S 2022-0863
Mission Plan d’urgence face à
la crise sanitaire
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire
2021
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
2
COUR DES COMPTES
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
Programme 356 –
Prise en charge du dispositif exceptionnel de
chômage partiel et financement des aides d’urgence aux
employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire
Programme 357 –
Fonds de solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
Programme 358 –
Renforcement exceptionnel des participations
financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire
Programme 360 –
Compensation à la sécurité sociale des
allègements de prélèvements pour les entreprises les plus
touchées par la crise sanitaire
Programme 366 –
Matériels sanitaires pour faire face à la crise
de la Covid-19
Graphique n° 1 : Mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire -
exécution 2021 (CP, en Md
€
)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
3
Synthèse
Une mission visant à soutenir les entreprises particulièrement
touchées par la crise sanitaire, plus de 76 Md
€
dépensés depuis sa
création
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire,
créée en mars
2020 dès le premier confinement, visait à l’origine à prendre en charge
deux dispositifs de soutien aux entreprises : le dispositif exceptionnel
d’activité partielle (programme 356) et le fonds de solidarité destiné aux
entreprises touchées par une perte importante de chiffre d’affaires
(programme 357). Deux nouveaux programmes ont été ajoutés au cours de
l’année 2020, le premier visant à financer les prises de participation
exceptionnelles de l’État (programme 358) dans le cadre de la crise et le
second ayant notamment pour objet de compenser les exonérations
exceptionnelles de cotisations et de contributions sociales patronales
(programme 360).
En 2021, un cinquième programme a été créé en LFI, afin de
financer l’acquisition de masques textiles grand public pour les personnes
précaires et les agents de la fonction publique d’État ainsi que de tests
antigéniques pour les agents de l’État (programme 366).
En 2020, les dépenses effectives de la mission s’étaient élevées à
41,8 Md
€
en crédits de paiement (CP). En 2021, elles ont atteint 34,4 Md
€
(pour 42,2 Md
€
de crédits disponibles). Pour avoir une vue d’ensemble des
dépenses d’urgence, il convient de prendre en compte aussi 3,74 Md
€
de
crédits consommés sur le programme 364
Cohésion
de la mission
Plan de
relance
afin de financer le dispositif d’activité partielle d’urgence.
Des reports de crédits de 2020 vers 2021 d’une ampleur inédite,
des crédits ouverts en LFI insuffisants
La totalité des crédits non consommés au titre de la mission en 2020
(28,8 Md
€
en AE et en CP) a été reportée en 2021. Au total, la seule
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
représente plus des deux
tiers des crédits de paiement (CP) du budget de l’État reportés de 2020 vers
2021 (43,8 Md
€
).
Dans son rapport sur le budget de l’État en 2020, la Cour a estimé
« qu’il aurait été possible de ne pas reporter les crédits excédentaires pour
l’exercice 2020 et que les crédits nécessaires en 2021 auraient dû être
ouverts et justifiés en loi de finances initiale, ce qui aurait permis d’éviter
4
COUR DES COMPTES
une certaine confusion des exercices, contraire au principe d’annualité
budgétaire, et d’affecter la portée de l’autorisation parlementaire ».
De fait, seulement 6 Md
€
d’autorisations d’engagement (AE) et de
crédits de paiement (CP) ont été inscrits en LFI pour 2021, par amendement
au cours de la procédure parlementaire pour le fonds de solidarité
(5,6 Md
€
) et un nouveau programme d’achat de masques et de tests
antigéniques (430 M
€
). Des dépenses certaines en 2021 n’ont pas été
budgétisées, à l’image de l’aide exceptionnelle aux actifs « permittents » et
de la prise en charge d’une fraction du coût des congés payés dans certains
secteurs, deux dispositifs créés en LFI 2021 et portés par le programme 356
–
Chômage partiel et aides d’urgence.
Par ailleurs, le programme 357 –
Fonds de solidarité
a bénéficié de
6,6 Md
€
de reports en provenance de deux autres programmes budgétaires
1
de la mission, ce qui constitue une entorse au principe de spécialité des
crédits.
Au total, les crédits votés par le Parlement ne représentent que 17 %
du total des crédits disponibles de la mission en début de gestion 2021
(34,9 Md
€
). Plus des deux tiers des reports ont servi à financer des
dépenses nouvelles au titre de l’année 2021 et non des restes à payer au
titre de l’année 2020.
En gestion, des difficultés tenant au défaut de programmation
initiale, des modalités de financement critiquables
Si l’incertitude de la situation sanitaire peut expliquer pour partie
ces défauts de programmation initiale, l’insuffisance des crédits ouverts en
LFI a eu pour conséquence de complexifier la gestion infra annuelle en
2021. En effet, dès le mois de mai 2021, un décret d’avance a dû procéder
à l’ouverture de 6,7 Md
€
de crédits au titre du fonds de solidarité et
0,5 Md
€
au titre du programme 356 –
Chômage partiel et aides d’urgence,
intégralement compensée par une annulation équivalente de crédits au titre
du programme 358 –
Participations financières exceptionnelles
(7,2 Md
€
)
.
Afin de compenser la faiblesse de la programmation initiale et en
complément des crédits ouverts par décret d’avance, la première loi de
finances rectificative de 2021 (LFR 1) a procédé à 9,8 Md
€
d’ouvertures
de crédits au titre de la mission.
Une partie de ces besoins était prévisible et aurait dû être couverts
par des crédits ouverts en LFI ou, à défaut, par des reports 2020. Or, les
1
2,3 Md
€
ont été reportés depuis le programme 356 –
Chômage partiel et aides
d’urgence
et 4,3 Md
€
depuis le programme 360 –
Compensation des exonérations de
cotisations sociales.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
5
programmes 356 et 360 ayant vu une partie de leurs crédits non consommés
en 2020 reportés en direction du fonds de solidarité, ils disposaient de ce
fait de marges de man
œ
uvre plus réduites.
La LFR 2 a quant à elle tiré les conséquences de l’exécution
budgétaire et a procédé à des annulations d’un montant de 2,6 Md
€
au titre
de la mission ainsi qu’à un abondement de 0,5 Md
€
du programme 360 –
Compensation des allègements de prélèvements
considérant la mise en
œ
uvre de nouveaux dispositifs liés à la cinquième vague de l’épidémie.
Au-delà de ces difficultés de gestion, le défaut de programmation
initiale au titre de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a
amené le Gouvernement à devoir financer au moyen de crédits d’un autre
programme budgétaire une partie des dépenses liées à l’activité partielle
d’urgence, normalement financée par le programme 356 –
Chômage
partiel et aides d’urgence.
Le programme 364 –
Cohésion,
relevant de la
mission
Plan de relance,
a ainsi dû être mis à contribution à hauteur de
3,7 Md
€
pour financer le dispositif d’activité partielle d’urgence. Il s’agit
là encore d’une entorse au principe de spécialité budgétaire.
Au total, la mission a consommé en 2021 34,4 Md
€
de CP sur un
total de 42,2 Md
€
de crédits disponibles, soit un taux d’exécution de
81,5 %.
Un rythme de dépenses de soutien aux entreprises plus linéaire
qu’en 2020
L’année 2021 s’est caractérisée par une trajectoire de décaissement
des crédits de la mission relativement lisse, sous l’effet d’une plus grande
stabilité des contours et des conditions d’éligibilité au fonds de solidarité.
Ils avaient en effet beaucoup évolué en 2020 expliquant les « à-coups »
constatés au cours de cet exercice. Près de 80 % des dépenses de la mission
étant portées par le programme 357 –
Fonds de solidarité,
son profil de
décaissement influence ainsi largement celui de la mission.
Une décélération est à noter à compter du début du second semestre
2021, sous l’effet de la levée progressive à l’été d’une partie des contraintes
sanitaires et de la mise en extinction d’une large part des dispositifs portés
par le programme 357.
97 % des dépenses de la mission sont des dépenses d’intervention
(titre 6), qui visent à apporter un soutien, direct ou indirect, aux entreprises
affectées par la crise sanitaire. Ces dernières peuvent en effet bénéficier du
fonds de solidarité (programme 357), du dispositif d’activité partielle
(programme 356), d’exonérations de cotisations (programme 360) ainsi
6
COUR DES COMPTES
que de diverses aides plus spécifiques à certains types d’entreprises ou à
certains secteurs.
Un programme 356 -
Prise en charge du chômage partiel et
financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires
à la suite de la crise sanitaire
affecté par la persistance de la crise
sanitaire et aux crédits n’ayant couvert qu’une partie des dépenses au
titre des dispositifs du programme
Le programme 356 avait constitué, en 2020, le principal support des
dépenses d’activité partielle d’urgence instaurée pour atténuer les effets de
la crise sur l’emploi. Il n’avait plus vocation, en 2021, qu’à financer les
restes à payer des dépenses 2020, le programme 364
Cohésion
de la
mission
Plan de relance
assurant le financement des deux dispositifs
destinés à se substituer à l’activité partielle de crise : l’activité partielle de
longue durée (APLD) et l’activité partielle de droit commun avec des taux
minorés de prise en charge de l’allocation employeur et des indemnisations
aux salariés. Son financement devait être assuré par les seuls reports de
crédits de 2020.
Dès la discussion parlementaire sur le PLF, le périmètre du
programme a été élargi, avec l’inscription de deux nouvelles actions
engendrant des dépenses supplémentaires estimées à au moins 640 M
€
:
l’indemnisation aux employeurs du coût des congés payés pris par les
salariés placés en activité partielle au printemps 2020 et la mise en place
d’un dispositif spécifique pour les actifs dits « permittents ». Aucun crédit
supplémentaire n’avait pour autant été voté. Le financement d’actions
nouvelles par les reports de crédits 2020 constitue une entorse au principe
de spécialité.
La reprise épidémique de l’automne 2020 et sa persistance jusqu’au
printemps 2021 ont conduit le gouvernement à prolonger l’activité partielle
d’urgence bien au-delà des prévisions initiales. Dès le premier trimestre
2021, les besoins de financement ont excédé les crédits disponibles sur le
programme et sur la trésorerie de l’ASP et rendu nécessaire la mobilisation
d’autres sources de financement.
Dans l’urgence, les crédits du programme 364 destinés à l’activité
partielle de longue durée (APLD) ont été mobilisés à hauteur de 3,74 Md
€
en AE et CP. Ce changement de destination a été réalisé sans respecter le
principe de spécialité budgétaire, qui aurait dû conduire à un transfert de
crédits du programme 364 vers le programme 356. L’amendement voté
dans le cadre de la discussion du PLF 2021 en vue d’élargir l’utilisation
des crédits du programme 356 au financement des aides aux actifs
« permittents » et des congés payés de certaines professions, qui rappelle
dans son exposé que «
les programmes 356 et 364 assureront le
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
7
financement des différents régimes d’activité partielle
», ne saurait être
interprété comme autorisant l’élargissement de l’utilisation du programme
364 de la mission
Plan de relance
au financement de l’activité partielle
d’urgence. Cette entorse aux principes de la LOLF n’a pas été corrigée par
la suite : en sus de l’ouverture opérée par le décret d’avance du 19 mai 2021
de 0,5 Md
€
, la LFR 1 a simultanément ouvert 2,2 Md
€
de crédits sur le
programme 356 pour financer les dépenses à venir et 4,14 Md
€
sur le
programme 364 pour compenser l’avance de crédits du premier trimestre.
Dès la fin du printemps 2021, l’amélioration plus rapide
qu’anticipée de la situation économique a entraîné une baisse du recours à
l’activité partielle de crise. La LFR 2 en a partiellement tiré les
conséquences, en procédant à une annulation de 1,39 Md
€
. Le taux
d’exécution du programme n’en demeure pas moins faible, avec une
consommation d’un peu plus des deux tiers des crédits disponibles
(68,5 %). Comme en 2020des actions programmées en 2022
seront
financer par
le report de crédits non consommés en 2021 sur 2022 non par
des crédit ouverts en LFI pour 2022. Cette situation, constitue une entorse
au principe d’annualité budgétaire.
En fin de compte, le programme 356 donne une vision partielle de
la réalité des dépenses d’activité partielle d’urgence en 2021. En intégrant
le financement opéré par la mission
Plan de relance
, les dépenses totales
de l’État s’élèvent à 4,80 Md
€
, dont seulement 22,1 % (1,06 Md
€
) portés
par le programme 356. Dans le même temps, l’exécution du programme
364 de la mission
Plan de relance
en est artificiellement augmentée de
3,74 Md
€
.
Un programme 357 –
Fonds de solidarité
aux crédits consommés
multipliés par deux en un an et un risque de fraude avéré mais
d’ampleur modérée
Bien que le fonds de solidarité « classique » ait représenté 90 % des
crédits de paiement consommés en 2021, des aides complémentaires ont
été créées en cours d’année. Il s’agit notamment des aides « coûts fixes »
prenant en charge une partie des coûts fixes des entreprises interdites
d’accueil du public ou de certains secteurs, qui ont été déclinées en de
nombreux sous-ensembles
2
.
La Cour souligne, ainsi que cela a également été noté à l’échelle de
la mission, que les ouvertures de crédits en loi de finances (LFI et LFR 1
2
Il s’agit des coûts fixes « saisonnalité », « groupe », de l’aide « nouvelle entreprise »
puis, à partir d’octobre 2021 des aides coûts fixes « rebond » et « nouvelle entreprise
rebond » qui se sont substituées aux aides précédentes, elles-mêmes remplacées par les
aides coûts fixes « renfort » et « consolidation ».
8
COUR DES COMPTES
et 2) ont représenté au total moins du tiers des ressources du programme,
les deux autres tiers étant issus de reports 2020 ainsi que d’un décret
d’avance, ce qui limite la portée de l’autorisation parlementaire accordée
lors des votes successifs des lois de finances.
L dépenses du programme 357 –
Fonds de solidarité
ont connu une
nette décélération à compter du début du second semestre 2021, du fait des
évolutions favorables de la situation sanitaire qui ont permis de lever de
nombreuses contraintes applicables au secteur économique. En dépit de
cette décrue des besoins de financement, la Cour souligne que les dépenses
du programme ont été plus de deux fois supérieures en 2021 (26,8 Md
€
) à
ce qu’elles avaient été en 2020 (11,8 Md
€
).
Ceci s’explique essentiellement par l’élargissement des entreprises
éligibles et l’augmentation des aides accordées par le fonds qui ont pu
atteindre jusqu’à 200 000
€
.
À la suite des différents mouvements opérés en cours d’exercice
(ouvertures de crédits par le biais d’un décret d’avance, puis de la LFR 1
et annulations de crédits en LFR 2), les crédits disponibles au titre du
programme se sont élevés à 29,3 Md
€
, dont 26,8 Md
€
ont été consommés.
Considérant les potentiels risques de fraude associés à la mise en
place du fonds de solidarité et de l’ensemble de ses aides « satellites », la
DGFiP a procédé à des contrôles
a priori
permettant de rejeter certains
dossiers inéligibles. En complément, des contrôles a
posteriori
ont été
conduits, qui ont permis d’identifier près de 110 000 demandes
irrégulières, pour un montant de 286 M
€
de titres de recouvrement émis,
dont moins de 23 M
€
avaient effectivement été recouvrés au 31 décembre
2021.
Des prises de participation exceptionnelles (programme 358)
très limitées : une annulation des deux tiers des crédits initiaux
Le programme 358 a fait l’objet de mouvements budgétaires
importants sur l’exercice 2021. Ce programme bénéficiait d’un niveau de
report élevé de 11,696 Md
€
, sur un total de 20 Md
€
ouverts par la LFR 2
pour 2020. Le décret d’avance a ensuite annulé 7,2 Md
€
de crédits sur ce
programme et la LFR a procédé par une annulation complémentaire de
429 M
€
. Au total, les crédits disponibles sur le programme 358 sont passés
de 11,696 Md
€
en début d’année à 4,067 Md
€
en cours d’exercice.
Or, malgré l’annulation de plus de 65 % des crédits initialement
reportés pour ce programme, la sous-exécution reste notable : seuls
672 M
€
de crédits ont été consommés. En effet, les opérations liées à
l’urgence sont restées limitées en nombre et en ampleur en 2021 : le
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
9
complément de soutien à Air France – KLM en avril 2021 n’a nécessité un
abondement du compte d’affectation spéciale « Participations financières
de l’État » (CAS-PFE) qu’à hauteur de 516 M
€
, auquel sont venus s’ajouter
deux autres versements liés à des souscriptions de l’État dans des fonds
sectoriels de soutien.
Comme en 2020, l’aide du programme 358 était conditionnée à
l’intégration
d’objectifs
de
responsabilité
sociale,
sociétale
et
environnementale dans la stratégie, par les entreprises soutenues,
notamment en matière de lutte contre le changement climatique. La
surveillance de cette conditionnalité est passée par la remise au Parlement
d’un rapport écrit par l’APE indiquant l’intégration de ces critères pour les
entreprises. Or ce rapport, qui détaille bien les engagements d’EDF et de
la SNCF soutenues en 2020, n’intègre ni Air France – KLM, ni les
modalités de suivi de ces engagements dans les fonds sectoriels.
Enfin, comme pour les autres programmes d’urgence, les indicateurs
de performance sont relativement peu développés.
Des besoins non traités en LFI au titre de la compensation des
allègements de prélèvements sociaux (programme 360)
Pour le programme 360 –
Compensation à la sécurité sociale des
allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la
crise sanitaire,
les crédits ouverts en LFR 4 de fin de gestion 2020
(4,3 Md
€
) ont été reportés sur le programme 357 -
Fonds de solidarité
et
aucun crédit n’a été parallèlement ouvert en LFI. C’est seulement la LFR 1,
en juillet 2021, qui a ouvert 4 Md
€
de crédits.
Pour autant, ces montants (en complément des 3,9 Md
€
payés en
2020) se sont avérés suffisants pour compenser en 2021 à la sécurité sociale
et à l’Unédic les exonérations, aides au paiement et réductions forfaitaires
de cotisations et contributions sociales mises en place pour aider les
employeurs, travailleurs individuels et artistes-auteurs des secteurs les plus
touchés par la crise épidémique à faire face aux conséquences des pertes
de chiffre d’affaires qu’ils ont subies en 2020 et en 2021.
En fin de gestion 2021, 500 M
€
additionnels ont été ouverts par le
collectif pour faire face aux besoins de compensation en 2022 des
allégements de prélèvements sociaux issus de périodes y ouvrant droit en
2021. Les montants ouverts à ce titre, qui n’ont pas été versés à la sécurité
sociale et à l’Unédic, ont toutefois été déterminés avant le début de la
cinquième vague de l’épidémie, à partir de novembre 2021. Cette vague,
compte tenu du prolongement de dispositifs annoncé par le Premier
ministre mais non encore traduits dans les textes, devrait susciter des
besoins additionnels de crédits qui devront être couverts en 2022.
10
COUR DES COMPTES
Un programme 366 –
Matériels sanitaires pour faire face à la
crise de la Covid-19
destiné à couvrir un besoin spécifique
Ce nouveau programme vise à financer l’achat de masques en textile
pour la protection des agents de l’État et de certains publics en situation de
précarité ou de vulnérabilité. Il a été doté de 430 M
€
et a bénéficié de
98 M
€
de reports du programme 134 sur lequel ces achats avaient été
imputés en 2020. La dépense effective s’est élevée à 308 M
€
, ce qui
représente 60 % des crédits disponibles. Un stock stratégique de plus de
120 millions de masques UNS1 a été constitué, et environ 150 millions de
masques ont été distribués, dont 131 millions pour les publics précaires ou
vulnérables.
La responsabilité du programme a été confiée au secrétariat général
du ministère de l’économie, des finances et de la relance au titre de sa
tutelle sur la direction des achats de l’État, qui assure la passation des
marchés. Le responsable de programme ne dispose toutefois pas de
l’appréciation des besoins en amont des achats, ni de la vision sur les
distributions en aval du stockage, qui relèvent dans les deux cas du
ministère des solidarités et de la santé pour les publics précaires, du
ministère de l’Intérieur pour les agents de l’État et du ministère de
l’Éducation nationale pour les élèves boursiers. Une fois la mission
Plan
d’urgence
mise en extinction, la question des modalités de pérennisation
de cette dépense à finalité interministérielle est donc posée.
Une mission qui a financé des dispositifs déployés très
rapidement et qui ont soutenu très largement le tissu économique
Les entreprises sont nombreuses à avoir bénéficié des différents
dispositifs mis en
œ
uvre par l’intermédiaire de la mission. Depuis son
entrée en vigueur et jusqu’à la fin de l’année 2021, le dispositif d’activité
partielle de crise a été mobilisé par 1,1 million d’entreprises et a permis
d’indemniser 3,3 milliards d’heures.
Le programme 357 –
Fonds de solidarité,
a permis, toutes aides
confondues, de payer plus de 6,3 millions de dossiers en 2020 et
4,5 millions de dossiers en 2021 pour un total de plus de 2 millions
d’entreprises bénéficiaires. Près de la moitié du total des montants versés
en 2020 et en 2021 (38,7 Md
€
) a bénéficié à seulement deux types
d’entreprises particulièrement touchées par la crise : celles relevant du
secteur de l’hébergement et de la restauration et les commerces.
En 2020, le programme 358 –
Participations exceptionnelles,
avait
permis de financer 4 opérations principales (SNCF, Air France-KLM,
Fonds Ace Aéro Partenaires et émission Océane d’EDF) et il aura aidé trois
acteurs en 2021 (Air France-KLM, Fonds d’Avenir Automobile 2 et fonds
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
11
France Nucléaire). Près de 90 % des dépenses au titre du programme se
sont concentrées sur deux entreprises : SNCF et Air France-KLM.
Un impact favorable sur le plan économique, une évaluation des
dispositifs financés par la mission à mener à bien
Le comité de suivi placé auprès du Premier ministre en charge de
l’évaluation des mesures de soutien aux entreprises dans le cadre de la crise
sanitaire a rendu son rapport final le 27 juillet 2021. En dépit de dispositifs
dont la complexité n’a cessé de s’accroître, le comité fait état d’une
évaluation plutôt favorable des mesures de la mission
Plan d’urgence face
à la crise sanitaire.
Il s’appuie notamment sur une étude de la Direction
générale du Trésor (DGT)
3
selon laquelle l’activité partielle aurait permis
de réduire de 2,9 points la proportion d’entreprises insolvables et de
5 points la part des entreprises illiquides et que cet effet serait de 2,1 points
et de 5 points pour le fonds de solidarité. En revanche, les reports et
exonérations de charge n’auraient eu qu’un effet très limité sur la situation
financière des entreprises, réduisant la proportion d’entreprises insolvables
de 0,3 point et la part des entreprises illiquides de 1,7 point, ce qui peut
s’expliquer par leur poids budgétaire bien plus modeste que les deux
dispositifs mentionnés plus haut.
La Cour regrette toutefois que les objectifs et indicateurs de
performance des programmes de la mission ne portent quasi exclusivement
que sur la rapidité de gestion et le nombre de bénéficiaires et ne fassent
plus, pour une large majorité, l’objet d’actualisations annuelles, les rendant
par construction obsolètes. Elle souligne également la nécessité de disposer
d’une évaluation robuste de chacun des dispositifs portés par la mission,
mettant en regard leur impact sur les entreprises avec leur coût ainsi que
les effets d’aubaine et les fraudes constatés.
Des reports importants sur 2022 dont plus de la moitié a servi à
financer des dépenses non liées à l’urgence
6,51 Md
€
en AE et 6,57 Md
€
en CP de la mission ont été reportés
sur 2022. La Cour observe que cette mission fait l’objet d’annulations pour
3,5 Md
€
en AE et en CP dans le décret d’avance du 7 avril 2022. La
publication des arrêtés de reports à la fin du mois de mars et l’élaboration
du projet de décret d’avance étaient concomitantes. La décision de reporter
des crédits, qui suppose en principe l’existence de dépenses à financer, est
contradictoire avec leur annulation immédiate. De fait, les crédits de la
3
Hadjibeyli et al. (2021), « L’impact de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises
françaises », Trésor-Éco, n° 282, Direction générale du Trésor, avril 2021.
12
COUR DES COMPTES
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
non consommés à la fin
de l’année 2021 ont constitué pour moitié une réserve pour financer en
2022 des dépenses d’autres missions, contrevenant ainsi aux principes
d’annualité et de spécialité budgétaires.
Une mission qui a vocation à s’éteindre en 2022
L’objet même de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire,
apporter un soutien financier aux entreprises dans le contexte de la
pandémie de Covid-19, atteste de son caractère conjoncturel et non
pérenne. Aucune ouverture de crédits n’a d’ailleurs été sollicitée en LFI
pour 2022, à l’exception de 200 M
€
d’AE et de CP au titre du programme
366 –
Matériels sanitaires.
La quasi-totalité des dispositifs portés par les
autres programmes étant désormais éteints ou en voie d’extinction, la Cour
souligne la nécessité de supprimer la mission dès la LFI pour 2023.
Le programme 366 ainsi que d’éventuelles aides ou dispositifs
prolongés ou créés ont vocation à être repositionnés au sein de programmes
budgétaires pérennes et, par là même, à réintégrer le périmètre de la norme
de dépenses, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas de la mission. Une
recommandation est formulée en ce sens par la Cour.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
13
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1
(tous les responsables de programme)
:
Supprimer la mission dans le cadre de la LFI pour 2023 et inscrire
les éventuelles dépenses à compter de cette loi de finances au sein
d’autres programmes budgétaires existants (recommandation
nouvelle).
14
COUR DES COMPTES
Sommaire
1
ANALYSE DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE
.......
17
1.1
Une programmation initiale ne reflétant pas la réalité des
besoins de la mission
....................................................................................
17
1.2
Des difficultés liées au défaut de programmation initiale
conduisant à des mesures de gestion parfois critiquables
.............................
20
1.3
Un rythme de dépenses plus linéaire qu’en 2020, une
décélération au cours du deuxième semestre
................................................
25
2
POINTS D’ATTENTION PAR PROGRAMME
........
27
2.1
Programme n°356 – Prise en charge du dispositif exceptionnel
de chômage de chômage partiel et financement des aides d’urgence aux
employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire
..................
27
2.2
Programme n°357 – Fonds de solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
...............................................................................
36
2.3
Programme n° 358 – Renforcement exceptionnel des
participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire
...........
47
2.4
Programme n° 360 – Compensation à la sécurité sociale des
allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la
crise sanitaire
................................................................................................
50
2.5
Programme n°366 – Matériels sanitaires pour faire face à la
crise de la Covid-19
......................................................................................
61
3
DES OBJECTIFS GLOBALEMENT ATTEINTS,
UNE MISE EN EXTINCTION À PRÉVOIR RAPIDEMENT
....
68
3.1
Une mission qui a porté de nombreux dispositifs d’aide mais
une documentation budgétaire à compléter
...................................................
68
3.2
Une mission qui devrait s’éteindre en 2022
.............................
79
Annexe n° 1 : liste des publications récentes de la Cour des
comptes en lien avec les politiques publiques concernées par la
NEB
....................................................................................................
81
Annexe n° 2 : Présentation des aides « satellites » du fonds
de solidarité
.......................................................................................
82
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
15
Introduction
La mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été créée
pendant le premier confinement, par la loi de finances rectificative du
23 mars 2020 (LFR1), afin de faire face à la crise économique résultant de
la crise sanitaire. Mission de soutien d’urgence à l’emploi et aux
entreprises, elle avait pour objectif de rassembler au sein d’un support
budgétaire unique les dépenses d’urgence liées aux mesures de soutien aux
entreprises pendant la crise
4
.
Elle comportait à sa création deux programmes, destinés à financer
le dispositif exceptionnel d’activité partielle et le fonds de solidarité à
destination des entreprises
5
.
La loi de finances rectificative du 25 avril 2020 (LFR2) a ajouté un
troisième
programme
pour
financer
les
prises
de
participation
exceptionnelles de l’État dans le cadre de la crise
6
.
Un quatrième programme a été créé par la loi de finances
rectificative du 30 juillet 2020 (LFR3) pour compenser les exonérations
exceptionnelles de cotisations et de contributions sociales patronales et les
aides au paiement des cotisations et contributions sociales patronales et
salariales accordées aux employeurs de salariés du secteur privé, ainsi que
les réductions forfaitaires de prélèvements sociaux en faveur des
travailleurs indépendants et des artistes-auteurs relevant des secteurs
d’activité les plus affectés par les mesures de fermeture d’activités liées à
la crise sanitaire
7
.
Un cinquième programme a été créé par la loi de finances initiale
(LFI) pour 2021 afin d’ouvrir les crédits nécessaires à l’acquisition de
masques pour les personnes précaires et les agents de la fonction publique
de l’État ainsi que de tests antigéniques pour les agents de l’État
8
. La LFI
4
Les dispositifs de garantie, tels que le dispositif de prêts garantis par l’État, ne figurent
pas dans cette mission.
5
Programme 356
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la
suite de la crise sanitaire
et programme 357
Fonds de solidarité pour les entreprises à
la suite de la crise sanitaire
.
6
Programme 358
Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État
dans le cadre de la crise sanitaire
.
7
Programme 360
Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements
pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire
.
8
Programme 366
Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19.
16
COUR DES COMPTES
pour 2021 a également élargi le périmètre du programme 356 et en a
changé le nom
9
, afin qu’il prenne en charge, au-delà du dispositif de
chômage partiel, de nouveaux instruments
10
.
L’exécution budgétaire de cette mission est marquée en 2021 par un
financement reposant principalement sur les reports de crédits de l’année
2020. En effet, la LFI pour 2021 n’a procédé à l’ouverture que de 6 Md
€
d’autorisations d’engagement (AE) et de crédits de paiement (CP), alors
que les reports de crédits de 2020 vers 2021 ont atteint un montant sans
précédent (28,8 Md
€
en AE et en CP).
Au total, et après prise en compte des mouvements intervenus en
cours d’exercice 2021
11
, la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
a été dotée de 42,2 Md
€
de CP en 2021 (et de 42,1 Md
€
en AE). Ses
dépenses au 31 décembre 2020 se sont élevées à 34,4 Md
€
. Elles ne
reflètent pas la totalité des dépenses réelles au titre des dispositifs portés
par la mission, car elles n’intègrent pas 3,74 Md
€
de crédits consommés
sur le programme 364
Cohésion
afin de financer le dispositif d’activité
partielle d’urgence (voir
infra
).
La Cour inscrit cette note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021
dans le prolongement de celle de l’an dernier
12
, du rapport sur le budget de
l’État 2020
13
et de sa communication à la commission des finances de
l’Assemblée nationale sur les dépenses publiques pendant la crise de juillet
2021
14
.
9
Programme 356
Pise en charge du chômage partiel et financement des aides
d’urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire.
10
Une fraction des congés payés des salariés de certains établissements
particulièrement touchés par la crise et une aide exceptionnelle aux actifs permittents,
saisonniers ou extras.
11
Il s’agit de décrets de transfert, de décrets de virement et de rétablissements de crédits.
12
Mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire – Note d’analyse de l’exécution
budgétaire 2020
, Cour des comptes, avril 2021.
13
Cour des comptes,
Le budget de l’État en 2020, résultats et gestion,
avril 2021.
14
Cour des comptes,
Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel
de leur utilisation,
Communication à la communication des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, juillet 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
17
1
ANALYSE DE L’EXÉCUTION
BUDGÉTAIRE
1.1
Une programmation initiale ne reflétant pas la
réalité des besoins de la mission
1.1.1 Des reports 2020 vers 2021 d’une ampleur inégalée
La Cour avait déjà souligné dans sa précédente note d’exécution
budgétaire sur la mission que la totalité des crédits non consommés en
2020, soit 28,8 Md
€
, avaient été reportés en 2021. Plus de 93 % des CP du
budget général (hors fonds de concours) reportés de 2020 vers 2021
(30,83 Md
€
) sont donc le fait de la seule mission
Plan d’urgence face à la
crise sanitaire
.
Graphique n° 2 : Reports de crédits du budget de l’État de 2020 vers
2021 (CP, en M
€
)
15
Source : Chorus, traitement Cour des comptes
Ces reports massifs résultaient notamment de nouvelles ouvertures
de crédits en LFR 4 pour 2020
16
(+17,2 Md
€
de CP ouverts), portant le
15
Le périmètre retenu ici est celui du budget général, des comptes d’affectation spéciale
et des comptes de concours financiers.
16
Loi n°2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.
18
COUR DES COMPTES
total des crédits disponibles à 70,6 Md
€
alors que seuls 41,8 Md
€
ont
effectivement été consommés au 31 décembre 2020 et que de simples
redéploiements entre programmes de la mission auraient été suffisants pour
couvrir les besoins. En effet, en amont de l’adoption de la LFR 4, les CP
ouverts au titre de la mission s’élevaient à 53,4 Md
€
soit un montant qui
apparaissait suffisant pour faire face aux besoins anticipés
17
.
Dans son rapport sur le budget de l’État en 2020, la Cour a estimé
«
qu’il aurait été possible de ne pas reporter les crédits excédentaires pour
l’exercice 2020 et que les crédits nécessaires en 2021 auraient dû être
ouverts et justifiés en loi de finances initiale, ce qui aurait permis d’éviter
une certaine confusion des exercices, contraire au principe d’annualité
budgétaire, et d’affecter la portée de l’autorisation parlementaire
». De
fait, une grande partie des 28,8 Md
€
reportés en 2021 ont contribué à
financer des dépenses relatives à l’exercice 2021 et non à des dépenses
liées à des décisions ou mesures prises en 2020.
En outre, 6,6 Md
€
de crédits non consommés en 2020 sur les
programmes 356
Chômage partiel et aides d’urgence
(2,3 Md
€
) et 360
Compensation des exonérations de cotisations sociales
(4,3 Md
€
) ont été
reportés en 2021 non pas sur ces mêmes programmes mais vers le
programme 357
Fonds de solidarité
18
. Ces reports entre programmes
poursuivant des objectifs différents constituent une entorse au principe de
spécialité budgétaire
19
.
1.1.2 Une volonté initiale de ne procéder à aucune ouverture
de crédits en LFI pour 2021
La Cour relève que le projet de loi de finances pour 2021 ne
prévoyait initialement pas d’ouvertures de crédits en LFI au titre de la
mission, ce qui confirme que les crédits reportés avaient très
majoritairement vocation à financer des dépenses 2021 et non des restes à
payer au titre de dépenses relevant de l’exercice 2020.
17
Note d’analyse de l’exécution budgétaire (NEB) de la mission « Plan d’urgence face
à la crise sanitaire », Cour des comptes, avril 2021.
18
Arrêté du 18 mars 2021 portant report de crédits.
19
Voir l’article 15-II de la LOLF qui autorise les reports «
sur le même programme ou,
à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs
».
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
19
Graphique n° 3 : Crédits disponibles en début de gestion
20
2021 (en
CP, en M
€
)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes
Ce n’est qu’au stade de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale
qu’un amendement du Gouvernement a sollicité l’ouverture de 6 Md
€
d’AE et de CP supplémentaires, principalement au titre du programme 357
Fonds de solidarité
(5,6 Md
€
) et du nouveau programme 366
Matériels
sanitaires
(430 M
€
), programme qui n’était pas non plus prévu dans le
cadre du PLF déposé et qui a été créé par ce même amendement
21
. Les
crédits ouverts au titre du fonds de solidarité ont été justifiés par l’existence
d’un besoin supplémentaire au titre de ce fonds en lui-même (5 Md
€
) ainsi
que par le besoin de prolonger certaines mesures exceptionnelles
concernant des secteurs particulièrement touchés par la crise, à l’image des
stations de ski et des secteurs sportif et culturel (0,6 Md
€
).
Ainsi, la budgétisation initiale n’a représenté qu’à peine 14 % du
total des ressources allouées à la mission en 2021. La Cour relève, comme
elle l’avait déjà fait dans un récent rapport
22
, que le Gouvernement aurait
notamment pu procéder par voie d’amendement au cours de l’examen du
projet de loi de finances initiale afin de ne pas recourir à des reports de
20
Ce graphique inclut les crédits reportés de 2020 ainsi que les crédits ouverts en LFI
pour 2021.
21
Amendement n°1210 du Gouvernement, adopté le 12 décembre 2020.
22
Cour des comptes,
Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel
de leur utilisation,
juillet 2021
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
P.356
P.357
P.358
P.360
P.366
Reports 2020 vers 2021
LFI
20
COUR DES COMPTES
crédits, qui ont représenté à eux seuls 68 % du total des crédits disponibles
au titre de la mission.
Un nouveau programme destiné à financer les stocks de masques
textiles
Créé par amendement gouvernemental au PLF pour 2021, le
programme 366
Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la Covid-
19
prend le relais du programme 134
Développement des entreprises et
régulations
. Il a pour objet de financer la commande et le stockage de
masques textiles grand public distribués pour la protection des agents de la
fonction publique d’État et celle de publics précaires ou vulnérables :
résidents des Ehpad, écoliers et étudiants boursiers, bénéficiaires de la
complémentaire santé solidaire et de l’aide médicale de l’État, etc.
La création de ce programme répond au besoin d’identifier une
dépense importante, initialement programmée à 430 M
€
, consacrée à la
constitution d’un stock stratégique de l’État et à la distribution de ces
masques. Compte tenu du caractère pérenne de la dépense (le marché de
stockage, par exemple, s’étend sur quatre ans fermes), son financement dans
le cadre d’une mission budgétaire d’urgence appelée à disparaître traduit
une orientation de gestion nécessairement temporaire et appelant l’adoption
prochaine d’une organisation pérenne.
Enfin, la Cour relève que certains besoins nouveaux n’ont pas donné
lieu à des ouvertures de crédits en LFI. Des dispositifs supplémentaires
devant être financés par le programme 356
Chômage partiel et aides
d’urgence
n’ont donné lieu à aucune ouverture de crédits en LFI pour 2021,
alors que les besoins résultant de ces mesures nouvelles étaient identifiés
(voir infra 1.2.1).
1.2
Des difficultés liées au défaut de
programmation initiale conduisant à des
mesures de gestion parfois critiquables
1.2.1 Un décret d’avance partiellement imputable à une
budgétisation initiale incomplète
Un décret d’avance n°2021-620 du 19 mai 2021 a procédé à
l’ouverture de 6,7 Md
€
au titre du programme 357
Fonds de solidarité
et
de 0,5 Md
€
du programme 356
Chômage partiel et aides d’urgence.
Dans
le respect de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
21
(LOLF)
23
, il a été procédé simultanément à une annulation équivalente de
crédits au titre du programme 358
Participations financières
.
Graphique n° 4 : Crédits ouverts en 2021 (en Md
€
en CP)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes. Les dates indiquent les moments où sont
intervenus les mouvements de crédits.
Les conditions de recours à ce type d’instrument, et en particulier la
condition d’urgence, apparaissent justifiés à la Cour, considérant
notamment le besoin d’assurer la poursuite des versements aux entreprises
au titre du fonds de solidarité
24
. Ce décret respecte également le
plafonnement prévu par la LOLF, qui dispose que «
le montant cumulé des
crédits [ouverts par décrets d’avance] ne peut excéder 1 % des crédits
ouverts par la loi de finances de l’année
»
25
. La Cour relève que l’exécutif
est allé au maximum des flexibilités offertes par la LOLF, en procédant à
des ouvertures correspondant à 0,995 % des CP ouverts par la LFI pour
2021. Cette quasi-saturation des ouvertures de crédits par décret d’avance,
à 35 M
€
près, constituait, ainsi que l’avait déjà souligné la Cour
26
, une prise
de risque importante car le Gouvernement aurait ainsi été privé de la
23
Cet article dispose que les décrets d’avance «
peuvent ouvrir des crédits
supplémentaires sans affecter l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de
finances
».
24
Rapport sur les crédits ouverts par décret d’avance, Cour des comptes, juin 2021.
25
Article 13 de la LOLF.
26
Rapport sur les crédits ouverts par décret d’avance, Cour des comptes, juin 2021.
22
COUR DES COMPTES
possibilité de recourir de nouveau à un décret d’avance en cas d’apparition
de nouveaux besoins urgents au cours de l’exercice 2021.
La Cour observe cependant que les besoins complémentaires au titre
du programme 356
Chômage partiel et aides d’urgence
(500 M
€
en AE et
en CP) auraient pu être intégrés à la budgétisation initiale et non à ce décret.
En effet, ces besoins concernent des nouveaux dispositifs positionnés au
sein du programme 356
27
par voie d’amendement au cours de l’examen du
projet de loi de finances initiale. Le ministre délégué aux comptes publics,
le 15 décembre 2020, à l’occasion du débat en nouvelle lecture à
l’Assemblée nationale au titre du PLF pour 2021, avait d’ailleurs fait
mention des besoins liés à ces nouvelles aides, qu’il estimait alors à
640 M
€
, sans pour autant solliciter d’ouvertures de crédits correspondantes
en LFI.
La Cour soulignait enfin, dans son rapport consacré à ce décret
d’avance, que l’annulation de 7,2 Md
€
au titre du programme 358
Participations financières,
ne concernait pas des crédits 2021 (la LFI n’a
procédé à aucune ouverture de crédits au titre du programme) mais des
crédits 2020 reportés à 2021, ce qui pouvait conduire à s’interroger sur le
caractère justifié des reports massifs constatés au titre de la mission.
1.2.2 Une gestion complexifiée par ce défaut de
programmation initiale et une entorse au principe de
spécialité budgétaire
La LFR 1 pour 2021 a procédé, au sein du budget général, à
l’ouverture de 21,8 Md
€
de CP (21,6 Md
€
d’AE) et à des annulations de
1,7 Md
€
de CP (2,1 Md
€
d’AE), portant le montant des ouvertures nettes
de CP à 20,1 Md
€
. Près de la moitié de ces ouvertures (9,8 Md
€
en AE et
en CP) concernent la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
(2,2 Md
€
au titre du programme 356, 3,6 Md
€
au titre du programme 357
et 4 Md
€
au titre du programme 360).
La Cour souligne que les besoins au titre des programmes 356
Chômage partiel et aides d’urgence
et 360
Compensation des allègements
de cotisations
auraient pu être pris en charge grâce au crédits ouverts en
LFI pour 2021 et aux reports 2020, si 2,3 Md
€
d’AE et de CP n’avaient pas
été reportés du programme 356 vers le programme 357
Fonds de solidarité
27
Ces nouveaux dispositifs, non-inscrits à l’origine dans le PLF, visent à prendre en
charge une partie du coût des congés payés des entreprises des secteurs particulièrement
touchés par la pandémie et à verser une aide exceptionnelle aux travailleurs
« permittents » (saisonniers et extras). Insérés dans le PLF par voie d’amendement, ils
ont conduit à une modification du nom du programme.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
23
et si 4,3 Md
€
n’avaient pas fait l’objet d’un report du programme 360
également vers le programme 357. En outre, une large part de ces reports
n’a pas servi à financer des dépenses résultant d’engagements au titre de
2020 mais des dépenses nouvelles.
La LFR 2 a, quant à elle, tiré les conclusions d’une exécution des
trois premiers trimestres 2021 plus modeste qu’initialement prévu et
procédé à des annulations d’un montant de 2,6 Md
€
au titre de la mission
(-1,4 Md
€
au titre du programme 356, -0,8 Md
€
au titre du programme 357
et -0,4 Md
€
au titre du programme 358). Elle a également abondé le
programme 360 d’un montant de 0,5 Md
€
correspondant à l’actualisation
de l’estimation de dépenses totales pour la sécurité sociale avant la mise en
œ
uvre de nouveaux dispositifs d’exonérations et d’aide au paiement liés à
la cinquième vague de l’épidémie.
Les dispositions prises en gestion 2021 ont permis d’ajuster les
crédits disponibles aux prévisions réelles de consommation, ce qui n’avait
pas été le cas en 2020, ainsi que la Cour l’avait relevé
28
. En 2021, 81,5 %
des crédits de paiement disponibles au titre de la mission ont été
consommés. La Cour remarque cependant que l’amélioration de la
conjoncture économique, continue depuis le mois de juin 2021, aurait dû
conduire le Gouvernement à procéder à des annulations plus importantes
afin de mieux ajuster les crédits disponibles à la réalité du besoin de la
mission.
28
Une sous-exécution de 40 % des crédits ouverts en 2020 avait été constatée,
notamment du fait d’une ouverture de 17,2 Md
€
en LFR 4 alors que les crédits
disponibles avant l’adoption de cette loi auraient été suffisants pour couvrir les dépenses
2020.
24
COUR DES COMPTES
Un dispositif d’activité partielle d’urgence financé également par la
mission Plan de relance
En 2021, le programme 356
Chômage partiel et aides
d’urgence
ne devait financer que les nouveaux dispositifs d’aide aux
employeurs (indemnisation des congés payés) et aux permittents créés
par amendement gouvernemental pendant la discussion parlementaire,
ainsi que les restes à payer de l’activité partielle d’urgence au titre de
2020 (cf. 2.1).
L’activité partielle de longue durée et le nouveau dispositif
d’activité partielle de droit commun qui devait se substituer à l’activité
partielle de crise avaient vocation à être financés par le seul programme
364 de la mission
Plan de relance
.
La persistance de la crise sanitaire et les nouvelles mesures
administratives de confinement et de fermeture d’établissements ont
cependant conduit le gouvernement à prolonger l’activité partielle
d’urgence.
Pour financer le surcroît de dépenses par rapport aux crédits
rendus disponibles par les reports 2020 (2,5 Md
€
), le choix a été fait de
mobiliser une partie des crédits du programme 364, à hauteur de
3,74 Md
€
, ce qui constitue une entorse au principe de spécialité
budgétaire. La somme de ces ressources, auxquelles il convenait
d’ajouter la trésorerie disponible à l’ASP, étant toutefois insuffisante
pour faire face aux besoins prévisibles, le décret d’avance du 19 mai
2021 a ouvert en complément 0,5 Md
€
de crédits au profit du
programme 356 et la LFR 1 a procédé à l’ouverture 2,2 Md
€
de crédits
sur ce même programme.
Ce schéma de financement des dépenses d’activité partielle de
crise a pour effet de minorer les dépenses du programme 356 de la
mission
Plan d’urgence
(1,06 Md
€
, soit à peine 22 % des dépenses
réelles de l’État en 2021) et d’augmenter artificiellement le niveau
d’exécution du programme 364 de la mission
Plan de relance
. Il déroge
à la spécialité du programme 364 telle qu’indiquée en LFI 2021.
L’amendement mentionné plus haut, qui rappelle dans son exposé que
«
les programmes 356 et 364 assureront le financement des différents
régimes d’activité partielle
», ne saurait être interprété comme
autorisant l’élargissement de l’utilisation du programme 364 de la
mission
Plan de relance
au financement de l’activité partielle
d’urgence. Pour respecter le principe de spécialité des crédits et donner
une vision exacte des dépenses de l’État, il aurait été nécessaire d’ouvrir
des crédits nouveaux sur le programme 356 à hauteur de l’avance faite
par le programme 364 et de reconstituer la trésorerie de l’Agence de
services et de paiement (ASP) au titre du programme 364.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
25
Graphique n° 5 :
Exécution des crédits de la mission
Plan
d’urgence face à la crise sanitaire
(en CP, en Md
€
)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes
1.3
Un rythme de dépenses plus linéaire qu’en
2020, une décélération au cours du deuxième
semestre
Près de 80 % des dépenses de la mission étant portées par le
programme 357
Fonds de solidarité
(77,9 %)
,
la trajectoire de
décaissement de ce dernier est donc celle qui influence très largement celle
de la mission. Or, à la différence de l’année 2020, les trois vagues de
l’épidémie de Covid-19 qui ont touché le pays en 2021 n’ont pas donné
lieu à des évolutions aussi marquées des dispositifs portés par la mission,
et en particulier par le programme 357 –
Fonds de solidarité.
Ceci explique
pourquoi aucun pic de dépense n’a ainsi été constaté en 2021 au titre du
programme 357 et, par voie de conséquence, au titre de l’ensemble de la
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire.
26
COUR DES COMPTES
Graphique n° 6 : Dépenses cumulées de la mission en 2021 (mois par
mois, en CP, en Md
€
)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes. L’échelle de gauche correspond aux
histogrammes reflétant les dépenses mensuelles et l’échelle de droite à la courbe des
dépenses cumulées.
Au contraire, la levée progressive à l’été 2021 d’une partie des
contraintes sanitaires a entraîné une décrue des besoins en crédits de
paiement au titre du fonds de solidarité, dont l’extinction a d’ailleurs été
annoncée le 30 août 2021
29
et est effective depuis le 30 septembre 2021, à
quelques exceptions près. Cependant, si les dépenses au titre du
programme 357 ont considérablement décru depuis le mois de juillet 2021,
passant de 3,6 Md
€
en juin 2021 à 2 Md
€
en juillet puis à 1 Md
€
en
septembre, elles n’ont pas cessé à compter de la mise en extinction du
fonds. En effet, après le 30 septembre 2021, le programme a continué de
procéder à des dépenses au titre des restes à payer portant sur le stock de
dossiers et à des décaissements visant à payer de nouveaux dossiers de
demandes d’aides au titre des dispositifs non clôturés (certaines entreprises
ont continué, après cette date, de pouvoir mobiliser le fonds, voir 2.2.) Ceci
explique pourquoi des dépenses ont été constatées au titre du programme
357 sur les mois d’octobre 2021 (0,8 Md
€
), de novembre 2021 (0,6 Md
€
)
et de décembre 2021 (0,7 Md
€
).
29
Communiqué de presse de Bruno Le Maire, Elisabeth Borne, Jean-Baptiste Djebbari,
Alain Griset et Jean-Baptiste Lemoyne, 30 août 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
27
2
POINTS D’ATTENTION PAR
PROGRAMME
2.1
Programme n°356 – Prise en charge du
dispositif exceptionnel de chômage de chômage
partiel et financement des aides d’urgence aux
employeurs et aux actifs précaires à la suite de
la crise sanitaire
2.1.1 Un cadre réglementaire modifié à plusieurs reprises du
fait de la persistance de la crise sanitaire
Levier majeur de réponse immédiate à la crise sanitaire, l’activité
partielle telle que réformée par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 est
cofinancée par l’État à hauteur des deux tiers des dépenses, via un transfert
des crédits du programme 356 vers l’Agence de services et de paiement
(ASP) qui centralise également la contribution de l’Unédic à hauteur du
dernier tiers, et verse l’allocation aux entreprises.
Dès le début de la crise, le cadre juridique de l’activité partielle a été
profondément modifié : une logique de prise en charge proportionnelle
s’est substituée à la prise en charge forfaitaire (l’augmentation du taux
d’allocation à 70 % du coût brut de 4,5 SMIC) a eu pour effet de supprimer
le reste à charge pour les entreprises en-deçà de 4,5 Smic ; l’éligibilité au
dispositif a été élargie pour les entreprises comme pour les salariés ; les
procédures ont été simplifiées.
À partir de juin 2020, le gouvernement a annoncé sa volonté de
recentrer le dispositif sur les entreprises et les secteurs les plus en difficulté,
en instaurant un régime modulé d’activité partielle selon les secteurs
d’activité et le degré d’exposition des entreprises à la crise. Une sortie du
dispositif était envisagée pour la fin d’année 2020, l’activité partielle de
longue durée, créée par la loi du 17 juin 2020 et un nouveau régime
d’activité partielle de droit commun étant supposés prendre le relais. Le
PLF pour 2021 était, sur ce sujet, construit sur l’hypothèse d’un arrêt de la
crise.
La reprise épidémique de l’automne 2020 a remis en cause ce
schéma et conduit le Gouvernement à reporter les baisses de prise en charge
au titre de l’activité partielle de crise, à plusieurs reprises successives entre
fin 2020 et mi-2021.
28
COUR DES COMPTES
Une première décision, prise au moment de l’entrée en vigueur du
second confinement général, le 30 octobre 2020, a prorogé les règles
applicables jusqu’au 28 février 2021.
De nouvelles décisions de prolongation ont été prises le 16 février
(prolongation jusqu’en mars), le 10 mars (prolongation jusqu’à fin avril)
puis le 28 avril 2021 (prolongation jusqu’à fin mai).
Les décrets n°2021-671 et 2021-674 du 28 mai 2021 adaptent de
nouveau le calendrier de réduction des niveaux d’allocation et d’indemnité
d’activité partielle, et, de ce fait, le niveau du reste à charge pour
l’employeur, avec une diminution progressive sur la période allant de juin
à décembre 2021. La DGEFP précise qu’une modulation de la baisse des
taux de prise en charge a été maintenue pour prendre en compte les
différences de situation selon les secteurs d’activité et prévoir des taux
majorés pour ceux qui étaient les plus affectées par la crise, et des taux plus
importants encore pour les entreprises faisant l’objet de mesures
administratives contraignantes.
Ce nouveau calendrier prévoyait ainsi :
- pour les secteurs de droit commun : un resserrement progressif dès
juin 2021 avec, à compter du 1
er
juillet, un taux d’allocation perçu par les
employeurs fixé à 36 % et une indemnisation aux salariés fixée à hauteur
de 60 % de leur rémunération brute antérieure, dans la limite de 4,5 Smic.
Le reste à charge pour l’employeur s’établit ainsi à 40 % ;
- pour les secteurs les plus touchés par la crise : une diminution en
quatre étapes des taux majorés devait conduire, à partir du 1
er
septembre
2021, à un taux d’allocation perçu par l’employeur abaissé à 52 % et une
indemnité aux salariés maintenue à 70 % de la rémunération brute
antérieure, dans la limite de 4,5 Smic (le reste à charge s’établissait donc à
25 % pour les employeurs).
- pour les établissements fermés par décision administrative et ceux
qui, tout en étant dans un des secteurs les plus touchés, avaient connu une
baisse de chiffre d’affaires de 80 % et plus, le taux d’allocation et
d’indemnité demeurait à 70 % jusqu’au 31 décembre 2021. Le reste à
charge pour l’employeur est nul.
Une nouvelle décision a été prise en date du 27 décembre 2021
30
,
qui vise à prolonger les modalités de prise en charge à 100 % pour les
30
Décret n° 2021-1816 du 27 décembre 2021 et décret n° 2021-1817 du 27 décembre
2021
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
29
employeurs touchés par les restrictions sanitaires
31
avec reste à charge nul
et prise en charge intégrale de la rémunération des salariés placés en
activité partielle ; elle abaisse également le taux de perte de chiffre
d’affaires exigé de 80 à 65 % afin de permettre aux entreprises des secteurs
de l’évènementiel ou du tourisme international, de bénéficier d’un reste à
charge nul. Cette mesure s’applique de façon rétroactive au titre des heures
chômées à compter du 1
er
décembre 2021.
L’instabilité du cadre réglementaire entre le dépôt du PLF, à
l’automne 2020, et la fin du printemps 2021, a constitué un facteur majeur
d’incertitude dans la gestion des crédits d’activité partielle d’urgence. Les
décisions de prolongation ultérieures, qui ont concerné un nombre
d’entreprises significativement plus faible, ont eu une incidence moindre.
Dans sa réponse à la contradiction, la DGEFP souligne que la mise
en place de taux différenciés était la réponse la plus adaptée au ciblage des
aides, dans un objectif de recherche d’un équilibre entre soutien aux
entreprises et aux salariés, limitation de la dépense publique et incitation
au retour à l’activité. Cette adaptation du taux de prise en charge doit selon
elle être considérée comme «
la réponse par une politique publique
circonstanciée à une situation sanitaire dont l’évolution s’est révélée très
dynamique au sein de l’exercice
».
Le calendrier des décisions de prolongation n’a pas toujours permis
à la DGEFP, en lien avec la DB, d’évaluer les besoins de financement
supplémentaires engendrés. Il n’y a par ailleurs pas eu d’évaluation
a
posteriori
de l’impact budgétaire de chacune des décisions. La DGEFP
indique en effet s’être prioritairement concentrée, avec la direction du
budget, sur l’amélioration du modèle de prévision des dépenses d’activité
partielle, les décaissements opérés par l’ASP étant constamment inférieurs
aux prévisions
ex-ante
.
2.1.2 Une autorisation de crédits en LFI qui s’est révélée
insuffisante par la suite, du fait de la persistance de la
crise sanitaire au premier semestre 2021
2.1.2.1 Une
extension
de
périmètre
opérée
durant
l’examen
parlementaire
La loi de finances pour 2021 a confirmé le programme 356 au sein
de la mission
Plan d’urgence
tout en ajoutant à l’unique action relative au
31
Établissements fermés administrativement ; établissements situés sur un territoire
faisant l’objet de mesures spécifiques de restrictions sanitaires ; établissements
appartenant aux secteurs S1 et S1bis et subissant une forte baisse de chiffre d’affaires.
30
COUR DES COMPTES
financement de l’activité partielle de crise (APdC) deux nouveaux
dispositifs de soutien aux actifs fragilisés par la crise, introduits durant
l’examen du PLF par voie d’amendement gouvernemental :
- le premier relatif à la prise en charge par l’État d’une fraction des
congés payés des salariés des établissements dont l’activité a été
interrompue totalement ou partiellement durant au moins 140 jours en 2020
ou dont l’activité a été réduite de plus de 90 % pendant les périodes où
l’état d’urgence était en vigueur, en 2020
32
. Le dispositif a été instauré par
le décret n°2020-1787 du 30 décembre 2020 modifié ;
- l’aide exceptionnelle aux actifs dits « permittents », travaillant
comme saisonniers ou comme extras, afin de garantir des ressources de
900
€
par mois jusqu’en février 2021 à tous ceux ayant travaillé au moins
210 jours et plus en 2019 mais insuffisamment en 2020 pour recharger leurs
droits à l’allocation-chômage. Cette aide a ensuite été prolongée jusqu’en
mai puis jusqu’en août 2021.
Comme la Cour l’avait relevé dans son analyse de l’exécution
budgétaire 2020 du programme 356
33
, «
cette extension du périmètre du
programme [a été] proposée par un simple changement de nom
», l’exposé
des motifs étant «
lacunaire et ne [permettant] pas d’identifier les
montants financiers en jeu
». La Cour soulignait en outre que cette
extension conduisait à «
financer, à partir de reports de crédits ouverts au
titre de l’année 2020, de nouveaux dispositifs annoncés à la fin de l’année
2020 et mis en place en 2021, ce qui peut être considéré comme ne
respectant pas le principe d’annualité budgétaire
».
2.1.2.2 Une budgétisation initiale fondée sur l’hypothèse d’un arrêt de
la crise sanitaire
Élaborée sur l’hypothèse d’un arrêt progressif de la crise sanitaire,
la loi de finances pour 2021 modifiait par ailleurs les modalités de
financement des dispositifs d’activité partielle. Le programme 356 ne
devait plus assurer la prise en charge que du solde des engagements pris en
2020 au titre de l’activité partielle de crise.
Le financement du dispositif d’activité partielle de longue durée
instauré en juin 2020, assuré en 2020 par le programme 356, et celui du
dispositif d’activité partielle à taux minorés (ou « activité partielle de droit
commun »), initialement prévu pour entrer en vigueur au 1
er
novembre
32
Dans la limite de 10 jours de congés payés pris entre le 1
er
et le 7 mars 2021
33
Cour des comptes,
note sur l’exécution budgétaire de la mission Plan d’urgence face
à la crise sanitaire en 2020
, 2021
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
31
2020
34
, devaient quant à eux être intégralement assurés par le programme
364.
Tableau n° 1 : Modalités de financement des dispositifs d’activité
partielle retenues dans le PLF 2021
Exécution 2020
LFI 2021
Activité partielle de
droit commun
antérieure à la crise
Programme 103
Programme 103
Activité partielle
d’urgence
Programme 356
Programme 356 :
restes à payer au
titre de 2020
Activité partielle de
longue durée
Programme 356
Programme 356 :
Restes à payer au
titre de 2020
Programme 364
pour toutes les
nouvelles dépenses
Activité partielle de
droit commun
(taux minorés)
Programme 364
Source : Cour des comptes, d’après LFI pour 2021
2.1.3 Une
gestion
2021
marquée
par
d’importants
mouvements de crédits
Compte-tenu des différents mouvements de crédits disponibles,
3,8 Md
€
de crédits ont été ouverts sur le programme 356.
34
Le programme annuel de performances du programme 356 pour 2021 indiquait ainsi
qu’à compter du 1er novembre 2020 entrait en vigueur «
l’activité partielle de droit
commun, pour faire face aux besoins ponctuels tels qu’ils se présentent en période de
crise comme de bonne santé économique. Ce dispositif a pour objectif de préserver les
emplois, notamment ceux proches du Smic, pour les entreprises subissant une
baisse d’activité ponctuelle (3 mois de recours renouvelable une fois). L’indemnité
versée aux salariés s’élève à 60% du salaire brut. La prise en charge publique de celle-
ci est de 60%, jusqu’à 4,5 SMIC
».
32
COUR DES COMPTES
Graphique n° 7 : Exécution des crédits du programme 356 en 2021
(en Md
€
)
Source : Cour des comptes d’après Chorus
2.1.3.1 Des reports de crédits 2020 à hauteur de 2,5 Md
€
À la fin de l’année 2020, le stock de crédits non consommés sur le
programme 356 s’élevait à 4,8 Md
€
.
Le programme a bénéficié d’un premier arrêté de report anticipé de
crédits 2020 de 1,5 Md
€
en AE et CP, pris le 24 décembre 2020, puis d’un
second pour 1 Md
€
pris le 17 mars 2021. Au total, les seuls crédits
disponibles sur le programme 356 en début d’exercice s’élevaient à
2,5 Md
€
en AE et CP.
Un arrêté ministériel du 18 mars 2021 est venu annuler les 2,3 Md
€
de crédits 2020 restants pour les reporter sur le programme 357.
2.1.3.2 Des modalités de gestion adaptées en début d’exercice pour
parer aux besoins urgents de crédits
La persistance de la crise sanitaire a remis en cause dès le début de
l’exercice les principes de répartition de financement arrêtés en LFI entre
les programmes 356 et 364.
Pour financer la hausse des besoins au titre de l’activité partielle
(AP) de crise, le choix a été fait d’emblée par la direction du budget et la
DGEFP de mobiliser conjointement les ressources du programme 356 et
celles du programme 364 relevant de l’action « Sauvegarde de l’emploi »
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
33
et initialement destinés à financer l’APLD et l’activité partielle de droit
commun (4,4 Md
€
en AE =CP en budgétisation initiale). Cette avance s’est
élevée à 3,74 Md
€
en AE et CP.
La somme de ces ressources - auxquelles il convenait d’ajouter la
trésorerie disponible à l’ASP à fin décembre 2020 (2,68 Md
€
au titre de
l’activité partielle d’urgence et 25,7 M
€
au titre de l’APLD) - était toutefois
insuffisante pour faire face aux besoins prévisibles.
Le décret d’avances du 19 mai 2021 a donc ouvert 0,5 Md
€
de
crédits au profit du programme 356. Ce mouvement, réalisé à peine deux
mois après l’annulation de crédits 2020 au profit du programme 357, révèle
un déficit d’anticipation dans la programmation perturbée, il est vrai, par
l’instauration d’un troisième confinement général à compter du 3 avril
2021 et la prolongation du dispositif d’activité partielle de crise.
Tout en constatant que les conditions de forme et de fond ont été
remplies pour prendre ce décret d’avances, la Cour, dans son rapport sur le
projet de décret
35
, observait que «
l’annulation d’une partie des crédits du
programme 356 (activité partielle) non consommés en 2020 pour les
reporter en 2021 sur le programme 357 (fonds de solidarité), pourtant
réalisée tardivement (le 18 mars 2021), a porté sur un montant excessif
(2,3 Md
€
). Le décret d’avance a en effet dû ouvrir des crédits sur le
programme 356 pour le financement de l’activité partielle en 2021. Dans
son analyse de l’exécution budgétaire en 2020, la Cour s’était étonnée de
l’ampleur du report au bénéfice du fonds de solidarité au regard des
besoins prévisibles en 2021 pour l’activité partielle.
»
2.1.3.3 Un abondement de crédits opéré en LFR 1, suivi, en fin
d’exercice, par un ajustement à la baisse
La LFR 1 du 19 juillet 2021 est venue abonder les crédits du
programme 356 à hauteur de 2,2 Md
€
. Ce montant était destiné à ce seul
programme. Le principe de spécialité budgétaire aurait pourtant dû
conduire à ouvrir sur le programme 356, par cette même LFR, les crédits
correspondant à l’avance faite par le programme 364 et à un rétablissement
de crédits sur ce dernier.
En lieu et place, des crédits supplémentaires ont été directement
ouverts sur le programme 364, par le biais de la LFR 1 du 19 juillet 2021,
d’un montant (4,14 Md
€
en AE et CP) supérieur à l’avance effective
(3,74 Md
€
).
35
Cour des comptes,
Rapport sur les crédits ouverts par décret d’avance
, juin 2021
34
COUR DES COMPTES
En fin de gestion, compte-tenu de la décrue du recours à l’activité
partielle de crise, la LFR 2 a procédé à l’annulation de crédits à hauteur de
1,39 Md
€
en AE et CP, réduisant le montant des crédits ouverts en 2021
sur le programme à 3,81 Md
€
en AE et CP.
2.1.4 Un financement de l’activité partielle de crise assuré à
moins d’un quart par le programme 356
2.1.4.1 Un faible taux d’exécution
2,61 Md
€
ont été exécutés en 2021. Le montant des dépenses
d’activité partielle de crise portées par le programme s’élève à 1,06 Md
€
.
240 M
€
ont été consacrés à la prise en charge de l’indemnisation des
congés payés de certains salariés. L’aide aux permittents a mobilisé
1,31 Md
€
. Le taux d’exécution des crédits ouverts s’établit à un peu plus
des deux tiers.
Tableau n° 2 : Taux d’exécution du programme 356 (en AE et en CP,
en Md
€
et en pourcentage)
Crédits ouverts
Exécution 2021
Taux d'exécution
3,81
2,61
68,5
Source : Cour des comptes d’après les données Chorus
Le montant des crédits non consommés à la fin de l’année en 2021
s’établit donc à 1,2 Md
€
.
Dans sa réponse au titre de la contradiction, la DGEFP indique que
ce taux d’exécution réduit s’explique «
pleinement par la volonté prudente
du Gouvernement et des administrations de disposer de suffisamment de
marges de man
œ
uvre financières pour faire face à la grande incertitude de
l’évolution de la crise. La DGEFP estime, y compris a posteriori, que
l’ouverture de crédits à un niveau trop inférieur aurait entraîné un risque
très significatif de non-versement de l’aide aux entreprises, et donc des
rémunérations aux salariés, très fortement préjudiciables à l’économie
française dans son ensemble
».
Comme en fin de gestion 2020, la Cour estime toutefois que le choix
ait été volontairement fait de maintenir sur le programme un volume
important de crédits susceptibles d’être non exécutés pour procéder à leur
report en 2022. Or, l’évolution des dépenses d’activité partielle de crise
permettait, dès la mi-2021, de constater la baisse très significative des
besoins (cf. graphique n° 12). Conformément aux principes de la LOLF, la
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
35
seconde loi de finances rectificatives pour 2021 aurait donc dû conduire à
l’annulation d’un volume plus important de crédits.
La DGEFP indique avoir sollicité le report de la totalité des crédits
non consommés. Si cette demande était validée, elle constituerait de fait
une nouvelle atteinte au principe d’annualité budgétaire.
2.1.4.2 Un coût de l’activité partielle d’urgence pour l’État en réalité
plus de quatre fois plus important
Compte-tenu des modalités de gestion mises en
œ
uvre en 2021, le
programme 356 ne permet de donner qu’une vision partielle de l’effort de
l’État réalisé au titre du financement de l’activité partielle de crise. Il
convient pour ce faire d’inclure une partie des dépenses d’activité partielle
portées par le programme 364
Cohésion
de la mission
Plan de relance
.
Considérant les différents mouvements intervenus en gestion, le
montant des crédits du programme 364 exécutés au titre des dispositifs
d’activité partielle s’élève à 4,45 Md
€
en AE et CP. Selon les données de
suivi du Plan de relance établies par la DGEFP, 709,73 M
€
correspondent
au financement de l’APLD. Les crédits du programme 364 ayant servi au
financement de l’activité partielle de crise s’élèvent donc à 3,74 Md
€
.
Le coût réel de l’activité partielle de crise pour l’État s’est ainsi
élevé, en 2021, à 4,8 Md
€
. Moins d’un quart de cette dépense (22,1 %) a
été financé par le programme 356. Le coût total des dépenses d’activité
partielle de crise s’est établi à 7,2 Md
€
(y compris la contribution de
l’Unedic), et celui d’APLD à 1,1 Md
€
au lieu des 4,4 Md
€
initialement
prévus.
Tableau n° 3 : Montant total des crédits budgétaires consacrés au
financement des dispositifs d’activité partielle en 2021
P. 356
P.364
Total
crédits
État
Unedic
Coût
total
Activité partielle
de crise
1,06
3,74
4,8
2,4
7,2
APLD
0
0,71
0,71
0,3
1,1
Indemnisation
des congés payés
0,24
0
0,24
0
0,2
Aide permittents
1,31
0
1,31
0
1,3
Total
2,61
4,45
7,06
2,7
9,8
Source : Cour des comptes d’après l
a DGEFP
36
COUR DES COMPTES
2.1.4.3 Un niveau plus faible de trésorerie à l’ASP
Aux crédits budgétaires non exécutés, il convient d’ajouter le niveau
de trésorerie disponible à l’ASP pour le financement des différents
dispositifs d’activité partielle. Il est significativement plus faible au 31
décembre 2021 que fin 2020.
Tableau n° 4 : Niveau de la trésorerie de l’ASP sur les dispositifs
d’activité partielle (en M
€
), au 31 décembre
Programme 356
Programme 364
2020
2021
2021
Activité
partielle
d’urgence
2 682,72
210,63
0,0034
APLD
25,66
0
76,08
Source : Cour des comptes d’après les données communiquées par la DGEFP
Pour mesurer les dépenses réelles d’activité partielle en 2021, il
convient donc d’ajouter aux crédits budgétaires 2021 de l’État et à la
contribution de l’Unedic (7,2 Md
€
) le montant de la trésorerie de l’ASP
utilisée pour verser les allocations aux employeurs en 2021 (2,47 Md
€
),
soit un total de 9,67 Md
€
.
2.2
Programme n°357 – Fonds de solidarité pour
les entreprises à la suite de la crise sanitaire
2.2.1 De nombreuses évolutions en 2021, une complexité
accrue et des dispositifs largement en extinction
Le fonds de solidarité visait à prévenir la cessation d’activité des
acteurs économiques exerçant une activité dans un secteur particulièrement
touché par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19.
Initialement créé pour une durée de trois mois
36
, il n’a cessé de voir son
horizon temporel s’étendre en raison de la poursuite de l’épidémie de
Covid-19. Plusieurs prolongations successives ont ainsi été adoptées, au 31
36
Ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
37
décembre 2020
37
puis au 16 février 2021
38
puis au 30 juin 2021
39
puis au
16 août 2021
40
et enfin au 15 décembre 2021
41
.
Ce dispositif comportait en sus en 2020 deux volets qui ont été
depuis clôturés, et qui permettaient aux collectivités territoriales (régions
pour l’ex volet 2 et collectivités infrarégionales pour l’ex volet 2 bis) de
verser des aides complémentaires à celles versées par le fonds en lui-même.
Le volet 2 a été clôturé au 31 octobre 2020 et n’a été mobilisé en 2021 que
par le secteur des discothèques, ces dernières ayant été autorisées à déposer
un dossier jusqu’au 28 février 2021. Le volet 2 bis, temporairement ajouté
en juin 2020, a lui aussi été clôturé.
2.2.1.1 Le fonds de solidarité, principal dispositif du programme
Le programme 357 porte principalement les dépenses ayant trait au
fond de solidarité. En 2021, 90 % des crédits de paiement consommés par
le programme ont concerné les demandes au titre de ce fonds. Le fonds de
solidarité, mobilisable par les entreprises particulièrement touchées par la
crise sanitaire, visait à compenser la perte de chiffre d’affaires enregistrée
par ces dernières, selon des modalités qui ont régulièrement évolué depuis
sa création.
Ce fonds a été mis en extinction et n’accepte que les demandes
portant sur la période allant du 1
er
janvier au 30 septembre 2021. Il continue
néanmoins de rester actif afin de traiter le stock de dossiers portant sur cette
période ainsi que les nouvelles demandes formulées par les entreprises
encore éligibles. Il s’agit de certaines entreprises ultramarines concernées
par des mesures de fermeture administrative
42
.
Au cours de l’année 2021, il a connu plusieurs évolutions visant à
ajuster les critères d’éligibilité aux évolutions du contexte sanitaire.
Peuvent mobiliser ce fonds les entreprises ayant fait l’objet d’une
interdiction d’accueil du public ainsi que celles relevant de certains
secteurs, dits « protégés » (S1 et S1 bis) particulièrement touchés par la
crise sanitaire. La liste des secteurs concernés a été fixée par décret en mars
37
Ordonnance n°2020-705 du 10 juin 2020.
38
Loi de finances initiale pour 2021.
39
Décret n°2021-129 du 8 février 2021.
40
Décret n°2021-840 du 29 juin 2021.
41
Décret n°2021-1087 du 17 août 2021.
42
Décret n°2021-1581 du 7 décembre 2021 relatif au fonds de solidarité, à l’aide « coûts
fixes rebond », à l’aide « nouvelle entreprise rebond », à l’aide « loyer » à destination
des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de covid-
19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
38
COUR DES COMPTES
2020 et a connu quelques évolutions en 2021
43
. La liste « S1 » a ainsi été
modifiée par décret en février 2021
44
et la liste « S1 bis » par plusieurs
décrets, en février
45
, mars
46
, avril
47
et juin 2021
48
. Les entreprises ayant fait
l’objet de mesures de fermeture administrative et ayant enregistré une perte
de chiffre d’affaires d’au moins 20 % ainsi que celles relevant des secteurs
S1 et S1 bis et ayant enregistré plus de 50 % de pertes de chiffre d’affaires
étaient éligibles à ce fonds et pouvaient bénéficier d’une aide calculée au
prorata de la perte et pouvant atteindre 200 000
€
.
La levée progressive d’une partie des contraintes sanitaires a amené
de nouvelles évolutions afin de restreindre progressivement l’accès au
fonds aux entreprises les plus en difficulté. Désormais quasiment éteint, le
fonds de solidarité n’a plus traité, depuis le mois d’octobre 2021, que le
stock de dossiers portant sur la période janvier-septembre 2021 ainsi que
les demandes portant sur le mois d’octobre 2021 et formulées par les
entreprises encore éligibles.
2.2.1.2 Des dispositifs complémentaires créés ou modifiés en 2021
Ces aides ont, permis, pour une part d’entre elles, de prendre en
charge une partie des coûts fixes des entreprises interdites d’accueil du
public ou de certains secteurs particulièrement touchés par la crise
sanitaire, à l’image du tourisme, de la culture, du sport, de l’événementiel
ou de la restauration. Ces aides, dites « coûts fixes » ont connu de multiples
évolutions : en complément de l’aide « coûts fixes originale », une aide aux
entreprises saisonnières a été créée ainsi qu’une aide aux groupes ayant
saturé les plafonds auxquels ils avaient droit au titre des différentes aides
portées par le programme. Une aide « coûts fixes » consacrée aux
nouvelles entreprises a également vu le jour. En octobre 2021, ces aides
ont été mises en extinction et remplacées par deux nouvelles aides : l’aide
« coûts fixes rebond » et l’aide « nouvelle entreprise rebond ».
Compte
tenu de la reprise économique, il a été décidé de ne pas les reconduire pour
43
Les activités de fabrication et de production de certaines boissons alcooliques (vins,
cidre, vins de fruits, autres boissons fermentées non distillées) ont été ajoutées à la liste
de secteurs « S1 » et retirées de la liste « S1 bis ». Plusieurs secteurs ont été ajoutés à
la liste « S1 bis », à l’image de certaines entreprises réalisant plus de la moitié de leur
chiffre d’affaires avec des secteurs particulièrement concernés par la crise sanitaire
(secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport, de la culture, de l’hôtellerie-
restauration, du ski).
44
Décret n°2021-129 du 8 février 2021.
45
Même décret.
46
Décret n°2021-256 du 9 mars 2021.
47
Décret n°2021-423 du 10 avril 2021.
48
Décret n°2021-840 du 29 juin 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
39
la période postérieure au 31 octobre 2021, néanmoins, certaines d’entre
elles ont été prolongées.
En complément de ces aides « coûts fixes », des aides plus ciblées
ont également vu le jour, visant à aider certains secteurs ou types
d’entreprises (remontées mécaniques en zones de montagne, commerces
connaissant des difficultés d’écoulement de stock, établissements publics
locaux connaissant des pertes de recettes tarifaires). D’autres aides
« satellites » visent à répondre à des problématiques pouvant concerner
plusieurs secteurs d’activité, à l’image de l’aide visant à compenser les
loyers des établissements interdits d’accueil du public et de l’aide
concernant certaines entreprises des secteurs « protégés » concernées par
des mesures de fermeture.
Enfin, plusieurs aides sectorielles ne sont pas gérées directement par
la DGFiP mais relèvent formellement du fonds de solidarité. Ces aides sont
pilotées par les ministères compétents (Culture, Sports, Agriculture). Une
dernière aide, dite « multi-activités » et concernant les commerces multi-
activités en zone rurale est quant à elle gérée par le réseau des chambres de
commerce et d’industrie (CCI), sous la supervision de la direction générale
des entreprises (DGE). Ces aides ne sont pas payées par la DGFiP mais
font l’objet de décrets de transfert ou de virement à destination d’autres
programmes budgétaires, qui procèdent aux décaissements.
La Cour constate que la variété de ces aides a permis de toucher des
entreprises aux profils et aux besoins très divers. Cependant, le nombre
important de dispositifs mis en place a pu s’avérer source de complexité
pour certaines d’entre elles. Elle rappelle également que si certaines de ces
aides devaient être à nouveau prorogées voire pérennisées, il conviendrait
de les faire porter par des programmes budgétaires permanents, hors de la
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire,
qui a vocation à être
supprimée.
La Cour relève que plusieurs nouvelles aides dites « coûts fixes »
ont été créées début 2022. Une aide « coûts fixes renfort » a été mise en
place en janvier 2022
49
afin d’aider les discothèques affectées par des
mesures d’interdiction d’accueil du public depuis le 10 décembre 2021.
Une aide « coûts fixes consolidation » créée en février 2022
50
permet aux
entreprises ayant, au cours de la période du 1
er
décembre 2021 au 31 janvier
2022, connu une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % ou disposant
d’un EBE négatif au cours du mois éligible, de bénéficier d’un soutien
spécifique.
49
Décret n°2022-3 du 4 janvier 2022.
50
Décret n°2022-111 du 2 février 2022.
40
COUR DES COMPTES
Une présentation détaillée de ces dispositifs est disponible en
annexe n°2.
2.2.2 Des ouvertures de crédits en loi de finances qui
représentent moins du tiers des ressources du
programme
Plus de 70 % des crédits disponibles en 2021 au titre du programme
357 (21,3 Md
€
sur 29,7 Md
€
51
) n’ont pas été ouverts par une loi de finances
mais sont issus de reports de crédits et d’un décret d’avance.
Le programme 357
Fonds de solidarité
a fait l’objet de reports de
crédits 2020 vers 2021 pour des montants particulièrement élevés
(14,6 Md
€
). Près de la moitié des crédits disponibles au titre du programme
(48 %) sont donc issus de crédits non consommés en 2020. 70 %
(10,1 Md
€
) de ces crédits reportés ont en définitive servi à financer des
dépenses portant sur l’exercice 2021 et non des dépenses liées à des
décisions ou mesures prises en 2020.
En outre, 45 % (6,6 Md
€
) des crédits reportés en 2021 sur le
programme 357
Fonds de solidarité
ne sont pas issus des reliquats de
crédits non consommés au titre de ce programme mais proviennent de deux
autres programmes. 2,3 Md
€
ont été reportés depuis le programme 356
Chômage partiel et aides d’urgence
et 4,3 Md
€
depuis le programme 360
Compensation des exonérations de cotisations sociales
(4,3 Md
€
)
52
. Ces
reports croisés, entre programmes poursuivant des objectifs différents,
contreviennent donc au principe de spécialité budgétaire
53
.
En complément de ces crédits issus de reports, il n’avait pas été
initialement envisagé d’ouvrir de crédits supplémentaires par le biais de la
loi de finances initiale pour 2021. Le Gouvernement a attendu le stade de
la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale pour procéder, par voie
d’amendement, à l’ouverture de 5,6 Md
€
d’AE et de CP au titre du
programme, 5 Md
€
pour venir financer les besoins du fonds de solidarité
et 0,6 Md
€
ayant vocation à abonder certains dispositifs exceptionnels qui
avaient été prolongés et qui concernaient les secteurs les plus touchés par
la crise, à l’image des stations de ski et des secteurs sportif et culturel.
La Cour estime que les besoins au titre du fonds de solidarité
auraient dû être couverts par des ouvertures et non par des reports de
51
Ce chiffre ne prend pas en compte les décrets de transfert et de virement, qui ont eu
pour effet de minorer ces ressources disponibles à hauteur de -0,39 Md
€
.
52
Arrêté du 18 mars 2021 portant report de crédits.
53
Voir l’article 15-II de la LOLF qui autorise les reports « sur le même programme ou,
à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs ».
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
41
crédits, afin que la LFI reflète la réalité des besoins du programme. Si les
évolutions, par nature peu prévisibles, de la situation sanitaire, ne
permettaient pas d’anticiper le niveau de ces besoins au stade du dépôt du
projet de loi de finances, la Cour rappelle que l’amendement déposé en
nouvelle lecture aurait pu être mis à profit pour ouvrir la totalité des crédits
nécessaires à la couverture des besoins du programme.
En complément, 1,02 M
€
de crédits issus des contributions des
collectivités territoriales sont également venus abonder le programme 357
Fonds de solidarité
en 2021. Ces contributions ont essentiellement permis
de financer les dépenses liées au stock de dossiers déposés au titre du
volet 2 bis du fonds. En comparaison, les contributions reçues de tiers
avaient été significativement supérieures en 2020 (877,6 M
€
au total).
Tableau n° 5 : Contributions reçues de tiers au fonds de solidarité
(en M
€
)
Source : DGFiP
En cours de gestion, la constatation de besoins complémentaires a
amené le Gouvernement à adopter un décret d’avance
54
afin de procéder
notamment à l’ouverture de 6,7 Md
€
au titre du programme 357
Fonds de
solidarité
(voir 1.2.1.) et à abonder le programme à hauteur de 3,6 Md
€
en
loi de finances rectificative en juillet 2021
55
.
Il est à noter que 0,39 Md
€
de CP ont été transférés ou virés sur
d’autres programmes budgétaires
56
. En effet, certaines aides relevant du
programme 357 ne sont pas versées directement par la DGFiP.
54
Décret n°2021-620 du 19 mai 2021.
55
Loi n°2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.
56
Décret de transfert n°2021-831 du 28 juin 2021, décret de virement du 4 août 2021
et décret de transfert n°2021-1509 du 19 novembre 2021.
2020
2021
Fédération française des
assurances
397,5
0
Régions et collectivités
d'outre-mer
475
0
Autres collectivités
2
1
Entreprises
3,1
0
Total
877,6
1
42
COUR DES COMPTES
Enfin, la décélération de la trajectoire de dépenses du programme,
sous l’effet de la reprise économique et d’une relative amélioration du
contexte sanitaire, a entraîné un réajustement des crédits du programme
dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2021
57
(800 M
€
d’AE
et de CP annulés au titre du programme 357).
2.2.3 Des dépenses en 2021 plus de deux fois supérieures à
celles constatées en 2020
En 2021, les dépenses effectives du programme 357 –
Fonds de
solidarité
se sont élevées à 26,8 Md
€
de CP, contre 11,8 Md
€
en 2020.
Cette augmentation particulièrement importante a deux causes principales.
Tout d’abord, le principal soutien versé par le programme, les aides
relevant du volet 1 du fonds, était initialement dimensionné bien plus
modestement. En effet, en mars 2020, lors de sa création, ce fonds
s’adressait aux très petites entreprises (TPE), aux indépendants et aux
professions libérales uniquement, sous condition de chiffre d’affaires. Il a
progressivement été étendu aux entreprises de plus grande taille des
secteurs les plus exposés aux conséquences de la crise (secteurs dits
prioritaires et secteurs associés).
Avec cet élargissement, le plafonnement de l’aide mensuelle
pouvant être octroyée aux entreprises éligibles a également évolué, passant
de 1 500
€
en mars 2020 à 3 000
€
de mai à septembre 2020 puis à 10 000
€
en octobre et enfin à 200 000
€
en décembre 2020. Or, de janvier à octobre
2021, c’est ce dernier plafond qui s’est appliqué, expliquant les
décaissements bien plus importants au titre de ce volet en 2021, 24,1 Md
€
contre 11,6 Md
€
en 2020 (+12,5 Md
€
).
Le reste de l’écart s’explique par la création de nouvelles aides à la
fin de l’année 2020 ou au cours de l’année 2021, qui ont entraîné des
besoins de financement complémentaires, à l’image de l’aide coûts fixes
(1,7 Md
€
), de l’aide remontées mécaniques (0,6 Md
€
), de l’aide stocks
(0,2 Md
€
) et de l’aide destinée aux équipements publics locaux (0,2 Md
€
).
2.2.4 Une consommation de crédits en décélération au cours
du deuxième semestre 2021 sous l’effet de la reprise
économique
Les dépenses du programme 357
Fonds de solidarité
sont, par
construction, très liées aux évolutions du contexte sanitaire et à leurs
57
Loi n°2021-1549 du 1
er
décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
43
conséquences sur l’activité économique. La levée de certaines mesures de
restriction sanitaire de manière graduelle depuis le 9 juin 2021 (couvre-feu
décalé à 23h, réouverture des restaurants et cafés en intérieur,
assouplissement des jauges…) a permis de consolider la dynamique de
reprise économique. Aussi, dans ce contexte et compte tenu du moindre
besoin des entreprises, le Gouvernement a annoncé en août 2021
58
la
clôture du fonds de solidarité au 30 septembre 2021 et de la plupart des
autres dispositifs à la fin du mois d’octobre 2021. Ceci explique la
trajectoire de dépenses au titre du programme qui, après avoir augmenté
régulièrement au cours du premier semestre, a connu un fort ralentissement
au deuxième semestre 2021.
Graphique n° 8 : Dépenses mensuelles au titre du programme 357
(en CP, en Md
€
)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes
58
Communiqué de presse « Point sur l’accompagnement de l’État des secteurs
économiques affectés par la crise sanitaire », 30 août 2021.
44
COUR DES COMPTES
Tableau n° 6 : Nombre de dossiers payés et montants versés en 2021
(en Md
€
)
Source : DGFiP, traitement Cour des comptes
2.2.5 Une sous-consommation de 2,5 Md
€
À la différence de l’exercice 2020 qui s’était traduit par une sous-
consommation correspondant à 40 % des crédits ouverts en 2020 (soit un
montant de 7,9 Md
€
en CP)
59
, l’année 2021 s’est caractérisée par une
59
Note d’analyse de l’exécution budgétaire (NEB) de la mission « Plan d’urgence face
à la crise sanitaire », Cour des comptes, avril 2021.
Volet/aide
Nombre de dossiers payés 2021
Montants versés en 2021
Fonds de solidarité
4 448 408
24,1
Coûts fixes
7 765
1,7
Loyers
Fermeture
Reprise
262
0,007
Volet 2
1 631
0,032
Volet 2bis
1 674
0,002
Remontées
mécaniques
346
0,6
Stock
38 253
0,2
Dotations SPIC
3 047
0,2
Aide
complémentaire
outre-mer
761
0,003
Total
4 502 147
26,9
Retablissements de
crédits
0,1
Crédits consommés
26,8
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
45
meilleure adéquation entre les ressources disponibles et les besoins réels
du programme.
Graphique n° 9 : Exécution des crédits du programme 357
Fonds de
solidarité
en 2021 (en CP, en Md
€
)
Source : Chorus, traitement Cour des comptes
Ainsi, seuls 2,5 Md
€
, soit 8,5 % des CP disponibles, n’ont pas été
consommés. Ceci s’explique par une plus forte prévisibilité de la dépense
au second semestre 2021 comparativement à 2020. En effet, comme
rappelé
supra
, la levée d’une partie des mesures de restriction sanitaire dès
le mois de juin 2021 et la clôture de la plupart des dispositifs du programme
au cours du dernier trimestre 2021 ont considérablement réduit les
dépenses du programme au second semestre et les ont rendues plus
facilement anticipables.
La Cour souligne toutefois que cette plus forte prévisibilité de la
dépense couplée à la mise en extinction des principaux dispositifs du
programme aurait dû conduire le Gouvernement à procéder à des
annulations en LFR 2 d’un montant sensiblement supérieur à ce qui a été
le cas (-0,8 Md
€
en AE et en CP). Cela aurait permis de mieux faire
correspondre les crédits disponibles à la réalité des besoins au titre de
l’année 2021. Les crédits non consommés en 2021 auraient ainsi été
annulés et à nouveau ouverts en LFI 2022, ce qui aurait eu l’avantage de
permettre une budgétisation plus lisible et plus cohérente.
46
COUR DES COMPTES
2.2.6 Des contrôles ayant conduit à l’émission de 286 M
€
de
titres de recouvrement et plus de 3 000 cas de suspicion
de fraude signalés
La DGFiP a mis en place un ensemble de contrôles
a priori,
qui
diffèrent selon les aides. Ainsi, le volet 1 du fonds de solidarité est soumis
à un ensemble de contrôles automatiques, permettant notamment de
vérifier le secteur d’activité de l’établissement et son appartenance aux
secteurs dits « protégés » et d’effectuer divers contrôles de cohérence (sur
le niveau de chiffre d’affaires et la cohérence du couple numéro
SIREN/numéro de compte bancaire par exemple).
En complément de ces contrôles automatiques, une instruction
manuelle a lieu pour les dossiers signalés, à l’image ceux pour lesquels les
services ont de fortes suspicions de fraude, de ceux concernant des
entreprises pour lesquelles un titre d’indu a déjà été émis ou des entreprises
qui semblent avoir adapté leur comportement en vue de l’obtention de
financements du fonds (ex : entreprises en sommeil réactivées). Au total,
pour le volet 1, le taux de rejet
a priori
s’est établi à 18,8 % en 2021.
Des contrôles, exclusivement manuels, sont également opérés par
les services instructeurs sur les autres aides gérées par la DGFiP, à l’image
du dispositif coûts fixes et du dispositif reprise. Les taux de rejet
a priori
pour ces deux dispositifs s’établissent respectivement à 36 % et 53,1 %.
Le rejet
a priori
d’un dossier n’emporte cependant pas de caractère
définitif. En effet, certains dossiers vont ensuite faire l’objet d’une
régularisation car les rejets portaient par exemple sur des motifs de forme
et non de fond.
Les contrôles
a posteriori
conduits par la DGFiP ont quant à eux
permis d’identifier près de 110 000 demandes irrégulières, portant
quasiment toutes sur le volet 1 du fonds de solidarité. Ces irrégularités ont
donné lieu à l’émission de 74 600 titres de recouvrement à destination de
plus de 40 000 entreprises, pour un montant total de 286 M
€
, dont 22,9 M
€
seulement avaient à ce stade été recouvrés, ce qui représente moins de 1 %
du total des montants versés (0,7 % des 38,7 Md
€
décaissés). À ces
montants s’ajoutent 96 M
€
de reversements spontanés d’entreprises ayant
perçu des aides à tort, reversements qui font toutefois pour une large partie
suite à des contrôles.
Enfin, au 31 décembre 2021, plus de 3 000 entreprises suspectées de
fraude avaient fait l’objet d’un signalement auprès du parquet au titre de
l’article 40 du code de procédure pénale et/ou d’une plainte, pour un
montant total d’indus de 67 M
€
dont 66,2 M
€
au titre du volet 1 et 0,8 M
€
au titre du volet 2.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
47
2.3
Programme n° 358 – Renforcement
exceptionnel des participations financières de
l’État dans le cadre de la crise sanitaire
2.3.1 Des crédits importants ouverts en 2020 et largement
reportés puis annulés en 2021
Créé par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative
pour 2020 (LFR2) afin de renforcer les moyens financiers d’entreprises
stratégiques jugées vulnérables, le P 358 « Renforcement exceptionnel des
participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire » avait
été doté d’un crédit de 20 Md
€
ouvert sur le budget général
60
. Des crédits
ont été ouverts à due concurrence sur le CAS PFE afin de permettre à celui-
ci d’exécuter les dépenses correspondantes
61
. Ce programme 358 a été
maintenu en LFI 2021, sans être abondé par des crédits nouveaux : il a
bénéficié dès le 21 décembre du report de 11,696 Md
€
de crédits non
utilisés en 2020
62
.
Le décret d’avance du 19 mai 2021
63
a annulé 7,2 Md
€
sur le
programme 358, en ouvrant en parallèle l’équivalent sur deux autres
programmes de la mission Plan d’Urgence : 6,7 Md
€
sur le programme 357
« Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire »
et 500 M
€
sur le programme
« Prise en charge du chômage partiel et
financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires à
la suite de la crise sanitaire ».
Même si le contexte sanitaire est source
d’incertitudes et que son évolution rend difficiles les prévisions de besoin
en fonds propres des entreprises, l’annulation au mois de mai de plus de
60 % des crédits reportés souligne le caractère massif et insuffisamment
justifié des reports comme l’a évoqué la Cour dans son rapport sur le
budget de l’État en 2020
64
.
Enfin, la LFR2 pour 2021
65
a annulé 429 M
€
de crédits sur ce
programme
« compte tenu d'une sous-consommation anticipée au titre de
l'enveloppe de 20 Md
€
ouverte en LFR 2 pour 2020 »
66
. Dans le projet de
loi de finances, les annulations de crédits pour la mission plan d’urgence
60
État B de la loi du 25 avril 2020 relativement à l’article 9 de cette même loi.
61
État D de la loi du 25 avril 2020, relativement à l’article 10 de cette même loi.
62
Arrêté du 21 décembre portant reports de crédits
63
Décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et annulation de crédits à titre
d'avance
64
Cour des comptes,
Rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2020
.
65
Loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.
66
Page 118 du projet de loi de finances.
48
COUR DES COMPTES
étaient ainsi justifiées :
« Ces annulations traduisent la sortie de crise
progressive et dégagent des marges pour accompagner le rebond de
l’économie et investir dans la croissance potentielle du pays, qui est le
premier facteur de soutenabilité de la dette publique à moyen terme et
accompagner les ménages les plus vulnérables. »
(p13).
Au total, sur les 11,696 Md
€
reportés de 2020, 7,629 Md
€
ont été
annulés en cours d’année, soit plus de 65 % des crédits initiaux de ce
programme.
Graphique n° 10 : Ouverture et annulation des crédits sur le
programme 358 - Md
€
Source : Chorus, Cour des comptes, direction du budget
2.3.2 L’articulation avec le programme 367
L’annulation des crédits sur le P358 s’est faite en articulation avec
l’ouverture au sein de la mission
Économie
d’un nouveau programme
relatif aux participations financières de l’État. En effet, la LFR1
67
pour
2021 a par ailleurs acté l’ouverture du programme 367,
« Financement des
opérations patrimoniales envisagées en 2021 »
doté de 2 Md
€
et qui vient
abonder le compte d'affectation spéciale « Participations financières de
l'État » depuis la mission
Économie
.
Le gouvernement a en effet estimé qu’il n’était pas possible de
financer ces opérations au moyen de recettes budgétaires créées au titre de
l’urgence par le programme 358, même si les dépenses (prises en
67
LOI n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
49
participations en fonds propres ou quasi-fonds propres) sont bien de même
nature que celles financées par le programme 358.
Le programme 367 sert donc à assurer le suivi des opérations de
nature patrimoniale de l’État qui ne sont pas liées à l’urgence de la crise
sanitaire et sont financées par le budget général à défaut de pouvoir l’être
par des cessions de titres rendues impossibles du fait de la crise sanitaire.
2.3.3 Une exécution 2021 peu élevée, des dépenses
principalement dans le prolongement de celles engagées
en 2020
Une fois décomptées les différentes annulations, les crédits
disponibles sur le programme 358 se sont élevés à 4,067 Md
€
en 2021.
Or, les crédits effectivement consommés, venant abonder le CAS
PFE en recettes, se montent à 672 M
€
, soit 16,5% des crédits disponibles.
La sous-exécution au titre du programme 358 est donc majeure et n’a été
que très peu corrigée par la LFR 2. In fine, sur les 4,067 Md
€
de crédits
disponibles, 672 M
€
ont été utilisés, soit un solde résiduel de 3,395 Md
€
.
Aucun crédit supplémentaire n’a été ouvert par la loi de finances initiale
pour 2022.
La principale dépense passant par le compte d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
(CAS PFE) et ayant fait l’objet d’un
abondement du programme 358 est la souscription à l’augmentation de
capital d’Air France-KLM le 14 avril 2021.
Air France avait bénéficié au printemps 2020 d’un soutien de
l’État sous deux formes : un prêt garanti par l’État (PGE) de 4 Md
€
et un
prêt d’actionnaire de l’État d’un montant de 3 Md
€
et d’une maturité de 4
ans avec deux options d’extension d’un an consécutives exerçables par Air-
France KLM. Seul le prêt d’actionnaire relevait du programme 358 et il
avait été octroyé le 6 mai 2020.
Les appels de fonds sont intervenus le 30 novembre 2020 (1 Md
€
)
et le 15 décembre 2020 (2 Md
€
).
Le 6 avril 2021, le groupe AF-KLM a annoncé un plan de mesures
de renforcement du capital avec pour objectif de renforcer son bilan, de
préparer la reprise et de repositionner le groupe sur une trajectoire
financière durable. Les mesures se décomposent en une augmentation de
capital, et, simultanément, la conversion du prêt direct de l’État français de
3 Md
€
en instrument obligataire hybride perpétuel.
Ainsi le 19 avril 2021, conformément à l’arrêté en date du 12 avril
2021 l’y autorisant, l’État a souscrit à l’augmentation de capital de la
50
COUR DES COMPTES
société AF-KLM pour 122 560 251 actions au prix unitaire de souscription
de 4,84
€
soit pour un total de 593 M
€
, le règlement des titres étant
intervenus le 22 avril 2021. Après cette augmentation de capital, l’État
détient 28,6% du capital et 28,47 % des droits de vote. Cette opération,
utilisant le reliquat de 2020 du programme 358 resté sur le CAS en 2020 a
nécessité un abondement du CAS PFE à hauteur de 517 M
€
. Parallèlement,
l’État a souscrit le 20 avril 2021 à 3 Md
€
de titres super subordonnés à
durée indéterminée (TSS), dont le règlement est intervenu le même jour
par conversion en TSS de l’avance en compte courant d’actionnaire du
même montant accordée en 2020.
En dehors de cette opération principale, le programme 358 n’a
abondé le CAS PFE qu’à hauteur de 150 M
€
, qui correspondent à deux
souscriptions à des fonds sectoriels : le fonds d’Avenir Automobile 2 pour
100 M
€
et le fonds France Nucléaire pour 50 M
€
. Si les investissements
dans des fonds sectoriels permettent à l’État d’aider un nombre plus élevé
d’entreprises plus petites, ils restent un point d’attention : ne faisant l’objet
d’aucun suivi d’ensemble, ils requièrent en plus des compétences humaines
spécifiques
68
.
Alors que le programme 358 avait en 2020 représenté 76 % des
recettes du CAS PFE en 2020 il ne représente plus qu’environ 14 % en
2021.
Le programme 358 a donc eu cette année une utilité limitée. Il a
plutôt été utilisé comme une forme de réserve de crédits transférés en cours
d’exercice vers d’autres programmes de la mission
Plan d’urgence
. Sa
faible consommation en cours d’exercice aboutit à un montant très élevé
encore disponible en fin d’exercice (3,395 Md
€
) alors que l’annulation de
crédits dont il a fait l’objet en LFR 2 (429 M
€
) est d’un niveau bien
inférieur à ce qui aurait pu être fait.
De plus, large et non fléché d’un point de vue sectoriel, il va à
l’encontre du principe de spécialité des crédits budgétaires défini par la
LOLF. Des crédits de missions ministérielles sectorielles auraient ainsi pu
être utilisés pour alimenter le CAS PFE.
2.4
Programme n° 360 – Compensation à la
sécurité sociale des allègements de
68
Voir note d’exécution budgétaire sur le Compte d’affectation spéciale Participations
financières de l’État.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
51
prélèvements pour les entreprises les plus
touchées par la crise sanitaire
2.4.1
Un dispositif inédit d’allègement et de soutien au
paiement des prélèvements sociaux
2.4.1.1 Mesures de soutien aux employeurs du secteur privé
Dès le mois de mars 2020, a été en mise en place une possibilité de
report du paiement des prélèvements sociaux dus au titre de février, puis
de mars et avril 2020, notamment pour les PME, TPE et travailleurs
indépendants des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme,
de la culture, du sport et de l’évènementiel, et pour ceux dont l’activité
dépend de ces secteurs.
Devant l’ampleur des prélèvements sociaux dont le règlement était
ainsi reporté, trois dispositifs distincts ont été ensuite créés, intégralement
compensés par le budget de l’État à la sécurité sociale et à l’Unédic
69
.
Un premier dispositif
Tout d’abord, dans le contexte de la première vague de l’épidémie,
l’article 65 de la LFR 3 2020 du 30 juillet 2020
70
a instauré une exonération
de cotisations et contributions sociales patronales. À cela s’est ajoutée une
aide au paiement des cotisations et contributions sociales patronales et
salariales non exonérées dues à l’Urssaf, sur la base d’un prorata de la
masse salariale soumise à cotisations initialement fixé à 20 %. Ces mesures
couvraient la quasi-totalité des prélèvements sociaux à l’exception notable
des cotisations de retraite complémentaire des salariés Agirc-Arrco.
L’exonération et l’aide au paiement ont couvert les périodes
d’emploi de février à mai 2020 pour les entreprises des secteurs 1 et 1 bis,
et de février à avril 2020 pour les entreprises du secteur 2 (voir encadré
pour les critères et définitions). Les entreprises qui ont continué à faire
l’objet de mesures administratives de fermeture après ces dates sont
demeurées éligibles aux exonérations et à l’aide au paiement.
69
En application des dispositions des articles L.131-7 et LO. 111-3 du code de la
sécurité sociale, toute mesure d’allègement des prélèvements sociaux donne lieu à
compensation intégrale par le budget de l'État, à moins qu’une loi de financement de la
sécurité sociale ne déroge à cette obligation. La LFSS 2021 n’a pas prévu de dérogation.
70
Le décret d’application n° 2020-1103 date du 1
er
septembre 2020 et l’instruction de
mise en
œ
uvre DSS/5B/SAFSL/2020/160 du 22 septembre 2020.
52
COUR DES COMPTES
Un deuxième dispositif
Compte tenu des nouvelles mesures de restriction sanitaire mises en
œ
uvre à l’automne 2020 pour faire face à la deuxième vague de l’épidémie,
un deuxième dispositif a été mis en
œ
uvre par la LFR 4 2020 et, à la suite
d’un amendement, par la loi de financement de la sécurité sociale pour
2021 (article 9) et son décret d’application n° 2021-75 du 27 janvier 2021.
Ces textes ont repris le premier dispositif en en élargissant les
critères (voir encadré) pour les périodes d’emploi d’octobre (pour les
entreprises affectées par le couvre-feu instauré à partir du 17 octobre) ou
novembre (pour les entreprises affectées par le confinement instauré le
30 octobre) jusqu’à la fin de l’année 2020. L’article 9 de la LFSS 2021
ayant prévu une possible prolongation du dispositif par décret, celui-ci s’est
appliqué jusqu’à fin février puis fin avril 2021
71
pendant la troisième vague
de l’épidémie.
Un troisième dispositif
Dans le cadre de la levée progressive des mesures de restriction et
de la reprise d’activité des secteurs affectés par la crise sanitaire, un
troisième dispositif modifié d’aide au paiement a été mis en place sur les
périodes d’emploi de mai à juillet 2021 par l’article 25 de la loi LFR 1 du
19 juillet 2021 et son décret d’application n° 2021-1094 du 19 août 2021.
Toutefois, la reprise de l’épidémie a conduit à réactiver le deuxième
dispositif par de nouveaux décrets pris en application de l’article 9 de la
LFSS 2021. Cela a d’abord été le cas pendant la quatrième vague de l’été
2021 (périodes d’emploi des mois de juillet et août) dans les départements
et collectivités d’outre-mer dans lesquels l’état d’urgence sanitaire a été
prorogé
72
. La fermeture des salles de danse
73
à compter du 10 décembre
2021, lors de la cinquième vague de décembre 2021, a entraîné l’adoption
d’un nouveau décret
74
qui a remis en
œ
uvre exonérations et aides au
paiement pour ce secteur d’activité pendant les mois de novembre et de
décembre 2021.
Le programme 360 a été créé par la loi de finances rectificative du
30 juillet 2020 (LFR3) pour financer la compensation à la sécurité sociale
des exonérations et aides au paiement accordées aux entreprises touchées
71
Respectivement par les décrets n° 2021-430 du 12 avril 2021 et n° 2021-709 du 3
juin 2021.
72
Décret n° 2021-1410 du 29 octobre 2021.
73
Dénomination du décret du 7 décembre 2021 pour les discothèques (type P), les bars
et restaurants dansants (type N).
74
Décret n° 2021-1956 du 31 décembre 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
53
par la crise pandémique du virus Covid-19 dans le cadre du premier
dispositif et des deux suivants.
Dispositifs compensés par l’État à la sécurité sociale
sur le programme 360
1/ Le dispositif « vague 1 » a consisté en une exonération de
cotisations et contributions sociales patronales et en une aide au
paiement permettant de réduire le montant des dettes de cotisations et de
contributions sociales patronales, après application de l’exonération, et
de cotisations et contributions sociales salariales.
Le périmètre des entreprises concernées était identique à celui des
bénéficiaires du fonds de solidarité
75
. À la création du dispositif, il
s’agissait des entreprises de moins de 250 salariés
œ
uvrant dans un
secteur particulièrement affecté, dit secteur 1
76
ou fortement dépendant
des secteurs affectés et ayant subi une baisse dépassant un certain seuil
de leur chiffre d’affaires (dit secteur 1 bis
77
). Il s’agissait également des
entreprises d’autres secteurs de moins de 10 salariés accueillant du
public et fermées administrativement (dit secteur 2, sans liste limitative).
Le dispositif a également été ouvert aux travailleurs indépendants
et aux artistes-auteurs relevant des mêmes secteurs. Pour ces publics, il
a pris la forme de réductions forfaitaires des montants de cotisations et
de contributions exigibles.
2/ Le dispositif « vague 2 » (appliqué aussi aux vagues 3 et 4) a
repris le dispositif « vague 1 » en élargissant les conditions d’éligibilité :
le seuil de perte de chiffre d’affaires pour les entreprises du secteur 1 bis
a été abaissé de 80 % à 50 % et le nombre maximal de salariés pour
relever du secteur 2 a été rehaussé de 9 à 49.
3/ Dans le cadre du dispositif de sortie de crise mis en
œ
uvre par
l’article 25 de la LFR1 du 19 juillet 2021, il a été mis fin aux
exonérations et le taux de l’aide au paiement a été réduit de 20 % à 15 %
et plafonné à 250
€
par mois et par entreprise. Les annexes
75
Périmètre défini par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de
solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences
économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des
mesures prises pour limiter cette propagation.
76
Ces catégories d’entreprises sont listées en annexe 1 du décret : hôtellerie, tourisme,
restauration, transports aériens, voyages, culture, évènementiel, sport.
77
Ces catégories d’entreprises sont listées en annexe 2 du décret : production et
commerce alimentaire, biens et services produits ou commercialisés pour les secteurs
ci-dessus.
54
COUR DES COMPTES
réglementaires définissant les champs des secteurs 1 et 1 bis ont été
modifiées à plusieurs reprises.
Le montant cumulé perçu au titre des exonérations et des aides au
paiement par employeur était initialement plafonné à 0,8 M
€
en
application du droit européen sur les aides d’État, plafond ensuite relevé
à 1,8 M
€
78
.
Avec la cinquième vague de l’épidémie, le Premier ministre a
annoncé le 18 janvier 2022 de nouvelles mesures pour les entreprises de
moins de 250 salariés relevant des secteurs 1 et 1bis qui ont perdu au moins
30 % de leur chiffre d'affaires sur les mois de décembre 2021 et de
janvier 2022 (et non plus 50 %). Le montant de l’aide au paiement a été
fixé à 20 % de la masse salariale brute. Ces entreprises ont bénéficié en
outre d’une exonération totale de cotisations et contributions sociales (sauf
retraite complémentaire) dans les cas – limités - où leur perte de chiffre
d’affaires a dépassé 65 % ou si elles ont fait l’objet d’une fermeture
administrative. Ces dispositions ont été mises en
œ
uvre par le décret
n° 2022-170 du 11 février 2022.
2.4.1.2 Mesures de soutien aux travailleurs indépendants et artistes-
auteurs
Les travailleurs indépendants ont également bénéficié des trois
dispositifs (même secteurs, même seuils de déclenchement), sous la forme
de réductions forfaitaires des cotisations et contributions sociales exigibles.
Les montants de ces réductions sont décrits dans le tableau ci-dessous.
78
Communication de la Commission européenne du 20 mars 2020
Encadrement
temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte
actuel de la flambée de COVID-19 (2020/C 91 I/01).
Le plafond a été fixé à 0,8 M
€
,
0,12 M
€
pour les employeurs dont l’activité principale relève du secteur de la pêche et
de l’aquaculture et 0,1 M
€
pour ceux dont l’activité principale relève du secteur de la
production agricole primaire. Ces plafonds ont été relevés respectivement à 1,8 M
€
,
0,27 M
€
et 0,225 M
€
par une communication de la Commission du 28 janvier 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
55
Tableau n° 7 : Montants des réductions de cotisations exigibles mises
en
œ
uvre pour les travailleurs indépendants
Source : Urssaf
Sous réserve de leur imputation anticipée sur les montants
provisionnels de prélèvements sociaux appelés courant 2020, les
réductions 2020 ont été appliquées aux montants de prélèvements sociaux
appelés à la suite des déclarations de revenus professionnels au titre de
2020, effectuées en mai 2021, qui ont permis de régulariser les montants
dus au titre de 2020. De même, les réductions 2021, hors celles des mois
de janvier et février, qui ont été intégrées dans la régularisation de mai
2021, prendront effet à la suite de la déclaration des revenus professionnels
au titre de 2021, en mai 2022.
De nouvelles mesures de réduction de cotisations sociales liées à la
cinquième vague de l’épidémie ont été mises en
œ
uvre par le décret
n° 2022-170 du 11 février 2022 précité pour les travailleurs indépendants
sur les périodes de décembre 2021 et de janvier 2022 sous la forme d’une
réduction forfaitaire de 600
€
par mois pour ceux dont la baisse de chiffre
d’affaires a été au moins égale à 65 % et de 300
€
par mois pour ceux dont
la baisse de chiffre d’affaires a été au moins égale à 30 % et inférieure à
65 %.
Pour les artistes-auteurs, qui sont rattachés au régime général,
l’Acoss disposait des revenus artistiques. Les Urssaf ont utilisé les revenus
2019 et ont considéré comme significatifs ceux qui étaient supérieurs à
LFR3 2020
LFR1 2021
Printemps 2020
Octobre 2020 à
mars 2021
Avril à juillet 2021
(sept 2021 / DOM)
Juin à août 2021
S1 et S1
bis
2 400
€
forfaitaires
600
€
forfaitaires par
mois d’éligibilité
600
€
forfaitaires par
mois d’éligibilité
250
€
forfaitaires par
mois d’éligibilité
S2
1 800
€
forfaitaires
600
€
forfaitaires par
mois d’éligibilité
(nov 2020, fév 2021
et /ou mars 2021)
600
€
forfaitaires par
mois d’éligibilité
Exclu
Cotisations 2020,
reliquat imputable
sur les cotis 2021
Pour les TI ayant
débuté leur activité
au 1
er
trim 2021,
réduction imputée
sur les cotis 2021
Cotisations
concernées
Cotisations 2020,
pas de report
possible sur 2021
Cotis 2021, pas de report possible sur 2022
Pour les mois éligibles aux deux dispositifs,
application du dispositif le plus favorable
Secteurs
LFSS 2021
56
COUR DES COMPTES
3000
€
. Sur 250 000 comptes Urssaf, 50 000 ont été ainsi retenus. Les aides
ont été versées par paliers (quatre) en fonction du niveau de revenu et de la
perte subie. Pour 2021, la perte d’activité sera également mesurée par
rapport à 2019.
2.4.2 Des crédits importants ouverts en 2020 et largement
annulés en 2021
Comme cela a été observé dans la NEB relative à l’exercice 2020,
les 4,3 Md
€
de crédits ouverts en LFR 4 de fin de gestion 2020 ont visé à
couvrir les besoins estimés de la gestion 2021 en sus de la gestion 2020.
Ces crédits, non consommés et reportés sur l’exercice 2021, ont été annulés
par un arrêté pris le 18 mars 2021 et ont alimenté le programme 357,
« fonds de solidarité ».
En conséquence, aucun crédit n’a été ouvert sur la gestion 2021 du
programme 360 – alors que les besoins étaient certains – jusqu’à l’adoption
de la LFR 1 du 19 juillet 2021, qui a ouvert 4 Md
€
de crédits.
En outre, 500 M
€
supplémentaires ont été ouverts en LFR2 de fin
de gestion 2021, le montant des crédits ouverts en 2021 sur le programme
étant ainsi porté à 4,5 Md
€
. Cette dernière ouverture de crédits a eu
essentiellement pour objet de couvrir la prise en charge des réductions
forfaitaires 2021 sur les revenus professionnels des travailleurs
indépendants au titre des mois de mars 2021 à février 2022, qui prendra
effet lors de la régularisation de mai 2022.
2.4.3 Une exécution 2021 en ligne avec les besoins de la
sécurité sociale
L’ouverture tardive des crédits en LFR1 n’a pas suscité de difficulté
particulière de trésorerie pour l’Acoss. En effet, les montants versés en fin
d’exercice 2020 par l’État dépassaient de 1,6 Md
€
les besoins constatés au
31 décembre 2020 selon la NEB de l’an dernier.
L’état de trésorerie de l’Acoss en 2021 indique qu’elle est restée
surdotée au titre de cette compensation, au moins jusqu’à la fin mars
2021
79
.
79
Au regard d’un montant versé par l’État de 3,9 Md
€
en 2020, le montant déclaré par
les entreprises, travailleurs indépendants et artistes-auteurs était de 3,1 Md
€
au
16 février et de 4,6 Md
€
au 16 mars. On suppose un écart d’au moins un mois entre la
déclaration et le règlement. Par ailleurs, le montant des exonérations et aides au
paiement accordées aux employeurs de salariés du secteur privé au titre des périodes
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
57
Un premier versement de 2,5 Md
€
a été réalisé dans la deuxième
quinzaine d’août 2021. À cette date, les montants déclarés totaux pour 2020
et 2021 non encore pris en charge par l’État s’élevaient à 2,3 Md
€
. L’État
n’a donc été débiteur en trésorerie que pendant une courte période, d’avril
à août 2021. Cette dette apparait en outre limitée par rapport aux montants
gérés mensuellement par l’Acoss et a pu être absorbée sans difficulté dans
sa gestion de trésorerie.
Le deuxième versement de l’État, de 1,5 Md
€
est intervenu à la mi-
novembre 2021.
Les montants totaux versés par l’État en fin d’exercice 2021
s’élèvent ainsi à 7,9 Md
€
(dont 3,9 Md
€
en 2020 et 4 Md
€
en 2021), dont
6,95 Md
€
à l’Acoss, le solde allant essentiellement à la CCMSA
(0,48 Md
€
) et à l’Unédic (0,47 Md
€
).
Les montants perçus par l’Acoss ne couvrent pas ses besoins de
financement totaux, correspondant aux montants déclarés par les
employeurs du secteur privé, les travailleurs indépendants et les artistes-
auteurs, soit 7,5 Md
€
à la date du 31 décembre 2021, générant une dette de
l’État de 0,554 Md
€
. Ils permettent toutefois de légèrement surcompenser
les montants versés par l’Acoss aux employeurs du secteur privé, aux
travailleurs indépendants et aux artistes-auteurs à cette même date, lesquels
s’élèvent à 6,5 Md
€
.
Par ailleurs, les 500 M
€
de crédits supplémentaires ouverts en
collectif de fin d’année 2021 n’ont pas été versés à l’Acoss et ont été
reportés en 2022 par arrêté du 25 mars 2022. Ils permettront de compenser
l’essentiel de la dette de l’État envers l’Acoss mais il faudra ouvrir de
nouveaux crédits en cours d’année pour compenser les montants qui seront
encore déclarés en 2022 au titre de 2020 et 2021
80
, et les besoins suscités
en 2022 par la cinquième vague de l’épidémie.
d’activité, déclaré par ces derniers après le 15 février 2021 et non comptabilisé au titre
de l’exercice 2020 s’élève à 1,4 Md
€
.
80
Les entreprises ont trois ans pour déclarer les exonérations et aides au paiement. Dans
les quatre mois de mi-septembre 2021 à mi-janvier 2022, elles ont ainsi continué à
déclarer au titre de l’exercice 2020 des exonérations à hauteur d’environ 15 M
€
par
mois et des aides au paiement à la même hauteur.
58
COUR DES COMPTES
2.4.4
Un dispositif largement déployé
L’article 7 de la LFSS 2021 a prévu les modalités d’enregistrement
et de répartition des exonérations et aides au paiement entre les différents
organismes de protection sociale.
Pour l’aide au paiement, les entreprises l’imputent directement sur
le montant des cotisations sociales qu’elles doivent aux Urssaf. L’Acoss
devait percevoir en compensation 4 Md
€
de l’État (1,6 Md
€
en LFR 3 2020
et 2,4 Md
€
en LFR 1 2021).
Pour les 3,0 Md
€
d’exonérations de cotisations et de contributions
sociales patronales, dont 2,3 Md
€
au titre de la LFR 3 2020 et 0,7 Md
€
au
titre de la LFR 1 2021, et pour les 0,9 Md
€
de réductions de prélèvements
sociaux en faveur des travailleurs indépendants et des artistes-auteurs au
titre de la LFR 1 2021, une convention a été signée le 23 octobre 2020 entre
la DSS, la DB, l’Acoss, la CCMSA et d’autres organismes sociaux
81
. Elle
a chargé l’Acoss et la CCMSA de centraliser les versements des avances
de l’État et de les répartir entre les différents organismes bénéficiaires sur
le fondement d’une clé prévisionnelle de répartition fournie par la DSS.
Le tableau ci-après donne la répartition des crédits à verser selon
cette clé prévisionnelle.
81
L’établissement national des invalides de la marine (Enim), la caisse d’amortissement
de la dette sociale (Cades), le fonds national d’aide au logement (Fnal), la caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie (Cnsa) et l’Unédic.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
59
Tableau n° 8 : répartition entre organismes des crédits budgétaires
versés pour la compensation des exonérations
et réductions de prélèvements sociaux
Source : Acoss
Les montants finalement répartis sur les 7,9 Md
€
payés par l’État en
2020 et en 2021 ont été de 6,946 Md
€
à l’Acoss (dont 3,186 Md
€
au titre
des exonérations et 3,76 Md
€
au titre de l’aide au paiement), 0,485 M
€
à
la CCMSA, 0,467 Md
€
à l’Unédic, 1 M
€
à l’établissement national des
invalides de la marine (Enim) et 1 M
€
à la Caisse de prévoyance sociale de
Saint-Pierre et Miquelon (CPSSPM).
Au 31 décembre 2021, les montants dus par l’Acoss aux entreprises,
travailleurs indépendants et artistes auteurs s’élevaient parallèlement à
7,5 Md
€
, dont 3,37 Md
€
d’exonérations et 4,13 Md
€
d’aide au paiement.
La créance de l’Acoss sur l’État au 31 décembre 2021 atteint donc 554 M
€
.
L’Acoss a indiqué par ailleurs que l’Unédic est au contraire en dette de
104 M
€
envers l’État au 31 décembre. Le solde de la CCMSA est inconnu
de l’Acoss.
Les décaissements de l’Acoss au 31 décembre 2021 ont atteint
6,5 Md
€
. En termes de trésorerie, l’Acoss est donc – temporairement –
surdotée de près de 500 M
€
.
2020
2021
Cumul
Cades
0
2
2
Cnaf
294
185
480
Cnam-AT
4
117
121
Cnam-Mal
597
496
1 093
Cnav
891
453
1 344
CNSA
25
15
40
CPSTI
0
10
10
Enim
0
0
0
Fnal
28
8
36
Unédic
0
3
3
Total versé Acoss
1 838
1 291
3 129
Unédic
345
122
467
Ccmsa
115
186
301
Enim
1
0
1
CPSSPM
0
1
1
Total versé directement
462
309
771
Total global
2 300
1 600
3 900
60
COUR DES COMPTES
2.4.5
Des contrôles limités sur la dépense
Les Urssaf vérifient en principe les conditions d’effectifs, de seuils
et de nature juridique à l’application des exonérations et aides au paiement.
Des actions de fiabilisation des données déclarées par les entreprises ont
été engagées afin de favoriser une industrialisation du suivi des critères
d’éligibilité, mais l’Acoss fait valoir qu’elles ont été limitées par leur
évolutivité, parfois rétroactive
82
. Les travaux menés par la Cour dans le
cadre de sa mission de certification des comptes de l’activité de
recouvrement (réseau des Urssaf) pour l’exercice 2021 conduisent
toutefois à nuancer la portée de ces indications.
S’agissant des exonérations, le traitement automatisé d’intégration
dans les comptes des cotisants des données déclarées dans les DSN (TD 84)
vérifie le montant maximal de la part patronale éligible aux exonérations,
en rejetant celles dont le montant dépasse la part patronale déclarée. Par
ailleurs, un automate effectue notamment un contrôle de l’éligibilité des
cotisants à l’aide au paiement en fonction du plafond de 250 salariés. En
revanche, aucun contrôle n’est réalisé sur l’application du plafond de
50 salariés pour les cotisants relevant du secteur S2. Enfin, l’exploitation
des signalements issus du traitement du TD 84 et des listes issues de
l’automate fait apparaître de fréquentes anomalies ayant un impact
financier.
La portée des actions de fiabilisation menées par les Urssaf est
affectée par l’indisponibilité de certaines données, comme la baisse du
chiffre d’affaires, et les écarts qui peuvent exister entre les codes APE de
l’Insee (activité principale de l’entreprise, ou « code NAF » pour
nomenclature d’activité française) et la réalité des activités des entreprises,
qui peuvent être de plusieurs natures ou évolutives
83
.
Par ailleurs, l’Acoss a détecté en mars 2021 une erreur involontaire
de paramétrage de déclarations DSN par un éditeur de logiciel conduisant
à majorer à tort les montants déclarés d’aide au paiement (à hauteur de
445 M
€
). La détection de l’erreur n’a pas été due à une vérification
systématique des paramétrages des logiciels édités mais à l’importance et
à la visibilité de ses conséquences.
Concernant les contrôles
a posteriori,
la poursuite de la crise
sanitaire et de ses effets en 2021, a conduit à ne les reprendre qu’auprès des
82
Forme juridique pour les SCI, seuil du plafonnement, appréciation des effectifs…
83
L’Acoss n’exploite pas les données,
a priori
plus pertinentes et fiables, relatives au
numéro d'identifiant de la convention collective applicable (IDCC), pourtant déclarées
dans la DSN.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
61
entreprises non fragilisées sur un plan économique, soit, compte tenu des
critères définis, moins de 50 % de ceux programmés initialement. Au
premier semestre 2021, le respect des règles sanitaires a conduit en outre à
modifier les modalités d’intervention auprès des cotisants en priorisant le
contrôle à distance. La Cour ne dispose pas des statistiques de ceux
spécifiquement engagés sur les exonérations et aides au paiement. Il
conviendrait que les Urssaf engagent enfin ces contrôles sur les exercices
2020 et 2021 avant mise en
œ
uvre des délais de prescription triennaux. La
DSS a indiqué qu’une instruction Urssaf en ce sens a été diffusée dans le
réseau en janvier 2022. Les outils permettant d’opérer les contrôles seront
disponibles en principe en avril 2022 après expérimentation.
2.5
Programme n°366 – Matériels sanitaires pour
faire face à la crise de la Covid-19
2.5.1
Un programme ciblé sur un besoin d’achats
interministériels spécifiques
Le programme 366 «
Matériels sanitaires pour faire face à la crise
de la Covid-19
» a été créé par amendement gouvernemental au PLF 2021
du 12 décembre 2020. Il a pour objet de prendre en charge les dépenses
d’achat et de stockage de masques textiles grand public à « usage non
sanitaire » (UNS1), ainsi que de tests antigéniques, «
supportées par l’État
au titre de ses missions d’employeur et de protecteur de certaines
catégories de la population
», selon les termes de l’exposé des motifs de
l’amendement.
Dans l’exercice de ses responsabilités d’employeur, l’État met des
masques textiles à la disposition des agents de la fonction publique de l’État
(FPE)
84
.
Au titre de son rôle de protecteur, l’État délivre de même
gracieusement des masques de même nature à des personnes vulnérables
ou susceptibles d’éprouver des difficultés pour acheter des masques :
-
personnes bénéficiant de la complémentaire santé solidaire (CSS)
ou de l’aide médicale de l’État (AME) ;
-
élèves boursiers et étudiants boursiers ;
-
pensionnaires d’Ehpad ;
84
Les employeurs de la fonction publique hospitalière (FPH) et de la fonction publique
territoriale (FPT) assument eux-mêmes la protection de leurs propres agents.
62
COUR DES COMPTES
-
associations
œ
uvrant dans le domaine de l’aide aux plus démunis.
En 2020, les dépenses d’achats et de stockage de masques textile à
usage non sanitaire avaient été réalisées sur le programme 134
«
Développement des entreprises et régulations
», à l’instar d’autres achats
motivés par l’urgence et opérés par la direction des achats de l’État (DAE)
sous l’autorité du cabinet du Premier ministre et du secrétariat général des
ministères économiques et financiers. Leur financement avait été assuré
par le dégel de la réserve de précaution du programme 134 et par des
ouvertures de crédits par la loi de finances rectificative du 25 avril 2020 et
le décret n°2020-584 du 18 mai 2020 pour dépenses accidentelles et
imprévisibles. Sur 492,7 M
€
de crédits alloués à ces achats, 461,6 M
€
avaient été engagés et 394,8 M
€
payés en 2020, occasionnant ainsi le report
de 97,9 M
€
de crédits.
La création d’un programme spécifique au sein de la mission Plan
d’urgence a procédé d’un arbitrage interministériel confiant au ministère
des finances, de l’économie et de la relance (MEFR) la poursuite du
paiement
des
commandes
réalisées
en
2020
et
de
son
rôle
d’approvisionnement du stock stratégique en masques textiles. La
compétence de négociation des contrats a ainsi été maintenue à la DAE et
la conclusion de ces marchés au bureau des achats mutualisés de
l’administration centrale (BAMAC), sous l’autorité du cabinet du Premier
ministre et du secrétariat général des ministères économiques et financiers,
responsable du programme.
Les masques financés par le programme sont ensuite attribués par le
centre
interministériel
de
crise
aux
différents
ministères.
Par
l’intermédiaire des préfectures, le ministère de l’Intérieur supervise les
opérations de distribution des matériels :
-
à la fonction publique d’État sur l’ensemble du territoire ;
-
aux publics en situation de précarité ou de vulnérabilité sociale,
selon un périmètre et des modalités définies par le ministère des
solidarités et de la santé ;
-
à destination des établissements scolaires si le ministère de
l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports en fait la
demande.
Par ailleurs, un niveau minimum de stock stratégique de
120 millions de masques textiles a été entériné par un arbitrage
interministériel du 29 septembre 2020 en vue d’assurer la couverture des
besoins d’une population d’une vingtaine de millions de personnes
identifiées comme fragiles pendant une durée de 10 semaines, soit un
nombre estimatif de 84 millions d’unités ; la prise en compte des délais de
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
63
lavage, de distribution et de conditionnement ; la couverture des besoins de
l’État employeur.
2.5.2
Une forte sous-consommation des crédits
2.5.2.1 Une estimation d’importants besoins réalisée fin 2020
Le programme 366 a été doté en LFI 2021 de 430 M
€
en AE et en
CP, dont 400 M
€
pour l’achat de 335 millions de masques et 30 M
€
de
provisions pour l’achat de tests antigéniques, notamment pour les
ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale. S’y sont ajoutés des
reports de crédits en provenance du P 134, à hauteur de 31,14 M
€
en AE et
de 97,92 M
€
en CP, ayant vocation à couvrir des restes à payer.
Le montant des achats de masques avait été estimé pour 2021 à
425 M
€
85
en fonction des hypothèses suivantes :
-
une cible de coût unitaire de 1,27
€
, estimé d’après l’évolution des
coûts constatée sur les commandes effectuées fin 2020 ;
-
une consommation de 256 millions d’unités sur 9 mois, selon la
décomposition suivante :
en faveur de la FPE, soit 2,5 millions de fonctionnaires, une
dotation permettant de disposer de deux masques par jour
ouvrés, ce qui correspond, pour des masques lavables 50 fois,
à 9 masques par personne pour 9 mois, soit 22 millions
d’unités pour une dépense anticipée de 28 M
€
;
en faveur de 13 millions de bénéficiaires relevant de publics
en situation de précarité ou de vulnérabilité sociale, trois
masques distribués par jour calendaire, ce qui correspond à un
besoin de 18 masques par personne pour 9 mois, soit
234 millions d’unités pour une dépense anticipée de 297 M
€
;
-
une provision supplémentaire de 100 M
€
, soit environ 80 millions
d’unités, permettant de maintenir un niveau de stock minimal de
120 millions masques en tenant compte du stock prévu à fin 2020.
85
En escomptant en complément un report d’AE de 25 M
€
, qui s’est finalement révélé
plus élevé.
64
COUR DES COMPTES
Graphique n° 11 : Exécution du programme 366 (CP, en M
€
)
Source : Cour des comptes d’après ministère de l’économie, des finances et de la relance.
2.5.2.2 Une consommation nettement inférieure à la prévision
Le programme 366 présente en fin d’exercice une nette sous-
consommation des crédits disponibles, à hauteur de 182,3 M
€
en AE et
203,8 M
€
en CP, dont 21,56 M
€
de dépenses engagées en 2021 restant à
payer en 2022. La sous-consommation s’élève ainsi à 40 % des crédits
disponibles.
Cette sous-exécution s’explique principalement par la non-
réalisation d’une partie des achats de masques, en raison de commandes
moindres que prévu de la part des ministères chargés de la distribution.
Les masques textiles grand public ont fait l’objet d’un appel d’offre
européen, à l’issue duquel le ministère de l’économie, des finances et de la
relance a conclu un accord-cadre, subdivisé en trois lots de marchés à bons
de commande multi-attributaires. Les commandes nouvelles sont
ordonnancées par la DAE après transmission par les ministères de leurs
besoins de réassort, validées par le cabinet du Premier ministre.
Pour le volet « État protecteur », l’instruction des besoins a
principalement reposé sur le ministère des solidarités et de la santé pour les
opérations de distribution de masques aux publics en situation de précarité
ou de vulnérabilité sociale, ainsi que sur le ministère chargé de l’éducation
pour les distributions aux élèves qui en sont dépourvus. Pour le volet « État
employeur », le ministère de l’intérieur a été chargé d’assurer une
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
65
distribution automatique de masques à tous les ministères, via le réseau des
préfectures (1 dotation de 6 masques par semestre).
Pour les trois lots de l’accord cadre, 223,5 millions de masques ont
été
commandés
en
2021,
contre
336
millions
prévus
en
LFI
(consommations + provision pour stock), soit une réalisation de la
prévision de nombre de masques à hauteur de 67 %. Pour sa part, le coût
moyen d’un masque s’est élevé à 1,16
€
TTC, soit 0,11
€
de moins que
l’hypothèse de prévision. Le montant total des commandes s’est ainsi élevé
à 260 M
€
. La moindre consommation sur les commandes de masques a
ainsi atteint 165 M
€
, dont un effet volume de 140 M
€
et un effet prix de
25 M
€
.
Le stock au 1
er
janvier 2021 était évalué à moins de 60 millions de
masques. Au 31 décembre 2021, le stock disponible était de 134 millions
de masques UNS1, soit une progression de 74 millions d’unités, hors
masques mis en quarantaine après contrôle car jugés impropres à l’usage
ou non conformes
86
. S’y ajoutent 750 000 masques lavables 20 fois
résultant des campagnes d’acquisition du printemps 2020.
La consommation courante de masques sur l’année 2021 s’est donc
élevée à 150 millions d’unités environ, dont 131 millions à destination des
publics précaires ou vulnérables. Les prévisions de besoins de masques
réalisées lors de la programmation se sont révélées supérieures aux besoins
réels.
Cette moindre consommation s’explique en partie par les
confinements et réductions d’activité subies en 2021, mais aussi par des
besoins moins importants que prévus. En particulier, les distributions et les
stocks de proximité déjà réalisés en excédent en 2020 au sein du ministère
de l’éducation nationale ont rendu moins nécessaires les réassorts en 2021.
S’agissant des publics vulnérables ou précaires, les évaluations réalisées
par le ministère des solidarités et de la santé en 2020 ont été revues à la
baisse d’un tiers en 2021 (de l’ordre de 40 millions d’unités au lieu de 60).
Parmi les autres dépenses imputées sur le programme en 2021, un
marché relatif au stockage des masques a été attribué en juin 2021 pour une
durée de 4 ans ferme, avec une estimation de dépenses de 0,51 M
€
par an.
Par ailleurs, 16,5 M
€
de crédits en AE et CP ont été transférés du
programme 366 au programme 214 «
Soutien de la politique de l'éducation
nationale
». Ce transfert visait à rembourser des achats déjà réalisés par le
ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, par
86
Les masques doivent être conformes à l’annexe 1 du décret n° 2021-699 du 1
er
juin
2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise
sanitaire.
66
COUR DES COMPTES
l’intermédiaire de l’Ugap, de masques grand public et de masques dits
« inclusifs » pour les personnes malentendantes (15 M
€
), ainsi que de tests
antigéniques en 2021 (pour 1,5 M
€
).
À l’exception de la part des tests dans ce transfert, la provision de
30 M
€
consacrée aux tests antigéniques n’a pas été utilisée, le besoin ne
s’étant pas concrétisé.
2.5.3
Une supervision incomplète de la chaîne de la dépense
qui limite le rôle du responsable de programme
L’organisation
héritée
de
la
crise
définit
clairement
les
responsabilités respectives de deux ministères principaux : le ministère de
l’économie, des finances et de la relance et le ministère de l’intérieur. Elle
présente en revanche le défaut d’éloigner le pilotage financier du pilotage
logistique, en termes de connaissance des besoins et de consommation.
Le responsable du programme 366 dispose d’une visibilité complète
que sur une partie du processus : les actes budgétaires, de commande, de
réception, de contrôle qualité, de stockage et de paiement des matériels.
Les commandes sont effectuées selon les instructions du cabinet du
Premier ministre, en fonction du niveau du stock constaté par la DAE.
En revanche, il n’est pas en mesure d’évaluer la qualité des
expressions de besoins et des prévisions de commandes en amont, ni de
suivre la destination et la consommation finale des matériels acquis en aval.
Les expressions de besoins sont en effet formalisées par les ministères au
cabinet du Premier ministre. La prise en charge au sortir du stock est de la
responsabilité des ministères distributeurs, notamment le ministère des
solidarités et de la santé (via un marché avec La Poste passé sur le fonds
de concours ouvert, temporairement dans le cadre de la crise, sur le
programme 204) et le service des achats, de l’innovation et de la logistique
du ministère de l’intérieur (SAILMI).
Ce fonctionnement permet difficilement d’apprécier le réalisme des
expressions de besoins lors de la programmation budgétaire, ni de
s’appuyer a posteriori sur le retour d’expérience détaillé d’une année de
consommation.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
67
2.5.4
Un dispositif exceptionnel qui devrait rejoindre en
2023 une organisation budgétaire de droit commun
Passée la situation d’urgence propre à la crise sanitaire, la dépense
d’approvisionnement en masques textiles grand public de l’État et la
dépense de stockage perdureront pour maintenir à niveau le stock
stratégique afin de faire face à toute résurgence épidémique, tant au profit
des publics en situation de vulnérabilité ou de précarité qu’en tant
qu’équipements de protection individuelle (EPI) des agents de la fonction
publique d’État.
À la suite de la mise en extinction de la mission
Plan d’urgence
, il
conviendra d’inscrire ces dépenses dans un cadre de financement pérenne,
en tenant compte de la construction des marchés actuels, lesquels courent
jusqu’en 2025.
68
COUR DES COMPTES
3
DES OBJECTIFS GLOBALEMENT
ATTEINTS, UNE MISE EN
EXTINCTION À PRÉVOIR
RAPIDEMENT
3.1
Une mission qui a porté de nombreux
dispositifs d’aide mais une documentation
budgétaire à compléter
3.1.1 Un premier bilan quantitatif
3.1.1.1
Programme n°356 –
Chômage partiel et aides d’urgence
Depuis son entrée en vigueur, en mars 2020 et jusqu’à fin 2021,
l’activité partielle de crise a été mobilisée par 1,1 million d’entreprises
représentant 1,33 million d’établissements et a permis d’indemniser
3,3 milliards d’heures pour un montant total cumulé de 33,34 Md
€
(soit
une indemnisation horaire de 10,3
€
). Au plus fort de la crise, jusqu’à
8,3 millions de salariés ont été placés en activité partielle.
Graphique n° 12 : Nombre d’heures indemnisées au titre de l’activité
partielle d’urgence entre mars 2020 et décembre 2021
Source : Cour des comptes d’après les données ASP arrêtés au 6 février 2022. Lecture : nombre
d’heures indemnisées selon le mois auquel elles se rattachent. NB : les employeurs disposent d’un
délai de six mois pour transmettre leurs demandes d’indemnisation. Un décalage peut donc exister
sur les données à partir d’octobre.
0
100 000 000
200 000 000
300 000 000
400 000 000
500 000 000
600 000 000
700 000 000
800 000 000
900 000 000
mars-20
mai-20
juil.-20
sept.-20
nov.-20
janv.-21
mars-21
mai-21
juil.-21
sept.-21
nov.-21
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
69
Selon l’estimation de la DARES
87
, en décembre 2021, 420 000
salariés bénéficiaient de l’activité partielle, soit 2,2 % des salariés du privé)
et 110 000 salariés en équivalent temps pleine. Un peu plus de la moitié
(54 %) l’était sous le régime de l’APLD, financé par le programme 364
Cohésion
.
3.1.1.2 Programme n°357 –
Fonds de solidarité pour les entreprises à
la suite de la crise sanitaire
Le programme 357 –
Fonds de solidarité
a permis de payer plus de
6,3 millions de dossiers en 2020 et 4,5 millions de dossiers d’aides en 2021
(dont 99 % au titre du volet 1 du fonds de solidarité), pour un montant total
de 38,7 Md
€
88
, le programme 357 –
Fonds de solidarité.
Au 31 décembre
2021, plus de 2 millions d’entreprises avaient bénéficié du fonds de
solidarité et des aides spécifiques. Plus d’un tiers des montants versés ont
bénéficié à des entreprises de l’hébergement et de la restauration (35 %) et
14 % à des entreprises du secteur du commerce, deux types d’activités
particulièrement touchés par les restrictions d’activité liées aux protocoles
sanitaires successifs.
Le fonds de solidarité ainsi que l’ensemble des aides « satellites »
ont très majoritairement bénéficié à des microentreprises (moins de
10 personnes et chiffre d’affaires annuel ou total de bilan inférieur ou égal
à 2 M
€
), qui ont perçu 79 % des montants distribués.
87
Estimation avancée et provisoire établie à partir des réponses des entreprises à
l’enquête Acemo-Covid et des demandes d’indemnisation déposées jusqu’au 18 janvier
88
Auxquels il convient d’ajouter 0,4 Md
€
de crédits transférés ou virés sur d’autres
programmes budgétaires en charge de la gestion et de la mise en paiement de certaines
aides (aides multi-activités gérée par le réseau des CCI sous la tutelle de la DGE et aides
sectorielles gérées par les ministères du Sport, de la Culture et de l’Agriculture).
70
COUR DES COMPTES
Graphique n° 13 : Ventilation des montants versés au titre du
programme 357 –
Fonds de solidarité
par secteur d’activité
Source : DGFiP, traitement Cour des comptes
Graphique n° 14 : Ventilation des montants versés au titre du
programme 357 –
Fonds de solidarité
par type d’entreprise
Source : DGFiP, traitement Cour des comptes
Si le montant total moyen d’aides versées aux entreprises s’établit à
un peu moins de 19 000
€
, la distribution des versements est le reflet de la
très forte hétérogénéité des bénéficiaires. Ainsi, 48 % des bénéficiaires ont
reçu moins de 7 % des versements en valeur, pour des aides d’un montant
total inférieur ou égal à 5 000
€
, mais 2 % des entreprises ont bénéficié de
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
71
versements de montants supérieur ou égal à 100 000
€
et totalisent à elles
seules près de 30 % des versements en valeur.
Tableau n° 9 : Nombre d’entreprises et montants reçus par tranche
de montant total d’aides versées (en M
€
)
Source : DGFiP, traitement Cour des comptes
3.1.1.3 Programme n°358
- Renforcement exceptionnel des
participations financières de l’État dans le cadre de la crise
sanitaire
En 2020, le programme 358 avait alimenté le CAS PFE à hauteur de
8,304 Md
€
, pour des dépenses effectives de 8,084 Md
€
relatives à 4
opérations principales (SNCF, Air France - KLM, Fonds Ace Aéro
Partenaires et émission Océane d’EDF)
Ces opérations ont été complétées en 2021 par les crédits
consommés en 2021 du programme 358, c’est-à-dire venant abonder en
recettes le CAS PFE, à hauteur de 672 M
€
pour 3 opérations (Air France-
KLM, Fonds d’Avenir Automobile 2 et fonds France Nucléaire).
In fine
, sur 2020 et 2021, trois entreprises auront été aidées
directement (SNCF, Air France –KLM et EDF) et trois fonds (fonds Ace
Aéro Partenaires, fonds d’Avenir Automobile 2, fonds France Nucléaire)
ont été mis en place pour soutenir certaines filières. Au total, le programme
358 aura abondé le CAS PFE en recettes à hauteur de 8,976 Md
€
, soit
environ 45 % des 20 Md
€
d’AE/CP ouverts sur le programme à sa mise en
place en 2020.
L’aide apportée se concentre très largement sur la SNCF (44 % des
dépenses réalisés via un abondement du programme 358) et Air France-
KLM (40 % des dépenses réalisés via un abondement du programme 358).
L’estimation initiale était volontairement élevée en 2020 pour
pouvoir faire face à l’éventail le plus large possible de difficultés des
entreprises. Si cette volonté de précaution n’est pas à remettre en question,
Tranche de montant total versé par
entreprise
Nombre
d'entreprises
Montant versé
en M
€
De 0 à 5000
€
978 300
2 582,2
De 5001 à 50 000
€
867 100
13 724,3
De 50 001 à 100 000
€
152 700
10 989,6
Plus de 100 001
€
41 400
11 401,4
Total
2 039 500
38 697,5
72
COUR DES COMPTES
c’est plutôt l’absence d’ajustement en cours d’année des crédits disponibles
à la réalité des besoins qui pose question.
3.1.1.4 Programme n°360
- Compensation à la sécurité sociale des
allègements de prélèvements pour les entreprises les plus
touchées par la crise sanitaire
À part l’annulation des crédits ouverts en LFR 2020 et leur
réouverture en LFR1 2021, le programme 360 a correctement répondu aux
besoins pour lesquels il a été ouvert. Les ouvertures de crédits ont ainsi
répondu aux montants déclarés par les employeurs de salariés du secteur
privé, les travailleurs indépendants et les artistes auteurs. Les crédits
ouverts ont été transférés dans des délais qui ont anticipé ou
immédiatement suivi les besoins de financement. Le collectif de fin
d’année a ouvert des crédits correspondant aux montants de dépenses
prévues par les services de l’Acoss.
Selon l’ACOSS, un peu plus de 450 000 entreprises cotisant auprès
des Urssaf et employant 1,2 million de salariés (proratisés en fonction du
temps de travail) ont bénéficié à fin mars 2022 du dispositif d’exonération
et d’aide au paiement des prélèvements sociaux. Parmi ces entreprises,
33 % relèvent du secteur de l’hébergement et de la restauration, 19 % de
celui du commerce et de la réparation des véhicules et 12 % de celui des
arts, spectacles et activités récréatives.
Les administrations avaient envisagé de mettre en extinction le
programme 360 en 2022. Toutefois, la cinquième vague et la mise en
œ
uvre
de nouveaux dispositifs associés les ont conduites à le maintenir pour 2022.
Aucun crédit n’a été ouvert en l’absence de visibilité sur les montants
nécessaires, les décrets de mise en
œ
uvre des nouveaux dispositifs,
définissant le champ des mesures et leur durée, n’ayant pas été encore
publiés– au-delà de ceux concernant les discothèques
89
. Les crédits, qui
auront pour objet de couvrir des besoins nettement plus réduits qu’en 2020
et en 2021, devront donc être ouverts en cours d’année 2022 en loi de
finances rectificative.
3.1.1.5 Programme n°366
- Matériels sanitaires pour faire face à la
crise de la Covid-19
Le programme 366 a permis la distribution d’environ 150 millions
de masques textiles UNS1 lavables 50 fois, dont 19 millions aux agents de
la fonction publique d’État et 131 millions à des publics en situation de
précarité ou de vulnérabilité sociale. Il a de surcroît permis d’atteindre
89
Décrets du 7 décembre 2021 (fermeture) et du 31 décembre 2021 (compensation).
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
73
l’objectif de constitution d’un stock stratégique de plus de 120 millions de
masques textiles grand public. Ces dépenses sont restées maîtrisées, les
commandes de réassortiment n’étant ordonnancées qu’en fonction des
besoins exprimés par les ministères responsables et de l’objectif d’un
niveau minimal du stock. Elles ont été réalisées dans des conditions de
marché plus favorables que celles anticipées par la programmation
budgétaire.
3.1.2 Un impact favorable mais des indicateurs de
performance non adaptés pour le vérifier
3.1.2.1 Un impact positif mais variable selon les dispositifs
La LFR 1 pour 2020 a institué un comité de suivi placé auprès du
Premier ministre et «
chargé de veiller au suivi de la mise en
œ
uvre et à
l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées
à l’épidémie de Covid-19
»
90
. Ce comité est notamment chargé du suivi et
de l’évaluation de la mise en
œ
uvre du fonds de solidarité, du dispositif
d’activité partielle et des exonérations de cotisations patronales mises en
œ
uvre dans le cadre du plan d’urgence.
Ce comité a rendu le 27 juillet 2021 son rapport final assorti d’un
avis
91
sur les mesures de soutien aux entreprises dans le cadre de la
pandémie. Si le comité considère que les dispositifs semblent avoir atteint
leurs objectifs, il déplore une complexification des aides proposées aux
entreprises au fur et à mesure de l’évolution de la situation sanitaire, en
particulier pour ce qui concerne l’accès au fonds de solidarité et à ses aides
« satellites ». Il estime également que les effets d’aubaine ont été moindres
que ce qui était anticipé mais qu’ils ne sont pas pour autant inexistants. En
effet, le comité met en avant des situations d’entreprises ayant un chiffre
d’affaires en hausse mais ayant tout de même bénéficié d’une ou plusieurs
aides, ce qui a pu aboutir, dans certains cas, à la surcompensation de leur
baisse d’excédent brut d’exploitation.
De manière générale et tous instruments confondus, le comité estime
que les dispositifs de soutien ont permis de réduire de 14 points la part
d’entreprises ayant connu une baisse de leur EBE supérieure à 25 points de
valeur ajoutée. Il constate également que les dispositifs ont prioritairement
touché les entreprises les plus affectées par la crise.
90
Article 6 de la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.
91
Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises
confrontées à l’épidémie de Covid-19 – rapport final et avis associé, juillet 2021.
74
COUR DES COMPTES
Graphique n° 15 : Impact des différents dispositifs sur la part
d’entreprises devenant insolvables durant la crise (en % des
entreprises initialement solvables)
Source : DG Trésor, graphique repris dans l’étude « L’impact de la pandémie de Covid-19 sur les
entreprises françaises », Trésor-Eco, avril 2021
Selon une étude de la DG Trésor
92
, le fonds de solidarité et l’activité
partielle auraient eu l’effet le plus important sur la situation financière des
entreprises :
-
L’activité partielle réduirait de 2,9 points la proportion
d’entreprises insolvables et de 5 points la part des entreprises
illiquides ;
-
Cet effet serait de 2,1 points et de 5 points pour le fonds de
solidarité ;
-
En revanche, les reports et exonérations de prélèvements sociaux
n’auraient eu qu’un effet très limité sur la situation financière des
entreprises, réduisant la proportion d’entreprises insolvables de
0,3 point et la part des entreprises illiquides de 1,7 point, ce qui
s’explique en partie par leur poids budgétaire modeste.
La Cour avait quant à elle déjà souligné
93
que ces dispositifs avaient
«
globalement rempli leurs objectifs de court terme en réduisant le nombre
92
Hadjibeyli et al. (2021), « L’impact de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises
françaises », Trésor-Éco, n° 282, Direction générale du Trésor, avril 2021.
93
Cour des comptes,
Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel
de leur utilisation – Communication à la commission des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale,
juillet 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
75
de faillites d’entreprises et en limitant les pertes d’emplois
». Selon une
simulation réalisée par la Cour, les mécanismes d’urgence ont permis
d’alléger sensiblement l’impact de la crise pour certaines très petites
entreprises, en revanche, la situation des PME semble plus mitigée.
Néanmoins, la Cour relevait que «
les aides d’urgence ont permis jusqu’ici
de préserver la solvabilité des entreprises les plus touchées par la crise,
sans empêcher, en particulier pour les PME, une dégradation de leur
trésorerie et un recours à l’emprunt, dont l’ampleur dépendra du rythme
de redressement de leur chiffre d’affaires après la crise
». Enfin, des
risques d’inefficience avaient également été pointés : celui du maintien en
activité d’entreprises non viables ainsi que celui de l’accroissement de
l’endettement des entreprises et de la dégradation de leur bilan.
3.1.2.2 Des indicateurs de performance centrés sur la rapidité de
gestion et sur le nombre de bénéficiaires
Programme n°356 – Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage
de chômage partiel et financement des aides d’urgence aux employeurs et
aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire
Le projet annuel de performances 2021 du programme 356 a
simplifié les indicateurs qui portent principalement sur la période du
premier confinement et s’apparentent avant tout à des indicateurs de
gestion :
- 2.1 Nombre d’entreprises bénéficiaires d’une allocation d’activité
partielle,
- 2.2 Nombre de salariés concernés par l’activité partielle,
- 2.3 Nombre d’heures chômées financées par l’activité partielle.
Les indicateurs relatifs à la durée moyenne de l’activité partielle et
au nombre d’emplois sauvegardés, qui ne figuraient pas dans le RAP 2020,
ont été supprimés.
Compte-tenu des hypothèses ayant présidé à la construction du
programme en LFI 2021, aucune cible n’a été fixée. Le PAP 2021 comporte
cependant une prévision actualisée du niveau des indicateurs en 2020.
En parallèle, le projet annuel de performance du programme
Cohésion
de la mission
Plan de relance
comprend deux indicateurs de
recours à l’activité partielle, correspondant à des indicateurs de gestion :
2.2 – Nombre de salariés concernés par l’activité
2.3 – Nombre d’heures chômées financées par l’activité.
76
COUR DES COMPTES
L’information disponible sur la performance du programme est
dégradée dans le PLF 2022. En effet, contrairement à l’année précédente,
le PAP du programme 356 ne comporte aucune prévision actualisée pour
2021. Les indicateurs sont seulement renseignés au titre des réalisations
2020. La DGEFP indique qu’il s’agit d’une erreur matérielle et que les
données correspondantes, par ailleurs disponibles sur le site de la Dares,
seront renseignées dans le rapport annuel de performance. L’information
du Parlement lors du débat sur le PLF en a été cependant altérée.
Programme n°357 – Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de
la crise sanitaire
Ainsi que la Cour l’avait déjà relevé l’an passé, «
les indicateurs
retenus sont, pour l’essentiel, des indicateurs de gestion, portant sur la
performance de l’administration dans la mise en
œ
uvre du dispositif
»
94
.
La Cour souligne que le seul indicateur d’impact du programme, qui portait
sur le nombre d’emplois sauvegardés grâce aux aides du fonds, a été
supprimé dans le projet annuel de performance (PAP) 2021 du programme,
car la DGFiP n’était pas en mesure de le renseigner.
Tableau n° 10 : Objectifs et indicateurs de performance du
programme 357 –
Fonds de solidarité
Source : PAP 2021 du programme
La Cour relève qu’une partie des indicateurs devenus sans objet
n’ont pas pour autant été modifiés, et ne sont donc plus renseignés. C’est
le cas :
94
Mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire – Note d’analyse de l’exécution
budgétaire 2020
, Cour des comptes, avril 2021.
Objectifs
Indicateurs
1.1. Taux de consommation des crédits
1.2. Délai entre l'ouverture des crédits en loi de finances et
l'adoption des textes réglementaires
1.3. Délai entre l'adoption des textes réglementaires et le
premier versement effectué à une entreprise
2.1. Nombre d'entreprises bénéficiaires d'une aide du fonds
de solidarité
2.2. Nombre d'entreprises ayant bénéficié à tort d'une aide
du fonds de solidarité
2.3. Durée du soutien apporté par le fonds de solidarité
1. Assurer la mise en
œ
uvre
rapide du fonds de solidarité aux
entreprises
2. Contribuer à la pérennité des
entreprises les plus affectées
par la crise sanitaire
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
77
-
de l’indicateur 1.1. qui porte sur le taux de consommation au
30 septembre 2020 ;
-
de l’indicateur 1.2., qui porte sur le premier texte réglementaire
pris au titre du fonds en mars 2020 ;
-
de l’indicateur 1.3., qui mesure le délai entre la date de publication
du premier décret relatif au fonds, le 31 mars 2020, et le premier
paiement intervenu dans Chorus ;
-
de l’indicateur 2.3, pour lequel aucun suivi n’est réalisé depuis la
fin de l’année 2020.
Elle souligne également que l’indicateur 2.2. ne dispose pas non plus
d’une prévision au titre de l’année 2021 car la DGFiP indique que compte
tenu des opérations toujours en cours, il demeure complexe d’estimer le
nombre prévisionnel d’entreprises ayant bénéficié à tort du fonds. Seul un
indicateur, le 2.3., a réellement été suivi en 2021 et a fait l’objet d’une
prévision.
Programme n°358 - Renforcement exceptionnel des participations
financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire
La mesure de la performance du programme 358 est établie comme
suit :
-
un premier objectif, « assurer le succès des opérations de
renforcement des fonds propres, quasi-fonds propres et titres de
créances des entreprises stratégiques » assorti de deux indicateurs
(les plus-values réalisées lors de la cession des titres acquis grâce
à l'abondement du CAS PFE et la durée en mois entre la date
effective de l'opération financière de prise de participation et
l'opération de cession des titres acquis) ;
-
un deuxième objectif qui est de « contribuer au redressement
économique et financier des entreprises stratégiques les plus
affectées par la crise sanitaire » avec deux indicateurs, le nombre
d'entreprises bénéficiaires d'une opération de renforcement
exceptionnel des participations financières de l'État d’une part et
la maitrise de l'endettement des entreprises bénéficiaires mesurée
par le poids de la dette (dette nette/capitaux propres) d’autre part.
Or, la construction de ces indicateurs pose question dans la mesure
où seule une minorité d’entre eux a pu être renseignée pour 2020. Certains
de ces indicateurs sont également affaiblis par leur caractère dépendant de
l’environnement comme c’est le cas pour la mesure de la durée entre
l’opération initiale et la cession des titres : il est difficile de faire la part des
choses entre l’influence de l’évolution sanitaire et la pertinence de la
gestion par l’APE.
78
COUR DES COMPTES
S’agissant de l’activité d’investisseurs dans des fonds, aucun indicateur
n’est prévu non plus. Enfin, aucune cible n’est renseignée. Programme
n°360 - Compensation à la sécurité sociale des allègements de
prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire
Le PAP 2021 fixe deux objectifs au programme 360 :
-
Assurer l’accès rapide des employeurs au dispositif
-
Contribuer à la pérennité de l’activité et de l’emploi dans les
secteurs affectés.
Ces objectifs sont suivis au moyen de cinq indicateurs
-
1.1 Ratio mensuel des aides au paiement au total des cotisations et
contributions dues au Urssaf pour les entreprises bénéficiaires ;
-
2.1 Nombre d’entreprises et de travailleurs indépendants ayant
bénéficié d’une exonération ou d’une réduction forfaitaire de
cotisations et contributions sociales ;
-
2.2 Niveau moyen de l’allègement
-
2.3 Nombre d’entreprises ayant bénéficié de l’aide au paiement
-
2.4 Niveau moyen de l’aide au paiement
Les indicateurs sélectionnés ont un lien indirect avec les objectifs
affichés. Ils permettent seulement de mesurer le dimensionnement de l’aide
apportée en termes de nombres d’entreprises et travailleurs indépendants
concernés,
de
montants
accordés
par
entreprises
et
travailleurs
indépendants, et de ratio des allégements aux montants initialement dus.
Aucun indicateur n’a pu être renseigné pour l’exercice 2020 dans le
projet annuel de performance (PAP) annexé à la loi de finances pour 2021.
Les réalisations ont été renseignées dans le rapport annuel de performance
(RAP) puis actualisées dans le PAP pour 2022.
Programme n°366 - Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la
Covid-19
Le programme n°366 - Matériels sanitaires pour faire face à la crise
de la Covid-19 n’a pas non plus été doté d’un projet annuel de performance
pour 2021 et d’indicateur ou d’objectif dans le PAP 2022. De plus, le
responsable de programme ne disposant pas d’un suivi permettant de
s’assurer de la couverture des besoins auprès des destinataires finaux, qui
demeurent en dehors de son champ de responsabilité, l’efficacité des
dépenses réalisées ne peut être appréciée.
De manière générale, la Cour regrette que la mission n’ait pas été
dotée, au sein de la documentation budgétaire, d’objectifs et d’indicateurs
de suivi de la qualité des processus Le caractère non-pérenne de cette
mission amène la Cour à ne pas proposer de recommandation en ce sens.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
79
En revanche, il sera nécessaire de disposer d’une évaluation robuste de
chacun des dispositifs portés par la mission, mettant en regard leur impact
sur les entreprises avec leur coût ainsi que les effets d’aubaine et les fraudes
constatés.
3.2
Une mission qui devrait s’éteindre en 2022
3.2.1 Aucune ouverture de crédits en LFI pour 2022 à
l’exception du programme 366 Matériels sanitaires
La loi de finances initiale pour 2022 n’a procédé à aucune ouverture
de crédits (en AE comme en CP) au titre de la mission, à l’exception de
200 M
€
d’AE et de CP ouverts sur le programme 366 –
Matériels
sanitaires.
En effet, la documentation budgétaire précise que les restes à
payer au titre de l’année 2021 ainsi que d’éventuelles dépenses
complémentaires seront financées par reports de crédits de 2021 vers 2022.
À la différence des autres programmes de la mission, le programme
366 n’a pas été mis en extinction, mais prolongé en 2022. Les crédits pour
2022 ont été prévus sur le fondement du flux d’achats en 2021 anticipé lors
du dépôt du PLF, soit une prévision de consommation de 132 millions de
masques, pour un montant valorisé à 162 M
€
et majoré à 200 M
€
en AE et
en CP afin de disposer d’une provision de sécurité. Le programme devra
également couvrir un reste à payer de 21,6 M
€
au titre de commandes
passées en 2021.
Ces dépenses, qui financent un stock pérenne d’équipements de
protection individuelle, ne sauraient demeurer prises en charge par une
mission budgétaire ayant pour objet de répondre à des besoins
exceptionnels et urgents liés à la crise sanitaire de la Covid-19. S’agissant
de dépenses pérennes, elles devraient réintégrer la norme pluriannuelle de
dépenses, ce qui n’est pas le cas de la mission Plan d’urgence.
La Cour des comptes recommande l’inscription de cette dépense –
appelée à décroître sauf résurgence épidémique – au sein d’un programme
budgétaire existant, en cohérence avec le dispositif d’achat public retenu,
dans des conditions permettant d’assurer le suivi des dépenses réalisées au
regard de la finalité du programme (voir recommandation
infra
).
80
COUR DES COMPTES
3.2.2 Plus de 6,5 Md
€
de crédits reportés en 2022 dont plus
de la moitié a servi à financer des dépenses non liées à
l’urgence
6,51 Md
€
en AE et 6,57 Md
€
en CP ont été reportés en 2022 au titre
de la mission, dont plus de 70 % au titre des programmes 357 –
Fonds de
solidarité
(2,28 Md
€
de reports en AE et 2,32 Md
€
en CP) et 358 –
Participations financières exceptionnelles
(2,35 Md
€
en AE et en CP). Or,
la Cour observe que cette mission fait l’objet d’annulations pour 3,5 Md
€
en AE et en CP dans le décret d’avance du 7 avril 2022. La publication des
arrêtés de reports à la fin du mois de mars et l’élaboration du projet de
décret d’avance étaient concomitantes. La décision de reporter des crédits,
qui suppose en principe l’existence de dépenses à financer, est
contradictoire avec leur annulation immédiate. De fait, les crédits de la
mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
non consommés à la fin
de l’année 2021 ont constitué pour moitié une réserve pour financer en
2022 des dépenses d’autres missions, contrevenant ainsi aux principes
budgétaires d’annualité et de spécialité.
Pour ce qui concerne les dépenses attendues en 2022 et au-delà au
titre de la mission, l’essentiel des décaissements est prévu pour l’année
2022, qui devrait permettre de solder le stock de dossiers en instance des
aides désormais clôturées du programme 357 –
Fonds de solidarité
et de
voir s’éteindre les aides encore actives. Pour ce qui concerne le programme
360 –
Compensation des allègements de prélèvements,
les entreprises
disposent de trois ans pour déclarer leurs pertes de CA et faire reconnaître
les allégements de prélèvements sociaux auxquels elles ont droit. Aussi,
des flux financiers sont-ils à attendre jusqu’en 2025. La Cour recommande
donc le positionnement de cette dépense au sein d’un autre programme
budgétaire au-delà de 2022 (voir recommandation
infra
)
.
Par ailleurs, la Cour rappelle que tous les programmes de la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
sont supposés avoir un caractère
non pérenne et, sauf rebond épidémique majeur, être supprimés à très brève
échéance. Si certaines aides ou dispositifs devaient être prolongés voire
pérennisés, il conviendrait de les faire porter par d’autres supports
budgétaires permanents, dans un souci de cohérence et de lisibilité.
Recommandation n° 1
(tous
les
responsables
de
programme) : Supprimer la mission dans le cadre de la LFI
pour 2023 et inscrire les éventuelles dépenses à compter de
cette loi de finances au sein d’autres programmes budgétaires
existants (recommandation nouvelle).
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
81
Annexe n° 1 : liste des publications récentes de la Cour
des comptes en lien avec les politiques publiques
concernées par la NEB
Cour des comptes,
Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan
opérationnel de leur utilisation,
septembre 2021
Cour des comptes,
Préserver l'emploi : le ministère du travail face à la
crise sanitaire,
juillet 2021
Cour des comptes,
Une stratégie des finances publiques pour la sortie de
crise,
juin 2021
Cour des comptes,
Mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire – note
d’analyse de l’exécution budgétaire 2020,
avril 2021
Cour des comptes, insertion au rapport public annuel,
L’assurance
chômage face à la crise sanitaire : un déficit historique, une trajectoire
financière à définir,
mars 2021
Cour des comptes, rapport public annuel 2021,
Le fonds de solidarité à
destination des entreprises : une mise en
œ
uvre rapide dans un contexte
instable,
mars 2021
82
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 : Présentation des aides « satellites » du
fonds de solidarité
Au-delà du fonds de solidarité « classique » (volet 1), de
nombreuses aides « satellites » ont vu le jour en 2021 et, pour certaines en
2022, et sont également financées par le biais du programme 357 –
Fonds
de solidarité.
Les aides coûts fixes
L’aide coûts fixes « originale »
Une aide dite « coûts fixes » permet de prendre en charge une partie
des coûts fixes des entreprises interdites d’accueil du public ou de certains
secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire, à l’image du
tourisme, de la culture, du sport, de l’événementiel ou de la restauration.
Cette aide a été créée par décret en mars 2021
95
et elle permettait jusqu’au
30 septembre 2021 de couvrir, dans la limite de 10 M
€
, 70 % des charges
fixes non couvertes des entreprises de plus de 50 salariés et 90 % pour les
entreprises de moins de 50 salariés. Les entreprises éligibles devaient avoir
subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % et présenter un chiffre
d’affaires mensuel de référence supérieur à 1 M
€
ou un chiffre d’affaires
2019 supérieur à 12 M
€
96
. Elles devaient également avoir fait l’objet d’une
mesure d’interdiction d’accueil du public ou exercer dans un secteur
particulièrement touché par la crise sanitaire (hôtellerie, restauration,
cinéma…).
Les autres aides coûts fixes
Ce dispositif a été élargi par décret en mai 2021
97
, avec la création
de deux nouvelles aides, en plus de l’aide coûts fixes « originale »
mentionnée
supra
:
-
une aide coûts fixes « saisonnalité » qui concerne les entreprises
saisonnières qui ne répondaient pas, pour la plupart d’entre
elles, aux conditions d’éligibilité à l’aide originale ;
95
Décret n°2021-310 du 24 mars 2021 instituant une aide visant à compenser les coûts
fixes non couverts des entreprises dont l’activité est particulièrement affectée par
l’épidémie de covid-19.
96
Étaient également éligibles les entreprises faisant partie d’un groupe au CA 2019
supérieur à 12 M
€
.
97
Décret n°2021-625 du 20 mai 2021 modifiant le décret n°2021-310.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
83
-
une aide coûts fixes « groupe » pour les groupes ayant atteint
les plafonds au titre du fonds de solidarité et des autres aides
temporaires.
Il a fait l’objet d’une nouvelle extension en juillet 2021
98
avec la
mise en place :
-
d’une aide « nouvelle entreprise » pour les entreprises créées
postérieurement au 1
er
janvier 2019 et qui n’étaient donc pas
éligibles à l’aide « coûts fixes ». Cette aide, dont les critères
d’éligibilité, outre la date de création de l’entreprise, sont
identiques à ceux de l’aide « coûts fixes », permet de couvrir de
70 % à 90 % des charges fixes non couvertes.
Ces aides ont porté sur la période de janvier à fin septembre 2021. À
compter du mois d’octobre, deux nouvelles aides s’y sont substituées ainsi
qu’au fonds de solidarité :
-
L’aide « coûts fixes rebond »
99
: cette aide prend la suite du
fonds de solidarité et de l’aide coûts fixes « originale ». Elle
fonctionne sur le même principe que l’aide originale, à la
différence près qu’il n’existe plus de condition de chiffre
d’affaires de référence minimal, que l’entreprise n’a pas besoin,
pour en bénéficier, d’avoir déjà préalablement touché le fonds
de solidarité et que l’aide n’est plus calculée mensuellement
mais sur la totalité de la période janvier-octobre 2021
(déduction faite du montant des éventuelles aides coûts fixes
« originales » déjà versées à l’entreprise au titre des mois de
janvier à septembre 2021) ;
-
L’aide « nouvelle entreprise rebond »
100
: cette aide prend la
suite du fonds de solidarité et de l’aide coûts fixes « nouvelle
entreprise » et fonctionne sur le même principe que cette
dernière. Elle porte sur la période janvier-octobre 2021 et se
98
Décret n°2021-943 du 16 juillet 2021 instituant une aide visant à compenser les coûts
fixes non couverts des entreprises dont l’activité est particulièrement affectée par
l’épidémie de covid-19 et qui ont été créées après le 1
er
janvier 2019.
99
Décret n°2021-1430 du 3 novembre 2021 instituant une aide « coûts fixes rebond »
visant à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises dont l’activité est
particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19.
100
Décret n°2021-1431du 3 novembre 2021 instituant une aide « nouvelle entreprise
rebond » visant à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises créées après
le 1
er
janvier 2019 dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-
19.
84
COUR DES COMPTES
calcule en déduisant les éventuelles aides coûts fixes « nouvelle
entreprise » versées au titre de la période allant du 1
er
janvier au
30 juin 2021.
Compte-tenu de la reprise économique, il avait été décidé de ne pas
reconduire ces aides pour la période postérieure au 31 octobre 2021 mais
certaines de ces aides ont néanmoins été prolongées.
Deux nouvelles aides « coûts fixes » ont également été créées début
2022. Une aide « coûts fixes renfort » a été mise en place en janvier 2022
101
afin d’aider les discothèques affectées par des mesures d’interdiction
d’accueil du public depuis le 10 décembre 2021. Une aide « coûts fixes
consolidation » créée en février 2022
102
permet aux entreprises ayant, au
cours de la période du 1
er
décembre 2021 au 31 janvier 2022, connu une
perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % ou disposant d’un EBE négatif
au cours du mois éligible, de bénéficier d’un soutien spécifique.
Les aides sectorielles et ciblées
En complément de ces aides « coûts fixes », des aides plus ciblées
ont également vu le jour :
-
l’aide « remontées mécaniques », créée en mars 2021
103
visait à
soutenir les exploitants de remontées mécaniques de zones de
montagne ;
-
l’aide « stocks », créée en mai 2021
104
, avait pour objectif
d’aider les commerces de détail
105
connaissant, dans le contexte
de la crise sanitaire, des difficultés d’écoulement de leur stock ;
-
l’aide « reprise » pour les entreprises ayant repris un fonds de
commerce en 2020
106
;
101
Décret n°2022-3 du 4 janvier 2022.
102
Décret n°2022-111 du 2 février 2022.
103
Décret n°2021-311 du 24 mars 2021 instituant une aide en faveur des exploitants de
remontées mécaniques dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de
covid-19.
104
Décret n°2021-594 du 14 mai 2021 instituant une aide relative aux stocks de certains
commerces.
105
Quatre secteurs étaient concernés : l’habillement, la chaussure, le sport et la
maroquinerie.
106
Décret n°2021-624 du 20 mai 2021.
MISSION PLAN D’URGENCE FACE À LA CRISE SANITAIRE
85
-
l’aide « services publics locaux », mise en place en juillet
2021
107
et prolongée en novembre 2021
108
, avait vocation à
soutenir les équipements publics locaux affectés par des
pertes de recettes tarifaires ;
-
l’aide « loyers et charges locatives », créée en novembre
2021
109
, qui vise à compenser les loyers ou redevances et
charges des établissements interdits d’accueil du public sur la
période de février à mai 2021. Cette aide s’inscrit en
complément de la mobilisation du fonds de solidarité et du
dispositif de prise en charge des coûts fixes, dans l’hypothèse
où tout ou partie du montant des loyers, redevances ou charges
dus n’aurait pas été couvert par ces aides, soit parce que les
entreprises n’y auraient pas été éligibles soit parce qu’elles en
satureraient les plafonds ;
-
l’aide « fermeture » a également été mise en place en
décembre 2021
110
afin de soutenir les entreprises des secteurs
protégés concernées par des mesures d’interdiction d’accueil du
public entre janvier et août 2021 et ayant saturé le plafond de
10 M
€
de l’aide « coûts fixes ». Cette aide permet de compenser
jusqu’à 70 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE) négatif
d’une entreprise, dans la limite de 25 M
€
par groupe.
107
Loi n°2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.
108
Décret n°2021-1495 du 17 novembre 2021.
109
Décret n°2021-1488 du 16 novembre 2021instituant une aide relative aux loyers ou
redevances et charges de certains commerces de détail et services interdits d’accueil du
public afin de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19.
110
Décret n°2021-1664 du 16 décembre 2021.