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5
ème
CHAMBRE
S2022-1150-1
1
ère
SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA DELEGATION
INTERMINISTERIELLE POUR
L’EGALITE
DES CHANCES DES
FRANÇAIS D’OUTRE
-MER ET LA
VISIBILITE DES OUTRE-MER
(DIECFOMVI)
Exercices 2019-2021
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 8 juin 2022.
En application de l’article L
. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
LA DELEGATION INTERM
INISTERIELLE POUR L’
EGALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
4
INTRODUCTION
.....................................................................................................
6
1
UNE MISSION TROP IMPRECISE POUR UNE DELEGATION SANS
CREDIBILITE INSTITUTIONNELLE
................................................................
7
1.1
Un public cible non défini, des missions vastes et imprécises
.........................
7
1.2
La délégation ne construit ni n’entretient de relations interministérielles
.......
8
2
UN ACTIVISME INCONSTANT ET PEU FECOND FACE A LA
CONCURRENCE DES AUTRES ENTITES DU SECTEUR
............................
11
2.1
La délégation lance des actions sans impact significatif
................................
11
2.2
Faute de pouvoir coordonner l’action publique, la délégation est confrontée à
des initiatives concurrentes
............................................................................
14
3
UNE ABSENCE DE CULTURE DE GESTION COMBINÉE À UNE
SURADMINISTRATION PAR LE MINISTERE DE RATTACHEMENT
......
16
3.1
Une équipe composite de six personnes, composée à l’image d’un cabinet
ministériel
.......................................................................................................
16
3.2
Le budget de la délégation, un pilotage complexe et une gestion de crédits
erratique
..........................................................................................................
17
CONCLUSION GÉNÉRALE
....................................................................................
21
ANNEXES
....................................................................................................................
22
LA DELEGATION INTERMINISTERIELLE POUR
L’EGALITE DES CHANC
ES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
3
RAPPEL DE LA PROCEDURE
La Cour a réalisé le contrôle des comptes et de la gestion de la délégation
interministérielle à l'égalité des chances des français d'outre-mer (DIECFOM) au titre des
exercices 2019 et suivants.
La 5
ème
chambre de la Cour des comptes, délibérant le 8 juin 2022 a adopté les présentes
observations définitives.
Le contrôle a été notifié par lettre du 11 janvier 2022 au délégué interministériel en
fonction et à la directrice générale des outre-mer (DGOM).
L’entretien de fin de contrôle s’est tenu le
16 mars 2022, en présence du contre-
rapporteur.
Lors de sa séance du 13 avril 2022, la chambre a examiné le rapport
d’instruction
et
décidé l’envoi d’un relevé d’observations provisoires, le
27 avril 2022, avec une date limite de
réponse fixée au 29 mai 2022, aux deux délégués interministériels en fonction sur la période
sous contrôle, à la DGOM et au secrétaire général du ministère de l'intérieur
.
Les présentes observations définitives tiennent compte de l’ensemble des réponses
parvenues.
Ont participé au délibéré tenu le 8 juin 2022 sous la présidence de M. Philippe Hayez,
président de section
,
MM. Philippe-Pierre Cabourdin, Emmanuel Giannesini, conseillers
maîtres, M. Vincent Bouvier, conseiller maitre en service extraordinaire.
Ont été entendus, en leur rapport, M. Stéphane Keïta, conseiller maitre en service
extraordinaire, Mme Clothilde Fretin-Brunet, conseillère référendaire en service extraordinaire,
et Mme. Pascale Fenech, vérificatrice.
Mme Dorothée Chau, greffière, a assuré la préparation de la séance de délibéré et tenu
les registres et dossiers.
LA DELEGATION INTERM
INISTERIELLE POUR L’
EGALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
4
SYNTHÈSE
Dès sa création par le décret n° 2007-1062 du 5 juillet 2007, la délégation
interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre
-mer (Diecfom) a vu ses
attributions définies de manière à la fois large et floue, son délégué ayant pour mission
d’«
anticiper les difficultés des ultramarins en métropole et de faciliter leurs relations avec
leurs collectivités d’origine
». Le décret n° 2019-
1372 du 17 décembre 2019, qui l’a renommée
délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre
-mer et la visibilité
des outre-mer (Diecfomvi), a encore élargi le champ de ses missions en la chargeant notamment
de «
promouvoir et de valoriser les outre-mer français sur l'ensemble du territoire national et
à l'étranger, dans les domaines économique, social, culturel et sportif »
, mission qui relève
pourtant
de la compétence directe du ministre chargé de l’outre
-mer, de son cabinet et de
l’administration centrale
- la direction générale des outre-mer (DGOM) - qui lui est rattachée.
Les lettres de mission adressées, parfois très tardivement, par le ministre des outre-mer
au délégué qui lui est rattaché depuis 2019, ont ciblé plus particulièrement depuis 2016 la
jeunesse ultramarine présente
dans l’hexagone, ce qui a conduit cette délégation à
se concentrer,
de 2019 à 2021,
sur l’
assistance aux étudiants ultramarins en matière
d’aide à la mobilité,
au
logement et aux stages en entreprises, sans que cette action ne soit articulée avec celle de
l’Agence pour la mobilité de l’outre
-
mer (Ladom), établissement public placé sous l’autorité
du même ministre, n
i ne s’inscrive dans une
quelconque coordination interministérielle de ces
actions.
Malgré cette orientation
symbolique, le public cible n’a fait l’objet d’aucune définition
claire, ni d’aucun recensement précis. Aucun diagnostic des besoins ou état des li
eux des
moyens existants n’a été réalisé, de sorte que la réalisation des objectifs assignés au délégué ne
peut être mesurée.
En l’absence de mandat
plus précis, chacun des deux délégués en fonction au cours de
la période sous revue a mené quelques projets, sans continuité ni suivi. Les rares résultats
chiffrés disponibles indiquent un faible niveau de réalisation. À titre d’exemple, 63 étudiants
ultramarins seulement ont obtenu un logement en 2021 grâce à la plateforme Hébergement
outre-mer (Hom)
1
mise en place par la délégation, alors que 8 000 étudiants ultramarins arrivent
chaque année en métropole.
Les outils ou dispositifs mis en place se sont ainsi révélés éphémères et sans grand
impact. Les conventions signées avec de grands groupes privés au bénéfice des étudiants
n’ont
guère valu que par
l’effet d’annonce de leur signature, la délégation ne s’étant
pas impliquée
dans leur
mise en œuvre
et
n’étant
pas plus
à même d’indiquer leur effet. La réalisation d’un
annuaire des associations regroupant des Fran
çais d’outre
-mer a été financée en 2020 sans que
cet annuaire
n’
ait été encore rendu public au printemps 2022. Cette carence crée un risque
déceptif tant du côté des entreprises signataires que des bénéficiaires ultramarins potentiels et
engendre, de ce fait, un risque réputationnel pour le ministère des outre-mer.
1
Source : bilan du CROUS de Paris ; la délégation souligne que ce chiffre est hors contractualisation
directe avec des bailleurs pouvant par ailleurs être référencés dans HOM mais non quantifiés.
LA DELEGATION INTERMINISTERIELLE POUR L
’EGALITE DES CHANCES
DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
5
Le forum des étudiants ultramarins fait figure d’exception, cet évènement annuel s’étant
tenu en ligne ces deux dernières années.
Le coût de cette délégation est modeste sans être négligeable. La Diecfomvi dispose de
six emplois (ETP)
, correspondant à une dépense d’environ 390
000
€ par an. Le budget de
fonctionnement (hors rémunérations) est passé d’environ 16
000 € en 2019 à environ 52
000
€
en 2021, afin de financer le développement d’outils numériques durant la crise sanitaire
(plateformes O
utremersolidaires et HOM). Le budget d’intervention de 45
000
€ en 2019 a été
intégré dans le budget de la DGOM en 2021 afin de mettre un terme aux financements
redondants et non concertés entre les deux entités.
À ces modestes moyens budgétaires
s’ajoute cependant un coût de soutien substantiel
de la délégation : deux ministères et au moins deux sous-
bureaux du ministère de l’outre
-mer
contribuent partiellement à son administration, ainsi que le cabinet de ce ministère (ordres de
mission, communication).
Le resserrement des liens entre la Diecfomvi et la DGOM entrepris en 2019 est certes
susceptible d’améliorer une gestion
encore récemment marquée par des pratiques hasardeuses
en matière de recrutement d’experts, de contrats de formation ou de fra
is de déplacement, mais
il n’a pas permis d’améliorer la qualité de la programmation des crédits de la délégation.
L’absence de stratégie concrète, voire d’orientations données à cette délégation, jointe
à la modicité des moyens affectés, la confinent à une certaine marginalité, au-
delà d’actions de
simple communication, au sein du réseau déjà dense des acteurs publics (administrations
comme Ladom, autres délégations interministérielles) et privés (association Casodom
2
par
exemple
) œuvrant au bénéfice des u
ltramarins en métropole.
Conçue comme une structure de pilotage et de coordination sans jamais en avoir exercé
les prérogatives, la Diecfomvi est donc
aujourd’hui cantonnée
dans une fonction symbolique
tout en étant porteuse de risques pour le ministère des outre-mer.
Cette situation
ne peut qu’inviter à
reconsidérer son existence, au regard des missions
actuellement confiées à la DGOM en matière interministérielle, à Ladom en matière de
facilitation des mobilités entre les outre-mer et la métropole et au cabinet du ministre lui-même
en matière de visibilité générale des outre-mer dans la population française.
2
Comité d'Action Sociale en faveur des Originaires des. Départements d'Outre-Mer en métropole.
LA DELEGATION INTERM
INISTERIELLE POUR L’
EGALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
6
INTRODUCTION
La délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre
-mer
(Diecfom) a été créée par le décret n° 2007-1062 du 5 juillet 2007 et se trouve placée sous
l’autorité du ministre des outre
-mer.
Une délégation interministérielle permet en principe au gouvernement d’afficher son
volontarisme sur des axes sectoriels ou thématiques transversaux, sans surcoût budgétaire
(moyens et personnel du ministère de rattachement), soit pour gérer des crises (délégation à la
reconstruction de Saint-Barthélemy et Saint-Martin par exemple
), soit pour mettre en œuvre
des stratégies nationales (lutte contre la pauvreté, lutte contre les discriminations,
…
).
Structure administrative créée à l’initiative du pouvoir exécutif, elle a pour
but de faire
travailler et coordonner diverses administrations dans plusieurs ministères, à l’instar de la
délégation interministérielle aux Jeux olympiques.
Elle permet d’avoir une approche complète
et transversale sur une thématique visée. La délégation a, le plus souvent, un référent dans les
ministères ou secrétariats d’
État qui la concernent et exerce une autorité non hiérarchique.
Depuis 2007, les délégués de la Diecfom qui se sont succédé sont restés en poste en
moyenne trois ans. Pour les trois années analysées par la Cour (2019-2021), deux délégués ont
été en fonction : MM. Jean-Marc Mormeck,
jusqu’en octobre 2019
, et Maël Disa depuis
décembre 2019. À l
’occasion de la nomination de ce dernier par le décret n° 2019
-1372
du 17 décembre 2019, la Diecfom a été rebaptisée
délégation interministérielle pour l’égalité
des chances des Français d’outre
-mer et la visibilité des outre-mer (Diecfomvi), tout perdant à
cette occasion sa fonction de coordination interministérielle.
La délégation, installée au sein du ministère des outre-
mer, dispose d’un effectif
modeste de six emplois (ETPT)
, qui fonctionne avec un budget apparent d’environ 103
000
€
(CP) en 2019 et de 55 000
€ (CP) en 2021, ses crédits d’intervention ayant été réintégrés
depuis
2020 au sein de ceux de la direction générale des outre-mer (DGOM) pour éviter les doublons
d’emploi.
Après 15 ans d’existence,
la Cour a souhaité examiner cette délégation, qui
n’a pas
présenté de bilan annuel d’activité pour l’année 2021, au regard du
vaste périmètre de ses
missions et de ses bénéficiaires potentiels, de
l’effectivité de son impact
et du coût de gestion
que représente un tel organisme autonome.
LA DELEGATION INTERMI
NISTERIELLE POUR L’E
GALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
7
1
UNE MISSION TROP IMPRECISE POUR UNE DELEGATION
SANS CREDIBILITE INSTITUTIONNELLE
Le décret constitutif instituant un délégué interministériel pour l'égalité des chances des
Français d'outre-mer (Diecfom) a dirigé son intervention vers un public cible - les Français
d’
outre-mer
« en métropole »
(axe 1) -
et l’a chargé de «
faciliter leurs relations avec leurs
collectivités d’origine
» (axe 2).
C’est dans ce cadre déjà vaste qu’une mission générale de
«
prévention et d’assistance individuelle et collective
» en faveur de cette population cible, est
assignée au délégué.
1.1
Un public cible non défini, des missions vastes et imprécises
Il n‘existe aucune définition de la population
-cible visée par le décret. Selon la période
et le délégué, le périmètre retenu par la délégation a inclus des populations variables, allant des
jeunes d’origine ultramarine dans les quartiers de la politique de la ville, jusqu’à l’ensemble
des résidents d’origine ultramarine en métropole, en passant par les seuls ultramarins en
mobilité temporaire comme les étudiants ou les publics en parcours de formation ou de soins.
Aucun lien
n’a
été établi à cet égard avec la notion administrative de « centre des intérêts
matériels et moraux
3
» prise en compte notamment pour les congés bonifiés des actifs. Au cours
de la crise sanitaire en 2020, le Diecfomvi a même eu à connaître de la situation d’étudiants
ultramarins situés en Écosse, en Roumanie ou au Maroc
4
.
Si l’Observatoire des originaires
d’outre
-mer (Ondom) a défini en 2014 la « population ultramarine en métropole » comme les
«
personnes nées dans un département d’outre
-mer et de leurs descendants vivant dans
l’hexagone
»,
l
a délégation n’a pas
investi ce champ de connaissance.
Les missions de la délégation, déjà vastes, ont été artificiellement élargies. En effet, le
délégué a vocation à
«
anticiper les difficultés des Français d’outre
-mer en métropole et
faciliter leurs relations avec les collectivités d’origine
», sans préciser la nature de ces
difficultés. Au cours de
l’enquêt
e la Cour, ni les interlocuteurs ministériels, ni les acteurs
associatifs
n’ont
convenu d’une interprétation partagée de la mission de la délégation, au
-delà
d
’une activité visant à
remédier à des dysfonctionnements ponctuels affectant le séjour en
métropole de citoyens français en provenance de territoires ultramarins :
ouverture d’un compte
bancaire,
dépôt d’une caution locative avec domiciliation ultramarine
, accès au logement pour
les étudiants ou continuité territoriale. Ces sujets ont au demeurant été pour la plupart résolus
pa
r d’autres canaux
. Le gouvernement a souhaité, en 2019, ajouter et faire prévaloir dans son
intitulé comme dans son champ de compétence, la question de la visibilité des outre-mer. Ce
redimensionnement de mission est intervenu dans le contexte de l’annonce
de la fermeture de
France Ô, chaîne consacrée à l’outre
-mer. Pourtant, cette activité est restée sous le pilotage du
3
Cette notion, qui vise à établir des droits sociaux particuliers pour ses bénéficiaires, est principalement
d’origine jurisprudentielle.
4
Audition du Diecfomvi le 4 juin 2020 devant les parlementaires de la délégation aux outre-mer de
l’Assemblée nationale présidée par le député Olivier Serva.
LA DELEGATION INTERM
INISTERIELLE POUR L’
EGALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
8
cabinet du ministère des outre-mer. Globalement, les délégués se sont vu fixer des objectifs par
le Premier ministre puis par le ministre
de l’outre
-mer, mais dans les faits ils ont défini eux-
mêmes leur plan d’action.
Les objectifs de Jean-Marc Mormeck, délégué ayant été nommé en mars 2016 ,lui ont
été assignés par lettre de mission du Premier ministre du 27 mai 2016. Les bénéficiaires de
l
’action publique
y sont définis sur un fondement juridique discutable, en référence à leur
appartenance présumée à une communauté : la jeunesse ultramarine en quartiers difficiles
« afin
que les jeunes ultramarins
en formation dans l’hexagone puissent être
davantage identifiés et
suivis ».
L
’objectif d’une «
professionnalisation » des réseaux associatifs tournés vers les
jeunes est insuffisamment explicite, tout comme celui d’une coordination des partenaires de la
mobilité, notamment avec
l’Agence pour la m
obilité outre-mer (Ladom), opérateur du ministère
des outre-mer compétente sur le sujet. Enfin,
la recherche d’un ciblage de bénéficiaires pour la
mise en œuvre d’une politique très générale de lutte contre le racisme et les discriminations
5
aboutit à une formulation complexe
(« contribuer à la déconstruction des stéréotypes »)
et
presqu’elle
-même discriminatoire
6
(
«
dont sont trop souvent victimes les originaires d’outre
-
mer »).
La lettre de mission de son successeur, M. Maël Disa, a été signée le 15 mars 2021, soit
14 mois après sa nomination. Au-delà des vicissitudes liées à la crise sanitaire et
de l’impact du
remaniement ministériel de juillet 2020, ce délai illustre une indécision de la part de l’
État, en
partie compensée depuis
7
. Cette formulation
difficile des objectifs de la délégation, faute d’une
mission qui lui soit clairement assignée, a conduit le délégué à rechercher une utilité
opérationnelle immédiate sur des sujets de vie quotidienne, contrastant avec les notions de
conception et d’appui stratégique
prévues dans le décret. L
’empilement d’actions aux ressorts
très différents (aide au logement, accompagnement au retour, aide funéraire, solidarité Covid,
drépanocytose, repérage des talents, lutte contre les discriminations
…
)
et à l’impact concret
incertain ne permet
d’en évaluer l’activité.
1.2
La délégation ne construit ni n’entretient de relations interministérielles
En 2018, le délégué décrivait son rôle
comme étant celui d’un
«
médiateur de l’action des
pouvoirs publics auprès de la communauté ultramarine en métropole »
8
.
Pourtant, le décret de
2019, contrairement à celui de 2007,
l’a
placé dans un positionnement inédit à ce niveau de
l’action gouvernementale, puisqu’il n’a plus
à
«
coordonner la mise en œuvre
»
des politiques
publiques dans son secteur et se limite à apporter son concours à leur définition. Pourtant, ces
lettres de mission indiquent toujours que «
les missions du délégué doivent être élaborées et
menées en étroite collaboration avec les ministères concernés
».
Au contraire d’autres
5
Le Premier ministre précisant à cette occasion :
« Dans la continuité de vos engagements personnels
contre le racisme…
».
6
Sous-
entendant qu’il existe des «
niveaux » dans le racisme et la discrimination.
7
La dernière lettre de mission a été signée le 15 mars 2021, mais une réunion tenue le 15 septembre 2020
a conduit le ministre a fixer informellement au Diecfomvi des lignes d’action.
8
Contribution du Diecfom - Rapport 2018 sur la lutte contre le racisme
, publié sous le timbre du Premier
ministre.
LA DELEGATION INTERMINI
STERIELLE POUR L’EGA
LITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
9
délégations de même type, aucune cellule interministérielle, même informelle, n’a été créée à
l’initiative des deux délégués de la période sous revue.
La participation des délégués aux
réunions interministérielles est demeurée rare
9
et les délégués successifs ne se sont pas appuyé
sur les référents outre-mer désignés dans chaque cabinet ministériel en 2017
10
.
La Cour a récemment
eu l’occasion de souligner les difficultés de la
direction générale
de l’outre
-mer (DGOM) elle-même à assumer sa vocation interministérielle
11
. Certains
ministères conduisent leurs actions sans participation du ministère des outre-mer et
a fortiori
sans intégrer l’existence de la délégation interministérielle dans leur démarche, à l’instar
du
minis
tère de la culture qui finance des évènements comme le festival Transat, l’atelier Médicis
et les assises des langues régionales. De même
, l’agence nationale des sports, présidée et dirigée
par des personnalités originaires des outre-mer, prend entièrement en charge, en coordination
avec Ladom, l’organisation des Jeux de la Caraïbe. D’autres ministères, tel le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche
, ne définissent pas une catégorie spécifique
d’étudiants, au nom du respect du principe de l’égalité de traitement.
La délégation n’assure aucune coordination interministérielle au plan opérationnel et
n’entre en aucune façon dans la définition des stratégies des ministères en direction des
populations ultramarine en métropole.
À défaut de coordination interministérielle, les délégués successifs ont proposé
plusieurs types d’action au ministère de rattachement
(
soutien aux créateurs d’entreprises dans
les territoires ultramarins, développement de la coopération économique avec les pays africains
ou encore organisation de la continuité territoriale funéraire) sans disposer des moyens de
proposer une action publique structurée de bout en bout. À titre illustratif
, la mise en œuvre de
la continuité territoriale funéraire a été confiée à Ladom en 2021, positionnant ainsi le délégué
comme un simple conseiller de l’établissement public.
Enfin, la promotion des politiques gouvernementales par la délégation ne prend pas de
forme spécifique. Le site internet de la délégation relaie le baromètre des actions
gouvernementales territorialisées et thématisées, ainsi que des portraits de bénéficiaires du plan
de relance. Aucun dispositif ou politique publique en faveur des ultramarins n’est ici relayé.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les délégués de la Diecfom/Diecfomvi ne se sont pas vu assigner clairement, ni par les
textes réglementaires ou leurs lettres de mission, ni par
l’
administration de rattachement, une
mission de mise en œuvre ou de coordination d’une politique publique identifiable, concernant
« la population ultramarine en métropole
», avec le périmètre d’action et les objectifs
opérationnels afférents. La reconduction, en 2019, de la délégation avec des missions quasi-
identiques d’intervention
(à l’exception de la mission de coordination interminist
érielle), après
9
En février et septembre 2019, deux réunions interministérielles ont été présidées par le conseiller outre-
mer du cabinet du Premier ministre, afin de préparer le Comité interminis
tériel de l’outre
-mer (Ciom) de septembre
2019, auxquelles le Diecfom a participé en tant qu’observateur.
10
Des rencontres ont eu lieu en bilatéral en 2020 et 2021, sans portée opérationnelle apparente.
11
Cour des comptes, observations définitives sur la DGOM adressées par le président de la 5
ème
chambre,
13 juillet 2021.
LA DELEGATION INTERM
INISTERIELLE POUR L’
EGALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
10
douze années d’activité sans évaluation
des résultats obtenus
ou de l’action
du délégué,
constitue une lacune qui peut illustrer la faiblesse des ambitions réelles.
Déchargé en 2019 de la mission de coordination interministérielle, le délégué fait
désormais office de médiateur. Il n’est toutefois pas associé systématiquement aux décisions
qui concernent les outre-mer et est privé de la capacité à communiquer directement sur ses
actions. Il n
’est donc plus en situation de
contribuer à la construction et à la promotion des
politiques gouvernementales.
LA DELEGATION INTERMINIST
ERIELLE POUR L’EGALI
TE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
11
2
UN ACTIVISME INCONSTANT ET PEU FECOND FACE A LA
CONCURRENCE DES AUTRES ENTITES DU SECTEUR
Non seulement l’action de coordination interministérielle de la Diecfomvi est
inexistante, mais ses initiatives doublonnent, au moins dans leur conception et dans les
partenariats
qu’elles appellent
, avec des réalisations privées ou publiques dans les mêmes
domaines d’intervention.
2.1
La délégation lance des actions sans impact significatif
La Diecfomvi
n’a la responsabilité du pilotage d’aucun dispositif spécifique, aussi bien
stratégique
qu’opérationnel.
Les
délégués
déclenchent
des
actions
jusqu’à
l
eur
contractualisation, sans en assurer le suivi, de sorte que celles-ci
ne peuvent qu’être
éphémères
et ont été
de fait abandonnées, à l’exception du Forum des étudiants (
cf.
infra
), lors du
changement de délégué.
L’accompagnement des étudiants
, une des seules thématiques investies sur la durée, a
fait l’objet d’actions ponctuelles
. La difficulté de logement des étudiants ultramarins dans les
villes universitaires de métropole est un obstacle à leur mobilité. Pour certains parcours de
formation qui
n’existent qu’en métropole, la recherche d’un logement avec un tel éloignement
est compliquée du fait de la méconnaissance des territoires, des acteurs, des aides et des relais
locaux.
La délégation s’est
donc efforcée de convaincre des bailleurs de réserver et
d’attribuer
des logements aux étudiants ultramarins en conventionnant la pré-instruction des dossiers de
demande de logement étudiant par les bailleurs dans les territoires d’outre
-mer puis leur
transmission aux
entreprises sociales pour l’habitat
de métropole
12
, le déploiement de la
garantie Visale avec Action logement. La délégation a conclu un accord avec le Crous Île-de-
France, l’USH outre
-mer, le
Comité d’action en faveur des originaires des départements
d’outre
-mer en métropole (Casodom, association de la loi de 1901) et divers bailleurs (CDC
Habitat, Arpej, Nexity, les Estudines, Espacil) en 2021 et 2022 pour la réalisation et
l’exploitation d’une
plateforme dénommée Hébergement outre-mer (Hom). Les bailleurs
s’engagent à renseigner la plateforme, à donner un accès prioritaire aux jeunes ultramarins aux
logements, à permettre un transfert de résidence sans frais et à pratiquer une tarification
préférentielle (frais de dossier, cautions).
Cette plateforme, ouverte un mois seulement, en juillet 2021
13
,
n’
a enregistré que
415 demandes recevables pour 4 000 offres. Seuls 63 étudiants, hors contractualisations
directes avec des bailleurs référencés par la plateforme
14
, ont finalement été logés par son
intermédiaire, pour un coût total de 82 279
€ versé au Crous de Paris (soit plus de 1
300
€ par
12
Cf. convention ALI-USH-FESH du 26 septembre 2017.
13
L’exploitation de la plateforme, désormais portée par le ministère des outre
-mer, a été suspendue
depuis.
14
Estimées par le Diecfomvi à 142 logés par Arpej, 11 par Espacil, 31 par Nexity.
LA DELEGATION INTERM
INISTERIELLE POUR L’
EGALITE DES CHANCES DES FRANÇAIS
D’OUTRE
-MER ET LA VISIBILITE DES OUTRE-MER (DIECFOMVI)
12
étudiant logé, hors coûts de gestion
15
). En 2022, la plateforme ne devrait pas être utilisée, la
nouvelle mesure de revalorisation des points de charge pour les étudiants en provenance des
outre-mer permettant en principe de mieux prioriser leur demande auprès du Crous. La
délégation considère que cette modification administrative aura une meilleure efficacité que le
dispositif de plateforme précédemment mis en œuvre.
Dans le même temps, d’autres
organismes ont développé une offre de service pour le logement de ces mêmes étudiants. Par
exemple, Ladom et Studefi (CDC Habitat) ont conclu en juillet 2021 un accord de partenariat
pour permettre un accès facilité aux bénéficiaires des services de Ladom à 4 000 logements
étudiants en Île-de-France. Le Cnous a conventionné pour trois ans avec des collectivités
régio
nales ultramarines en novembre 2020, afin d’échanger les listes des étudiants demandeurs
et faciliter
l’
accueil,
l’
installation et
l’
intégration de ces derniers.
Ce foisonnement d’
offres
montre que la question du logement des étudiants ultramarins dépasse largement les
compétences et les moyens de la délégation qui ne peut assumer, seule, un tel rôle
d’opérateur
public.
L’appui à la mobilité professionnelle en métropole est une autre exemple d’intervention
potentielle de la délégation. Pour la préparer, un programme dit Mobil jeunes a été déployé
depuis 2019 par le CIDJ avec le soutien de la région Île-de-France (50 000
€) puis du ministère
des outre-mer depuis 2021 (50 000
€) «
pour un accompagnement personnalisé des jeunes
d’outre
-mer étudiant en métropole
»
. Ce programme, qui
n’est
pas réservé aux étudiants
ultramarins en métropole, ne comporte aucun indicateur pour en évaluer la réussite.
La seule action récurrente menée par la délégation
concerne l’organisation du forum des
étudiants d’outre
-mer, ciblant prioritairement les primo-arrivants. Le coût est passé de 30 000
€
en 2019 à 45 600
€ en 2021, financé
s sur le budget de la Diecfom
16
.
La crise sanitaire a confirmé l’impossibilité pour la délégation d’assur
er seule des
actions opérationnelles. À la suite du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales
pour faire face à l’épidémie de Covid 19
, des étudiants ultramarins présents en métropole se
sont vu dans l’impossibilité de
rentrer dans leur foyer. Le ministère des outre-mer a mis en
place une
task force,
composée des responsables de la DGOM, du directeur de Ladom et du
délégué de la Diecfomvi,
afin d’aider à leur raccompagnement.
Ladom a organisé le retour des
étudiants relevant exclusivement de ses propres dispositifs, soit près de 300 ultramarins. La
délégation a déployé trois actions, qui ont eu peu de portée :
-
la
plateforme d’entraide et de solidarité
outremersolidaires.gouv.fr
en avril 2020 pour
faciliter la mise en relation entre les étudiants dans le besoin et les associations offrant des
services, sans
interface avec l’autre plateforme gouvernementale
« jeveuxaider.gouv.fr ».
Au vu des publicités et du contenu de certaines annonces, la plateforme ne semble pas
avoir été administrée ;
-
la sélection par la délégation de 14 associations, après a
ppel à manifestation d’intérêt
, pour
accompagner les étudiants
dans les domaines de l’aide alimentaire,
de la lutte contre
l’isolement,
de
l’aide pour les démarches administratives et
du tutorat. Un bilan partiel a
15
L’USHOM a mis à disposition gracieusement deux ETP et le Casodom trois ETP en 2021 pour réaliser
l’intermédiation entre les offres et les demandes e
t traiter les dossiers.
16
Pour le forum 2019, une convention a été signée entre le ministère et la délégation pour l’organisation
de l’évènement. En revanche, aucune convention n’a pu être identifiée pour 2020 et 2021.