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Compte de commerce n°904
Lancement de certains
matériels de guerre et matériels
assimilés
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire
2021
2
COUR DES COMPTES
Compte de commerce n° 904
Graphique n° 1 :
Évolution des recettes annuelles depuis 2017
(en M€)
Source : Cour des comptes
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS
3
Graphique n° 2 :
Évolution des dépenses annuelles depuis 2017
(en M€)
Source : Cour des comptes
Graphique n° 3 :
Passage du solde 2020 au solde 2021 (
en M€)
Source : Cour des comptes
4
COUR DES COMPTES
Graphique n° 4 :
Soldes cumulés du compte de commerce sur 5 ans
(en M€)
Source : Cour des comptes
.
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS
5
Synthèse
Le compte de commerce n°904 du Trésor est un outil financier qui
vient en appui au financement de projet industriel de matériel de guerre et
assimilé, développé par des entreprises françaises. La gouvernance du
dispositif est assurée par la direction générale du Trésor (DGT),
ordonnateur du compte de commerce n°904, qui prend une décision
ministérielle,
après avis d’une commission
interministérielle présidée par
le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, en vue
d’octroyer un prêt
ad hoc
à l’entreprise concernée
.
Des caractéristiques inchangées en 2021
Le mode de financement utilisé par ce compte de commerce consiste
en un versement d’avances remboursables
versées aux entreprises du
secteur de l’armement qui en formulent la demande. S
on dispositif repose
sur les caractéristiques suivantes :
- un décaissement des avances, qui équivalent à des prêts, assurées
par Natixis, délégataire du service par application d’
une convention passée
avec la DGT
; Natixis reçoit une avance de 2,5 M€ à cet effet
;
-
une affectation des recettes issues du remboursement du principal des
avances, versées au compte de commerce,
-
une
extension du périmètre d’affectation des recettes aux intérêts et à
une redevance,
désormais qualifiée d’intéressement,
-
un suivi des créances perfectible, notamment pour celles d’entre elles
qui font l’objet de procédures de recouvrement particulières,
-
une double gestion financière par les services des ministères
économiques et financiers (direction générale du Trésor en tant
qu’ordonnateur et le contrôleur budgétaire et comptable ministériel
agissant en tant que comptable) et par un établissement bancaire,
Natixis.
L’existence de cette double comptabilité est une source d’écarts
pour suivre l’encours
,
du fait d’un mode de traitement différent de certains
mouvements entre l’opérateur bancaire et la comptabilité du comptable
public, ce qui nécessite d’établir un état de rapprochement. Cet écart s’est
cependant très largement réduit en 2021 (22
628€
), grâce à une très forte
6
COUR DES COMPTES
implication de la DGT et à des comptes-rendus beaucoup plus réguliers.
Enfin, le compte de commerce relève d’une gestion de droits constat
és qui
ne permet pas d’établir un document de synthèse présentant l’ensemble de
sa situation financière réelle.
Une incidence peu perceptible de la crise sanitaire en 2021
Alors qu’un résultat déficitaire de 5,40
M€ était envisagé en
prévision, le solde de
l’exercice
2021 pour les opérations réalisées au cours
de l’année s’établit
finalement à 3
M€, ce qui est comparable à celui du
précédent exercice. Les montants des recettes (5,73
M€) et des dépenses
(2,73
M€) réalisés en 2021 sont légèrement inférieurs à
ceux constatés
l’année précédente et atteignent le niveau le plus bas depuis 2015. C’est le
signe d’une faible activité.
Par conséquent, la trésorerie disponible a continué d’augmenter
pour s’élever à 112,67
M€.
La crise sanitaire n’a pas eu d’effet
significatif sur les recettes de
l’année
2021. Des suspensions temporaires de versements des intérêts ont
été accordées à quelques entreprises pour un montant de 0,259
M€ avant
d’être réglés en fin d’exercice.
Pour autant, comme l’année dernière, il est ét
onnant de constater
que, dans le contexte de crise économique engendrée par la pandémie, le
dispositif de l’article
90 ait été aussi peu sollicité pour venir en aide aux
petites et moyennes entreprises du secteur de l’armement.
Une réforme en cours pour re
nforcer l’attractivité du
dispositif
À
la suite du rapport d’audit du contrôle général économique et
financier de janvier 2020, un groupe de travail interministériel a été mis en
place en vue de renforcer l’attractivité du dispositif de l’article 90 auprès
des très petites, petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux entreprises de
taille intermédiaire. Dans cette perspective, les conditions financières
d’obtention et de gestion des prêts ont été revues à l’occasion de la refonte
d’un guide ad hoc réalisé
par la commission. Pour autant, ce chantier
n’a
pas encore eu d’effet au cours de 2021.
La Cour avait formulé deux recommandations en 2021,
l’une sur la
relation de la DGT avec Natixis, qui ne répondait pas aux règles de la
commande publique, l’
autre sur le caractère in
approprié d’un compte de
commerce pour des activités strictement financières. La Procureure
Générale avait adressé en juillet 2021 une communication au ministère sur
ces deux thèmes. En décembre le ministère a répondu en donnant rendez-
vous
fin 2022, à l’échéance de la convention actuelle avec Natixis, pour
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS
7
mettre en œuvre d’autres options éventuelles, au nombre desquelles la
quasi-régie ou une « mise en concurrence ». Sur la question du compte de
commerce,
la nouvelle rédaction de l’article
20 de la loi de finances
rectificatives pour 1964 régularise la situation. La recommandation doit
être considérée comme mise en œuvre.
.
8
COUR DES COMPTES
Recommandations
1.
S
’assurer de la conformité aux règles de la commande publique des
modalités du recours à un établissement bancaire. (réitérée)
(destinataires: direction générale du Trésor)
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS
9
Sommaire
Chapitre I Les ré
sultats de l’exercice
..............................................................
13
I -
Un solde de l’exercice positif en 2021
..........................................................
13
II -
L’incidence de la crise sanitaire en 2021
.....................................................
14
III -
Les recettes sur l’exercice 2021 sont similaires à celles constatées
en 2020
...............................................................................................................
15
IV - Le traitement des créances en 2021
..........................................................
16
V - Des dépenses à un niveau très bas
..............................................................
18
VI - La soutenabilité du compte
........................................................................
18
A - Le solde cumulé du compte de commerce
.........................................................
18
B -
Une réforme pour renforcer l’attractivité du compte de commerce
................
19
C -
Le suivi de l’encours
..............................................................................................
20
Chapitre II La conformité aux principes et règles du droit budgétaire
.............
22
I - La gouvernance du compte de commerce
...................................................
22
II - La convention passée avec Natixis
...............................................................
24
III -
L’éventuelle transformation en compte d’opérations financières
...........
26
Annexe n° 1 : : Suivi des recommandations formulées au titre de
l’exécution budgétaire 2021
...........................................................................
28
Annexe n° 2 : : Réponse de la DGT à la communication de la procureure
générale
..........................................................................................................
30
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 11
Introduction
Le dispositif, créé en 1963
1
par une disposition en loi de finances,
permet l’octroi d’avances remboursables à des entreprises afin de soutenir
le lancement de matériels de guerre et assimilés
2
.
Le compte est débité du montant des avances consenties et crédité
du montant du remboursement de ces dernières,
telles qu’ils sont prévus
contractuellement en fonction du produit des ventes des matériels. Ce
mécanisme de retour de
l’ensemble des
recettes au compte de commerce
est dérogatoire au principe de non affectation des ressources aux dépenses,
mais il est prévu et encadré par le chapitre III du titre I de la loi organique
n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (article 16, 19 et
22 en particulier).
Avant la LOLF, le législateur, par deux lois de finances
successives
3
, a eu recours dans un premier temps au mécanisme du « fonds
de concours » en 1964 puis à celui de « compte spécial du trésor » en 1968,
selon la terminologie en vigueur sous l’ordonnance
de 1959, sans remettre
en cause le mécanisme de réaffectation des ressources.
Le recours à un compte spécial pour financer le lancement par des
entreprises de matériels aéronautiques et d’armement complexe a permis
de consolider le modèle économique de ce dispositif, qui repose sur le
mécanisme d’affectation de toutes les recettes dégagées
(capital, intérêt et
prime d’intéressement
,
qui est une rémunération de l’
État en fonction du
produit des ventes, initialement qualifiée de « redevance »).
La gestion financière de ce compte de commerce a pour
caractéristique d’être confiée à une personne morale privée (Natixis) par
une convention cadre
4
prise sous couvert d’une disposition législative
de
1
Article 5 de la loi n° 63-1293 du 21 décembre 1963 de finances rectificative pour
1963.
2
Dénomination conférée par l’article 94 de la loi n°2018
-1317 du 28 décembre 2018
de finances pour 2019.
3
Article 20 de la loi n°64-1278 du 23 décembre 1964 de finances rectificative pour
1964 et l’article 90 de la loi n°67
-1114 du 21 décembre 1967 de la loi de finances pour
1968.
4
La dernière convention, actuellement en vigueur, date du 24 décembre 2019 ; elle est
signée par la DG Trésor, Natixis, la Caisse Française de Développement Industriel et le
chef du service du contrôle budgétaire et comptable ministériel.
12
COUR DES COMPTES
1997
5
. Natixis assure ainsi le versement de l’avance à l’entreprise
bénéficiaire, le suivi du remboursement du principal et de ses accessoires
mais ne gère pas la situation des créances devenues à risque
6
. Natixis
dispose d’une avance de 2,5 M€ à cette fin (la provenance de cette avance
imputation sur le compte de commerce ou versement du budget général
n’est pas connue)
, qui est qualifiée de « provision » dans la comptabilité
de l’
État (compte n°54153).
Le rôle de la direction générale du Trésor est central, en assurant
l’ordonnancement du montant de l’avance consentie à l’entreprise dont la
décision d’attribution intervient après avis d’u
ne commission
ad hoc
présidée par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale,
sur des dossiers préalablement instruits par la direction générale de
l’armement. De son côté, l’établissement bancaire Natixis procède au
paiement de l’avance, à partir des fonds qui lui ont été confiés, et demande
le remboursement de ces sommes au contrôleur budgétaire et comptable
des ministères économiques et financiers, qui est l’agent comptable du
compte de commerce. Enfin, les directions départementales des finances
publiques du lieu du siège de l’entreprise interv
iennent comme comptable
du recouvrement si la créance devient « douteuse ». La multiplicité des
acteurs rend ce dispositif complexe. Quant à l’avis de la commission, qui
n’a pas le caractère d’avis conforme, il lie la DGT et constitue, dans les
faits, un o
rdre à engager l’avance octroyée à l’entreprise
même si le
SGDSN n’a aucune attribution juridique
formelle dans ce dispositif.
5
Article 41-6° de la loi n°97-1239 du 29 décembre 1997 de finances rectificative pour
1997
: « - La société anonyme Natexis ou toute société qu'elle contrôle, au sens de
l'article L. 233-3 du code de commerce, est chargée :
…..
6° De la gestion d'avances remboursables consenties en application de l'article 5
de la loi de finances rectificative pour 1963 (n° 63-1293 du 21 décembre 1963), modifié
par l'article 90 de la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 ;
…Une convention entre l'État et la société anonyme Natexis fixe les modalités
d'exercice de ces missions. Le ministre chargé de l'économie peut mettre fin avant terme
aux missions définies ci-dessus pour tout motif d'intérêt général ou en raison de
l'inexécution desdites missions. »
6
Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel est le comptable du compte de
compte de commerce
; il prend en charge la dépense et la ressource à l’instar de
l’établiss
ement bancaire Natixis ; en revanche le comptable public du département du
siège social de l’entreprise bénéficiaire de l’avance est le comptable en charge du
recouvrement, conformément aux instructions de la DGFiP.
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 13
Chapitre I
Les ré
sultats de l’exercice
I -
Un solde de l’exercice positif en 2021
Alors qu’un résultat déficitaire de 5,40
M€ était initialem
ent
envisagé par la loi de finances
7
, le solde exécuté de l’exercice
2021 pour
les opérations réalisées au cours de l’année s’est finalement établi à 3
M€.
Le niveau de ce résultat rend cet exercice comparable à celui de 2020,
même si les recettes et les dépenses réalisées ont été largement inférieures,
atteignant un niveau historiquement très bas.
Tableau n° 1 :
Soldes de l’exercice et de la trésorerie cumulée
Trésorerie du compte de
commerce en M€
2018
2019
2020
2021
Trésorerie au 1er janvier
95,04
98,59
106,28
109,64
Encaissements
(A)
9,68
9,53
9,78
5,73
Décaissements
(B)
6,12
1,84
6,42
2,73
solde de l'exercice
(A-B)
3,56
7,69
3,36
3,00
Trésorerie au 31 décembre
98,60
106,28
109,64
112,67
Source : direction générale du Trésor.
Il en ressort que le solde cumulé de trésorerie du compte de
commerce a continué de progresser pour atteindre plus de 112 M€.
Cette
somme doit être considéré
e comme un niveau d’engagement potentiel, les
crédits de paiement associés sont intégrés globalement dans la trésorerie
budgétaire de l
État.
7
Cf. Annexe au projet de loi de finances pour 2021
comptes de commerce.
14
COUR DES COMPTES
Graphique n° 5 :
Évolution de 2017 à 2021 des recettes, dépenses et
du solde de trésorerie du compte de commerce n°904 (en M€)
II -
L
’i
ncidence de la crise sanitaire en 2021
La crise sanitaire n’a pas eu d’effet en recettes sur la gestion du
compte de commerce au cours de l’année 2021. L’ordonnateur et la
commission ont néanmoins adopté des mesures ponctuelles de gestion des
prêts en faveur des entreprises. Des délais de paiement et des suspensions
temporaires de versement des intérêts ont été acceptés dans leur principe
en réponse à des demandes d’industriels justifiant des incidences de la crise
sanitaire pour un montant de 0,25 M€. Cet allègement des intérêts
n’affectera les
recettes du compte qu’à la marge.
Il a en outre été constaté une stabilité relative du nombre de
candidats au dispositif par rapport aux dernières années. Cinq contrats ont
ainsi été signés en 2021, contre 6 en 2020 et 3 en 2019. Par ailleurs, selon
la DGT, la signature de plusieurs contrats a pris du retard (contrats avec les
sociétés SERA Ingénierie, Couach, Les Forges de Tarbes) en raison de la
nécessaire clarification de projets ou de la persistance de plusieurs réserves
qui n’ont pas encore été levées
(Safran Helicopter Engines, Lhéritier). Ces
retards expliquent le décalage entre la prévision très volontariste de la LFI
(11,90 M€) et le niveau des dépenses effectivement constatées en 2021
(2,73 M€).
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 15
III -
Les recettes sur l’exercice
2021 sont
similaires à celles constatées en 2020
Les prévisions de recettes des remboursements en capital et des
redevances sont notamment établies à partir des résultats des projets à
l’exportation et des projections de chiffre d’affaires déclarées par les
industriels. Les intér
êts sont calculés en fonction de l’assiette du montant
versé et du taux contractuellement retenu. Les recettes générées, sous
réserve de l’appréciation des risques encourus
8
, permettent
d’assurer
l’autofinancement de ce dispositif. Dans le cadre de la LFI
2021, les
prévisions de chiffre d’affaires fournies par les sociétés lors de l’envoi des
comptes rendus annuels de programme, laissaient espérer pour 2021 des
recettes avoisinant 2,1
M€ en capital et 1,3
M€ en prime d’intéressement.
À ces montants, s’ajout
aient les intérêts dus contractuellement pour
3,1
M€, soit un total global prévisionnel de recettes pour 2021 de 6,5
M€.
En gestion, les recettes se sont élevées à 5,7
M€ en 2021, soit un
niveau inférieur à celui prévu en LFI 2021 (6,5
M€). Elles provienne
nt du
remboursement annuel du principal des avances (1,37
M€) par les
entreprises bénéficiaires de la procédure de l’article
90, des intérêts
(3,16
M€) et des redevances (1,20
M€). Si les recettes de l’exercice sont
globalement
concordantes avec l’évaluati
on retenue, elles sont nettement
inférieures à celles de l’exercice précédent, qui étaient de 9,78
M€, soit une
baisse de 42%. Cette baisse est essentiellement liée à de moindres
remboursements en capital, les ventes à l’export ayant été plus faibles en
2021. Les intérêts versés en 2021 sont également plus faibles du fait du
moratoire accordé sur une période de 6 mois en réponse à la crise sanitaire.
Ce moratoire résulte d’une décision prise par la commission le 15 juin
2020
9
qui conduit à autoriser :
-
Un délai de paiement de 6 mois pour les entreprises qui en font
la demande ;
-
Une suspension d’intérêts de 6 mois
pour ces mêmes
entreprises ;
-
Natixis à proposer des avenants aux contrats concernés allant
dans ce sens.
À ce stade, aucune décision du ministre de
l’économie ou du DGT, agissant
en tant qu’ordonnateur, n’a été produite pour venir à l’appui des décisions
8
Cf. note d’analyse de l’exécution budgétaire
2019 : il existe trois cas de non recouvrement de
créance, à l’expiration du délai contractuel de 15
ans, en cas d’insuccès d’un projet ou d’ouverture
d’une procédure collective à l’encontre d’une entreprise bénéficiaire d’une avance remboursable.
9
Note du SGDSN portant relevé de conclusion de la commission de la procédure dite
de «
l’article
90 » du 15 mai 2020.
16
COUR DES COMPTES
de la commission. Cela soulève la question du rôle effectif de celle-ci alors
même qu’elle devrait se limiter à exprimer un avis.
Enfin, au sein des recettes, il faut relever que la part des intérêts est
très élevée (55%) en raison de prêts anciens (la moitié d’entre eux est
antérieure à 2014), comportant des taux appliqués supérieurs à ceux
constatés en 2021 (6,9% pour les prêts de 1999 contre 1,6% en 2021).
Quant au faible niveau du remboursement en capital, il s’explique par le
nombre relativement important des insuccès industriels, qui peuvent
entrainer une dispense de remboursement en raison du partage du risque
entre l’État et l’entreprise.
IV -
Le traitement des créances en 2021
Sept abandons de créances ont eu lieu en 2021 d’un montant total
de 13,47
M€. Ce montant est très élevé et est très supérieur aux abandons
consentis en 2019 (8,21
M€) et en 2020 (2,86 M€ pour trois abandons de
créances
10
, dont deux pour insuccès du projet bénéficiaire et un à expiration
du délai contractuel de 15 ans). Le montant constaté au cours
de l’exercice
2021 se justifie par les dossiers suivants :
-
cinq abandons en raison de l’expiration des contrats pour les
sociétés Etienne Lacroix (deux contrats), Dalic et Safran
Electronics & Defense (deux contrats), représentant un montant de
4,99
M€
11
;
-
deux abandons en raison de la déc
laration d’insuccès des projets,
pour un total de 8,47
M€
12
; ce montant particulièrement élevé
s’explique notamment par l’insuccès du projet porté par la Société
EURENCO, qui avait reçu une avance très importante de 8,1
M€
en 2012, dans la perspective de
la réalisation d’une usine de
fabrication d’hexogène
; or
ce projet n’a pas abouti.
En complément, une admission en non-valeur a été enregistrée en
comptabilité en 2021. Elle concerne les intérêts qui étaient dus par la
société des ateliers mécaniques (SAMP) de Pont sur Sambre à la suite de
la décision du Tribunal administratif de Lille, en date du 11 mars 2021,
portant sur le titre de perception émis le 5 décembre 2016 par le
10
Toutefois, l’importance de la perte doit être nuancée en prenant en compte les recettes
perçues sur ces trois contrats antérieurement à l’abandon de la créance. Elle ne serait
que de 0,33
M€.
11
Selon la DGT, en prenant en compte toutes les sommes déjà réc
upérées depuis l’octroi des
avances, l’État serait bénéficiaire de 2,54
M€, intérêts compris, sur ces projets.
12
Selon la DGT, en prenant en compte toutes les sommes récupérées, intérêts compris, la perte
pour l’État ne serait que de à 6,59
M€.
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 17
département du Nord et pris en charge par la direction régionale des
finances publiques des Hauts-de-France pour le recouvrement auprès de la
société SAMP de la somme de 812 100 €.
La DGT
n’a pas fait appel du
jugement pour deux raisons : la très faible chance de succès, le tribunal de
1
ère
instance ayant fondé sa décision sur un vice de forme substantiel, et
l’absence de garantie de l’intégration de la créance dans la procédure, la
société étant en cours de liquidation. À
juste titre, la DGT a estimé qu’il
était préférable de ne pas engager inutilement des frais additionnels.
La décision d’admission en non
-valeur a été constatée par le DRFiP
des Hauts de France le 3 novembre 2021 «
e
n l’absence de l’autorité
compétente
», le ministre de l’économie et des finances n’ayant pas pris de
décision formalisée à ce sujet. Ce dossier soulève deux questions :
-
d’un point de vue formel, aucune décision du DGT, ordonnateur
du compte de commerce, n
’a été produite
; or le mandat
d'admission en non-valeur doit faire suite à la décision de
l'ordonnateur d'annuler tout ou partie des créances que le
comptable a pu juger irrécouvrables ;
-
la procédure de liquidation de la SAMP a été déclarée le 27 juin
2017 et la déclaration de la créance effectuée le 2 octobre 2017 ;
ce
dossier
est
ancien
et,
à
aucun
moment,
le
risque
d’irrecouvrabilité de cette créance n’a été retranscrit dans la
comptabilité du compte de commerce. Il a fallu attendre
l’inscription de l’a
dmission en non-valeur de 812
100€ dans
CHORUS le 29 novembre 2021 pour qu’elle soit suivie en
comptabilité. Natixis, qui a la charge du suivi financier du compte,
n’assure aucune diligence à ce sujet.
L’année dernière la Cour avait préconisé de mettre en
place un
indicateur spécifique de suivi des non recouvrements de créances en
distinguant les différentes causes et assurer une actualisation du suivi de
ces créances ainsi qu’une présentation systématique de ce suivi au comité
de gestion de ce dispositif et dans le rapport annuel de performance. La
DGT, qui avait annoncé que cette recommandation avait été prise en
compte dans le cadre de l’amélioration du dispositif de l’article
90 et qu’un
nouvel indicateur serait mis en place
13
, s’est engagé
e à faire figurer
l’ensemble de ces informations dans le prochain RAP en application des
recommandations de la Cour.
Pour autant, en l’état actuel des choses, la comptabilité du compte
de commerce ne permet pas d’envisager la prise en compte des créances
manifestement
irrécouvrables
qui
sont
suivies
par
les
services
départementaux de la DGFiP mais ne sont pas retranscrites dans la
13
Cf. annexe n° 1 Suivi des recommandations 2019
recommandation n° 4.
18
COUR DES COMPTES
comptabilité de l’
État en tant que créances douteuses ou litigieuses (compte
416 « clients douteux ») et ne font l’objet d’une provision pour
dépréciation
que
s’il existe un risque de perte probable.
V -
Des dépenses à un niveau très bas
La programmation des dépenses de la LFI, telle qu’elle a été établie
par la direction générale de l’armement, la direction générale du Trésor et
leur prestataire bancaire, retenait un montant de 11,90
M€ pour 2021, d’un
niveau comparable à la prévision
2020 qui s’établissait à 12,5
M€.
En regard, les dépenses réalisées en 2021 ne sont que de 2,73 M€
(contre 6,4
M€
14
en 2020). Elles sont largement inférieures aux prévisions,
malgré un nombre de contrats signés équivalent à celui de
l’année
précédente (5 en 2021, concernant 3 entreprises, contre 6 en 2021). Les
contrats effectivement signés en 2021 représentent 2 M€, soit 75% des
dépenses ; le reliquat découle du versement de soldes dus au titre de
contrats rattachés aux exercices
2019 ou 2020. D’autres candidatures n’ont
pu aboutir dans les délais de la gestion mais devrait porter leurs fruits en
2022
. Il en ressort un taux d’exécution de la LFI particulièrement faible de
22% de la prévision (contre 50
% l’année dernière, niveau qui était déjà
considéré comme plutôt bas), dont les ¾ sont rattachables à des contrats
signés au cours de l’exercice
.
Malgré les explications apportées, notamment les effets de la crise
sur le rythme des demandes exprimées et la concurrence d’autres aides
bancaires, dont les
prêts garantis par l’État, il est à craindre
que le faible
niveau de décaissement de prêts soit révélate
ur d’
une réelle désaffection à
l’égard des avances accordées par le compte de commerce.
VI -
La soutenabilité du compte
A -
Le solde cumulé du compte de commerce
La situation du compte de commerce apparaît très favorable avec un
résultat excédentaire de 3,00
M€
, au
titre de l’exercice sous revue,
et une
14
Dont 4,17
M€ au titre de nouveaux contrats et 2,25
M€ correspondant à des
versements complémentaires.
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 19
trésorerie de 112,66 M€ (elle était de 109,64
M€ au 31
décembre 2020 -
cf. tableau n° 1
supra
).
Cette situation financière relevée lors de l’analyse de l’exécution
budgétaire des années 2019 et 2020 avait déjà conduit la Cour à
s’interroger sur le montant de trésorerie disponible pour aider les
entreprises exportatrices en l’absence de perspective d’activité soutenue,
en vue éventuellement de le diminuer.
B -
Une réforme pour renforcer l’attractivité du compte
de commerce
À la demande de la direction générale du Trésor, le contrôle général
économique et financier a réalisé un audit conseil sur l’attractivité de la
procédure de l’article
90 dont les conclusions rendues en janvier 2020
esquissent deux scenarii :
-
Le premier
envisage l’abandon du dispositif en faisant appel à
d’autres supports de soutien à l’export tels que les prêts ou les
garanties avec transfert des ressources du compte de commerce
au budget général.
-
Le second préconise de maintenir le dispositif en recentrant son
activité sur les très petites, petites et moyennes entreprises ainsi
que sur les entreprises de taille intermédiaire et en renforçant
son attractivité notamment par une clarification et une extension
des dépenses éligibles, actuellement circonscrites aux charges
d’industrialisation.
Ce second scenario servirait de base de référence à un projet de
réforme qui envisagerait notamment de réviser le taux d’intérêt pratiqué
15
et d’adapter le montant des redevances suivant la taille des entreprises.
Pour a
utant, malgré la crise sanitaire, et le besoin signalé d’aider les
petites et moyennes entreprises du secteur de l’armement, le dispositif
d’aide créé par la loi de finances de 1963 n’a manifestement pas attiré les
demandes. Il aurait dû avoir un effet contra-cyclique, mais les projets qui
auraient dû voir le jour ont été reportés par les entreprises du secteur. Au
vu de la faible attractivité de ces prêts, la Cour souligne tout l’intérêt de la
démarche entreprise par le ministère qui doit continuer à s’int
erroger sur
15
TEC 10 + 2 points. Le taux de l'échéance constante (TEC) à 10 ans est un indice
quotidien des rendements des emprunts d'État à long terme. Il correspond au taux de
rendement actuariel d'une obligation du Trésor fictive dont la durée serait de 10 ans
(
source : rapport au-
dit conseil CGEFI sur l’attractivité de la procédure de l’article
90
janvier 2020
).
20
COUR DES COMPTES
les conditions d’octroi
des prêts, le coût de ce dispositif voire la
gouvernance générale de cet ensemble.
C -
Le suivi de l’encours
L’encours
16
, solde entre les avances allouées et les remboursements
de capital perçus sur l’année
, ainsi que des expirations du délai de 15 ans
et des abandons de créances, a continué de diminuer en 2021 pour atteindre
près de 60,94 M€ dans les comptes du comptable assignataire du compte
de commerce. En regard, l’encours suivi par Natixis est de 56,36 M€.
L’écart de 4,5
8
M€ entre le montant de l’encours du compte bancaire,
détenu auprès du prestataire Natixis
, et celui figurant dans CHORUS s’est
réduit par rapport à 2019 (12,95
M€) et à 2020 (7,41 M€).
Tableau n° 2 :
Suivi de l’encours
du compte de commerce
Encours au 31
décembre
2018
2019
2020
2021
Comptabilité
de
Natixis
82,10 M€
70,25 M€
68,48 M€
56,36 M€
Comptabilité
CBCM
(CHORUS)
89,49 M€
83,20 M€
75,89 M€
60,94 M€
Écart
7,39 M€
12,95 M€
7,41 M€
4,58 M€
Source : direction générale du Trésor.
Les causes de ces écarts répétitifs
17
tiennent à la différence de
comptabilisation entre le suivi de l’opérateur bancaire et les comptes du
comptable public. Il s’agit notamment des abandons de créances qui sont
immédiatement sortis du suivi bancaire alors qu’ils ne sont constatés en
comptab
ilité publique que lorsque l’admission en non
-valeur est prononcée
(2,859 M€ en 2021)
. Il concerne également le traitement différencié des
créances
d’entreprises
entrées
en
procédure
collective,
retirées
16
L’encours ne comprend ni le produit des intérêts ni les recettes issues des redevances
car ce sont des accessoires au montant de l’avance versée.
17
Ainsi qu’un traitement différencié des créances d’entreprises entrées en procédure
collective et des décalages temporels d’opérations (Cf. note d’analyse d’exécution
budgétaire 2019).
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 21
immédiatement de l’encours bancaire dès l’ouverture
mais uniquement au
terme de la procédure en comptabilité publique.
L’état de rapprochement établi au 31
décembre de l’exercice permet
d’expliciter ces écarts.
La Cour avait recommandé de formaliser ce rapprochement et de le
présenter dans le rapport annuel de performance en 2020, et avait réitéré ce
souhait l’an dernier
18
. Ce rapprochement qui constitue un outil très utile
pour la gestion interne, est
désormais formalisé par l’ordonnateur.
18
Cf. annexe n° 1 sur le suivi des recommandations 2019
recommandation n° 3.
22
COUR DES COMPTES
Chapitre II
La conformité aux principes et règles du
droit budgétaire
I -
La gouvernance du compte de commerce
En 2021, la gouvernance du compte de commerce n’a pas connu de
modifications. Lors du précédent exercice, la Cour s’était interrogée sur la
distinction effective des fonctions de la commission consultative, présidée
par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et
décisionnelle impartie à la direction générale du Trésor, ordonnateur du
compte de commerce et membre de ladite commission. En effet, les
décisions d’attribution d’avance remboursable sont arrê
tées après avis de
la commission. Elle appelait aussi à préciser le rôle de la commission étant
donné qu’elle se «
prononce
»
19
sur l’abandon définitif par l’État d’une
créance qu’il détient sur une entreprise entrant en procédure collective.
Le guide de procédure du compte de commerce a été modifié dans
la perspective de fluidifier la procédure et d’en améliorer l’attractivité.
Il
reprend ainsi plusieurs modifications
des principes de mise en œuvre du
dispositif, adoptées en 2021 :
-
La définition de
l’assiette des dépenses éligibles a été élargie aux
frais découlant de la commercialisation du produit (déplacements
et séjours à l’étranger, création d’un service export, dépenses
marketing, études de marché, conseils juridiques, publicité,
création de site internet) et aux coûts de mise en conformité à la
règlementation de fabrication et de commerce des matériels de
guerre ;
-
Le renforcement de l’analyse financière des candidats par
Natixis,
agissant «
en tant qu’opérateur gestionnaire de la procédure
» ;
19
Cf. note d’analyse de l’exécution budgétaire
2019 se référant au relevé de conclusions
du 29 mai 2019 relative à la réunion du 19 avril 2019.
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 23
-
Quelle que soit la taille de la société candidate, la quotité financée
standard est désormais fixée à 60% de l’assiette éligible et peut,
suivant
les
cas,
être
modulée,
jusqu’à
65% (elle
était
préalablement limitée à 50% pour les grandes entreprises et 60%
pour les PME) ;
-
Le taux d’intérêt
est réduit en passant à TEC10
moy
+ 1.5% en lieu
et place de TEC10
moy
+ 2%, TEC10
moy
étant la moyenne de
l’indice TEC10 sur les trois derniers mois. Si la valeur de
TEC10
moy
est négative, elle est fixe à 0 ;
-
La durée maximum des contrats est fixée à 12 ans (au lieu de 15
ans), à partir de la date du dernier versement ;
-
La
rémunération due à l’État, qui était qualifiée de «
redevance »,
est désormais nommée «
prime d’intéressement
» ; elle est réduite
à la moitié du taux de remboursement (elle lui était égale
auparavant) ;
-
Aucune majoration n’est désormais appliquée au remboursement
anticipé de l’avance.
La dernière version du guide de mise en œuvre de la procédure a été
approuvée le 16 décembre 2021, selon la DGT.
Pour auta
nt, si la procédure et les conditions d’octroi des prêts font
l’objet d’un guide ad hoc
rédigé par la commission, les règles financières
et comptables du commerce, et notamment celles figurant dans le guide, ne
sont pas clairement définies. Le suivi du com
pte de commerce s’inscrit
dans une logique de comptabilité de caisse à caractère annuel. Le CBCM
ne dispose que des informations provenant de Natixis, qui se limitent à des
décaissements infra-
annuels et des recouvrements. D’autres informations
comptables
n’apparaissent pas, ainsi
:
-
L’avance de 2,5 M€ accordée à Natixis n’est pas intégré
e dans le
suivi du compte de commerce (elle figure dans la comptabilité de
l’
État, sous la qualification de « provision », en crédit du compte
n°54153) ;
-
Les créances dont l
e caractère recouvrable n’est plus certain
;
celles-ci ne sont pas suivies en tant que telles et elles
n’apparaissent que lors de la procédure d’admission en non
-
valeur, qui est toujours très tardive (pour SAMP, quatre ans entre
le constat de mise en liqui
dation de l’entreprise et la décision de
mise en valeur) ;
-
Les mesures particulières accordées à divers titres aux entreprises
(suspension ou moratoires sur les intérêts, report de la date de fin
d’exécution des travaux, abandon du remboursement du capital
en
cas d’insuccès du projet export, avant l’échéance ou à l’échéance
24
COUR DES COMPTES
…etc.) ne sont pas suivies en comptabilité et leur effet financier
n’est jamais quantifié.
Par ailleurs, la prévision financière des recettes par projet sur plusieurs
années n’est pas suivie. Quant à la performance de l’ensemble, elle devrait
s
’exprimer
par une cible quantitative voire qualitative de dossiers à réaliser.
Enfin, il existe
un vrai besoin d’une instruction financière fixant les règles
de fonctionnement du compte de commerce ainsi que les délégations de
pouvoir accordées à chaque acteur. Ce dernier point soulève la question de
la gouvernance générale de cet ensemble. Bien que le DGT soit
formellement l’ordonnateur du compte de commerce n°904, dans les faits
il apparait que l’i
nitiative du choix et de la gestion des dossiers appartient
aux services de la direction générale de l’armement. La prise de décision
réelle se fait au sein de la commission consultative présidée par le SGDSN.
D’ailleurs, les comptes
-rendus ne manquent pas de mentionner que
« la
commission
décide…
» quant aux décisions financières, elles sont prises
sous la forme d’un guide placé sous l’autorité et le timbre de la
commission.
II -
La convention passée avec Natixis
Dans les précédentes notes d’analyse de l’exécut
ion budgétaire de
2018 et 2019, la Cour relevait un risque de non-conformité aux règles de
la commande publique du recours à un établissement bancaire sans mise
en concurrence, à l’occasion de la reconduction en 2019 de la convention
avec l’actuel prestataire, sans démonstration de l’existence d’une relation
de quasi-régie. Ce risque avait été également soulevé dans un avis de la
direction des affaires juridiques de 2015 comme le rappelait les notes
d’analyse
d’exécution budgétaire de 2019
20
et de 2020.
Contestant cette lecture, la direction générale du Trésor, a pu
estimer que :
-
dans un premier temps, le recours à Natixis relevait d’une
situation de quasi-régie ;
-
puis, l’an dernier, elle a considéré que cette relation s’inscrivait
dans le cadre d’une dél
égation de mission de service public par
un acte unilatéral et, à ce titre, était dépourvue de nature
contractuelle ;
20
« (...) une note de la DAJ des ministères économiques et financiers n°2015-04604-
COJU du 15 juin 2015 (
…) mentionne que
«
l’attribution par la loi, de missions de
gestion de procédures financières à Natixis doit être justifiée au regard du droit de la
commande publique
».
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 25
-
enfin, en décembre 2021, dans une réponse à la procureure
générale
21
, elle a fait évoluer sa position en indiquant que
«
l’absence de mise
en concurrence était justifiée au regard du
droit européen par l’exception de dévolution d’une mission de
service public relevant d’un acte unilatéral de l’
État, traduit
par la loi (considérant 34 de la directive 2014/24/UE)
»
22
.
Cette nouvelle position sup
pose de s’assurer que l’article n°41 de la
loi de finances rectificatives pour 1997 du 29 décembre 1997 qui confie à
Natexis cette mission :
-
est effectivement conforme avec le traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne
, notamment en ce qu’il est repris par l’ordonnance
n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
-
s’applique à Nat
ixis
23
, structure distincte de Natexis
24
, société
initialement visée par la LFR de 1997.
En tout état de cause, aucun argumentaire satisfaisant n’a été fourni
pour justifier l’attribution d’un contrat à Natixis sans faire application des
règles de publicité et de mise en concurrence imposées par les directives
communautaires.
Dans sa réponse à la communication de la procureure générale
25
, la
directrice générale adjointe a annoncé son intention
de confier l’ensemble
des opérations à un autre prestataire à l’échéance de cette convention, qui
est prévue le 31 décembre 2022. Elle envisagerait ainsi de recourir à une
forme de quasi-régie
ou, à défaut, de s’engager enfin dans une procédure
de mise en concurrence. Enfin, dans un courrier adressé à la Cour le 14
mars 2022, la directrice générale a très nettement confirmé sa volonté de
21
Lettre de la directrice générale adjointe du Trésor en date du 1
er
décembre 2021 en
réponse à la communication de la procureure générale du 7 juillet 2021.
22
Article 34 de la DIRECTIVE 2014/24/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU
CONSEIL du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la
directive 2004/18/CE
:
«
Il existe des cas où une entité juridique agit, en vertu des
dispositions pertinentes du droit national, en tant qu’instrument ou service technique
pour le compte de pouvoirs adjudicateurs donnés et est contrainte d’exécuter les
instructions que ceux-ci lu
i donnent, sans avoir d’influence sur la rémunération de sa
prestation. Compte tenu de son caractère non contractuel, cette relation purement
administrative ne devrait pas relever du champ d’application des procédures de
passation de marchés public ».
f
23
En 2006, le groupe Caisse d'Épargne et le groupe Banque populaire rapprochent
leurs banques d'investissement, respectivement Ixis CIB et Natexis Banques populaires.
À cette occasion, Natexis devient Natixis, qui est alors 'introduit en bourse. Natixis est
détenue à parité avec 35 % du capital chacune par la Caisse nationale des Caisses
d'Épargne et la Banque Fédérale des Banques populaires.
24
En 1996, Natexis SA est créée à la suite de la fusion de la BFCE (Banque française
du commerce extérieur) et du Crédit national.
25
Lettre de la directrice générale adjointe du Trésor en date du 1
er
décembre 2021
26
COUR DES COMPTES
s’engager dans le
transfert des missions de service public actuellement
assurées par Natixis pour les confier à un opérateur public, sous couvert
d’une quasi
-régie.
De son côté, la direction du budget partage la position de la Cour.
La Cour
prend acte de l’engagement de la
DGT. Pour autant, elle
réitère sa recommandation
et s’attachera à examiner l’avancement de ce
projet de transfert l’an prochain, à l’occasion de l’examen de la gestion
2022.
Recommandation n°
1 : (destinataire : direction générale du
Trésor)
S’assurer de la conformité aux règles de la commande
publique des modalités du recours à un établissement
bancaire (réitérée)
III -
L’éventuelle transformation en compte
d’opérations financières
Dans ses précédentes notes sur les exercices 2018, 2019 et 2020, la
Cour avait relevé que le recours à un compte de commerce pour autoriser
le financement de projet industriel de matériel de guerre et assimilé,
développé par des entreprises françaises, est le fruit d’une pratique
historique qui a été définie sous l’égide
de l’ordonnance de 1959. Une
actualisation paraît nécessaire pour prendre en compte les dispositions du
nouveau référentiel établi par la loi organique du 1
er
août 2001 relative aux
lois de finances qui prévoit, dans ses articles 20 et 22 :
-
qu’un compte
de commerce retrace des opérations de caractère
industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des
services de l'État non dotés de la personnalité morale ;
-
qu’
il est interdit d'exécuter, au titre de ce compte, des opérations
d'investissement financier, de prêts ou d'avances, ainsi que des
opérations d'emprunt (sauf dérogation prévue en loi de
finances) ;
-
seul le solde de chaque compte spécial est reporté sur l'année
suivante
, ce qui soulève la question de l’en
-cours du compte de
commerce n°904.
Au vu des spécificités de ce compte spécial, elle recommandait de
transformer le compte de commerce en compte de concours financiers, qui,
par nature, « retrace les prêts et avances consentis par l'État » (article 24 de
la LOLF).
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 27
De son côté, la DGT a fait modifier la
rédaction de l’article 20 de la loi
de finances rectificative pour 1964 (loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964),
qui organise le dispositif budgétaire en appui du dispositif d’avances aux
entreprises, par le biais de la loi de finances pour 2019. Avec cette nouvelle
rédaction, l’article 20
mentionne désormais explicitement :
-
L’ouverture dans les écritures du Trésor d’un
compte spécial de
commerce
géré par le ministre des finances et des affaires
économiques et intitulé : "Lancement de certains matériels de
guerre et matériels assimilés et de certains matériels d'armement
complexes".
-
Ce compte retrace en dépenses,
le versement des avances
mentionnées au I de l’article 5 de la loi n° 63
-1293 du 21 décembre
1963, et, en recettes, le produit du remboursement en capital et
intérêts des avances consenties, ainsi que toute autre recette perçue
au titre de ces avances
Cette nouvelle rédaction de l’article 20 constitue ainsi une réponse
à l’obligation de la LOLF de mentionner, dans une loi de finances, une
dérogation à l’interdiction d’exécuter, au sein d’un compte de commerce,
des opérations de prêts ou d’avance. De ce fait, la recommandation
de la
Cour
doit être considérée comme mise en œuvre.
28
COUR DES COMPTES
Annexe n° 1 :
: Suivi des
recommandations formulées au titre de l’exécution budgétaire
2021
Recommandation formulée au sein
de la note d’exécution budgétaire
2020
Réponse de l’administration
Analyse de la Cour
Appréciation par
la Cour du degré
de mise en
œuvre*
1
(Destinataires : direction générale du
Trésor) s’assurer de la conformité aux
règles de la commande publique des
modalités du recours à un établissement
bancaire. (réitérée)
Cf. courrier de réponse à la Procureure générale en date du 1er décembre
2021 et réponse de la DGT en date du 14 mars 2022
La DGT
annonce qu’elle souhaite revoir sa
relation avec Natixis avec la perspective du
recours à une quasi-régie en 2023.
mise en œuvre en
cours
2
(DGT) transformer le compte de
commerce en compte de concours
financiers.
Cf. courrier de réponse à la Procureure générale en date du 1er décembre
2021 et réponse de la DGT en date du 14 mars 2022.
Nouvelle rédaction de l’article 20 de la LFR
de 1964 fonde une dérogation à la LOLF
permettant d’assurer des opérations de prêts
via un compte de commerce.
Totalement mise
en œuvre
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS
29
3
(DGT) mettre en place un indicateur
spécifique de suivi des non
recouvrements de créances en distinguant
les différentes causes et assurer une
actualisation du suivi de ces créances
ainsi qu’une présentation systématique de
ce suivi au comité de gestion de ce
dispositif et dans le rapport annuel de
performance. (réitérée car en cours de
mise en oeuvre).
Le nouveau guide de mise en œuvre de la procédure Article 90 prévoit
un renforcement du suivi des abandons de créance dernier guide daté du
16 décembre 2021. Le suivi des non recouvrements sera mis en place en
2022.
Sous réserv
e du contrôle de l’effectivité de
l’engagement de la DGT
à l’occasion du
prochain RAR, cette recommandation peut
être considérée comme mise en œuvre
Totalement mise
en œuvre
*
Totalement mise en œuvre, mise en œuvre incomplète, mise en œuvre en cours, non mise en œuvre, refus, devenue sans objet
30
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 :
: Réponse de la DGT à la
communication de la procureure générale
LANCEMENT DE CERTAINS MATÉRIELS DE GUERRE ET MATÉRIELS ASSIMILÉS 31
32
COUR DES COMPTES