Compte de commerce 914
« Renouvellement des
concessions hydroélectriques »
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire
2021
2
COUR DES COMPTES
Compte de commerce 914 « Renouvellement des
concessions hydroélectriques »
Programme
914
Graphique n° 1 :
Solde 2021 (CP, en M€)
Source : Cour des comptes
Graphique n° 2 :
Soldes cumulés depuis 2017 (en M€)
Note : les données pour 2017 diffèrent de celles présentées dans les NEB précédentes. En effet,
ces données sont issues des lois de règlement et non plus des rapports annuels de performances
dans lesquels des imputations différentes des recettes sont retenues pour 2017 et 2018.
Source : Cour des comptes
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
3
Graphique n° 3 :
Recettes (en M€)
Note : les données pour 2017 diffèrent de celles présentées dans les NEB précédentes. En effet,
ces données sont issues des lois de règlement et non plus des rapports annuels de performances
dans lesquels des imputations différentes des recettes sont retenues pour 2017 et 2018.
Source : Cour des comptes
Graphique n° 4 :
Dépenses (CP, en M€)
Source : Cour des comptes
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
5
Synthèse
Une absence de mouvement sur le compte de commerce en
2021 du fait des contentieux en cours avec la Commission
européenne
Comme en 2020, le compte de commerce « renouvellement des
concessions hydroélectriques »
n’a enregistré a
ucune recette ni dépense en
2021, notamment en raison des contentieux en cours avec la Commission
européenne sur les conditions de renouvellement des concessions
d’installations hydroélectriques venues à échéance
. Les discussions,
centrées en 2021
autour de l’organisation d’E
DF,
sont aujourd’hui dans
suspendues.
Dans la
perspective d’un déblocage de la situation, une meilleure
prévision des mouvements à venir sur le compte de commerce serait utile
quelle que soit la solution retenue
, afin d’évaluer
notamment la pertinence
du niveau actuel de découvert autorisé. Le maintien des compétences en
matière de renouvellement de concessions hydroélectriques au sein de
l’État sera
it également nécessaire. En 2021, le ministère a commencé à
œuvrer en ce sens, de manière toutefois limitée.
Par ailleurs, une amélioration a pu être constatée dans les
refacturations des dépenses d’analyse des dossiers de fin de concessio
n aux
concessionnaires sortants, auxquelles il a été procédé en 2021, ce qui
permet
de ne pas prolonger la durée d’avance de ces frais par l’État
, en
dépit du fait qu’aucun versement n’a été reçu par le compte de commerce
en 2021.
Le recours au compte de commerce maintenu malgré les
critiques
Le recours à un compte de commerce est critiquable au vu de l’objet
des dépenses qui consiste uniquement à gérer un décalage de trésorerie
dans les opérations de renouvellement d’une concession sur le domaine
public. Depuis 2012, la Cour recommande de chercher une autre solution
pour la gestion de ces mouvements financiers. Aucune proposition
concrète n’a été faite sur ce sujet par l’administration qui considère que ce
type de compte spécial demeure pertinent, bien que le nombre de
concessions concernées s’
accroisse significativement au fil du temps.
6
COUR DES COMPTES
Recommandations
1.
Veiller au maintien des compétences en matière de renouvellement de
concessions hydroélectriques au sein du bureau en charge de ces
sujets, et limiter le recours aux prestataires extérieurs,
(DGEC),
(maintenue)
.
2.
Établir un prévisionnel documenté des mouvements à venir sur le
compte de commerce,
(DGEC), (maintenue)
.
3.
Chercher une autre solution que le compte de commerce, non-
conforme à la LOLF, pour enregistrer les mouvements financiers
relatifs au renouvellement des concessions hydroélectriques,
(DGEC),
(maintenue)
.
L’annexe n° 5
récapitule l’appréciation de la mise en œuvre
des recommandations de la NEB 2020, ainsi que les suites
données.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
7
Sommaire
Synthèse
..........................................................................................................
5
Recommandations
..........................................................................................
6
Introduction
....................................................................................................
9
Chapitre I
L’exécution budgétaire en 2021
...............................................
10
Chapitre II
Le blocage des opérations de renouvellement des concessions
....................................................................................................................
11
I -
Une situation gelée dans un contexte de contentieux européen
..........
11
II -
Une augmentation du nombre de concessions échues soumises à la
nouvelle redevance
..............................................................................
12
III -
Des frais d’expertise en cours de remboursement
...............................
13
IV -
Des procédures et une organisation à prévoir en cas de déblocage de la
situation
...............................................................................................
14
Chapitre III
La soutenabilité du compte
...................................................
16
I -
Les mouvements à venir sur le compte de commerce
.........................
16
II -
Un seuil de découvert du compte non atteint à ce stade
......................
17
III -
La question de la conformité du recours à un compte de commerce ...18
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
9
Introduction
Le compte de commerce n° 914 « Renouvellement des concessions
hydroélectriques » a
été ouvert par l’article 51 de la loi de finances pour
2012, à compter du 1
er
janvier 2012. Il retrace les opérations liées au
renouvellement des concessions hydroélectriques.
Ces opérations sont de trois natures différentes :
-
les frais généraux de conseil pour permettre les opérations de
renouvellement dans le cadre des procédures d'appels d'offres
(versés avant et pendant l’instruction des dossiers). Les frais
relatifs à la procédure de mise en concurrence doivent à terme être
remboursées par les concessionnaires entrants (recettes du compte
de commerce) ;
-
les dépenses d’expertise de fin de concession
remboursées par les
concessionnaires sortants (le financement de ces frais
–
recettes du
compte de commerce
–
étant postérieur à leur engagement, un
découvert est prévu sur le compte de commerce) ;
-
les montants versés au concessionnaire sortant en cas d’éviction
anticipée ou de rachat de biens
1
appartenant à ce dernier au terme
de la concession (versés après attribution des nouvelles
concessions). Le financement de ces dépenses
–
recettes du
compte de commerce
–
doit être assuré par les concessionnaires
entrants.
Les frais de conseil et les dépenses d’expertise sont modestes.
Les
indemnités de fin de concession étaient initialement estimées entre 1,0 et
1,5 Md
€ et ont été considérablement revues à la baisse suite à l’adoption
de la loi sur la transition énergétique en 2015, qui a introduit la « méthode
des barycentres » (cf. annexe n° 3).
Le cadre juridique de renouvellement des concessions s’est stabilisé
en
2016 avec l’adoption
des textes réglementaires d’application de la loi
de transition énergétique et la transposition de directives européennes sur
les concessions.
En 2021
, comme les années précédentes, aucun avis d’appel public
à la concurrence n’a cepend
ant été lancé, alors que le sujet des
renouvellements est l’objet de l’attention du législateur depuis 2006 et que
le compte de commerce existe depuis 2012
1
Dépenses inscrites au registre ou bien de reprise.
10
COUR DES COMPTES
Chapitre I
L’exécution budgétaire en 2021
A l’instar de l’exécution 2020, l’exécution 2021 est caractérisée pa
r
une absence totale de mouvements sur le compte. Le compte de commerce
n’ayant enregistré aucune recette ni aucune dépense en 2021, la situation
est identique à celle de l’année dernière et à celle de l’année 2019.
Le solde du compte de
commerce s’établi
t à -3,23
M€ fin 2021.
L’aperçu général des prévisions et de l’exécution 2020 est résumé dans le
tableau n° 1.
Tableau n° 1 :
évolution du solde (CP)
En
€
Exécuté
2020
LFI 2021
Exécuté
2021
LFI 2022
Solde au 1
er
janvier
-3 234 163
-3 234 163
Dépenses de l’année
0
1 000 000
0
1 500 000
31
–
Achats de prestations intellectuelles dans
les domaines technique, juridique et financier
0
1 000 000
0
1 500 000
32
–
Versement des indemnités de fin de
concession
0
0
0
0
33
–
Versement au budget général
0
0
0
0
34
–
Dépenses diverses et accidentelles
0
0
0
0
Recettes de l’année
0
210 000
0
216 932
11
–
Remboursement par le concessionnaire
sortant des frais d’expertise et de contre
-
expertise sur l’état de la concession
0
0
0
216 932
12
–
Versement du droit d’entrée
par le
concessionnaire repreneur
0
0
0
0
13
–
Versements du budget général
0
0
0
0
14
–
Recettes diverses et accidentelles
5 282
0
0
0
Solde (cumulé) au 31 décembre
-3 234 163
-3 234 163
Autorisation de découvert
-6 200 000
-6 200 000
-6 200 000
-6 200 000
Source : Chorus et documents budgétaires
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
11
Chapitre II
Le blocage des opérations de renouvellement
des concessions
I -
Une situation gelée dans un contexte
de contentieux européen
L’annexe n°
3 et les précédentes NEB présentent la situation relative
aux contentieux européens concernant le renouvellement des concessions
hydroélectriques.
L’État ne souhaite pas lancer de procédure de renouvellement
concernant les concessions d’EDF avant d’avoir trouvé un accord avec la
Commission. La DGEC estime en effet qu
e si l’État engageait une
procédure de renouvellement « ouverte
» (sans exclusion d’EDF de la liste
des soumissionnaires possibles), la Commission pourrait considérer qu’il
n’a pas tenu compte de sa mise en demeure.
En revanche, le gouvernement a décidé d'engager le regroupement
des concessions de la SHEM (filiale d'ENGIE à 100 %), en donnant
instruction aux préfets de consulter les collectivités à ce sujet. Dans la
vallée de la Têt, ainsi que dans celle de la Dordogne, les concessions de la
Société Hydroélectrique du Midi (SHEM) ont ainsi été regroupées selon la
« méthode des barycentre », par décret du 20 mars 2019
2
.
Certaines collectivités ont par ailleurs manifesté leur intérêt pour la
constitution de SEMH (sociétés
d’économie mixte hydroélectrique
s),
notamment dans la vallée de la Têt.
L’absence d’anticipation de
constitutions de telles sociétés,
via
des
discussions préalables avec les
collectivités territoriales, engendrerait des délais dommageables dans le cas
où la France serait condamnée à payer des astreintes. La DGEC est
consciente de ces enjeux de délais de procédure, et elle a proposé des
simplifications réglementaires pour pouvoir y faire face : un décret
3
permettant de réaliser en « temps masqué » la procédure de renouvellement
et de constit
ution d’une SEMH a ainsi été adopté en 2018.
2
Décrets n° 2019-211 et 2019-212 du 20 mars 2019.
3
Décret n° 2018-488 du 15 juin 2018.
12
COUR DES COMPTES
À la suite de la réponse à la lettre de faits en date du 10 février 2020,
plusieurs réunions de travail se sont déroulées avec la Commission
européenne. Elles ont permis d’échanger sur une solution proposée par
les
autorités françaises, qui consisterait à confier
–
dans le cadre du projet
Hercule de réorganisation de l’entreprise EDF –
à une quasi-régie détenue
à 100
% par l’État
(EDF « Azur ») la gestion des concessions
hydroélectriques exploitées par EDF, sans mise en concurrence, comme le
permet la directive concessions et sa transposition dans le droit français
4
.
Les échanges entre les autorités françaises et la Commission européenne
ont été nourris en 2021. Toutefois, les discussions sont depuis suspendues.
P
ar ailleurs, l’administration n’a pas tranché la nécessité de
constituer dans les comptes de l’État une provision pour risque du fait de
ce contentieux (cf. annexe n° 3).
II -
Une augmentation du nombre de concessions
échues soumises à la nouvelle redevance
Le blocage des opérations de renouvellement des concessions
conduit à une augmentation, chaque année, du nombre de concessions
échues
, qui s’élève à
39
à la fin de l’exercice 2021, sur un total d’environ
400 (cf. annexe n° 2).
L’État a pris acte des préjudic
es liés au maintien de cette situation
notamment pour les concessions arrivant à échéance, dont le contrat de la
concession est prorogé aux conditions antérieures jusqu’à la date de
délivrance de la nouvelle concession ou jusqu’à la décision de cesser
l’exploitation de l’installation hydraulique. Il a donc été instauré, en LFI
2019, une redevance proportionnelle à un résultat normatif
5
pour ces
concessions dites en « délais glissants » (article L. 523-3 du code de
l’énergie). Cette redevance vient s’ajouter
à celles déjà prévues par le cahier
des charges qui continue de s’appliquer aux conditions antérieures. Le
produit de cette redevance collecté en 2021 au titre des résultats normatifs
2020 des concessions échues est d’environ
9,75
M€
d’après le ministère
.
4
Comme le prévoit l’article L.
3211-
1 du code de la commande publique, l’autorité
concédante peut attribuer un contrat de concession à une « quasi-régie » sans mise en
concurrence dès lors que trois conditions sont remplies : la quasi-régie est détenue à
100
% par l’autorité concédante
; l’autorité concédante exerce sur la quasi
-régie un
contrôle analogue à celui qu'
il exerce sur ses propres services ; l’activité concédée
représente plus de 80 % de son activité.
5
Le résultat normatif est calculé par différence entre, d’une part, les recettes normatives
de la concession (soit la production forfaitairement valorisée au prix spot à pas horaire)
diminuées le cas échéant des achats d'électricité liés aux pompages et d’autre part,
l'ensemble des charges et amortissements correspondant à l'exploitation de la concession.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
13
III -
Des frais d’expertise en cours de
remboursement
L’analyse de l’état des dépenses réalisées par concession, ainsi que
des facturations établies à l’attention des concessionnaires sortants est
présentée dans le tableau n°
2 de l’annexe n°
4. Elle met en évidence le
même écart résiduel entre les dépenses refacturables et les titres de
perception émis
qu’en 2020
, pour un montant de 214 961
€.
À ce titre, il était prévu une refacturation, en 2019 puis en 2020, des
frais d'expertise de prestations passées mais non encore répercutés sur les
concessionnaires sortants. Ces refacturations concernent la SHEM et EDF.
Le titre de perception pour la SHEM, à hauteur de 22
628,32 €, a
bien été émis le 26 août 2021. Le montant a été réglé en octobre 2021 mais,
pour des
difficultés en lien avec l’administration fiscale que le ministère ne
parvient pas à expliquer, les recettes concernées n’ont pas encore été
affectées au compte de commerce.
EDF a contesté cette refacturation. Selon elle, certains montants
facturés
concernent
des
concessions
exploitées
par
un
autre
concessionnaire, ou des livrables non fournis ou incomplets. Les échanges
entre EDF et la DGEC ont toutefois
avancé durant l’année 2
021, ce qui a
permis de résoudre ce sujet. Une demande d’émission d’un titre de
perception de 194
304,08 € a ainsi pu être faite en décembre 2021
. Le titre
de perception devrait être émis au premier semestre 2022.
L’analyse des écarts entre la liste des concessions concernées par
des expertises de fin de concession et celle des concessions échues
(figurant en annexe n°
2) met également en évidence l’absence de
réalisation de ces expertises pour un certain nombre de sites, ou à tout le
moins l’absence de suivi consolidé de la réalisation de ces expertises
6
.
Cette absence de constitution
du dossier d’expertise de fin de concession
(ou de suivi de sa réalisation) compromet la capacité de renouvellement
des concessions dans le cadre d’une relance des procédures de mise en
concurrence.
Les DREAL planifient chaque année l’examen de ces
dossiers.
Une meilleure prévision des refacturations à établir, ainsi qu’une
plus grande rapidité dans ces refacturations seraient ainsi souhaitables.
6
C’est le cas pour des concessions échues avant 2015 (
date du contentieux avec la
Commission, cf. partie 2.1) comme Bissorte/Super Bissorte ; ainsi que pour des
concessions échues depuis, par exemple Portillon.
14
COUR DES COMPTES
IV -
Des procédures et une organisation à prévoir
en cas de déblocage de la situation
Les marchés initiaux de prestations intellectuelles de conseil et
d’expertise
sont tous
arrivés à échéance en 2018 et aucun n’a été renouvelé
compte tenu de l'absence d'accord avec la Commission européenne sur le
calendrier de renouvellement des concessions. Les nouveaux marchés
devront être passés une fois le contentieux avec la Commission européenne
levé et les premiers renouvellements initiés.
Dans sa note d’exécution
budgétaire de 2017, la Cour relevait la défaillance de la DGEC dans la
gestion des marchés publics
7
qui avaient donné lieu à une communication
du Procureur général près la Cour des Comptes, adressée au Ministre de la
transition écologique et solidaire le 13 mars 2018
8
. Il conviendra de veiller
à ce que leur passation et leur exécution se fassent dans le strict respect des
règles de passation de la commande publique.
Il conviendra d’être d’autant plus
attentif à ces sujets que le bureau
en charge de ces sujets à la DGEC a été réorganisé fin 2017. Les
compétences sur les grands projets énergies renouvelables (EnR) ont été
mutualisées au sein d’un seul bureau aujourd’hui en charge de
l’
hydroélectricité et des « énergies marines » (énergies renouvelables en
mer), sur lesquelles il existe des enjeux importants. En 2021, c’est ce
dernier pôle qui a été renforcé de 2 ETP supplémentaires. Le
dimensionnement du pôle hydroélectricité du bureau des énergies
renouvelables hydrauliques et marines a, quant à lui, vu un demi-ETP
remplacé par un ETP à temps plein.
Ce bureau estime que ce dimensionnement est suffisant en l’état
actuel des discussions avec la Commission, mais pourrait se révéler
insuffisant si un programme de renouvellement très ambitieux des
concessions hydroélectriques par mise en concurrence, était décidé.
L’organisation qui sera retenue par l’administration pour traiter
le
7
E
n 2017 un protocole transactionnel entre l’État et un prestataire des marchés publics
de 2012 conclu pour des prestations de conseil avait été signé. Le ministère de la
transition écologique avait ainsi passé des commandes complémentaires hors tout cadre
contractuel et recouru à un marché complémentaire attribué au détenteur du marché
initial sans publicité ni mise en concurrence.
8
Le Ministre de la transition écologique et solidaire a répondu par courrier en date du 5
septembre 2018 invoquant des difficultés dans l’exécution des marchés initiaux du fait,
d’une part, des différentes évolutions régl
ementaires intervenues depuis 2012 dans le
secteur et, d’autre part, du contentieux avec la Commission européenne. Ces éléments, qui
ont affecté significativement le calendrier, auraient eu des conséquences très lourdes au
plan technique et juridique, faisant émerger des besoins urgents de conseil.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
15
renouvellement des concessions, ainsi que les procédures et le calendrier de
mise en place, dépendront de l’issue des discussions en cours avec la
Commission européenne. Selon les modalités retenues, en particulier pour la
remise en concurrence ou non
des concessions échues d’EDF, le programme
de renouvellement pourrait en effet être plus ou moins important.
Recommandation n° 1.
(DGEC) : Veiller au maintien des
compétences en matière de renouvellement de concessions
hydroélectriques au sein du bureau en charge de ces sujets,
et
limiter
le
recours
aux
prestataires
extérieurs.
(
Recommandation maintenue)
16
COUR DES COMPTES
Chapitre III
La soutenabilité du compte
I -
Les mouvements à venir sur le compte
de commerce
L’examen des dossiers de fin de concessions est aujourd’hui conduit
par les DREAL, sans conseil ext
erne, dans l’attente d’une décision sur le
renouvellement. L
a DGEC indique qu’il est à l’avenir
prévu de dissocier le
marché relatif à l'expertise des dossiers de fin de concession (en le limitant à
la partie technique relative aux ouvrages) et de maintenir un marché pour
l'appui des DREAL à la conduite des procédures sur les aspects juridiques et
financiers, ainsi que sur les consultations locales
9
afin de veiller à la
protection des intérêts de l'État, dans des procédures complexes qui engagent
la gestion de biens publics d'importance, sur plusieurs dizaines d'années. Une
durée longue resterait souhaitable pour ce marché afin d'être en cohérence
avec celle des procédures de renouvellement.
La DGEC a maintenu
le volume d’achats prévisionnel de prestations
intellectuelles à 8,5
M€
pour l
a période 2012 à 2023 (l’
évaluation de ce
montant s’élevait
à 10,5 M€ en 2017
et 2018). La part qui concerne les
prestations non réalisées
10
s’élève à environ 4,5 M€. Cette
prévision repose
toutefois sur des hypothèses précises de dépenses par concession ou vallée
qui nécessiteraient une mise à jour.
En cas de non-aboutissement des discussions avec la Commission
européenne en 2022, le rythme des dépenses et recettes pourrait de nouveau
être modeste : nul pour les dépenses, et du montant des frais refacturés pour
les recettes. A l'inverse, et selon l’issue des discussions, soit la reprise d'un
programme de renouvellement avec un calendrier ambitieux pourrait
conduire à des dépenses importantes dans les mois et les années à venir, soit
un programme de renouvellement réduit serait mené (hors périmètre quasi-
régie EDF), mais un appui aux analyses juridique, technique et financière
associées à la mise en place de la quasi-régie se révèlerait alors nécessaire.
9
Démarches d'écoute dites "GEDRE" : gestion équilibrée et durable de la ressource en
eau, prévues à l'article R. 521-4 du code de l'énergie.
10
Prestations à réaliser entre 2021 et 2023, le volume prévisionnel concernant la période
de 2012 à 2023.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
17
II -
Un seuil de découvert du compte
non atteint à ce stade
Un découvert est prévu sur le compte de commerce afin de pouvoir
faire face aux
dépenses d’expertise de fin de concession assumé
es par les
concessionnaires sortants et aux frais de conseil engendrés par les
procédures de renouvellement, dont le financement est postérieur à leur
engagement. Le niveau de découvert autorisé sur le compte a été relevé de
4,
7 M€ à 6,2 M€ en 2017
11
pour parer à une augmentation du volume
prévision
nel d’achats de prestations intellectuelles (cf.
supra
).
Les simulations réalisées par la Cour dans les NEB précédentes
démontraien
t que si les montants prévisionnels d’achats de prestations
intellectuelles et les calendriers associés étaient tenus, l’aut
orisation de
découvert du compte de 6,2
M€ pourrait être dépassée dès
2025 ou 2026.
Dans ce cas, il conviendrait donc soit de reconsidérer au plus juste le niveau
prévisionnel des dépenses à venir, soit d’accroître le niveau du découvert
autorisé du compte, si les dépenses étaient réellement amenées à
augmenter.
Ces prévisions dépendront
de la solution retenue à l’issue des
discussions avec la Commission européenne. Si le ministère indique
toutefois avoir établi pour 2022 un prévisionnel des recettes pour
refacturation de prestations déjà réalisées, ce n’est pas suffisant
pour
crédibiliser les prévisions de dépenses, de nature différente en fonction de
l’issue des discussions, et d’anticiper le besoin de découvert sur le co
mpte
de commerce le cas échéant. La Cour renouvelle donc sa recommandation
à la DGEC d’établir un prévisionnel documenté des mouvements à venir
sur le compte de commerce.
Recommandation n° 2.
(DGEC) : Établir un prévisionnel
documenté des mouvements à venir sur le compte de
commerce. (
Recommandation maintenue)
11
Ce niveau d’autorisation de découvert de 6,2 M€ est resté identique jusqu’en 2019 et
a été reconduit à la même hauteur en LFI pour 2020, 2021 et 2022.
18
COUR DES COMPTES
III -
La question de la conformité du recours
à un compte de commerce
A -
Un compte de commerce ni industriel,
ni commercial : une solution non satisfaisante
Le compte de commerce 914 sert principalement de vecteur
financier pour isoler le coût des opérations de renouvellement de
concession hydroélectrique, ce qui ne correspond pas à l’objet d’un compte
de commerce au sens de la LOLF.
Comme la Cour l’indiquait dans la note d’exécution budgétaire de
2015, les «
opérations de caractère industriel et commercial
» requises par
la LOLF (article 22-I) pour justifier un compte de commerce ne sont pas
manifestes dans le cas des concessions hydroélectriques. Ce caractère se
déduit de manière générale par un faisceau d’indices
: objet du service
différent de l’objet normal d’un service de l’État, financement semblable à
celui d’une entreprise privée et modalités d’organisation du service.
Or, le service gestionnaire du compte, la DGEC, est une
administration, les modes de financement (avances par le Trésor public,
remboursement par les concessionnaires entrant ou sortant) sont identiques
à ceux d’une concession usuelle, enfin l’objet du service est l’attribution
par la puissance publique d’une concession sur le domaine public.
Le recours au compte de commerce aurait pu être utile à
l’administration pour gérer de façon pluriannuelle des recettes et des
dépenses potentiellement importantes (estimées initialement à un milliard
d’euros), recettes et dépenses s’équilibrant à terme. Cependant cet
argument est désormais de moindre portée du fait de la LTECV, qui a
sensiblement réduit les montants concernés.
La DGEC rappelait toutefois en 2018
12
, que la direction du budget
et le Conseil d’
État ne se sont pas opposés à la solution du compte de
commerce lors de sa création, et que
l’achat et la revente des biens de
reprises à l’occasion des renouvellements de concession constituent une
activité commerciale. Dans une réponse qui n’a pas varié, la direction du
budget considère également que «
la situation du compte de commerce 914
n’est pas contraire à l’article 22 de la LOLF
[…]
l’État
[intervient]
en une
qualité qui peut être assimilée à celle d’un d’opérateur économique qui
achète et qui vend des biens marchands dans des conditions équivalentes
aux conditions de marché. En outre, les activités directement liées au
renouvellement des concessions (retracées sur le compte de commerce) ont
vocation à être équilibrées (recettes compensant l’ensemble des dépenses)
12
Note d’exécution budgétaire de 2017.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
19
[…]
. Dans ces conditions, l’activité de renouvellement des concessions
peut
s’analyser comme une activité à caractère industriel et commercial.
»
Les parlementaires avaient relevé ces fragilités juridiques lors de
l’examen du projet de loi de finances pour 2012
: «
le caractère industriel
et commercial des opérations retracées sur le compte semble incertain
.
[…]
il semble que le choix privilégié par le Gouvernement a pour objet
d’éviter plusieurs contraintes qui s’imposeraient à lui si la voie du budget
général ou du compte d’affectation spéciale était suivie
».
Un compte d’affect
ation spéciale (CAS) dédié aux indemnités de fin
de concession et le transfert en périmètre budgétaire des autres dépenses
du compte de commerce serait plus conforme au droit.
B -
Une solution non optimale à faire évoluer
Dans sa réponse au référé de juillet 2017 du premier président de la
Cour des comptes, le ministre de l’action et des comptes publics indiquait
d’ailleurs que la possibilité de mise en œuvre d’une nouvelle solution serait
étudiée dans le cadre de l’élaboration du PLF 2019. Cela n’a pourtant p
as
été le cas. À
l’inverse, les travaux de réflexion ont simplement conduit la
direction du budget à avancer certains arguments pour justifier le maintien
d’un compte de commerce.
Le mécanisme de « regroupement par barycentre » permet en effet
de modifier les dates d'échéance de concessions hydrauliquement liées
pour les remplacer par une date commune qui est neutre économiquement
pour le concessionnaire concerné. Lorsque les regroupements par
barycentre concernent des concessions exploitées par des concessionnaires
différents, l'article L. 521-16-2 prévoit que le décret de regroupement
« fixe
le montant de l'indemnité due par les opérateurs dont les concessions ont
été prolongées, au profit de ceux dont la durée des concessions a été
réduite, du fait de la mise en place pour ces concessions d'une date
commune d'échéance »
. Le compte de commerce ou un compte
d'affectation spéciale n'interviendrait donc pas, l’indemnité se réglant entre
les parties sans mouvement sur le compte.
Toutefois, un paie
ment d’indemnités de fin de concession pourrait
intervenir dans le cas où l'autorité concédante souhaiterait mettre fin à une
concession de façon anticipée, ou en dehors d'un potentiel regroupement.
Or,
la situation d’incertitudes associée au règlement du
contentieux
européen pourrait ouvrir à nouveau le sujet des versements d’indemnités
de fin de concession, qui avait été écarté par les perspectives de
regroupement de concessions.
20
COUR DES COMPTES
Dans ce cas, comme l’article R.521
-
54 du code de l’énergie dispose
que les indemnités de fin de concession sont versées dans les douze mois
qui suivent le terme effectif du contrat, alors que le délai dans lequel le
concessionnaire entrant doit s’acquitter du paiement du droit d’entrée n’est
pas borné dans le temps par le code de
l’énergie, les recettes pourraient être
perçues postérieurement à l’engagement de la dépense
selon la direction
du budget. Ceci serait susceptible de contrevenir à l'interdiction de
découvert sur un CAS dictée par l'article 21 de la LOLF, le total des
dépenses engagées ne pouvant excéder le total des recettes constatées sauf
pendant les trois mois suivant sa création.
Toutefois la Cour avait déjà indiqué, dans la note d’exécution
budgétaire 2016, que «
Le délai de recouvrement du droit auprès du
concessionnaire entrant est le même que celui des produits et revenus
domaniaux d’après les dispositions de l’article L.
511-12 du code de
l’énergie. Cela permet une action assez rapide
: le montant à recouvrer est
inscrit dans le cahier des charges de la concession (article R. 521-58 du
code de l’énergie) ce qui limite les possibilités de contestation. La
procédure de recouvrement prévue par le code général de la propriété des
personnes publiques permet, après une lettre de rappel et un délai de vingt
jours
13
, d’engager des poursuites, notamment l’opposition à tiers
détenteur
14
. » Une anticipation de cette question dans la procédure de
renouvellement des concessions pourrait donc permettre de réaliser ces
opérations de perception et de paiement des indemnités de concession à
trésorerie positive pour l’État.
Le MTE n’a, dans tous les cas, pas souhaité opérer cette
rebudgétisation car selon lui «
la priorité demeure de trouver un accord
amiable avec la Commission européenne sur les contentieux, les réflexions
n’ont donc
pas été finalisées à ce stade
. »
Recommandation n° 3.
(DGEC) : Chercher une autre
solution que le compte de commerce, non-conforme à la
LOLF, pour enregistrer les mouvements financiers relatifs
au
renouvellement
des
concessions
hydroélectriques.
(
Recommandation maintenue)
13
Article L. 2323-5 du code général de la propriété des personnes publiques.
14
Article L. 1617-5 7° du code général de la propriété des personnes publiques.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
21
Annexe n° 1 :
liste des publications récentes
de la Cour des comptes en lien avec les politiques
publiques concernées par la NEB
•
Communication à la commission des finances du Sénat « Le soutien
aux énergies renouvelables », mars 2018 ;
•
Référé sur le renouvellement des concessions hydroélectriques,
septembre 2013 ;
•
Enquête sur la politique publique en faveur des énergies
renouvelables, juin 2013.
22
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 :
liste des concessions arrivées à échéance
au 31 décembre 2021
Titre
Concessionnaire
Type de
production
Capacité
électrique (MW)
Date d'échéance
1
AIGLE
EDF
Lac
360
31/12/2020
2
AVEILLANS *
SHEM
Lac
7,2
31/12/2019
3
BAIGTS
EDF
Fil de l'eau
8,63
31/12/2019
4
BANCAIRON COURBAISSE
EDF
Fil de l'eau
76,22
31/12/2003
5
BAOUS
EDF
13,6
31/12/2021
6
BISSORTE/SUPER BISSORTE
EDF
Pompage
818,26
31/12/2014
7
BOUILLOUSE *
SHEM
Réservoir
0
31/12/2019
8
BRILLANNE/LARGUE
EDF
Lac
39,2
31/12/2015
9
BROMMAT
EDF
Lac
406
31/12/2012
10
CAJARC
EDF
Fil de l’eau
8,5
31/12/2020
11
CASSAGNE/FONTPEDROUSE *
SHEM
Fil de l’eau
16,6
31/12/2019
12
CASTET
SHEM
Fil de l’eau
1,5
31/12/2012
13
CHATAIN et MONTEILLARD
EDF
Réservoir
0
31/12/2012
14
DAMPJOUX
EDF
4,9
31/12/2020
15
DORON DE BEAUFORT
(GIROTTE/BELLEVILLE/HAUTE
LUCE/BEAUFORT/VILLARD)
EDF
Lac
94,57
31/12/2015
16
FUMEL
Société aquitaine
de fonderie
automobile
5,8
31/12/2020
17
GESSE/SAINT-GEORGES
EDF
12,4
31/12/2021
18
GETEU
SHEM
Chute
9,9
31/12/2012
19
GUCHEN
EDF
6,5
20
HAUT OSSAU
SHEM
Chute
207,9
31/12/2012
21
HAUTE DORDOGNE
–
(AUZERETTE/BORT/RHUE)
EDF
Lac
275,7
31/12/2012
22
LABARRE
EDF
4,9
21/02/2021
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
23
23
LAC MORT
EDF
Lac
8,9
21/02/2012
24
LARDIT
EDF
43,3
31/12/2021
25
LASSOULA/TRAMEZAYGUES
SHEM
Chute
44,7
13/04/2012
26
MONCEAUX-LA-VIROLE
EDF
Lac
16,15
31/12/2019
27
MOYENNE ROMANCHE
EDF
Fil de l’eau
75,48
31/12/2020
28
OLETTE *
SHEM
Chute
10,4
31/12/2019
29
ONDES
SAECRO
4,6
31/12/2020
30
ORGEIX
EDF
5
31/12/2021
31
POINTIS DE RIVIERE
EDF
Fil de
l’eau
7
31/12/2020
32
PORTILLON
EDF
Lac
56,23
31/12/2018
33
ROUZE/USSONS
EDF
16,3
31/12/2021
34
SAINT-GENIEZ-O-MERLE
EDF
36,6
31/12/2021
35
SARRANS/BOUSQUET
EDF
Lac
184,95
31/12/2012
36
SAUTET/CORDEAC/PONT DU
LOUP
EDF
Lac et Fil de
l'eau pour
Pont du loup
133,9
31/12/2011
37
TEICH (LE)
EDF
Éclusée
6,1
31/12/2017
38
THUES *
SHEM
Chute
7,2
31/12/2019
39
VINTROU
EDF
31,5
31/12/2021
TOTAL
3 073,8
Note
: les concessions dont le nom est suivi d’un astérisque ont été regroupées par
décret du 20 mars 2019 (vallée du Têt).
Source
: Cour des comptes, d’après données DGEC
24
COUR DES COMPTES
Annexe n° 3 :
précisions relatives aux contentieux avec
la Commission européenne
Historique
La question du renouvellement des concessions hydroélectriques
–
dont les premières devaient être échues en 2011
–
a été anticipée dès 2006,
par l’instauration en loi de finances rectificative d’une redevance
proportionnelle
15
lors des renouvellements de concessions. Le calendrier
proposé en 2008 par la DGEC, suite à un rapport du Conseil général des
mines, prévoyait un délai de cinq ans pour renouveler ces concessions.
Plusieurs obstacles juridiques ont été levés pour supprimer le droit de
préférence du concessionnaire sortant, moderniser le régime de la loi de
1919 et permettre une mise en concurrence conforme aux principes
européens. L’ouverture du compte de commerce en 2012 avait pour but de
commencer
effectivement
les
renouvellements
de
concessions
hydroélectriques.
Un référé a été adressé par le Premier président de la Cour des
comptes aux ministres en 2013, pour rappeler le retard déjà pris sur le
calendrier initial et le manque à gagner important pour les finances
publiques lié à l’absence de redevance proportionnelle (perte estimée à
50
M€ en 2013). Les ministres ont répondu qu’un regroupement de
s
concessions par vallée était en cours d’élaboration, et que les premiers
renouvellements seraient lancés au premier semestre 2014.
En 2015, ces renouvellements n’ont pas démarré du fait de l’examen
de la loi de transition énergétique
16
, qui a introduit deux nouveautés pour
ces concessions hydroélectriques : la méthode des barycentres
17
et les
15
Article L523-
2 du code de l’énergie
: il s’agit d’une redevance en contrepartie de
l’exploitation d’un ouvrage qui appartient à l’État (« rente » hydroélectrique), pour les
concessions renouvelées.
16
Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte.
17
La méthode des barycentres consiste à regrouper entre elles les concessions qui sont
interdépendantes. Elle
permet de changer la date de fin de concession d’un groupe de
concessions attribuées au même concessionnaire, pour prolonger celles à échéance la
plus proche, et raccourcir celles à échéance lointaine, en sorte que l’économie du contrat
est respectée sur le groupe de concessions. La méthode des barycentres évite ainsi de
régler une indemnité d’éviction pour mettre fin prématurément
aux concessions d’un
même groupement, attribuées au même concessionnaire. La somme des indemnisations
résiduelles, correspondant au cas où les différentes concessions d’un même groupement
sont actuellement attribuées à des concessionnaires différents, est estimée à 150
M€ par
la DGEC.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
25
sociétés d’économie mixte hydroélectriques (SEMH)
18
. En 2016, les
principaux textes d’application de la LTECV
19
ont été publiés et le cadre
juridique du processus de renouvellement des concessions a été stabilisé
20
.
Aucun avis d’appel public à la concurrence pour le renouvellement des
concessions hydroélectriques n’a cependant été lancé depuis, l’argument
étant désormais l’existence d’un contentieux avec la Commission
européenne.
39 concessions sur environ 400
sont donc aujourd’hui exploitées en
« délais glissants » (cf. article L.521-
16 du code de l’énergie), c’est
-à-dire
que la concession est prorogée « aux conditions antérieures » (cf. annexe
n°2 pour la liste des concessions concernées). Ce nombre va régulièrement
augmenter : six concessions sont arrivées à échéance en 2020 et neuf
nouvelles arriveront à échéance fin 2021.
Contentieux relatif à la position dominante d’EDF
Un contentieux avec la Commission européenne a été initié par une
mise en demeure de la France en octobre 2015. La DG COMP
21
a ouvert
un contentieux portant sur la position dominante d’EDF, sur le fondement
des articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne
dit TFUE (action d’
un État conduisant à une position
dominante, en lieu et place de l’infraction usuelle sur les aides d’
État).
L’action ne porte que sur les concessions d’EDF pour les concessions non
remises en concurrence.
La procédure d’échanges préalables à la décision
de la Commission
européenne
n’est pas achevée.
La France a transmis sa dernière proposition
en janvier 2018, faisant plusieurs ouvertures destinées à satisfaire les
exigences de la Commission européenne.
La
principale
nouveauté
concernait
la
proposition
de
renouvellements par allotissement (regroupement de concessions), en
limitant la puissance maximale qu'un opérateur pourrait gagner au sein d'un
même lot
22
, afin de garantir une ouverture à la concurrence, sans pour
18
Les SEMH permettent aux collectivités territoriales d’être partie prenante de
l’exploitation d’une concession hydroélectrique.
19
Décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d'énergie hydraulique et
approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions.
20
Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et
Décret n° 2016-1129 du 17 août 2016 relatif à la procédure de dialogue concurrentiel
pour les installations de production d'électricité.
21
Direction générale de la concurrence de la Commission européenne.
22
À titre d'illustration, le premier paquet comprendrait les concessions de Lac Mort,
Beaufortain et Haute-Dordogne, pour une puissance brute totale de 434 MW. La
26
COUR DES COMPTES
autant interdire à EDF de candidater à l'ensemble des procédures
–
la
Commission avait quant à elle avancé
qu’EDF ne devrait pas être autorisée
à candidater sur les concessions en « délais glissants » qui la concernent.
Cela garantirait donc qu'un même acteur ne pourrait pas remporter plus
d'une fraction donnée des concessions remises en concurrence, et
conduirait automatiquement à une ouverture à la concurrence du secteur, à
mesure que les concessions seraient attribuées.
La méthode des barycentres évoquée
supra
ainsi qu’un dispositif
transitoire
de cession d’électricité sur le marché figuraient également parmi
les propositions. D’après la DGEC, ce dispositif, complémentaire au
programme de renouvellement qui pourrait être mis en œuvre dans des
délais très courts, permettrait d’alimenter la liquid
ité du marché par des
produits offrant une visibilité satisfaisante (vente par EDF de volumes
réguliers et connus à l’avance) et répondant aux besoins des acteurs de
marché (produits de « pointe » permettant de satisfaire aux besoins
d’électricité la semai
ne en journée, en période hivernale).
Par ailleurs, les autorités françaises ont transmis à la direction
générale « GROW »
23
deux dossiers justifiant les prolongations des
concessions de la Truyère (EDF) et du Rhône (CNR), afin d’évaluer la
robustesse de ces démarches au regard du droit des concessions. Les
autorités françaises ont défendu la prolongation de la Truyère en invoquant
la nécessité de travaux additionnels
« répond[e]nt à un objectif de politique
énergétique qui est pleinement rattachable à l'objet des concessions
concernées
» et que «
la réalisation de ces objectifs se rattache bien à
l'objet des concessions considérées
». Elles en concluaient que les
investissements en question s’inscrivaient bien dans l'objet des concessions
actuelles et, donc, que la prolongation de ces concessions était compatible
avec la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26
février 2014 sur l'attribution de contrats de concession (dite directive
« concessions »). La prolongation des concessions de la vallée de la
Truyère a donné lieu à une réponse de la Commission en juillet 2018,
indiquant que le projet de la Truyère n'était pas compatible avec la directive
précitée. Elle a justifié cette position au motif que, selon la directive, les
concessions peuvent être modifiées sans nouvelle procédure d'attribution
puissance maximale serait fixée à 286 MW. Cela signifie, dans le cas où un candidat
serait le mieux classé pour les trois concessions,
qu’
il pourrait choisir de remporter
uniquement la concession de Haute-Dordogne (286 MW), ou bien uniquement les
concessions de Lac Mort (20 MW) et Beaufortain (128 MW). Au minimum une
puissance de 148 MW serait donc attribuée aux autres candidats (sauf absence de
candidatures).
23
Direction générale « marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME » de la
Commission européenne.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
27
seulement dans le cas de
« travaux et services dont la réalisation est
nécessaire pour ne pas mettre en risque l'exploitation de la concession telle
que prévue dans le contrat initial
»
24
.
Cette p
rocédure a fait l’objet, le 16 juillet 2019, d’une demande
d’informations actualisées de la part de la Commission, qui a donné lieu à
une réponse le 21 octobre 2019. La DG COMP a par la suite transmis, le
18 décembre 2019, une lettre de faits récapitulant son analyse sur la
situation dans laquelle se trouve EDF en tant qu’exploitant de concessions
hydroélectriques, maintenant son analyse de 2015. Les autorités françaises
ont répondu à cette lettre de faits le 10 février 2020 en indiquant qu’elles
ne partageaient pas les conclusions de la Commission. Les échanges se
poursuivent avec la Commission afin d’aborder les pistes de réflexion en
cours pour aboutir au renouvellement des concessions échues, dans le cadre
de la réorganisation d’EDF (cf.
infra
).
Contentieux relatif à la directive « concessions »
La Commission européenne a par ailleurs écrit à la France en
juillet 2018 au sujet des concessions renouvelées de gré à gré en faveur
d'EDF avant l'entrée en vigueur de la directive concessions en 2016,
remettant en cause la compatibilité de ces renouvellements avec les
principes du droit européen applicables avant la directive concessions.
La Commission européenne a également adressé jeudi 7 mars 2019
une lettre de mise en demeure à huit États membres, dont la France, pour
non-respect de la réglementation applicable à la mise en concurrence des
concessions hydrauliques. Plus précisément, la Commission rappelle avoir
identifié, «
d’une part, des problèmes d’application du droit européen de
la commande publique, à c
es renouvellements et, d’autre part, des
problèmes de non-conformité de la législation française régissant de tels
renouvellements avec ce même droit européen de la commande publique
».
Cette mise en demeure fait suite aux procédures d’infraction
2003/2237
25
et à la procédure EU-PILOT 75/15/GROW
26
. La Commission
24
Les « travaux ou services supplémentaires (...) qui sont devenus nécessaires »,
mentionnés dans le texte de la disposition, ne peuvent se référer qu'aux travaux et
services supplémentaires qui se rattachent au contrat initial (problèmes inhérents à sa
réalisation, à son exécution, à l'exploitation de l'ouvrage ou du service tel que défini par
ce contrat initial).
25
Concernant le droit de préférence que la législation française de l’époque accordait
au concessionnaire sortant.
26
Concernant l’absence de proc
édures pour le renouvellement des concessions et
l’existence de dispositions potentiellement problématiques dans le projet de loi relatif
à la transition énergétique pour une croissance verte.
28
COUR DES COMPTES
conclut en effet que
: (1) l’absence de procédure de mise en concurrence
pour le renouvellement des concessions arrivées à échéance n’est pas
conforme à la directive 2014/23/UE
27
; (2) l’article L.521
-16-3 du code de
l’énergie n’est pas conforme à l’article 43 de cette même directive
; (3) les
décisions de renouvellement et d’octroi de concessions hydroélectriques
prises en faveur d’EDF depuis le 26
septembre 2008 ne sont pas conformes
aux articles 49 et 56 du TFUE
; (4) l’article 36 du décret n° 2008
-1009
n’est pas conforme aux articles 49 et 56 du TFUE.
Les autorités françaises ont répondu à cette mise en demeure par
courrier du 17 juin 2019, en réaffirmant que selon elles que : (1) le
lancement des p
rocédures de renouvellement est suspendu à l’accord entre
la Commission et les autorités françaises
; (2) l’article L.521
-16-3 du code
de l’énergie est conforme à la directive 2014/23/UE puisqu’il s’y réfère
;
(3) les renouvellements d’octroi de concessions prises en faveur d’EDF
depuis le 26 décembre 2008 sont conformes aux articles 49 et 56 du TFUE
tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union Européenne (4) l’article
36 du décret 2008-1009 est nécessaire au regard du principe de sécurité
juridique.
Une absence de provisions pour litiges
La Cour observe que le contentieux européen relatif à la position
dominante
d’EDF
engendre
un
risque
d’astreintes
:
en
cas
de
condamnation,
des astreintes d’un montant maximum de 727
000 €/jour
pourraient être
infligées à l’État.
L’État n’a toutefois pas effectué de
provision pour litige pour ce contentieux. En effet, selon la DGEC, compte
tenu de l’avancée des discussions, un accord avec la Commission
européenne demeure l’issue privilégiée par le Gouvernement.
La DB
explique également ce choix par le fait qu’aucune évolution récente du
contentieux ne justifiait que des provisions pour litiges spécifiques soient
budgétées en 2021.
Par ailleurs, d’éventuelles sanctions pécuniaires ne
seraient encourues que dans le
cadre d’une procédure de «
manquement sur
manquement », ce qui suppose deux décisions consécutives de la CJUE sur
saisine de la Commission (article 260 §1 et 2 du TFUE).
De la même manière, s’agissant de la procédure de mise en demeure
relative à la directive « concessions »,
la perspective d’une condamnation
de l’État dans ce volet du dossier
semble également prématurée pour la
DGEC et la DB, et l’État n’a pas effectué de provisions pour litige
.
27
Relative à l’attribution des contrats de concession.
COMPTE DE COMMERCE 914 « RENOUVELLEMENT DES
CONCESSIONS HYDROELECTRIQUES »
29
Annexe n° 4 :
l
es frais d’expertise et les refacturations
Tableau n° 2 :
répartition des
frais d’expertise et état des
refacturations
Site
Dépenses
d’expertises de
renouvellement de
concession réalisées
depuis 2012 - CP
Dont dépenses
d’expertises de fin de
concession
imputables au
concessionnaire
sortant réalisées
depuis 2012 - CP
Dont dépenses
refacturées aux
concessionnaires
sortants (titres de
perception émis)
Lac Mort
266 388,36 €
87 867,00 €
73 482,67 €
Ossau
(Haut Ossau, Castet, Geteu)
812 266,00 €
440 111,00 €
421 070,96 €
Têt
(Aveillans, Bouillouse,
Cassagne/Fontpedrouse, Olette, Thues)
16 500,00 €
0 €
0 €
Louron
(Lassoula/Tramezagues)
267 609,00 €
119 969,72 €
116 381,72 €
Drac
(Sautet, Cordeac)
163 688,00 €
0 €
0 €
Truyère
(Brommat, Sarrans/Bousquet)
909 983,00 €
0 €
0 €
Dordogne
(Auzerette/Bort/Rhue)
1 157 133,61 €
272
373,55 €
105 953,94 €
Beaufortain
(Doron de Beaufort : Girotte,
Belleville, Hauteluce, Beaufort, Villard)
240 470,00 €
167 680,00 €
156 151,03 €
TOTAL
3 834 037,97 €
1 088 001,27 €
873 040,32 €
Source : DGEC
30
COUR DES COMPTES
Annexe n° 5 :
suivi des recommandations formulées au
titre de 2020
N°
Recommandation
Réponse de
l’administration
Appréciation
de la mise en
œuvre
Justification
Devenir de la
recommandation
1.
Facturer immédiatement aux
concessionnaires sortants les
dépenses d’analyse des
dossiers de fin de concessions
que la loi met à leur charge et
résoudre les litiges relatifs
aux refacturations dans les
meilleurs délais. (destinataire
DGEC)
Toutes les
demandes de titres
de perception ont
été faites.
Totalement
mise en œuvre
Si les montants
n’ont pas encore
été perçus, les
demandes de titres
ont bien été faites
Sans objet
2.
Veiller au maintien des
compétences en matière de
renouvellement de
concessions hydroélectriques
au sein du bureau en charge
de ces sujets, et limiter le
recours aux prestataires
extérieurs. (destinataire
DGEC)
Il le sera en
intégrant les
nouvelles
concessions
arrivées à échéance
et en fonction de la
solution retenue en
accord avec la
Commission
européenne.
Mise
en œuvre
en cours
Il est difficile
d’apprécier le
dimensionnement
correct de ces
moyens du fait de
l’absence de
procédure de
renouvellement en
cours de
réalisation. Un
demi-EPT a été
ajouté en 2021
Maintenue
3.
Établir un prévisionnel
documenté des mouvements à
venir sur le compte de
commerce. (destinataire
DGEC)
Prévisionnel des
recettes pour
refacturation de
prestations déjà
réalisées, établi
pour 2022.
Mise en œuvre
en cours
Ce prévisionnel n’a
pas été fourni, et il
ne concerne pas
l’ensemble des
mouvements.
Maintenue
4.
Chercher une autre solution
que le compte de commerce,
non-conforme à la LOLF,
pour enregistrer les
mouvements financiers
relatifs au renouvellement des
concessions hydroélectriques.
(destinataire DGEC)
Cf. partie 3.3
Refus de mise
en œuvre
Malgré l’annonce
en 2017 de
certaines
évolutions sur ce
sujet, aucune
avancée n’est
constatée.
Maintenue