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RAPPORT PUBLIC
ANNUEL
1
ère
partie :
observations des
juridictions financières
TABLE DES MATIÈRES
I
Délibéré…………………………………………………………………………….III
Chapitre I – Politiques publiques……………………………………1
Rapport Réponses
L’Etat actionnaire : apports et limites de l’Agence
des participations de l’Etat……………………..………………
3
37
Le bilan de la gestion des défaisances…………………………
63
92
Le rôle et la stratégie du CNRS………………………………..
113
140
Les universités des villes nouvelles franciliennes :
bilan et perspectives…………………………………………….
155
179
La mise en place du Fonds pour l’insertion des personnes
handicapées dans la fonction publique……………………….
187
200
L'évolution des structures et des services aux demandeurs
d'emploi……………………………………………………………
209
233
Les péages autoroutiers…………………………………………
237
257
La dotation de continuité territoriale aérienne
avec l’outre-mer…………………………………………….……
323
336
Les aides au développement agricole…………………………
347
357
La participation de la France aux corps militaires
européens permanents…………………………………….…….
363
373
Chapitre II – Gestion des services de l’Etat
et des organismes publics……………………………………..……379
Rapport Réponses
La réforme de la gestion des pensions des
fonctionnaires de l’Etat…………………………………………
381
393
La redevance audiovisuelle : réforme et perspectives………
395
411
L’Imprimerie nationale : le coût d’une réforme
mal pilotée………………………………………………………...
417
429
Les conservations des hypothèques……………………………
435
452
La gestion des frais de justice………………………………….
457
473
Les interventions en faveur de l’égalité entre les femmes
et les hommes : le service des droits des femmes
et de l’égalité (SDFE)…………………………………………..
483
492
II
COUR DES COMPTES
Rapport Réponses
La gestion des ressources humaines de l’ANPE……………
501
518
Situation et perspectives de l’institut national de
l’audiovisuel………………………………………………………
521
529
L’établissement public de santé national de Fresnes………
537
544
La gestion des Thermes nationaux d’Aix-les-Bains…………
549
559
Défaillances et insuffisances dans la fonction comptable
des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE).
561
572
Chapitre III – Gestion immobilière……………………………….591
Rapport Réponses
La restructuration de l’immeuble des Bons Enfants………..
595
604
La gestion immobilière des ministères sociaux :
la rénovation du site Ségur-Fontenoy…………………………
619
624
Les opérations immobilières Kléber / Convention à Paris…
635
651
L’immeuble abritant le « pôle renseignement »
du ministère de l’intérieur………………………………………
657
665
Le centre des archives diplomatiques du ministère
des affaires étrangères et européennes……….…………
.....
671
676
L’activité des juridictions financières……………………………………
679
Rapports publiés par la Cour des comptes en 2006 et 2007………….
691
Rapports communiqués au Parlement en 2006 et 2007……………….
693
DÉLIBÉRÉ
III
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du
code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en
chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu des projets qui avaient été communiqués
au préalable aux administrations, collectivités et organismes concernés, et
après qu’il a été tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses fournies
par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces réponses sont
publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les observations les concernant ont également été communiquées
aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques
intéressées ; il a été tenu compte, quand il y avait lieu, de leurs réponses.
Etaient présents : M. Séguin, premier président, MM. Pichon, Picq,
Babusiaux, Mmes Cornette, Ruellan, MM. Hernandez, Descheemaeker,
présidents de chambre, Mme Bazy Malaurie, président de chambre,
rapporteur
général,
MM.
Delafosse,
Cieutat,
Carrez,
Fragonard,
présidents de chambre maintenus en activité, MM. Chartier, Billaud,
de Mourgues, Mayaud, Houri, Richard, Devaux, Arnaud, Bayle, Bouquet,
Adhémar, Rémond, Gillette, Duret, Ganser, Martin (Xavier-Henri),
Bertrand, Monier, Thérond, Mme Froment-Meurice, MM. Cazanave,
Ritz, Frèches, Mme Levy-Rosenwald, MM. Pannier, Moulin, Lebuy,
Lefas, Durrleman, Gauron, Alventosa, Lafaure, Andréani, Mmes Morell,
Fradin, MM. Braunstein, Brochier, Delin, Mmes Saliou (Françoise),
Dayries, MM. Levy, Bernicot, Deconfin, Phéline, Bertucci, Tournier,
Mmes Darragon, Colomé, MM. Bonin, Vivet, Mme Moati, MM. Mollard,
Cossin, Lefebvre, Couty, Mme Aubin-Saulière, MM. Sabbe, Pétel,
Maistre, Martin (Christian), Valdiguié, Ténier, Lair, Hayez, Corbin,
Ravier, Rabaté, Doyelle, Korb, Mme Dos Reis, M. de Gaulle,
Mme Saliou (Monique), M. Guibert, Mme Carrère-Gée, MM. Uguen,
Zérah, Salsmann, Guédon, Mme Gadriot-Renard, M. Martin (Claude),
conseillers maîtres, MM. Pascal, Gleizes, Lemasson, Schaefer, Zeller,
d’Aboville, Limodin, André, Cadet, conseillers maîtres en service
extraordinaire.
Etait présent et a participé aux débat : M. Bénard, procureur
général de la République.
IV
COUR DES COMPTES
N’ont pas pris part aux délibérations :
M. Frèches, conseiller maître, en ce qui concerne l’insertion « L’Etat
actionnaire : apports et limites de l’Agence des participations de l’Etat » ;
M. Lemasson, conseiller maître en service extraordinaire, en ce qui
concerne l’insertion « Le bilan de la gestion des défaisance » ;
M.
Couty,
conseiller
maître,
en
ce
qui
concerne
l’insertion
« L’établissement public de santé national de Fresnes » et l’insertion
« La gestion des Thermes nationaux d’Aix-les-Bains » ;
M. Billaud, conseiller maître, en ce qui concerne l’insertion « L’Opéra
national de Paris ».
***
Mme Mayenobe, Secrétaire général, assurait le secrétariat de la
Chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 23 janvier 2008
COUR DES COMPTES
V
Chacune des vingt-six insertions publiées dans ce fascicule ont
préalablement été délibérées par une des sept chambres de la Cour des
comptes ou par une chambre régionale ou territoriale des comptes, puis
arrêtée par le Comité du rapport public et des programmes présidé par
M. Philippe Séguin, premier président, avant d’être communiquée, en
intégralité ou par extraits, aux administrations et organismes concernés
afin de recueillir leurs éventuelles observations.
Le tableau suivant mentionne les rapporteurs ayant effectué les
contrôles dont les insertions publiées dans le rapport annuel de la Cour
constituent la synthèse :
L’Etat actionnaire : apports et limites de l’Agence
des participations de l’Etat
M. Bertrand, conseiller maître
Mme Bouzanne des Mazery, conseiller référendaire
Le bilan de la gestion des défaisances
M. Lefas, conseiller maître
Mme Saliou (Monique), conseiller maître
M. Bichot, conseiller référendaire
Le rôle et la stratégie du CNRS
Mme Froment-Meurice, conseiller maître
M. Groper, conseiller référendaire
Mme Charolles, rapporteur
Les universités des villes nouvelles franciliennes :
bilan et perspectives
Mme Froment-Meurice, conseiller maître
M. Pétel, conseiller maître
M. Korb, conseiller maître
M. Zeller, conseiller maître en service extraordinaire
M. Barichard, conseiller référendaire
M de Nicolaÿ, conseiller référendaire
M. Hacquin, rapporteur
La mise en place du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées
dans la fonction publique
M. Bayle, conseiller maître
M. Urgin, conseiller référendaire
VI
COUR DES COMPTES
L'évolution des structures et des services aux demandeurs d'emploi
M. Durrleman, conseiller maître
M. Baccou, conseiller référendaire
M. Guédon, conseiller maître
Les péages autoroutiers
M. Lévy, conseiller maître
M. Le Roux, rapporteur
La dotation de continuité territoriale aérienne avec l’outre-mer
M. Pallot, conseiller maître
Mme Prieur, rapporteur
Les aides au développement agricole
M. Berthet, conseiller maître
M. Écalle, conseiller référendaire
La participation de la France aux corps militaires
européens permanents
M. Bouquet, conseiller maître
M. d’Albis, conseiller maître en service extraordinaire
La réforme de la gestion des pensions des fonctionnaires de l’Etat
M. Bertrand, conseiller maître
M. Bigand, rapporteur
La redevance audiovisuelle : réforme et perspectives
M. Bertrand, conseiller maître
M. Andréani, conseiller maître
M. Vareille, rapporteur
L’Imprimerie nationale : le coût d’une réforme mal pilotée
M. Duret, conseiller maître
M. Malhomme, rapporteur
Les conservations des hypothèques
M. Bertrand, conseiller maître
M. Brouder, conseiller référendaire
COUR DES COMPTES
VII
La gestion des frais de justice
M. Moreau, conseiller maître
M. Gourdin, auditeur
Les interventions en faveur de l’égalité entre les femmes et les
hommes : le service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE).
M. Bayle, conseiller maître
M. Machard, conseiller référendaire
La gestion des ressources humaines de l’ANPE
Mme Dayries, conseiller maître
Mme Pailot-Bonnetat, conseiller référendaire
Mme Chapuis-Nenny, rapporteur
Situation et perspectives de l’institut national de l’audiovisuel
M. Sabbe, conseiller maître
M. Rousselot, conseiller référendaire
L’établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)
Mme Casas, conseiller référendaire
Mme Cordier, conseiller référendaire
La gestion des Thermes nationaux d’Aix-les-Bains
M. Cardon, conseiller maître
M. Cultiaux, conseiller maître en service extraordinaire
Défaillances et insuffisances dans la fonction comptable
des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE)
M. Bertucci, conseiller maître, Président de la chambre
régionale des comptes d’Ile-de-France
M. Mourier des Gayets, conseiller référendaire,
Vice-président de la chambre régionale des comptes
d’Ile-de-France
M. Burckel, Président de section auprès de la chambre
régionale des comptes d’Ile-de-France
La restructuration de l’immeuble des Bons Enfants
M. Sabbe, conseiller maître
M. Giannésini, conseiller référendaire
Mme Wirgin, auditrice
VIII
COUR DES COMPTES
La gestion immobilière des ministères sociaux :
la rénovation du site Ségur-Fontenoy
M. Mollard, conseiller maître
Les opérations immobilières Kléber / Convention à Paris
M. Bertrand, conseiller maître
M. Maistre, conseiller maître
M. Lion, conseiller référendaire
L’immeuble abritant le « pôle renseignement »
du ministère de l’intérieur
M. Ganser, conseiller maître
M. Cazanave, conseiller maître
Le centre des archives diplomatiques du ministère
des affaires étrangères et européennes
M. Maistre, conseiller maître
M. Briand, rapporteur
Chapitre I
Politiques publiques
L’Etat actionnaire : apports et limites
de l’Agence des participations de l’Etat
_____________________
PRESENTATION
____________________
La Cour s’est attachée à dresser un premier bilan de la réforme de
l’Etat actionnaire, dont la création, en 2004, de l’Agence des
participations de l’Etat (APE) a été la pièce maîtresse.
Distingué de l’« Etat régulateur » (des marchés, en particulier) ou
de l’« Etat acheteur » (surtout quand il est un client dominant, comme
pour les matériels de défense), l’« Etat actionnaire » est l’expression
d’un choix politique, visant, dans un souci d’amélioration de l’efficacité
de l’Etat, à mieux reconnaître et à professionnaliser l’exercice de sa
fonction d’actionnaire à l’égard des entreprises qu’il contrôle ou dont il
détient une participation.
Des
enquêtes
conduites
par
la
Cour
sur
l’Agence
des
participations de l’Etat, mais aussi sur les entreprises publiques, il
ressort que, malgré
les privatisations successives, l’Etat reste un
actionnaire fondamentalement atypique, par le nombre et le poids de ses
participations, mais surtout par la multitude des intérêts, souvent
contradictoires, qu’il est amené à prendre en compte. Dans son
organisation et ses processus de réflexion stratégique, de préparation des
décisions et d’arbitrage, il peine à maîtriser les contradictions qui
l’enserrent.
Tout comme a été bienvenue, antérieurement, la dissociation des
fonctions de régulation des marchés au sein des administrations centrales
ou par l’institution d’autorités indépendantes (le Conseil de la
concurrence, l’Autorité de régulation des communications électriques et
des postes, la Commission de régulation de l’énergie,
etc.), la réforme de
2004 a constitué un progrès, en facilitant, par la création de l’Agence des
participations de l’Etat, l’identification et la prise en charge de la
dimension patrimoniale du rôle d’actionnaire revenant à l’Etat.
4
COUR DES COMPTES
Pour autant, la stratégie, avant tout financière, suivie par l’Agence
n’a guère été transparente, ni suffisamment justifiée, notamment auprès
du Parlement. En réalité, elle a été essentiellement axée sur le
désengagement et les cessions. Malgré un indéniable savoir-faire, ses
performances patrimoniales n’ont pas toujours été convaincantes.
Par ailleurs, dans ses positions d’actionnaire, l’Etat ne peut s’en
tenir à des considérations strictement patrimoniales. Il lui faut aussi, à
des degrés divers selon les secteurs de l’économie, englober d’autres
considérations stratégiques, participant notamment des politiques de
défense ou industrielles et plus généralement de la valorisation d’intérêts
nationaux ou européens. Or, volontairement centrée sur la défense des
intérêts patrimoniaux, l’Agence ne joue pas ce rôle de synthèse. Pour
cette raison aussi, de nouvelles évolutions de la gouvernance de l’Etat
actionnaire paraissent nécessaires.
I
-
Un actionnaire atypique
Après plusieurs vagues de privatisations, l’Etat conserve, en tant
qu’actionnaire, des spécificités irréductibles. Sa place dans l’économie,
ses motivations particulières et ses mécanismes décisionnels font de lui
un acteur à part du secteur productif national.
A - Des enjeux financiers toujours considérables
Au 31 décembre 2006, d’après le répertoire établi par l’INSEE
1
,
l’Etat contrôlait directement 90 entreprises et 755 indirectement. Les
90 entreprises publiques de premier rang représentaient 3,7 % de l’emploi
salarié.
Pour sa part, l’Agence des participations de l’Etat suivait, en 2007,
53 participations, dont certaines minoritaires, dans des entreprises du
secteur productif. Son périmètre ne coïncide donc pas totalement avec le
répertoire établi par l’INSEE. A la différence de celui-ci, il exclut les
entités considérées comme des « opérateurs des politiques de l’Etat »
(telle la Caisse centrale de réassurance), ainsi que la Banque de France
et
la Caisse des dépôts et consignations
2
. Quelques entreprises, telles que
1) Répertoire RECME, établi annuellement.
2) Le rapport sur
«L’Etat actionnaire » publié par l’Agence des participations de
l’Etat explique cette exclusion de la Caisse des dépôts et consignations par les
« spécificités de ses missions publiques (épargne réglementée, financement du
logement social) qui la placent, aux termes de ses statuts, sous la surveillance du
Parlement ».
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
5
Météo France, ne sont pas non plus aujourd’hui dans le périmètre de
l’Agence. Dans le domaine industriel, l’Agence n’a pas compétence sur le
Commissariat à l’énergie atomique (CEA), alors qu’elle suit sa filiale
AREVA. Ces cas mis à part, le portefeuille de l’Agence se confond très
largement avec celui de l’Etat actionnaire.
Ce portefeuille a connu au cours des dernières années une double
évolution : les cessions se sont poursuivies ; pour autant, sa valeur
boursière a considérablement augmenté.
1 -
La poursuite des transferts au secteur privé
Privatisations : rappel historique
Après les nationalisations des années
1981 et 1982, venues accroître
le secteur public productif constitué avant et surtout après la seconde guerre
mondiale, l’alternance politique de 1986 s’est traduite par une vague de
privatisations qui devait permettre aux entreprises de s’adapter de façon plus
réactive à leur environnement concurrentiel.
La règle du « ni-ni » (i.e. : ni privatisation, ni nationalisation) en
vigueur au cours de la période 1988-1993 n’interdira pas aux entreprises
publiques en mal de financement d’ouvrir leur capital à des actionnaires
privés minoritaires (opérations dites de « respiration », ayant entraîné une
privatisation partielle du Crédit local de France, d’Elf Aquitaine, de Total et
de Rhône Poulenc).
La deuxième vague de privatisations trouve son fondement juridique
dans la loi du 19 juillet 1993
3
, qui a concerné 21 entreprises du secteur
concurrentiel. Ont été transférées au secteur privé, en plus des entreprises qui
avaient fait l’objet d’une ouverture minoritaire au cours de la période
précédente, la BNP (octobre 1993), Bull (avril 1995) et les AGF (mai 1996).
Durant la période 1997-2002, ont également été privatisées, les
entreprises inscrites sur la liste annexée à la loi de juillet 1993 qui n’avaient
pas encore fait l’objet d’un transfert au secteur privé : GAN, CIC, Crédit
Lyonnais, Thomson CSF et Thomson Multimédia, ainsi que l’Aérospatiale.
En 2002, seules quatre entreprises figurant
sur la liste annexée à la
loi de privatisation du 19 juillet 1993 n’avaient pas encore fait l’objet
d’un transfert au secteur privé : Air France, Caisse centrale de
réassurance, CNP Assurances et SNECMA.
3) Loi n° 93-923 de privatisation.
6
COUR DES COMPTES
La poursuite des cessions d’actifs, une fois épuisée la liste de
1993
4
, s’est effectuée par la mise sur le marché d’une fraction ou de la
totalité du capital d’anciens monopoles publics, nationaux (EDF, Gaz de
France, France Télécom) ou territoriaux (sociétés d’autoroutes)
5
.
Les cessions de filiales ou de participations par les entreprises
publiques de premier rang ont également contribué à réduire le périmètre
du secteur public productif : 51 opérations dites de « respiration » ont été
réalisées de fin 2003 à fin 2006 (par exemple, en novembre 2005, la
cession du pôle connectique d’AREVA).
2 -
Une forte valorisation boursière des participations cotées
La valorisation des participations cotées détenues par l’Etat est
passée de 17,2 Md€ en septembre 2002 à 191,9 Md€ fin décembre 2007.
Cette évolution s’explique par les modifications de périmètre intervenues
au cours des quatre dernières années, consécutives aux ouvertures de
capital sous forme d’introductions en Bourse, et par le contexte de forte
croissance des marchés boursiers.
4) En dehors de la Caisse centrale de réassurance, dont le capital demeure entièrement
public.
5) Il s’agit des trois groupes de sociétés d’économie mixte concessionnaires
d’autoroutes (SEMCA) contrôlées par l’Etat et son établissement public Autoroutes
de France : Autoroutes du sud de la France (ASF), Autoroutes Paris-Rhin-Rhône
(APRR) et Société des Autoroutes du Nord et de l’Est de la France (SANEF).
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
7
Tableau n° 1 : Les principales participations cotées de l’Etat
30/09/02
31/12/07
Bilan de
l’Etat au
01/01/
2006
Bilan de
l’Etat au
31/12/
2006
%
détention
publique
M€
valeur
boursière
%
détention
publique
M€
valeur
boursière
M€
valeur
comptable
M€
Valeur
comptable
Air France/Air
France-KLM
54 %
873
17 %
1 203
925
925
EADS
15 %
1 319
15 %
2 679
2
2
France Télécom
56 %
4 662
27 %
17 597
4 496
4 496
Thalès (ex TCSF)
33 %
1 481
27 %
2 190
0,07
0,07
Renault
26 %
3 218
15 %
4 148
314
307
CNP
1 %
54
1 %
144
95
95
ASF
50 %
3 142
1 517
0
TMM
21 %
936
Crédit Lyonnais
11 %
1 260
Dassault-Systèmes
16 %
278
Bull
16 %
11
ADP
68 %
4 737
2 031
1 610
EDF
85 %
125 975
17 096
20 355
Gaz de France
80 %
31 398
11 630
12 402
Safran
30 %
1 780
26
26
Portefeuille total
17 236
191 903
38 132
40 218
Total du compte
« participations
financières »
(compte 26) dans le
bilan de l’Etat
143 580
153 821
Sources : tableau établi par la Cour des comptes à partir d’informations
fournies par l’Agence des participations de l’Etat (valeurs boursières) ou
tirées des comptes de l’Etat (valeurs comptables)
8
COUR DES COMPTES
Ainsi, les entreprises introduites en Bourse au cours de cette
période, qui ne figuraient donc pas dans le portefeuille des participations
cotées de l’Etat en 2002, représentent aujourd’hui 85 % de ce portefeuille,
dont 82 % pour EDF et Gaz de France.
Inversement, dans le même temps, les privatisations ont entraîné
une sortie du portefeuille de sociétés (par exemple, les sociétés
d’autoroutes) qui y avaient été intégrées lors de leur entrée en Bourse, et,
par ailleurs, l’Etat a cédé une partie des participations minoritaires qu’il
détenait en 2002.
Très concentré sur le secteur de l’énergie, le portefeuille de
participations publiques cotées a vu sa valeur progresser de 60 % de fin
août 2006 au 31 décembre 2007. Le 31 décembre 2007, il représentait
13,5 % de la valorisation boursière du CAC 40, dont 2,4 % hors EDF et
Gaz de France.
Le positionnement de l’Etat actionnaire sur la place financière de
Paris ne peut cependant
être apprécié à partir de ce seul critère de la
valorisation boursière : en effet, l’Etat n’appartient pas à la catégorie des
investisseurs actifs de la place, notamment parce qu’il s’interdit, sauf
exception, toute nouvelle prise de participation.
3 -
Des écarts importants entre valeurs comptables et de marché
Dans le compte général de l’Etat - l’équivalent des comptes
sociaux pour une entreprise -, les participations financières sont
comptabilisées en valeur d’équivalence (quote-part des capitaux propres)
pour les entreprises qu’il contrôle et à leur coût historique (valeur
d’acquisition) pour les entreprises non contrôlées. Les participations
cotées y figuraient pour un montant de 40,2 Md€ au bilan au 31 décembre
2006. Ce montant était dans un rapport de 1 à 3,7 avec la valeur boursière
du portefeuille (150 Md€), rapport plus important que celui constaté à la
même époque pour l’ensemble des sociétés du CAC 40
6
.
6) D’après une étude réalisée par le cabinet Ricol, Lasteyrie & associés sur les
comptes 2006 des entreprises du CAC 40, la valeur boursière de ces entreprises
représentait 2,6 leur valeur comptable (capitaux propres).
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
9
Comptabilisation des avoirs de l’Etat actionnaire dans le bilan de
l’Etat
Les participations de l’Etat actionnaire sont comptabilisées à l’actif
du bilan de l’Etat (compte 26 « participations financières »).
Dans le bilan d’ouverture 2006, la valeur comptable des
participations de l’Etat dans des sociétés cotées s’élevait à 38,1 Md€.
La valeur comptable de l’ensemble des participations suivies par
l’Agence des participations de l’Etat était inférieure de 2 Md€ à celle des
seules sociétés cotées comprises dans ce portefeuille, en raison de
l’existence d’entités fortement endettées, aux fonds propres négatifs
(EPFR, RFF).
Si l’on fait abstraction de ces entités à fonds propres
négatifs, la valeur comptable du portefeuille suivi par l’Agence des
participations de l’Etat atteignait 57 Md€, soit 40% du montant total du
compte 26, qui regroupe l’ensemble des participations financières de
l’Etat.
Les écarts entre valeurs comptables et valeurs de marché sont
inévitables, y compris lorsque les comptes sont tenus selon les normes
comptables internationales IAS/IFRS, qui font une large place à la
comptabilisation en valeur de marché. Pour l’Etat, plus encore que pour un
actionnaire privé, la plus-value latente que laissent supposer ces écarts doit
être considérée avec prudence : certaines participations publiques cotées
seraient difficilement négociables à un prix proche de leur cours de Bourse
en cas de désengagement, du moins massif, de leur actionnaire public de
référence. Compte tenu des montants en cause, certaine des cessions sont,
de plus, fortement dépendantes de la capacité d’absorption des marchés.
4 -
Des chantiers comptables à fort enjeu
L’Etat ne tenant pas encore de comptes consolidés, il a décidé de
synthétiser
la
situation
financière
de
ses
participations
les
plus
significatives en produisant des « comptes combinés », technique plus
souple qui permet de donner une vision comptable globalisée des sociétés
du groupe, sans les relier aux comptes de l’entité mère. Au 31 décembre
2006, ces comptes combinés faisaient ressortir un montant de capitaux
propres de 55 Md€, pour un total de bilan de 504 Md€.
La production de comptes combinés a constitué un chantier de
grande ampleur pour l’Agence des participations de l’Etat, rendu plus
complexe par le passage progressif des entités du « groupe » aux normes
IFRS. Assistée par un groupe d’experts extérieurs, l’Agence s’est imposée,
dans ce processus, des exigences proches de celles d’une véritable
consolidation. Pour s’en rapprocher, des progrès doivent cependant encore
être accomplis dans la neutralisation des opérations entre les entreprises du
10
COUR DES COMPTES
« groupe ». Alors que les relations clients/fournisseurs sont nombreuses
entre les entreprises concernées, la neutralisation des écritures comptables
correspondantes n’est aujourd’hui que très partiellement réalisée.
L’étape suivante devrait être l’établissement de comptes consolidés
de l’Etat, permettant de faire remonter dans ses états financiers les comptes
des participations financières et des entités du secteur marchand qu’il
contrôle. Appelée de ses voeux par la Cour, notamment dans ses rapports
sur les comptes de l’Etat de 2004 et de 2005, la production de comptes
consolidés est, pour l’Etat, comme pour les entreprises, un outil
indispensable à une bonne vision du patrimoine, à l’efficacité de sa gestion
et à l’appréciation de ses performances.
B - Des préoccupations plurielles
1 -
Des motivations plus larges que celles d’un investisseur privé
Aussi bien après guerre qu’au début des années 1980, ce n’est pas
pour des raisons patrimoniales que l’Etat a fait le choix de nationaliser puis
de garder le contrôle d’entreprises du secteur productif, mais pour d’autres
motifs : contrôle direct des entreprises chargées d’une mission de service
public (transports ferroviaires, énergie), contrôle de ses principaux
fournisseurs (armement), maîtrise des agissements des entreprises en
situation monopolistique, conduite d’une politique industrielle volontariste,
etc.
Dans le mouvement inverse de privatisations, et plus généralement
de cessions, intervenu depuis, les considérations patrimoniales, notamment
les objectifs de rentabilité mais aussi l’impératif de désendettement de
l’Etat, ont été plus présentes. Toutefois, d’autres arguments, tels que la
libéralisation de l’économie, l’ouverture de nouveaux secteurs à la
concurrence ou les inconvénients attribués à la gestion publique, ont
compté au moins autant.
Aujourd’hui, après plusieurs vagues de privatisation, les objectifs
stratégiques extrapatrimoniaux continuent de jouer un rôle majeur dans la
politique de l’Etat actionnaire : les impératifs liés à la défense nationale,
les enjeux de politique industrielle, globale ou sectorielle, ou d’autres
considérations stratégiques conduisent à rechercher le renforcement des
industriels français dans une perspective européenne, par exemple pour
Thalès ou EADS, à promouvoir la plate-forme aéroportuaire francilienne
pour ADP, à veiller à l’indépendance énergétique pour EDF et AREVA, à
constituer un grand acteur de l’énergie au plan européen et mondial pour
Gaz de France/Suez, etc.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
11
2 -
Une réévaluation du rôle d’actionnaire et de la dimension
patrimoniale
Après que les années 1990 eurent été marquées par l’effondrement
du Crédit Lyonnais et la crise du secteur financier public
7
, la prise de
conscience, en 2002, de la situation financière très dégradée de France
Télécom et des risques pris par EDF dans ses investissements
internationaux
8
a provoqué un nouveau débat, mettant en cause la gestion
par l’Etat de ses participations. Les commissions Douste-Blazy et Barbier
de la Serre
9
ont été mandatées pour approfondir l’analyse et en tirer des
enseignements et propositions d’action.
La réorganisation de la fonction actionnariale au sein de la sphère
publique est résultée de ces travaux : le service des participations de la
direction du Trésor, chargé jusqu’alors de la gestion des actifs de l’Etat
dans les entreprises publiques, a été remplacé par l’Agence des
participations de l’Etat. Selon son décret constitutif de septembre 2004
10
,
ce service à compétence nationale rattaché à la direction du Trésor doit
exercer la mission d’Etat d’actionnaire « en veillant aux intérêts
patrimoniaux de l’Etat ».
Le renforcement du rôle d’actionnaire a ainsi été associé, en
2004, à une volonté de valorisation du patrimoine public, certes
présente auparavant, mais, en général, en tant qu’objectif de second
rang, du reste souvent confusément imbriqué avec d’autres.
Cette préoccupation de mieux identifier la fonction actionnariale
au sein de la sphère publique n’est pas propre à la France. Elle est au
centre des « lignes directrices sur la gouvernance des entreprises
publiques » élaborées en 2005 par le groupe de travail de l’OCDE sur la
privatisation et la gestion des actifs appartenant à l’Etat.
7) Voir le rapport public particulier de la Cour de novembre 2000 « L’intervention de
l’Etat dans la crise du secteur financier ».
8) Voir le rapport public annuel de la Cour de février 2007 (deuxième partie,
page 33
à 51).
9) La commission d’enquête de l’Assemblée nationale, présidée par M. Philippe
Douste-Blazy, sur la gestion des entreprises publiques a rendu ses conclusions en
juillet 2003. Le groupe de travail présidé par M. René Barbier de la Serre
a remis son
rapport en mars 2003 au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
10) Décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à
compétence nationale Agence des participations de l’Etat.
12
COUR DES COMPTES
C - Des arbitrages nécessairement politiques
Volontiers présentée comme technique par essence, la gestion des
participations de l’Etat revêt, en réalité, une forte dimension politique.
Du moins pendant longtemps, les enjeux strictement patrimoniaux
n’en ont pas été, de façon générale, le moteur principal. L’unique cas dans
lequel les considérations patrimoniales dominent systématiquement est
celui des petites participations minoritaires, qui représentent désormais
moins de 1% du portefeuille des participations cotées de l’Etat.
L’orientation retenue depuis plusieurs années est celle d’un désengagement
progressif, décidé en fonction des opportunités offertes par les marchés.
Pour les autres participations, c’est surtout parce que les grandes
décisions de gestion nécessitent un arbitrage entre éléments patrimoniaux
et autres considérations stratégiques qu’elles font nécessairement intervenir
l’échelon politique. L’administration n’en joue pas moins un rôle d’autant
plus essentiel pour la préparation et la mise en oeuvre des décisions que
leur contexte technique, économique et financier est complexe et requiert
un grand professionnalisme.
Si la réforme de 2004 concernant l’Etat actionnaire y a assurément
contribué, et si, de son côté, le gonflement de l’endettement public a
suscité une prise de conscience propice, la problématique patrimoniale doit
sans doute autant à la loi organique sur les lois de finances (LOLF), et au-
delà à la réforme budgétaire, comptable et financière de l’Etat, le surcroît
d’intérêt politique qui l’entoure depuis quelques années.
II
-
La prise en compte des intérêts patrimoniaux
A - Un professionnalisme renforcé
Le statut de service à compétence nationale attribué à l’Agence des
participations de l’Etat devait lui donner une autonomie, fonctionnelle et
opérationnelle, que n’avait pas l’ancien service des participations de la
direction du Trésor, ainsi que lui faciliter le recrutement, notamment à
l’extérieur de l’administration, de compétences spécialisées.
Dotée d’une cinquantaine d’agents en septembre 2007, c'est-à-dire
pratiquement revenue au même effectif que l’ancien service des
participations, l’Agence est cependant mieux structurée, avec deux bureaux
sectoriels supplémentaires et trois pôles d’expertise juridique, d’audit et de
comptabilité et opérations financières. L’encadrement, l’expertise et le
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
13
soutien logistique
11
ont été renforcés. Le budget de fonctionnement est
relativement modeste.
Quoique les effectifs aient diminué au cours de la période récente,
ces forces semblent aujourd’hui, dans l’ensemble, adaptées aux missions
de l’Agence, dont les dernières privatisations ont d’ailleurs contracté le
champ de compétence. Cependant, les agents extérieurs à la fonction
publique y sont peu nombreux, contrairement à la volonté initiale d’appel
accru à des compétences spécialisées et donc d’ouverture aux experts du
secteur privé. La rotation excessivement rapide des personnels reste par
ailleurs un handicap chronique.
Le rattachement de l’Agence à la direction du Trésor, devenue, en
novembre 2004, la direction générale du Trésor et de la politique
économique (DGTPE), apparaît essentiellement organique. Etroites, les
relations de l’Agence avec le ministre et son cabinet sont directes.
Paradoxalement, alors que la situation actuelle devrait favoriser les
synergies avec les autres composantes de la direction générale, ce n’est
guère le cas avec la sous-direction compétente pour la Caisse des dépôts et
consignations. Par ailleurs, si une plus grande fluidité de la gestion des
carrières au sein de la direction générale est censée en être un autre
avantage, la nécessaire mise en cohérence de la politique de l’Etat
actionnaire avec les autres volets de la politique économique et financière
de l’Etat déborde largement le champ de compétence de la seule direction
générale du Trésor et de la politique économique.
En tout état de cause, si l’autonomie de l’Agence est réelle au sein
de la direction générale, le terme d’« agence » doit s’entendre ici, de même
que pour l’Agence France Trésor (AFT), autre composante de la direction
générale du Trésor et de la politique économique, comme un mode
d’organisation
hiérarchique
assoupli
des
administrations
centrales
classiques, et aucunement comme une déconcentration sous forme
d’établissement public autonome ou encore moins comme une formule
d’agence à la façon anglo-saxonne : l’Agence des participations de l’Etat
est un service d’administration centrale relevant directement du ministre et
entretenant des relations constantes de proximité avec son cabinet.
Par
rapport
au
service
des
participations,
le
changement
d’organisation n’est donc pas fondamental. En revanche, la plus grande
professionnalisation, notamment financière, de l’exercice de la fonction
d’Etat actionnaire est un apport positif de la réforme.
11) Création d’un poste de directeur adjoint, d’un troisième poste de sous-directeur et
d’un poste de secrétaire général. Au plus haut, les effectifs représentaient une
augmentation d’un tiers par rapport à ceux de l’ancien service.
14
COUR DES COMPTES
B - Une bonne maîtrise des opérations en capital
L’Agence des participations de l’Etat suit attentivement les
résultats et le bilan des entreprises dont l’Etat est actionnaire, et donc les
grandes
options d’arrêté
des
comptes
des entreprises publiques
(implications
du
passage
aux
normes
IFRS,
provisions
pour
démantèlement dans le domaine nucléaire, etc.). La production des
comptes combinés de l’Etat actionnaire mobilise également une part
significative de ses forces.
Elle veille tout particulièrement aux opérations de croissance
externe, notamment internationales, à l’origine des déboires enregistrés
par les grands opérateurs français en 2002 et 2003. Les opérations de
cession sont également regardées de près, en encourageant les entreprises
les plus fragiles à se défaire de leurs actifs non stratégiques.
Une part essentielle de l’activité de l’Agence est consacrée aux
opérations portant sur le capital des entreprises publiques. Considérant
qu’il n’est pas de son ressort de se prononcer sur l’opportunité des
cessions, elle se positionne comme une technicienne des opérations en
capital. En la matière,
son expertise est assez largement reconnue. Sa
notoriété auprès des acteurs de marché a été renforcée par des opérations
remarquables par leur ampleur (notamment l’introduction en Bourse
d’EDF en novembre 2005, pour un montant de 6,4 Md€), leur rapidité
pour les placements accélérés auprès d’institutionnels, et l’absence de
décalage significatif avec le cours de marché antérieur.
En revanche, elle intervient peu sur les projets qui ne s’apparentent
pas à de la croissance externe (grands contrats à l’exportation par
exemple), mais pourtant susceptibles d’exposer l’entreprise à des risques
financiers majeurs. Le contrôle des cessions et des acquisitions des
filiales des entreprises publiques est par ailleurs limité.
La relative passivité de l’Agence (souvent aussi des ministères
exerçant la tutelle technique) dans les conflits qui opposent entre elles
certaines entreprises publiques des secteurs de l’énergie ou des transports
peut laisser perdurer des situations préjudiciables pour les intérêts de
l’Etat. Quoique l’agence assume sa neutralité, en la justifiant par son
refus d’interférer dans des relations de type client-fournisseur, il faut
surtout y voir le témoignage des difficultés de l’Etat actionnaire à arbitrer
entre ses participations.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
15
C - Des règles communautaires mieux intégrées
Le pôle juridique de l’Agence consacre beaucoup de son temps à la
préparation des notifications aux autorités de Bruxelles des mesures de
soutien susceptibles de constituer une aide d’Etat au sens de l’article 87
du traité instituant la Communauté européenne, ainsi qu’à la gestion des
contentieux communautaires.
De façon générale, la capacité d’anticipation et d’action en amont
auprès des services de la Commission européenne pour les dossiers les
plus sensibles a été notablement améliorée, pour une bonne part grâce à
l’Agence. Ces efforts ne sont pas vains : alors que la ligne de crédit,
pourtant restée virtuelle, accordée à France-Télécom en 2002 avait été
qualifiée par la Commission « d’aide d’Etat incompatible avec le marché
commun », l’Etat a pu devenir actionnaire du groupe ALSTOM, en juillet
2004, avec l’accord des autorités bruxelloises.
Ces
dossiers
communautaires
sont
eux-mêmes
générateurs
d’opérations en capital. Les contreparties exigées par la Commission en
cas d’aide déclarée compatible avec le marché commun comprennent, en
effet, presque systématiquement des cessions d’actifs, qui concourent
aussi à la réduction du périmètre du secteur public. La cession peut
également venir clore un processus d’aide à la restructuration qui n’a pas
débouché sur les résultats escomptés : ainsi, une décision du
20 octobre
2004 de la Commission a contraint la SNCF à engager un processus de
cession en bloc des actifs de SERNAM SA avant le 31 janvier 2005.
Au demeurant, les exigences de la Commission ont sensiblement
accéléré les transformations statutaires du secteur public productif et
l’ouverture des marchés à la concurrence, par exemple avec la
transformation d’EDF en société anonyme ou l’accélération du calendrier
d’ouverture du marché du fret ferroviaire à la concurrence. Elles ont eu
souvent un effet plus structurant que les décisions de l’Etat actionnaire.
D - Une gouvernance améliorée des entreprises
publiques
Depuis sa mise en place, l’Agence des participations de l’Etat a
incité, avec succès, à la transposition aux entreprises publiques des
meilleures pratiques de gouvernance du secteur privé. Positif pour la
bonne gestion du secteur public, ce mouvement a également favorisé
l’insertion
du
secteur
public
productif
dans
l’environnement
concurrentiel.
16
COUR DES COMPTES
La systématisation, en cours, des comités spécialisés au sein des
conseils d’administration est une première nécessité.
L’Agence
a
ainsi
oeuvré
à
la
quasi-généralisation
12
et
au
fonctionnement effectif des comités d’audit, y compris dans des secteurs,
comme l’audiovisuel, où ils étaient totalement absents. Radio France est
désormais doté d’un comité d’audit, tandis que celui de France Télévisions
s’est saisi des difficultés posées par les contrats d’échanges de France
Télévisions Publicité
13
.
Si, contrairement à ce qui se devrait également, les comités de
stratégie ne sont pas généralisés, les grandes entreprises qui en étaient
dépourvues en 2003 ont, pour la plupart, comblé cette lacune : la SNCF et
la Poste ont instauré de tels comités, et RFF, d’abord doté d’un comité
d’investissement, dispose aujourd’hui d’un comité stratégique. Si celui de
France Télévisions a été mis en place en juillet 2006, les autres entreprises
du secteur audiovisuel en sont, toutefois, encore dépourvues.
En revanche, la généralisation, non moins souhaitable, des comités
de rémunération n’est pas réellement engagée. De même, continue de faire
défaut un encadrement des conditions de rémunération des dirigeants (y
compris les rémunérations annexes, telles que les indemnités de départ et
les stock-options) des entreprises dont l’Etat est actionnaire de référence.
Le fonctionnement de certains conseils d’administration demeure
peu satisfaisant, soit en raison du choix de leurs membres (absence dans
certains cas d’administrateurs dotés d’une expérience de gestion dans le
domaine concerné
14
), soit de leur caractère pléthorique. C’était tout
particulièrement le cas pour les sociétés d’autoroutes avant 2004 : les
représentants
de
l’Etat
étaient
nombreux
dans
leurs
conseils
d’administration, mais essentiellement passifs, alors que, dans le même
temps, certains partenaires occupaient une place dans le tour de table sans
commune mesure avec le caractère quasi symbolique de leurs participations
au capital (les collectivités locales notamment). Comme cela a pu être
constaté à France Télécom et Air France, la sortie du champ d’application
de la loi de démocratisation du secteur public de 1983
15
, consécutive à la
privatisation de certaines entreprises, entraîne en général une diminution de
la taille des conseils, favorable à un meilleur fonctionnement.
12) Certaines entreprises appartenant au portefeuille de l’Agence en sont, toutefois,
encore dépourvues, dont les ports autonomes et les structures de défaisance ou de
financement intermédiaire (l’ERAP, par exemple).
13) Voir le rapport public annuel de février 2005 de la Cour (pages 289 à 340)
14) Voir notamment le cas de l’Imprimerie nationale, évoqué dans le chapitre II
(pages 417 et suivantes) du présent rapport.
15) Cette loi « DSP » du 26 juillet 1983 prévoit notamment la représentation des
salariés au sein des conseils d’administration à composition tripartite.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
17
Les conditions de nomination des présidents des entreprises
publiques, par décret
16
, dérogent au droit commun des sociétés
(désignation par le conseil d’administration), et distinguent la France au
sein des pays de l’OCDE, étant toutefois observé que, via la nomination
des administrateurs, dans la plupart des pays, le choix des dirigeants
revient aussi aux autorités politiques. En fait, les entreprises publiques se
singularisen plus par l’absence de procédure formalisée de recrutement
des dirigeants, permettant d’objectiver les recherches de candidats et les
critères de sélection. Dans ce domaine, la création de l’Agence n’a pas
modifié la situation antérieure.
III
-
Une ligne stratégique peu lisible
A - Une information budgétaire insuffisante
En dehors du vote des grandes lois de privatisation, le seul moment
où la représentation nationale est appelée à débattre de la politique de
l’Etat actionnaire est la discussion du projet de loi de finances initiale (i.e.
du budget de l’exercice à venir) et, jusqu’à présent dans une nettement
moindre mesure, du projet de loi de règlement (i.e. de l’exécution du
budget de l’exercice écoulé). Les documents budgétaires sont de ce fait
les principaux instruments d’information et de contrôle de la gestion par
l’Etat de ses participations.
La politique de l’Etat actionnaire s’appuie, sur le plan budgétaire,
sur un instrument particulier : un compte d’affectation spéciale (intitulé
« produits de cession de titres, parts et droits de sociétés » jusqu’en 2005,
et « participations financières de l’Etat » depuis 2006), sur lequel sont
versés, hors du budget général, les produits de vente de titres, et qui sert à
financer, le cas échéant, les dotations en capital consenties aux entreprises
publiques. Selon l’article 21.1 de la loi organique relative aux lois de
finances (LOLF), le produit des cessions de titres doit être réservé à un
usage strictement patrimonial, ce qui interdit de financer sur cette ligne
des dépenses courantes ou des dotations à caractère de subvention.
16) Excepté pour les entreprises audiovisuelles où la désignation incombe au CSA, les
présidents des entreprises publiques détenues directement par l’Etat sont nommés par
le Président de la République, par décret simple ou par décret en conseil des ministres.
18
COUR DES COMPTES
En fait, la visibilité du Parlement sur ce poste important de
dépenses et de recettes demeure limitée. En tout état de cause,
la
performance de l’Etat actionnaire ne peut être valablement appréciée à
travers les seuls programmes budgétaires correspondant à ce compte
d’affectation spéciale, exclusivement centré sur les cessions et le
désendettement.
Ce compte se caractérise, en outre, par un écart très important entre
les prévisions de la loi de finances initiale et l’exécution budgétaire. Un
tel décalage est présenté comme consubstantiel à la mécanique des
opérations en capital, dont la mise en oeuvre est conditionnée par de
nombreux éléments exogènes, mais il traduit aussi parfois le fait que des
décisions ont été prises au dernier moment, pour des raisons de
circonstances, notamment budgétaires, sans s’inscrire dans une stratégie
prédéfinie.
Tableau n° 2 : Le compte d’affectation spéciale : prévision/ exécution
en M€
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Prévision (PLF)
5 432
8 000
4 000
4 000
14 000
5 000
recettes
6 126
2 532
5 586
10 032
17 180
Exécution
dépenses
5 944
2 831
5 586
10 036
17 170
Source : comptes de l’Etat
Tableau n° 3 : Les dépenses financées par le compte d’affectation
spéciale
en M€
2002
2003
2004
2005
2006
Total
2002-
2006
Dépenses totales
5 944
2 831
5 586
10 036
17 170
41 567
Dont
Caisse de la dette publique
(CDP)
100
12 960
13 060
Fonds de réserve des retraites
(FRR)
1 600
Apports aux entreprises
publiques
4 245
2 673
5 508
8 625
3 441
24 492
Apports aux entreprises publiques
hors SOFARIS, AFITF et AII
4 245
2 673
4 928
2 845
3 441
18 132
Part des dépenses totales affectée
au désendettement (apports aux
entreprises publiques porteuses de
dette et à la CDP)
61 %
55 %
39 %
9 %
95 %
59 %
Source : comptes de l’Etat
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
19
Depuis la loi de finances initiale pour 2007, le compte
d’affectation spéciale recouvre deux programmes budgétaires, dont le
directeur de l’Agence des participations de l’Etat est le responsable : le
programme
« opérations
en
capital
intéressant
les
participations
financières
de
l’Etat »
(1,4
Md€
en
2007)
et
le
programme
« désendettement de l’Etat et d’établissements publics de l’Etat »
(3,6 Md€).
Les projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP)
associés à ces deux programmes se veulent davantage conçus comme un
outil d’évaluation de l’ensemble de l’action de l’Agence, dont les crédits
de fonctionnement sont fondus dans le programme « stratégie financière
de l’Etat » du budget général, que comme un instrument de cadrage de la
gestion par l’Etat de ses participations financières. Trois objectifs y sont
assignés à l’Agence : veiller à l’augmentation de la valeur des
participations financières, assurer le succès des opérations de cession des
participations financières, et contribuer au désendettement de l’Etat et
d’administrations publiques (APU).
Néanmoins, les indicateurs qui rendent compte de la santé
financière des entreprises ne recouvrent que très imparfaitement le champ
des bénéficiaires du compte. Les indicateurs associés aux cessions
permettent d’apprécier la maîtrise par l’Agence des opérations de mise
sur le marché, mais non leur intérêt intrinsèque.
Parmi les trois objectifs inscrits dans le projet annuel de
performances,
la
contribution
au
désendettement
est
largement
prédominante. A défaut de constituer de véritable outils d’appréciation de
la politique de l’Etat actionnaire, les projet et rapport de performances ont
cependant le mérite de refléter une double réalité : la primauté donnée par
l’Agence à la dimension de technique financière de son action ; la priorité
qu’elle attribue aux cessions dans la stratégie suivie.
Pour les dotations en capital, les informations données au
Parlement au moment de la discussion de la loi de finances demeurent
sommaires. Si elles sont complétées, en cours d’année, par des
communications de l’Agence aux commissions des finances des deux
Assemblées, les éléments transmis passent cependant parfois sous silence
les échanges entre le compte d’affectation spéciale et les structures de
financement intermédiaires.
Tel a été le cas quand l’ERAP a reçu de l’Etat une avance de
1,75 Md€ fin 2004, à titre de « réserve » destinée à faire face à une
éventuelle difficulté de financement de la Banque postale, en fait reversée
au premier semestre 2005 sans avoir été utilisée. De même, en 2006, le
Parlement n’a pas été davantage informé de la rétention, par Autoroutes
20
COUR DES COMPTES
de France, d’un montant de 1,8 Md€ sur le produit de la cession de ses
participations dans les sociétés d’autoroutes, conservé notamment pour
pouvoir recapitaliser ultérieurement (0,9 Md€) la Société française du
Tunnel routier du Fréjus (SFTRF) sans passer par le compte d’affectation
spéciale.
L’impératif de transparence devrait pourtant obliger le ministère à
énoncer clairement, à l’appui de la loi de finances, les objectifs assignés à
la gestion des participations financières de l’Etat, et à rendre compte
ensuite dans le détail de toutes les opérations significatives, notamment
pour l’utilisation des produits de cession.
B -
Une priorité implicite au désengagement
Les produits de cession ont connu une forte progression au cours
des dernières années : les rentrées de 2005 (10 Md€) ont été quatre fois
supérieures à celles de 2003 (2,5 Md€). L’année 2006 a été, de ce point
de vue, encore plus exceptionnelle : les produits de cession ont dépassé
17 Md€, en raison des recettes de privatisation des sociétés d’autoroutes
et de la vente de la participation acquise par l’Etat dans ALSTOM en
2004.
S’il est difficile d’apprécier les objectifs poursuivis par l’Etat
actionnaire à partir des documents transmis au Parlement, l’examen de
l’exécution budgétaire est parlant.
1 -
Les cessions de titres ont assez souvent servi à financer des
politiques normalement financées par le budget général
Durant la période 2002-2006, l’Agence s’est constamment efforcée
de limiter le champ du compte d’affectation spéciale aux interventions de
l’Etat actionnaire, et d’éviter les versements à caractère de subvention
17
.
Elle a, sur ce fondement, combattu le plan de financement de la recherche
présenté par le ministère de la recherche, qui préconisait un abondement
de 10,6 Md€ sur la période 2006-2010 à partir du compte d’affectation
spéciale.
Malgré tout, elle n’a pu éviter que les produits de cessions d’actifs
soient parfois utilisés pour soutenir des politiques dont le financement
n’avait pu être dégagé sur le budget général. A partir de la loi de finances
de 2002, le compte a ainsi financé des investissements dans les fonds de
17) C'est-à-dire des contributions effectuées sans perspective de retour financier, du
moins direct, contrairement à une mise de fonds d’actionnaire, qui se justifie par un
retour attendu sur investissement.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
21
capital investissement (au total 68 M€ sur l’ensemble de la période), qui
reflétaient certes une volonté de développer le capital risque, mais sans
lien avec les orientations données à la politique de l’Etat actionnaire.
Dans la loi de finances pour 2004 sont apparues des dotations en capital
destinées aux fondations reconnues d’utilité publique du secteur de la
recherche (76 M€ en 2004 et 2005). Enfin, en 2005, les dotations à
l’Agence de financement des infrastructures de transports de France
(AFITF ; 4 Md€), l’Agence de l’innovation industrielle (1,7 Md€), et à
l’Agence nationale de la recherche (1,3 Md€) s’inscrivaient dans des
politiques publiques dont l’objet majeur n’est pas la valorisation du
patrimoine de l’Etat.
Avec l’attribution de 4 Md€ à l’Agence de financement des
infrastructures de transport de France (AFITF), présentée comme une
anticipation du reversement d’une part du produit de la privatisation des
sociétés d’autoroutes alloué à titre de compensation de la fin de
l’affectation de leurs dividendes, et la « réserve » de 1,8 Md€ conservée
par Autoroutes de France,
ce sont près de 40 % du produit de la cession
des sociétés d’autoroutes (5,8 Md€ sur 14,8 Md€) qui ont été utilisés en
dehors du champ du compte d’affectation spéciale.
2 -
Les recettes de cessions ont été principalement consacrées à
l’apurement des déficits passés
Jusqu’en 2006, la contribution des cessions d’actifs à la réduction
de la dette publique a été indirecte, à travers les dotations répétées du
compte d’affectation spéciale à des entreprises porteuses de passifs
lourds : Réseau ferré de France (RFF) jusqu’à ce qu’en 2003, ces
dotations, requalifiées en subventions par EUROSTAT, soient remplacées
par des subventions du budget général, EMC jusqu’à sa dissolution en
2005, Charbonnages de France jusqu’à la reprise de sa dette par l’Etat, et
d’autres structures de financement telles que l’EPFR, chargé de financer
la défaisance du Crédit Lyonnais
18
.
A partir de 2006, l’apurement des déficits passés a constitué le
principal emploi direct des recettes de cession de titres, via la Caisse de la
dette publique.
En 2006, les dotations en capital consenties aux entités porteuses
de dette et à la Caisse de la dette publique ont représenté 95 % des
dépenses du compte d’affectation spéciale.
18) Voir, dans le présent rapport (pages 63 et suivantes), l’insertion consacrée aux
défaisances.
22
COUR DES COMPTES
Le programme de stabilité 2007-2009 présente les cessions d’actifs
non stratégiques comme un des piliers de la stratégie de désendettement
pluriannuelle, qui doit permettre à la dette publique de revenir sous le seuil
de 60 % du PIB à l’horizon 2010. Le gouvernement a fixé pour la première
fois un objectif chiffré de cessions annuelles, compris entre 5 et 10 Md€,
objectif repris dans le programme 2008-2010.
En 2007, l’Etat a utilisé le reliquat des recettes de privatisation des
sociétés d’autoroutes pour régler, via la Caisse de la dette publique et
l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), un montant
de 5,1 Md€ de dettes de l’Etat à l’égard des caisses nationales du régime
général de sécurité sociale.
3 -
Les investissements effectués à partir des recettes de cessions
ont été l’exception
Le financement de la croissance des entreprises publiques à partir du
compte d’affection spéciale constitue l’exception : en additionnant les
versements effectués au profit de DCN (628 M€ sur la période) et les
dotations effectuées au profit du LFB
19
(25 M€), les investissements
productifs de l’Etat atteignent moins de 0,7 Md€, alors que les recettes
tirées des cessions de titres dépassent 41 Md€ sur la période 2002-2006.
Hors ces cas, l’ouverture de capital, et donc la dilution, sont les seuls
instruments utilisés par l’Etat pour accompagner le développement des
entreprises publiques.
La contribution de l’Etat au sauvetage d’ALSTOM (prise de
participation de 715 M€, puis revente avec une plus-value de 1,3 Md€ une
fois la situation financière de l’entreprise rétablie) constitue un cas
atypique d’investissement effectué à partir du compte d’affectation
spéciale pour sauver une ancienne entreprise publique privatisée. Par sa
finalité, cette opération n’est pas sans rappeler la contribution de l’Etat, via
l’ERAP, à la recapitalisation de France Télécom effectuée en 2002.
L’Etat
actionnaire a donc pu, dans des cas exceptionnels, jouer un rôle dans le
sauvetage de grandes entreprises françaises menacées de faillite
.
Au total, la création de l’Agence ne s’est pas accompagnée d’une
utilisation plus dynamique du compte d’affectation spéciale pour soutenir
le développement des entreprises dont l’Etat est actionnaire. En dehors de
la contribution au désendettement de l’Etat, la finalité implicite de sa
gestion est moins axée sur la création de valeur que sur l’optimisation
financière de la contraction du secteur public productif et sur la
restructuration progressive des services publics dont la privatisation n’est
pas envisagée.
19) Laboratoire français de fractionnement et de biologie
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
23
C - L’absence d’approche actif/passif
La pertinence de l’objectif de désendettement de l’Etat n’empêche
pas que la prise en compte de ce seul critère puisse conduire à des choix
non optimaux.
Sur le plan financier, une cession n’a de justification que si le
marché valorise cet actif à un prix supérieur aux gains (dividendes et
plus-values) que l’Etat peut espérer tirer de sa détention. La cession ne
présente donc d’intérêt financier pour l’Etat que s’il parvient à capter une
partie de la création de valeur attendue de la privatisation. Si tel n’est pas
le cas, il est aussi intéressant pour lui de conserver dans son patrimoine
un actif dont le rendement est suffisamment pérenne pour couvrir ses
engagements de long terme, au premier rang desquels les engagements de
retraite.
L’impact des cessions sur les dividendes reçus par l’Etat doit donc
aussi être pris en compte. Il doit d’autant plus l’être que, si les cessions
d’actifs contribuent à limiter la progression de la dette publique, elles ont
pour contrepartie la diminution d’une source de recettes dynamiques et
récurrentes pour l’Etat : les entreprises les plus contributrices en termes
de dividendes sont également celles qui sont le plus susceptibles de faire
l’objet
de
cessions
d’actifs
commandées
par
la
politique
de
désendettement.
Si l’amélioration des résultats des entreprises publiques au cours
des dernières années, couplée avec le volontarisme revendiqué par
l’Agence en matière de perception de dividendes, a jusqu’à présent
contrarié ce mouvement, la poursuite de la contraction du secteur public
aura inévitablement des effets à court ou moyen terme sur les dividendes
touchés par l’Etat et un impact significatif sur ses recettes globales
20
.
L’affectation, en 2002, au Fonds de réserve des retraites (FRR) de
certaines recettes de privatisation laissait présager que l’Etat s’inscrivait
désormais
dans une approche actif/passif, mais elle est restée sans suite.
Le FRR n’a reçu jusqu’à présent que 1,6 Md€ du compte d’affectation
spéciale, provenant de la cession du Crédit Lyonnais et de l’ouverture du
capital
d’Autoroutes du Sud de la France (ASF)
21
.
20) Voir le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances
publiques (juin 2007).
21) En 2001-2002, la perte des recettes attendues de l’attribution des licences UMTS,
qui devaient notamment alimenter le FRR, a conduit l’Etat à mettre sur le marché
49 % du capital d’Autoroutes du Sud de la France (ASF).
24
COUR DES COMPTES
D - Une faible capacité d’anticipation
L’élargissement progressif du capital des entreprises publiques à
des actionnaires privés peut, certes, refléter une volonté d’acclimatation,
considérée comme le préalable indispensable à une privatisation
ultérieure. Cependant, l’absence de ligne stratégique clairement établie
n’a pas toujours permis de préparer dans les meilleures conditions les
enjeux des transferts, partiels ou intégraux, au secteur privé.
1 -
L’Etat actionnaire anticipe mal l’évolution du capital une fois
l’entrée en Bourse réalisée
Dans les cas d’Air France et de SNECMA, l’ouverture de leur
capital a rapidement été suivie d’une fusion avec un partenaire privé, sans
qu’ai été anticipée la dilution supplémentaire de la participation restante
de l’Etat.
Pour l’ancien monopole France Télécom, les ouvertures du capital
et à la concurrence sont allées de pair, mais, sous les effets conjugués de
la contrainte budgétaire et des besoins de capitaux de l’entreprise, la
participation de l’Etat n’est pas demeurée durablement majoritaire.
Dans
un contexte différent, marqué par la prédominance d’impératifs
industriels, la fusion de
Gaz de France avec Suez va conduire également
l’Etat à une position d’actionnaire minoritaire.
L’Etat peut aussi avoir des difficultés à contrer les ambitions de
certains actionnaires minoritaires.
Ayant mis, en 2002, 49 % du capital des Autoroutes du Sud de la
France (ASF) sur le marché, l'Etat n'a pu s'opposer à la montée de Vinci
au capital d’ASF qu'en signant, le 24 novembre 2004, un pacte
d'actionnaires conduisant Vinci à interrompre ses acquisitions de titres au
niveau atteint de 23% en contrepartie de l'octroi d'une représentation au
conseil d'administration de la société. Pour autant, comme il le stipulait,
ce pacte a cessé de s’appliquer lorsque l’Etat est revenu sur sa décision de
ne pas privatiser les sociétés d’autoroutes. Lors de la privatisation des
sociétés d’autoroutes en
la présence de Vinci au capital d’ASF a
manifestement dissuadé d’autres, acquéreurs potentiels de se porter
candidats à l’appel d’offres. La très forte croissance du cours de l’action
Vinci (+ 140 %) entre avril 2002 (première cotation de l’action ASF après
l’arrivée de Vinci à son capital) et novembre 2006 (retrait de cote de
l’action ASF à la suite de la prise de contrôle par Vinci) témoigne
notamment, selon toute vraisemblance, de la perception par le marché que
l’acquisition d’ASF s’est faite à un prix avantageux. Il aurait été
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
25
préférable de déclarer infructueux l’appel d’offres et de procéder à une
nouvelle mise aux enchères, comme ce fut le cas, en 2002, pour la cession
de la participation résiduelle de l’Etat dans le Crédit Lyonnais.
2 -
La protection du consommateur a été mal assurée face aux
nouvelles sociétés privées concessionnaires d’autoroutes
A l’occasion de la privatisation des sociétés d’autoroutes, l’Etat n’a
pas pris la précaution d’adapter les formules tarifaires au nouveau statut
privé des entreprises. Il a ainsi omis de se doter d’un instrument qui lui
aurait permis de protéger les intérêts du consommateur après la cession
22
.
3 -
L’Etat peine à tirer parti de sa position désormais fréquente
d’actionnaire minoritaire
Dans sa position, de plus en plus fréquente, d’actionnaire
minoritaire, l’Etat peut influer à des degrés divers sur la stratégie de
l’entreprise.
Lorsque sa participation est comprise entre 30 et 40 %, son
influence demeure déterminante, surtout si son poids est important par
rapport au « flottant », ce qui est le cas aujourd’hui, par exemple, pour
Thalès.
Lorsque la part de l’Etat au capital passe en dessous de 30 % -
par
exemple, pour Air France-KLM (18,3 %), Renault (15,6 %) ou France
Télécom (27 %) -, il perd la maîtrise des décisions du conseil
d’administration. En tant qu’actionnaire de référence, il devrait
néanmoins
constituer
un
interlocuteur
incontournable
pour
toute
opération de restructuration du capital des entreprises considérées.
Il ne lui est cependant pas toujours possible de tirer parti de cette
position, ses marges de manoeuvre étant, par certains aspects, plus
limitées que celles des actionnaires privés.
Dans le cas d’EADS, dont l’Etat détient 15,04 % par le truchement
de
la SOGEPA (100 % Etat) et de SOGEADE SCA (54,55 % SOGEPA,
45,45 % Lagardère SCA via la holding Desirade SAS
23
), le dispositif de
gouvernance, élaboré dans un cadre bi-national, a été avant tout conçu
pour rendre la présence de l’Etat français acceptable pour le partenaire
industriel allemand. Il s’est révélé gravement défaillant et devra être
22) Ce point est examiné dans le chapitre I (pages 237 et suivantes) du présent
rapport, consacré aux péages autoroutiers.
23) Répartition du capital à fin juin 2007. L’Etat détient également en direct 0,06 %
du capital d’EADS.
26
COUR DES COMPTES
modifié rapidement. Les représentants de l’Agence des participations de
l’Etat étaient dans l’incapacité au premier semestre 2007 d’exercer un
contrôle effectif des comptes et des perspectives de la société, en dépit de
son intérêt stratégique pour l’Etat. Cette situation est d’autant plus
paradoxale que les autorités politiques ont toujours été très présentes au
plus haut niveau dans les modalités effectives du choix des dirigeants,
ainsi que lors des consultations concernant l’évolution du capital
d’EADS.
Dans le cas d’Air France-KLM, l’Etat, avec 18,6 % du capital,
reste néanmoins le premier actionnaire du groupe et participe à toutes les
instances de gouvernance. Ses objectifs et sa présence en tant
qu’actionnaire de référence apparaissent pourtant en retrait par rapport à
ceux d’un actionnaire privé disposant d’une participation de ce niveau.
D’une manière générale, alors que le pourcentage de détention par
l’Etat des participations publiques continue de diminuer, il est
indispensable que l’administration chargée de défendre les intérêts de
l’Etat actionnaire soit munie d’une doctrine claire sur les objectifs, la
gestion et le contrôle des participations minoritaires.
E - Les spécificités des monopoles naturels
La privatisation de monopoles remis en cause par l’évolution
technologique (télécommunications) ou uniquement justifiés par une
protection juridique (tabac) ne pose pas de difficulté particulière. En
revanche, la privatisation de monopoles ou quasi-monopoles naturels
(transport ou énergie) appelle une réflexion économique et un mode
opératoire adaptés.
En pareil cas, l’Etat devrait notamment s’efforcer de tenir compte
de la différence de perception d’horizon temporel entre le marché et la
puissance publique. Cette dernière est responsable à long terme de la mise
en service et de l’entretien d’infrastructures (autoroutes, voies ferrées,
canaux, aéroports, lignes à haute tension ou gazoducs, par exemple) qui
ont en général une durée de vie longue, pouvant aller jusqu’à 100 ans.
Pour sa part, le marché ne sait guère valoriser, avec les taux
d’actualisation qu’il pratique, qu’une période de l’ordre d’une quinzaine
d’années.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
27
Ainsi, pour protéger les intérêts patrimoniaux de l’Etat, convient-il
de prendre certaines précautions, notamment :
- limiter la vente à l’usufruit du monopole que constitue une
infrastructure et donc ne pas céder sa pleine propriété : cette première
condition était remplie pour la privatisation des sociétés d’autoroutes,
puisque l’Etat demeure propriétaire du réseau et n’a vendu qu’une
concession d’exploitation pour vingt cinq ans environ ;
- vendre des concessions d'une durée n'excédant pas l'horizon des
marchés, ce qui, en revanche, n’a pas été fait pour la privatisation des
sociétés d’autoroutes : l’intérêt patrimonial de l’Etat n’est respecté que s’il
sait vendre à sa juste valeur l’ensemble de la période pour laquelle il cède
l’usufruit ;
- prévenir simultanément l'apparition d'une rente tarifaire en
adaptant le cadre réglementaire et contractuel, ce qui n’a pas été non plus
le cas pour la privatisation des sociétés d’autoroutes.
IV
-
Des cessions au bilan parfois discutable
Le succès boursier de certaines cessions, avec parfois des hausses
pérennes considérables des titres après leur introduction – par exemple, la
valeur de l’action ADP a doublé en moins d’un an -, justifie de s’interroger
sur le bilan patrimonial de telles opérations pour l’Etat actionnaire.
La procédure de préparation suivie, formalisée et impliquant de
nombreux acteurs (management de l’entreprise, banques conseils, Agence
des participations de l’Etat, ministères techniques, commission des
participations et des transferts), apporte des garanties, mais celles-ci ont
leurs limites.
A - Le coût des cessions
1 -
Les commissions perçues par les banques
Jusqu’en 2003, les prestations de conseil et de placement des titres
étaient confiées à
un seul intervenant par opération, au risque de mettre les
banques en situation de conflit d’intérêts. La dissociation, effectuée depuis
lors, entre le choix de la banque conseil et la désignation d’un chef de file
pour le placement, est assurément plus saine.
Les commissions de placement sont actuellement calculées en
pourcentage du produit de cession. L’instauration d’un système progressif
de primes de succès croissantes par tranches de prix de cession garantirait
mieux les intérêts patrimoniaux de l’Etat.
28
COUR DES COMPTES
2 -
Les avantages consentis aux salariés
Conformément aux dispositions de la loi n° 86-912 du 6 août 1986
relative aux modalités des privatisations, des actions sont proposées aux
salariés à des conditions préférentielles (souvent, décote de 20 %,
distribution d’actions gratuites, facilités de paiement).
Ces offres réservées visent notamment à améliorer l’acceptabilité
des opérations de transfert au secteur privé. Si elles peuvent contribuer à
la valorisation de l’entreprise (la fidélisation du personnel est un élément
apprécié de certains investisseurs), elle n’en ont pas moins un coût pour la
collectivité, supporté, pour l’essentiel,
par l’Etat actionnaire.
Dans le cas de la privatisation d’Air France, les
offres réservées
ont ajouté leurs effets à certains dispositifs spécifiques, tels que les
possibilités d’échange de salaire contre actions (plus importantes que les
offres réservées aux salariés), au point de faire aujourd’hui de
l’actionnariat salarié une des composantes majeures du capital du groupe
Air France-KLM (13 % du capital à l’issue de l’offre publique
d’échange).
Lors de l’introduction en Bourse d’EDF, le coût pour l’Etat des
avantages consentis aux salariés, à la fois en termes de trésorerie et de
manque à gagner, est évalué à environ 550 M€.
Il importe que le coût de ces mesures soit bien pesé lors de la
préparation des cessions.
3 -
Soultes, garanties et autres engagements hors bilan
Certaines opérations en capital (croissance externe, sauvetage
d’entreprises en difficulté) donnent lieu à l’octroi de garanties de passif
dont le coût potentiel est par définition difficile à évaluer.
Depuis l’ouverture en capital d’EDF et Gaz de France, entreprises
porteuses jusque-là de passifs sociaux importants, la charge pour la
collectivité d’une partie de leurs engagements de retraite, auparavant
incluse dans les tarifs, est financée au moyen d’une taxe sur les usagers,
la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), en complément des
soultes versées par les entreprises.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
29
B - La fixation des prix de cession
1 -
Les garanties offertes par les lois de privatisation
La commission des participations et des transferts (CPT), créée par
la loi du 6 août 1986, joue un rôle central dans la fixation du prix des
cessions. Le prix arrêté par le ministre chargé de l’économie ne peut, en
effet, être inférieur à l’évaluation de la commission. Pour les cessions
hors marché, le ministre de l’économie arrête le choix du ou des
acquéreurs, ainsi que les conditions de la cession, sur avis conforme de la
commission
24
. Dans tous les cas, l’avis rendu par la commission
conditionne donc étroitement la faisabilité d’une opération de cession.
L’absence de moyens d’études propres (ni rapporteur général ni
rapporteurs spécialisés) limite cependant la capacité de la commission à
émettre des critiques sur les valorisations. Le fait qu’elle soit, par voie de
conséquence, rendue tributaire de l’Agence des participations de l’Etat,
dont elle doit contrôler les diligences, appelle une modification du
dispositif actuel.
2 -
Débat sur les hypothèses de valorisation
Ni le recours aux méthodes habituelles d’évaluation, ni les
garanties offertes par l’intervention de la commission des participations et
des transferts ne suffisent à écarter tout débat sur le bilan patrimonial de
certaines opérations.
En faisant appel à une seule banque conseil pour les trois
opérations d’ouverture de capital des sociétés d’autoroutes, l’Etat s’est
privé de disposer de plusieurs avis, indépendants de ceux fournis par les
conseils des entreprises. Par ailleurs, l’évaluation de ces sociétés a été
rendue difficile par le terme lointain des concessions accordées par l’Etat,
et par la nature des revenus tirés des péages, assimilables en partie à une
rente. Alors que les hypothèses de taux d’actualisation ont été, de ce fait,
les premiers déterminants de la valeur des sociétés, le choix d’un taux
d’actualisation excessivement élevé
25
a interdit à l’Etat de valoriser toute
la durée des concessions cédées, et donc de tirer tout le bénéfice
patrimonial possible de la privatisation.
24) Exigence introduite en 1993.
25) Pour les trois groupes ASF, APRR et SANEF, les taux d’actualisation retenus par
l’Agence des participations de l’Etat se sont situés entre 7,05 % et 7,13 % pour les
premières ouvertures de capital, intervenues entre 2002 (ASF), 2004 (APRR) et 2005
(SANEF) et entre 5, 93 % et 6,35 % pour les privatisations de 2006.
30
COUR DES COMPTES
La marge d’incertitude inhérente à toute valorisation est par
ailleurs plus importante dans le cas des cessions ou ouvertures de capital
par échange ou apport de titres. Tel a été le cas de la fusion Air France-
KLM, qui a pris la forme d’une offre publique d’échange, sur la base
d’une parité négociée par les deux équipes dirigeantes.
3 -
Un manque de réactivité face aux signaux du marché
Lorsqu’il a mis sur le marché 36 % du capital de la SANEF en
mars 2005,
26
l’Etat a appliqué une décote de 12 % par rapport aux
évaluations des analystes, alors que
la demande exprimée était très forte
et aurait, au contraire, justifié un relèvement du prix, sans craindre de se
placer sensiblement au-dessus du prix plancher fixé par la commission
des participations et des transferts.
C - Neutralité patrimoniale et optimisation des intérêts
publics
Si l’avis de la commission des participations et des transferts est
supposé garantir la neutralité patrimoniale des cessions, aucune instance
n’est, en revanche, chargée d’apprécier dans quelle mesure les conditions
de l’ouverture de capital ou du transfert au secteur privé sont les plus
favorables aux intérêts de la collectivité.
1 -
Les conditions de privatisation ne sont pas toujours optimales
La commission des participations et des transferts n’ayant pas pour
mission d’apprécier l’opportunité des projets de cessions, ni celle de leurs
dates, il ne lui appartient pas davantage d’envisager des schémas
alternatifs qui permettraient, le cas échéant, de maximiser les intérêts de
la collectivité publique.
Certes, l’Agence et la commission veillent à ne pas réaliser
d’opération lorsque les conditions de marché apparaissent trop dégradées
pour assurer la correcte prise en compte de la valeur intrinsèque des
entreprises. L’ouverture de capital de la SNECMA a ainsi été ajournée
une première fois en raison des conditions de marché prévalant à
l’automne 2001.
26) Juste avant la privatisation, la demande des investisseurs institutionnels
représentait, en haut de la fourchette de prix, respectivement 7,5 fois le montant du
placement qui leur était garanti dans le cas d'APRR et 5,1 fois dans le cas de la
SANEF.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
31
Le calendrier choisi par le gouvernement peut cependant ne pas
être le plus propice, alors même que les marchés sont prêts à accueillir
favorablement l’opération. Dans le cas des sociétés d’autoroutes, il aurait
été
préférable
de
poursuivre
leur
désendettement,
permis
par
l’amortissement progressif de leurs emprunts, avant de les mettre sur le
marché.
Pour l’offre publique d’échange Air France-KLM, assortie d’une
prime supérieure pour les actionnaires de KLM, il n’entrait pas dans le
mandat de la commission de s’interroger sur la valorisation des synergies
ni sur leur répartition entre partenaires français et néerlandais.
Ce dernier exemple montre que les procédures de privatisation
prévues par les lois du 6 août 1986 et du 19 juillet 1993 ne sont pas bien
adaptées à des opérations plus complexes que la cession en numéraire de
titres de sociétés qui n’ont pas encore été mises sur le marché et cotées.
2 -
L’Etat doit mieux valoriser l’abandon de sa position
dominante au sein des entreprises publiques
L’Etat a des difficultés à tirer un bénéfice patrimonial de l’abandon
d’un bloc de contrôle lors d’une cession en faveur d’un partenaire privé.
Les désengagements effectués de manière progressive ne favorisent pas
non plus la maximisation des intérêts financiers liés à la privatisation : la
prime de contrôle est diluée au fur et à mesure des cessions effectuées sur
les marchés, sans être pleinement valorisée.
V
-
La gouvernance de l’Etat actionnaire
A - L’absence de pilotage d’ensemble
1 -
Le collège des tutelles
Alors que l’Agence des participations de l’Etat a pour mission
première la défense des intérêts patrimoniaux de l’Etat, la direction du
budget s’attachant pour sa part à la défense des intérêts budgétaires, les
ministères et directions techniques inscrivent leur action dans le cadre
plus large des politiques publiques sectorielles.
L’appellation de collège des tutelles parfois utilisée pour désigner
les tutelles financière, budgétaire et technique ne doit pas faire illusion :
aucune instance n’est chargée de faire la synthèse de ces différentes
préoccupations. Le « comité de direction de l’Etat actionnaire », prévu
32
COUR DES COMPTES
par le décret constitutif de l’Agence, devait institutionnaliser le dialogue
entre les ministères concernés par la gestion des entreprises publiques.
Présidé par le ministre de l’économie et des finances, et
donc dépourvu
de la capacité d’arbitrage qu’aurait pu lui conférer un rattachement au
premier ministre, ce comité de direction de l’Etat actionnaire ne s’est
jamais réuni.
La coordination des positions avant les conseils d’administration
prend des formes diverses selon les secteurs (réunions organisées par la
mission de contrôle économique et financier pour la SNCF et la RATP,
par le sous-directeur compétent du ministère des transports pour RFF, par
l’Agence pour les grandes entreprises industrielles suivies par le ministère
de l’industrie, par le ministère de la culture pour l’audiovisuel).
La désignation systématique et formalisée d’un chef de file parmi
les administrateurs représentant l’Etat introduirait plus de clarté dans le
dispositif. En tout état de cause, la multiplicité et le caractère parfois
contradictoire des intérêts de l’Etat se traduisent par une tutelle multiple,
trop
souvent
incapable,
en
l’absence
d’arbitrage
interministériel,
d’exprimer une position cohérente au sein des conseils d’administration.
2 -
Le rôle des commissaires du gouvernement
Dans les entreprises publiques où ils subsistent, les commissaires
du
gouvernement
siègent,
sans
voix
délibérative,
au
conseil
d’administration, en tant que porte-parole de la tutelle technique. Leur
existence, exorbitante du droit commun, est fondée sur les statuts
particuliers des différentes entreprises publiques, auxquels s’adjoignent
pour les entreprises du secteur de l’armement les dispositions relatives au
contrôle des marchés de matériel militaire
27
.
Au cours de la période 2002-2005, la fonction de commissaire du
gouvernement a disparu dans les grandes entreprises dépendant du
ministère des finances, de l’économie et de l’industrie, à l’occasion de
leur privatisation ou de leur entrée en Bourse. Pour Air France et pour
France Télécom, la fonction de commissaire du gouvernement a été
maintenue jusqu’à leur privatisation. Bien que l’Etat y soit majoritaire, ni
EDF ni Gaz de France ne comptaient en revanche de commissaire du
gouvernement au sein de leur conseil d’administration à la fin 2005.
27) La présence d’un commissaire du gouvernement y est fondée sur les dispositions
législatives relatives au contrôle des marchés de matériel militaire (articles L. 2333-3
et suivants du Code de la défense).
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
33
Les fonctions de commissaire du gouvernement ont trouvé une
nouvelle faveur avec l’avancée du processus de privatisation, mais sans
qu’un pouvoir effectif
leur soit attribué. La loi relative au secteur de
l’énergie du 7 décembre 2006 prévoit ainsi la désignation d’un
commissaire
du
gouvernement
chargé
de
participer,
avec
voix
consultative, au conseil d’administration de Gaz de France, dans le cadre
d’un dispositif, comportant également la création d’une « action
spécifique », destiné à permettre un contrôle stratégique de l’Etat sur le
nouveau groupe issu de la fusion entre Gaz de France et Suez.
Il est tout à fait légitime que la parole de l’Etat régulateur, client ou
promoteur d’une politique industrielle, soit portée auprès des dirigeants
de l’entreprise par un fonctionnaire de haut rang, le cas échéant directeur
d’administration centrale. Il est, en revanche, moins certain que cette
parole doive s’exprimer dans l’enceinte du conseil d’administration,
dont, en tout état de cause, l’Etat nomme les administrateurs qui le
représentent.
Aujourd’hui, hors le cas des entreprises concernées par le contrôle
des marchés de matériels militaires, le système des commissaires du
gouvernement ne se justifie que pour la protection d’intérêts stratégiques
dans des entreprises désormais privatisées ou en voie de l’être.
3 -
Les rôles respectifs de l’Etat et de la Caisse des dépôts
Alors
que
l’Etat
actionnaire,
incarné
par
l’Agence
des
participations de l’Etat,
mène à bien une politique de désengagement
progressif du secteur concurrentiel, la Caisse des dépôts et consignations
se positionne en actionnaire de long terme de grandes entreprises du
CAC 40 et a affirmé, dans la période récente, sa volonté de développer ce
rôle.
Arguant de son statut sui generis, qui la place sous la
« surveillance spéciale » du Parlement, la Caisse se défend de jouer le
rôle de bras armé de l’Etat. La gouvernance de la Caisse limite, au
demeurant, le pouvoir de
la direction générale du Trésor et de la
politique économique (DGTPE), qui, via une sous-direction extérieure à
l’Agence des participations de l’Etat, représente l’Etat à la commission de
surveillance de la Caisse. En particulier, si cette sous-direction a
connaissance des grandes lignes directrices de la stratégie de portefeuille
de la Caisse, elle n’est informée qu’a posteriori des investissements
réalisés, contrairement à ce qui était le cas jusqu’en 2002.
34
COUR DES COMPTES
Coexiste
ainsi,
avec
l’Etat
actionnaire,
essentiellement
impécunieux, représenté par l’Agence des participations de l’Etat, une
autre incarnation de l’Etat, celui-là investisseur institutionnel public,
présent au capital de plusieurs sociétés du CAC 40, et tous deux
détiennent parfois des participations dans de mêmes entreprises.
Indépendamment même des problèmes qui ont pu apparaître dans
certaines opérations particulières, une réflexion s’impose sur le partage
des rôles et des disponibilités financières entre l’Etat d’une part, et la
Caisse des dépôts et consignations d’autre part.
B - La nécessité de renforcer l’instruction des
arbitrages politiques
1 -
Les décisions stratégiques sont prises à l’occasion d’arbitrages
politiques ponctuels
Les considérations autres que patrimoniales sont intégrées dans la
politique de l’Etat actionnaire en fonction d’arbitrages ponctuels, dans
lesquels interviennent les différents pôles de l’exécutif, sans véritable
cohérence d’ensemble.
La création de l’Agence n’a, sur ce point, que peu amélioré la
situation antérieure. La prééminence de l’Agence n’est, en effet,
clairement reconnue par les autres directions et ministères que pour les
questions financières. Elle a elle-même une conception volontairement
restrictive de sa mission : alors que son décret constitutif la charge
d’exercer « la mission de l’Etat actionnaire » vis-à-vis des entreprises et
participations publiques, « en tenant compte des intérêts patrimoniaux de
l’Etat », ses prises de position sont toujours centrées sur la valorisation
patrimoniale de ce portefeuille.
2 -
Un mécanisme décisionnel opaque
Lorsque les arbitrages remontent à l’échelon politique, il est très
difficile de retracer les étapes d’un mécanisme décisionnel qui fait
principalement intervenir les cabinets ministériels. Si les notes adressées
par les directions d’administration centrale aux ministres permettent de
garder la mémoire des arguments avancés par les services, les comptes
rendus des arbitrages rendus au niveau supérieur ne sont nullement
systématiques et, quand ils existent, ils sont rarement explicites sur les
positions en présence et les motivations de la décision retenue.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
35
Si les opérations de marché doivent être préparées dans la plus
grande confidentialité, ce défaut de
formalisation et de traçabilité
constitue une anomalie du processus décisionnel.
Il manque à la gouvernance de l’Etat actionnaire l’équivalent des
comités stratégiques aujourd’hui de rigueur dans la plupart des grandes
sociétés cotées.
La note sur les perspectives de cession des actions EADS adressée
par l’Agence des participations de l’Etat au ministre de l’économie et des
finances le 20 janvier 2006 est à cet égard éclairante. L’Agence y fait la
démonstration de l’intérêt que pourrait avoir l’Etat actionnaire à céder
une partie de sa participation en même temps que les actionnaires
industriels allemand et français. A aucun moment ne sont évoquées les
considérations stratégiques qui ont pu, au contraire, commander à l’Etat
de maintenir cette participation dans l’entreprise aéronautique. En
l’espèce, l’Agence s’en est tenue à une approche strictement patrimoniale,
donc résolument partielle au regard des intérêts stratégiques de l’Etat
actionnaire. Si la proposition de l’Agence n’a pas été ensuite suivie, c’est
dans le cadre d’un processus d’arbitrage ministériel et interministériel de
traitement
du
dossier
EADS
dont
la
traçabilité
s’est
révélée
particulièrement défectueuse.
3 -
Mieux préparer les arbitrages sur la politique de l’Etat
actionnaire
La
réforme
de
2004
a
permis
d’introduire
plus
de
professionnalisme dans le suivi financier des participations publiques.
Mais elle laisse insatisfaite la nécessité de mieux organiser la
confrontation
des
préoccupations
patrimoniales
et
des
autres
préoccupations stratégiques de l’Etat actionnaire, qui peuvent justifier le
maintien d’une présence publique dans certains secteurs de l’économie.
Indépendamment de la mission de valorisation patrimoniale
confiée à l’Agence des participations de l’Etat, un véritable pilotage
stratégique
global
des
participations
de
l’Etat,
à
l’échelon
de
l’administration, continue à faire défaut. Par nature, il devrait avoir une
portée interministérielle. Différentes modalités sont envisageables, ne
conduisant pas nécessairement à la création de nouvelles structures.
Chargé de préparer les arbitrages politiques, ce pilotage pourrait
également avoir pour finalité, au-delà des décisions ponctuelles, de
conduire la réflexion sur l’avenir de l’Etat actionnaire et sur les moyens
qui lui sont affectés.
36
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La Cour identifie aujourd’hui plusieurs axes de progrès pour la
gestion de l’Etat actionnaire :
1.
progresser dans le sens d’une consolidation des comptes de
l’Etat, étendue aux participations de l’Etat actionnaire ;
2.
améliorer la gouvernance des entreprises dont l’Etat est
actionnaire, en généralisant les comités d’audit, de stratégie et
de rémunération, et en formalisant la procédure de sélection
des dirigeants ;
3.
expliciter davantage dans les documents budgétaires les
objectifs poursuivis par l’Etat actionnaire ;
4.
éviter
que
le
recours
aux
structures
de
financement
intermédiaire n’opacifie la gestion des participations de l’Etat,
en supprimant ADF, et en rendant plus transparentes les
relations entre le compte d’affectation spéciale et l’ERAP ;
5.
favoriser la prise en compte des considérations actif/passif, et
apprécier les cessions de titres en fonction des bénéfices
attendus du passage à une gestion privée, et non en fonction du
seul critère de la réduction de l’endettement brut de l’Etat ;
6.
pour les monopoles naturels, limiter la privatisation à
l’usufruit ;
7.
renforcer les diligences de la Commission des participations et
des transferts dans le cas des opérations complexes telles que
les fusions débouchant sur des privatisations, et la doter de
moyens d’étude propres ;
8.
supprimer
les
commissaires
du
gouvernement
siégeant
actuellement au conseil d’administration des entreprises
publiques, hors le cas des entreprises concernées par les
marchés de matériel militaire ou en voie de privatisation ;
9.
mettre en place les moyens permettant un pilotage global des
participations de l’Etat, de faire la synthèse des considérations
patrimoniales et des intérêts sectoriels défendus par les
ministères et les directions techniques, et de préparer dans les
meilleures conditions les arbitrages politiques ;
10.
engager une réflexion sur les objectifs, la gestion et le contrôle
des participations minoritaires de l’Etat dans les secteurs
considérés comme stratégiques.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
37
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE L’EMPLOI
L’insertion au rapport public intitulée « l’Etat actionnaire : apports et
limites de l’Agence des Participations de l’Etat » vise à dresser un bilan de
l’exercice des missions de l’Etat actionnaire par l’Agence des Participations
de l’Etat (APE) depuis sa création en 2004.
Le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi (ci-après
« MINEFE ») partage dans les grandes lignes un certain nombre
d’observations formulées par la Cour des Comptes dans cette insertion,
notamment en ce qui concerne les progrès réalisés dans la gestion des
entreprises à participation publique de son périmètre (ci-après, par extension
de langage, « entreprises publiques ») et leur suivi par l’Etat depuis 2004.
En effet, la création de l’APE a permis d’identifier clairement au sein de
l’Etat la fonction d’actionnaire, et de professionnaliser davantage cette
mission. Les intérêts patrimoniaux de l’Etat sont désormais mieux pris en
compte dans la décision publique : l’objectif prioritaire de l’APE est en effet
d’accroître la valeur des entreprises entrant dans son périmètre de
compétence et donc in fine de créer de la valeur pour l’Etat-actionnaire. Par
son action, l’APE a en outre fortement contribué à généraliser les bonnes
pratiques en matière de gouvernance au sein des entreprises du secteur
public, et incarne aujourd’hui un actionnaire à la fois vigilant et réactif, très
présent aux côtés des entreprises pour accompagner et favoriser leur
développement. L’action de l’APE s’est traduite par une amélioration de la
gestion des entreprises entrant dans son périmètre de compétences, dont les
performances opérationnelles ont sensiblement progressé et dont la structure
financière s’est significativement assainie au cours des dernières années,
comme en attestent les données des comptes combinés du secteur public, et la
progression de la valeur boursière du portefeuille (qui était de l’ordre de
40 Mds€ en septembre 2004 et a dépassé les 200 Mds€ fin octobre 2007).
L’APE a enfin développé un savoir-faire technique reconnu sur la place en
matière d’opérations sur le capital des entreprises, dont elle analyse au
préalable l’opportunité sur le plan patrimonial et qu’elle a la charge de
mener, au mieux des intérêts de l’Etat, une fois qu’elles ont été décidées par
le gouvernement.
Le MINEFE ne partage pas, en revanche, la vision donnée par la
Cour des Comptes du rôle de l’Etat actionnaire. Cette vision apparaît parfois
trop réductrice, lorsque la Cour des Comptes estime que la stratégie de
l’APE est essentiellement axée sur les opérations de cession qui ne
représentent pourtant qu’une part très limitée de ses missions. Elle apparaît
au contraire excessivement large, lorsque la Cour des Comptes appelle de
ses voeux une « évolution de la gouvernance de l’Etat actionnaire »
permettant à celui-ci de réaliser la synthèse entre les considérations
38
COUR DES COMPTES
patrimoniales et les « intérêts sectoriels défendus par les ministères et les
directions techniques » : cette prérogative relève en effet clairement du
gouvernement, qui dispose de la légitimité politique nécessaire pour arbitrer
entre des objectifs potentiellement divergents.
Par ailleurs, l’objectif de défense des intérêts patrimoniaux de l’Etat
actionnaire dans le cadre des opérations sur le capital des entreprises ne se
limite pas, comme l’indique la Cour des Comptes, à la poursuite d’intérêts
purement « financiers », mais prend largement en considération les
dimensions stratégiques et industrielles, dans une perspective de création de
valeur à long terme, comme le montrent de nombreuses opérations menées
au cours des dernières années pour accompagner les projets stratégiques et
industriels d’entreprises du périmètre APE : rapprochement entre Air France
et KLM, entre GDF et Suez, entre DCNS et Thales, entre Snecma et Sagem,
entrée de Bouygues au capital d’Alstom, remontée d’Alcatel au capital de
Thales dans le cadre d’un apport d’activités stratégiques (satellites,
sécurité). Ces exemples démontrent bien qu’il n’y a pas lieu d’opposer
systématiquement ces différents intérêts qui, bien au contraire, sont le plus
souvent très naturellement alignés.
En outre, le MINEFE ne partage pas l’appréciation que la Cour des
Comptes porte sur le bilan patrimonial des opérations de cession menées par
l’APE, qui semble au demeurant se fonder sur la seule opération de
privatisation des sociétés d’autoroutes. Le bilan patrimonial de cette
opération particulière est pourtant difficilement contestable sur des bases
objectives. Ces opérations sont menées dans un souci constant de défense des
intérêts
financiers
de
l’Etat.
Les
conditions
financières
obtenues,
généralement considérées par les professionnels comme à l’avantage clair de
l’Etat, attestent du niveau de qualité de ces opérations.
Enfin, les performances de l’Etat actionnaire ne peuvent s’apprécier
sur la base du seul critère des fonds injectés par l’actionnaire dans les
entreprises, comme le laisse entendre la Cour des Comptes. Si l’Etat ne
s’interdit pas par principe d’investir « stratégiquement » lorsque cela s’avère
nécessaire et opportun dans le respect des règles communautaires, ses
premiers leviers de création de valeur, comme pour tout actionnaire ou
investisseur privé, ne résident pas dans ses propres mises de fond : cette
valeur doit en effet d’abord provenir de l’amélioration de la gestion, de la
gouvernance, et des performances des entreprises elles-mêmes.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
39
Réponse détaillée
I. Comme le souligne la Cour des Comptes dans son rapport, la création de
l’Agence des participations de l’Etat a déjà produit des effets positifs sur la
gestion et la gouvernance des entreprises du secteur public, qui peuvent
encore être renforcés.
1. Même si l’Etat demeure un actionnaire atypique, la création de l’APE en
2004 a permis une meilleure prise en compte des intérêts patrimoniaux de
l’Etat dans la décision publique.
La création de l’Agence des Participations de l’Etat a indéniablement
permis de professionnaliser le métier d’actionnaire au sein de l’Etat. En
identifiant une structure qui incarne l’actionnaire public et non plus une
« tutelle », elle a contribué à une distinction fondamentale des rôles et des
moyens d’actions de chacune des parties prenantes publiques (actionnaire,
régulateur, client, concédant, financeur d’une politique publique), qui étaient
auparavant confusément imbriqués, et permis une amélioration générale de
la gouvernance publique, en faisant prévaloir les notions d'intérêt social et
d'autonomie de gestion des entreprises publiques. Il paraît souhaitable de
poursuivre cet effort de clarification dans les prochaines années. Quant à la
recommandation de la Cour des Comptes visant à supprimer la présence des
commissaires du gouvernement dans les conseils d’administration, cette
présence peut s’avérer nécessaire pour faire valoir, à titre exceptionnel
lorsque les enjeux en cause sont importants, des considérations de politique
publique en évitant toute situation de conflit d’intérêt liée à la position
d’administrateur.
L’insertion au rapport public souligne également, à juste titre,
l’important saut qualitatif permis par la création de l’APE dans le suivi des
entreprises publiques de son périmètre : généralisation des bonnes pratiques
en matière de gouvernance d’entreprise (cf. I.2) ; suivi renforcé des résultats
et des perspectives des entreprises, de leur stratégie, et notamment de leurs
opérations de croissance externe ; production de comptes combinés de l’Etat
actionnaire, permettant de disposer d’une vision globale des performances
des entreprises du portefeuille (cf. infra) ; renforcement de l’expertise et du
savoir-faire en matière d’opérations en capital, qu’il s’agisse d’opérations
sur des entreprises cotées ou non cotées ; développement de l’expertise en
droit communautaire, assorti d’un souci constant d’anticipation dans ce
domaine, qui s’est révélé indispensable pour mener à bien certaines grandes
réformes (réforme du financement des retraites des grands opérateurs
publics, création de la Banque postale) ou opérations (plans de
restructuration de la SNCM, de l’Imprimerie Nationale, de Fret SNCF ou de
Bull, golden share, etc.). L’APE constitue aujourd’hui un partenaire
privilégié pour les entreprises de son périmètre : à travers l’APE, les
entreprises publiques qui évoluent, comme leurs concurrentes privées, au
rythme des marchés, disposent au sein de l’Etat d’un interlocuteur
professionnel, qui sait concilier une forte réactivité et le souci du moyen
40
COUR DES COMPTES
terme. A cet égard, il eut été intéressant que la Cour des Comptes complète
son enquête en sollicitant en amont le point de vue des dirigeants des
entreprises publiques sur l’évolution de la relation avec leur actionnaire
public avant et après la création de l’APE.
Cette attention accrue portée aux intérêts patrimoniaux de l’Etat a
accompagné une amélioration très sensible de la gestion des entreprises
publiques depuis 2004 que traduisent bien leurs comptes individuels et les
comptes combinés produits par l’APE : la rentabilité de l’ensemble a
considérablement progressé (le résultat net, qui a atteint 13,2 Mds€ en 2006
contre 11,6 Mds€ en 2005 à périmètre comparable, représente 8,5 % du
chiffre d’affaires en 2006 ; ce taux est de l’ordre de 6% pour les
50 principaux groupes français de l’industrie et des services et de 7,5% pour
les sociétés des secteurs non financiers du CAC 40) et sa structure financière
a été assainie avec une diminution spectaculaire de l’endettement (le ratio de
dette nette sur capitaux propres est passé de 3,1 en 2004 à 1,56 en 2006).
Ces entités exercent leurs activités en ayant de moins en moins besoin de
faire appel aux ressources de l’actionnaire, qu’elles rémunèrent de façon
croissante par des dividendes (le montant total des dividendes perçus par
l’Etat sur les entités du périmètre APE est passé de 0,9 Mds€ en 2003 à
4,8 Mds€ en 2007 malgré la réduction du périmètre du secteur public), tout
en continuant à investir pour leur développement (31 Mds€ en 2006). Si
l’action de l’APE est loin d’expliquer la totalité de cette amélioration des
performances des entreprises publiques, elle y a néanmoins contribuée. Il est
regrettable que le rapport de la Cour des Comptes ne fasse aucune mention
de cet élément objectif, dont le rapport annuel public de l’Etat actionnaire
rend bien compte.
Tout en soulignant le progrès important que constitue la production
de comptes combinés de l’Etat actionnaire, la Cour des Comptes
recommande de « progresser dans le sens d’une consolidation des comptes
de l’Etat étendue aux participations de l’Etat actionnaire », afin de
neutraliser dans leur intégralité les opérations entre les entreprises du
« groupe ». Il convient sur ce point de rappeler que ces comptes combinés
sont établis en application de l’article 142 de la loi sur les nouvelles
régulations économiques. Ce principe a été retenu dans la mesure où l’APE
ne dispose pas de personnalité juridique. Les comptes combinés fournissent
une image fidèle de la situation financière et opérationnelle des entités du
périmètre de l’APE comme en atteste chaque année le groupe de
personnalités indépendantes. Par ailleurs, conformément au manuel des
comptes combinés et après avis du groupe de personnalités indépendantes,
des modalités de simplification sont mises en oeuvre pour le traitement des
flux intragroupes, notamment pour ceux qui résultent de transactions
courantes (électricité, gaz, transport ferroviaire individuel, affranchissement
du courrier). Ce manuel fait l’objet d’une revue régulière sous le contrôle du
groupe d’experts en vue de son amélioration dans les limites de ce qu’il est
raisonnablement possible de faire. S’il était décidé d’établir des comptes
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
41
consolidés au niveau de l’Etat, l'APE, forte de son expérience de la
combinaison, justement saluée par la Cour des Comptes, se tiendrait à la
disposition des administrations compétentes pour contribuer à cet exercice
en accord avec le groupe de personnalités.
Enfin, en ce qui concerne l’organisation de l’APE, il paraît difficile
d’affirmer, comme le fait la Cour des Comptes, qu’elle ne diffère pas
fondamentalement de celle de l’ancien Service des participations, dont le
mode de fonctionnement était très différent. En termes d’organisation, l’APE
dispose notamment de pôles d’expertise comptable, financière et juridique
qui viennent en appui des bureaux sectoriels chargés du suivi des entreprises
et jouent un rôle clé dans le fonctionnement quotidien de l’Agence. L’APE
peut en outre s’appuyer sur des collaborateurs aux profils très variés et
dispose de la possibilité de recruter des agents contractuels dont le nombre
demeure significatif, notamment dans les pôles d'expertise (7 personnes) où
leur présence est indispensable, mais aussi dans les fonctions opérationnelles
(2 chefs de bureaux, un chargé d’affaires). S’agissant des moyens de l’APE,
dont les effectifs ont été renforcés en fonction des enjeux liés aux
participations (aujourd’hui 4 cadres sont en charge d’EDF et de Gaz de
France contre 1,5 équivalent-temps plein en 2002) pour permettre un
meilleur suivi quotidien des participations, et s’établissent aujourd’hui à
52 personnes, ils semblent aujourd’hui globalement adaptés aux missions de
l’Agence.
2. Des progrès très importants ont été accomplis en matière de gouvernance
des entreprises publiques depuis la création de l’APE. Des marges de
progression subsistent toutefois dans certains secteurs.
La Cour des Comptes recommande dans son rapport d’« améliorer la
gouvernance des entreprises dont l’Etat est actionnaire, en généralisant les
comités d’audit, de stratégie et de rémunération, et en formalisant la
procédure de sélection des dirigeants ». L’APE a d’ores et déjà fortement
contribué à généraliser les bonnes pratiques en matière de gouvernance
(décrites dans la charte des relations APE/entreprises) au sein des entités de
son
périmètre :
renforcement
des
pouvoirs
des
organes
sociaux,
diversification de leur composition, afin d’y faire entrer davantage
d’administrateurs
indépendants,
d’éliminer
autant
que
possible
les
éventuelles situations de conflit d’intérêts et d’améliorer la qualité des
débats, création de comités spécialisés au sein des organes sociaux,
amélioration de la qualité de l’information financière (passage aux IFRS,
etc.).
Ainsi, le fonctionnement des organes sociaux des entreprises
publiques a-t-il été largement amélioré depuis 2004, même si des marges de
progrès significatives existent pour certaines entités, notamment pour les
ports autonomes et les sociétés de l’audiovisuel public. Ces efforts doivent
néanmoins être conciliés avec les contraintes imposées par la loi du 26 juillet
42
COUR DES COMPTES
1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui fixe la composition
des organes sociaux de certaines entités.
L’APE a également obtenu la généralisation des comités d’audit et
travaille aujourd’hui à créer des comités de la stratégie partout où cela est
pertinent. Des comités stratégiques ont ainsi été créés au sein des conseils
d’administration de RFF, DCNS, ADP, France Télévisions, de la SNCF et de
la Française des Jeux. Concernant les comités des rémunérations, leur
développement apparaît souhaitable, en tenant compte toutefois de la taille et
des spécificités des entreprises, même s'il faut y intégrer les contraintes liées
aux règles de droit public applicables pour la fixation des rémunérations des
dirigeants d’entreprises détenues majoritairement par l’Etat. Les questions
de rémunération sont évidemment une problématique et un levier d’action
majeurs pour tout actionnaire. L'APE veille donc, sauf exception, à jouer un
rôle central dans les décisions en la matière et a notamment contribué à
l’évolution des critères relatifs à la part variable des rémunérations des
dirigeants. La généralisation des comités des rémunérations devrait
permettre, en tout état de cause, de rendre les procédures plus transparentes,
tout en renforçant la gouvernance des entreprises.
Pour ce qui concerne la nomination des dirigeants des entreprises
publiques, qui est également un sujet fondamental pour tout actionnaire, ce
pouvoir appartient aujourd’hui au pouvoir exécutif (Président de la
République, Premier Ministre, Conseil des Ministres), conformément à la
Constitution et à l’ordonnance du 28 novembre 1958 portant loi organique,
et ne relève pas des compétences spécifiques confiées à l’APE par le décret
du 9 septembre 2004 ; ceci n’interdit pas à l’APE d’adresser au Ministre des
recommandations, formelles ou informelles, sur les possibles évolutions
managériales, notamment pour les entreprises de taille moyenne pour
lesquelles son avis est fréquemment sollicité. Le comité de réflexion et de
proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la
Vème République a formulé des propositions d’évolution dans le sens d’une
consultation ad hoc du Parlement pour « un petit nombre d’entreprises et
établissements publics qui, par l’importance des services publics dont ils
assurent la gestion, exercent une influence déterminante sur les équilibres
économiques, sociaux, d’aménagement du territoire et de développement
durable de notre pays ». Il apparaît souhaitable que l’Etat actionnaire puisse
le moment venu, si cette proposition était retenue, jouer pleinement son rôle
dans ces procédures de nomination.
En matière de suivi des risques financiers importants, si des marges
de progrès existent là encore, l'APE est déjà amenée à suivre les principaux
facteurs de risques (à travers la cartographie des risques par exemple
présentée en comité d’audit et aux organes sociaux) des entreprises de son
périmètre, via sa participation aux organes sociaux et aux comités. En
particulier, contrairement a ce que laisse entendre la Cour des Comptes, les
cessions et acquisitions des filiales font, selon leur significativité, l'objet d'un
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
43
examen par l'APE et par les organes sociaux de la société mère selon les
règles de gouvernance propres à chaque groupe. Il est à noter que l’APE
s'efforce constamment d'améliorer les règles de gouvernance en la matière,
en s’assurant de la capacité du conseil d’administration de la société mère à
contrôler efficacement les opérations des filiales, au-delà de seuils définis
dans le règlement intérieur. Les contrats commerciaux structurants,
lorsqu’ils engagent les entreprises pour des montants importants et des
durées longues, font également l’objet d'un examen très attentif dans le cadre
des travaux des comités et des organes sociaux.
3. La Cour des Comptes souligne à juste titre la nécessité d’une réflexion sur
la gestion par l’Etat de ses participations minoritaires.
L’Etat se trouve désormais de plus en plus souvent en position
d’actionnaire minoritaire (Air France-KLM, Renault, France Télécom,
Safran, Thales, EADS). Son poids réel dépend naturellement de la répartition
du reste du capital (flottant ou présence d’un actionnaire industriel
significatif), de l’existence de pactes d’actionnaires et des règles de
gouvernance propres à chacune des entreprises concernées. Le MINEFE
souscrit pleinement à la recommandation de la Cour des Comptes
d’« engager une réflexion sur les objectifs, la gestion et le contrôle des
participations minoritaires de l’Etat dans les secteurs considérés comme
stratégiques », sujet complexe sur lequel il accueillera volontiers ses
propositions, et sur lequel il sera difficile de s’exonérer d’une appréciation
au cas par cas.
Il est en revanche contestable d’affirmer, s’agissant de l’Etat, que
« ses objectifs et sa présence en tant qu’actionnaire de référence
apparaissent pourtant en retrait par rapport à ceux d’un actionnaire privé
disposant d’une participation de ce niveau », le cas très particulier d’EADS
ne pouvant servir de référence pour juger de la façon dont l’Etat exerce son
rôle d’actionnaire minoritaire. A cet égard, les allusions à une faible
implication de l’Etat dans la gouvernance d’Air France-KLM sont également
contestables. Par ailleurs, l’Etat en particulier lorsqu’il est actionnaire de
référence, reste un interlocuteur incontournable pour toute opération
significative de restructuration du capital, ce qui impose un dialogue
préalable approfondi entre l’entreprise et l’APE.
II. En revanche, certaines critiques formulées par la Cour des Comptes
traduisent une conception contestable du rôle et des missions de l’Etat
actionnaire.
Selon la Cour des Comptes, « la stratégie, avant tout financière, suivie
par l’Agence n’a guère été transparente, ni suffisamment justifiée,
notamment auprès du Parlement. En réalité, elle a été essentiellement axée
sur le désengagement et les cessions. Malgré un indéniable savoir-faire, ses
performances patrimoniales n’ont pas toujours été convaincantes. ». Ces
appréciations procèdent d’une vision erronée des missions de l’Etat
44
COUR DES COMPTES
actionnaire et des prérogatives de l’APE, en décalage avec le cadre
réglementaire et institutionnel en vigueur et avec la réalité du travail
quotidien de l’APE.
1. Il n’appartient pas à l’APE de jouer un « rôle de synthèse » entre
les considérations patrimoniales et celles relevant des autres ministères ou
directions concernés à divers titres par l’activité des entreprises relevant du
périmètre de l’APE, ces arbitrages relevant clairement de la responsabilité
du gouvernement.
Le décret du 9 septembre 2004 portant création de l’APE fixe d’une
part les missions de cette structure et d’autre part son périmètre d’action. La
mission de l’APE est de défendre les intérêts patrimoniaux de l’Etat. Si ce
décret prévoit que l’APE s'assure de la cohérence des positions des
représentants de l’Etat au sein des organes sociaux, ceci ne lui confère
nullement un rôle de synthèse et encore moins d’arbitrage entre les
différentes considérations autres que patrimoniales portées par les autres
ministères. Le périmètre d’action de l’APE est par définition évolutif : il
enregistre au gré des opérations des sorties (Bull, Alstom) et des entrées
(LFB, Monnaie de Paris) ; il convient par ailleurs de préciser qu’à ce jour,
aucune décision n’a été prise concernant une éventuelle entrée de Météo
France dans ce périmètre, contrairement à ce qu’indique le rapport.
Il convient de rappeler que la réforme de l’Etat actionnaire menée en
2004, qui a conduit à créer l’APE sous la forme d’un service à compétence
nationale rattaché au ministère de l’économie et des finances, résulte d’un
choix politique clair et assumé : il n’a été souhaité ni la création d’une
société holding, eu égard à l’opacité dans la gestion des participations qui
aurait été induite par la création d’une personne morale qui aurait fait écran
entre l’Etat et les entreprises, ni d’un établissement public, ni d’une autorité
administrative indépendante, dont il aurait été difficile d’articuler la mission
avec les compétences que le législateur confie au ministre de l’économie et
des finances et dont la légitimité aurait pu être contestable sur le plan des
principes. Ceci conduit logiquement à ce que les arbitrages entre les
différentes considérations prévalant au sein de l’Etat soient rendus par le
gouvernement, l’APE suscitant le cas échéant et défendant les intérêts de
l’Etat actionnaire dans le cadre de ces arbitrages autrefois internalisés. Le
MINEFE ne peut donc souscrire à la recommandation de la Cour des
Comptes de « mettre en place les moyens permettant un pilotage global des
participations de l’Etat, de faire la synthèse des considérations patrimoniales
et des intérêts sectoriels défendus par les ministères et les directions
techniques, et de préparer dans les meilleures conditions les arbitrages
politiques »,
qui
semble
méconnaître
la
procédure
d’arbitrages
interministériels rendus par le Premier Ministre ou le Président de la
République. Ces arbitrages sont consubstantiels à l’Etat et le distinguent
d’un holding privé.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
45
L’APE n’a pas davantage vocation à interférer dans la gestion
quotidienne des entreprises relevant de son périmètre, ni a fortiori à arbitrer
les conflits commerciaux ou les différends financiers susceptibles de surgir
entre celles-ci. Le souci de neutralité affiché par l’APE ne procède pas d’une
« relative passivité », comme le suggère le rapport public, mais de
l’impossibilité juridique pour l’Etat actionnaire de contraindre une
entreprise à prendre une décision contraire à son intérêt social. L'APE peut
certes intervenir dans le cas où il existe un risque de destruction de valeur
pour l'actionnaire, afin de favoriser le dialogue et la recherche d’une
solution dans l’intérêt commun des parties, comme elle a pu le faire dans
certains cas (notamment pour régler divers litiges ente la SNCF et RFF),
mais elle n’est pas en situation de se poser en arbitre.
2. L’action de l’APE ne peut être réduite à celle d’une simple « technicienne
des opérations sur le capital » : cette vision réductrice est en décalage avec
la réalité quotidienne du travail des équipes de l’APE, dont l’objectif
prioritaire est de veiller à la qualité de la gestion et au développement des
entreprises de son périmètre
Une des premières missions de l’APE, à laquelle elle consacre la
majeure partie de ses ressources est d’assurer la meilleure valorisation du
portefeuille de sociétés (cotées et non cotées) relevant de son périmètre, et de
rechercher la création de valeur pour l’actionnaire. Il s’agit d’un travail
quotidien et minutieux de suivi des participations, qui se décline sous
différents aspects. L’APE participe activement aux travaux des organes
sociaux et, dans ce cadre, veille à la qualité et à la sincérité des comptes et
de l’information comptable, à la pertinence sur le plan industriel et
stratégique et à l’optimisation sur le plan patrimonial des investissements
importants, des opérations de croissance externe ou de désinvestissement,
discute et valide les budgets annuels, les plans à moyen terme, et les grandes
orientations stratégiques. Les équipes de l’APE suivent par ailleurs
attentivement la situation des entreprises du périmètre, par un dialogue
permanent avec leurs dirigeants, des visites de sites industriels, et par une
veille quotidienne sur l’évolution de leur secteur d’activité. Cette partie
fondamentale du travail de l’APE, qui constitue sa première raison d’être et
mobilise l’essentiel du temps de ses équipes, est à peine évoquée dans le
rapport de la Cour des Comptes.
Une autre des missions de l’APE est bien d’assurer la réussite des
opérations sur le capital du point de vue de l’actionnaire. Comme le souligne
à juste titre le rapport, l’APE ne peut être seule juge de l’opportunité de la
cession de participations dans des entreprises de son périmètre, cette
décision relevant de la compétence du gouvernement, dans la mesure où elle
nécessite de prendre en compte des considérations autres que patrimoniales
(cf. supra). Ceci ne signifie pas pour autant que l’APE fasse preuve de
passivité ; elle joue en effet un rôle important de veille, d’analyse et de
proposition,
en
recommandant
régulièrement
au
gouvernement
des
46
COUR DES COMPTES
opérations sur le capital des entreprises de son périmètre, lorsqu’elle les
juge patrimonialement opportunes, au regard de la valorisation de ces
entreprises par le marché, de leurs perspectives à moyen terme, etc…
3. Les critiques formulées par la Cour des Comptes sur le bilan patrimonial
des opérations en capital sont dénuées de fondement.
La Cour des Comptes considère que le bilan patrimonial des
opérations de cession conduites par l’APE au cours des dernières années est
« parfois discutable », sans pour autant démontrer de façon convaincante
cette affirmation ; celle-ci semble se fonder sur la seule opération de
privatisation des sociétés d’autoroutes, dont le bilan patrimonial est pourtant
difficilement contestable sur des bases objectives.
Il convient en outre de rappeler que la Commission des Participations
et des Transferts (CPT) joue un rôle très important, qui lui est dévolu par les
lois de privatisation, dans les opérations sur le capital, en fixant sous sa
responsabilité le prix minimum de cession des actifs publics, et en veillant au
bon déroulement des cessions hors marché. Elle travaille en toute
indépendance à l’égard des services du MINEFE, et en particulier de l’APE,
qu’elle auditionne systématiquement pour toutes les opérations qui lui sont
soumises, au même titre que les dirigeants de l’entreprise concernée, que les
candidats acquéreurs pour les cessions hors marché et que les banques
conseil de l’ensemble des parties, qui soumettent chacune à la CPT leurs
analyses sur la valeur des actifs faisant l’objet de la transaction. La CPT
dispose donc pour mener ses analyses de différents points de vue, et par
ailleurs d’un important recul sur les méthodes de valorisation compte tenu de
la diversité des opérations qui lui sont soumises.
3.1. La Cour des Comptes y faisant référence à de multiples reprises, il
paraît nécessaire de revenir plus en détail sur l’opération de cession des
participations de l’Etat dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes
(APRR, ASF et Sanef).
Il convient tout d’abord de préciser que lors des ouvertures de capital
des sociétés APRR, ASF et Sanef, comme lors de leur privatisation, l’intérêt
patrimonial de l’Etat a été scrupuleusement valorisé et servi, de la même
manière que pour les autres opérations sur le capital menées par l’APE.
D’abord les évaluations de ces sociétés, sur la base desquelles se sont
fondées les recommandations de prix d’introduction en bourse ou de prix de
cession, ont été conduites, comme pour les autres opérations sur le capital
menées par l’APE et conformément à ce qu’impose les lois de privatisation,
sur la base d’une approche multicritères selon les méthodes employées
couramment par les analystes financiers, notamment la méthode par
actualisation des flux de trésorerie disponible, particulièrement adaptée au
cas des concessions autoroutières du fait de la relative régularité des revenus
de ces sociétés tout en permettant d’intégrer la durée de la concession en
actualisant jusqu’au terme de celle-ci ces flux de trésorerie. S’agissant des
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
47
taux d’actualisation retenus, la méthode de calcul a été celle communément
pratiquée par l’ensemble de la communauté financière ; les données utilisées
pour le calcul proprement dit (taux d’intérêt, structure financière de la
société, conjoncture boursière, etc.) reflétaient la situation de la société et
des marchés financiers au moment de l’opération et intégraient en particulier
la nature relativement peu risquée de l’activité. En outre, il convient de
préciser que le taux d’actualisation dépend du risque associé aux flux et est
indépendant de celui qui reçoit ces flux ; plus fondamentalement, il n’y
aucune raison pour que l’Etat ait une appréciation du risque auquel il est
exposé différente de celle adoptée par un investisseur, quel qu’il soit. Rien ne
permet donc de qualifier ces taux d’actualisation d’« excessivement élevés ».
Ensuite, il doit être observé que la privatisation des sociétés
concessionnaires d’autoroutes est intervenue dans une conjoncture de taux
d’intérêt historiquement bas qui, compte tenu de la sensibilité de la
valorisation au niveau des taux d’intérêt, a permis de maximiser le produit
de cession de ces entreprises. Au-delà, les valorisations qui ressortent des
prix de cession obtenus lors de la privatisation des sociétés concessionnaires
d’autoroutes se situent significativement au-dessus de la moyenne des
multiples des sociétés comparables européennes, ce qui atteste que les prix
de cession intégraient bien une prime de contrôle et que la valorisation du
patrimoine de l’Etat a été maximisée.
S’agissant spécifiquement de la privatisation d’ASF, elle s’est
déroulée selon la même procédure ouverte et transparente d’appel public à
candidatures par cahier des charges que pour les cessions d’APRR et de
Sanef. Treize candidats ont manifesté leur intérêt pour ASF et ont été
déclarés recevables. Si seul Vinci a in fine déposé une offre ferme sur ASF, la
comparaison des prix de cession obtenus sur les trois opérations révèle
néanmoins que les effets concurrentiels du processus de cession par appel
d’offres ont été pleinement intégrés dans le prix de cession d’ASF, comme ils
l’ont été pour APRR et Sanef. Enfin, l’évolution du cours de bourse d’une
société doit s’apprécier en fonction d’une multitude de facteurs à la fois
exogènes (santé des marchés financiers, évolution du secteur d’activité) et
endogènes (résultats de l’entreprise comparés à ceux de ses pairs et aux
attentes du marché, perspectives de croissance). Aussi, la hausse du cours de
Vinci, que la Cour des Comptes relève sur la période 2002-2006, ne saurait
être interprétée comme une preuve que les marchés ont jugé que son
acquisition d’ASF était faite à un prix avantageux et ce d’autant plus qu’elle
ne semble guère exceptionnelle en regard des hausses de cours affichées par
certains de ses concurrents européens dans le secteur de la construction
(notamment Acciona et FCC).
Sur les questions de régulation relatives à la protection du
consommateur, il est nécessaire de rappeler que les procédures de suivi et de
contrôle de l'exécution de la concession et les obligations du concessionnaire
en matière de qualité de service ont été renforcées à l’occasion de la
48
COUR DES COMPTES
privatisation d’ASF, d’APRR et de Sanef. S’agissant de la fixation des
péages, le statut privé des entreprises ne change en rien à l’équilibre
financier des contrats de concession et n’est pas en soi générateur de
l’apparition d’une rente tarifaire. La privatisation a en revanche mis fin à
une situation inhabituelle et susceptible de générer des conflits d’intérêt, où
l’Etat était à la fois le concédant d’un service public et l’actionnaire
majoritaire de la société concessionnaire.
Enfin, s’agissant de la recommandation de la Cour des Comptes, qui
souhaite « pour les monopoles naturels, limiter la privatisation à l’usufruit »
comme cela a été le cas lors de la privatisation des seules sociétés
concessionnaires d’autoroutes (l’Etat demeurant propriétaire du réseau),
toute généralisation en la matière apparaît délicate puisque les modèles de
régulation sectoriels sont très variables d’un secteur à l’autre (cf. par
exemple le cas des autoroutes dont le schéma de régulation est distinct de
celui dans les secteurs des télécoms ou de l’énergie).
3.2.
D’autres
observations
de
portée
plus
générale
appellent
un
commentaire.
En ce qui concerne les opérations d’introduction en bourse, il
convient de préciser que l’offre d’une décote du prix d’introduction par
rapport à l’objectif de cours des analystes est une pratique habituelle, les
objectifs de cours des analystes financiers se situant dans un horizon de 10 à
18 mois par rapport à l’introduction et intégrant plusieurs effets endogènes.
L’augmentation du cours après l’introduction en bourse, variable suivant
l’horizon temporel considéré, dépend de plusieurs facteurs (accoutumance et
révélation de la performance au marché, liquidité accrue, mise en tension du
management…) et ne peut pas s’interpréter comme le signe que le prix
d’introduction était sous évalué. Pour reprendre l’exemple de l’introduction
en bourse de Sanef mise en avant par la Cour des Comptes, la décote de
12 % retenue lors de cette opération était parfaitement cohérente avec les
pratiques observées lors d’opérations d’introduction en bourse les plus
récentes (en particulier celles d’ASF et d’APRR). La valeur retenue de
40 €/action pour les particuliers était supérieure de 6,7 % au seuil de la CPT
et le cours de Sanef est resté inférieur à son prix d’introduction en bourse
pendant plus d’un mois, ce qui laisse plutôt penser que les marchés ont jugé
ce prix d’introduction suffisamment ambitieux. L’Etat demeurant actionnaire
des sociétés ainsi introduites en bourse, il tire en tout état de cause
pleinement profit de cette hausse (cf. cas d’ADP et d’EDF).
S’agissant des commissions bancaires payées par l'Etat, elles ont été
globalement réduites de moitié au cours des dernières années, ce qui traduit
les efforts constants réalisés par l’APE pour diminuer les coûts des
opérations de cession de l’Etat. S’agissant des commissions de placement
versées aux banques évoquées par la Cour des Comptes, elles ont également
été réduites dans des proportions importantes (entre 2002 et 2007, elles ont
été divisées par 7 pour les opérations avec constitution accélérée de livre
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
49
d’ordre et de plus de moitié pour les opérations de mises en bourse) et les
taux sur les opérations de l’Etat sont aujourd’hui bien inférieurs à ceux
appliqués à des cédants privés. La recommandation formulée par la Cour des
Comptes relative à l’intérêt de mettre en place des structures de
rémunération plus incitatives, dont le principe de commissions de placement
à taux variables croissants en fonction du prix de reclassement a déjà été
appliqué à deux reprises (lors des placements France Télécom et Air France
en 2004), est naturellement partagée par le MINEFE et l’APE travaille à
mettre en place les mécanismes de commissionnement les plus incitatifs
possibles, en prévoyant par exemple des commissions discrétionnaires,
versées en fonction du succès du placement.
Pour ce qui concerne le coût des offres réservées aux salariés, dont la
mise en oeuvre est obligatoire pour toute cession sur le marché d’une fraction
du capital d’entreprises relevant du titre II de la loi du 6 août 1986 relative
aux modalités des privatisations, le MINEFE partage l’avis exprimé par la
Cour des Comptes sur le coût particulièrement élevé de ces dispositifs pour
les finances publiques, d’autant plus qu’ils présentent pour certaines
entreprises un caractère récurrent (5 offres successives ont ainsi été
réservées aux personnels de France Télécom depuis 1997, du fait des
cessions successives réalisées par l’Etat, 2 pour Renault, Air France et
Snecma). L’APE veille néanmoins à réduire progressivement le coût global
de ces opérations ainsi que la charge pour l’Etat, en réduisant les avantages
consentis au gré des opérations successives concernant une même entreprise,
et en veillant à éviter les effets d’aubaine, en fixant un niveau de décote
inférieur au plafond légal de 20% lorsque le cours de bourse connaît une
progression significative entre la date du placement institutionnel et celui de
l’offre réservée aux personnels.
Enfin, les éventuelles garanties octroyées par l’Etat dans le cadre de
cessions, que l’APE cherche à limiter, sont prises en compte dans
l’appréciation globale des conditions financières des opérations lors de
l’examen par la CPT. De même sur l’opération Air France-KLM, l’analyse
de la CPT a tenu compte, contrairement à ce qu’affirme la Cour des
Comptes, des synergies attendues de l’opération qui ont été largement
développées dans les rapports des banques conseils.
4. Si la tendance au désengagement de l’Etat correspond à une orientation
politique sur les dernières années, le rôle de l’APE est de faire évoluer les
entreprises (statut, capital…) dans ce cadre au mieux des intérêts de l’Etat et
des entreprises elles-mêmes, sans exclure des opérations plus offensives.
La
stratégie
de
l’APE,
qui
met
en
oeuvre
une
politique
gouvernementale dont on ne peut contester qu’elle traduit depuis une
vingtaine d’années, sauf exception, un désengagement progressif de l’Etat du
secteur concurrentiel, est très claire : mener des réflexions préalables,
proposer des évolutions au ministre de l’économie et des finances lorsque
celles-ci apparaissent pertinentes du point de vue des entreprises (besoin
50
COUR DES COMPTES
d’évolutions stratégiques ou capitalistiques, éventuellement dictées par des
contraintes communautaires) et de l’Etat (externalisation de valeur) puis,
lorsque les décisions sont prises, mettre en oeuvre les opérations au mieux
des intérêts patrimoniaux de l’Etat. Il est important d’insister sur le fait que
ces deux objectifs ne sont pas contradictoires, bien au contraire.
L’objectif d’optimisation patrimoniale dans le cadre des opérations
sur le capital des entreprises ne se borne pas à la seule poursuite d’objectifs
à caractère purement « financier » (au sens où semble l’entendre la Cour des
Comptes) mais prend largement en considération les aspects stratégiques et
industriels, dans une perspective de création de valeur à moyen-long terme :
de nombreuses opérations conduites par l’APE ont été des réussites
patrimoniales pour l’Etat tout en permettant d’accompagner des projets
industriels stratégiques pour les entreprises concernées (Air France/KLM,
GDF/Suez, Bouygues/Alstom, privatisation des sociétés d’autoroutes qui ont
permis d’adosser celles-ci à de grands partenaires industriels sur la base de
projets stratégiques bien définis) ; ceci démontre bien qu’il n’y a pas lieu
d’opposer systématiquement ces différents intérêts qui sont presque
systématiquement alignés.
Par ailleurs, le MINEFE ne partage pas l’analyse de la Cour des
Comptes sur la prétendue faible capacité d’anticipation de l’Etat actionnaire
sur l’évolution du capital des entreprises postérieurement à leur introduction
en bourse : les grandes opérations industrielles citées par la Cour des
Comptes, comme Air France/KLM, Snecma/Sagem ou GDF/Suez, n’ont été
possibles qu’avec l’accord de l’Etat qui a d’ailleurs joué un rôle moteur pour
accompagner ces projets portés par le management des entreprises. Le fait
que ces opérations aient été précédées d’une introduction en bourse des
entreprises
concernées est loin d’avoir constitué un handicap, et a au
contraire permis de révéler au mieux leur valeur, et donc de mieux négocier
les conditions des rapprochements capitalistiques qui ont suivi. Ces cas
constituent de parfaites illustrations d’un désengagement de l’Etat pour
accompagner des projets stratégiques majeurs pour les entreprises. L’Etat
continue en outre à profiter de la création de valeur liée à ces projets
industriels, en demeurant actionnaire des nouvelles entités ainsi créées. Il
importe donc que le bilan patrimonial total tienne compte de la création de
valeur captée par l'Etat liée à son désengagement progressif et partiel.
L'Etat n'a évidemment pas pour principe de s'interdire de prendre de
nouvelles participations, comme le démontrent son investissement dans
Alstom en 2005, les injections de capital significatives réalisées au cours des
dernières années dans DCNS, GIAT, ou l’Imprimerie Nationale, ou encore
les dispositions permettant à l’Etat, en cas de menace sur le contrôle
d'entreprises de défense comme EADS ou Safran ou dans certains secteurs
sensibles, de reprendre le contrôle de leurs activités présentant un caractère
stratégique. L’APE constitue désormais la structure au sein de l’Etat la
mieux à même de mener de telles opérations en direct. Il convient également
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
51
de rappeler que les entreprises publiques de premier rang sont elles-mêmes
très actives et procèdent, sous le contrôle de l’APE, à de nombreuses
opérations de croissance externe qui font rentrer différentes sociétés dans le
périmètre des participations publiques.
En outre, si l’environnement communautaire crée un contexte
favorable à certaines évolutions, il convient de rappeler que l’APE a joué un
rôle majeur et proactif dans les grandes réformes structurelles récentes du
secteur public (changements de statuts, et modernisation du cadre de
régulation le cas échéant, d’EDF, GDF, ADP, de la Monnaie de Paris et du
LFB, création de la Banque postale), dont l’objectif a été de favoriser la
modernisation et le développement des entreprises concernées.
Sur la base de l’ensemble de ces éléments, il apparaît donc faux
d’affirmer que « En dehors de la contribution au désendettement de l’Etat, la
finalité implicite de sa gestion est moins axée sur la création de valeur que
sur l’optimisation financière de la contraction du secteur public productif et
sur la restructuration progressive des services publics dont la privatisation
n’est pas envisagée. »
Enfin, une distinction très claire doit être opérée entre le champ
d’action de la CDC et celui de l’APE, dont les missions et la stratégie
actionnariale sont différentes. D’une part, des conflits d’intérêts sont
susceptibles d’exister entre ces deux entités, justifiant une nécessaire
séparation fonctionnelle entre l’APE et la sous-direction en charge du suivi
de la CDC au sein de la DGTPE (la CDC peut notamment être candidate
dans des opérations de cession de participations publiques conduites par
l'APE). D’autre part, il y a lieu de distinguer clairement le rôle de
gestionnaire des participations de l'Etat, sous le contrôle du gouvernement et
du Parlement, joué par l’APE et celui d'investisseur institutionnel joué par la
CDC, qui n'est par ailleurs pas soumise aux mêmes contrôles.
5. L’efficacité de l’action de l’Etat actionnaire, dont la transparence a été
significativement améliorée depuis 2004, ne peut s’apprécier sur le seul
critère des dépenses pour des opérations en capital à partir du compte
d’affectation spéciale « Participations financières de l’Etat »
Si la LOLF a fourni un cadrage plus précis aux opérations réalisables
à partir du compte d’affectation spéciale « Participations financières de
l’Etat » (ci-après « CAS PFE »), ce qui constitue une évolution très positive,
il convient tout d’abord de rappeler que les opérations non strictement
patrimoniales qui ont été menées avant l’entrée en vigueur de la LOLF à
partir du compte n°902-24 « compte d’affectation des produits de cessions de
titres, parts et droits de sociétés » ont reçu une validation politique et/ou
parlementaire.
Des progrès très importants ont été réalisés en matière de
transparence depuis la création de l'APE tant vis-à-vis du Parlement que des
citoyens, efforts qui sont passés sous silence par la Cour des Comptes dans
52
COUR DES COMPTES
son rapport. En effet, outre les informations données au Parlement dans le
cadre de la procédure budgétaire, qui fournissent des éléments prévisionnels
aussi
détaillés
que
possible
et
des
éléments
d’exécution
précis,
l’enrichissement du rapport annuel sur l’Etat actionnaire, la création du site
Internet de l’APE, la production de comptes combinés, les auditions plus
fréquentes par les commissions parlementaires constituent des avancées
importantes en ce sens.
La Cour des Comptes recommande d’une part d’« expliciter
davantage dans les documents budgétaires les objectifs poursuivis par l’Etat
actionnaire ». Si des marges de progrès existent certainement – des
engagements en ce sens ont d’ailleurs été pris devant le Parlement par le
Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, l'APE veille à fournir
la meilleure information possible au Parlement, sachant toutefois que
l’objectif de préservation des intérêts patrimoniaux de l’Etat doit primer, eu
égard notamment à la nécessaire confidentialité qui s’attache aux
informations sur d’éventuelles opérations sur des sociétés cotées.
La Cour des Comptes recommande d’autre part d’« éviter que le
recours aux structures de financement intermédiaire n’opacifie la gestion des
participations de l’Etat, en supprimant Autoroutes de France, et en rendant
plus transparentes les relations entre le compte d’affectation spéciale et
l’ERAP ». Si le cas de figure de l’avance d’actionnaire consentie à l’ERAP
fin 2004 est demeuré très exceptionnel et était justifié par des circonstances
particulières de l’époque, les relations avec les bénéficiaires du CAS PFE,
dont l’ERAP fait partie, sont aujourd’hui parfaitement transparentes.
S’agissant d’ADF, la suppression de cette structure, qui a eu son sens pour
assurer une forme de péréquation entre les différentes situations de
trésorerie des sociétés d’autoroutes, est actuellement à l’étude.
S’agissant de la mesure des performances et de l’efficacité de l’action
de
l’Etat
actionnaire,
comme
l’indique
la
Cour
des
Comptes,
« la performance de l’Etat actionnaire ne peut être valablement appréciée à
travers les seuls programmes budgétaires correspondant à ce compte
d’affectation spéciale » : l'action de l'APE revêt en effet des aspects
qualitatifs (amélioration de la gouvernance des entreprises, amélioration de
la gestion) qui ne sont pas ou qu'imparfaitement retracés dans les
programmes budgétaires. C’est la raison pour laquelle l’APE publie un
rapport annuel d’activité qui est annexé aux documents budgétaires sur le
CAS PFE.
Ainsi, les indicateurs de performance prévus par la LOLF (indicateurs
quantitatifs sur la santé financière des entreprises du périmètre de
combinaison,
sur
les
conditions
financières
des
cessions,
sur
le
désendettement), bien que perfectibles, fournissent un éclairage partiel sur
les performances de l’action de l’Etat actionnaire. Ces indicateurs traduisent
des orientations politiques générales données par le gouvernement, et
notamment la priorité dans l’affectation des recettes du CAS PFE accordée
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
53
au désendettement de l’Etat et des APU, qui est une forme de gestion
actif/passif.
Si la Cour des Comptes regrette que « la création de l’Agence ne s’est
pas accompagnée d’une utilisation plus dynamique du compte d’affectation
spéciale pour soutenir le développement des entreprises dont l’Etat est
actionnaire », le MINEFE considère pour sa part que le niveau des dépenses
du CAS PFE en faveur des opérations d’actionnaire ne constitue nullement
un critère pertinent pour apprécier les performances de l’action de l’Etat
actionnaire. Il convient au contraire de se féliciter du fait que les entreprises
aient de moins en moins souvent besoin de faire appel à des injections de
capital de l’actionnaire, et qu’elles soient désormais capables d’assumer leur
croissance sur ressources propres ou en étant capables d’attirer des
ressources du marché. Ainsi, en cas de besoin, l'Etat actionnaire a été
présent pour souscrire à des augmentations de capital directes ou indirectes
(GIAT, DCN, plan fret SNCF, SNCM...), dans le respect des règles
communautaires. En effet, les interventions de l’Etat au capital d’entreprises
publiques ne sont par principe pas exclues et l’APE veille alors à ce que ces
opérations, dont le caractère avisé de l’investissement doit le plus souvent
être démontré à la Commission européenne, se déroulent dans les meilleures
conditions financières possibles pour l’Etat. De ce point de vue, l’Etat n’est
donc pas un actionnaire atypique, le financement des entreprises par apport
de fonds de l’actionnaire étant par essence limité aux opérations
exceptionnelles par rapport aux autres modes de financement (sur ressources
propres ou externes).
Dans ces conditions, le MINEFE ne peut adhérer à la conclusion de
la Cour des Comptes lorsqu’elle affirme qu’« Au total, la création de
l’Agence ne s’est pas accompagnée d’une utilisation plus dynamique du
compte d’affectation spéciale pour soutenir le développement des entreprises
dont l’Etat est actionnaire. En dehors de la contribution au désendettement
de l’Etat, la finalité implicite de sa gestion est moins axée sur la création de
valeur que sur l’optimisation financière de la contraction du secteur public
productif et sur la restructuration progressive des services publics dont la
privatisation n’est pas envisagée. », ce qui semble contraire à la réalité.
De même, le MINEFE récuse l’idée selon laquelle l’Etat serait un
« actionnaire impécunieux », ne cédant des actifs que pour rembourser des
dettes passées. Si le désendettement constitue une priorité politique, l’Etat
sait également assurer le financement de ses participations lorsque cela
s’avère nécessaire et dans un cadre communautaire strictement encadré. Dès
lors, la portée de la recommandation de la Cour des Comptes de « favoriser
la prise en compte des considérations actif/passif, et apprécier les cessions
de titres en fonction des bénéfices attendus du passage à une gestion privée,
et non en fonction du seul critère de la réduction de l’endettement brut de
l’Etat » paraît limitée par rapport à la pratique actuelle.
54
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE DES DÉPOTS
ET CONSIGNATIONS
Comme le souligne la Cour, l’Etat actionnaire est effectivement
« incarné par l’Agence des participations de l’Etat » et non par la Caisse des
dépôts.
Institution financière de long terme, au service du développement
économique, la Caisse des Dépôts se situe pour sa part, dans une logique
d’investisseur institutionnel. Elle détient un portefeuille d’actions cotées –au
même titre que ceux d’autres classes d’actifs comme les portefeuilles de taux,
d’actifs immobiliers ou d’entreprises non cotées- dont la finalité est avant
tout financière. Il a fait l’objet d’une gestion patrimoniale active dont
l’objectif est de dégager sur longue période un rendement en cohérence avec
le risque. Compte tenu de son horizon de long terme, de la taille de son bilan
et de ses détentions, la Caisse des Dépôts est un actionnaire particulièrement
attentif à l’impact que sa gestion peut générer sur les entreprises dont elle est
actionnaire.
En tant que premier ou second actionnaire de nombreuses sociétés du
CAC 40, elle a noué avec certaines d’entre elles des relations de confiance,
qui se traduisent par une participation significative au capital et par sa
présence au conseil d’administration. Dans certaines situations, et si cela est
conforme à ses intérêts patrimoniaux de long terme, la Caisse des Dépôts
peut soutenir des opérations qui aident à stabiliser leur actionnariat dans la
durée, et favoriser l’adaptation et la croissance de leur potentiel productif
ainsi que le développement des centres de décision de ces entreprises en
France et en Europe.
Ces objectifs sont poursuivis avec des préoccupations d’intérêt
général qui seront explicitées dans la doctrine d’investissement mise en place
dans le cadre du plan stratégique Elan 2020.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
55
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL
D’ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF)
Tout d’abord, concernant le coût de l’ouverture du capital d’EDF, il
convient de préciser que la réforme du financement des retraites de la
branche des IEG réalisée préalablement à cette opération s’est effectuée en
assurant la neutralité financière pour les consommateurs et la collectivité.
Ce point a déjà fait l’objet d’un échange avec la Cour concernant le rapport
provisoire sur l’ouverture du capital, la cour ayant alors pris en compte la
remarque similaire de l’Entreprise. En conséquence, je demande à la Cour
de retirer le paragraphe en bas de la page 28 du rapport («Dans la
perspective de l’ouverture…les engagements transférés »).
Par ailleurs, et comme la Cour des comptes l’a noté dans son rapport,
je voudrais souligner la qualité de l’exécution de l’ouverture du capital
d’EDF, exceptionnelle par son montant et sa complexité.
Je souhaite également commenter la remarque de la Cour relative à
la place de l’Etat dans la gestion des entreprises qu’il contrôle. Si le
principal actionnaire a sans nul doute un rôle primordial dans la validation
des objectifs à long terme et la stratégie de l’entreprise, son rôle en tant
qu’actionnaire ne peut aller au-delà de celui d’un actionnaire majoritaire
dans une société privée cotée. S’immiscer dans la gestion courante ou/et
dans des arbitrages entre sociétés conduirait l’Agence des Participations de
l’Etat, et par contrecoup EDF, à encourir les reproches d’actionnaires
minoritaires,
de
l’Autorité
des
Marchés
Financiers,
d’entreprises
concurrentes ou de la Commission Européenne.
Soyez assuré de ma détermination à poursuivre, dans les années qui
viennent, une stratégie de développement rentable pour le Groupe EDF, en
parfait accord avec l’ensemble des actionnaires et notamment avec notre
actionnaire majoritaire représenté par l’Agence des Participations de l’Etat.
56
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’ERAP
Les analyses approfondies qui sont conduites par la Cour concernant le
rôle de l’Etat en tant qu’actionnaire rejoignent celles de l’ERAP qui, depuis le
début, a cherché à jouer pleinement ce rôle pour le compte de l’Etat, en
articulant politique industrielle et moyens financiers, dans les participations
publiques qui lui sont confiées dans le respect des contraintes internationales,
et notamment européennes.
Plus précisément, sur les observations concernant l’ERAP dans votre
rapport public, je tiens à vous apporter les compléments d’information
suivants :
1) Sur la question de l’avance faite par l’Etat à l’ERAP en 2004, un versement
de 1,5 Md€ a été effectué par l’Etat le 12 novembre 2004. Ce montant a été
porté à 1,75 Md€ le 20 janvier 2005, puis ramené à 1,5 Md€ le 18 mars 2005
et, finalement, complètement remboursé le 20 décembre 2005. Cette opération
a été sans impact sur le résultat de l’établissement, les montants prêtés étant
replacés auprès de l’ACCT à un taux de rémunération identique.
Placés temporairement auprès de l’ERAP fin 2004, ces fonds ont ainsi
été remboursés à l’Etat qui en avait sans doute une meilleure utilisation, sans
que l’ERAP soit aucunement informé de celle-ci. Dans d’autres cas, une
dotation avait pu être versée à l’établissement et faire l’objet d’un
remboursement complet ou partiel, comme celle des Bons de souscription
d’actions de France Télécom transférés en avril 2003, totalement remboursée
en décembre 2005 pour 2,2 Md€. Ces remboursements sur le compte
d’affectation spécial autorisent leur emploi à d’autres fins, dont l’ERAP n’a
pas à connaître. L’affirmation du rapport sur ce point ne peut donc être
confirmée par l’établissement.
Les opérations plus récentes d’affectation de dotations à l’ERAP ont été
clairement identifiées comme destinées à son désendettement, les fonds étant
placés à cet effet sur un compte à terme à échéance du 25 avril 2008, qui
constitue sa prochaine échéance obligataire.
2) Quant à l’investissement effectué en 2003 dans le capital de France Télécom
pour le compte de l’Etat, il s’avère effectivement avisé, ayant d’ores et déjà
permis de rembourser une très grande partie de l’endettement obligataire de
9,4 Md€ souscrit sur les marchés en 2003, de rembourser à l’Etat sa dotation
de 2003 (BSA) et de lui verser des dividendes significatifs, tout en assurant le
service de la dette de l’ERAP sans aucune subvention de l’Etat. Il entre donc
bien dans la catégorie que vous saluez comme constituant l’exception dans le
projet de rapport.
4) Enfin, en ce qui concerne votre recommandation finale, je voudrais rappeler
que les opérations intervenues entre le compte d’affection spécial et l’ERAP
sont retracées dans les comptes de l’établissement et peuvent donc y être
suivies de façon transparente.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
57
ÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION ET DE
L’ADMINISTRATEUR-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE VINCI
La Cour indique que « la très forte appréciation du cours de l’action Vinci
(+140%) entre avril 2002 (…) et novembre 2006 (…) témoigne notamment,
selon toute vraisemblance, de la perception par le marché que l’acquisition
d’ASF s’est faite à un prix avantageux ».
Il nous paraît pour le moins simpliste de se fonder sur l’évolution du
cours de l’action de l’acquéreur au cours de la période d’acquisition pour
mesurer le « juste prix » d’une cible.
L’évolution du cours de VINCI sur la période de prise de contrôle
majoritaire d’ASF reflète de très nombreux éléments, certains propres à
VINCI et d’autres externes (environnement macroéconomique, performance
boursière des sociétés de construction et de concessions, performance du
CAC 40…). Il est, d’une part, abusif d’expliquer la performance boursière de
VINCI sur cette période par le seul processus d’acquisition d’ASF et, d’autre
part, erroné de déduire d’un impact positif sur le cours que le prix
d’acquisition aurait été insuffisant.
Sur le premier point on observera que la cession du bloc majoritaire
de l’Etat n’a été annoncée que le 7 juin 2005 et que, jusqu’à cette date, le
processus de privatisation était officiellement interrompu, la progression du
cours de VINCI a été identique dans les 18 mois précédents et les 18 mois
suivants cette date.
Les sociétés de construction et de concessions ont connu, au cours de
ces années un véritable engouement (Eiffage : +442,6 % - Bouygues :
+38,7 % - Abertis : +156 % - Acciona : +228,6 %).
En ce qui concerne VINCI, sa performance opérationnelle en
particulier dans les secteurs de la construction, des routes et de l’énergie a
connu une progression régulière et forte qui a été reflétée dans le cours. Les
notes d’analystes de recherche relatives à la valorisation de VINCI sur la
période font toutes apparaître une réévaluation significative de ses actifs
hors ASF. Tout ceci a certainement influé de façon non négligeable sur la
performance de l’action.
En fait, le prix payé par VINCI n’a pas surpris le marché car il
correspondait à la valeur attendue pour cet actif. Les deux offres successives
de VINCI sur ASF contenaient de nombreuses analyses multicritères de
l’actif sur la base des plans d’affaires fournis par ASF et ont été validées par
les conseils financiers de VINCI et ceux d’ASF, par l’APE et par la
Commission des Participations de l’Etat.
58
COUR DES COMPTES
Il convient enfin de garder à l’esprit que les actionnaires privés
d’ASF ont massivement apporté à l’offre publique lancée par VINCI au prix
convenu avec l’Etat et que s’ils avaient jugé ce prix « désavantageux », ils
auraient sans doute choisi de conserver leurs titres.
La Cour indique, in fine, que « il eût été préférable de déclarer infructueux
l’appel d’offres et de procéder à une nouvelle mise aux enchères ».
Le processus de privatisation des sociétés d’autoroutes était régi par
un Cahier des Charges qui définissait clairement les objectifs de l’Etat.
L'Etat
a
cédé
simultanément
3
sociétés
d’autoroutes
parfaitement
comparables dans des conditions financières conformes à ses intérêts
patrimoniaux, et dans des conditions permettant d’assurer le respect des
Contrats de Concession ainsi que le développement à long terme des
Sociétés, dans le cadre d'un projet industriel et social précis et structuré.
L’Etat a donc été en mesure de vérifier que VINCI avait une offre
comparable à celles reçue pour les deux autres sociétés et payait pour ASF
un prix comparable à ceux offerts pour les deux autres.
Il convient donc de préciser que les travaux d’évaluation fournis par
VINCI et ses conseils, tout comme leur examen par les conseils financiers de
la cible, par ceux de l’Etat et par la Commission des Participations de l’Etat,
ont montré que le multiple de valorisation induit par l’offre de VINCI est
équivalent à ceux résultant des offres sur APRR et Sanef.
Données en millions d'euros, sauf cours de bourse et multiples.
Valeur d'Entreprise
Valeur d'entreprise
Date
Acquéreur
Cible
Implicite (€m)
EBE 12 derniers mois
Dec-05
Eiffage-Macquarie
APRR
12,023
12.2x
Dec-05
Abertis
Sanef
9,249
12.3x
Moyenne
12.2x
Dec-05
Vinci
ASF
19,540
12.1x
Source : Documentation financière des sociétés, rapports de recherche, Factset
.
De même, les primes offertes pour les trois sociétés d’autoroutes
françaises privatisées sont, une fois corrigés les effets de durée et de lois
tarifaires, en ligne avec celles offertes dans le cadre de transactions portant
sur des autoroutes américaines, qui ont eu lieu dans un fort contexte
concurrentiel à quelques mois d’écart par rapport au processus de
privatisation des autoroutes françaises.
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE
L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
59
ANNEXES
a)
Evolution du cours de l’action ASF sur la période précédant
l’annonce
de la privatisation des autoroutes
A titre indicatif, le prix de 51€ offert par VINCI est supérieur aux cours de
bourse historiques d’ASF, notamment sur la période précédent le lancement
du processus de privatisation. Il représente une prime de 17.3% par rapport
au cours de l’action ASF qui s’était établi à 43.46€, la veille de l’annonce du
processus de cession.
Prime Implicite
Cours au 6 juin 2005
€43.46
17.3%
Cours au 7 juin 2005
€43.57
17.1%
Moyenne 1 an
€43.66
16.8%
Moyenne 6 mois
€47.42
7.5%
Moyenne 3 mois
€47.45
7.5%
Source : Factset.
Note : Moyennes calculées par rapport au 13 décembre, veille de l’annonce
des résultats du processus de privatisation.
20 €
25 €
30 €
35 €
40 €
45 €
50 €
55 €
12-déc.-03
23-févr.-04
6-mai-04
18-juil.-04
29-sept.-04
12-déc.-04
23-févr.-05
7-mai-05
19-juil.-05
30-sept.-05
13-déc.-05
Cours d'ASF
Moyenne 1 An
Moyenne 6 Mois
Moyenne 3 Mois
Prix d'Offre
Moyenne 6 mois: 47,4 €
Moyenne 3 mois: 47,5 €
Prix offert par VINCI: 51,0 €
Moyenne 1 an: 43,7 €
7 juin 05: Annonce de la
privatisation d'ASF par le
Premier Ministre
L’ETAT ACTIONNAIRE : APPORTS ET LIMITES DE L’AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L’ETAT
61
b)
Perception de l’action ASF par les analystes de recherche
Sur la période précédant l’annonce de la privatisation des autoroutes, le prix de 51€ offert par Vinci est supérieur à la
plupart des objectifs de cours des analystes de recherche ainsi qu’à la moyenne de ces objectifs qui s’établit à 44,3€.
47.0 €
47.0 €
41.1 €
40.0 €
48.1 €
42.0 €
51.0 €
38.0 €
30 €
35 €
40 €
45 €
50 €
55 €
60 €
Dexia 17/01/05
CSFB 27/01/05
GS 2/03/05
UBS 11/03/05
LB 14/03/05
MS 20/04/05
SG 21/04/05
ML 20/05/05
Prix offert par VINCI: 51,0 €
Moyenne des cours cibles des
analystes: 44.3 €
Source: Rapports de recherche.
62
COUR DES COMPTES
Suite à l’annonce du processus de cession, les objectifs de cours du consensus d’analystes ont progressivement augmenté,
reflétant l’attrait spéculatif lié à la privatisation. Les analystes incluaient pour la plupart la prime de contrôle dans leur
exercice de valorisation. Le prix de offert par Vinci reste cependant supérieur à la plupart des objectifs de cours des analystes
post-annonce.
48 €
49 €
47 €
47 €
48 €
48 €
60 €
47 €
46 €
47 €
44 €
52 €
50 €
49 €
49 €
40 €
42 €
44 €
46 €
48 €
50 €
52 €
54 €
56 €
58 €
60 €
Ixis 21/7/05
Aurel 21/7/05
ING 29/8/05
CSFB 31/8/05
Oddo 16/9/05
Wargny 16/9/05
Exane 16/9/05
DKW 16/9/05
Kepler 16/9/05
CAI 22/9/05
GS 23/9/05
MS 12/10/05
SG 13/10/05
ML 8/11/05
DB 02/12/05
Prix offert par VINCI: 51,0 €
Moyenne des cours cibles des
analystes: 48,7€
Source: Rapports de recherche.
Le bilan de la gestion des défaisances
_____________________
PRESENTATION
____________________
Dans un rapport public particulier publié en décembre 2000 et
intitulé « L’intervention de l’Etat dans la crise du secteur financier » et
dans une insertion au rapport public de janvier 2002, la Cour avait
cherché à apprécier les conditions dans lesquelles l’Etat avait apporté
son concours financier au Crédit Lyonnais, au Crédit Foncier de France
(CFF), au Comptoir des Entrepreneurs (CDE) et au Groupe des
assurances nationales (GAN) et avait géré les structures de défaisance
28
mises en place pour accueillir des actifs compromis du fait de gestions
financières imprudentes.
La Cour constatait que l’intervention de l’Etat avait été justifiée,
dans le cas du Crédit Lyonnais et du GAN, par le risque systémique d’une
faillite pour la place de Paris, la nécessité d’assurer la protection des
déposants ou des assurés et le risque pour l’Etat de voir sa responsabilité
en comblement de passif engagée. Dans le cas du CFF et du CDE, en
revanche, le risque systémique et la nature même des obligations
juridiques de l’Etat semblaient avoir été surestimés.
Dans tous ces cas, les pouvoirs publics avaient été conduits à
écarter les solutions de liquidation ou de recapitalisation de ces sociétés
et à leur préférer la mise en place de structures de défaisance où étaient
cantonnés les actifs compromis, les contentieux et les pertes, et
d’établissements publics écran qui apportaient leur garantie et
permettaient d’étaler les pertes dans le temps. Ces montages n’étaient
possibles que parce que les normes comptables internationales et
l’absence de tenue d’une comptabilité d’exercice par l’Etat le
permettaient à l’époque.
28) On désigne par structures de défaisance à la fois les sociétés où sont cantonnés des
actifs compromis et les organismes qui les financent.
64
COUR DES COMPTES
L’examen de la gestion des défaisances faisait ressortir une
oscillation de la stratégie de l’Etat entre une optique liquidative et une
optique patrimoniale, des dérives en matière de rémunérations et
d’indemnités de départ des dirigeants, une insuffisante maîtrise des
honoraires d’avocats et de banques conseil, les déficiences des systèmes
d’information et le caractère peu transparent, voire irrégulier des
méthodes comptables. Le coût de l’intervention de l’Etat dans cette crise
était alors estimé entre 20,6 et 22 Md€ (valeur 1999).
La Cour en tirait des enseignements sur les processus de décision
mis en oeuvre, l’impact du droit de la concurrence sur les relations entre
l’Etat et les entreprises publiques et la modernisation du droit des
finances publiques. Elle concluait qu’une structure de défaisance incitait
l’établissement d’origine à transférer toujours plus de risques et de
charges à l’Etat, que celui-ci pouvait difficilement préserver ses intérêts
financiers en étant le garant ultime et sans limite
des pertes et que des
montages simples devaient être recherchés pour à la fois limiter les coûts
d’intermédiation et d’ingénierie financière, inciter à la bonne gestion et
donner la décision à l’Etat, payeur principal
Par ailleurs, la Cour s’était attachée à ce que des suites
juridictionnelles appropriées puissent être données à ses investigations
29
.
Une nouvelle série de contrôles portant respectivement sur les
organes de défaisance du Crédit Lyonnais, du GAN et du Comptoir des
Entrepreneurs, conduits en 2007 sur la période 2000-2006, permet de
tirer un bilan quasi-définitif de ces défaisances, tant du point de vue des
modalités de gestion retenues que du résultat financier
30
. La Cour a
cherché à apprécier si, dans une situation lourdement obérée par les
errements antérieurs des gestionnaires des entreprises, l‘Etat avait pu, en
choisissant de maintenir des structures de défaisance, limiter le coût
financier de ces opérations
.
Il ressort des vérifications opérées que les dispositifs complexes et
déresponsabilisants, déjà identifiés par la Cour, ont été maintenus. La
gestion des défaisances, rendue difficile par la nature des actifs à
liquider, l’ampleur des contentieux et l’imprudence des garanties
accordées, a, en outre, été perturbée par la situation particulière de
structures confrontées à leur propre disparition.
29) La Cour des comptes avait saisi la Cour de discipline budgétaire et financière.
Celle-ci a condamné deux des responsables le 24 février 2006 à des amendes
respectivement de 59 000 € et de 100 000 € et le Conseil d’Etat a rejeté le
16 janvier 2008 les deux recours en cassation contre l’arrête rendu par la Cour. Des
procédures judiciaires
sont encore en cours.
30) Le bilan des opérations de défaisance publié dans la présente insertion tient
compte des exigences de confidentialité propres au droit des affaires.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
65
Le bilan financier global des défaisances, qui ne sera connu
définitivement que dans quelques années, peut être estimé aujourd’hui à
20,7 Md€ en valeur actuelle 2007.
I
-
Des dispositifs complexes pour des objectifs
mal définis
La complexité résulte à la fois de l’organisation des structures, des
modes de financement et des modes de gouvernance. Ses conséquences se
trouvent aggravées par l’absence d’objectifs bien définis.
A - L’organisation des structures
Les
dispositifs
mis
en
place
associent
des
sociétés
de
cantonnement chargées de liquider les actifs compromis et des structures
responsables du financement. Le tableau ci-dessous résume l’ensemble
des montages.
Le dispositif des défaisances à partir de 2000
Etablissements d’origine
Crédit Lyonnais
CDE
GAN
Structure de financement
EPFR
EPRD
SGGP
Gestion des garanties
CDR
-
SGGP
Gestion des actifs résiduels
CDR+filiales
NSRD (D1)
Sagitrans (D2)
Bâticrédit
+ filiales
a)
Les montages initiaux étaient complexes.
Les sociétés de cantonnement chargées de gérer la liquidation des
actifs sont, pour le Crédit Lyonnais, une société anonyme, le Consortium
de réalisation (CDR), et pour le Comptoir des Entrepreneurs, qui a fait
l’objet de défaisances successives, la Nouvelle société de réalisation de
défaisance (NSRD) pour la première, et SAGITRANS pour la seconde,
cette dernière étant quasiment achevée avant 2000. Aux termes de la loi
n°95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l’action de l’Etat dans les
plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des
Entrepreneurs, deux établissements publics administratifs, l’établissement
public de financement et de restructuration (EPFR) et l’établissement
public de réalisation de défaisance (EPRD), gèrent le soutien financier de
l’Etat, respectivement, à la défaisance du Crédit Lyonnais et aux deux
défaisances successives du Comptoir des Entrepreneurs.
66
COUR DES COMPTES
Pour la défaisance du GAN, le dispositif mis en place par l’assureur
public était encore plus compliqué. En décembre 1994 deux sociétés
détenues par une cascade de trusts
31
domiciliés à Jersey avaient été créées :
l'une, Bâticrédit, portait les créances compromises, tandis que l’autre,
Bâticrédit Finances et Compagnie (BFC), société en nom collectif, la
finançait par un prêt et se refinançait auprès de différentes sociétés du
GAN. En outre, la SC GAN, holding du groupe, apportait sa garantie à
l’ensemble de ces prêts. Lors de la privatisation du GAN en juillet 1998,
l'Etat qui s’était engagé dès février 1997 à supporter les charges de la SC
GAN au titre de la garantie a conservé la propriété de cette société sous le
nom de Société de gestion de garanties et de participations (SGGP). Cette
société anonyme a été chargée de gérer les garanties offertes aux
acquéreurs des pôles d’activité de GAN SA, puis à l’acquéreur de cette
dernière, l’assureur mutualiste Groupama. Les actifs résiduels sont
demeurés cantonnés dans la société Bâticrédit qui a été rachetée par la
SGGP à la fin de l’année 1999.
b)
La simplification des structures n’a été que très progressive.
Ainsi à partir de 1996, le CDR a été organisé en filiales de premier
rang détenus par CDR Holding et regroupés en cinq pôles, chacun d’entre
eux contrôlant un certain nombre de filiales. Trois des filiales de premier
rang (immobilier, finances et participations) ont été dissoutes et absorbées
par la holding en 2002 (pour les deux premières), en 2004 (pour la
troisième) selon la procédure de transmission universelle de patrimoine.
Mais les deux autres pôles, CDR Entreprises et CDR Créances, ont été
maintenus en raison de la persistance de contentieux, les dossiers
Executive Life et AIG pour le premier, les dossiers IBSA et Tapie/Adidas
pour le second. Fin 2006, CDR comptait encore 22 filiales dans son
périmètre de consolidation.
De même, il a fallu attendre décembre 1999 pour que la SGGP
prenne le contrôle de Bâticrédit Finance et Compagnie (BFC), dont elle
garantissait les engagements financiers. En outre, ce rachat ne s’est pas
accompagné d’une simplification des structures, la SGGP décidant
d’interposer entre elle et BFC, deux sociétés écran à responsabilité limitée,
Maubeuge 1 et Maubeuge 2, pour protéger la SGGP d’un éventuel dépôt
de bilan. Cette précaution qui ne pouvait en aucune manière éviter
l’enregistrement de déficits dans le budget de l’Etat, mais qui tout au plus
contribuait à en retarder l’impact comptable, a été une source de lourdeur
inutile. La remontée de l’ensemble des filiales et des sous-filiales du
groupe au sein de la SGGP n’est intervenue qu’en décembre 2004.
31) Cette structure juridique avait été retenue à l’origine, car elle permettait de ne pas
l’inclure dans le périmètre de consolidation du groupe GAN.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
67
Pour justifier la lenteur avec laquelle ont été dissoutes des filiales
et sous-filiales, devenues parfois depuis longtemps des coquilles vides,
les responsables des sociétés de défaisance mettent en avant la volonté
d’optimisation fiscale, ce qui est paradoxal pour des sociétés dont les
pertes étaient entièrement assumées par l’Etat. Le maintien de ces
structures s’est traduit par des frais de gestion supplémentaires et a,
surtout, contribué à entretenir une opacité dommageable. Le manque de
transparence a été accentué, dans le cas de la SGGP, par le fait que le
groupe n’a pas produit de comptes consolidés entre 2001 et 2004. Il n’en
avait pas l’obligation selon la réglementation comptable, mais seulement
la faculté. Son choix n’a pas facilité la lisibilité des résultats de l’activité
au cours de cette période.
Ce retard dans la simplification des structures est d’autant plus
critiquable que les organes de décision des filiales n’avaient pas un
fonctionnement normal. Ainsi le président du CDR, entre la fin de l’année
2001 et la fin de l’année 2006, a fait le choix de ne présider que CDR SA
à l’exclusion de tout autre mandat social dans le groupe. Les mandataires
sociaux des autres sociétés du groupe étaient des collaborateurs de CDR
SA et les décisions importantes étaient prises sans que les organes
délibérants des filiales soient nécessairement réunis. Cette situation qui
s’est aussi retrouvée dans les autres dispositifs de défaisance, est
anormale au regard du droit des sociétés.
B - Les modes de financement
Les défaisances du Crédit Lyonnais et du Comptoir des
Entrepreneurs ont bénéficié d’un financement sur dotations budgétaires
annuelles de l’Etat à l’EPFR et à l’EPRD, jusqu’au 1
er
janvier 2006 à
partir du compte d’affectation spéciale 902-24, ensuite par le programme
731 du compte d’affectation spéciale « participations financières de
l’Etat ». Il s’y est ajouté pour l’EPFR, lors de la privatisation du Crédit
Lyonnais en 1998, le bénéfice d’un apport de titres pour une valeur de
2,5 Md€ en contrepartie du rachat de la clause de retour à meilleure
fortune pour les exercices 1999 à 2014 qui avait été introduit dans le
protocole du 5 avril 1995.
Pour sa part, la SGGP, héritière du GAN, a conservé le produit
de la privatisation pour financer ses opérations de défaisance. Les trois
montages financiers sont illustrés par les schémas ci-après.
68
COUR DES COMPTES
1 -
La défaisance du Crédit Lyonnais
Le financement de la défaisance du Crédit Lyonnais s’est opéré
via les relations de l’EPFR avec le Crédit Lyonnais d’une part et le CDR
d’autre part.
a)
La relation entre l’EPFR et le Crédit Lyonnais
L’EPFR rembourse progressivement un prêt de 18,8 Md€
consenti à l’origine par le Crédit Lyonnais dont le profil est linéaire avec
des annuités constantes.
Le remboursement s’opère, pour partie, grâce aux bénéfices qui
sont réalisés par le CDR et qui sont remontés à l’EPFR, et pour le solde
grâce à des dotations de l’Etat.
L’EPFR a effectué chaque année les remboursements prévus entre
1999 et 2006 correspondant aux frais de portage. Néanmoins, faute de
versement du compte d’affectation spéciale
32
, les intérêts n’ont pas été
payés à l’échéance jusqu’en 2000 : l’Etat a, de ce fait, dû acquitter
217,3 M€ d’intérêts de retard et 7,5 M€ d’intérêts de retard sur avances
faites par le Crédit Lyonnais.
b)
La relation entre l’EPFR et le CDR
A l’origine, l’EPFR, bénéficiaire du prêt du Crédit Lyonnais, avait
financé, grâce à un prêt participatif de 18,6 Md€ accordé au CDR,
l’acquisition par ce dernier des actifs compromis. Chaque année le CDR
remboursait le produit des cessions diminué des différentes charges
(investissements nouveaux, frais de fonctionnement et frais financiers). A
la clôture de l’exercice, l’EPFR consentait un abandon de créances égal
aux moins-values réalisées lors des ventes d’actifs et aux sommes
déboursées en application de garanties.
32) Jusqu’à l’entrée en vigueur définitive de la loi organique relative aux lois de
finances du 1
er
août 2001, il s’agit du compte 902-24 et depuis 2006 du programme
732.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
69
70
COUR DES COMPTES
L’économie du dispositif a été revue en profondeur aux termes de
l’avenant n°13 au protocole du 5 avril 1995, conclu en novembre 1998,
mais est devenue plus complexe. Au 1
er
janvier 1998, l’EPFR a consenti
un abandon de créances de 9,91 Md€ correspondant au provisionnement
dans les comptes du CDR des pertes latentes sur l’ensemble de ses actifs
et contentieux, à des écarts d’acquisition et à l’apurement de dettes à
l’égard du CDR. Cette nouvelle méthode comptable a permis au CDR
d’éteindre sa dette vis-à-vis de l’EPFR en 1999. Toutefois, le prêt est
crédité chaque année au 31 décembre du montant du résultat prévisionnel
du CDR qui doit remonter à l’EPFR. Le maintien du mécanisme du prêt
EPFR, qui s’explique par une préoccupation d’optimisation fiscale pour
le CDR, est, aujourd’hui, singulièrement artificiel.
Pour financer les frais de réalisation des actifs, le CDR a reçu en
1998 une dotation de 392,56 M€. Depuis 2003 et jusqu’à son épuisement
courant 2006, l’ensemble des frais généraux (frais de réalisation des actifs
et frais de gestion courante) s’impute sur le solde de cette dotation.
En outre, une disposition particulière vise les pertes liées aux
risques dits « non chiffrables ». Ceux-ci sont des risques sur engagements
et litiges qui n’ont pu, en raison de leur caractère présumé non chiffrable
au 31 décembre 1997, donner lieu à l’enregistrement de provisions dans
la comptabilité du CDR. Ils sont directement pris en charge par l’EPFR,
c’est-à-dire en définitive par l’Etat, par tirage complémentaire sur le prêt.
Cette disposition a été une source de débats entre les deux structures,
EPFR et CDR, en raison de l’ambiguïté de la notion de risque non
chiffrable. Le ministre a dû intervenir en 1999 et en 2000 pour arrêter la
liste de ces risques et trancher des différends apparus lors de l’arrêté des
comptes. En outre, ce dispositif est apparu rapidement comme
déresponsabilisant pour le CDR, puisqu’il ne supporte pas les
conséquences de la manière dont il gère une affaire qui, à l’origine, a été
classée parmi les « risques non chiffrables ». L’avenant n°20 a prévu, en
2002, donc tardivement, que le plus grand nombre possible de risques non
chiffrables serait reporté sur le CDR, sans pour autant lever toutes les
incertitudes d’interprétation.
2 -
Les deux défaisances du Comptoir des Entrepreneurs
Les dotations budgétaires accordées à l’EPRD entre 1996 et 1998
pour financer les deux défaisances du Comptoir des Entrepreneurs se sont
élevées à 1,7 Md€. Chaque défaisance a donné lieu à un montage
différent. Pour la première, l’Etat s’était engagé à indemniser le Crédit
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
71
foncier de France et les AGF
33
. La plupart des opérations étaient
terminées en 2000. Pour la période sous revue, le dispositif mis en oeuvre
était celui de prêts de la NSRD, qui étaient consentis aux filiales
détentrices des actifs non liquidés et refinancés par l’EPRD.
La seconde qui était pratiquement éteinte au début de l’année
2000 a été financée par plusieurs prêts
34
. L’EPRD a constaté, en 2000,
que les pertes de la défaisance enregistrées dans la société de défaisance
Sagitrans atteignaient le plafond du prêt subordonné qui a alors été soldé.
Le même mécanisme s’est appliqué au cours de l’exercice 2005 pour
honorer l’engagement de l’Etat de couvrir à concurrence de 117 M€ les
pertes de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui faisait partie
des prêteurs.
3 -
La défaisance du GAN
Le montage financier retenu pour la défaisance du GAN
était
encore différent. Les pouvoirs publics ont décidé, au moment de la
privatisation du GAN à l’été 1998, de laisser à l’ancienne holding
SC.GAN, devenue la SGGP, le montant des recettes de privatisation
nettes d’un certain nombre de charges, soit 3,872 Md€.
La Cour avait relevé, lors d’un précédent contrôle, que ce
montant aurait dû, pour des raisons de transparence des finances
publiques, remonter au budget de l’Etat. La position du ministre de
l’économie, des finances et de l’industrie avait été justifiée, à l’époque,
par le fait que GAN SC avait délivré en son nom propre des garanties aux
acquéreurs de titres et qu’il n’était pas envisageable de transférer ces
garanties à l’Etat sans un accord des cessionnaires obtenu à l’issue d’une
procédure longue et complexe. Le ministre ajoutait qu’aucune structure
de l’administration ne disposait des compétences nécessaires pour gérer
des garanties et les contentieux y afférents. Cette réponse ne dissipe pas
les interrogations apparues alors. On voit mal pourquoi la garantie de
l’Etat aurait eu moins de valeur pour les cessionnaires que celle de la
SGGP, société publique à 100%. En outre, l’Etat aurait pu gérer
directement les contentieux relatifs aux garanties.
33) Un protocole du 30 décembre 1993 prévoyait l’engagement de l’Etat auprès du
Crédit foncier de France aux conditions suivantes : 23 % des pertes en deçà de
609,8 M€ ; 80 % des pertes entre 609,8 et 686 M€ ; 90 % au-delà de 686 M€. En
outre, l’Etat avait conclu un accord avec les Assurances générales de France (AGF).
34) Les prêts destinés à cette seconde défaisance étaient les suivants : prêt subordonné
de l’Etat de 686 M€ ; prêt subordonné des AGF de 61 M€ et de 3,5 M€ de la CDC ;
prêt des AGF et de la CDC de 472 M€ ; crédit revolving de 152 M€ des AGF et de la
CDC à égalité entre les prêts.
72
COUR DES COMPTES
L’intervention de la Cour avait permis de faire remonter au
budget de l’Etat 1,372 Md€ dès 1999. Pour le reste, le montage financier
initial a été maintenu jusqu’à ce jour. La SGGP conserve les recettes de
privatisation nécessaires pour couvrir ses charges qui résultent à la fois
des garanties appelées ou susceptibles de l’être, des risques contentieux et
du remboursement d’un prêt de 1,6 Md€ en capital accordé à BFC en
1997 par les filiales du groupe GAN
35
et remboursé par anticipation en
décembre 2004. Elle fait remonter à l’Etat la différence entre ses charges
et ses produits qui proviennent, pour une part modeste, de la réalisation
de ses actifs et, pour l’essentiel, du placement de sa trésorerie.
Depuis 1999, 2,194 Md€ ont été remontés au budget de l’Etat,
soit 56 % du produit final de la privatisation. La SGGP dispose encore
aujourd’hui d’une trésorerie de 300 M€ qui est placée mais qui ne se
justifie plus à une telle hauteur compte tenu des risques contentieux non
encore éteints.
C - Les modes de gouvernance
La gouvernance des structures de défaisance s’inscrit dans un
contexte où deux structures, l’une responsable du financement et de la
surveillance, l’autre chargée de la gestion de la défaisance, sont
étroitement liées, sous la tutelle du service des participations de la
direction du Trésor transformé en 2004 en Agence des participations de
l’Etat (APE)
36
.
L’EPFR et l’EPRD sont dotés de conseils d’administration à la
composition particulière, puisque deux parlementaires en sont membres, à
côté du président et des deux représentants de l’Etat. S’agissant de
l’EPFR, le fonctionnement du conseil a été conforme à l’esprit de la loi
du 28 novembre 1995 qui prévoyait d’associer la représentation nationale
à la surveillance de la défaisance. A partir de 2002, les parlementaires ont
pris sur certains dossiers sensibles des positions divergentes de celles des
représentants de l’Etat.
Le bilan est moins convaincant lorsqu’on examine les relations
entre l’EPFR et le CDR, d’un côté, l’EPFR et l’APE de l’autre. Le
président de l’EPFR qui siège, à ce titre, au conseil d’administration du
CDR, à la suite du changement de statut de celui-ci en 2001, a éprouvé
des difficultés à assumer son rôle d’actionnaire principal. Il est, en effet,
le seul représentant de l’actionnaire public dans un conseil composé de
35) Ce prêt avait été cédé en 1998 à une banque américaine, puis à une banque
allemande DEPFA Bank Europe PLC.
36) Sur l’APE, voir insertion sur l’Etat actionnaire (page 1 à 36).
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
73
personnalités indépendantes. Le président de l’EPFR entre 2000 et 2002 a
souhaité qu’il soit mis fin à ses fonctions en estimant que les
administrateurs, présentés par le président du CDR, ne manifestaient pas
assez d’indépendance par rapport à ce dernier et que le conseil devait être
recomposé
avec
des
administrateurs
présentés
par
l’Etat.
Cette
proposition n’a pas eu de suite. Le président en fonctions entre mars 2003
et septembre 2007 s’est, quant à lui, interdit de participer aux votes du
CDR dès que celui-ci portait sur une question qui devait être tranchée par
l’EPFR, mais cette position n’était pas elle-même satisfaisante.
La situation de dépendance de l’EPFR vis-à-vis de l’APE est
totale, puisqu’il ne possède aucun moyen d’expertise propre et que l’APE
en assure le secrétariat. Dès lors, on peut se demander si l’autonomie de
l’établissement public voulue par le législateur
est vraiment assurée et
laquelle des deux entités exerce réellement le pouvoir d’actionnaire. En
outre, cette situation implique directement l’APE dans le contrôle et la
gestion du CDR, alors que l’actionnaire est formellement l’EPFR et que
son président est l’ordonnateur des dépenses de l’établissement public.
L’EPFR a éprouvé des difficultés à imposer ses orientations au
CDR, ce qui a conduit un de ses présidents à demander son remplacement
après
avoir
suggéré
en
vain
une
recomposition
du
conseil
d’administration du CDR.
En pratique, le président de l’EPFR a accepté de répondre à
toutes les demandes d’instruction formulées par le CDR dans les dossiers
les plus importants. A cet effet, il réunissait systématiquement le conseil
d’administration, au cours duquel étaient exprimées notamment les
positions des représentants du Parlement d’une part, et de ceux du
ministre sous instructions de ce dernier d’autre part. Le président a
toujours pris position dans le sens des instructions du ministre. Il a justifié
cette attitude en considérant que les risques étaient garantis
in fine
par
l’Etat et qu’il ne pouvait engager les finances de l’EPFR pour des
sommes considérables sans approbation préalable du ministre.
Bien que le dispositif mis en place pour la défaisance du Crédit
Lyonnais ait visé à ne pas impliquer directement l’Etat dans la gestion, les
différents échelons des services du Trésor, du cabinet et du ministre
chargé de l’économie et des finances sont intervenus constamment dans
plusieurs affaires.
A l’inverse, le rôle de surveillance de l’APE a été trop effacé
pour les deux autres défaisances, alors que, pour la SGGP, les enjeux
financiers pour l’Etat restaient élevés en raison de l’importance des
garanties accordées au moment de la privatisation du GAN.
74
COUR DES COMPTES
Une autre particularité de la gouvernance des défaisances tient à
l’existence d’une mission de contrôle
sui generis
, créée par la loi du
28 novembre 1995. Le texte prévoyait que les sociétés de gestion des
cantonnements soient soumises à des contrôles sur pièces et sur place par
des agents habilités à cet effet par le ministre chargé de l’économie. La
mission a aussi été chargée d’apporter aux conseils d’administration de
l’EPFR et de l’EPRD « les informations nécessaires à l’accomplissement
de [leur] mission ». La SGGP a bénéficié du même dispositif. Cette
mission a exercé son rôle de surveillance et d’alerte pour les trois
défaisances examinées avec une vigilance satisfaisante.
D - L’absence d’objectifs bien définis
A la complexité des dispositifs organisationnels et financiers qui
viennent d’être décrits s’ajoute un manque de définition claire des
objectifs assignés au processus de défaisance, sinon d’une absence de
stratégie de la part de l’Etat.
La détermination des objectifs du CDR oscille depuis l’origine
entre deux priorités : la réalisation rapide ou la valorisation du
portefeuille. Le CDR avait reçu pour objectif, dans un premier temps, une
liquidation aussi rapide que possible des actifs qui lui avaient été confiés,
soit une cession de 80 % des actifs en valeur brute en cinq ans. Il en avait
déjà cédé 60 % à la fin de l’année 1997. En décembre 1997, les pouvoirs
publics ont demandé au CDR de veiller à une meilleure valorisation des
actifs. Ces orientations stratégiques ont été mises en oeuvre entre 1998 et
2001, grâce à une conjoncture économique favorable.
La dégradation de la conjoncture à partir de la mi-2001,
s’ajoutant au basculement progressif de l’activité du CDR vers une
gestion de contentieux et de passifs, a rendu inatteignable l’objectif
d’achèvement de la mission du CDR en 2002/2003 évoqué à la fin de
l’année 1999. Pour éviter une prolongation trop importante de la structure
de gestion, les pouvoirs publics (Etat et EPFR) ont alors décidé de fixer
des objectifs très détaillés de réduction d’activité et de moyens, traduits
dans le contrat d’entreprise avec le CDR pour la période 2002-2005
(« Conduire la défaisance à son terme »).
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
75
L’évolution comparée du portefeuille de titres du CDR et du
marché boursier illustre le fait que ces objectifs s’accommodaient mal de
la recherche de la meilleure valorisation possible du patrimoine.
2001
2002
2003
2004
Cessions en M€
(valeur nette comptable)
76
104
147
242
Indice CAC 40
(en janvier)
5 900
4 400
3 100
3 500
Source : Rapports du CDR et Cour des comptes
Entre 2001 et 2003, le CDR a cédé la moitié du portefeuille
encore détenu fin 2000, qui a été ramené en valeur nette comptable de
617 M€ à 290 M€, alors que le marché boursier chutait de plus de moitié
dans cette période (l’indice CAC 40 est passé d’un maximum de 6 900
points au cours de l’année 2000 à un minimum de 2 900 points en 2003).
L’objectif n’a pas été modifié malgré la conjoncture immobilière et
boursière. Le CDR a profité du léger rebond de 2004 pour solder presque
tout le restant de ses titres.
Une démarche comparable se manifeste plus précocement à la
SGGP. Son conseil d’administration se fixait, en mars 2000, sur
instruction de la tutelle, l’objectif d’encaisser avant le 31 décembre 2001,
90 % des sommes brutes restant à récupérer et de traiter 90 % en nombre
des créances restées au bilan. L’essentiel des actifs a été vendu fin 2001
(78 M€ sur un total de 94,6 M€), ce qui n’a pas permis de profiter
pleinement du redressement du marché immobilier qui s’est amorcé à
partir de cette date. La clôture de la défaisance était prévue pour la mi-
2002. La tutelle est d’ailleurs intervenue directement, à la fin 2001, pour
que la SGGP ne soit pas retenue comme organe gestionnaire de la NSRD
alors qu’elle soumissionnait à l’appel d’offres, au motif que la disparition
de la SGGP était imminente.
Cette approche liquidative ne s’est pas appuyée sur une
comparaison des coûts de gestion dans la durée et des recettes
potentielles, le CDR et la SGGP n’ayant pas mis en place les outils
méthodologiques appropriés.
Dans ce contexte, la recherche de l'optimisation fiscale, c'est-à-
dire du niveau minimal d'imposition, a été au coeur des critères de gestion
des dirigeants des structures de défaisance, car elle leur permettait
d'afficher des résultats positifs. Ce choix, certes conforme à l'objet social
76
COUR DES COMPTES
mais dont ont bénéficié aussi des sociétés privées qui avaient consenti des
abandons de prêts aux structures de défaisance, a eu pour conséquence de
ralentir de manière significative la simplification des structures et a donc
accru le coût total des défaisances pour l'Etat.
II
-
Une gestion peu performante
La plus grande part des pertes était acquise au début de la période
sous revue. Pour le CDR 80 % des actifs initiaux avaient déjà été réalisés.
Pour la NSRD il ne restait que deux actifs à réaliser. La gestion sous
revue a eu pour effet de réduire quelque peu l’ampleur des pertes
enregistrées par l’Etat. Elle n’en a pas moins comporté un certain nombre
de faiblesses.
En effet, sur la période les frais généraux ont été mal maîtrisés. Les
résultats ont été inégaux dans le pilotage des contraintes d’une gestion
liquidative. L’examen d’un échantillon représentatif de dossiers du CDR
fait ressortir un défaut de méthode. Le pilotage des affaires Executive
Life et Tapie/Adidas a manqué de cohérence. La gestion des dossiers de
la SGGP a été peu performante. Des problèmes de régularité et de
transparence de l’information financière ont été relevés dans l’examen
des comptes. Enfin, l’adossement à la Caisse des dépôts et consignations
(CDC) n’a été réalisé dans les trois défaisances que très tardivement.
A - Des frais généraux mal maîtrisés
Les frais généraux des structures de défaisance restent un poste
modeste dans le bilan général mais représentent cependant 1,6 Md€ sur
l’ensemble de la période 1994-2006 (2,5 Md€ en valeur actualisée 2007).
Ils sont constitués principalement dans les défaisances par les charges de
personnel et les frais divers d’honoraires. En fin de période, ils ont été
remplacés par les frais d’adossement à la CDC.
Sur la période 2000-2006, ils ont atteint 10,8 M€ pour la SGGP et
792 328 € pour la NSRD qui étaient toutes deux en phase liquidative mais
539 M€ pour le CDR.
Dans le cas du CDR comme dans celui de la SGGP, les frais
généraux ont décru moins vite que le portefeuille résiduel d’actifs. Cette
situation s’explique sans doute en partie par l’importance croissante des
activités de contentieux et de gestion de passif. Il est vrai aussi que le
système mis en place en 1998, qui a permis au CDR d’être intégralement
remboursé de ses frais généraux par l’EPFR, n’incitait pas à une maîtrise
rigoureuse de ces frais.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
77
Les effectifs du CDR comptaient encore près de 350 salariés au
début de l’année 2000 et ceux de la SGGP une quinzaine dans sa filiale
Bâticréances.
Le coût des honoraires représente 322 M€ pour le CDR, soit
60 % du montant des frais généraux entre 2000 et 2006, et pour la SGGP
un peu moins de la moitié.
Le CDR, confronté à des procédures lourdes et complexes a, en
effet, connu une dépendance croissante à l’égard de l’expertise extérieure.
Les honoraires sont ainsi devenus le principal poste de frais généraux en
2002 pour atteindre les trois quarts du total en 2006. Les honoraires
d’avocats représentent la moitié de l’ensemble des honoraires sur la
période 2000 à 2006.
A l’exception du recrutement du cabinet américain White & Case
en 1999 pour suivre l’affaire Executive Life, aucune prestation d’avocats
pour le compte du CDR n’a fait l’objet d’un appel d’offres, contrairement
aux recommandations des procédures internes. Par ailleurs, il n’a jamais
été recouru à des clauses d’intéressement aux résultats, comme cela est
souvent le cas pour les avocats ou les banques d’affaires, à la même
exception du contrat avec le cabinet White & Case
37
. Sur ces pratiques, le
CDR n’a jamais donné suite aux
injonctions régulièrement formulées par
l’EPFR ou par les ministres.
Le CDR a souvent fait travailler plusieurs avocats sur les mêmes
dossiers (trois cabinets simultanément par exemple sur Tapie/Adidas) et a
manqué de vigilance sur les conflits d’intérêt. Ainsi il a recruté, fin 2001,
pour une mission permanente d’assistance juridique un avocat qui a été
contraint de se déporter de l’affaire Executive Life en raison d’un conflit
d’intérêt. Le ministère chargé des finances s’était montré encore moins
vigilant en recrutant un avocat conseil appartenant au même cabinet pour
suivre l’affaire Executive Life. Il ne pourra plus s’en séparer par la suite
compte tenu des développements judiciaires aux Etats-Unis.
Pour être inférieurs à ceux du CDR, certains frais d’honoraires
consentis par la SGGP n’en sont pas moins difficiles à justifier. Ainsi la
société a accepté de payer, en 2001, 1,38 M€, pour des frais liés aux
négociations intervenues lors de la privatisation du GAN (dits « frais de
data room ») sans véritable justification sur les prestations ainsi
rémunérées. Un autre contentieux, opposant la SGGP à un ressortissant
américain, s’est soldé par une transaction d’un montant de 175 000 $ pour
laquelle les frais d’honoraires se sont élevés à 2,3 M$ dont 1 million pour
les avocats français et 1,3 million pour leurs confrères américains.
37) La clause d’intéressement était fixée à 5 % des honoraires mais s’assimilait à la
négociation d’une ristourne sur les tarifs.
78
COUR DES COMPTES
A la SGGP, l’approche liquidative n’a pas permis de faire les
économies de frais généraux qu’on était en droit d’en attendre, les
structures de gestion administrative et leurs personnels ayant été maintenus
bien après leur disparition programmée.
Les charges de personnel du CDR (141 M€ sur la période 2000-
2006) tiennent d’abord aux effectifs encore présents, mais aussi au niveau
élevé des rémunérations et aux conditions très généreuses du plan social
qui a eu pour effet de multiplier par deux ou par trois les indemnités
conventionnelles. Les départs sont intervenus dans le cadre du « plan de
sauvegarde de l’emploi » mis en place dès 1998, sur la base du volontariat
en fonction des annonces de suppressions de postes et dans des conditions
très avantageuses. Les indemnités de départ ont été versées, soit sur la base
du plan social, soit sur le fondement d’accords transactionnels coûteux et
parfois contestables. Ainsi la transaction pour le départ d’un mandataire
social, réembauché juste après pendant huit mois comme salarié, aura
coûté au CDR 453 000 € hors rémunération de son successeur pendant la
période de six mois de préavis.
Les possibilités de promotion interne conjuguées à des avantages
de départ qui croissaient en fonction de la durée
38
ont eu pour effet
paradoxal d’inciter plutôt les agents à rester qu’à partir. Des difficultés
particulières ont été rencontrées avec les salariés encore en poste au dernier
semestre 2006, auxquels a été appliqué un licenciement collectif contesté
par le comité d’entreprise, puis par les intéressés eux-mêmes dans le cadre
de recours individuels devant les conseils de prud’hommes.
La SGGP, pour sa part, a connu deux plans de licenciements, le
premier en 2000 et 2001, le second entre 2000 et 2006 qui ont tous deux
été assortis de conditions avantageuses pour les personnels concernés.
B - Des résultats inégaux dans le pilotage des contraintes
d’une gestion extinctive
Les structures de défaisance ont été placées dans la situation,
inhérente à leur objet, de devoir organiser leur propre disparition.
La SGGP a géré cette difficulté avec un succès inégal, en raison des
hésitations des pouvoirs publics sur sa survie. Promise en 2000 à une
liquidation rapide, la société a mis en place un intéressement du personnel
à la vente des actifs et un plan de licenciement généreux. Or, la nécessité
de continuer à gérer des contentieux complexes, en raison notamment de
38) La suppression de leur plafonnement au bout de dix ans a été décidée de manière
incohérente en 2005.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
79
l’octroi de nombreuses garanties accordées aux acquéreurs du GAN lors de
sa privatisation, a conduit à prolonger l’existence de la société. Ces
incertitudes ont été peu propices à une gestion interne dynamique.
Le CDR a été en restructuration permanente à compter de 1998
afin d’ajuster son format à la réduction du volume d’activité, avec les
contraintes y afférentes. Il louait ainsi trois immeubles dans le centre de
Paris en 1998 et n’occupait plus en 2006 qu’une partie des bureaux dans
l’un de ces immeubles, surface qui a été libérée en fin d’année lors du
transfert des dossiers à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Dans son organisation interne, le CDR est passé d’un modèle par
métiers, avec cinq pôles correspondant aux filiales de premier rang
(créances,
immobilier,
finances,
entreprises,
participations),
à
une
répartition par directions à partir de 2002, leur nombre étant ramené
progressivement à deux en 2006, respectivement chargées des fonctions
support et des opérations. Le particularisme qui caractérisait chacun des
pôles, eux-mêmes héritiers des filiales du Crédit Lyonnais, a persisté
jusqu’en 2006 et a rendu difficile l’émergence d’une gestion commune des
dossiers et de fonctions supports efficaces.
C’est le cas en particulier de la fonction juridique, qui n’a jamais
réussi à s’imposer, alors que la nature des problèmes que le CDR avait à
traiter la rendait fondamentale. Le poste de directeur juridique a été
supprimé dès le début de l’année 2004, après plusieurs changements de
titulaire. Le CDR accentuait ainsi sa dépendance à l’égard des conseils
externes dans la conduite des affaires et le contrôle des coûts.
Les systèmes d’information du CDR ont été prolongés plus
longtemps que prévu et sont demeurés déficients tout au long de la période
sous revue, ce que la Cour avait déjà relevé dans le rapport public
particulier de novembre 2000. Les remises à niveau ou les investissements
importants à engager ont été repoussés au motif d’une disparition
prochaine de la structure. Le système comptable à bout de souffle a
finalement été remplacé en 2003 à l’occasion de l’externalisation de la
direction financière, mais un système parallèle a été maintenu pour la
gestion des créances et remplacé en 2005.
Les bases de données ont manqué de fiabilité sur toute la période.
Ainsi la base constituée en 2002/2003 à partir des déclarations des
gestionnaires a dû être révisée au début de 2006 avec l’adjonction de
29 sociétés. Celle qui gérait les contentieux juridiques était bien conçue
mais n’était pas mise à jour de manière régulière, ce qui en réduisait
l’intérêt. Le suivi des questions fiscales a dû être repris en main au moment
de son externalisation en 2004, à la suite de contrôles fiscaux. Le manque
de fiabilité du catalogue des actifs, déjà souligné par la Cour en 2000, a
persisté tout au long de la période, en raison d’agrégations de lignes
80
COUR DES COMPTES
d’actifs, d’absence d’identifiant unique des actifs ou de méconnaissance
des liens existant entre eux. La mission de contrôle a d’ailleurs souvent
relevé des inexactitudes dans les fiches établies au moment des prises de
décision sur les actifs. Une des premières décisions du nouveau président
du CDR, après l’adossement à la CDC, a été de demander en début
d’année 2007 un audit des actifs sous-jacents aux engagements du CDR,
après avoir découvert des actifs non recensés.
C - Un défaut de méthode dans la gestion des dossiers du
CDR
La tâche était à l’évidence difficile. L’examen de la Cour a porté
plus particulièrement sur 17 dossiers (sans compter Executive Life), dont
la valeur d’entrée dans les comptes du CDR était de 1,9 Md€, soit 45 % de
la valeur d’entrée des actifs encore détenus par le CDR à la fin de l’année
2000
39
.
La mauvaise qualité de la majorité des actifs transférés et les
nombreux contentieux engagés par les débiteurs pour se soustraire à leurs
obligations n’ont pas facilité la qualité de la gestion. L’existence même des
structures de défaisance ainsi que les annonces d’un achèvement rapide de
leur mission ont sans doute eu un effet d’appel sur les réclamations et les
nouveaux contentieux. Le nombre de nouveaux contentieux est resté élevé
(94 contentieux pour le CDR entre 2004 et 2006), dont certains
particulièrement coûteux en procédures (le dossier AIG).
Il ressort de l’examen des dossiers un défaut général de méthode
pour éclairer les décisions. Ainsi la comparaison chiffrée des différentes
options avant toute prise de décision, en tenant compte de paramètres tels
que les frais généraux (frais de gestion et de réalisation) ou le coût de
portage financier, n’a pas été retrouvée dans les dossiers. A l’exception du
dossier « Passage du Havre », aucune des affaires étudiées n’a donné lieu à
un bilan économique comprenant le coût pour l’Etat de conserver un actif
avec les frais de gestion correspondants et le produit de la cession de cet
actif, information qui aurait été utile au conseil d’administration pour
prendre ses décisions.
Tous les dossiers examinés se traduisent par des pertes plus ou
moins lourdes, alors que des actifs compromis recèlent parfois des
capacités de redressement spectaculaires. En tenant compte des frais de
réalisation, mais sans les frais de structure et sans actualisation, la perte
globale sur l’échantillon étudié atteint près de 40 % de la valeur d’entrée
des actifs concernés.
39) Les contentieux en cours ne peuvent être évoqués dans cette insertion.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
81
La
Cour
a
relevé
notamment
qu’une
mauvaise
gestion
administrative et comptable d’un dossier avait conduit à créer de
nouveaux litiges (dossier Stardust/Asteria VI), que des pertes de garanties
étaient imputables à l’insuffisante étude des affaires (dossier Vendôme
Rome), que la non prise en compte de la TVA avait conduit à retenir un
montant de loyer de référence défavorable pour le CDR (dossier Cannes
Roubine).
Elle a constaté par ailleurs qu’aucune étude n’avait été réalisée
sur la valeur des immeubles constituant une société foncière avant les
opérations de cession (Foncière Saint Georges) et qu’une cession en bloc
avait été retenue sans étude préalable du coût d’une externalisation de la
gestion, comme le souhaitait le comité des cessions et des investissements
(dossier Viager Investissement).
Sans méconnaître la difficulté intrinsèque à la tâche que devait
accomplir le CDR, la Cour a relevé des décisions de gestion contestables.
Ainsi le choix de gérer en direct une filiale pour tenter de la redresser
s’est avéré peu concluant (dossier Stockalliance), puisque la cession de
ces actifs a été effectuée pour un montant de 9,6 M€ alors que leur valeur
d’entrée s’élevait à 73,5 M€. De même la stratégie de valorisation d’une
participation minoritaire en en prenant le contrôle majoritaire s’est avérée
malencontreuse (dossier Finacor/Viel et Cie Finance). Enfin, la stratégie
d’étalement des cessions des titres Usinor sur plusieurs années est
contestable d’un point de vue patrimonial, alors même que le cours de
bourse était orienté à la baisse.
D - Un manque de cohérence dans le pilotage de
l’affaire Executive Life
Dans l’affaire Executive Life les pouvoirs publics français ont été
enclins tantôt à prendre le contrôle des opérations, tantôt à laisser le CDR
coordonner à son niveau la défense des parties françaises qui étaient
confrontées à un système et à une culture juridique très éloignés de leurs
références. Un grand nombre d’avocats a été mobilisé par le CDR, mais
aussi par le ministère des affaires étrangères, par le ministère chargé de
l’économie et des finances, par le Crédit Lyonnais, sans oublier Artémis
et les autres parties françaises. Le ministre chargé des finances a déploré
cette dispersion de moyens en 2003.
La stratégie retenue en accord avec les autorités de tutelle au
printemps 2000 a été de rejeter toute responsabilité pénale du Crédit
Lyonnais ou du CDR (au titre d'Altus) et de privilégier la voie
diplomatique pour obtenir un accord transactionnel purement civil en
invoquant l’égalité de traitement avec les banques américaines ayant fait
82
COUR DES COMPTES
l'objet d'un sauvetage par les pouvoirs publics (« clause du traitement
national »). Il a été demandé en outre que le dossier soit transféré du
parquet fédéral de Los Angeles au Département de la Justice à
Washington, ce qui a été accepté temporairement.
Dans le courant de l'année 2002, les parties françaises ont tenté en
vain d'obtenir une transaction sur la base d'une reconnaissance de
culpabilité limitée. Les négociations sur des reconnaissances de
culpabilité plus substantielles n’ont commencé qu'au premier trimestre
2003. Au cours de ces négociations de transaction pénale le CDR a
accepté de majorer les contributions financières exigées, en contrepartie
d'une limitation des reconnaissances de culpabilité, en considérant que les
risques financiers dans les procédures civiles à venir devaient se trouver
limités par voie de conséquence.
Des interrogations portent sur la lenteur de mobilisation des
initiatives diplomatiques en 2000 et 2001 dès lors qu’il avait été décidé de
privilégier cette voie, et la persistance à en attendre des résultats malgré
tous les signaux défavorables en 2001 et 2002. Il apparaît que la position
des parties américaines n’a fait que se renforcer durant cette période de
trois ans (2000, 2001, 2002), avec l’accumulation de témoignages et de
pièces à charge, dans un contexte très anti-français il est vrai, aux Etats-
Unis.
Un autre épisode mérite une attention particulière, celui du
dernier trimestre 2003 au cours duquel le ministre a donné des
instructions pour différer la signature d’une transaction globale incluant
notamment le CDR, le Crédit Lyonnais et la MAAF, tant qu’Artémis
n’aurait pas conclu parallèlement une transaction. Ces instructions ont été
critiquées vigoureusement par le CDR, le Crédit Lyonnais et la moitié du
conseil d’administration de l’EPFR qui ont été jusqu’à invoquer le
caractère démesuré des risques encourus par rapport à l’enjeu d’un accord
parallèle entre le parquet californien et Artémis, risques qui étaient à
l’évidence importants au plan financier pour l’Etat comme pour la licence
bancaire du Crédit Lyonnais aux Etats-Unis. Tout en reconnaissant que la
fermeté des autorités françaises n’a pas conduit à la rupture des
négociations, la Cour relève que l’Etat n’a pas exigé d’Artémis, en
échange du soutien qu’il lui apportait, de renoncer à la possibilité que la
société s’était réservée dès le printemps 2003 de se retourner contre l’Etat
à l’issue de la procédure civile.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
83
E - Une gestion peu performante des dossiers de la
SGGP
Les opérations de défaisance ont porté, pour l’essentiel, sur la
gestion des garanties offertes aux sociétés acheteuses au moment de la
privatisation du GAN et sur la récupération et la vente d’actifs.
Les garanties concédées avaient été particulièrement élevées, leur
montant total atteignant 714,52 M€ en valeur 1998. Elles avaient été
accordées, dans beaucoup de cas, en méconnaissance des risques réels.
Les clauses étaient souvent erratiques, certaines franchises pouvant, par
exemple, varier du simple au double. L’un des acquéreurs avait même
obtenu une garantie déplafonnée pour couvrir des engagements non
révélés.
Confrontée à cette situation, la SGGP a engagé des procédures
longues et coûteuses. Elle avait versé, au 31 décembre 2006, 49 % de la
valeur des garanties susceptibles d’être appelées, soit 350 M€ en euros
courants (441 M€ en valeur 2007).
A l’opposé, la société n’a récupéré que moins d’un quart de la
valeur brute des actifs enregistrés dans les comptes de la structure de
défaisance en 1998, soit 94 M€ en euros courants (126 M€ en valeur
2007).
F - Des problèmes de régularité et de transparence des
comptes
Sur le plan de la régularité, le protocole du 5 avril 1995 qui
définissait le cadre d’intervention de l’Etat dans la gestion des actifs
compromis du Crédit Lyonnais et ses avenants successifs n’ont pas été
scrupuleusement respectés par le CDR ou auraient dû être amendés pour
traduire la réalité des relations entre le CDR et l’EPFR.
C’est le cas de l’avenant n°20 du 20 avril 2002 qui prévoyait que le
CDR reprendrait à sa charge « le plus grand nombre possible de risques
non chiffrables » et fixait une enveloppe pour le financement des frais
généraux.
En effet, le montant total des provisions pour risques non
chiffrables repris en trois étapes par le CDR (87 risques) s’est élevé à
59,7 M€, mais seulement 13,74 M€ sur 41 M€ initialement prévus ont été
financés sur la dotation forfaitaire réservée à cet usage. Le solde (près de
46 M€) a été imputé sur les comptes du CDR, à concurrence de 38 M€ en
2002 puis de 8 M€ en 2003. De même, la part de la dotation forfaitaire
84
COUR DES COMPTES
affectée à la couverture des frais généraux s’est avérée insuffisante pour
couvrir les frais généraux jusqu’à la fin de la défaisance. Il a donc été
nécessaire, conformément aux principes comptables applicables pour une
structure à vocation provisoire, de constituer dans les comptes 2004 du
CDR une provision de 48 M€ qui a été portée à 98 M€ dès l’année
suivante.
Bien qu’envisagée tant par l’EPFR que par l’APE depuis 2004, à
la fois nécessaire pour régulariser le passé et souhaitable pour donner une
assise juridique à la nouvelle situation, l’actualisation de l’avenant n°20
n’est jamais intervenue.
Le support juridique de la garantie accordée par le CDR au
Crédit Lyonnais dans l’affaire Executive Life, à l’exception de l’amende
pénale (100 M€) qui était exclue du champ des garanties, pose également
problème. Le président de l’EPFR avait d’ailleurs saisi, en juin 2002, le
directeur
du
Trésor.
L’incertitude
juridique
résultait
de
deux
considérants : d’une part, aucune procédure n’était engagée en première
instance en 1995, d’autre part, il pouvait pour le moins y avoir doute sur
le fait que le Crédit Lyonnais pouvait ignorer de bonne foi le risque d’un
litige même s’il ne pouvait pas le chiffrer.
Si des arguments d’opportunité plaidaient clairement en faveur
de l’extension de la garantie compte tenu des annonces faites avant la
privatisation sur la couverture des risques par le CDR, la lettre du
ministre chargé des finances du 17 mars 1999 ne pouvait constituer un
fondement juridique suffisant pour le CDR. Seul un avenant au protocole
de 1995 aurait permis de lever l’incertitude.
La lisibilité des comptes est également insuffisante, tant pour le
CDR et l’EPFR que pour la SGGP, comme la Cour l’avait déjà noté dans
ses précédents rapports publics.
- En l’absence d’actualisation de l’avenant n°20, les comptes du
CDR ne sont pas homogènes dans le temps. Par rapport à la période
précédente (1998-2001), ils ont été affectés quatre années de suite, de
2002 à 2005, par des provisions qui devaient initialement être supportées
par l’EPFR.
- Les comptes consolidés du CDR et de l’EPFR, recommandés
par la Cour dès 2000, n’ont été établis que pour l’année 2006, moment à
partir duquel la réglementation comptable applicable aux établissements
de crédit l’imposait. Or, l’intérêt des comptes consolidés est justement de
réduire la portée des débats sur la répartition des charges et des provisions
entre les deux structures et de faire apparaître le coût complet de la
défaisance.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
85
- Le groupe SGGP n’a pas non plus présenté de comptes
consolidés entre 2001 et 2004, alors qu’aucun compte ne pouvait se lire
dans cette période sans référence à une filiale ou à une sous-filiale.
- La politique de provisions du CDR a été caractérisée par des
révisions insuffisantes lors des travaux d’actualisation annuels, suite à
l’inventaire complet des actifs réalisé en 1998, comme l’ont montré les
vérifications faites par la Cour lors du précédent contrôle et l’examen des
dossiers sous revue en 2007 (Compagnie des Glénans, EALC, Total,
Saged, Bernard Tapie).
G - Un retard général dans la réalisation de
l’adossement à la CDC
Le besoin d’adosser la gestion des défaisances à une structure
pérenne détenant les compétences nécessaires telle que la Caisse des
dépôts et Consignations (CDC) a été reconnu très tôt, mais la décision et
la mise en oeuvre ont été tardives.
La gestion de la NSRD a fait l’objet de trois adossements
successifs. Elle a été confiée de 1999 à 2002 au CDR. Le mandat de
gestion n’a pas été renouvelé, les conseils d’administration de l’EPRD et
de la NSRD estimant que les contentieux n’avaient pas été traités avec
l’efficacité nécessaire. Entre mars 2002 et la mi-2005, la NSRD a été
gérée par une filiale du Crédit Foncier de France, à l’issue d’une
procédure de consultation, pour un coût supérieur de 50 % à la facturation
du CDR, alors que l’activité de gestion était très réduite. L’adossement à
la CDC n’est intervenu qu’en 2005, à la demande expresse du ministre
chargé de l’économie et des finances
C’est également à la suite d’une intervention du ministre que la
gestion de la SGGP a été confiée à la CDC aux termes de la convention
du 31 mai 2005 qui a pris effet à sa date de signature.
La nécessité de l’adossement du CDR à la CDC est, quant à elle,
apparue très tôt, dès 1998/1999. Le président du CDR de l’époque
pensant que la réduction du format du CDR mettait en jeu son efficacité
même a pris de premiers contacts avec la CDC, puis a fait part de cette
recommandation aux autorités de tutelle. Mais le processus conduisant à
cet adossement a été long et laborieux. Une étape décisive n’a été
franchie que le 8 novembre 2004, avec l’envoi d’une lettre du ministre
chargé de l’économie et des finances aux responsables des structures de
gestion des défaisances pour leur enjoindre de rechercher un adossement
à la CDC. Un contrat d’assistance de portée relativement modeste a été
passé le 8 avril 1995 pour une période de deux ans, mais il a fallu attendre
86
COUR DES COMPTES
le 18 décembre 2006 pour qu’un avenant à ce contrat prévoie d’étendre la
coopération à la gestion opérationnelle du CDR. En définitive,
l’adossement de la gestion du CDR à la CDC n’a été réalisé que le
1
er
janvier 2007, soit huit ans après les premières démarches du président
du CDR de l’époque.
Les freins à ce rapprochement ont été multiples.
Tout d’abord, le ministère chargé de l’économie et des finances
avait des réticences à perdre le contrôle qu’il détenait en pratique sur des
affaires sensibles, comme en témoigne la réponse du directeur du Trésor
au président du CDR en juin 2003, qui subordonnait son accord de
principe à la résolution de certains dossiers complexes. Ces réticences
s’exprimaient encore en 2005. Le CDR et ses agents n’ont manifesté
aucun empressement pour accélérer l’adossement, perspective peu
favorable pour les équipes en place. Un délai supplémentaire a été
demandé, en vain, en mai 2006. Enfin la CDC elle-même a été très
exigeante sur les garanties de cantonnement des responsabilités et
vigilante sur les modalités de la mission qui lui était confiée, puis a
imposé au premier semestre 2006 de ne reprendre aucun personnel.
Un adossement plus précoce à la CDC aurait sans doute permis
des économies de frais généraux. Depuis le 1
er
janvier 2007 le CDR gère
avec quelques agents un portefeuille qui occupait encore plus d’une
vingtaine de salariés quelques mois auparavant. Le coût total de
fonctionnement du CDR s’établirait à 28,5 M€ en 2007, en diminution de
moitié par rapport à 2006 (48,9 M€).
Les conditions du transfert de la gestion n’ont pas été
satisfaisantes, comme en témoignent les tensions qui se sont fait jour
entre les personnels du CDR encore en place et la CDC en raison du
manque de rigueur dans la transmission des dossiers. Dans les derniers
jours de l’année 2006, l’équipe sortante du CDR a pris des initiatives de
dernière minute en profitant du changement de président. Ainsi dans le
dossier EALC, l’accord passé
in extremis
avec un repreneur en fin
d’année 2006 a été dénoncé peu de temps après par ce dernier qui avait eu
connaissance des procédures de liquidation d’EALC engagées par le
CDR, et un accord avec un autre repreneur est intervenu en milieu
d’année 2007 pour un montant inférieur de 16 % à la transaction
antérieure.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
87
III
-
Un bilan financier des défaisances très lourd
pour les finances publiques
A - Les problèmes méthodologiques
Le bilan financier des défaisances ne peut être établi à ce jour de
manière définitive, mais la part d’incertitude devient résiduelle par
rapport aux ordres de grandeur en jeu depuis l’origine. Elle tient aux
conditions de réalisation des derniers actifs, à l’aboutissement de
contentieux en cours ou à d’éventuelles mises en jeu de garanties.
En ce qui concerne la défaisance du Crédit Lyonnais, les chiffres
issus du CDR, les seuls diffusés au cours des dernières années, ne
représentent qu’une partie du coût global.
- Le CDR a mis au point sous sa responsabilité une estimation des
pertes cumulées sur les actifs transférés au CDR jusqu’au terme du
cantonnement,
désignée
sous
le
terme
de
« charge
globale
du
cantonnement » et présentée chaque année dans les rapports d’activité.
Cependant ce chiffrage n’est qu’une approche partielle du coût de la
défaisance du Crédit Lyonnais, car il ne tient compte ni des risques non
chiffrables pris en charge par l’EPFR ni des frais financiers de portage.
- Une méthode plus globale, mise au point par l’APE, consiste à se
placer au niveau de l’EPFR, en déduisant de la situation nette les apports
directs (dotations en capital) ou indirects (apports de titres du Crédit
Lyonnais) de l’Etat.
Cette méthode est plus pertinente que la première, notamment par
la prise en compte des intérêts versés au Crédit Lyonnais.
Il paraît cependant préférable de se placer au niveau de l’Etat, et de
faire un bilan actualisé des flux financiers. En effet, tous les flux liés au
Crédit Lyonnais n’ont pas transité par l’EPFR.
- La méthode proposée par la Cour est l’actualisation des flux de
trésorerie (entrées et sorties) au niveau de l’Etat, pour l’ensemble Crédit
Lyonnais, CDR et EPFR. Il s’agit d’établir le coût, pour les finances
publiques, de la décision prise par l’Etat en 1993-1994 de soutenir
financièrement le Crédit Lyonnais plutôt que de le laisser déposer son
bilan.
Il n’est fait aucune hypothèse de valorisation des actions détenues
par l’Etat dans le Crédit Lyonnais, juste avant la mise en place de la
première défaisance (SPBI) dans laquelle l’Etat a investi 3,5 MdF
88
COUR DES COMPTES
(534 M€), car l’alternative qui se posait aux pouvoirs publics était soit de
souscrire à une augmentation de capital, soit d’accepter la faillite de la
banque publique avec ses graves conséquences financières.
Il est fait par ailleurs l’hypothèse pour les besoins du calcul que le
montage serait débouclé en 2007, l’Etat souscrivant alors à une dotation
en capital au 1
er
janvier 2007 qui annulerait la situation nette de l’EPFR
au 31 décembre 2006, soit – 3,705 Md€.
Le taux d’actualisation retenu est celui du coût global apparent de
la dette de l’Etat. Ce taux qui était de 7,82 % en 1994 a atteint son plus
bas niveau de la période en 2006, à 4,49 %.
Les flux en entrée sont les dividendes du Crédit Lyonnais vers
l’Etat après rachat de la clause de retour à meilleure fortune en 1999, et
les produits de cession de titres du Crédit Lyonnais détenus encore par
l’Etat (2 207,2 M€ en 2002).
Les flux en sortie pour l’Etat sont les dotations en capital à la SPBI
(534 M€ en 1994) devenue EPFR, les dotations à l’EPFR de 1997 à 2006,
les achats de titres du Crédit Lyonnais détenus par Thomson SA et
Thomson CSF (430,7 M€ en 1997 et remboursement de 22,8 M€ en
1998).
S’agissant de la défaisance du Comptoir des Entrepreneurs, le
calcul opéré consiste à défalquer du montant des dotations budgétaires
accordées à l’EPRD les montants remontés à l’Etat qui recouvrent des
récupérations d’actifs sur la période. Le chiffre représente une valeur
actualisée 2007.
Enfin, la méthode retenue pour chiffrer le coût, pour l’Etat, de la
défaisance du GAN à partir de la privatisation de celui-ci, a consisté pour
la Cour à calculer la différence entre le montant de la privatisation laissé
dans la comptabilité de la SGGP et la remontée progressive des fonds à
l’Etat. L’écart enregistré recouvre le paiement de garanties, les moins-
values réalisées sur actifs cédés et les frais généraux de la société pendant
la période considérée. Ce calcul est effectué sur la base d’une valeur
actualisée 2007.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
89
B - Un coût global pour l’Etat qui reste très élevé
1 -
La défaisance du Crédit Lyonnais
Le coût financier global pour l’Etat de la défaisance du Crédit
Lyonnais en valeur 2007, selon la méthode proposée par la Cour à la fin
de la défaisance, s’établit à 14,7 Md€, en tenant compte de la dotation en
capital de 1994 à la SPBI. Par rapport à l’estimation réalisée en 2000
40
, le
montant des plus values latentes du portefeuille s’est avéré plus important
que prévu (1,8 Md€ au lieu de 0,25 Md€). En revanche, les frais de
fonctionnement ultérieurs ont été plus élevés (650 M€ au lieu de 300 M€)
et le coût des risques non chiffrables s’est établi à 600 M€. Actualisé par
cohérence en valeur 1999, l’impact par rapport aux hypothèses faites en
2000 serait une minoration de plus d’un milliard d’euros.
Ce coût global se décompose en deux parties :
- La charge du cantonnement au niveau du CDR s’établit à
10,23 Md€ fin 2006. Elle a été significativement réduite par rapport aux
estimations réalisées par le CDR fin 1996 (14,7 Md€), notamment grâce
aux bons résultats des cessions et des recouvrements réalisés en 1998,
1999 et 2000 dans un contexte boursier et une conjoncture économique
favorables.
En milliards d’euros
Fin 1996
Fin 1997
Fin 2000
Fin 2002
Fin 2006
Charge
14,7
14,13
11,1
10,83
10,23
Source : Rapports du CDR
- La charge de la défaisance au niveau de l’EPFR établi par les
services de l’APE est estimée à fin 2006 à 17,74 Md€ avec les intérêts
versés au Crédit Lyonnais. Ce chiffre comptable correspond à la somme
de la situation nette de l’EPFR au 31 décembre 2006 (3,71 Md€), du
montant des dotations en capital (8,94 Md€) et du produit net des
privatisations du Crédit Lyonnais pour l’EPFR (5,09 Md€) compte tenu
du rachat de la clause de retour à meilleure fortune.
2 -
La défaisance du Comptoir des Entrepreneurs
Le coût actualisé des deux défaisances s’établit à 2,82 Md€. Il
représente la différence entre les dotations de l’Etat destinées à financer
les pertes entre 1996 et 1998, et les remontées de fonds au budget de
l’Etat depuis 2000.
40) Cette méthode n’est pas identique au calcul en partie patrimonial et en partie
comptable proposé par la Cour et accepté par l’Etat en 2000.
90
COUR DES COMPTES
Dotations de l’Etat
2974 M€
Remontées de fonds à l’Etat
-154 M€
TOTAL
2820 M€
3 -
La défaisance du GAN
Le coût pour l’Etat de la défaisance du GAN correspond au
montant des recettes de privatisation qui ne pourront être remontées à
l’Etat. Il est le suivant, en valeur actualisée 2007 :
Recettes de privatisation versées à la SGGP :
6,1 Md€
Remontée des fonds à l’Etat
-3,1 Md€
Trésorerie de la SGGP
-
300 M€
TOTAL
2,7 Md€
Les fonds remontés à l’Etat (3,1 Md€) ou susceptibles de l’être
(300 M€ en trésorerie) incluent une récupération d’actifs de 126 M€ sur
la période 2000 à 2006.
Au total, le coût financier total des défaisances s’établirait
provisoirement à environ 20,2 Md€ en valeur 2007,
soit un niveau de
pertes un peu moins élevé que les données prévisionnelles de 1999 (au
moins un milliard d’euros). Cette amélioration s’explique en grande
partie par la nature du portefeuille d’actifs des sociétés de défaisance, qui
était constitué majoritairement de biens immobiliers, et qui a permis, dans
un contexte de hausse du marché de 68 % entre 2001 et 2005, la
réalisation de plus-values de cession. La baisse des taux a eu aussi pour
effet d’alléger les coûts de portage.
Le coût des défaisances pour l’Etat n’en est pas moins
considérable, puisqu’il représente par exemple
l’équivalent de 40 % des
prévisions de recettes d’impôt sur les sociétés nettes des restitutions pour
l’année 2007
.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
A l’heure où le bilan organisationnel et financier des défaisances
est peu susceptible d’être modifié de manière significative, des
enseignements peuvent être tirés de ces opérations afin que l’Etat soit
mieux en mesure d’affronter des situations financières comparables dans
le futur. La quasi-disparition du secteur financier public exclut le
renouvellement d’une crise de même nature, mais n’écarte pas le risque
de crises financières de type systémique dans lesquelles les pouvoirs
publics pourraient être conduits à intervenir.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
91
Il apparaît que le choix de cantonner des actifs compromis dans
une structure spécifique s’est révélé peu judicieux. L’amélioration très
relative du résultat des défaisances par rapport aux prévisions n’infirme
pas ce diagnostic, car il doit être mis en rapport avec un coût financier
global qui reste très lourd et avec un environnement de marché très
favorable. L’Etat a assumé la quasi-totalité des pertes, l’existence de
structures de cantonnement ayant permis aux sociétés bénéficiaires des
privatisations de se débarrasser des actifs compromis. C’est bien, en
définitive, le budget de l’Etat qui a assuré le financement des défaisances,
soit à travers des dotations budgétaires soit en percevant des recettes de
privatisation amputées des coûts des défaisances.
En outre, les opérations nécessaires n’ont pu être conduites avec
le maximum d’efficacité pour diverses raisons, liées à la fois à la nature
intrinsèque des sociétés de défaisance et à leur actionnariat public. Il est
plus difficile d’assurer une gestion dynamique dans des sociétés vouées à
la disparition. La récupération d’actifs compromis, notamment dans
l’immobilier, et la conduite de contentieux complexes sont des opérations
plus difficiles à mener dans un environnement public moins préparé à la
négociation et à la transaction.
Au demeurant, de tels dispositifs seraient aujourd’hui impossibles
à mettre en oeuvre, les règles internationales excluant désormais les
mécanismes de déconsolidation des comptes.
En conséquence, la Cour recommande :
- d’exclure la mise en oeuvre de dispositifs comparables à l’avenir. Les
mécanismes de gestion de crise doivent viser à responsabiliser les
sociétés concernées, en les mettant dans la situation de gérer directement
leurs actifs compromis et les contentieux y afférents, quitte à faciliter des
opérations de fusion-acquisition. L’intervention de l’Etat, si elle
apparaissait nécessaire, devrait se limiter à encourager, en y prenant
éventuellement sa part, la mobilisation financière de l’ensemble des
partenaires concernés ;
- d’envisager, à court terme, les modalités d’une extinction rapide des
structures de défaisance
actuelles ;
- et pour ce qui concerne la SGGP, de faire remonter au budget général la
trésorerie disponible.
92
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE L’EMPLOI
L’insertion au rapport public annuel de la Cour des Comptes relative
au bilan de la gestion des défaisances du secteur financier public appelle de
la part du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi (MINEFE)
les observations suivantes.
1. Organisation et fonctionnement des dispositifs mis en place pour gérer les
actifs compromis du Crédit Lyonnais, du Comptoir des Entrepreneurs et du
GAN
.
Sans contester la nécessité d’une intervention de l’Etat, au moins dans
le cas du Crédit Lyonnais et du GAN, compte tenu des risques lourds
encourus en cas de faillite des institutions financières concernées, la Cour
estime que les dispositifs mis en place dans le courant des années 1990 pour
gérer les actifs compromis et les contentieux associés se sont caractérisés
par une complexité excessive, et par un caractère déresponsabilisant, ce qui
en aurait accru le coût total pour l’Etat. Elle formule par ailleurs un certain
nombre de critiques sur la gouvernance de l’EPFR et du CDR, et sur le
pilotage de ces structures par l’Etat.
Complexité des structures de défaisance
Si la complexité des dispositifs mis en place pour organiser ces
défaisances est incontestable, elle résulte principalement de la complexité
initiale des structures des établissements financiers dont elles ont hérité, et
des diverses contraintes qui s’imposaient à l’Etat au moment de leur
création, notamment le souci de cantonner les risques en vue de limiter au
maximum leur impact sur les finances publiques. Ces structures n’en ont pas
moins fonctionné depuis leur création de manière transparente, sous le
contrôle du Parlement pour l’EPFR et l’EPRD, et un effort permanent de
simplification de ces structures (compactages, dissolutions de filiales
devenues sans objet) de réduction de leurs coûts de fonctionnement a été
mené, au fur et à mesure de l’avancement des cessions d’actifs et de
l’évolution des contentieux. Le rythme de ces opérations de simplification
(compactages, dissolution de filiales), que la Cour juge insuffisamment
rapide notamment pour le CDR et la SGGP, a été contraint par la durée plus
longue que prévue des contentieux portés par certaines filiales, et par la
lourdeur et la complexité de ces opérations de compactage. Il convient en
outre de noter que, bien qu’indispensables pour mener à leur terme les
défaisances et améliorer la lisibilité de leur organigramme et de leurs
comptes, ces opérations ne se traduisent pas par des économies de
fonctionnement significatives pour la maison mère, les coûts associés à la
gestion de sociétés coquilles étant très limités.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
93
Financement des défaisances
En ce qui concerne les relations financières entre l’EPFR et le CDR,
la Cour estime que le système des « risques non chiffrables » a conduit à
déresponsabiliser le CDR dans la gestion de certains dossiers et alimenterait
des débats sans portée réelle entre l’EPFR et le CDR. Si ce dispositif n’est
pas sans défaut, l’appréciation portée par la Cour des comptes paraît
néanmoins excessive : le CDR ne semble pas avoir en pratique opéré une
distinction particulière, dans la gestion des dossiers contentieux, entre ceux
relevant ou non de la catégorie des risques non chiffrables, et a au contraire
géré ces dossiers de manière responsable, en consacrant aux plus importants
des ressources considérables, en termes d’implication du management et de
frais de conseils, pour défendre au mieux les intérêts des finances publiques.
En ce qui concerne la trésorerie de la SGGP (environ 280 M€ fin
2007), dont la Cour estime qu’elle s’établit aujourd’hui à un niveau excessif
en raison des risques contentieux non encore éteints, il avait été décidé dès
l’origine de maintenir au sein de la SGGP le produit de la cession en 1998
des filiales de GAN SC (GAN SA, UIC, CIC), pour lui permettre de faire face
à l’intégralité de ses engagements futurs. Des remontées progressives à
l’Etat sont réalisées chaque année, sous la forme de réductions de capital, en
veillant à maintenir au sein de la société un volant de trésorerie suffisant
pour lui permettre de faire face à ses engagements et aux risques associés
aux litiges qu’elle porte. Chaque année, le périmètre des engagements de la
SGGP est d’ailleurs réévalué (engagements venus à échéance ou payés, état
des litiges). Comme le souligne la Cour des comptes, depuis 1998, 2,914 Md€
ont ainsi été remontés à l’Etat. Suivant cette même approche, la SGGP fera
remonter vers l’Etat à la fin 2007 46 M€. Il n’apparaît pas possible d’aller
au-delà sans exposer la société au risque de ne pouvoir faire face à ses
engagements résiduels. Pour faire suite aux observations de la Cour, il a
néanmoins été décidé fin 2007 de centraliser la trésorerie de la SGGP au
sein de l’Etat, par l’ouverture d’un compte courant rémunéré tenu par le
SCBCM, ce qui permettra de réduire à due concurrence la dette brute des
administrations publiques.
Gouvernance des défaisances
La Cour regrette l’insuffisance des pouvoirs de contrôle de l’EPFR
sur le CDR, et estime que l’EPFR est excessivement dépendant dans son
fonctionnement des services de l’Etat, qui se seraient par ailleurs selon elle
trop impliqués dans le suivi de certains dossiers contentieux. Elle estime en
outre que les services de l’APE ne se seraient pas suffisamment impliqués
dans la surveillance des défaisances du Comptoir des Entrepreneurs et du
GAN.
Il convient en premier lieu de souligner le caractère globalement
contradictoire de ces observations, sur lesquelles la position exprimée par la
Cour gagnerait à être clarifiée : l’Etat aurait-il dû de son point de vue
94
COUR DES COMPTES
s’impliquer davantage dans la gestion des défaisances, compte tenu de sa
position d’actionnaire unique (ou quasi-unique) et de garant, en vue de
limiter les pertes encourues ou aurait-il dû se tenir encore davantage à
l’écart, au nom de l’autonomie de gestion des sociétés de défaisance, dans la
mesure où ses interventions conduiraient par construction à des choix mal
avisés ?
En ce qui concerne le rôle de l’EPFR dans l’organisation
institutionnelle du dispositif de cantonnement, la Cour estime qu’il n’a pu
exercer efficacement ses fonctions d’actionnaire unique du CDR. Il convient
de rappeler que cette situation résulte de l’organisation même du dispositif
de cantonnement telle qu’elle a été voulue par le législateur. La loi n°95-
1251 du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de
redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs a en effet
confié à l’EPFR la mission de « gérer le soutien financier apporté par l'Etat
au Crédit lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs
au sein de la société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci et dénommée
Consortium de réalisation. (…) Il veille notamment à ce que soient respectés
les intérêts financiers de l'Etat dans le cadre du plan de redressement du
Crédit lyonnais. » La loi n’a donc pas prévu que l’EPFR intervienne
directement dans la gestion quotidienne du CDR, même s’il est appelé à
exprimer des « avis », juridiquement non contraignants, sur les orientations
stratégiques, le plan de cession et de trésorerie et le budget annuel de
fonctionnement du CDR. Le CDR est ainsi gouverné par un conseil
d’administration
quasi-exclusivement
composé
d’administrateurs
indépendants, à l’exception de l’EPFR, représenté par son président, qui ne
dispose de droit de veto sur aucune décision relevant du conseil ; les seuls
pouvoirs propres qu’il est susceptible d’exercer concernent les décisions
relevant de l’assemblée générale (nomination des mandataires sociaux,
approbation des comptes annuels). On notera d’ailleurs qu’initialement
l’EPFR n’avait aucun lien capitalistique avec le CDR et que ce n’est
qu’ultérieurement, en 1998, qu’il en est devenu l’actionnaire quasi-unique.
L’organisation même du dispositif place donc l’EPFR, bien
qu’actionnaire quasi-unique du CDR, dans une position originale au regard
du droit commun des sociétés, même s’il dispose du pouvoir ultime de
révoquer le management du CDR, avec l’agrément du Ministre, en cas de
divergence de vues irréconciliable sur la conduite des affaires de
l’entreprise. Ceci ne signifie pas que l’EPFR n’ait jamais pesé dans les
processus de décision du CDR. En tant qu’administrateur du CDR tout
d’abord, l’EPFR a fait preuve d’une remarquable assiduité et s’est exprimé à
de très nombreuses reprises au sein du conseil du CDR, qu’il a fortement
contribué à animer ; les positions qu’il y a exprimées, au même titre que
celles exprimées par d’autres administrateurs, ont naturellement contribué
au processus de décision, de même que le dialogue régulier entretenu entre
les présidents de l’EPFR et du CDR.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
95
En ce qui concerne les relations entre l’EPFR et l’Agence des
participations de l’Etat, qui assure le secrétariat général de cet établissement
public, le MINEFE ne partage pas l’analyse développée par la Cour selon
laquelle
cette
situation
aurait
affecté
l’autonomie
de
gestion
de
l’établissement public et conduit à une confusion des rôles ne permettant pas
à l’EPFR d’exercer efficacement sa fonction d’actionnaire du CDR. L’étroite
symbiose qui a toujours existé de fait, dans la période sous revue, entre les
services de la direction du Trésor (puis de l’APE) et l’EPFR, apparaît plutôt
comme un gage d’efficacité, tant sur le plan opérationnel qu’économique,
que de confusion. Dès l’origine de la défaisance, l’organisation de l’EPFR,
organe de financement et de surveillance, a été définie dans un souci
d’économie de moyens et d’efficacité pratique : le Président de l’EPFR,
choisi parmi les membres de l’Inspection Générale des Finances, ne perçoit
pas de rémunération spécifique pour ce mandat, qui ne constitue pas une
activité à plein temps ; la gestion administrative et financière de
l’établissement est assurée avec l’appui de l’APE, qui met à disposition ses
ressources
à titre gratuit. Cette organisation permet non seulement de
limiter au strict minimum les frais de fonctionnement de l’établissement, mais
aussi de lui faire bénéficier au quotidien, et sans formalisme particulier, des
services des pôles d’expertise de l’APE : c’est ainsi que le pôle comptable est
fréquemment sollicité, notamment sur les questions de provisionnement, ou
pour le recrutement des commissaires aux comptes. De plus, l’APE dispose
d’un pôle juridique qui a largement été mis à contribution par l’EPFR,
notamment dans ses réflexions sur la gestion des grands contentieux relevant
des risques non chiffrables.
Il n’est donc pas anormal que les services de l’APE jouent un rôle
actif, sous le contrôle du Président de l’EPFR, dans l’instruction des dossiers
relevant des missions de l’EPFR, et interagissent régulièrement à ce titre
avec le CDR. L’appui fourni par l’APE au quotidien à l’établissement public
n’est donc pas de nature à restreindre son autonomie vis-à-vis de l’Etat, mais
plutôt à en optimiser le fonctionnement qui aurait été autrement plus coûteux
si des moyens propres avaient été affectés à l’EPFR, en doublon des moyens
affectés au suivi des défaisances au sein des services de l’Etat.
Lorsque la Cour souligne que « le Président de l’EPFR a accepté de
répondre à toutes les demandes d’instruction formulées par le CDR », ce qui
est factuellement exact, elle omet de mentionner que lesdites réponses ont été
systématiquement formulées après délibération du conseil d’administration
de l’EPFR, et donc non pas sur instruction de l’APE ni du cabinet du
Ministre mais bien, conformément aux textes, par un acte de la gouvernance
de l’établissement public. Il n’y a pas eu davantage de « dessaisissement » du
Président de l’EPFR, mais seulement le constat de l’impossibilité pour celui-
ci d’engager des dépenses dans le cadre d’un budget soumis par ailleurs à
l’approbation du Ministre sans tenir compte de la position qui serait
exprimée au conseil par les représentants de l’Etat.
96
COUR DES COMPTES
Il convient enfin d’ajouter que l’autonomie de gestion de l’EPFR ne
signifie pas que l’établissement public soit indépendant de l’Etat, son
propriétaire unique, puisque d’une part le gouvernement
dispose de deux
représentants au conseil d’administration sur un total de cinq membres et
nomme son président, et que d’autre part les représentants du Parlement
représentent la branche législative des pouvoirs publics.
Enfin, compte tenu du rôle de garant exercé par l’EPFR, et à travers
lui l’Etat, pour les risques non chiffrables, il n’est pas anormal que le CDR
ait jugé souhaitable, sur certains dossiers porteurs d’enjeux très lourds pour
les finances publiques, de recueillir l’avis de son garant avant de prendre des
décisions à caractère structurant concernant ces dossiers ; il aurait été au
contraire étonnant et critiquable que l’Etat se désintéresse de la gestion des
contentieux majeurs, y compris sur le dossier Adidas, pour lequel les
liquidateurs du groupe Tapie demandaient 1,2 Md€ devant la Cour d’Appel
en 2005 et plus de 11 Mds€ aujourd’hui devant la Cour d’Appel de renvoi.
Dès lors que la position ministérielle a été régulièrement exprimée par les
représentants de l’Etat en conseil d’administration de l’EPFR et que cette
position, adoptée par un vote à la majorité par le conseil d’administration de
l’établissement public, a été relayée par l’EPFR au conseil d’administration
du CDR, qui a lui-même pris ses décisions conformément aux règles de
gouvernance en vigueur, l’organisation du dispositif de la défaisance a été
pleinement respectée. Il convient enfin d’ajouter que sur la grande majorité
des risques non chiffrables, à l’exception de quelques dossiers sensibles,
toutes les décisions ont été prises au niveau du conseil d’administration du
CDR, qui a agi en pleine responsabilité, sans en saisir l’EPFR.
Concernant les autres défaisances, le rôle de surveillance exercé par
les services de l’Etat a été adapté aux enjeux financiers, mais ne peut être en
aucun cas qualifié d’« effacé ». La direction du Trésor, puis l’APE ont siégé
dans l’ensemble des conseils d’administration concernés (EPRD, NSRD,
SGGP) et suivi attentivement l’évolution de ces défaisances.
Objectifs assignés aux structures de défaisance par l’Etat
La Cour estime que l’Etat ne s’est pas doté d’une stratégie claire pour
la conduite du processus de défaisance, ce qui aurait conduit selon elle à des
choix sous-optimaux sur le plan patrimonial, notamment pour le CDR et la
SGGP. Elle considère que le CDR et la SGGP auraient eu intérêt à différer
la cession de leurs actifs immobiliers, pour bénéficier à plein de la reprise du
marché après 2001 ; elle juge en outre que le CDR aurait dû accélérer ses
cessions de titres Usinor avant 2001 et ralentir les opérations de cessions de
ses participations résiduelles entre 2001 et 2003, pour attendre une reprise
du marché boursier lui permettant de les vendre dans de meilleures
conditions.
LE BILAN DE LA GESTION DES DEFAISANCES
97
Sur les trois défaisances concernées, l’Etat s’est efforcé en
permanence de concilier au mieux deux objectifs prioritaires, qui étaient
d’une part l’extinction de ces structures, qui avaient vocation à disparaître
une fois leur mission achevée, et d’autre part l’optimisation financière pour
l’Etat de l’ensemble de ces opérations. Cette double préoccupation a
nécessité en permanence de faire des choix difficiles, dans un environnement
par construction incertain et volatil. Dans ce contexte, l’Etat et les
gestionnaires de ces sociétés ont agi au mieux de leurs anticipations. Il est
toujours possible, en se fondant sur l’observation a posteriori de l’évolution
du marché, de regretter qu’une autre voie n’ait pas été choisie, mais il
convient de rappeler que personne ne pouvait connaître avec certitude en
2001 l’ampleur ni la durée du retournement à la baisse du marché. Aurait-il
été pertinent en 2002 d’interrompre les cessions, alors même que le marché
était susceptible de baisser encore davantage et que le moment de son
retournement à la hausse n’était pas connu ? Le CDR aurait-il dû mettre en
sommeil ses activités pour une période indéterminée, en attendant ce
retournement, alors même que l’objectif initial était d’achever sa mission à
l’horizon 2005 ?
Il convient enfin de rappeler que la recherche de l’optimisation fiscale
par une société comme la NSDR, la SGGP ou le CDR, fut-elle détenue à
100% par l’Etat, n’est pas critiquable en tant que telle, et constitue même
une obligation au regard de son intérêt social.
2. Gestion des défaisances et des principaux dossiers contentieux.
Tout en soulignant un certain nombre de faiblesses dans le dispositif,
dont elle regrette qu’il n’ait pas été modifié dans la période sous revue
(2000-2006), la Cour reconnaît que les dernières années ont permis de
réduire l’ampleur du coût de ces défaisances pour le secteur public. Même si
celui-ci reste au global très élevé, cette amélioration doit être portée, au
moins pour partie, au crédit des gestionnaires de ces structures, qui ont été
confrontés au cours des dernières années à une tâche d’autant plus difficile
que la complexité des dossiers gérés s’est naturellement accrue au fur et à
mesure de l’avancement de la défaisance.
Compte tenu des spécificités de l’organisation de la défaisance du
Crédit Lyonnais, qui ne permettent pas à l’Etat d’être représenté directement
au conseil d’administration de cette société, ni d’influer significativement sur
sa gestion et son fonctionnement, il n’appartient pas au MINEFE de
répondre en détail aux observations formulées par la Cour sur la gestion du
CDR, qu’il s’agisse des frais généraux de la structure ou de ses choix de
gestion concernant les dossiers gérés sous sa responsabilité. Tout au plus est
il souhaitable de préciser que, lors des présentations annuelles du budget du
CDR au conseil d’administration de l’EPFR, des recommandations ont été
formulées à plusieurs reprises par celui-ci sur la maîtrise des frais généraux
du CDR, de ses honoraires de conseils, notamment juridiques, et que des avis
98
COUR DES COMPTES
ont été exprimés sur les modalités d’externalisation des fonctions support et
l’opportunité de cessions d’actifs en bloc.
Pilotage du contentieux Executive Life
La Cour note que l’Etat, au travers d’instructions du Ministre, a
différé, contre l'avis du CDR et une partie des administrateurs siégeant au
conseil de l’EPFR, la conclusion définitive de l’accord transactionnel devant
clore le volet pénal, dans l’attente de la conclusion d’un accord parallèle
entre la société Artémis et le parquet américain, permettant d’aboutir à un
accord englobant l’ensemble des parties concernées par le contentieux. La
Cour souligne à cet égard « le caractère démesuré des risques encourus »
par rapport aux enjeux. Si cette décision, mûrement réfléchie et arbitrée par
l’Etat, n’était pas exempte de risque, elle procédait du souci légitime,
exprimé dès l’origine par le CDR et ses conseils, et partagé par l’Etat, de
s’assurer de la robustesse de l’accord conclu avec la justice américaine, et
non comme le laisse entendre la Cour de soutenir des intérêts privés : en
l’absence d’un accord global, incluant les principales parties à la procédure
y compris Artémis, le CDR et le Crédit Lyonnais seraient restés exposés aux
conséquences d’éventuelles reconnaissances pénales ultérieures de parties
non incluses dans l’accord, ce qui aurait pu le cas échéant vider de son sens
l’accord conclu avec le parquet. Force est de constater que le risque cité par
la Cour des comptes ne s’est pas matérialisé, et que la fermeté affichée par
l’Etat a permis d’aboutir à l’objectif recherché d’un accord global.
Appréciations portées par la Cour sur la régularité de certaines décisions et
sur la lisibilité des comptes des structures de défaisance
Contrairement au titre mettant en cause la régularité et la
transparence des comptes du CDR, sous lequel elles sont regroupées, les
observations retenues par la Cour sont loin de justifier une réserve aussi
généralement annoncée.
Une première série d’observations porte sur l’application du
protocole de 1995 régissant le cadre d’intervention de l’Etat dans la
défaisance du Crédit Lyonnais et les relations entre l’ensemble des parties
concernées (Etat, EPFR, CDR, Crédit Lyonnais).
La Cour estime tout d’abord que l’avenant 20 du 20 avril 2002 aurait
nécessairement dû être modifié par avenant en 2004 en raison de
l’insuffisance de la dotation forfaitaire affectée au financement des frais
généraux du CDR (liée notamment aux développements de l’affaire Executive
Life, qui ont généré des frais plus élevés que prévu en termes d’honoraires
d’avocats). Si une modification de cet avenant aurait pu être envisagée en
vue de reconstituer cette dotation forfaitaire, elle n’était en rien nécessaire
sur le plan juridique, dans la mesure où l’avenant 20 a été respecté, jusqu’à
l’épuisement de la dotation initiale. Le choix retenu par le CDR d’inscrire
dans ses comptes 2004 une provision pour coûts extinctifs (48 M€ en 2004
puis 98M€ en 2005) visant à provisionner les sommes nécessaires à la