
établissement public, qui impose une neutralité commerciale de la BdT
au regard de ses filiales et des acteurs de marché, limite les perspectives de développement
commercial. Il existe déjà des offres similaires au sein du groupe CDC (La Banque Postale
15
),
de la part de partenaires institutionnels (Action Logement, ANRU, ANCT) ou
d’acteurs de
marché (place bancaire). En outre, la BdT a pris fin 2020 une participation au capital de la
société CAPVERIANT qui opère depuis 2018 une place de marché mettant en relation des
emprunteurs du secteur public local avec des investisseurs institutionnels. Selon le communiqué
de presse
présentant l’opération,
«
La coopération des deux partenaires devrait stimuler
davantage la croissance de CAPVERIANT en France et en Allemagne. pbb Deutsche
Pfandbriefbanket la Banque des Territoires partagent la conviction qu'une plateforme digitale
rend la recherche de financement plus simple, plus rapide et plus efficace. Cette opération
facilitera le financement des investissements publics tout en favorisant sa transformation
digitale, en particulier celle des petites et moyennes collectivités locales. »
Le projet de la BdT vise à déployer à terme un modèle de distribution omnicanal. Si la
première étape engagée a permis d
’amorcer ce
modèle via la digitalisation des processus
métiers, leur simplification et le déploiement d’
un nouvel outil de gestion de la relation client
(CRM), les perspectives commerciales de ce modèle montrent son absence de rentabilité à
l’horizon 2025. Son dimensionnement devrait en conséquence être reconsidéré.
Recommandation n° 2.
(CDC) :Revoir le dimensionnement de la plateforme digitale
afin de maîtriser les coûts de distribution et s’assurer de l’équilibre financier du projet
de distribution omnicanale.
1.2.3.2
Une organisation du réseau plus lisible, distinguant les activités transverses des
activités commerciales de « front office »,
La CDC avait affiché dès 2015 la volonté de « redevenir la Caisse des dépôts des
14
On notera à ce propos que pour la direction des prêts du Fonds d’épargne, les réductions d’effectifs anticipées
d’ici 2026 ne dépassent pas 10 agents, ce qui correspondrait tout au plus à une économie annuelle de 1 M€ (10 *
un coût moyen maximal de 100
000 €), alors que les coût évités sont supposés atteindre 34 M€ par an en 2025,
tous métiers confondus.
15
Le site de la Banque Postale se présente comme le «1
er
prêteur bancaire des collectivités locales », sans mention
de la plate-forme BdT.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
21
territoires », en créant la direction du réseau et des territoires (DRT). Ce mouvement visait déjà
à développer l’offre territoriale et à renforcer les interactions opérationnelles des directions
régionales avec les filiales du groupe.
Cette transformation était considérée comme inachevée par la Cour en 2016, constat
confirmé par un rapport d’audit interne en juillet 2018
16
.
La création de la BdT a relancé la réorganisation du réseau territorial, avec la
clarification des activités de « front office », « middle » et « back office » par métiers, la
réorganisation des f
onctions support et la modernisation des systèmes d’information
.
Le périmètre de la direction du réseau a été modifié avec le transfert des fonctions
supports suivantes
au niveau de la BdT ou de l’
établissement public : RH, communication,
risques, contrôle interne, budget et contrôle de gestion. Les directions régionales ont été invitées
à se réorganiser pour aboutir à une organisation cible, en circonscriptions infrarégionales
(« plaques territoriales »). Ce découpage
s’est
déployé entre juillet 2019 et 2020 (en 2021 en
outre-mer) avec 3 à 10 « plaques » par directions tout en préservant 16 directions régionales et
37 implantations territoriales (carte n°1).
Carte n° 1 :
Implantations du réseau territorial BdT
Source : CDC - BdT
Cette réorganisation structure la fonction « commerciale » en rompant avec une
organisation en « silos » par métiers de la BdT (prêt, investissement, professions juridiques).
Chaque direction régionale est organisée en trois pôles, chargés respectivement du
développement commercial ou « front office
», de l’appui au développement (middle office) et
des fonctions transverses. Le pilotage et le suivi de leur activité ont été renforcés via les lettres
d’objectifs annuelles, comprenant des objectifs par métier
s de la BdT et un rapportage régulier.
16
Bilan de la réorganisation du réseau des directions régionales et perspectives
, A. Beuzelin, Contrôleur général
de la CDC, 24 juillet 2018. Rapport interne.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
22
Schéma n° 6 :
Organisation des directions régionales de la BdT.
Source : CDC
Banque des territoires
La réorganisation du réseau a également pris en compte la création d’une filière risque
indépendante
au sein du réseau en janvier 2020, rattachée à la direction « risque » du groupe
(DRG), dans le cadre de mise en conformité avec la loi PACTE. Les fonctions existantes au
sein des DR relevant de la responsabilité des risque (analystes financiers, analystes risques,
secrétariat des comités régionaux d’engagement) ont été identifiées et rattachées à la direction
des risques. Les personnels restent localisés en direction régionale, au sein de 5 pôles risques
inter-régionaux, sous la responsabilité hiérarchique de la direction des risques.
Le réseau assure également les fonctions de front office bancaire vis-à-vis des
professions juridiques depuis le 1
er
septembre 2019 en métropole et depuis juin 2021 pour les
DR Antilles Guyane et Réunion
Océan Indien. L’internalisation de ces fonctions fait suite
au
retrait de la DGFIP et permet au réseau territorial de la BdT d’assurer la responsabilité
directe
des relations commerciales et partenariales avec les professions juridiques. Toutefois, selon les
d
irections régionales, l’activité commerciale a été «
territorialisée
» (c’est
-à-dire intégrée dans
les plaques territoriales tout comme le métier prêteur et investisseur), ou est restée dans un pôle
dédié aux professions juridiques
, ce qui constitue une entorse à l’objectif d’une organisation
homogène de l’ensemble des directions et atteste de la singularité de cette activité (cf. 2.4) et
des limites au développement de la polyvalence des agents en direction régionale.
1.2.3.3
Une simplification des processus et une déconcentration des décisions
Pour chaque métier (prêteur, bancaire, investisseur, ingénierie), la prise de décision fait
l’objet de procédures décrivant le
processus d'engagement, son niveau (direction régionale ou
siège) et ses modalités. L'engagement peut être pris par un délégataire simple (
i.e.
sans passage
par un comité d'engagement) ou par un comité d'engagement (au niveau régional ou national)
régi par un règlement intérieur validé en amont par la direction des risques.
En 2018, les décisions d’engagement des prêts sur
F
onds d’épargne et relatives à la
gestion des comptes des professions juridiques étaient déjà largement déléguées aux directions
régionales. L’activité d’investissement était quant à elle fortement centralisée.
Les possibilités
de décisions en délégation simple et la déconcentration des engagements « bancaires »
(professions juridiques) ont été élargies avec la création de la BdT. À
titre d’exemple
, sur les
Développement commercial
Secrétariat général
Appui au développement
DT
Plaque
DT
Plaque
DT
Plaque
DT
Plaque
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
23
1 500 décisions en 2020 au niveau national, 1 235 ont été prises en régions dont 600 en
délégation simple. De même, pour les prêts sur F
onds d’épargne,
95% des décisions de prêts
sont engagées en région (sur un volume de 6 500 à 7 000 décisions annuelles). Seuls les dossiers
de gestion avec réaménagement des prêts (quel que soit le montant), produits spécifiques ou de
montants très importants relèvent du comité national.
Enfin, l’ingén
ierie territoriale, activité
subventionnelle développée depuis 2015
afin d’aider les collectivités à faire émerger les projets
locaux, et pilotée par la direction du réseau, est également déconcentrée.
S’agissant des investissements en fonds propres piloté
s par la direction de
l’investissement, une
première vague de déconcentration a eu lieu en 2018, pour les décisions
d’un montant inférieur à
1 M€
dans le secteur immobilier. Un seul dossier ayant bénéficié des
nouvelles règles, le seuil a été élargi à tous les secteurs, et porté
à 2M€
pour le secteur « Ville,
immobilier Tourisme ». Des réflexions sont toujours en cours sur la déconcentration des
décisions de cession des participations de la BdT et la rationalisation de la participation aux
organes de gouvernance des sociétés, souvent assurée par deux représentants de la BdT issus
du siège et des directions régionales. Elles témoignent des difficultés rencontrées pour
déconcentrer le métier d’investisseur, la direction de l’investissement exerçant aussi ce mé
tier
pour les dossiers dits «
nationaux, diffus sur le territoire ou d’investissement direct dans les
entreprises » (cf. Annexe n° 2).
Plusieurs indicateurs visent
à suivre l’impact de la plateforme et de la réorganisation du
réseau sur le NPS, les contacts « clients », la perception de la réactivité et de la simplicité de
l’offre BdT. Des indicateurs sont en cours de déploiement pour évaluer l’impact de cette
réorganisation sur la relation de proximité de BdT avec ses clients. En 2019, les interactions
commerciales enregistrées par le réseau concernaient en premier lieu les collectivités (42%),
devant les entreprises (28%), les professions juridiques (23%) et les OL
S (7%). L’évolution des
contacts clients montre une augmentation des relations avec les collectivités, en particulier les
intercommunalités et les communes de plus de 10 000 habitants et, en cohérence avec la reprise
du front office, avec les professions juridiques.
Évolution des contacts « clients » depuis la création BdT (% déclarant avoir eu un
contact avec une DR)
2018
2019
2020
OLS & SEM Logement
96
89
95
EPL
75
72
81
Notaires
59
76
74
Collectivités et Intercommunalités
29
30
43
Entreprises
75
74
77
Habitats spécifiques
-
37
-
Source : CDC
BdT
Les premiers résultats montrent une amélioration globale de la perception de la
réactivité de la BdT et, pour ce qui est de la simplicité de l’offre, une amélioration pour l
es
professions juridiques et une stabilité globale pour les autres publics visés (cf. Annexe n° 3).
Toutefois, des critiques sur les produits (taux trop élevés), la lourdeur administrative ou le
manque de déconcentration (de la part des petites communes) persistent. Alors que les dépenses
de communication ont fortement augmenté sur la période
, de 6,7 M€ en 2018 à 10,34 M€ en
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
24
2020, en particulier pour les évènements de promotion de la marque et le financement des
congrès et salons ainsi que des associations représentant les « clients » de la BdT (Union sociale
de l’
habitat, notaires)
, ce constat invite à analyser plus précisément l’évolution des offres de la
BdT dans ses différents métiers.
1.3
Des moyens en croissance, reflet de l’ambition du projet
Visant la constitution d’une force de frappe au service du développement économique
territorial
17
, assise sur les prestations traditionnelles de la CDC, le projet BdT répond à une
recherche d’efficacité plus qu’à une préoccupation d’efficience
. Celle-
ci n’est évidemment pas
absente des objectifs poursuivis, mais elle est encore peu outillée. De fait, les effectifs de la
BdT ont connu une progression sensible depuis sa création, entraînant une croissance de ses
moyens de fonctionnement, constitués pour moitié de prestations de la Section générale.
1.3.1
Une progression marquée des effectifs depuis la création de la BdT
1.3.1.1
Une dynamique haussière, pour un projet initialement présenté comme porteur de
gains de productivité
Rassemblant en une direction unique les activités de trois directions métier et du réseau
de la CDC, la BdT disposait lors de sa création des effectifs présents dans les unités
préexistantes, auxquels ont été ajoutés 41
agents originaires des autres directions de l’
EP.
Les effectifs de la BdT (hors SCET et CDC Habitat)
s’élevaient à 1616 agents lors de
sa création à la mi 2018, dont 132 dans les nouveaux départements transverses mutualisés. Lors
de
l’examen du projet
BdT par la Commission de surveillance de la CDC
18
,
l’unicité du pilotage
et la mutualisation des moyens généraux était présentée comme devant dégager une économie
de 20 % des effectifs des services support
. Les données sur l’
évolution des effectifs transmises
par la BdT font
plutôt ressortir une légère hausse du nombre d’agents entre fin 2017 et mi 2018
.
17
Cf. propos tenus par Eric Lombard, DG du groupe Caisse des dépôts, lors de la réunion de la Commission de
Surveillance de septembre 2021 : «
Je ne suis pas sûr que nous pourrons aboutir, en net, à une baisse des effectifs
dans les années à venir. En effet, la réalité est que l’
établissement public est en croissance. Le volume des
investissements gérés par la BdT était de 3 milliards quand je suis arrivé, il doit être à 6 milliards. À l’horizon du
plan, nous serons à 10 milliards, avec en plus une plus grande capillarité. Ce sont donc des dossiers à suivre, qui
demandent un suivi fin
. »
18
Cf. Avis sur la BdT rendu par la Commission de surveillance lors de sa séance du 27 mars 2019.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
25
Évolution des effectifs de la BdT de 2018 à 2021 (hors filiales)
Effectifs
directions
2016
Effectifs
directions
2017
Effectifs
BdT mi
2018
Effectifs
BdT
nov.
2021
Transferts
EP/BdT
mi 2018
→nov.
2021
Écart nov.
2021/mi
2018 (yc
transferts)
Évolution en
% des
effectifs BdT
après
neutralisation
des transferts
Dir. clientèles bancaires
420
355
333
302
-31
0
0
Dir. investissement
224
215
179
232
-4
57
+ 32
Dir. des prêts
162
155
167
166
-25
24
+ 14
Dir. du réseau
835
804
804
855
-39
90
+ 11
Dép. Digital
30
88
4
54
+ 180
Dép. Finances
61
75
-5
19
+ 31
Dép. RH
42
6
-40
4
+ 10
Cabinet /secrétariat
direction BdT
0
9
6
3
Total BdT
1641
1529
1616
1733
-134
251
+ 16
.
Source : CDC-B
D
T - agents permanents
Le tableau n°4 fait apparaître la répartition par directions et départements des effectifs
permanents de la BdT (Cf. Annexe n° 4 pour les ETP), ainsi que les transferts opérés en
direction des services centraux dans le cadre du mouvement de centralisation des fonctions
support au secrétariat général de la Caisse. Le département de la communication, qui figure sur
l’organigramme de la B
dT
, n’apparaît pas dans ce tableau en raison de la centralisation de cette
fonction à la direction de communication du groupe, intervenue avant la création de la BdT.
Les effectifs de la BdT ont été affectés de plusieurs mouvements depuis sa création,
prenant tout d’abord la forme de transferts d’effectifs vers les services centraux de la CDC
:
-
transfert en 2019 à la direction des risques de 99 agents, dont une quarantaine
localisée dans les directions régionales
19
, dans le cadre de la réorganisation de
la filière risque consécutive à la loi PACTE, et conformément aux
recommandations de l’ACPR
;
-
transfert en 2020 de 41 agents de la direction des ressources humaines de la BdT
vers la DRH du groupe, dans la cadre de la centralisation de cette fonction sous
l’égide du secrétariat général de la Caisse.
Ces mouvements reflètent également des créations de postes à la BdT :
-
c
réation de 20 postes liée à l’internalisation en 2019 du front office bancai
re
auparavant assuré par les préposés de la DGFIP ;
-
renforts d’effectifs à la direction des investissements (+ 55 agents, soit une
hausse de 31 % depuis la création de la BdT) ;
-
création de 30 postes en directions régionales en 2019, puis de 20 postes en
2020-
2021, destinés à renforcer l’action commerciale
sur les territoires ;
19
Une quarantaine d’agents chargés du contrôle des risques dans les directions régionales ont été rattachés à la
Direction des risques. Les personnels concernés restent localisés en direction régionale, sous la responsabilité
hiérarchique de
la direction des risques groupe. D’après la BdT, la structuration de cellules risques dans les
directions régionales a nécessité la création de 17 postes supplémentaires.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
26
-
création de postes au sein du département digital, dont les effectifs travaillant
pour la BdT sont passés de 30 à 88 agents permanents.
Les effectifs de la BdT sont ainsi passés de 1616 agents permanents mi 2018 à 1733
agents à la fin 2021. La prise en compte des fonctions transférées à l’
établissement public porte
à 251 la croissance des effectifs depuis la création de la BdT, soit une progression de +16 %.
1.3.1.2
Des besoins de recrutement à mieux étayer
Pour justifier la progression de ses effectifs, la BdT met en avant la hausse de son
activité d’investissement, les conséquences de la loi Pacte et des exigences de l’ACPR sur le
suivi des risques, ainsi que les besoins liés aux programmes gouvernementaux et au PIA.
Justifications apportées à la croissance des effectifs de la BdT
Mise en conformité
Loi Pacte
17
Évolution des mandats confiés à la BdT
PIA
20
Maisons France Service
4
Action cœur de ville
37
Plan logement
12
Plan de relance
28
Front Office Bancaire
20
Modernisation et adaptation au volume
d'activité
Blockchain / IA / Data
13
Évolution volume d' activité
36
Total des effectifs supplémentaires nécessités de juin 2018 à fin 2021
187
Source : BdT
Exception faite de l’internalisation du
« front office » bancaire auparavant assuré par la
DGFIP, qui correspond bien à une modification de périmètre, ce qui est présenté comme une
« évolution des mandats confiés à la BdT » ne justifiait pas de manière évidente un renfort
d’effectifs
. La contribution de la BdT
à plusieurs plans gouvernementaux s’inscrit en effet dans
la continuité des activités préexistantes, qu’il s’agisse du Plan logement, du Plan de Relance, et
dans une large mesure du PIA. Si elle est c
onstitutive d’une charge de travail accrue, celle
-ci
est par ailleurs comptabilisée au titre de l’évolution du volume d’activité, justifiant d’après cette
présentation un renfort de 36 agents. Les activités de « blockchain »
et d’intelligence artificielle
(renfort de 13 agents) n’ont qu’un lointain rapport avec les missions de la
BdT
20
.
La croissance des effectifs s’explique plus fondamentalement par la nature du projet
BdT qui est un projet de développement, et non un projet de recherche de gains de productivité.
Les trois axes de ce projet (territorialisation, co-investissement, digitalisation) sont autant
20
Les agents chargés de ce domaine au sein du département digital sont d’ailleurs affectés à l’établissement public
CDC et non à la BdT d’après l’organigramme transmis à la Cour.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
27
d’axes structurant la politique de recrutement, en sus des redéploiements effectués en interne
.
S’agissant du réseau, les recrutements renvoient au ren
forcement de son pilotage opérationnel
et à la réaffirmation de sa vocation de proximité. La Cour avait préconisé une orientation
différente à l’issue de son enquête de 2015, où elle plaidait pour un resserrage permettant de
dégager des économies, dans une
perspective qui n’était pas celle d’un projet de
développement.
La croissance des effectifs porte par ailleurs la marque de la priorité accordée à la
digitalisation de l’offre, dont les retombées sur l’activité de la BdT demeurent hypothétiques
(contrairement à la numérisation des process, qui est largement engagée). Elle reflète également
les besoins liés au dynamisme de l’activité d’investissement. L’augmentation du nombre de
lignes gérées par la direction des investissements et par le réseau nécessitera en tout état de
cause une optimisation du temps passé dans les organes de gouvernances des sociétés dans
lesquelles la BdT détient des participations.
Le suivi de la productivité par agent (montant d’investissements ou de prêts, nombre de
dossiers par ag
ent) fait l’objet d’indicateurs de performance opérationnelle. Leur évolution
depuis 2019 ne montre pas une amélioration notable, qu’il s’agisse des délais de traitement des
dossiers ou des coûts d’instruction. C’est également le cas du nombre de dossiers
ou des
montants prêtés ou investis par ETP (tableau n°6).
Indicateurs quantitatifs de productivité par ETP
2019
2020
fin
sept
2021
cible
2021
Nombre de contrats signés par le métier prêteur (prêts)/ETP
74,6
69,8
57,3
75
Nombre de réaménagements de prêts (lettres d'offre)/ETP
24
25
18,4
22
Nombre de dossiers d'investissement engagés à la DI et la DR /ETP
0,98
1,32
1,42
1,18
M
ontants engagés par ETP à la DI et à la DR (en M€)
5,3
8
12,6
5,7
Nombre de lignes suivies par gestionnaire d'actifs
17,6
17,9
18,5
18,9
Évolution du nombre de prêts aux professions juridiques
1260
1724
1170
1600
Nombre de prêts signés sur les professions juridiques / ETP
21,3
15,4
ND
Source : BdT
La BdT affirme que les créations de poste devraient être plus limitées à
l’avenir
: elles
concerneraient au premier chef l’activité d’investissement, qui bénéficierait de 60 créations de
postes sur la période 2022-2026, soit une nouvelle augmentation de 25 %. Le réseau
bénéficierait d’un renfort net de 20 agents
, la direction des prêts et la direction des clientèles
bancaires perda
nt chacune de l’ordre de 10 agents
.
Si des efforts sont faits par deux directions, dont l’une (la direction des clientèles
bancaires) a déjà vu ses effectifs décroître avant la création de la BdT, la tendance reste
haussière, portée par l’augmentation prévisible des opérations d’investissement. Il serait
nécessaire d’étayer davantage les besoins dans ce domaine, tout en tenant compte des
obligations de suivi des projets soutenus par la BdT, ainsi que des contraintes associées au choix
de la proximité territoriale. La BdT devrait par ailleurs explorer, conjointement avec
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
28
l’
établissement public,
la piste de gains de productivité sur les fonctions support, annoncés lors
de la création de cette nouvelle entité fonctionnelle, mais non réalisés par la suite.
1.3.2
Une progression des dépenses à contenir
1.3.2.1
Des charges de fonctionnement composées pour plus de moitié de charges
refacturées par les services centraux de la Caisse
Les charges de fonctionnement de la BdT (hors SCET et CDC Habitat)
s’élevaient en
2020 à 460 M€, répartis entre 209 M€ de masse salariale et autres frais de personnel, 9 M€ de
frais budgétés directement, et 243 M€ de charges refacturées par la Section générale
. Le poids
des charges refacturées traduit la nature de grande direction « métier » de la BdT, dont
l’essentiel des fonctions support est assuré par l’
établissement public. Les transferts de
personnel vers les services centraux de la CDC, perceptibles dans les montants des charges
indirectes « ressources humaines » et « risques » retracés dans le tableau n°7, contribuent à
l’augmentation de la part relative des charges refacturées dans les charges de fonctionnement
de la BdT, qui passent de 48 % en 2018 à 52 % en 2020.
Évolution des charges de fonctionnement de la BdT, hors filiales, depuis 2018 (en M
)
2018
2019
2020
Prév. 2021
2021/2018
Budget
de
fonctionnement
facturation directe
207,5
213,0
217,0
231,8
12%
Masse salariale
195,8
198,3
206,6
214,9
10%
Facturation directe hors masse salariale
11,7
14,7
10,4
16,9
45%
Autres frais de personnel
1,7
1,7
1,5
2,7
63%
Frais logistiques
8,3
9,6
5,1
9,5
15%
Services extérieurs divers
1,7
3,4
3,9
4,6
170%
Budget
de
fonctionnement
facturation indirecte
194,9
237,7
242,7
249,0
28%
Communication
8,0
11,6
10,8
14,6
83%
Immobilier
26,5
25,2
26,6
27,0
2%
Juridique et fiscal
7,7
16,0
17,6
18,2
136%
Moyens généraux
7,9
6,8
6,7
7,5
-6%
Prestations sociales
9,0
8,8
9,1
8,6
-5%
Ressources humaines
32,7
41,9
40,9
42,1
29%
Risques, audit et contrôle interne
6,9
23,4
27,8
28,5
313%
Systèmes d'information
96,1
104,0
103,1
102,5
7%
Total budget de fonctionnement
402,4
450,7
459,7
480,8
19%
Source : CDC
BdT. « Budget consolidé BdT » et « Charges services centraux pour la BdT » Unité
: M€
Le montant total facturé au titre des services centraux de l’
établissement public (249
M€
en 2020 dans la présentation ci-
dessus) est inférieur de l’ordre de 60 M€ à ce qui r
essort des
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
29
comptes de résultat analytiques (311 M€ en 2020) utilisés pour construire les
perspectives
stratégiques à moyen terme (cf. partie 3). Cette discordance tient à la prise en compte dans les
comptes de résultat analytique des charges dites de gestion de bilan, correspondant aux
fonctions de pilotage de la CDC, qui ne sont pas notifiées aux différents métiers dans le cadre
de la procédure budgétaire. Elle témoigne des progrès qui doivent encore être faits pour
homogénéiser l’information financière au
sein de la Caisse, en particulier celle permettant
d’analyser les charges de fonctionnement
.
1.3.2.2
Une dynamique de lancement de projet encore à l’œuvre sur de nombreux postes
Charges directes et indirectes confondues, les moyens de fonctionnement de la BdT ont
cru de 19 % de 2018 à 2021, la progression la plus significative étant enregistrée en 2019
(+12 %), la plus faible en 2020 (avec en particulier des frais logistiques réduits en période de
confinement).
Ce dynamisme des dépenses, correspondant à la période de lancement du projet,
s’atténue ensuite dans les projections de la CDC, la croissance annuelle des charges de
fonctionnement
devant s’établir
autour de 2,5 % dans la période 2021-2026.
L’élément le plus
moteur dans la croissance des charges de fonctionnement est constitué par la hausse des
effectifs, dont l’impact n’est pas directement perceptible en raison des transferts opérés vers la
Section générale.
Si on fait l’hypothèse, nécessairement simplificatrice, que l’augmentation des
lignes ressources
humaines et risques entre 2018 et 2019 (soit + 25,7 M€) correspond à autant
de dépenses en moins au titre de la masse salariale de la BdT, et si on redresse la masse salariale
2021 du montant de ces dépenses, on parvient à une croissance de la masse salariale de +50
M€, soit + 23 % en trois ans (+7,1% de croissance annuelle moyenne)
.
Parmi les autres charges en facturation directe (entre 10 et 14 M€ hors dépenses de
personnel), les postes les plus dynamiques sont ceux des services extérieurs divers (de 1,7
M€
en 2018 à 4,6 M€ en 2021), qui recouvrent notamment les études et prestations intellectuelles,
dont les frais de propriété intellectuelle de la plate-forme digitale en cours de développement.
À
l’inverse, les frais de mission ne retrouvent pas en 2021 le niveau qu’ils avaient avant la crise
sanitaire (0,9 M€ en 2021 contre 2,3 M€ en 2019), et qu’ils devraient retrouver en 2022
. Les
charges refacturées par les services centraux de la CDC progressent de 28 % de 2018 à 2021,
cette progression étant ramenée à 15 % (soit 4,6 % de croissance annuelle moyenne) après
neutralisation de l’impact des transferts d’effectifs depuis la
BdT. Cette hausse recouvre une
forte croissance des dépenses de communication (+ 83 % de 2018 à 2021, où elles atteignent
14,6 M€), re
flet des efforts engagés par la BdT pour asseoir son image auprès du public.
Le doublement des charges juridiques et fiscales, de 7,7 M€ en 2018 à 18,2
M€ en 2021,
est imputable à la hausse des opérations d’investissement, consommatrices de ce type de
prestations.
Le budget informatique, qui avoisine les 100 M€ annuels, est stable mais d’un
montant conséquent, en relation avec les travaux engagés sur les principaux SI métier.
Quatre ans après le lancement de la Banque des territoires, la nouvelle entité
f
onctionnelle a atteint son organisation cible. Elle devrait désormais pouvoir s’engager dans la
recherche d’efficience, sur tous les postes de dépenses dont elle a la maîtrise directe (dont le
digital) ou qu’elle contribue à piloter (dépenses de communication visant à promouvoir l’image
de la BdT). Une piste pour la maîtrise des charges pourrait consister à maintenir certaines
économies faites en période de crise sanitaire, en limitant les déplacements et en ayant
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
30
davantage recours que par le passé aux contacts à distance. Plus généralement, la BdT doit
passer d’une logique de lancement de projet, accompagnée de recrutements et d’achats de
prestations externes, à une logique de fonctionnement en rythme de croisière plus économe en
termes de moyens. Outre la recherche de gains de productivité sur les fonctions support, la BdT
doit désormais s’engager dans une stabilisation de ses effectifs et de ses charges de
fonctionnement.
Recommandation n° 3.
(CDC) : Engager une stabilisation des effectifs et des charges de
fonctionnement de la Banque des territoires.
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
La création de la Banque des territoires se veut un projet ambitieux de transformation
des activités de soutien au développement local de la CDC en les regroupant dans une même
entité fonctionnelle. Ce projet poursuit plusieurs objectifs : renforcer la légitimité des mandats
publics de la CDC auprès de ses clients historiques (collectivités, entreprises publiques locales,
organismes de logement social, professions juridiques) et des pouvoirs publics en répondant à
leurs attentes, développer un nouveau modèle économique de distribution omnicanale
associant plateforme et réseau territorial, à horizon 2030. Ce réseau territorial a été
réorganisé, et son rôle de
pilotage commercial à l’échelle de circonscript
ions territoriales infra
régionales renforcé.
La première phase de digitalisation, de modernisation des systèmes d’information
métiers et de simplification des processus métiers est en cours, avec des premiers retours qui
confortent la démarche engagée to
ut en mettant en évidence l’attractivité limitée de certains
produits (prêts sur Fonds d’épargne).
Les perspectives de la plateforme digitale doivent être
reconsidérées de manière à dégager une rentabilité.
Le dispositif de suivi et de pilotage transversal du projet est perfectible et appelle une
clarification des objectifs de court et moyen terme et des indicateurs
associés. S’ils permettent
un suivi fin de l’activité des différents métiers, les indicateurs de performance opérationnelle
et de performance extra-financière (lutte contre les fractures territoriales, objectifs de
développement durable) en lien avec l
a promesse de développement d’une «
banque à impact »
sont encore en construction.
L’organisation des fonctions support comme la comitologie et le
s relations avec les
filiales attestent de l’étroitesse des relations entretenues par l’entité fonctionnelle Banque des
territoires avec l’
établissement public
CDC dont elle demeure l’une des composantes.
Alors
qu’une économie de 20 % sur les fonctions sup
port était escomptée lors de la création de la
BdT, celle-ci a depuis renforcé ses effectifs, en croissance nette de 16 % depuis 2016. Il est
aujourd’hui
nécessaire d’étayer davantage les besoins
de recrutement, de tirer les
conséquences des faibles retombées commerciales attendues de la plateforme numérique, et de
dégager
conjointement avec l’
établissement public les gains de productivité sur les fonctions
support évoqués lors de la création de la BdT.
Le temps est venu de
passer d’une logique de lancemen
t de projet, accompagnée de
recrutements et d’achats de prestations externes, à une logique de fonctionnement en rythme
de croisière
accompagnée d’une stabilisation des effectifs et des charges d’exploitation. Une
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
31
telle évolution est d’autant plus impérati
ve que les fragilités du modèle économique de la
Banque des territoires n’apparaissent pas toutes pouvoir être traitées par le renforcement de
sa force de frappe commerciale.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
32
2
DES RESULTATS A CONSOLIDER
La Banque des territoires inclut plusieurs activités de la CDC (conseil aux entités
publiques locales, investissement dans des projets soutenant le développement territorial,
distribution des prêts du Fonds d’épargne, banque du service public de la justice) entre
lesquelles il existait auparavant peu d’interactions au sein de l’établissement public ou au sein
du réseau. Les promoteurs du projet attendai
ent du regroupement de ces activités au sein d’une
même entité l’émergence de synergies démultipliant l’action de la Caisse des dépôts au service
du développement territorial.
Les développements ci-après présentent les enjeux propres à chacun de ces domaines
d’activité, qui ne sont que très partiellement des enjeux de mise en relation commerciale, ainsi
que les évolutions constatées depuis la création de la BdT.
2.1
Le soutien aux activités de conseil des collectivités
2.1.1
L’activité d’ingénierie de la BdT, une activité subventionnelle destinée à
favoriser l’émergence de projets locaux
Comme le souligne un rapport du Sénat de 2020, l
’expression «
ingénierie territoriale »
relève davantage d’une reconnaissance technique que d’une définition juridique
21
. Définie de
manière très large comme « les moyens et compétences des territoires pour mener à bien leur
projet », l’appellation d’ingénierie territoriale
regroupe des actions de natures diverses telles
que
«
des concepts, méthodes, outils et dispositifs mis à disposition des acteurs des territoires,
pour accompagner la conception, la réalisation et l'évaluation des projets de territoire. Cela
concerne non seulement les acteurs du développement local, élus, habitants et animateurs
locaux, mais aussi l'ensemble des acteurs confrontés aux enjeux du développement
territorial».
22
Les administrations publiques locales représentaient près de 58 % des dépenses
d’investissement public, au sens de la formation brute de capital fixe, soit 46,3 Md€ en 2020.
Dans ce contexte, l
’activité d’ingénierie de la BdT est une activité subventionnelle
effectuée
dans le but d’alimenter un flux de projets territoriaux en lien avec les missions
d’intérêt général
de la CDC.
L’observatoire de la commande publique, mis en place par l’Assemblée des
communautés de France (AdCF) avec le soutien de la BdT, estime le montant total des marchés
d
ingénierie des collectivités associés à ces dépenses
à
1,2
Md€
23
en 2020, dont la moitié
21
La seule référence étant la mention «
mise en œuvre d’opérations d’ingénierie financière à vocation régionale »
à l’article L. 4211
-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT)
22
Rapport d’information sur l’ingénierie territoriale et l’agence nationale de la cohésion des territoire
s, Délégation
aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Juillet 2020.
23
Le rôle du Cerema en matière d'appui aux collectivités territoriales - Renforcer son activité au bénéfice des
collectivités locales, rapport CGEDD-IGA, 15 juin 2021.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
33
relèverait de l’ingénierie technique. L
es dépenses de la BdT à ce titre représentent près de 125
M€ en 2020
.
La création de la
BdT a été l’occasion de réorganiser l’activité d’ingénierie de la CDC.
Un département de l’appui aux territoires a été créé en 2020 dans la direction du réseau afin de
mieux
valoriser l’offre de la BdT vis
-à-vis des collectivités, de traiter les demandes des petites
collectivités et d
’enrichir l’offre
digitale des directions régionales. Il regroupe les services
chargés des partenariats avec les associations d’élus
, de la rédaction d
’un
quotidien en ligne
« Localtis »
24
destiné aux collectivités, de l'ingénierie et de l'expertises territoriales et l'entité
Territoires Conseils
25
. Au titre de l’ingénierie, l
a BdT apporte également un appui aux porteurs
de projets locaux en finançant des prestations de services qui se répartissent en trois catégories :
- ingénierie dite « amont » : études à caractère général, stratégique ou thématique,
études de planification et de préfiguration) pour aider à formaliser une approche prospective et
stratégique sur un secteur d’activité ;
- i
ngénierie d’assistance à maîtrise d’ouvrage ou d’études de faisabilité, déployée en vue
de montages investisseur, ingénierie pour accompagner les participations de la BdT ;
- ingénierie pré-
opérationnelle pour sécuriser un projet d’investissement identifié
(études de marché, plan d’affaires, montage juridique, gouvernance, pacte d’actionnaire) ou un
projet de désinvestissement.
2.1.2
Des dépenses en augmentation sur la période, supports de la mise en œuvre de
programmes nationaux d’aménagement
Le soutien de l’ingénierie est considéré comme décisif par la BdT pour accélérer et
sécuriser les dépenses des programmes d’aménagement annoncés par les pouvoirs publics (cf.
Annexe n° 5
). La CDC revendique d’avoir été
précurseur
des programmes Action Cœur de
Ville et Petites Villes de demain en lançant en 2014 des actions pour la revitalisation des centres
bourgs intégrant des soutiens à l’ingénierie (financement de
chefs de projets, études) afin de
favoriser l’émergence de projets nécessitant prêts ou investissements en fonds propres.
La BdT achète des prestations de conseils ou d’études pour son bénéfice ou celui des
porteurs de projets locaux, en tant que commanditaire direct ou cofinanceur, via les directions
du réseau et de l
investissement. Elle peut ainsi prendre en charge la totalité du montant de la
prestation, pour les cabinets pr
é
-sélectionnés par la BdT dans le cadre de marchés
à
bons de
commande, ou la moitié si le cabinet est choisi par la collectivit
é́
(80% en Outre-mer), ou bien
verser des subventions.
Depuis 2018, la BdT s’est ainsi engagée sur près de 400 M€ de
prestations de conseil dans le cadre de programmes nationaux dont le détail figure en tableau
n°8. Elle les associe à des enveloppes de prêts sur F
onds d’épargne ou d’investissements en
24
Analyse les politiques publiques via des newsletters quotidiennes (22 000 abonnés) ou hebdomadaires (28 000
abonnés).
L’essentiel des abonnés sont des collectivités territoriales
.
25
Rebaptisée « Territoires Conseils » en 2018 en prenant la suite de « Mairie Conseils », elle comprend un service
téléphonique de renseignements juridiques et financiers (10 000 questions /an en moyenne, dont 87% de
communes de moins de 3500 habitants).
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
34
fonds propres illustrant le « continuum
» d’offres BdT sur la chaîne du développement local
,
récapitulées dans le tableau n°8.
Montants des interventions financières annoncées par la CDC
BDT dans le cadre des
programmes nationaux, par métiers
Montants annoncés par programmes
Métiers BdT
(ressources)
Action Cœur
de Ville
2017-2022
Petites Villes
de Demain
2020-2026
Territoires
d’industrie
2018-2024
Politique de la ville
Renouvellement urbain
2014-2020
2021-2023
Ingénierie (dépenses
subventionnelles)
100 M€
200
M€
26 M€
100
M€
*
75
M€
Investissements
(fonds propres CDC)
900 M€
100 M€
800 M€
250
M€
*
150
M€
Prêts (ressources
Fonds d’épargne)
700 M€
-
250 M€
9,5
Md€*
-
Source : CDC- BdT
–* montants des interventions réalisées dans le cadre de la convention avec l’ANRU
Les interventions au titre des programmes Petites Villes de Demain et de
renouvellement urbain ont débuté postérieurement à la période considérée pour le contrôle de
la Cour. Pour les
programmes Action Cœur de Ville et Territoires d’Industrie
, les interventions
réalisées sont en ligne avec les montants annoncés, comme le montre le tableau n°9.
État
d’avancement des interventions CDC
-
BDT dans les programmes Action Cœur de
Ville et Territoires d’Industrie (M€
)
Métiers BdT
(ressources)
Action Cœur de Ville
2017-2022
Territoires d’industrie
2018-2024
Ingénierie (dépenses
subventionnelles)
75
5
Investissements (fonds
propres CDC)
274,6
396
Prêts (ressources Fonds
d’épargne)
721
14,6
Source : CDC- BdT, bilan au 30 juin 2021.
Les dépenses d’ingénierie correspondent, comptablement, à des charges liées à
l’exercice des missions d’intérêt général
et déductibles du PNB
26
. Elles constituent des
«
budgets d’actions » équivalents aux budgets d’intervention des établissements publics.
Le
montant des dépenses constatées au titre des marchés de prestations intellectuelles et services
26
Selon la doctrine comptable en vigueur à la CDC, les charges déductibles du PNB sont constituées à la fois par
les charges liées à l’exercice des activités bancaires courantes, à l’instar des établissements de crédit et par les
charges liées à l’exercice des missions d’intérêt général de la CDC
. Ces dernières représentent des dépenses de
services non marchands au sens de la comptabilité nationale.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
35
RH
27
de la BdT sur la période 2016-2021
s’élève à 140 M€ (HT), auquel s’ajoutent des
subventions à hauteur de 150 M
€.
(cf. Annexe n° 6). Elles sont en croissance sur la période.
Dans un contexte de réorganisation des interventions publiques en matière d’ingénierie
territoriale, la Cour avait recommandé en 2016 de clarifier l’articulation des interventions de la
CDC avec celles de l’État. La CDC a renforcé cette activité en se posi
tionnant avec la BdT
comme un partenaire des établissements publics, l’Agence nationale de la cohésion des
territoires (ANCT), le Cerema
28
et l’ADEME, avec lesquels elle a signé des conventions.
L’articulation de la BdT avec l’ANCT en particulier a fait l’o
bjet de nombreuses
interrogations, notamment de la part de la Commission de surveillance et des collectivités
territoriales. La BdT participe au Comité national de coordination des différents opérateurs
intervenant dans les champs de compétence de l’ANCT,
et son implantation territoriale est
complémentaire de l’ANCT qui s’appuie sur les
préfets de département. Avant la création de
l’ANCT, la CDC était déjà liée par des conventions avec le Commissariat général à l’égalité
des territoires et l’EPARECA
, qui ont été regroupés au sein de l'agence. Comme prévu par la
loi, la BdT et l’ANCT ont signé une convention de partenariat le 1
er
septembre 2020. Si
«
chacune des parties reste seule décisionnaire des moyens financiers, matériels et humains
qu’elle entend affecter à l’exécution de la convention
», la BdT doit «
identifier et mettre en
œuvre des enveloppes de crédits d’ingénierie et de financement de long terme
». La convention
cite
les programmes dans lesquels la BdT est déjà partenaire (Action Cœur de Ville,
France
services, Hubs territoriaux pour faciliter l’inclusion numérique et Territoires d’industrie).
L’offre de la BdT en matière d’ingénierie est déconcentrée, à la différence de celle de
l’ANCT, qui dispose d’un budget national de l’ordre de 10 à 20
M€/
an pour intervenir de
manière ciblée
en l’absence d’une offre locale suffisante en terme d’ingénierie ou en renfort
pour la gestion de projets complexes. La BdT se positionne ainsi comme un opérateur qui
décline les orientations des pouvoirs publics en matière de ciblage territorial et de critères de
sélection des projets, tout en participant à leur définition.
Ce
tte logique d’intervention en lieu et place de l’Etat
est poussée à son maximum dans
le programme « Petites Villes de Demain
» piloté par l’ANCT
, annoncé en 2021. Afin de
faciliter l’accès des bénéficiaires au financement BdT des chef de projet (45 M€)
, celui-ci va
être confié par convention à l’ANCT et la DGCL. Les
aides de la BdT seront ainsi attribuées
en parallèle avec celles
de l’ANAH, dont le circuit d’instruction est déjà en place et bien
identifié par les collectivités. Par ailleurs, la BdT indique avoir
accepté d’expérimenter le
positionnement de l’ANCT en «
guichet unique de l’ingénierie
» en confiant l’intermédiation
de ses aides aux préfe
ts, délégués territoriaux de l’ANCT dans
les régions Centre-Val de Loire
et Bretagne. Ce sont donc les directions départementales des territoires, placées auprès des
préfets de département, qui sont chargées
d’en faire connaître les conditions et de les attribuer
selon le « r
éférentiel d’ingénierie » établi par la BdT
, dont les crédits vont transiter par un fonds
de concours de la DGCL.
Le développement du métier d’ingénierie et les dépenses publiques associé
es sont
justifiées selon la BdT par leur effet levier sur les dépenses publiques et privées
27
Charges déductibles du PNB, dépenses de fonctionnement (études et prestations), investissements SI
28
L
e CEREMA se positionne sur l’ingénierie
de second niveau et
d’expertise.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
36
d’investissement
. Un rapport de la SCET
d’
avril 2022
29
, fondé sur les retours d’expérience de
l’accompagnement de plus de 400 collectivités locales, met en avant des
effets d’accélération,
de sécurisation et d’amélioration qualitative des projets, entraînant près de 50% de retombées
économiques supplémentaires. Selon cette étude,
l’effet levier serait supérieur au multiplicateur
habituel de la dépense publique, et 1 €
de dépense publique consacré à l’ingénierie territoriale
permettrait
de sécuriser en moyenne 117€ d’investissement public
. Au-delà de ces retours
d’expérience et de ce bilan global, une meilleure évaluation de l’empreinte territoriale et de
l’impact des programmes, dont l’effet est souvent différé dans le temps, reste un objectif à
atteindre pour la BdT.
Cette augmentation des dépenses témoigne des limites de la montée en puissance des
collectivités
qui devaient prendre le relais de l’
État pour les activi
tés d’ingénierie
, y compris
pour assurer une péréquation au bénéfice des plus petites collectivités. Elle conduit à une
débudgétisation des crédits d’ingénierie de l’
État, remplacés par des soutiens de la BdT. Par
ailleurs, l
’absence de conditionnalité ent
re
l’ingénierie territoriale
réalisée ou subventionnée
par la Banque des terrioires
et la réalisation d’un investissement ou la délivrance d’un prêt
ne
lève pas complètement les
interrogations sur le risque de conflit d’intérêt
résultant de la
coexistence de ces activités au sein de la BdT
.
2.1.3
La SCET, une filiale commerciale au modèle économique incertain
Ex-filiale de la Société Nationale Immobilière (devenue CDC Habitat), la SCET a été
transférée à la CDC en 2012. Elle
a fait l’objet d’une revue stratégique qui s’est achevée en
2014, qui a
souligné l’érosion de ses revenus récurrents (prestations et mise à disposition de
personnels dans les EPL, gestion de sociétés) et les problèmes de compétitivité de la SCET sur
les prestations d’expertise, dans
un secteur du conseil aux collectivités très concurrentiel,
comme le notait la Cour en 2016
30
. La Cour avait formulé huit recommandations sur la
gouvernance, la réorganisation du dispositif territorial, la comptabilité analytique, l’offre
commerciale et l’élaboration d’un plan d’affaires sur
cinq ans. La plupart de ces
recommandations
sont toujours en cours de mise en œuvre, dont certaines tardivement (
en 2021
pour la gouvernance).
Le PMT 2015-2019 validé par la CDC et la SCET sur la base de travaux du cabinet
Roland Berger
s’est
avéré beaucoup trop optimiste. Après une première augmentation de capital
de 10
M€
en janvier 2016, une seconde augmentation de capital de 15
M€
a été accordée en
mai 2018 dans le cadre de son arrimage à la BdT et pour accompagner la réduction des effectifs
sur ces marchés en déclin. Ce déclin
s’est accentué
en 2018 et 2019 en raison de
l’impact de la
loi ELAN qui a conduit à une concentration des clients de la SCET, du transfert des activités
de management de sociétés de la CDC à C
DC Habitat et d’une performance inférieure aux
projections de l’activité de
conseil.
29
L’
ingénierie territoriale, une aubaine pour les territoires (et pour la France !). SCET, Citadia, Aatiko, CEI. Avril
2022.
30
Les comptes et la gestion de la SCET (Services, Conseils, Expertises, Territoires). Exercices 2005 à 2015.
Rapport particulier de la Cour.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
37
Ainsi, depuis 2015, la SCET a réalisé environ 10
M€
d’investissements
en croissance
externe et a accumulé près de 15
M€
de pertes liées à la baisse de son chiffre
d’affaires
plus rapide
que celle de ses charges, à des coûts de restructuration et à des investissements dans sa
transformation digitale. En parallèle, le c
hiffre d’affaires
de la SCET a fortement diminué, de
35,4 M€ en 2015 à 22,3 M€ en 2020. L’activité des filiales s’est également dégradée sur la
période, comme le montre le tableau ci-dessous.
É
volution du chiffre d’affaires de la SCET et de ses filiales de 2017 à 2020 (en k€
)
2017
2018
2019
2020
2021
SCET
CA
32 787
29 911
26 982
22 331
21 400
Résultat
-3 860
-6 459
- 5 438
- 9251
-0,9
Citadia
CA
9 610
10464
12 946
8 209
8 300
Résultat
928
597
666
567
- 100
Aatiko
CA
2347
1967
1787
1 732
2 600
Résultat
855
457
175
181
400
CEI
CA
1731
1526
1349
1425
1 500
Résultat
400
77
46
37
100
Source : BdT - SCET
Pourtant, la CDC a accordé fin 2019 à la SCET une nouvelle augmentation de capital
de 16 M€, écartant les scénarios alternatifs de cession à un cabinet conseil (Ernst & Young
se
serait manifesté)
ou de reprise des activités de conseil d’intérêt général par la BdT.
La poursuite
de l’activité a été justifiée devant la Commission de surveillance par le caractère jugé
stratégique de l’offre
d’ingénierie
et de conseil par la BdT, même si celle-ci ne se fait que
marginalement via la SCET. Les solutions alternatives (externalisation, sous-traitance,
partenariats avec cabinets de conseil externes, ou réinternalisation
d’une
partie des équipes de
la SCET) ont été jugées insuffisantes pour remplir la promesse de
la BdT d’offrir des
prestations de conseil
et d’expertise
. Enfin, le risque de pertes de connaissance des
problématiques territoriales par des équipes structurées pour accompagner les programmes
(Action
Cœur
de Ville et Territoires
d’Industrie)
semble avoir été jugé trop élevé par la BdT.
Cette nouvelle augmentation de capital doit permettre à la SCET de retrouver un résultat
net proche de zéro à partir de 2022 (-
29 k€) et excédentaire en 2024 (+231 k€), une première
phase étant consacrée à la consolidation des activités «
cœur de métier
» par l’augmentation de
la performance opérationnelle, avant de développer un projet de nouveau
de cabinet d’études
généraliste 100 % public, ciblant l’accompagnement de projets complexes.
Une nouvelle
gouvernance est en place depuis le deuxième trimestre 2021 et un plan de transformation a été
engagé, comprenant un repositionnement stratégique des activités et un plan d’économies.
Selon la BdT et le PDG de la SCET, le c
hiffre d’affaires
du groupe SCET serait stabilisé à
33
M€ en 2021
et les indicateurs en ligne avec les objectifs de redressement fin mai 2022.
Ces différents constats amènent toutefois à s’interroger sur le modèle économique
envisagé, celui d’un cabinet généraliste orienté à 100 % sur le secteur p
ublic, un segment
particulier du marché du conseil évalué par la SCET à 1Md€ en 2020. La part de marché de la
SCET (filiales comprises) serait de 3,2%, en diminution sur la période. Dans ce contexte, les
scénarios jusqu’ici écartés de cession ou de reprise
partielle de certaines activités par la BdT
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
38
devraient être réexaminés régulièrement.
2.2
Une forte progression du volume d’investissements en fonds propres,
des risques à maîtriser
2.2.1
Des outils et des secteurs d’intervention diversifiés
La doctrine
d’investissement de la BdT
a été présentée fin 2019 à la Commission de
surveillance. Elle
s’inscrit dans la continuité de la doctrine d’investissement local de la CDC
de 2015
31
, complétée avec la description des
douze secteurs d’intervention de la BdT,
hiérarchisés selon les grands objectifs du PST (« Territoires + ») et des priorités du plan de
relance : (i) investir dans la transition
écologique, (ii) soutenir les entreprises et l’économie,
(iii) renforcer la cohésion sociale, (iv) agir pour le logement.
32
Afin d’éviter la concurrence avec les autres directions de l’
établissement public CDC
qui réalisent des investissements (Participations stratégiques, Gestion d
actifs) dans les mêmes
secteurs, des lignes de partages ont été
définies pour l’immobilier et le
s infrastructures. La BdT
se différencie des autres métiers d’investissements de la CDC par ses objectifs territoriaux, la
prise en compte des impacts extra-financiers pouvant justifier une prise de risque plus
importante dans les infrastructures, son intervention dans la gouvernance des sociétés en tant
qu’actionnaire minoritaire et un TRI moins élevé.
Selon la doctrine présentée, la BdT investit dans des projets de développement aux côtés
d’autres
investisseurs publics ou privés en privilégiant les dossiers à retombées extra-
financières et environnementales. Elle peut pallier la carence de
l’initiative privée
tout en
respectant les règles de marché (
pari passu)
. Elle intervi
ent en tant qu’investisseur avisé
d’intérêt général
, en réponse à un besoin
collectif explicitement formulé par l’État, une
collectivité publique ou un acteur privé,
pour pallier l’insuffisance de l’initiative privée et
contribuer au renforcement de la cohésion sociale et territoriale dans les territoires en
« décrochage » ou de « reconquête ».
L’investisseur BdT se positionne ainsi comme accompagnateur de projets d’initiative
publique ou privée, conjointement avec des partenaires privés, banquiers et/ou industriels et en
mobilisant d’autres ressources (subventions publiques, créd
its bancaires, fonds européens). La
position d’actionnaire minoritaire est recherchée car elle permet de convaincre des investisseurs
privés en limitant et partageant leur risque. Un « comité produit » est garant du processus
d’élaboration et d’évolution de la doctrine d’investissement
. Les fonds propres investis visent
à générer un effet de levier significatif
33
. À
toutes les étapes de la vie d’une opération, le
31
Élaborée en 2015 par
la direction de l’investissement et du développement local
32
Se
traduisant notamment par la possibilité d’investir dans des structures d’exploitation des investissements
immobilier, y compris dans le secteur du tourisme et des possibilités de dérogations au TRI cible.
33
Pour un 1 Md
investi en fonds propres, la BdT estimait avoir généré un montant de 7 Md
de projets, soit un
effet levier global de 7 en 2018. Cet indicateur n’a pas été actualisé depuis. Par ailleurs, l’effet d
e levier par projet
peut varier de 1 à 8 selon la CDC.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
39
montage financier ne doit pas engager la CDC comme actionnaire majoritaire ou exerçant un
pouvoir de contrôle dominant. Des dérogations à cette règle sont possibles, mais doivent rester
limitées en nombre et en montant.
La doctrine mentionne quatre types d
’intervention
: crédits d’ingénierie
, fonds propres;
quasi fonds-propres (prêts subordonnés, prêts mezzanine) ; prises de participations directes
(
Corporate venture
), qui peuvent être mobilisés pour des projets dans six segments
thématiques : Économie et cohésion sociale, Économie mixte et filiales, Infrastructures et
transport, Transition énergétique et écologique, Transition numérique ville immobilier et
Tourisme. L
’ensemble
est financé sur les fonds propres de la Section générale et fait appel à
des véhicules diversifiés comme le montre le tableau ci-dessous.
Modalités d’investissements de
la direction BdT par catégorie d’actifs sous
-jacents.
Interventions directes
Interventions indirectes
Infrastructures
Sociétés de projet ad hoc (SPV)
Structures Holding détenant des SPV
Fonds
Équipements
Sociétés de portage
Immobilier
Sociétés de
portage d’actifs (SCI, SAS, SA)
Foncières nationales dédiées à un seul opérateur
Foncières thématiques locales (multi-projets)
Entreprises
Sociétés d’économie mixte (SEM)
Économie Sociale et Solidaire
Corporate Venture
Source : CDC - BdT
Selon la doctrine, 80 % est investi sous forme de participations directes dans les sociétés
de projets, sociétés de portage d’actifs immobiliers, foncières nationales ou thématiques locales
ou SEM. La prise de participation directe dans des entreprises (
Corporate
venture) est limitée
à 5 % maximum du portefeuille
, s’agissant d’une
poche de risque élevée
, et l’
investissement
dans des fonds est limité à 15 % maximum, ce qui pose toutefois la question de leur articulation
avec Bpifrance. La BdT et Bpifrance sont censées intervenir en complémentarité dans le secteur
du tourisme
34
, de l’industrie
35
ou en cofinancement
36
, la BdT se concentrant sur les entreprises
publiques locales et les infrastructures.
Depuis 2021, les cibles en matière de TRI prévisionnel, de rendement annuel, de durée
de détention et d’impacts extra
-
financiers pour chaque classe d’actif et cha
cun des six segments
d’intervention
déclinés en 138 sous-segments sont annexées à la doctrine et mises à jour chaque
année en fonction des évolutions du contexte économique. Le
s prévisions d’investissements
34
Garantie de la BdT pour le Prêt Tourisme de Bpifrance
35 Financement du « contenant » - foncier, murs, aménagements immobiliers par la BdT et du « contenu » i.e. les
entreprises elles-mêmes, par Bpifrance.
36
Souscriptions de la BdT aux fonds Bpifrance « Patient Autonome », aux fonds FIT et FAST pour les entreprises
du tourisme, etc.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
40
s’intègrent ainsi dans la programmation financière pluriannuelle de la CDC (PFP)
37
, résultant
ainsi
d’un processus d’allocation par macro
-
classe d’actifs
en tenant compte du modèle
prudentiel.
Le cadre d’intervention commun à l’ensemble des investissements de la BdT
prévoit un
TRI moyen pondéré de 4 %, qui permet
d’in
vestir dans des projets présentant un profil
rentabilité/risques moins favorable
selon une logique de péréquation avec d’autres op
érations à
rentabilité plus élevée. C
es modalités sont assorties d’exceptions
et
peuvent faire l’objet
d’ajustements, présentés le cas échéant en comité d’engagement
.
2.2.2
Une stratégie de croissance des investissements en fonds propres dans
l’immobilier, les
infrastructures et les entreprises
2.2.2.1
Une relance des investissements amplifiée avec la BdT
Historiquement, les investissements territoriaux se concentraient sur les SEM et
l’immobilier
et ne répondaient pas à une logique de gestion active de portefeuille. Ainsi, fin
2017, selon un audit interne CDC, près de la moitié des lignes avaient été investies avant 2008
et représentait près de 30% de la valeur totale du portefeuille ; près de 90% des lignes investies
avant 2011 concernaient les SEM et l’immobilier
et représentait 75% de la valeur du
portefeuille. Ces participations étaient portées dans une logique patrimoniale de long terme.
Dès 2015, la CDC affiche un objectif de relance des investissements de 700 M€ / an sur
la période 2017
2022, pour un stock de 6,89
Md€
en 2022 contre 2,10
Md€
fin 2015. Les
nouveaux investissements sont prévus en priorité
sur les actifs d’infrastructures, à hauteur de
plus de 60% des engagements, pour une valeur prévisionnelle de 3,6
Md€
en 2022. En effet,
s
elon l’analyse rendem
ent / risque réalisée globalement dans le cadre de la PFP, les
infrastructures constituent une classe d’actifs
jugée attrayante par la CDC en raison de la
prévisibilité de ses rendements
38
, projetés sur 5 ans à 6 % et une source de diversification par
rapport aux actions, avec toutefois une consommation de fonds propres entre 50 et 60 %.
Ces objectifs sont en passe d’être atteint
s : la valeur du portefeuille de participations
s’élève à
6 144
M€
39
au 31 décembre 2021 contre 3 950
M€ à fin décembre 2018
. Cette
augmentation résulte de la croissance du flux d’investissements annuels (
392
M€ en 2018
,
1 291
M€ en 2021
),
des réévaluations d’actifs et du flux de cessions
, principalement portées
par les investissements pilotés au niveau du
siège (direction de l’investissement)
.
37
La PFP définit la politique d’investissement du
groupe à horizon de cinq
ans par grandes classes d’actifs
(actions,
taux, immobilier, infrastructures) et par entité (métiers et filiales, hors F
onds d’épargne) afin de maîtriser
l’évolution des équilibres financiers (solvabilité, liquidité, résultat) qui en découlent.
38
Revenus du portefeuille (hors plus-values en capital)
39
Valeur de l’investissement à la juste valeur, avec plus et moins
-values au 31 décembre.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
41
Évolution du nombre de dossiers et des montants engagés dans le réseau et au siège
(direction de l’investissement) sur la période 2018
-2021 (M
)
2018
2019
2020
2021
Portefeuille
Nombre
Montant
Nombre
Montant Nombre Montant Nombre Montant
Total
233
392
277
826
287
1 236
333
1 291
dont siège
56
181
83
348
85
750
104
900
dont hors siège
177
211
194
478
202
487
229
391
Source : Données CDC
BdT. Calculs Cour des comptes
La CDC ne dispose d’une évaluation de son portefeuille que depuis le 31 décembre 2017
(en application de la note IFRS 9), ce qui ne permet pas de comparaison entre la période 2018-
2021 et les années précédentes.
Le montant moyen d’investissement avoisine les 4,4 M€. 9
%
des lignes et 70
% de l’encours sont investis sur des lignes de plus de 10M€. Le taux de
détention moyen par société s’élève à 27
%, avec un taux proche de 40 % sur le département
Ville, Immobilier, Tourisme. La valeur des portefeuilles Transition énergétique et écologique,
Transition numérique, Ville, Immobilier et Tourisme, augmente fortement sur la période
comme le montre le tableau n°13.
Évolution de la valeur brute des immobilisations
par segments d’intervention (valeur
brute,
M€
)
Portefeuille
2018
2019
2020
2021
CDC Économie et Cohésion sociale
215
253
422
497
CDC Économie mixte et filiales
456
519
589
687
CDC Infrastructures et Transport
884
834
823
828
CDC Transition Énergétique et Écologique
462
859
1 190
1 257
CDC Transition Numérique
264
383
362
848
CDC Ville Immobilier et Tourisme
1 444
1 291
1 648
2 065
Total
3 726
4 139
5 033
6 182
Source : données CDC
BdT. Calculs Cour des Comptes à partir de la valeur brute des investissements
Au 31 décembre 2021, les actifs infrastructures représentent 52,7 % de la valeur brute
du portefeuille, devant les actifs entreprises (19,2 %) et l’immobilier (18,4
%) (cf. Annexe n°
8). Les actifs infrastructures concernent le développement des énergies renouvelables, les
réseaux de chaleur, la filière eau et assainissement, la reconversion de friches industrielles, la
mobilité durable et le numérique (plan Très Haut débit, réseaux d’initiative privée). Les
actifs
immobiliers concernent principalement les foncières commerce «
cœur de ville
», les résidences
services seniors, hôtels hospitaliers et logements du personnel soignant et la rénovation
thermique des bâtiments, avec une extension récente au tourisme (plan de relance).
Enfin, le portefeuille entrep
rises est diversifié, conséquence d’investissements
antérieurs et d’une croissance qui se poursuit en couvrant un champ très large d’interventions.
Outre l’investissement dans les SEM, les sociétés de l’immobilier ou des infrastructures, la BdT
investit da
ns le secteur de l’économie sociale et solidaire, le tourisme social ou des entreprises
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
42
« à mission » au titre de la loi Pacte, dans le cadre de la lutte contre les fractures territoriales ou
bien dans des sociétés relativement jeunes et en croissance, don
t l’activité «
participe à la
transformation des territoires et répond à leur besoins et enjeux : mobilité partagée,
électromobilité, smartcity, e-tourisme
».
D
es exemples d’investissements
de la BdT dans le secteur immobilier en Auvergne
Rhône Alpes et dans celui du tourisme en Nouvelle Aquitaine sont décrits en Annexe n° 7 :
investissement à 100 % dans la construction d’un immeuble au titre de la politique de la
ville
en Auvergne Rhône Alpes, investissement dans des opérateurs touristiques par le biais de SEM
(SEMITOUR en Dordogne) et de société de projets (investissements liés au Futuroscope). Ils
illustrent
la plasticité de la doctrine d’investissement dans le cas de l’immobilier
(investissement à 100 % et non minoritaire) et, dans le cas du tourisme, la poursuite de
l’implication de la CDC dans des opérateurs territoriaux, coexistant avec
des activités de
pilotage stratégique de la filiale Compagnie des Alpes.
Cette diversification des investissements pose
question en termes d’articulation avec
Bpifrance et le groupe La Poste, en particulier dans le numérique. Si la BdT est censée se
concentrer sur les infrastructures et les services aux collectivités, des chevauchements semblent
avérés, par exemple avec le Fonds Ambition numérique de Bpifrance
40
ou La Poste Ventures
41
,
que ce soit en termes
de domaines d’intervention (santé ou e
-santé, gestion de données, villes
et territoires intelligents) ou de montants.
Selon la PFP 2022-2026, en date de juin 2021, la CDC prévoyait de poursuivre ce
rythme élevé d’investissements,
conduisant à un doublement du portefeuille BdT à horizon
2026 (cf. Annexe n° 8). L
e volume d’investissements
supplémentaires total
devait s’élever à
6,4 Md€ contre 5,3 Md€ sur la période 2021
-2025, intégrant les investissements décalés en
raison de la crise, la contribution au plan de relance et des investissements dans les actifs
infrastructures.
2.2.3
Une gestion plus active du portefeuille se traduisant par un raccourcissement
de la durée moyenne de détention
Compte tenu de la forte croissance de son portefeuille, la BdT a engagé une politique
active de rotation de
ses participations afin d’optimiser l’utilisation de ses ressources et
d’accompagner de nouveaux projets
. La décision de cession des participations dépend des
revenus générés qui conditionnent
l’horizon de détention
:
- pour les participations des portefeuilles Energie et environnement, Infrastructures,
Numérique qui génèrent des revenus annuels récurrents
, l’horizon de détention correspond à la
durée du projet.
L’opportunité de céder ces lignes avant la fin du projet peut être analysée selon
des critères définis (risque, orientation stratégique, évolutions de marché) ;
40
intervenant en capital-risque et capital développement dans des PME du secteur numérique pour des tickets
compris entre 1 et 10 M€
41
Le Groupe La Poste a
créé en juin 2021 un fonds chargé d’investir en amorçage dans cinq secteurs, dont la santé
et le bien-vivre, les villes et territoires intelligents, le phygital ou encore la digitalisation, avec des investissements
de 300K€ à 3M€
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
43
- pour les actifs Immobilier, Économie mixte-sociétés patrimoniales, pour lesquels les
revenus sont majoritairement dégagés à la cession,
, une étude d’opportunité de cession peut
être lancée à partir de cinq ans de détention.
La cession est envisagée lorsque les projets ont sécurisé leurs principaux objectifs en
termes d’impact territorial (par exemple, actif construit et en service, début d’exploitation)
. Les
projets ainsi « dérisqués » peuv
ent être cédés afin d’abaisser la complexité et la charge de suivi
du portefeuille. Sont également examinés les projets ayant un impact extra-financier limité, les
projets permettant de dégager des plus-values de cessions sur un marché mature et les
participations présentant des difficultés.
La rotation plus active du portefeuille engagée par la BdT se traduit par un
raccourcissement de la durée moyenne de détention, qui varie de 4 à 7 ans selon les secteurs (à
l’exception du segment Économie mixte et filiales) au lieu de 5 à 9 ans en 2018.
2.2.4
Une contribution négative au PNB de la BdT sur la période 2018-2020, des
perspectives de redressement appelant un renforcement du pilotage des
risques
La contribution de la direction de l’investissement au PNB de la BdT est négative sur la
période 2018-
2021, avant de se redresser à partir de 2022, sous l’effet de l’augmentatio
n des
revenus
42
qui devraient doubler sur 2022-2026 par rapport 2018-2021. Cette évolution
s’expliquerait selon la BdT par l’augmentation de la part des projets récents dans le portefeuille
et la « courbe en J » des revenus caractérisant ces investissements, qui ne génèrent pas de
revenus pendant les années précédant la mise en service. Toutefois, le résultat social agrégé de
la direction de l’investissement, tel qu’il est décrit dans la comptabilité analytique de la BdT
(cf. 3.2.2.1 et Annexe n° 9), est négatif sur toute la période, le résultat agrégé devenant positif
uniquement grâce à des plus-values latentes significatives en 2025 et 2026, ce qui constitue un
pari et nécessite une grande rigueur dans le pilotage du portefeuille.
2.2.4.1
Des provisions en augmentation, concentrées sur une vingtaine d’investissements
antérieurs à la création de la BdT
Le risque lié au métier d’investisseur se mesure
ex post
par le taux de provisionnement
et
ex ante
par le classement dans une classe de risque et le choix d’un couple rentabilité / risque
considéré comme acceptable.
Le montant total des provisions augmente sur la période 2018-2021 pour atteindre un
montant total de 1 004
M€, concernant pour l’essentiel les investissements réalisés avant la
création de la BdT. Au 31 décembre 2021, sur un portefeuille composé de 1 397 sociétés, 406
font l’objet d’une dépréciation
. Ces sociétés représentent 2
387 M€, soit 39% de l
a valeur brute.
42
Dividendes et intérêts associés aux titres participatifs et prêts aux comptes-
courant d’associés
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
44
Les secteurs « CDC Ville Immobilier et Tourisme » et « CDC Infrastructures et Transport »
concentrent plus des deux tiers du montant des dépréciations.
Évolution des dépréciations constatées sur la période 2018-2020 (M
€)
2018
2019
2020
2021
Portefeuille
Montant
%
Montant
%
Montant
%
Montant
%
Ville Immobilier et Tourisme
435
63
312
54
343
42
330
33
Infrastructures et Transport
112
16
75
13
210
25
232
23
Économie et Cohésion sociale
52
8
82
14
128
16
124
12
Économie mixte et filiales
44
6
48
8
47
6
60
6
Transition Numérique
13
2
41
7
67
8
69
7
Transition écologique et économie
circulaire
40
6
20
3
30
4
188
19
Total
695
100
578
100
825
100
1 004
100
Source : CDC
BdT. Calcul Cour des comptes.
Enfin, 256 sociétés dites « sensibles
», en fonction de l’occurrence, de la probabilité et
du degré de l’aléa sont également sous
surveillance, représentant une valorisation de près de
1 577
M€.
La part des provisions dans le portefeuille diminue globalement de 19 % en 2018 à
16 % en 2021. 20 sociétés concentrent près de 70 % des moins-
values (699 M€) et
correspondent pour la plupart à des investissements effectués avant la création de la BdT dans
les infrastructures ferroviaires, le photovoltaïque, les com
merces, sociétés d’aménagement,
infrastructures aériennes et immobilier d’enseignement
.
2.2.4.2
Une gestion du portefeuille faisant appel à plusieurs méthodes
d’évaluation du
couple rentabilité/risques
Le pilotage du portefeuille fait appel à la direction de l’investissement, au département
des finances et à la direction des risques du groupe, qui participent aux décisions.
La rentabilité est évaluée par le taux de rendement interne (TRI) qui prend en compte
les flux négatifs relatifs aux décaissements et les flux positifs liés aux distributions (dividendes,
intérêts) ainsi que la dernière valorisation (éventuellement retraitée du reste à verser). Ce taux
est annualisé.
La décision d’investir est prise par un comité d’engagement après évaluation du TRI
cible à l’instruction
. Le dernier état de cet indicateur pour les investissements réalisés en 2021
fait état de TRI cible nettement plus élevés que la cible de 4 %, en raison d’engagement sur des
actifs infrastructures (numérique), comme le montre le graphique n 1.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
45
Graphique n° 1 :
Valeur de l’indicateur TRI cible à fin septembre 2021
Source : CDC
BdT
L
a décision d’investir prend également en compte le
classement en « poche de risque »
selon une méthodologie définie par la direction des finances du groupe et
fait l’objet d’
un suivi
régulier. Ce critère de « poche de risque » est multiforme. Il repose sur une appréciation
prospective, et à dire d’expert, des risques des lignes en portefeuille
, lors de
l’engagement d’un
projet.
Il fait l’objet d’un indicateur de performance opérationnelle, visant à respecter une
contrainte de 35 %
maximum d’engagements
en 2021 sur les deux poches de risques les plus
élevées (33 % en 2026). Le maniement de cet indicateur est cependant délicat en gestion, le
seuil de 35 % ayant une valeur indicative pendant l’année, afin de ne pas bloquer le flux des
investissements territoriaux de montants moins élevés. Ainsi, pour le premier semestre 2021,
58% des engagements étaient classés en poche de risque élevé, notamment en raison de deux
opérations du siège ; retraité de celles-ci, le taux était de 35%.
Au total, selon le bilan au 16 mars 2022, les classes de risques 6 et 7 (les plus risquées)
représentent 27 % du nombre de sociétés et 33 % de la valeur du portefeuille. (cf. Annexe
n° 12). Ces données ne concernent que
l’exercice 2020, pour 783 lignes, soit 86 % du périmètre
« notable » selon la BdT, montrant que cette approche est toujours en cours de déploiement.
Ces deux éléments, TRI cible et classement en poche de risque, ne donnent pas
d’indications sur la performance financière du portefeuille, qui est évaluée par deux autres
approches du TRI.
Le TRI « des lignes en gestion »
s’applique au portefeuille, en agrégeant l’ensemble des
flux et valorisations. Il est calculé sur (i) les flux rétrospectifs captés par la CDC et (ii) la
valorisation estimée à la date de clôture comptable. Il est calculé globalement. Selon la BdT,
son approche de valorisation est « prudente » afin de couvrir le risque de surévaluation des
lignes du portefeuille, ce qui peut amener des différences entre la valorisation estimée dans le
cadre des arrêtés comptables et le prix de cession réalisé au moment de la sortie de la ligne.
Le TRI « réalisé » constate la performance financière réalisée sur les lignes sorties du
portefeuille. Il est calculé sur l’ensemble des flux rétrospectifs dont le prix de cession réel de la
ligne. Ainsi, le TRI global des cessions depuis 2018 ressort à 5,2% à fin 2021, ce qui s’explique
par des plus-values significatives dans les énergies renouvelables en 2019 (Valeco, TRI
constaté de 28%), le numérique (TRI de 14%) et le secteur Économie mixte (5,4 %, à pondérer
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
46
au regard de la durée de détention des lignes) (Cf. Annexe n° 10). Le tableau n°15 illustre les
écarts entre ces différentes approches du TRI, à l’engagement (approche investisseur), en
gestion (approche prudente et prise en compte des incertitudes sur les plus-values et revenus)
et après cession des lignes.
Comparaison des TRI appliqués au portefeuille de la BdT en 2021
2021
Référence 2018-2021
TRI engagements
7,3 % (septembre 2021)
4 % (cible)
TRI en gestion
3,2 %
Non disponible
TRI constaté (cessions)
11,1 %
5,2 %
Source : CDC - BdT
L’application de ces
indicateurs de risque pour piloter le portefeuille ne semble pas
stabilisée
: seul le TRI cible fait l’objet d’un suivi au titre des indicateurs de performance
opérationnelle. Par ailleurs, selon un audit interne de juillet 2021, la rentabilité des dossiers
engagés au niveau régional, qui représentaient 30% des dossiers engagés et 3 % des montants
en 2020, n
’avait pas été évaluée
43
, ce qui illustre les risques pouvant apparaître avec la
déconcentration. Plusieurs p
oints d’attention
étaient ainsi identifiés : responsabilités à clarifier
entre département des finances et direction de l’investissement, ruptures de charges dans les
systèmes d’information front office (instruction) et middle office
, insuffisance des compétences
et des effectifs des directions régionales dans un contex
te de croissance de l’activité et risque
SI, celui-ci ne répondant pas aux exigences de contrôle interne (ACPR) ni aux attentes métiers.
Ces différents constats illustrent les enjeux opérationnels de la croissance des activités
d’investissement et de la dé
concentration des engagements, auxquels il convient de répondre.
Ils illustrent également la nécessité de renforcer le suivi de la rentabilité des
investissements par niveau de décision. À
l’heure actuelle, le réseau constitue une part
significative des c
harges refacturées à la direction de l’investissement et une part marginale des
revenus générés, contribuant au résultat social négatif de la direction sur la période ; le
redressement du résultat agrégé annoncé en fin de période repose sur des plus-values latentes
provenant pour l’essentiel de dossiers pilotés par le siège. Alors que la démarche de
performance opérationnelle permet de suivre uniquement
le TRI cible et l’évolution d
e l
’activité
par ETP
des directions de l’investissement et du réseau
(nombre de lignes suivies, montants
engagés), il conviendrait de compléter le pilotage du portefeuille par un suivi de sa performance
financière en lien avec la déconcentration des décisions
d’engagement et de cession.
Recommandation n° 4.
(CDC) : Mesurer et suivre la performance financière des
investissements par niveau de décision.
43
101 affaires
en 2020 en comité régional d’engagement pour des montants égaux ou inférieurs à 500k€, soit 66
%
du total engagé dans le réseau, dont 43 pour un montant inférieur à 20
0K€
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
47
2.3
Une activité de prêt pénalisée par le décalage persistant entre le TLA
et les taux de marché
La direction des prêts de la BdT
est l’héritière de la direction des prêts à l’habitat (DPH)
du F
onds d’éparg
ne. Comme cette dernière, elle gère les encours et organise la distribution par
le réseau de la CDC des prêts assis sur l’épargne règlementée centralisée au
F
onds d’épargne
(livret A, LDD, LEP). Ces prêts sont principalement dirigés vers le logement social, dont la
BdT assure l’essentiel du financement bancaire, et de manière subsidiaire vers d’autres projets
d’intérêt général (notamment infrastructures et secteur public local), pour lesquels ses parts de
marché sont en revanche assez modestes.
L’intégration de La Banque Postale (LBP) et de la SFIL dans le groupe CDC n’a pas eu
d’incidence sur la distribution des prêts sur
F
onds d’épargne par les équipes de la BdT. La
concurrence avec LBP est supposée évitée grâce au positionnement des prêts du Fonds
d’éparg
ne sur des maturités longues (plus de 25 ans)
44
qui ne sont en principe pas offertes par
les acteurs de marché, vis-à-vis desquels la BdT est réputée intervenir en subsidiarité. Comme
évoqué en première partie de ce rapport, cette ligne de partage peut cependant apparaître fragile,
certains acteurs de marché offrant aujourd’hui des maturités pouvant aller ponctuellement
jusqu’à 40 ans.
En 2021, l’encours des prêts portés par le
F
onds d’épargne s’élevait à 191,4 Md€, en
progression de seulement 2 % par rapport à 2018, année de création de la BdT. Cette
progression, correspondant à une croissance annuelle moyenne de 0,7 %, est l’une des plus
faibles enregistrées depuis 2007
45
. Les pr
êts signés en 2021 s’élevaient à 12,8 Md€, soit un
niveau équivalent à celui enregistré en 2018, très inférieur au montant des prêts signés au cours
des quatre années précédentes
46
. Cette activité historiquement assez faible est constatée alors
que la BdT affiche sa volonté de participer activement aux différents plans gouvernementaux
de soutien au logement et de relance de l’économie.
De fait, en dépit des efforts déployés sur le terrain par s
es équipes, et malgré l’adjonction
de ressources extérieures per
mettant de renforcer l’attractivité de l’offre
de prêts sur Fonds
d’épargne, la dynamique de croissance de cette activité apparaît enrayée,
même si la BDT est
parvenue à conserver ses parts de marché sur le financement du logement social. La rentabilité
de cette activité, déjà faible en 2016, est en outre nettement compromise. Cette dégradation
intervient alors que la collecte d’épargne a connu une croissance spectaculaire pendant la crise
sanitaire, mettant en danger l’équilibre d’un dispositif de financement qui n’a pas été conçu
pour fonctionner durablement dans un contexte de taux d’intérêt bas, voire négatifs, faiblement
corrélés à l’inflation.
44
Ce « partage de marché avec LBP
», validé lors d’une réunion des directeurs financiers du groupe, a été présenté
à la Commission de surveillance de la Caisse du 16.12.2020.
45
De 2007, année de l’ouverture au réseau bancaire de la collecte du Livret A
, à 2016, la croissance annuelle
moyenne de l’encours du Fonds d’épargne a été de 7,7 %, aboutissant à un quasi doublement de l’encours en moins
de 10 ans.
46
Les signatures avaient atteint 21,1 Md€ en 2015, et 24 Md€ en 2012.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
48
2.3.1
Un contexte de marché et de taux d’intérêt difficile pour la BdT
Bénéficiant d’une position fermement établie
sur le financement du logement social,
vers lequel les ressources d’épargne règlementées doivent être dirigées en priorité
47
, la Caisse
des dépôts a toujours tenu à se montrer présente sur les projets locaux d’équipement, dont le
potentiel de développement lui semblait important. Que ce soit au nom de la réduction de la
fracture territoriale ou de la transition énergétique et écologique, la BdT poursuit la même
ambition, mais s
’est
heurt é en période de taux négatifs à la faible appétence des emprunteurs
po
ur les prêts à taux variable indexés sur le taux du livret A, alors qu’ils bénéfici
ai
ent d’une
offre abondante et plus compétitive de la part des banques commerciales.
2.3.1.1
Une position dominante sur le financement du logement social, une place assez
marginale
en matière de financement des autres projets d’intérêt général
2.3.1.1.1
Un rôle de financeur du logement social confronté à l’émergence d’une concurrence
bancaire sur les réhabilitations et aux demandes de refinancement de crédits anciens
La CDC
BdT dispose, au t
ravers de sa gestion des prêts sur Fonds d’épargne,
d’une
position dominante en matière de prêts au logement social, plus solidement établie sur les
opérations de construction que sur les opérations de réhabilitation.
Cette place dominante s’explique par l
es caractéristiques des prêts sur F
onds d’épargne
dirigés vers le logement social (maturités longues, possibilité d’adaptation de l’échéancier de
remboursement en cas de variation du TLA) et par l’accès à une exonération de taxe foncière
et à une TVA à taux réduit à condition
qu’
ils représentent au moins 50 % du financement des
opérations de construction et de réhabilitation (dispositif dit de liaison fiscale). Les marges
pratiquées en sus du TLA par
le Fonds d’épargne
sont par ailleurs très faibles.
Pour les opérations de construction, la part des prêts sur F
onds d’épargne dans la dette
contractée chaque année par les bailleurs sociaux est constamment supérieure à 92 %. Cette
position dominante n’est pas contestée, même si des ressources alternatives, notam
ment
proposées par Action Logement, viennent parfois compléter les plans de financement.
La baisse générale des taux d’intérêt a conduit les pouvoirs publics à s’interroger en
2019 sur l’intérêt d’une diversification des sources de financement du logement
social. Si
certaines banques commerciales se positionnent sur ce segment de marché (notamment pour
refinancer des opérations terminées), un rapport conjoint IGF/CGDD
48
soulignait les risques
d’antisélection d’une montée en puissance de leurs interventions (
qui se concentreraient sur les
bons risques). Les inspections s’interrogeaient sur le caractère pérenne de l’engouement des
banques commerciales, qui de fait ne s’est pas confirmé dans la période récente.
47
Article L 221-7 du code monétaire et financier
: « III….
Les sommes centralisées en application de l'article L.
221-5
sont employés en priorité au financement du logement social. IV.
Les emplois du Fonds d'épargne sont
fixés par le ministre chargé de l'économie. ».
48
Rapport IGF n°2019-M-012-03, CGEDD n°012728 « La diversification des sources de financement du secteur
du logement locatif social
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
49
Pour ce qui concerne les prêts à la réhabilitation de logements sociaux, on note
l’émergence d’une offre concurrentielle qui concerne aussi bien les réhabilitations classiques
que thermiques : sur ce second segment
49
, les autres acteurs (Action Logement et banques) ont
vu leur part dans les financements passer de 4% à 17% en trois ans.
Part des prêts sur F
onds d’épargne dans le financement du logement social
2017
2018
2019
2020
Construction
Prêt CDC
sur Fonds d’épargne
95%
91%
91%
92%
Autres prêts (Action logement, banques)
5%
9%
9%
8%
Total
100%
100%
100%
100%
Réhabilitation
thermique
Prêts CDC
sur Fonds d’épargne
96%
89%
86%
83%
Autres prêts (Action logement, banques)
4%
11%
14%
17%
Total
100%
100%
100%
100%
Source : BdT - Construction : constat BdT
Réhabilitation : estimation BdT
La pression sur la Caisse des dépôts est plus importante
en période de taux d’intérêt
faibles ou négatifs pour les opérations déjà entrées en phase de remboursement. De nombreux
acteurs de marché, dont la Caisse d’épargne, font aux bailleurs sociaux des of
fres de
refinancement de leurs prêts sur F
onds d’épargne, alors que l’avantage fiscal lié au recours à
un prêt réglementé a déjà produit ses effets. La BdT est de ce fait contrainte de réaménager les
encours de certains bailleurs pour éviter les remboursements anticipés (cf. infra).
2.3.1.1.2
Des acteurs de marché très présents sur le financement du secteur public local
Le positionnement de la CDC/BDT sur les prêts aux équipements des entités publiques
locales
, financés sur Fonds d’épargne,
est diamétralement opposé à celui constaté sur le
financement du logement social. La CDC/BdT se présentait en 2021 comme un acteur assez
modeste, à l’origine de 3,4 % des nouveaux engagements contractés par le secteur public local
(obligataire compris).
49
Les autres réhabilitations, dites « classiques », sont en nette perte de vitesse. La part de marché des autres acteurs
sur ce segment en contraction était de 33% en 2020.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
50
Sources de financement des collectivités locales en 2021
Obligataire
37,3%
Banque Postale/SFIL
16,1%
Groupe BPCE
13,2%
Agence France Locale
6,2%
Groupe Crédit agricole
6,0%
Arkéa Crédit mutuel
4,5%
BEI
3,8%
Société Générale
3,6%
CDC
3,4%
AFD
1,3%
Autres
4,8%
Total
100%
Source : Finance Active (sur un échantillon de 1200 collectivités locales)
La part de marché de la CDC était plus importante en 2014 (11,6 %), 2015 (6,6%), 2016
(13,9 %) et 2017 (12,4 %), période au cours de laquelle certaines collectivités ont éprouvé des
difficultés à se financer auprès des banques commerciales.
Graphique n° 2 :
Évolution des sources de financement par type de prêteur (en% du montant)
Source : Finance Active. Observatoire de la dette des collectivités locales
Sur les crédits bancaires supérieurs à plus de 30 ans, cible privilégiée de la BdT, la part
de marché de cette dernière est plus importante (17% en 2021), mais néanmoins inférieure à
celle de LBP/SFIL (25%). La BdT garde une spécificité sur les prêts à très long terme (maturité
pouvant atteindre 60 à 80 ans sur certains produits). Les offres de marchés montrent cependant
une tendance à l’allongement, l’Agence France Locale proposant en 2021 des financements
remboursables sur 40 ans.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
51
Graphique n° 3 :
Répartition entre financeurs des prêts à plus de 25 ans en 2021
Source : Finance Active Observatoire 2021 de la dette des collectivités locales
Le deuxième domaine dans lequel la BdT est concurrencée par les banques
commerciales est celui des prêts « verts » et prêts « à impact », destinés à soutenir la transition
écologique et énergétique et à financer des projets de territoires aux retombées extra-
financières. Ce type d’offre est désormais proposé par les principaux réseaux, au premier rang
desquels celui de La Banque Postale, même si les contrats souscrits sont encore peu nombreux.
Cette évolution pose la question de la légitimité de l’intervention de la BdT sur un
champ également prospecté par les banques commerciales. La spécialisation de la BdT sur le
segment des prêts à maturité longue répond en partie à cette question, mais il reste à convaincre
les emprunteurs de la pertinence d’un endettement à très long terme, qui n’a de sens que pour
les biens amortissables sur plusieurs dizaines d’années. La tendance à l’allongement de la
maturité des prêts bancaires montre par ailleurs la fragilité du partage établi entre BdT et LBP,
qui fait preuve d’un dynamisme évident sur les prêts au
-delà de 25 ans.
Une des difficultés du positionnement de la BdT sur les prêts au secteur public local
tient au caractère mouvant de ce marché, en contraction en 2012-2015, puis en expansion depuis
2018, que ce soit sous l’angle de l’abondance des financements ou de leur maturité.
La remontée
des taux d’intérêt courant 2022, plus rapide que celle du taux de l’usure fixé par la Banque de
France,
a entraîné à l’inverse un assèchement temporaire des concours bancaires à plus de 10
ans au bloc local.
Taux d’usure et prêts
aux collectivités locales
La Banque de France définit tous les trimestres pour différentes catégories
d’emprunteurs, de montants
et de maturités un taux d’usure au
-dessus duquel les créanciers
ne peuvent pas octroyer de prêts aux particuliers, aux associations et aux collectivités locales.
L
e taux d’usure est calculé
pour chaque catégorie de prêts à partir du taux moyen
effectif pratiqué au cours du trimestre précédent, majoré d’un tiers.
Pour les prêts à taux
variable d’un montant supérieur à 150
000 € et d’une durée initiale supérieure à deux ans
octroyés aux personnes morales, ce taux est passé de 1,32 % au premier trimestre 2022 à
1,76 % au deuxième trimestre, 2,38 % au 3
ème
trimestre et 3,17 % au 4
ème
trimestre.
8%
8%
5%
25%
3%
17%
17%
3%
3%
11%
AFL
Arkéa
Banque Populaire
LBP/SFIL
BEI
CDC
CE
Crédit Agricole
SG
Crédit foncier
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
52
En période de remontée rapide des taux d’intérêt, les établissements de crédit et les
sociétés de financement peuvent se trouver bloqu
és dans leur activité par un taux d’usure qui
devient inférieur à leur taux de refinancement, majoré de leur frais de gestion, des coûts
d’assurance et des garanties obligatoires.
La Banque des territoires asseyant ses crédits sur les dépôts rémunérés au TLA, fixé
à 1 % au 1
er
février 2022 puis à 2 % au 1
er
août suivant, elle s’est trouvée
à plusieurs reprises
dans une situation plus favorable que les acteurs bancaires en termes de coûts de
refinancement. L’évolution du taux d’usure l’a cependant contraint
e à comprimer ses marges
au premier et au troisième trimestres 2022 de manière à poursuivre son activité tout en
respectant le taux maximum légal.
Au travers des instructions données par le ministre au directeur général de la CDC, la
DGT veille à ce que l’
intervention de la BdT soit encadrée dans des enveloppes, destinées à
couvrir des « failles de marché ». Combinée à un TLA peu attractif, cette attitude plutôt
restrictive a permis d’éviter une concurrence frontale entre les banques commerciales et la BdT.
Cet équilibre concurrentiel pourrait être modifié dans les mois à venir en fonction de la
manière dont la hausse de l’inflation et l’évolution des taux d’intérêt seront répercutés sur le
taux du livret A, après les relèvements à 1 % puis 2 % opérés en février et août 2022 .
2.3.1.2
Un taux variable règlementé dont le niveau a pénalisé pendant plusieurs années
l’offre de prêts sur
F
onds d’épargne
Le taux du Livret A (TLA) vise deux objectifs
: d’une part
favoriser l’épargne
populaire
; d’autre part,
financer aux meilleures conditions le logement social. Lorsque le taux
du livret A est à la fois supérieur à
l’inflation et
inférieur aux taux courts, les deux finalités sont
satisfaites et la Caisse peut proposer des prêts à taux compétitif à ses emprunteurs sans pénaliser
le Fonds d’épargne
. Ces conditions ne sont plus réunies depuis la baisse des taux courts qui a
suivi la crise financière de 2008.
2.3.1.2.1
Une règle de fixation du TLA privilégiant la protection des épargnants
Longtemps fixé à la discrétion des pouvoirs publics, le taux du livret A résulte depuis
2008 de l’application semestrielle d’une formule tenant compte du niveau des taux courts et de
l’inflation hors tabac. Il peut être dérogé à l’application de cette formule en cas de circonstances
exceptionne
lles, ou lorsque le taux calculé ne permet pas de préserver le pouvoir d’achat des
épargnants.
Alors que la formule de 2008 garantissait aux épargnant une rémunération au moins
égale à l’inflation majorée de 25 points de base, l’inflation ne compte plus qu
e pour moitié dans
la nouvelle formule arrêtée en 2018 (le TLA est égal à la moyenne des taux et de l’inflation
hors tabac calculés sur six mois). L’introduction d’un TLA plancher à 0,5 % donne cependant
à l’épargnant l’assurance de continuer à percevoir une rémunération positive en cas d’inflation
et de taux faibles ou négatifs.
En 2017, le gouvernement a décidé de stabiliser le TLA à 0,75 % jusqu’au 31 janvier
2020, suspendant ainsi l’application de la formule en vigueur, qui n’aurait pas été suffisamment
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
53
protectrice pour l’épargnant compte tenu du passage des taux courts et de l’inflation en zone
négative. Ce taux a été maintenu jusqu’au 1
er
février 2020, où il a laissé place au taux plancher
de 0,5 %.
Selon la formule en vigueur, la remontée de l’inflati
on en 2021 aurait dû déboucher
sur un TLA de 0,8 % au 1
er
février 2022. Le gouverneur de la Banque de France a cependant
proposé d’arrêter un taux de 1
%. Le TLA a été fixé à 2 % au 1
er
août 2022, la trajectoire des
taux d’intérêt et de l’inflation conduis
ant à anticiper un nouveau relèvement en février 2023.
Tant la formule de calcul du taux du livret A que les dérogations décidées par le gouvernement
portent la marque de la priorité accordée à la protection de l’épargnant, que les pouvoirs publics
ont souhaité préserver
de l’inflation et
des fluctuations des marchés financiers
50
.
2.3.1.2.2
Un taux réglementé supérieur aux taux de marché depuis 2010
La période au cours de laquelle le TLA était positionné à un niveau intermédiaire entre
l’inflation et les taux courts a
laissé place en 2009 à un TLA supérieur à l’Euribor 3 mois.
Devenu positif, l’écart avec les taux courts a atteint 200 points de base à la fin 2012
, les offres
fondées sur le TLA devenant très peu compétitives par rapport aux offres des acteurs de marché.
L’écart entre le TLA et les taux de marché
est demeuré supérieur à 100 points de base jusqu’à
la fin 2021, où l’amorce d’une remontée des taux d’intérêt, confirmée en 2022, a été enregistrée
.
Graphique n° 4 :
Écart entre les TLA, les taux à trois mois et l’inflation
Source : Banque de France et INSEE
Dans le même temps, la remontée de la hausse des prix aux alentours de 2 % courant
2018, puis la poussée inflationniste constatée en 2021 et amplifiée en 2022 ont limité à due
50
Le dernier arrêté relatif au mode de fixation de ce taux (arrêté du 27 janvier 2021 relatif aux taux d'intérêt des
produits d'épargne réglementée) prévoit comme seule cause de dérogation à l’application str
icte de la formule
d’indexation sur l’inflation et les taux courts la volonté de préserver le pouvoir d’achat des épargnants
.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
54
concurrence la rémunération perçue par les épargnants en termes réels, rémunération
néanmoins largement supérieure à ce qu’ils auraient obtenu sur les marchés de taux
.
La fixation du TLA à un niveau supérieur aux taux de marché a longtemps pénalisé la
distribution de prêts sur fonds d’épargne en dehor
s du logement social, où ces prêts sont assortis
d’un avantage fiscal. Il est encore difficile d’apprécier le positionnement concurrentiel des prêts
sur TLA dans un environnement de taux qui n’est pas stabilisé
. A formule de TLA inchangée,
la restauration durable de la compétitivité
des prêts sur fonds d’épargne
supposerait un passage
des taux courts au-
dessus de l’inflation, avec un écart suffisant pour permettre à la B
dT de
restaurer ses marges sur les nouveaux prêts.
2.3.2
Une politique commerciale aux résultats décevants en termes de signatures
2.3.2.1
Les avantages traditionnellement associés aux offres de prêts sur F
onds d’épargne
Les prêts sur F
onds d’épargne sont accordés pour des durées longues, certains étant
même assortis de durées de remboursement de 60 à 80 ans, hors de portée des banques
commerciales. Ils sont consentis à un taux variable égal au TLA majoré d’une marge. Celle
-ci
doit permettre de rémunérer les banques collectrices de l’épargne réglementée (rémunération
de 30 points de base), payer la compensation accordée à la Poste au titre de la mission
d
’accessibilité bancaire (équivalente en 2021 à 13 points de base) et couvrir les charges de
gestion du F
onds d’épargne (évaluées à 6 points de base), soit une marge théorique minimale
de 51 points de base
pour un fonctionnement à l’équilibre.
Les financements accordés sur F
onds d’épargne respectent un principe d’égalité de
traitement entre emprunteurs et territoires, qui conduit à ne pas répercuter dans la tarification le
risque propre à chaque opération, contrairement à ce que font les banques commerciales. La
garantie des collectivités locales est généralement demandée pour les prêts au logement social,
qui peuvent également recevoir la garantie de la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social
(CGLLS).
Pour les prêts au secteur public local, un cofinancement d’au moins 50 % de la part
d’un autre prêteur est en principe exigé, sauf pour certains types de projet.
Prioritairement dirigés vers le logement social, les prêts sur F
onds d’épargne ouvrent
droit dans ce domaine à une exonération de taxe foncière et à une TVA à taux réduit à condition
qu’ils représentent au moins 50 % du financement des opérations de construction et de
réhabilitation.
2.3.2.2
Les actions destinées à compenser le déficit de compétitivité lié
à l’écart entre le
TLA et les taux de marché
Pour contrer le défaut de compétitivité des offres sur F
onds d’épargne constaté depuis
2015, la CDC/BdT a joué sur trois leviers :
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
55
2.3.2.2.1
L’abaissement des marges facturées en sus du TLA
2.3.2.2.1.1
Une partie de la marge est absorbée par la rémunération des banques et la
compensation de l’accessibilité bancaire versée à la Banque Postale
Les réseaux collecteurs du livret A, du LDDS et du LEP perçoivent une rémunération
en contrepartie de la centralisation d’une partie des dépôts
collectés au F
onds d’épargne (article
L. 221-6 du code monétaire et financier). Cette rémunération est calculée en appliquant à
l’encours centralisé un taux exprimé en pourcentage. Alors que ce taux était proche de 60 points
de base lors de la généralisati
on de la distribution de l’épargne règlementée par le réseaux
bancaires
51
, il a été abaissé progressivement pour s’établir à 30 points de base en 2016
52
.
Ce taux est répercuté sur les emprunteurs de prêts sur F
onds d’épargne
. Le Fonds
d’épargne
se voit également facturer le coût de la compensation à La Banque Postale de la
mission d
’accessibilité bancaire.
Évolution des commissions bancaires sur les prêts distribués par le F
onds d’épargne
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Banque Postale
0,52%
0,40%
0,40%
0,30%
0,30%
0,30%
0,30%
0,30%
0,30%
Autres banques
0,47%
0,40%
0,40%
0,30%
0,30%
0,30%
0,30%
0,30%
0,30%
Répercussion
sur
l'emprunteur
de
la
rémunération complémentaire LBP
0,11%
0,11%
0,17%
0,16%
0,14%
0,13%
0,14%
0,13%
Taux de commission moyen
0,59%
0,51%
0,51%
0,47%
0,46%
0,44%
0,43%
0,44%
0,43%
Rémunération complémentaire LBP (M€)
246
242
235
355
340
320
300
330
338
Source : BdT
Interrogée sur la possibilité de contracter davantage la commission bancaire de manière
à rendre plus attractifs les prêts de la BdT, la DGT fait observer que les banques commerciales
se sont vues retirer en 2017 la faculté de centraliser au F
onds d’épargn
e un montant supérieur
à ce qu’exigeaient les taux de centralisation en vigueur
53
. La rémunération qui leur est servie
s’applique donc au maximum à 59,5 % de leur encours d’épargne règlementée, tandis qu’elles
doivent rémunérer les 40,5 % restants à un TLA supérieur aux taux de marché. Fortement
demandeuses d’un accès à l’épargne règlementée avant la réforme de 2008, elles se montraient
en 2017 plutôt désireuses de se défaire de leurs encours auprès du F
onds d’épargne. Dans ces
51
Réforme opérée par la Loi de modernisati
on de l’Économie du 4 août 2008.
52
Pour les collecteurs historiques de l’épargne règlementée (Caisse nationale d’épargne, Caisses d’épargne, Crédit
mutuel), la rémunération perçue avant 2008 était en moyenne de 1,12 % de l’épargne centralisée.
53
Pour mémoire, aux termes de l’article L. 221
-5 du Code monétaire et financier, les banques centralisent au sein
du F
onds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations une quote
-
part du total de l’épargne règlementée
qu’elles collectent (59,5% pour les livrets A et LDDS ; 50% pour les LEP)
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
56
conditions, il semble difficil
e de les contraindre à conserver une part significative d’épargne
non centralisée tout en diminuant encore significativement leur rémunération.
2.3.2.2.1.2
Une contraction progressive des marges facturées en sus du TLA
Que ce soit pour faciliter le financement de logement social, ou plus récemment pour
compenser le défaut de compétitivité des prêts consentis au taux du Livret A, la Caisse a été
autorisée par le ministre à réduire progressivement les marges appliquées en sus aux
emprunteurs. Alors que de nombreux produits destinés au secteur public local étaient rémunérés
au-delà de TLA + 110 bp au début des années 2010, des produits plus avantageux, tarifés en
moyenne autour de TLA + 60 bp, ont été progressivement introduits dans les offres de prêts sur
F
onds d’épargne. La tendance s’est poursuivie depuis la création de la BdT
: la marge moyenne
sur les nouveaux prêts est passée de 51 points de base en 2018 à 41 points de base en 2021.
2.3.2.2.1.3
Des produits plus chers que ceux offerts par la concurrence
jusqu’à la fin 2021
Malgré la baisse des marges, les taux offerts par les acteurs de marché sont restés plus
attractifs que les offres fondées sur le TLA en période de taux négatif. La comparaison entre
les offres à taux fixe des banques commerciales et les offres de la Banque des territoires fondées
sur le TLA fait ressortir ce désavantage compétitif pour les prêts inférieurs à 30 ans : au dernier
trimestre 2021, les offres de la BdT au secteur public local étaient supérieures de 148 points de
base à ce qu’offraient les banques co
mmerciales ; pour le logement social, les prêts contactés
antérieurement (« PAM classique », remplacés depuis par une offre plus avantageuse)
dépassaient de 111 points de base les offres concurrentes ; les Écoprêts bonifiés à taux zéro
étaient en revanche attractifs pour les emprunteurs.
Comparaison entre les offres de la BdT et celles des banques commerciales (Unité :
points de base, pb) à la fin 2021
Prêts
Surcoût des taux offerts par la BdT par
rapport à ceux de la concurrence
Secteur public
local
Prêt de référence BDT : TLA + 60
148
Maturité : 18 ans
Logement social
PAM classique : TLA + 60
111
Écoprêt : TLA - 75
-24
Maturité : 27 ans
Source : CDC. Niveau des marges : observations faites au cours du dernier trimestre 2021.
Pour les besoins de la comparaison, les prêts BdT à taux variables sont convertis en taux fixe via le swap
Euribor/taux fixe.
2.3.2.2.2
Un recours accru aux bonifications de taux d’intérêt, prises en charge par le
Fonds
d’épargne ou financées par des ressources extérieures
Dans le domaine du logement social, la CDC octroie depuis de nombreuses années des
prêts dont le taux est inférieur au coût de la ressource, soit, compte tenu notamment de la
nécessité de rémunérer les banques collectrices du livret A, tous les prêts octroy
és aujourd’hui
à un taux inférieur à TLA + 50 bp.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
57
Les comptes du F
onds d’épargne retracent la part de ces bonifications qui n’est pas
financée par des ressources externes à travers des provisions pour prêts déficitaires, qui
s’élevaient à 1,6 Md€ en 2016, 2,3 Md€ en 2018 et 2,5 Md€ en 2020, et se rapportaient pour
l’essentiel aux prêts au logement social et à la politique de la ville.
Des ressources extérieures ont par ailleurs été utilisées dans la période récente pour
ramener à zéro le taux d’emprunts à t
aux fixe (cf. infra). Les bonifications nécessaires ont été
prises en charge d’une part par la Section générale (pour un coût de 211 M€ en 2016 et 236 M€
en 2017, permettant notamment d’octroyer des prêts dits de haut de bilan à taux zéro
54
), d’autre
part p
ar Action Logement (deux versements de 150 M€, le premier en 2016, le deuxième en
2017).
Les efforts demandés à la Section générale pour venir en soutien des bailleurs sociaux
à travers la bonification de prêts de haut de bilan ont l’inconvénient de faire
passer par le compte
de résultat de la CDC une opération qui devrait, soit être prise en charge par le F
onds d’épargne,
soit, s’il s’agit pour le
G
ouvernement d’atténuer l’impact de la réduction du loyer de solidarité,
être financée par voie budgétaire.
2.3.2.2.3
L
’octroi de prêts à taux fixe financés par des facilités souscrites auprès de la BEI ou
de la Section générale de la CDC
Le passage des taux à long terme sous la barre des 1 % en 2015 a suscité un fort intérêt
des emprunteurs pour un endettement à taux fixe, auquel ne pouvaient pas répondre les prêts à
taux variable du F
onds d’épargne. Pour conserver sa clientèle et protéger ses encours (cf. infra),
la CDC a obtenu du ministre l’autorisation de mixer les ressources issues de l’épargne
règlementée avec des ressources à taux fixe empruntées à la BEI et à la Section générale de la
Caisse
55
.
La première de ces opérations a porté sur une première ligne de financement de 2 Md€
souscrite auprès de la BEI en octobre 2015, permettant au F
onds d’épargne de compléter so
n
offre par du taux fixe dirigé à hauteur de 1,5 Md€ vers le secteur public local (projets favorisant
la transition écologique et énergétique), et à hauteur de 0,5 Md€ vers la rénovation thermique
des logements sociaux. Deux nouvelles enveloppes ont été ouvertes par la BEI en octobre 2020
pour un montant total de 1,5 Md€ (1 Md€ pour les projets TEE du secteur public local, 0,5 Md€
pour le logement social).
Les emprunts contractés auprès de la Section générale ont pour leur part été constitués
dans un premie
r temps d’emprunts à taux zéro (1,4 Md€ permettant au fond d’épargne de
distribuer des Prêts croissance verte en 2016 et 2017, 1 Md€ destinés aux Prêts Haut de Bilan
Bonifiés, également financés par des ressources BEI, suivis par une seconde enveloppe de 2
Md€ de Prêts Haut de Bilan Bonifiés annoncée en 2018). En 2018 et 2019 ont été ouvertes deux
enveloppes de 4 Md€ de prêts à taux fixe financés par des ressources apportées par la Section
54
Auxquels s’ajoutent 82 M€
sur la période 2019-2022 pour les Eco-prêts à taux zéro.
55
Pour rendre possible ces opérations, la loi de finances rectificative n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 a modifié
l’article L. 221
-7 du Code monétaire et financier, permettant ainsi à la Caisse des Dépôts « Section générale » de
prêter au Fonds
d’épargne.
Le Fonds d’épargne étant dépourvu de personnalité juridique, l’emprunt auprès de la
BEI est souscrit par la CDC, qui prête ensuite cet argent au Fonds d’épargne.
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
58
générale, pour moitié destinées à la construction et à la rénovation de logements sociaux, et
pour moitié à la renégociation de la dette des bailleurs sociaux (cf. infra).
Les prêts à taux fixe consentis par la BdT à partir de ces ressources sont en général
proposés en complément de prêts à taux variable. L’examen des prêt
s signés depuis 2018
montre une progression de la part des prêts à taux fixe dans le montant total des signatures, qui
atteint 19 % en 2021, et même 36 % sur le segment plus étroit des prêts au secteur public local.
Part des prêts à taux fixe dans les prêts signés par la BdT (M
)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Signatures
16 552
16 645
12 807
13 156
13 482
12 785
TLA
87,9%
86,4%
89,9%
90,2%
76,5%
80,4%
Autres taux variables
0,8%
1,1%
0,8%
0,8%
0,5%
1,0%
Taux fixe
5,7%
10,8%
7,3%
8,7%
15,2%
18,6%
Source : BdT.
Les offres à taux fixe n’exercent pas à proprement parler d’effet d’éviction sur les offres
à taux variables, peu prisées des emprunteurs du secteur public local en période de taux négatifs
ou faibles. Pour autant, développer une offre altern
ative alors que les ressources d’épargne
règlementée sont surabondantes n’est satisfaisant
, ni en termes de gestion du risque de taux, à
à laquelle les offres à taux fixe ne contribuent pas, ni en termes de rentabilité du Fonds
d’épargne, les marges d’inte
rmédiation de la BdT sur les prêts refinancés auprès de la BEI et
de la Section générale étant nulles.
2.3.2.3
Une gamme enrichie pour mieux accompagner les politiques mises en œuvre
dans le cadre des différents plans gouvernementaux
Dans le cadre de sa participation aux plans gouvernementaux déployés au cours des
dernières années, la BdT a cherché à rendre son offre plus attractive pour les emprunteurs.
Parmi les produits les plus novateurs, figurent notamment :
-
les prêts de haut de bilan PHB 2.0
56
, prêts à taux zéro pour les bailleurs sociaux avec
différé d’amortissement sur les vingt premières années (enveloppe de 2 Md€)
;
-
les prêts « Booster
» (enveloppe de 700 M€) à taux fixe pour la construction neuve,
en complément des offres classiques ;
-
l’
offre Aquaprêt, destinée aux investissements dans les infrastructures en eaux,
intégrée dans le GPI (enveloppe de 2 Md€),
Éduprêt, pour la construction, la
rénovation et l’extension de bâtiments éducatifs (enveloppe de 1 Md€), et Mobiprêt,
pour le financem
ent de modes de transport innovant (enveloppe de 2 Md€)
;
56
Ce produit et le suivant sont intégrés dans le « Plan Logement 1 » présenté par la Caisse des dépôts en 2018
(montant total de 10 Md€, incluant l’allongement de dettes existantes)
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
59
-
les GPI Ambre, offre de prêts destinés à la rénovation énergétique des bâtiments
publics (enveloppe de 2 Md€), également intégrée dans le GPI
;
-
les
prêts rénovation urbaine Action Cœur de Ville (700
M€), qui prend la suite du
programme national de renouvellement urbain ;
-
les prêts fonciers en zones tendues, dont la maturité peut être portée de 60 à 80 ans.
Ces offres viennent en complément des prêts classiques disponibles pour la construction
et l’ac
quisition de logements sociaux et intermédiaires (PLAI, PLUS, PLS et PLI
57
) et pour le
financement de la réhabilitation (PAM et Eco-prêt à taux zéro). Pour les infrastructures et le
secteur public local, elles se substituent à des dispositifs arrivés à échéance, tel le Prêt
« Croissance verte »
58
, remplacé par le prêt GPI Ambre.
Aux nouveaux produits s’ajoutent par ailleurs les enveloppes de prêts annoncées dans
le cadre des plans gouvernementaux, qui sont assises sur l’offre préexistante, dont elles
améliorent certains des termes : pour le plan de relance lié à la crise sanitaire, allongement des
maturités maximales pour le financement à taux fixe de la production de logement sociaux sur
ressources BEI (maturités portées de 30 ans à 35 ou 40 ans), adaptation
des critères de l’Eco
-
prêt de manière à favoriser les réhabilitations de logements sociaux ambitieuses, octroi d’Eco
-
prêts à taux zéro, l’enveloppe d’Eco
-
prêts passant de 3 à 4 Md€
; concernant l’offre au secteur
public local, la tarification des enveloppe
s thématiques (portant sur l’adduction et le traitement
de l’eau, la mobilité, les bâtiments éducatifs, etc.) est ramenée de TLA + 75 bp
59
à TLA + 60
bp.
Pour ce qui concerne le Plan Climat (40 Md€ annoncés par la CDC sur la période 2020
-
2024), la contribution de la BdT a consisté à ramener à TLA + 60 bp la tarification des prêts
finançant des projets liés à la transition écologique et énergétique. Ces prêts peuvent couvrir
100 % des besoins de financement, alors que la BdT exige habituellement la présence d
’un
cofinanceur pour ses prêts au secteur public local. Deux nouvelles offres thématiques ont été
ouvertes dans le cadre du plan de relance, l’une pour les infrastructures de tourisme (Prêt relance
tourisme), visant des immobilisations lourdes relevant des
secteurs de l’hôtellerie, de
l’hébergement locatif saisonnier, du bien
-être (thermalisme), des parcs de loisir, avec des prêts
d’une maturité pouvant atteindre 50 ans, et l’autre pour le médico
-social (Prêt relance santé).
2.3.2.4
Des résultats décevants en termes de signatures, dans un contexte de taux
défavorable aux prêts sur F
onds d’épargne
Les signatures de prêts sur F
onds d’épargne n’ont pas retrouvé dans la période récente
le niveau qu’elles avaient atteint dans les années 2012
-2015, pour le logement socia
l d’une part,
57
PLAI
: prêt locatif aidé d’intégration
, PLUS : prêt locatif à usage social , PLS : prêt locatif social et PLI : prêt
locatif intermédiaire.
58
Enveloppe de 5 Md€ tarifée à TLA + 75 bp ouverte en 2014 pour financer des projets contribuant à la transition
énergétique, au sein de laquelle a été isolée en 2017 une enveloppe de 1,5 Md€ de prêts à taux zéro destinée à la
réhabilitation des bâtiments publics. Des Eco-prêts sont par ailleurs consacrés à la réhabilitation thermique des
logements sociaux, grâce à une bonification apportée par la Caisse des dépôts (enveloppe de 4 Md€).
59
Contre TLA + 130 bp pour le financement du secteur public local hors enveloppes thématiques
LA BANQUE DES TERRITOIRES,
UN PROJET AMBITIEUX, DES RESULTATS FINANCIERS ENCORE INCERTAINS
60
mais aussi et surtout pour les prêts au secteur public local, qui éprouvait alors des difficultés à
se financer auprès du secteur bancaire.
Graphique n° 5 :
Évolution des signatures sur F
onds d’épargne depuis 2010
Source : CDC. LSPV signifie Logement social et politique de la Ville
Les signatures de prêts atteignent en 2021 12,8 Md€, niveau équivalent à celui constaté
en 2018. Le montant de prêts au secteur public local ne dépasse pas 900 M€, alors qu’il avait
atteint 3 Md€ en 2015 et 2,9 Md€ en 2016.
Sur le logement social, les signatures ne sont pas à la hauteur des efforts consentis,
notamment en termes de taux d’intérêt
et de marge, le ralentissement observé depuis 2018 ayant
également des causes autres que financières (dont les problèmes de disponibilité foncière).
Concernant les prêts au secteur public local, le niveau des signatures, qui a pu être affecté
négativement par la cris
e sanitaire, s’explique tout à la fois jusqu’à la fin 2021 par l’abondance
des financements de marché peu onéreux et par la persistance d’un écart positif entre le taux de
livret A et les taux de marché. Au cours du premier semestre 2022, les prêts sur fon
ds d’épargne
ont en revanche pallié dans certains cas l’assèchement temporaire de l’offre bancaire,
confrontée, du fait de la remontée rapide des taux, à un taux d’usure inférieur à leurs coûts de
refinancement.
À ce jour, les résultats de l’enrichissement
de l’offre de la BdT et de la baisse de ses
marges ont été modestes en en termes de signatures, alors même qu’une offre alternative à taux
fixe est offerte à certains emprunteurs, et qu’une part significative des prêts accordés fait l’objet
d’une bonifica
tion.