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Jugement n° 2022-0051
Audience publique du 6 octobre 2022
Prononcé du jugement le 24 octobre 2022
Centre hospitalier intercommunal de Corte-Tattone
Budget principal et budgets annexes
Trésorerie de Corte Omessa
Exercices 2016 à 2018
JUGEMENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Corse
Vu
le réquisitoire n°2021-0014 en date du 5 novembre 2021 du procureur financier près la
chambre régionale des comptes Corse, enregistré au greffe le même jour et notifié le
8 novembre 2021 à Mme X…, directrice du centre hospitalier intercommunal de Corte-
Tattone et à Mme Y…, comptable du centre hospitalier intercommunal de Corte-Tattone.
Mmes X…, et Y…, en ont accusé réception le 15 novembre 2021 ;
Vu
les comptes rendus en qualité de comptable du centre hospitalier intercommunal de
Corte-Tattone par Mme Y…, du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2018 ;
Vu
l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ;
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
les observations écrites présentées par l’ordonnatrice, enregistrées au greffe le
20 décembre 2021
Vu
le rapport n° 2022-0051 de M. Alain Michel, premier conseiller, magistrat chargé de
l’instruction ;
Vu
les conclusions n° 2022-0051 du procureur financier du 26 août 2022 ;
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Vu
les lettres du 6 septembre 2022, adressées à la comptable et à l’ordonnatrice, les
informant de l’inscription de l’affaire à l’audience publique, dont elles ont accusé réception,
le 8 septembre 2022 ;
Vu
l’ensemble des pièces du dossier :
Entendu
lors de l’audience publique du 6 octobre 2022, M. Alain Michel, en son rapport,
M. Jacques Barrière, procureur financier, en les conclusions du ministère public ; la comptable
et l’ordonnatrice n’étant ni présentes ni représentées ;
Entendu
Mme Céline Episse, première conseillère, en ses observations ;
ORDONNE CE QUI SUIT
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de Mme Y…, aux titres des
exercices 2016 à 2018
Attendu
que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public fait grief à Mme Y…, de ne pas
avoir établi la preuve des diligences accomplies en vue du recouvrement de cinq titres de
recettes figurant aux comptes 41131 « Redevables – amiable ; Régime général » - et 46721
« Débiteurs divers » du budget principal et aux comptes 4114 « Redevables – amiable ;
Département » et 46721 « Débiteurs divers » du budget annexe EPHAD :
Au budget principal
-
Titres n° T-1707035 et n° T-3201988 (comptes 41131 et 46721) pour des montants
respectifs de 13 786,88 euros (
) et 13 098,64
, émis à l’encontre de la Caisse
primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse, titres pris en charge
respectivement les 31 décembre 2013 et 21 mai 2014 ;
-
Titre n° T-3206993 (compte 41131) d’un montant de 19 080,20
, émis à l’encontre
de la SLI de Haute-Corse, titre pris en charge le 23 décembre 2014 ;
Au budget annexe EPHAD
-
Titre n° T-6702201 (compte 4114) d’un montant de 8 732,76
, émis à l’encontre du
département de la Haute-Corse, titre pris en charge le 31 décembre 2012 ;
-
Titre n° T-6700565 (compte 46721) d’un montant de 15 046,28
, émis à l’encontre
du département de la Corse-du-Sud, titre pris en charge le 24 avril 2013 ;
Attendu
qu’il est constant que les cinq titres de recettes figurent toujours à l’état de restes à
recouvrer aux comptes 41131 et 46721 du budget principal et aux comptes 4114 et 46721 du
budget annexe EHPAD et n’ont pas été recouvrés ;
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Sur le manquement présumé du comptable
Attendu
qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils
sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses, et de patrimoine, dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (...) qu’une recette n’a
pas été recouvrée (…) ;
Attendu
qu’aux termes de l’article L. 1617-5, 3° du code général des collectivités territoriales :
«
L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances (…) des établissements
publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes.
Le délai de quatre ans mentionné à l’alinéa précédent est interrompu par tous actes
comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la
prescription »
; qu’ainsi, à défaut d’avoir valablement interrompu le délai précité par des
diligences adéquates, complètes et rapides, régulièrement notifiées au débiteur, qui auraient
préservé les droits du centre hospitalier intercommunal de Corte-Tattone, l’action en
recouvrement des cinq titres de recettes en cause pourrait avoir été atteinte par la prescription
au cours des exercices 2016, 2017 et 2018 ;
Attendu
que dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que l’absence de
diligences interruptives de prescriptions adéquates, complètes, rapides pouvant être dument
établies, le recouvrement des créances en cause a été définitivement compromis ;
Attendu
que Mme Y.. ;, comptable mise en cause, n’a pas formulé de réserves sur la gestion
de ses prédécesseurs ; qu’elle n’a pas apporté de réponse au réquisitoire ;
Attendu
que lors de la procédure contradictoire, la directrice par intérim du centre hospitalier
intercommunal de Corte-Tattone indique que les titres ont été transmis aux organismes
débiteurs conformément aux procédures en vigueur ; qu’elle précise que le titre n° T-3201988
a fait l’objet d’un contentieux et que le titre n° T-1707591, pourrait avoir été recouvré en lieu et
place du titre n° T-3201988, sans confirmer qu’il s’agirait d’un doublon et sans produire de
pièces ;
Attendu
qu’il ressort de l’instruction qu’en dépit des informations portées sur les états de
restes à recouvrer, la preuve que des diligences ont été effectuées et qu’elles ont touché les
débiteurs concernés n’a pas été apportée ;
Attendu
que les titres n° T-6702201 et n° T-6700565 ont fait l’objet de demandes de mises en
œ
uvre de la procédure de mandatement d’office aux deux autorités préfectorales territoriales
compétentes ; nonobstant la preuve qu’elles ont été dument établies, la preuve qu’elles aient
touché le débiteur n’a pas été apportée et qu’au surplus elles sont postérieures à la date de
prescription desdits titres ;
Attendu
qu’il résulte de ce qui précède que le recouvrement des créances en cause a été
définitivement compromis le 31 décembre 2016 pour le titre n° T-6702201, le 24 avril 2017
pour le titre n° T-6700565, le 31 décembre 2017 pour le titre n° T-1707035, le 21 mai 2018
pour le titre n° T-3201988 et le 23 décembre 2018 pour le titre n° T-3206993, sous la gestion
de Mme Y… ;
Attendu
qu’il résulte de ce qui précède que Mme Y…, n’a pas justifié de l’accomplissement
de diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement des créances en
cause ; qu’il y a lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y…, au titre
du défaut de recouvrement des cinq titres précités ;
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Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963,
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’organisme public
concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels
la somme correspondante »
;
Attendu
que le constat de l'existence ou non d'un préjudice financier relève de l'appréciation
du juge des comptes à l’issue d’une procédure contradictoire avec les parties concernées ;
Attendu
que la comptable ne s’est pas prononcée sur l’existence d’un éventuel préjudice
financier ;
Attendu
que dans sa réponse, l’ordonnateur reconnaît que dans l’hypothèse où les titres non
recouvrés devaient faire l’objet d’une admission en non-valeur, le préjudice pour
l’établissement serait avéré, soulignant que l’exercice des fonctions de trésorerie s’avère
difficile dans un contexte de sous-effectif constant ;
Attendu
que, le défaut de recouvrement d'une créance cause, par principe, un préjudice
financier au créancier concerné ; que, toutefois, il n’y a pas préjudice lorsque la preuve est
apportée qu’en toute hypothèse, la créance n’aurait pas pu être recouvrée du fait de
survenance de circonstances extérieures ;
Attendu
que le défaut de recouvrement des titres précités à l’origine d’un manquant en caisse
est constitutif d’un préjudice financier pour le centre hospitalier intercommunal de
Corte-Tattone ; qu’il convient dès lors de constituer Mme Y…, débitrice envers l’établissement
de la somme de 8 732,76
au titre de l’exercice 2016, de la somme de 28 833,16
au titre
de l’exercice 2017 et de la somme de 32 178,84
au titre de l’exercice 2018, soit un montant
total de 69 744,76
;
PAR CES MOTIFS,
Article 1
er
: Mme Y…, est constituée débitrice du centre hospitalier intercommunal de Corte-
Tattone de la somme de 69 744,76
au titre du jugement des comptes des exercices 2016,
2017 et 2018, augmentée des intérêts de droit à compter du 15 novembre 2021 :
-
8 732,76
correspondant au montant du titre n° T-6702201 pris en charge en 2012 et
prescrit sous sa gestion ;
-
28 833,16
correspondant au montant cumulé des titres n° T-1707035 d’un montant
de 13 786,88
et T-6700565 d’un montant de 15 046,28
, pris en charge en 2013 et
prescrit sous sa gestion ;
-
32 178,84
correspondant au montant cumulé des titres n° T-3201988 d’un montant
de 13 098,64
et T-3206993 d’un montant de 19 080,20
, pris en charge en 2014 et
prescrit sous sa gestion
Article 2
: Mme Y…, ne pourra être déchargée de sa gestion au titre des exercices 2016 à
2018 qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et en intérêts, du débet prononcé à
son encontre.
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Article 3
: Mme Y…, est déchargée de sa gestion pour la période du 1
er
janvier 2015 au
31 décembre 2015.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Corse par Mme Nathalie Gervais, présidente,
M. Gérald Arbeltier, premier conseiller, Mme Céline Episse, première conseillère, réviseure.
La greffière
Madeleine Azzopardi
La présidente
Nathalie Gervais
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de
la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
CONDITIONS D'APPEL :
Code des juridictions financières – article R. 242-19 et suivants : «
Les jugements rendus par
les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives
par la voie de l'appel devant la Cour des comptes »
(…) – article R. 242-23
« L’appel doit être
formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement
».