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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE SOUTIEN
DU MINISTÈRE
DE LA CULTURE
AU SPECTACLE
VIVANT
Rapport public thématique
Mai 2022
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
7
Récapitulatif des recommandations
...........................................................
11
Introduction
..................................................................................................
13
Chapitre I
Le ministère de la culture au cœur d’un dispositif
marqué par l’intervention croissante de collectivités territoriales
..........
17
I - Des interventions diversifiées
....................................................................
18
A - La consolidation des filières : la politique de labels
.......................................
18
B - De multiples modalités de soutien
..................................................................
22
C - Un maillage territorial extrêmement dense
.....................................................
28
D -
L’exportation du spectacle vivant
...................................................................
32
II - Le financement du spectacle vivant :
des dotations budgétaires
stables jusqu’à la crise, des soutiens complémentaires conséquents
..............
34
A - Depuis 10 ans, une stabilité des crédits
Création
...........................................
35
B - Le soutien des collectivités territoriales au spectacle vivant : un
financement considérable, essentiellement porté par les communes et les
EPCI
.....................................................................................................................
41
III -
Un secteur dynamique en termes d’entreprises et d’emploi
...................
47
A - Un poids économique en légère progression
..................................................
47
B -
Un nombre d’entrepri
ses et de salariés
en forte hausse depuis 20 ans
...........
48
C - Un secteur attractif malgré la précarité et des revenus moyens faibles
...........
51
D -
La question de la professionnalisation
et des parcours d’artistes
...................
53
Chapitre II
Une politique de l’offre qui peine à atteindre ses
objectifs de démocratisation et de diffusion
...............................................
57
I -
Une amélioration de la gestion de l’offre, un pilotage à consolider
..........
58
A - Des avancées significatives dans le suivi de la gestion des lieux et des
équipes
..................................................................................................................
58
B - Une appréhension du secteur reposant sur des données incomplètes et
fragiles
..................................................................................................................
62
C - Un pilotage national insuffisamment fin des politiques sectorielles face
aux dynamiques régionales
...................................................................................
64
II - La question des publics
: de la démocratisation à l’action artistique
et culturelle
....................................................................................................
68
A -
L’évolution des pratiques culturelles, un enjeu pour le spectacle vivant
........
69
B -
Une politique réaffirmée d’élargissement des publics
....................................
71
C -
L’impact des technologies numériques
..........................................................
74
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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4
III - Le difficile équilibre entre création et diffusion
.....................................
75
A -
L’insuffisance des données de fréquentation et de diffusion
..........................
76
B -
L’économie de l’œuvre et son impact sur la diffusion
....................................
79
Liste des abréviations
..................................................................................
89
Annexes
.........................................................................................................
91
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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Procédures et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six
chambres thématiques
1
que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rappor
ts publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute
liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouver
nement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses sont présentées en annexe du texte de la Cour.
1
La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
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6
La présente enquête a été réalisée par la troisième chambre de la
Cour des comptes. L’administration centrale du ministère et toutes les
DRAC ont été interrogées.
Les juridictions financières ont utilisé les données collectées par le
ministère de la culture, ainsi que les données des collectivités territoriales
dans l’infocentre de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Des échanges ont eu lieu avec les principaux acteurs concernés au
niveau national et territorial.
L’enquête de terrain a été complétée par
une
étude des dispositifs en place dans les principaux pays voisins
via
les
services des ambassades (Allemagne, Italie et Royaume-Uni).
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 1
er
février 2022,
par la troisième chambre, présidée par M. Gautier président de chambre,
composée de MM. Tournier, Lefebvre, Mousson, Samaran, Bouvard,
Mme Deletang, conseillers maîtres, et M. Peillon, conseiller maître en
service extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteurs, Mme Prost,
conseillère maître en service extraordinaire, Mme Sloan, conseillère
référendaire en service extraordinaire et M. Boscher, auditeur, et, en tant
que contre-rapporteur, M. Metzger, conseiller maître.
Il a été examiné et approuvé, le 14 avril 2022, par le comité du
rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure générale du
comité, MM. Morin et Gautier, Mme Démier, présidents de chambre,
M. Soubeyran, Mme Périn, M. Glimet, Mme Coudurier, présidents de
section, MM. Martin, Meddah, Lejeune et Advielle, Mmes Bergogne et
Renet, présidents de chambre régionale des comptes, ainsi que Mme Hirsch,
Procureure générale, entendue en ses avis
.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par La Documentation Française.
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Synthèse
Le ministère de la culture
au cœur
de
l’écosystème
du spectacle vivant
Le soutien de l’
État au spectacle vivant (entendu comme la
représentation d’une œuvre de l’esprit, en présence d’un public
et au moins
un artiste rémunéré et physiquement présent) est un des éléments fondateurs
de la politique culturelle depuis la création du ministère. Cette politique, dont
il faut souligner la continuité depuis 60 ans, vise à favoriser la création
artistique, à donner un large accès à toutes les disciplines du spectacle vivant
sur l’ensemble du territoire et enfin à élargir et développer les
publics.
L’action
du ministère de la culture se caractérise ainsi par une grande variété
de modes d’intervention
, sans équivalent à
l’étranger
,
à l’image d’un secteur
culturel riche et varié, représentant 2,3 % du PIB en 2019
2
.
La politique
du ministère s’appuie sur de grands opérat
eurs
nationaux ainsi que sur un ensemble de lieux labélisés et de réseaux dont
les disciplines et le nombre de bénéficiaires se sont progressivement
étendus. Dix labels répartis entre le théâtre, la danse, la musique, le cirque
et les arts de la rue rassemblaient en 2019 plus de trois cents structures
réparties sur l’ensemble du territoire
3
. S’y ajoutent
de nombreuses aides
bénéficiant à plus d’un millier de
compagnies, près de deux cents
résidences et cent cinquante festivals. Par ses modes de soutien pluriels et
ses capacités de régulation et de concertation, le ministère de la culture
demeure un acteur clé au sein de cet écosystème foisonnant.
L’enquête porte sur
ces divers
modes d’intervention
et s’intéresse
essentiellement aux acteurs réparti
s sur l’ensemble du territoire
national.
Sans les écarter du panorama, elle ne traite donc pas directement des grands
établissements publics nationaux. Par leur taille, leur implantation
géographique et leur mode de financement, ces derniers répondent en effet
à une logique de tête de réseau de la politique du spectacle vivant et sont
régulièrement examinés lors des contrôles de la Cour.
2
Hors effets sur le tourisme ou le commerce.
3
Un nouveau label a été créé fin 2021 pour l’art de la marionnette.
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8
L’État, financeur minoritaire d’un
secteur
qui lui échappe en partie
Le spectacle vivant bénéficie de financements publics importants
apportés tant par l’
État que, de manière croissante, par les collectivités
territoriales.
Particulièrement touché par la crise sanitaire, le secteur a bénéficié de
soutiens publics considérables (crédits
d’urgence et de relance
) qui ont fait
l’objet d’un
précédent travail de la Cour
4
. Nonobstant cet accroissement
conjoncturel des financements, ce rapport analyse les évolutions structurelles
de la politique mise en œuvre par le ministère de la culture jusqu’à 2020. L
e
soutien financier du ministère de la culture est en effet demeuré relativement
stable entre 2011 et la crise sanitaire (766
M€ en 2019, 839 M€ en 2020
dans
le contexte de la crise sanitaire).
A contrario
,
l’enquête a permis d’évaluer
les financements des collectivités territoriales, en particulier ceux des
communes,
et d’établir qu’ils
ont progressé depuis 2015 et représentent au
minimum
2,47 Md€ en 2019.
Par ailleurs,
le régime de l’intermittence, quoiqu’extra
-budgétaire,
constitue un élément indispensable de l’écosystème
, les allocations versées
aux intermittents du seul spectacle vivant ayant été estimées par la présente
enquête à au moins 450
M€ en 2017
5
.
Jusqu’à 2020
, le secteur du spectacle vivant (public comme privé) a
connu une croissance dynamique
qui s’est
traduit par une forte
augmentation du nombre d’entreprises et de salariés et par une offre de
spectacles très abondante. Les effectifs salariés du secteur ont augmenté de
46
% entre 2000 et 2017 pour s’établir, alors, à plus de 217
000 salariés.
Cette croissance soutenue, y compris dans le champ public, apparaît
difficile à réguler puisque ses principaux facteurs
sont pour l’essentiel
extérieurs au ministère de la culture, qu’il s’agisse de la volonté des
collectivités territoriales de proposer une offre diversi
fiée et d’investir dans
de nouveaux équipements, ou du régime de l’intermittence dont le réglage
appartient aux partenaires sociaux sous
l’égide
du Gouvernement.
4
Cour des comptes,
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant pendant
la crise sanitaire
, audit flash, septembre 2021.
5
L’intermittence n’est toutefois pas spécifiquement
étudiée dans le présent rapport car
il s’agit d’un rég
ime social piloté par les partenaires sociaux qui concerne également le
secteur audiovisuel, et dont l’examen aurait largement débordé le champ de la présente
enquête.
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SYNTHÈSE
9
Une politique trop centrée sur
l’offre qui
invite
à une réarticulation des missions entre les niveaux centraux
et déconcentrés du ministère
Au cours des années récentes, la politique de soutien au spectacle
vivant s’est
distinguée par une offre abondante. Le ministère de la culture
a progressivement renforcé la gestion de cette politique et, notamment, du
pilotage des lieux et des équipes artistiques
qu’il finance.
La loi du
7 juillet
2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au
patrimoine (dite loi LCAP) est venue consolider les outils de gestion des
labels et la contractualisation avec les collectivités territoriales partenaires.
Les règles en matière de nomination des directeurs de ces structures ont
également été améliorées.
Grâce à ces
leviers d’intervention
, et alors que les collectivités
locales apportent désormais près de trois quarts des financements du
spectacle vivant, l’État continue à jouer un rôle d’impulsion, notamment
en matière de création artistique. Les relations avec les collectivités locales
apparaissent,
dans l’ensemble
, constructives et bien structurées, dans le
cadre d’une gouvernance renouvelée des lieux s’appuyant sur des cahiers
des missions et des charges régulièrement évalués.
Cependant, l
’administration centrale
ne dispose pas des outils de
collecte et d’exploitation
des données permettant
d’éclairer utilement
l’action publique
. Comme le soulignait déjà la Cour dans un précédent
rapport en 2010
6
, l
es données relatives à l’activité, aux moyens et aux
résultats des structures sont fragiles et peu, voire pas, exploitées par le
ministère pour des approches transversales. Le déploiement en cours de
l’outil SIBIL
, qui permettra de disposer des données de billetterie de toutes
les structures diffusant des spectacles vivants, devrait concourir à améliorer
sensiblement la connaissance d’ensemble du se
cteur et son pilotage
stratégique.
De même, le rôle crucial des DRAC dans
la mise en œuvre
de la
politique du spectacle vivant au niveau régional devrait également être mieux
valorisé par l’échelon central du ministère, dans le cadre d’une animation de
rés
eau rénovée et d’orientations stratégiques mieux hiérarchisées
.
Par ailleurs, la création en 2020 du Centre national de la musique
(succédant au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz) a
6
Cour des comptes,
Les dépenses d’intervention du ministère de la culture et de la
communication au titre de l’action « soutien à la création, à la production et à la diffusion
du spectacle vivant »,
communication à l’Assemblée nationale, septembre
2009.
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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COUR DES COMPTES
10
permis
à l’
État
de disposer d’un acteur puissant pour
l’ensemble de la
filière musicale incluant le spectacle vivant, la musique enregistrée et les
éditeurs, toutes esthétiques confondues. Compte tenu du périmètre
d’intervention
de ce nouvel opérateur et du rôle qui lui a été confié par le
ministère durant la crise sanitaire, l
articulation de ses missions avec celles
de l’administration centrale et déconcentrée
requiert une définition et un
cadrage plus précis.
Des résultats insuffisants au regard des objectifs
de démocratisation et de diffusion
L’objectif
de démocratisation culturelle et d’élargissement des
publics a été au cœur de la politique du spectacle vivant depuis plus de
60 ans. Malgré des efforts soutenus et des financements accrus, les résultats
apparaissent en demi-teinte. En particulier, la pol
itique d’inclusion à et par
la culture suppose des articulations à renforcer avec d’autres politiques
publiques,
et notamment l’éducation nationale.
La faible diffusion des spectacles, la difficulté à produire des séries
ou à augmenter le nombre de représentations constituent un autre point faible
de la politique développée depuis 50 ans.
À titre d’exemple
, la Cour a pu
calculer qu’
en 2019 le nombre moyen de représentations pour un spectacle
était de 3,7 dans un centre dramatique national et de 2,3 pour une scène
nationale. Ce constat était déjà celui du rapport de la mission de
Bernard Latarjet,
Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant
, en
2004.
Une partie de ce qui est créé et financé n’est que très peu diffusé.
Même
si les facteurs qui y concourent sont multiples, cette situation est imputable,
pour l’essentiel
,
à des systèmes d’aide publique historiquement
centrés sur
le renouvellement de la création.
Pour autant, rien n’a véritablement été
entrepris pour
redéfinir l’équilibre
entre création et diffusion.
En mettant en lumière les fragilités et les incohérences du système
actuel, la crise sanitaire a encore
souligné la nécessité d’un rééquilibrage
au plan économique, budgétaire et artistique.
Cela passe par une réflexion sur les modes de production, de
programmation et de diffusion, ainsi que par des évolutions des cadres
réglementaires et des pratiques. Conscient de cette problématique, le
ministère a engagé un état des lieux sur les conditions de production des
spectacles, en lien avec les DRAC et l
’ensemble des
partenaires concernés
(État, collectivités, lieux labellisés et non labellisés, compagnies, etc.).
Seule une approche globale permettra en effet de réaliser les changements
souhaitables.
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Récapitulatif des recommandations
1.
Définir les grandes orientations de la politique de l'État en faveur du
spectacle vivant
(Ministère de la culture).
2.
Établir des objectifs de diffusion plus ambitieux en associant
l'ensemble des parties prenantes (État, collectivités, organisations
professionnelles du secteur)
(Ministère de la culture).
3.
Associer
l’objectif de renforcement d
e la diffusion des spectacles à
celui du renouvellement des publics et de démocratisation
(Ministère
de la culture).
4.
Doter la direction générale de la création artistique (DGCA) des outils
et de l'organisation lui permettant de disposer au plus vite de données
fiables et complètes pour piloter la politique en faveur du spectacle
vivant
(Ministère de la culture).
5.
Associer plus étroitement les DRAC
à l’élaboration
des orientations
de la politique du spectacle vivant
(Ministère de la culture).
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Introduction
Le spectacle vivant est défini depuis 1945
7
par la conjonction de
trois éléments
: la représentation d’une œuvre de l’esprit, la présence d’un
public
et la présence physique d’au moins un artiste rémunéré.
L
’acception
qui en est ici retenue exclut donc la production artistique enregistrée ainsi
que, d’une façon générale, les pratiques amateurs.
Ensemble foisonnant tant par les disciplines
qu’il rassemble
(théâtre, musique, danse, arts du cirque et de la rue, marionnette) que par
la variété des lieux, le nombre des compagnies et des projets, le secteur du
spectacle vivant est un ensemble complexe, assorti de réels enjeux de
politique publique.
Avec la création du ministère de la culture
en 1959, l’État s’est
assigné la mission de promouvoir les arts vivants et a engagé une politique
active en faveur du théâtre, de la musique et de la démocratisation
culturelle. Cette politique a poursuivi avec constance deux objectifs
principaux : le soutien à la création artistique
d’un côté ;
le maillage
territorial et la
diffusion des œuvres de l’autre, complétés dès l’origine par
un troisième objectif : la formation des publics
8
, devenue
aujourd’hui
l’
éducation artistique et culturelle.
La stabilité des objectifs est à mettre au crédit de cette politique qui
a été déployée de façon continue depuis 40 ans quels que soient les
ministres qui se sont succédés à la tête de la rue de Valois
9
. Elle est
7
Ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, reprise à l’article L. 7122
-1
du code du travail. La qualification de spectacle vivant s’oppose au terme «
enregistré »
et renvoie aux conditions de la diffusion.
8
Cette composante existe dès la création du ministère de la culture par A. Malraux.
Ainsi en 1961 la direction chargée du théâtre et de la musique est la « direction du
théâtre, de la musique et de l’action culturelle
»
l’action culturelle ayant alors po
ur
objet de poursuivre sur la durée des actions de développement de politique culturelle,
et partant, de promouvoir la diffusion.
9
Si les 14 ans de présidence de François Mitterrand ont connu trois ministres de la
culture différents, 13 ministres se sont succédé à la tête du ministère depuis 25 ans.
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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COUR DES COMPTES
14
aujourd’hui principalement encadrée par la loi du 7 juillet 2016
10
relative
à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (loi LCAP) et
ses textes d’appl
ication, qui confortent le soutien
de l’État au secteur à
travers la politique des labels et l’aide aux compagnies.
En 2019, avant que la crise sanitaire
n’en perturbe la situation
, le
poids économique du spectacle vivant était évalué à 12,3 Md€, dont 7
Md
au titre de la production non marchande, c’est
-à-
dire bénéficiant d’un
financement public représentant plus de 50 % des coûts
11
.
Le soutien à la production et à la diffusion dans ce secteur est
principalement financé par :
-
des crédits budgétaires du mini
stère, pour un total de 766 M€ en 2019
(portés à 839
M€ en 2020)
12
;
-
des taxes parafiscales au profit surtout du théâtre privé et des musiques
actuelles, pour un total qui en 2019 avoisinait 150 M€
;
-
des subventions accordées par les collectivités territoriales qui, selon
les estimations du présent rapport, s’inscrivent dans une fourchette
allant de 2,47
Md€
à
4,06 Md€ en 2019
13
;
-
des aides à la création émanant des organismes de gestion collective
des droits d’auteur et des droits voisins
, pour un montant estimé à
47
M€ en 2017
14
;
-
diverses autres ressources (billetterie, mécénat, bénévolat etc.) venant
compléter ces financements pour des montants qu’il n’est cependant
pas possible d’évaluer, en l’état actuel des statistiques
établies par le
ministère de la culture.
L
’intermittence
constitue également une modalité significative du
soutien à l’activité du secteur
, mais le pilotage de ce régime social
(applicable également au
secteur de l’audiovisuel
)
relève d’abord des
partenaires sociaux et dépasse largement le champ de la présente enquête.
Il est en outre structurellement impossible de chiffrer précisément la part
10
Loi n° 2016-
925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture
et au patrimoine.
11
Poids économique de la Culture
, analyses issues des comptes nationaux de l’Insee,
comptes nationaux, 2021. Le domaine du Spectacle vivant représenterait 13 % du poids
total des différents secteurs culturels, après l’audiovisuel et l’édition –
presse.
12
Cf. partie II du chapitre I du présent rapport, sont additionnés ici les crédits
Création
du programme 131 et les évaluations des crédits 224 relatifs à la démocratisation et à
l’action culturelle.
13
Estimations proposées dans ce rapport par la Cour d’après les données DGFiP.
14
Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des d
roits
voisins,
Rapport annuel 2019
, p. 126 et suivantes.
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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INTRODUCTION
15
qui en revient au spectacle vivant
stricto sensu
. Toutefois, des estimations
permettant de cerner la contribution de ce régime (450
M€ au minimum
)
sont exposées dans ce rapport.
La politique de soutien au spectacle vivant présente donc toutes les
caractéristiques d’une politique de l’offre
que
l’
État
, avant 2020, s’est
employé à réguler
a minima
en stabilisant les crédits budgétaires
qu’il y
consacrait. En revanche,
s’agissant des collectivités territoriales
, mais aussi
du régime
de l’intermittence, les années récentes ont été marquées par une
croissance des montants versés au secteur, favorisant le développement
continu de la création et de
l’offre
de spectacles.
Sans aborder les questions relatives à la qualité de la création
artistique, et donc à la problématique potentielle de la demande, le présent
rapport établit
une vision d’ensemble actualisée et contextualisée
de
l
’intervention
de l’État en matière de spectacle vivant
afin d’
apprécier
l’atteinte des principaux objectifs de la politique publique et d’
identifier les
pistes d’amélioration.
Il constitue une première contribution qui sera suivie
de travaux ultérieurs prenant en compt
e l’articulation entre les
interventions de l’État et celles des collectivités territoriales.
Afin de concentrer l’analyse sur les différents modes d’intervention
de l’État sur le territoire, le choix a été fait de
ne pas traiter directement des
grands établissements publics nationaux, sans pour autant les écarter du
panorama. En effet, par leur taille, leur implantation géographique et leur
mode de financement, ces derniers répondent à une logique de tête de
réseau de la politique du spectacle vivant et sont régulièrement examinés
lors des contrôles de la Cour.
Le premier chapitre de ce rapport dresse un panorama du secteur.
Présentant l
es modes d’intervention d
u ministère de la culture, il
s’emploie
à reconstituer une vision consolidée de l’ensemble
des financements
publics en faveur de ce secteur économique dynamique. Il analyse les
principaux leviers d’intervention du ministère et la place qu’il occupe au
cœur d’un écosystème en
croissance. Il présente enfin quelques exemples
européens qui permettent de faire ressortir la spécificité des soutiens
publics au spectacle vivant en France.
Le deuxième chapitre examine la façon dont le ministère a fait
évoluer les outils de
gestion de cette politique de l’
offre. Il vise à évaluer
l’atteinte des objectifs
qui lui sont assignés, notamment en matière de
soutien à la création artistique et à la
diffusion des œuvres
ainsi que de
démocratisatio
n culturelle et d’éducation artistique et culturelle
, afin
d’identifie
r les principaux
axes d’amélioration
.
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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Chapitre I
Le
ministère de la culture au cœur d’un
dispositif marqué par l’intervention
croissante de collectivités territoriales
L’intervention de l’État en matière de spectacle vivant s’est
structurée par strates depuis 60 ans à travers de grands programmes
d’action
nationaux : création des centres dramatiques nationaux en région
à l’initiative de Jeanne Laurent après
-guerre, création des maisons de la
culture d’André Malraux, plan Landowski pour la musique, création des
centres chorégraphiques nationaux par Jack Lang, des scènes de musiques
actuelles à la fin des années 1990, du label « pôle des arts du cirque » en
2010, et fin 202
1, création d’un label «
centre national de la marionnette ».
Les différentes disciplines ont ainsi progressivement été couvertes par un
large éventail d’institutions réparties sur tout le territoire.
Réaffirmée constamment par les ministres successifs, la politique en
faveur du spectacle vivant s’est déployée autour de deux objectifs
principaux : le soutien à la création artistique
d’un côté ;
le maillage
territorial et la
diffusion des œuvres de l’autre. L’
objectif de formation des
publics les complète dè
s l’origine.
Aux côtés des collectivités territoriales, le ministère de la culture
demeure un acteur incontournable d’un écosystème foisonnant dont il
maîtrise de moins en moins les vecteurs de croissance.
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18
I -
Des interventions diversifiées
Si le ministère de la culture
n’est plus seul à intervenir dans le
secteur, il joue toutefois un rôle majeur et structurant à travers trois grands
types de leviers :
-
les grands opérateurs nationaux
15
, instruments du rayonnement
international de la France, qui drainent 40 % des crédits destinés à la
création en matière de spectacle vivant
16
. Comme précisé en
introduction, ils ne feront pas ici l’objet d’une analyse spécifique
;
-
un ensemble de labels et de réseaux, et de nombreuses
d’aide
s ciblées ;
-
des centres nationaux spécialisés par discipline.
A -
La consolidation des filières : la politique de labels
Ouvrant droit à des financements moyennant des exigences fixées
contractuellement, les labels
attribués par l’État constituent le principal
instrument de structuration du maillage territorial et des parcours
artistiques en matière de spectacle vivant. Octroyés à des lieux, des
compagnies ou des projets, ils constitue
nt aujourd’hui un
vaste réseau sur
l’ensemble du territoire national
.
1 -
Un réseau dense de structures labellisées
Après une extension progressive, l
’État peut aujourd’hui
attribuer
onze labels différents, couvrant diverses disciplines : trois pour le théâtre,
le cirque et les arts de la rue ; deux pour la danse ; quatre pour la musique ;
un pour les lieux proposant une programmation pluridisciplinaire et un
pour la marionnette (ce dernier créé fin 2021).
Les 10 labels existant en 2020 rassemblaient 316 structures (contre
306 en 2019 et 289 en 2015) ayant en commun de porter des projets
artist
iques et culturels d’intérêt général et, pour l’essentiel, des objectifs
ambitieux en matière d’accès aux œuvres pour des publics diversifiés.
15
Il s’agit d’établissements publics situés en Île
-de-France, à
l’exception du Théâtre
national de Strasbourg
: l’Opéra national de Paris, la Cité de la Musique
- Philharmonie
de Paris, la Comédie française, la Grande Halle de la Villette, le Théâtre national de
Chaillot, le Théâtre national de l’Odéon, le Théâtre national de l’Opéra
-comique, le
Théâtre de la Colline, l’ensemble Intercontemporain. Le Centre national de la danse et
le Centre national de la musique complètent cet ensemble.
16
Part des crédits du programme budgétaire 131-1
Création
.
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19
La tutelle de ces instruments majeurs de la décentralisation
culturelle relève des directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
Le tableau ci-
après fait apparaître d’
importants écarts de niveau
financement entre disciplines et labels qui
s’expliquent principalement par
l’histoire
(annexe n° 1) et par des structures de coûts fixes propres à chaque
discipline. Ainsi, par exemple,
le nombre d’emplois permanents d’un opéra
ou d’un orchestre
est beaucoup plus élevé que pour une scène de musiques
actuelles ou un pôle national du cirque.
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20
Tableau n° 1 :
s
tructures labellisées soutenues par l’État en 2020
*
* le “budget de référence”
correspond au budget global annuel permettant le bon accomplissement des missions de
la structure tel qu’estimé par la
circulaire du 15 janvier 2018.
Source : Cour des comptes à partir du Rapport annuel de performances 2020
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21
2 -
Un mo
de d’intervention ancien,
un cadrage réglementaire
précisé à partir de 2016
Les contours et conditions d’attributions de c
es labels ont été revus
et précisés par une série de textes intervenus depuis 2016.
La loi LCAP du 7 juillet 2016
17
solennise et précise les exigences
de l’État en matière de soutien à la création et à la diffusion artistiques ainsi
qu’
aux activités de transmission culturelle. Elle définit les objectifs de la
création artistique, les conditions d’attribution des labels qu’il assortit de
la passation de conventions
pluriannuelles d’objectifs
et fixe les règles de
nomination des dirigeants de ces structures.
Le
décret en Conseil d’État du 28 mars 2017
en précise les modalités
d’application et
prévoit la possibilité de retrait du label. Une s
érie d’arrêtés
du 5 mai 2017 définit le cahier des missions et des charges de chaque label.
Enfin, la circulaire du 15 janvier 2018 fixe des planchers
d’intervention financière de l’État pour chaque catégorie et des budgets de
référence pour certaines.
Ces textes constituent
le cadre d’attribution et de gestion des labels,
tant sur le plan des objectifs qui leur sont assignés que des moyens qui sont
alloués à chacun
d’eux
. Ils forment désormais un dispositif cohérent, lisible
et partagé de la politique d
e l’État à l’endroit des acteurs concernés
.
3 -
Un impact plutôt positif en matière de gouvernance des labels
Les DRAC estiment que ce cadrage accru des labels a conforté le
rôle de l’État
comme garant de la qualité des activités soutenues, tout en
facilitant le dialogue avec les collectivités territoriales et le suivi rapproché
des structures. L
e nombre d’objectifs et d’indicateurs associés aux labels
génère toutefois des lourdeurs administratives,
qui s’ajoutent à celles,
difficilement évitables, inhérentes à la stratification des financements et
aux
interventions croisées de l’État et des collectivités
territoriales.
Sans que soit plafonné le nombre de structures labellisées, celui-ci a
connu une augmentation limitée entre 2015 et 2020 (27 nouvelles
structures, soit + 9 %). Le ministère de la culture juge cette progression
maîtrisée et précise que
l’essentiel
des nouvelles labellisations correspond
au déploiement de réseaux plus récents (cirque et à partir de 2022
marionnette) et à la transformation de scènes conventionnées (déjà
17
Loi n° 2016-
925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture
et au patrimoine.
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22
financées par les DRAC) en scènes nationales. Surtout, l
’application des
cahiers des missions et des charges
permet d’orienter l’
activité des lieux
labellisés conformément aux priorités
de l’État
, alors même que ce dernier
reste minoritaire dans leur financement. Pour autant, tout label impliquant
un financement par l’État, cette évolution
emporte inévitablement pour lui
une charge budgétaire croissante et une rigidification de la dépense.
Enfin, m
ême s’il demeure
exceptionnel
et qu’
un rétablissement
ultérieur est toujours possible, le retrait d
un label représente un signal fort.
Une DRAC peut également retirer tout ou partie de ses subventions à une
structure ne satisfaisant plus aux critères de son contrat, que ce soit du fait
de la direction du lieu ou des objectifs que s’emploie à lui assigner la ou
les collectivités partenaires.
B -
De multiples modalités de soutien
Le soutien aux opérateurs nationaux et aux lieux labellisés est
notamment complété par les soutiens aux scènes conventionnées, aux
équipes, aux festivals ou aux résidences.
Tableau n° 2 :
typologie des structures non labellisées soutenues
par l’État en 2020
(LFI)
Nombre de
bénéficiaires
Total crédits
déconcentrés
(M€, LFI)
% des
crédits
hors label
Montant
moyen
(
€)
Aides aux lieux hors
réseaux et labels
488
33,9
31 %
69 467
Aides aux équipes
conventionnées
553
39,9
37 %
72 152
Aides aux équipes non
conventionnées
866
12,7
12 %
14 665
Soutien aux festivals
464
9,3
9 %
20 043
Soutien aux résidences
383
5,7
5 %
14 883
Autres dispositifs
96
6,9
6 %
71 875
TOTAL HORS LABELS
2 850
108,4
38 035
Source : Cour des comptes à partir du Rapport annuel de performances 2020
En 2020, 2 850 structures bénéficiaient de ces aides, pour un
montant total de 126,7
M€
18
, en augmentation de plus de 40 % depuis
2015, aussi bien du point de vue des crédits que du nombre de bénéficiaires
18
Montant exécuté en 2020.
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23
(1 997 bénéficiaires et 87,2
M€ en 2015
).
Combinée à l’augmentation du
poids du financement des structures labellisées, cette évolution
conséquente contribue mécaniquement à la réduction du montant moyen
des aides hors labels. Bien que parfois modiques, ces aides hors label
constituent toutefois pour les DRAC un instrument essentiel du soutien à
l’émergence et à la diversité de la création.
1 -
Le réseau des scènes conventionnées d’intérêt national
Les scènes conventionnées d’intérêt national
19
constituent un réseau
de structures de création et de diffusion hétérogènes, pour lesquelles la loi
LCAP et un arrêté du 5 mai 2017 instaurent une convention d’objectifs de
quatre ans renouvelables entre la structure, les collectivités partenaires et
l’État. La convention peut être résiliée en cas de non
-respect du cahier des
charges, ou suspendue en cas de changement de direction.
En 2020, 135 scènes conventionnées étaient suivies par les DRAC,
contre 121 en 2019 et 114 en 2012.
Chaque convention étant assortie d’un
engagement budgétaire de l’État, l’accroissement du nombre de scènes
conventionnées se traduit, comme pour les labels, par une augmentation
des dépenses du ministère.
2 -
Le soutien aux équipes artistiques
Acteur majeur du secteur, les compagnies
20
représenteraient environ
12 000 associations employeuses en 2018 (+70 % depuis 2008)
21
. Il
s’agit
majoritairement de petites structures : le budget annuel de plus de la moitié
d’entre elles
est inférieur à 65 000
€, issu à 29
% de subventions publiques.
Elles peuvent être accompagnées dans le cadre du dispositif des
aides déconcentrées au spectacle vivant (ADSV) attribuées par les DRAC
et régies par des textes de 2015
22
jusqu’à leur réforme fin 2021.
19
Mention « Art et création » ; « Art, enfance, jeunesse » ou « Art et territoire ».
20
La notion de compagnie ou de collectif d'artistes n'est pas une notion juridique. Elle
englobe les concepteurs du projet, les artistes qui y sont associés mais aussi les
personnels techniques et administratifs qui collaborent à tout ou partie du travail de
création, de production et de diffusion des œuvres.
21
Enquête Opale,
Les associations culturelles employeuses en France,
éditions 2020
(p. 47) et 2008 (p. 4).
22
Décret n° 2015-
641 du 8 juin 2015 relatif à l’attribution des aides déconcentrées au
spectacle vivant et arrêté du 22 décembre 2015 précisé par la circulaire ministérielle du
4 mai 2016.
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24
Les aides aux équipes (2015-2021)
Jusqu’à la réforme de décembre 2021, les aides étaient de
trois types :
-
des aides annuelles au projet
, attribuées pour soutenir une nouvelle
création, prolonger la présentation au public d’une création ou permettre la
reprise d’un spectacle ;
-
des aides à la structuration
(deux ans renouvelables), destinées à des
équipes à la démarche artistique identifiée, pour un programme d'activités sur
deux ans et requérant un renforcement de leurs moyens ;
-
des aides au conventionnement
(trois ans renouvelables), visant à
soutenir des compagnies confirmées ayant un rayonnement au minimum
national. Leur attribution est conditionnée à la présentation d’un programme
artistique prévoyant un nombre de créations, de reprises et de représentations
déterminé pour chaque discipline.
Entre 2015 et sa fusion avec le dispositif des conventionnements, au
1
er
janvier 2020, s’y ajoutait un soutien aux « Compagnies et Ensembles à
Rayonnement National et International » (CERNI).
En 2019, 1 353 équipes artistiques ont été aidées par le ministère,
dont la plupart (93 %) dans le cadre des aides déconcentrées, pour un
montant total de 56,1
M€
. Entre 2017 et 2019, le nombre de bénéficiaires
a augmenté de 3 % et les crédits alloués de + 6,6 %, en cohérence avec la
poursuite de la déconcentration des crédits vers les DRAC. Ces évolutions
contrastent avec le sentiment de paupérisation régulièrement exprimé par
les acteurs du secteur (détail des aides en annexe n°6).
Si l
’ensemble d
es champs est couvert, les différences demeurent
substantielles entre disciplines : ainsi, en 2019, 48 % des équipes soutenues
par les DRAC au titre des aides déconcentrées relevaient du théâtre (dont
marionnettes et arts de la rue), 23 % de la danse et 28 % de la musique
23
.
Ces aides, notamment au projet, sont souvent indispensables à
l’équilibre économique des structures qui, tout en reconnaissant leur utilité,
regrettent de devoir parfois modifier leur projet
pour l’inscrire dans des
attendus prédéfinis, gages
d’équité dans
l’attribution des aides.
Contribuant à la vitalité artistique sur les territoires, ce soutien à une
grande diversité d’équipes aux esthétiques et à l’ancienneté variables,
comportait
des limites que la réforme de 2021 s’emploie à corriger en visant à
23
Données DGCA.
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25
« simplifier et assouplir le dispositif existant, pour une meilleure prise en
compte du parcours de l’artiste et de son projet artistique dans sa globalité
»
24
.
Elle conduit ainsi à distinguer deux modalités de soutien
: l’aide
au
projet et le conventionnement
(qui intègre l’aide à la structuration
,
cf. encadré
supra
). Le conventionnement, jusqu’
alors de trois ans, peut
désormais être modulé
s’agissant de
son objet, de sa durée (deux à
quatre ans) et de son montant.
Cette réforme doit permettre au ministère
d’optimiser l’allocation des
moyens en fonction des projets des équipes, et de s’adapter à l’évolution du
paysage des compagnies en prenant mieux en compte les collectifs d’artistes,
les approches pluridisciplinaires et les nouvelles esthétiques.
À
ces aides aux équipes sur crédits budgétaires de l’État s’ajoute
notamment
l’action artistique et culturelle en faveur du spectacle vivant
des organismes de gestion collective des droits
d’auteur et des droits
voisins (OGC). Ces ressources ont augmenté de 80 % entre 2013 et 2017,
pour atteindre près de 47
M€
25
. Cette source de financement est toutefois
fragilisée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)
du 8 septembre 2020
26
.
Par ailleurs, et de manière dérogatoire, certaines équipes sont
directement aidées par les services centraux de la direction générale de la
création artistique (DGCA)
27
: on en dénombrait 38 en 2019, pour un total
de l’ordre de 6 M€. Il s’agit
du soutien dont bénéficient,
à l’issue de leur
dernier mandat, les artistes ayant dirigé un CDN ou un centre chorégraphique
national (CCN), soutien qui se traduit par une subvention adossée sur une
convention d
’une durée de trois ans maximum
. Il peut éventuellement être
renouvelé sur des durées plus courtes et des montants réduits avant un
transfert obligatoire
de la gestion de l’équipe
vers une DRAC, puis un retour
au système de droit commun d’aide au conventionnement triennal, attribué
sur avis des commissions consultatives.
24
Décret n° 2021-1608 du 8 décembre 2021.
25
Commiss
ion de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits
voisins,
Rapport annuel 2019
, p. 126 et suivantes.
26
Cet arrêt rendu sur la question des droits voisins,
remet
en cause l’interprétation
défendue jusqu’alors par la France et crée
une incertitude sur une partie non négligeable
des ressources des organismes de gestion collective des droits d’auteur (OGC)
bénéficiaires, ressources jusqu’alors destinées aux artistes et producteurs nationaux ou
de l’Union Européenne.
27
Ces aides sont pr
évues et encadrées par l’annexe 2 à la
circulaire relative aux
modalités d’application du dispositif de labellisation et au conventionnement durable
dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques du 15 janvier 2018.
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26
Depuis la formalisation, en 2018, de cette procédure dérogatoire, la
DGCA s’efforce de l
a
mettre en œuvre de façon rigoureuse
et de limiter le
nombre d’équipes relevant de ce régime
. Les subventions sont ainsi
attribuées sous réserve d’un projet artistique triennal conséquent
, tandis
que les conventi
ons qui les encadrent prévoient des critères d’évaluations
proches du dispositif de soutien des équipes en DRAC et donnent lieu à un
contrôle annuel.
3 -
Le soutien aux festivals et aux résidences
Le regain du soutien aux festivals
Les festivals jouent un rôle essentiel
pour les parcours d’artistes, la
professionnalisation des acteurs et le renforcement des partenariats au
niveau européen et international. Ils ont également un impact important en
termes de création, de renouvellement des publics, de rayonnement
territorial et de retombées économiques ou touristiques. Pour ces raisons,
les festivals bénéficient fréquemment de soutiens publics.
S’agissant du
soutien de l’
État, seuls les plus
importants d’entre eux sont accompagnés
par l
’administration centrale
28
, la grande majorité relevant des DRAC.
La crise sanitaire a marqué une nette inflexion de la politique du
ministère à leur endroit. En 2020, les DRAC ont en effet soutenu
464 festivals, pour près de 17
M€, soit
315 festivals de pl
us qu’en 2019 et
près du double du montant des crédits figurant en LFI
(9,2 M€). Parmi
les
festivals nouvellement aidés figurent notamment 38 festivals de cirque ou
d’arts de la rue, disciplines qui n’étaient pas accompagnées
auparavant.
Cette très forte h
ausse s’explique par la volonté, à la sortie du
premier confinement, de multiplier les relais de diffusion auprès de publics
diversifiés et de renforcer le soutien à un écosystème structurellement
fragile et très affecté par la crise sanitaire, avec notamm
ent la création d’un
fonds festivals doté de 10
M€ au printemps 2020 (dont 1,7
M€ pour les
festivals gérés par l’administration centrale) reconduit
et abondé en 2021.
Dans le sillage de cet ajustement au
contexte d’urgence,
le ministère
a organisé, depuis octobre 2020, trois éditions des États généraux des
festivals, pour aider le secteur à réinventer son modèle ce qui marque une
nette inflexion,
opérée sous l’effet de
la crise sanitaire.
28
En 2020, huit festivals
étaient suivis par l’administration centrale, pour un total de
10,22
M€, parmi lesquels Avignon (3,
95
M€) et Aix
-en-Provence (3,52
M€)
.
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27
Les résidences
d’artistes
Une résidence correspond à l
accueil, dans un lieu,
d’
un ou plusieurs
artistes
s’engageant à accomplir
un travail de recherche ou de création. Très
souple, ce dispositif s'applique à des situations variées. Les aides sont
accordées par les DRAC dans le cadre
d’une convention entre l’État,
l'artiste et le lieu.
En 2019,
211 résidences d’artistes
ont été ainsi soutenues (pour
5,6 M
€) et
383 en 2020 (pour 5,7
M€)
augmentation en lien avec les aides
aux artistes accordées en réponse à la crise sanitaire et le plan Théâtres en
région du ministère
29
.
Par ailleurs, les centres chorégraphiques nationaux (CCN) et
Centres
de développement chorégraphique nationaux
(CDCN) proposent des
dispositifs accueil / studio et artistes associés, centraux dans leurs missions.
La diversité de ces dispositifs permet à
l’
État
d’accompagner un
large panel de disciplines et de structures, et de jouer ainsi un rôle
déterminant dans la consolidation des filières artistiques et la vitalité de la
création. Elle a pour corollaire des procédures qui pèsent sur les services
des DRAC et peuvent être lourdes pour des structures de taille modeste et
intermédiaire. De même, les appels à projets qui ouvrent au bénéfice des
aides peuvent introduire un biais en faveur de la création au détriment de
la diffusion.
4 -
Les centres nationaux par discipline
Les centres de ressources sectoriels apportent un certain nombre de
services aux professionnels :
-
le Centre national de la danse (CND) créé en 2004, est un opérateur
national qui assure des missions de formation, d’éditions et de
d’accompag
nement des professionnels. Il accueille également des
compagnies en résidence ;
-
le Centre national de la musique (CNM) a succédé en 2020 au CNV
(variétés) et a intégré quatre structures associatives du domaine, pour
devenir un acteur central du soutien à la filière ;
-
Artcena (Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre), né
en 2016 de la fusion de deux structures préexistantes, apporte son
29
Ce plan visait des structures sur des territoires comptant moins de 100 000 habitants,
avec une attention particulière portée aux territoires ultramarins.
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28
appui aux professionnels et joue un rôle d’animation
via
des
publications et un fonds multimédia ;
-
le Centre national des arts du cirque (CNAC), créé en 1985, abrite
l’école supérieure du cirque et délivre des diplômes d’État.
Ces centres sont hétérogènes, tant par leur statut juridique
(associations ou EPIC), leur reconnaissance ou non comme établissement
public national, leurs budgets et leurs missions. Ils jouent des rôles plus ou
moins structurants pour leurs filières respectives. Une réflexion
d’ensemble
sur le rôle et le positionnement de ces centres auprès de la
DGCA mériterait d’être menée.
C -
Un maillage territorial extrêmement dense
Le triptyque « État-ville-metteur en scène » qui s
’est mis
en place
dès la création des premiers centres dramatiques a été formalisé au cours
des années 80 par des conventions de développement culturel. Visant à
mettre en cohérence
les interventions de l’État
avec les politiques
culturelles locales, ce dispositif volontariste
s’est traduit par un maillage
très complet du territoire.
L’engagement des communes et des
intercommunalités a contribué à la densification et à la diversité de ce
maillage constitué de structures
de statut ou d’envergure hétérogènes
:
lieux labellisés, théâtres municipaux, salles privées, tels que les Zéniths ou
encore lieux animés par des compagnies, soit au total près de 1 300 lieux
(cf. tableau ci-dessous).
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29
Tableau n° 3 :
présentation des lieux du spectacle vivant en 2020
30
Équipements
Appellation
Domaines
Nb. de
lieux
Centre de création
artistique
Centre chorégraphique national
Danse
19
Centre de création
artistique
Centre de développement
chorégraphique national
Danse
13
Centre de création
artistique
Centre dramatique national
Théâtre
38
Centre de création
musicale
Centre national de création musicale
Musique
8
Centre de création
artistique
Centre national des arts de la rue
et de
l’espace public
Arts de la rue
14
Compagnie avec lieu
Siège de l'organisme
Arts du spectacle
121
Opéra
Opéra national et en région
Danse-Musique-Théâtre 7
Centre de création
artistique
Pôle national cirque
Arts du cirque
14
Scène
Scène conventionnée
d’intérêt national
Danse-Musique-Théâtre 135
Scène
Scène de musiques actuelles
Musique
89
Scène
Scène nationale
Danse-Musique-Théâtre 76
Théâtre
Théâtre de ville
Théâtre
529
Théâtre
Théâtre hors label
Théâtre
70
Opéra
Théâtre lyrique d'intérêt national
Danse-Musique-Théâtre 4
Théâtre
Théâtre national
Théâtre
4
Théâtre
Théâtre privé
Théâtre
58
Scène
Zénith et autre établissement privé
Musique
19
Total
1 267
Source : Cour des comptes à partir de la base géocodée du DEPS
Le rôle de ces équipements dépasse parfois largement leur fonction
première de lieux de création ou de diffusion et celle, connexe, de foyers
d’actions éducatives et culturelles
. Certains constituent pour leur territoire
d’implantation des
éléments avérés
d’attractivité
, notamment économique,
sans compter le rôle qu’ils peuvent jouer en matière
de cohésion sociale.
Toutefois, en raison même de la pluralité des enjeux qui leur sont
attachés, il arrive que la concurrence entre acteurs locaux joue au détriment
30
Cette basse d’accès public alimente notamment la base permanente des équipements de
l’Insee et l'Atlas régional de la Culture.
Réalisée par agrégation de sources différentes, elle
peut comporter certaines erreurs, comme le précise le ministère.
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30
d’un aménagement culturel
équilibré au sein de certains territoires ou entre
les différentes disciplines du spectacle vivant.
À
l’échelle nationale, ces lieux sont répartis sur l’ensemble du
territoire mais,
comme l’illustre la carte ci
-après, la densité
d’équipements
demeure variable selon les régions, en lien notamment avec la densité de
population et les caractéristiques régionales. En outre, cette carte ne rend
pas compte de la concentration de ces équipements dans et autour des
métropoles, qui sont aussi les zones où se concentre le public.
Entre les disciplines, les disparités sont encore plus nettes. Les
théâtres et les lieux interdisciplinaires sont ainsi surreprésentés en Île-de-
France. En matière de musiqu
e et de danse, l’Île
-de-France, la Nouvelle-
Aquitaine et le Grand-
Est présentent un taux d’équipement similaire tandis
que les régions Centre-Val-de-
Loire et Bourgogne ont un taux d’équipement
plus faible. Le maillage des lieux dédiés aux arts du cirque et de la rue est
beaucoup plus lâche, avec deux lieux dédiés par région en moyenne, reflétant
notamment les différences démographiques et l’histoire des disciplines.
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31
Carte n° 1 :
répartition par région des principaux équipements
culturels en 2020
Sources : DEPS, Cour des comptes
Pas plus que celle des infrastructures, la répartition du montant
moyen par habitant des aides allouées au spectacle vivant par les DRAC
n’est homogène sur
le territoire.
Comme le montre le tableau ci-après, depuis 2011, les soutiens
apportés par les DRAC tendent à augmenter, de façon plus ou moins
linéaire selon les régions, sans pour autant que les montants moyens par
habitant convergent, ni que les écarts à la moyenne soient compensés.
L
’essentiel des crédits
allant aux institutions labellisées, la répartition des
lieux explique en partie ces écarts, qui restent cependant modérés.
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32
Tableau n° 4 :
évolution de la répartition régionale du soutien
des DRAC au spectacle vivant par habitant (€/hab.
)*
Régions
2011
2014
2019
2020
Auvergne-Rhône-Alpes
5,65
5,72
6,12
6,75
Bourgogne-Franche-Comté
3,5
4,79
5,88
6,33
Bretagne
3,59
3,78
4,27
4,97
Centre-Val-de-Loire
3,77
3,53
4,47
4,81
Grand Est
4,23
5,2
5,59
6,11
Hauts-de-France
3,61
3,91
4,29
4,44
Île-de-France
4,81
4,96
5,13
5,29
Normandie
4,33
5,06
5,07
5,63
Nouvelle-Aquitaine
4,39
4,35
4,84
5,37
Occitanie
4,68
4,28
4,4
4,97
Pays de la Loire
3,88
3,34
3,92
4,52
Provence-Alpes-Côte d'Azur
5,08
4,77
5,05
5,56
Corse
0,15
0,43
*Montant moyen de dépenses en crédits d’intervention déconcentrés par région par
habitant en
considérant, pour chaque année, le nombre d’habitants total présent dans chaque région, selon
les estimations de population de l’Insee.
Source : Cour des comptes à partir des données Chorus et des données Insee concernant la
population
Ces montants moyens sont calculés hors financements des
établissements publics nationaux et des festivals aidés par
l’administration
centrale. Si ces financements étaient inclus, le poids de la région Île-de-
France, et, dans une moindre mesure, des régions PACA et Grand-Est serait
considérablement accru.
D -
L’exportation du spectacle
vivant
Sa vitalité et sa qualité font du spectacle vivant un instrument du
rayonnement international de la France. Si la diffusion de la musique à
l’international est structurée depuis longtemps
31
,
la diffusion à l’étranger
se
31
E
n 2019, l’exportation dans
le secteur de la musique
atteint 316 M€ de chiffre
d
affaires (+ 6,5 % par rapport
à̀
2018). 30 % (93,4
M€) proviennent de ventes de
musique enregistrée, et 25
% (80,5 M€)
sont issus de la vente de spectacles (
Le volume
économique de la filière musicale à l’international, bilan économique 2019
, publication
du CNM).
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33
heurte en règle générale
à un certain nombre d’obstacles
: outre la barrière
éventuelle de la langue, la difficulté à appréhender les circuits de diffusion et
à assurer la rentabilisation des tournées constitue, pour la plupart des
structures du secteur, des freins
qu’elles
ne sont pas en capacité de lever.
Le soutien public à la recherche de partenariats de production et de
la promotion de la diffusion à l’étranger d’œuvres p
roduites en France
relève des ministères de la culture et des affaires étrangères au travers
principalement de l
Office national de diffusion artistique (ONDA) et
l’Institut français.
L
’exportation de la création
française peut en particulier
s’appuyer
sur le réseau que forment dans 132 pays du monde, en 2020, les 98 Instituts
français et leurs 128 antennes, les 140 services culturels des ambassades
françaises, les 834 Alliances françaises, mais aussi les lycées français. En
outre, quatre relais spécialisés « spectacle vivant » ont été mis en place sur
des zones spécifiques
32
. Le ministère de la culture soutient également la
mobilité des artistes en recourant à différents fonds, notamment en activant
les financements européens
33
.
Si seul le secteur de la musique dispose de chiffres,
l’absence de
barrière linguistique favorise l’exportation dans
les secteurs de la danse, du
cirque et de la marionnette. Au-delà de ce panorama général des modes de
soutien, il est toutefois difficile de faire un
bilan de la diffusion à l’étranger
du spectacle vivant.
Par ailleurs, en
l’absence
de données homogènes circonscrites au
seul périmètre du spectacle vivant,
il n’est pas possible
de dégager des
éléments pertinents de comparaison internationale. Tout au plus peut-on
proposer une présentation des politiques déployées par trois de nos voisins
européens (cf. encadré ci-après et détails en annexe n° 3), dont il ressort la
très grande dive
rsité des modes d’intervention –
le régime de
l’intermittence constitue une
spécificité française
ainsi que, dans notre
pays, le rôle spécifique jo
ué par l’État
en lien avec les collectivités locales.
32
Ces quatre Relais spécialisés sont implantés à Berlin, à New-York, en Argentine et à
Belgrade. À Abidjan, Singapour et Bogota, le MEAE opère
via
les chargés de missions
régionaux pour la musique.
33
Le budget total du programme Europe créative est de 1,8
Md€ pour la période 2021
-
2027, dont environ 20 % parvient à la France.
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34
Les politiques de soutien au spectacle vivant :
quelques exemples européens
En Allemagne, Italie, Royaume-Uni, les dispositifs, très divers,
s’inscrivent dans un héritage historique et institutionnel propre à chaque pays.
Ainsi en Allemagne, la politique culturelle est massivement
financée par les
Länder
(45 %), les municipalités et collectivités locales
(45
%), l’État fédéral n’apportant que 10 % des soutiens. Le modèle
dominant est celui de théâtres publics réunissant en leur sein les différentes
disciplines (troupe théâtrale, orchestre et corps de ballet) et produisant avec
leurs équipes permanentes leurs propres spectacles.
Au Royaume-Uni, prédomine un modèle mixte associant fonds
publics, ressources propres et mécénat. Les indépendants, largement
majoritaires, sont soutenus par de puissantes organisations professionnelles
par disciplines qui structurent le dialogue avec les lieux et les producteurs.
Le soutien de l’État
via
l’
Arts Council England
, reste limité et vise des
thèmes spécifiques (création, diversité, etc.).
En Italie, l’État intervient
via
un Fonds unique pour le spectacle à
hauteur d’environ 400 M€ en 2020, le sec
teur étant largement soutenu par
les régions et les communes (mais il n’existe aucune étude
consolidée sur
l’ampleur de ces soutiens). Plus de la moitié des fonds sont destinés à l’art
lyrique, qui bénéficie également de subventions fléchées vers certains
festivals particulièrement renommés.
II -
Le financement du spectacle vivant :
des dotations budgétaires stables
jusqu’à la
crise, des soutiens complémentaires conséquents
Les crédits déployés par
l’État en faveur du spectacle vivant
relèvent
essentiellement de deux programmes budgétaires :
-
le programme
Création
, 703
M€ en 2019
(764,7
M€ en 2020
), dont
10 % vont à d’autres champs que le spectacle vivant
34
;
34
Le programme 131
Création
de la mission
Culture
, comprend trois actions
: l’action
1
- soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant (86 % des CP
du programme en 2020)
; l’action 2
- soutiens aux arts visuels (9,3 % des CP en 2020) et,
depuis 2020, l’action 6
- soutien et structuration des professions qui rassemble les crédits
du FONPEPS et du Fonds de professionnalisation transférés du programme 224.
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35
-
le programme
Transmission des savoirs et démocratisation de la
culture
35
à hauteur de 62,48
M€
en 2019 (74,4
M€ en 2020)
.
A -
Depuis 10 ans, une stabilité des crédits
Création
Globalement stable ces 10 dernières années, la dépense de
Création
destinée au spectacle vivant a fortement augmenté, de façon conjoncturelle,
depuis le début de la crise sanitaire, avec le déploiement des mesures
d’urgence et de relance
, passant de 703
M€ en 2019 à 764,7 M€ en 2020.
Graphique n° 1 :
les crédits Création - spectacle vivant
par type de dépense*
(CP, M€)
* programme 131-1
Source : Cour des comptes à partir des documents budgétaires
Ces crédits
Création
sont principalement destinés à trois types de
dépenses : les subventions aux opérateurs, le financement des dispositifs
d’aide gérés
par les DRAC et, enfin, les crédits alloués à
l’investissement
35
Une partie des crédits du Programme 361 (ex 224)
Transmission des savoirs et
démocratisation de la culture,
dans la mission
Culture.
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36
dans les lieux du spectacle vivant. La répartition entre ces trois ensembles
est relativement stable de 2011 à 2019, comme illustré par le schéma
supra
.
1 -
Des crédits inégalement répartis entre soutien
aux opérateurs nationaux et dépenses déconcentrées
a)
Les subventions aux établissements publics nationaux
Les subventions pour charges de service public destinées aux
opérateurs nationaux représentent près de 40 % des crédits de création
destinés au spectacle vivant, soit près de 272
M€
36
par an sur la période
2011-2020
37
, en diminution de 18,2
M€ entre 2011 et 2019
38
. Ce soutien
aux grands opérateurs parisiens s’explique par l’histoire et
leur place
emblématique. Essentiels dans la politique du spectacle vivant, chacun de
ces opérateurs constitue un cas très spécifique, nécessitant une approche
particulière, telle que mise en œuvre
lors des contrôles réguliers de la Cour
auxquels ils sont soumis. Dès lors et afin de ne pas occulter la diversité des
modes d’intervention de l’État sur le territoire, l
a Cour a choisi, dans le
cadre de la présente enquête, de se concentrer sur les autres modes de
soutien au secteur.
b)
Les crédits de fonctionnement
En moyenne, pendant la dernière décennie, 56 % des crédits de
fonctionnement du programme
Création
destinés au spectacle vivant
allaient aux structures autres que les opérateurs nationaux, soit 396,9
M€
en 2019 et 481,4
M€ en 2020
, pour les autres lieux de création et de
diffusion, les aides aux projets, à la structuration ou les conventions
pluriannuelles. C
es crédits d’intervention relèvent de
deux catégories :
-
les dépenses de fonctionnement déconcentrées, gérées par les services
des DRAC, dont la part
au sein des dépenses d’intervention
est passée
de 74 % en 2011 à 83 % en 2019 (+
43,7 M€)
;
36
Moyenne sur 10 ans du montant total de subventions pour charges de service public
(SCSP) versées aux opérateurs de l’État de spectacle vivant (titre 3 du programme 131).
37
Ces crédits sont destinés à couvrir les dépenses liées à l’exploitation courante.
38
Diminution principalement due à l’ouverture de la Philharmonie de Paris en 2015 et
à la création du Centre national de la musique en 2020.
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37
-
les dép
enses de fonctionnement gérées par l’administration centrale
,
destinées à des institutions non labellisées mais à fort rayonnement, à
des équipes à grande notoriété, au festival d’Avignon
, etc.
Carte n° 2 :
crédits Création (P131-1) versés aux structures
du spectacle vivant en 2019 (par habitant et par région)
Source : Cour des comptes à partir des données Chorus
Malgré le renforcement des moyens des DRAC, la répartition des
crédits Création sur le territoire demeure inégale. Comme illustré par la
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38
carte
supra
, ces crédits sont concentrés sur l’
Île-de-France en raison des
grands établissements publics nationaux, tandis que les territoires
ultramarins et la Corse apparaissent moins dotés que les territoires
métropolitains, en lien notamment avec des densité
s d’équipement et de
population moindres.
c)
Les dépenses d’investissement
Entre 2011 et 2020, l’État
a consacré chaque année entre 32
M€ et
82,5
M€ à l’
entretien et à la rénovation des lieux destinés au spectacle
vivant. Ces sommes sont réparties entre crédits centraux et déconcentrés.
Les crédits
centraux, pour l’essentiel alloués aux
opérateurs,
représentent 80
% des dépenses d’investissement de l’État en faveur du
secteur pour la période 2011-2020, soit une concentration encore plus forte
que celle des dépenses de fonctionnement. Leur montant fluctue beaucoup,
au rythme des grands projets : oscillant de
20 M€
à plus de 70
M€ selon les
années, ils représentent en moyenne près de 47
M€ annuels.
Les crédits d’investissemen
t gérés par les DRAC, relativement
stables, représentent 12 à 17
M€ par an entre 2011 et 2020
. La plupart des
lieux appartenant aux collectivités, le cofinancement est structurel.
2 -
Une montée en charge continue des dépenses
d’
action
culturelle
et d’éducation
artistique et culturelle
À ces crédits
Création
,
s’ajoutent des financements de l’État au titre
de
l’action culturelle
et de
l’éducation artistique et culturelle
39
.
La Cour a retraité les données budgétaires pour identifier, dans le
total des
dépenses d’
action culturelle, les crédits alloués aux structures du
spectacle vivant au titre de ces actions. D
’après
ses estimations
40
, depuis
2011, les montants
n’ont cessé d’augmenter
et approchent 75
M€ en 2020.
39
Depuis une dizaine d’années,
ces crédits étaient portés par le programme transversal
224 -
Soutien aux politiques du ministère de la culture
. Depuis 2021, ils sont regroupés
dans un programme, 361-
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
.
40
La Cour a analysé la prog
ression des crédits de l’action 2 du programme 224 destinés
aux structures du spectacle vivant bénéficiaires des crédits du P.131-1
Création
; il
s’agit donc d’un périmètre large,
à interpréter avec prudence. En effet, il ne peut être
exclu qu’une partie de ces dépenses relève, par exemple, d’actions en faveur du livre
ou des arts visuels, bien que cette part puisse être considérée comme marginale
s’agissant d’actions portées par des structures de spectacle vivant.
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39
Graphique n° 2 :
évolution
des dépenses de l’État en faveur
de
l’
action culturelle (C
P, M€)
Source : Cour des comptes à partir de Chorus
3 -
Les taxes affectées et dépenses fiscales : un soutien significatif
au spectacle vivant, privé comme public
Allocataire de taxes affectées et de diverses dépenses fiscales, qui
représentaient environ 145
M€ avant
la crise sanitaire (110
M€ en 2015)
,
le secteur du spectacle vivant, notamment privé, bénéficie à ce titre
d’un
soutien non budgétaire
de l’État
.
Deux taxes affectées
, représentant 44
M€ en 2019 (13,5
M€ en
2020 et 36,6
M€ en 2015), sont destinées à des programmes de
redistribution gérés par
l’Association pour le soutien du théâtre privé
et le
Centre national de la musique
41
. En 2020 et 2021, la perception de ces taxes
a été suspendue à plusieurs reprises, en lien avec la situation sanitaire, ce
qui a donné lieu, pour le CNM, à compensation par crédits budgétaires.
Plusieurs dépenses fiscales
représentant au moins 100
M€ en 2019
(80
M€ en 2020 et 74
M€ en 2015) participe
nt au soutien au secteur
42
. Par
41
T
axe sur les spectacles d’art dramati
que
, lyrique ou chorégraphique, pour l’une, et
taxe sur les spectacles de variété,
pour l’autre.
42
Taux de TVA à 2,1
% applicable aux droits d’entrée des 140 premières
représentations de certains spectacles ; franchise en base pour les auteurs et les
interprè
tes des œuvres de l’esprit dont le chiffre d’affaires n’excède pas 42 900 € ;
crédit
d’impôt pour les dépenses de production de spectacle vivant.
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40
ailleurs, pour soutenir la reprise d’activité dans le contexte de la crise
sanitaire de la covid 19, plusieurs dispositions fiscales ont été prises dans
le cadre de la loi de finances pour 2021
43
.
4 -
Un soutien d’ampleur apporté par l’État au spectacle vivant
depuis le début de la crise
Le spectacle vivant a été mis à l’arrêt ou très ralenti par la crise
sanitaire. La Cour a examiné les mesures d’urgence prises par l’État en
faveur du spectacle vivant depuis le début de la crise sanitaire dans le cadre
d’un audit flash
44
dont les principaux constats sont repris ici.
Hors mesures de dégel et de redéploiement, et en sus des mesures
transversales prises pour l’ensemble des acteurs
économiques et de
«
l’année blanche
» accordée aux intermittents
45
, le spectacle vivant a
bénéficié de nombreuses aides sectorielles d’urgence,
représentant près de
448
M€
pour 2020 et 2021. Le plan de relance, adopté par la loi de finances
pour 2021, fléchait 346
M€ vers le spectacle vivant sur les 1,6 Md€
destinés
à la culture (pour 2021 et 2022).
S’y ajoutent
400 M€ issus du PIA4
destinés aux industries culturelles et créatives sur la période 2021-2025 et
une partie non encore précisée des 600
M€
de France 2030 destinés à la
culture. Enfin, en 2021, diffé
rentes mesures de soutien à l’emploi artistique
ont été prises (soutien aux intermittents, aux équipes artistiques
indépendantes, aux diffusions alternatives et aux captations, filet de
sécurité pour les artistes auteurs), pour près de
50 M€.
Le ministère de la culture et les DRAC se sont très fortement
mobilisés pour piloter et mettre en place les aides d’urgence. L
a
distribution de ces aides, et donc l
’essentiel des crédits
ont été confiés au
Centre national de la musique (CNM) et à l’Association pour le soutien du
théâtre privé (ASTP), qui se sont acquittés de leur tâche avec efficacité et
ont ainsi vu leur légitimité renforcée.
43
Crédit d’impôt pour les représentations théâtrales d’œuvres dramatiques
(évalué à
10
M€
) ; élargissement du
crédit d’impôt audiovisuel (CIA) aux adaptations
audiovisuelles de spectacle vivant (+
8 M€
) et taux de 5,5 % de TVA sur les droits
d’entrée applicable à un ensemble de s
pectacles et de divertissements (dépense fiscale
totale estimée à 260
M€
en 2020, sans que la part bénéficiant au spectacle vivant ne soit
précisément chiffrable).
44
Cour des comptes
, Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant pendant
la crise sanitaire
, audit flash, septembre 2021.
45
Pour un coût estimé, entre mars 2020 et décembre 2021, à 949 M€.
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SANTE DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
41
Malgré les précautions prises pour éviter les versements indus et les
effets d’aubaine, la Cour soulignait qu’il
était désormais impératif de
renforcer les contrôles, de cibler davantage les soutiens en fonction de
bilans mesurant
l’efficacité des mesures prises
46
et de calibrer finement
l’équilibre entre aides génér
ales et sectorielles, ainsi que le calendrier de
sortie des dispositifs.
La Cour regrettait aussi que ces mesures de sauvegarde n’aient pas
davantage été employées à accompagner des mutations structurelles.
B -
Le soutien des collectivités territoriales au spectacle
vivant : un financement considérable, essentiellement
porté par les communes et les EPCI
Si les termes mêmes de la loi font de la politique culturelle une
compétence partagée entre l’État et les collectivités territoriales
, les
moyens consacrés au spectacle vivant par ces dernières ne peuvent pas être
précisément circonscrits. En effet, la classification des dépenses par les
différents échelons territoriaux
n’est pas homogène et s
eule une
harmonisation des nomenclatures comptables permettrait d’obte
nir le
montant exact de cette contribution.
La Cour s’est donc attachée à estimer
le plus finement possible la part des dépenses « culture » des collectivités
bénéficiant au spectacle vivant à partir des données DGFiP et des enquêtes
2006 et 2010 du ministère de la culture relatives aux dépenses culturelles
des collectivités locales.
D
’après
ces estimations, qui doivent être considérés avec
précaution
47
, cette dépense des collectivités atteignait au moins 2,47
Md€
(en fonctionnement) en ne considérant que les dépenses strictement
rattachées au spectacle vivant (catégories « théâtre » et « expression
musicale, lyrique et chorégraphique » des nomenclatures). Ce périmètre
apparaît comme étant le plus robuste. En prenant en compte des catégories
mixtes englobant des dépenses qui ne relèvent que partiellement du secteur
(« Expression artistique », « Action culturelle » ou « Autres salles de
spectacles dont cinémas », par exemple
48
), ce montant avoisinerait
4,06
Md€ en 2019
.
46
Sur ce point, en réponse à l’audit, le ministère a indiqué qu’un bilan définitif du
soutien accordé aurait été prématuré et qu’il
sera réalisé
a posteriori
en 2022.
47
Cf. les précautions méthodologiques mentionnées en annexe n° 2.
48
La rubrique comptable « action culturelle » des communes finance, par exemple, tout
aussi bien les maisons de la culture, l’organisation des festivals que le fonctionnement
des salles polyvalentes et les centres d’animation culturelle.
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COUR DES COMPTES
42
1 -
Dépenses de fonctionnement
Quel que soit le périmètre retenu, les dépenses de fonctionnement des
collectivités en faveur du spectacle vivant augmentent, sauf pour les
départements. En considérant le périmètre de dépenses élargi, les financements
des communes et EPCI passent d’environ 2,6 Md€
à 3,2 Md€ entre 2014 et
2019, soit une augmentation de 25 % (+ 8 % avec le périmètre stricte).
Tableau n° 5 :
évolution des dépenses de fonctionnement
des CT dédiées au spectacle vivant (Md€)
Collectivités
2006
(Enquête
MC)
2010
(Enquête
MC)
2014
(DGFiP)
2019
(DGFiP)
Taux
d'évolution
2014-2019
Périmètre
de dépenses
strict
Communes
1,06
1,15
1,05
1,11
5,50 %
EPCI
0,21
0,32
0,45
0,51
14,10 %
Département
0,41
0,49
0,44
0,39
-10,30 %
Régions
0,35
0,43
0,45
0,45
0,10 %
Total
2,03
2,4
2,39
2,47
3,20 %
Périmètre
de dépenses
élargi
Communes
1,85
2,16
1,95
2,32
19 %
EPCI
0,32
0,45
0,62
0,9
44,80 %
Département
0,41
0,49
0,44
0,39
- 10,30 %
Régions
0,35
0,43
0,45
0,45
0,10 %
Total
2,93
3,53
3,46
4,06
17,50 %
Sources : Cour des comptes selon les données Enquête du ministère précitée et DGFiP.
Le financement du spectacle vivant par les collectivités serait trois
fois supérieur aux quelques 800
M€ de crédits budgétaires
Création
et
d’
action culturelle
et d’EAC versés par l’État, soit bien davantage
que les
estimations antérieures du ministère de la culture (deux tiers pour les
collectivités).
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DISPOSITIF MARQUÉ PAR
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43
Carte n° 3 :
dépenses de fonctionnement moyennes des communes
et EPCI par habitant en € (201
9-2020)
Source : Cour des comptes à partir de données DGFiP
et de l’Insee (pour les données
de population).
Comme le montre la carte ci-avant, les dépenses de fonctionnement des
communes et des EPCI par habitant au titre du spectacle vivant en 2019 sont
beaucoup plus hétérogènes d’une région à l’autre que les dépenses de l’État
(cf. carte n° 2
supra)
et fait apparaitre des inégalités territoriales notables.
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COUR DES COMPTES
44
Sur le plan qualitatif, l’
augmentation du financement du spectacle
vivant par les communes et les EPCI est allée de pair avec une
diversification des dispositi
fs et des mécanismes d’aides, qui se
rapprochent désormais
du système d’aide des DRAC
: aides aux projets,
soutiens conventionnels, appels à projets divers.
Enfin, la
compétence partagée entre l’État et les collectivités en
matière de spectacle vivant se traduit par de nombreux cofinancements,
ainsi qu’il
peut être constaté dans le tableau suivant. Toutefois, comme
développé
infra
, les données sur lesquelles ce dernier repose sont fragiles
49
.
Les montants de subvention
de l’
État et des collectivités par catégorie de
lieu ne doivent donc être considérés que comme des ordres de grandeur.
49
D
onnées 2017 de l’enquête
Panorama
réali
sée jusqu’en 2019 par la DGCA auprès
des lieux labellisés ou conventionnés
. L’ensemble des données est déclaratif.
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45
Tableau n° 6 :
le cofinancement État-Collectivités territoriales
des lieux labellisés et conventionnés (2017)*
Label ou réseau
Nbre
État
(M€)
CT
(M€)
Ress.
Propres
(M€)
Sub. État /
spectateur (€)
Sub. CT /
spectateur (€)
Musique
Opéras en région et autres opéras
soutenu par l'État
15
29,6
183,1
35,6
32,6*
201,7*
Orchestres nationaux en région
9
12,5
35,8*
10,2
29,2*
83,7*
Orchestres permanents
11
7,9
19,7
4,4
33,8*
84,4*
SMAC - Scènes de musiques actuelles
97
27,9
97,2
105,2
14,5
50,6
CNCM - Centres nationaux
de création musicale
7
2,6
Théâtres, cirque, arts de la rue
CDN - Centres dramatiques nationaux
38
64,9
57,6
34,0
56,9
50,5
PNC - Pôles nationaux du cirque
12
3,6
8,5
3,0
13,6
31,8
CNAREP - Centres nationaux des arts
de la rue et de l'espace public
14
5,3
10,3
2,1
6,2
12,0
Danse
CCN - Centres chorégraphiques
nationaux
19
15,3
14,8
16,0
25,3
24,4
CDCN - Centres de développement
chorégraphique nationaux
12
4,1
5,8
0,0
34,2
48,3
Pluridisciplinaire
SN - Scènes nationales
74
59,4
135,2
58,1
14,0
31,9
SC - Scènes conventionnées d'intérêt
national
123
10,5
-
0,1
-
-
* Si les données de ce tableau sont dans l’ensemble fragiles, les chiffres
signalés par * sont à prendre avec une
prudence particulière, car ils reposent sur des données incomplètes.
Source : DGCA, Panorama, octobre 2019.
De ces données, il ressort que le plus important financement de
l’État par spectateur revient aux CDN
(57 €)
pour un montant proche de
celui apporté par les collectivités (50
€), devant celui qu’il alloue aux
CNCM, opéras et orchestres (entre 32 et 34
€ par spectateur).
Les
collectivités financent, quant à elles, particulièrement les opéras en région
et, dans une moindre mesure, les orchestres, sachant que les coûts associés
à ces disciplines sont structurellement élevés.
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46
2 -
Des investissements dans les infrastructures partagées
avec les collectivités territoriales
Les investissements dans les lieux labellisés sont structurellement
cofinancés.
D’après les
estimations de la Cour,
les dépenses d’investissement
des seules communes et EPCI dans les lieux de spectacles
s’inscrivent
dans
une fourchette comprise, en 2019, entre 263
M€ à 768
M€.
Si les dépenses
d’investissement de l’État pour les lieux de spectacle vivant ne représente
nt
que 5 % ou 2 % de ces montants, elles demeurent cruciales pour clore des
tours de table parfois complexes et sont généralement perçues comme une
confirmation de la labellisation ou du projet.
Les DRAC peuvent, dans certains cas, être appelées tardivement
pour compléter le financement de projets portés par des collectivités, dont
certains leur semblent
redondants avec l’offre déjà existante
, dont
l’équilibre économique n’est pas assuré
, ou dont le projet culturel
n’
est pas
suffisamment clair. De tels projets représentent, pour les collectivités qui
en prennent l’initiative,
un coût direct en investissement et une charge
pérenne en fonctionnement, et
sont également susceptibles d’être
sources
de dépenses incidentes sur le plan national (intermittence, demandes de
subventions).
Malgré s
a complexité de mise en œuvre, il appara
ît donc
indispensable d’aller vers une meilleure coordination des projets
des
collectivités entre elles et avec l’État s’agissant des infrastructures du
spectacle vivant, notamment dans les régions densément équipées. Il
revient en effet à l’État de veiller à la cohérence territoriale de l’offre et
d’organiser l’aménagement cult
urel du territoire.
Hors réponse à la crise sanitaire (dont il est trop tôt pour apprécier
la part pérenne), le financement du spectacle
vivant par l’État appara
ît
relativement stable au cours de la dernière décennie,
à l’exception du
renforcement des
dépenses d’action éducative et de démocratisation
culturelle.
L
’accroissement des
soutiens publics provient désormais des
collectivités, nettement majoritaires dans le financement du spectacle
vivant, ce qui conduit à une reconfiguration des équilibres. Les actions et
structures financées par l’État et les collectivités tendent ainsi à se
recouper, tandis que les modes d’allocation des soutiens se rapprochent.
Il en résulte pour l’État la nécessité d’ajuster encore ses modes
d’intervention dans un contexte où il n’est plus
le seul ni même le principal
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47
acteur. Son expertise reconnue et sa
capacité d’orientation
ont été
réaffirmées durant la crise sanitaire. Il convient néanmoins de les
consolider, de même que sa capacité de mise en cohérence
de l’offre.
III -
Un secteur dynamique en termes
d’entreprises et d’emploi
Le secteur du spectacle vivant, public et privé, a vu son poids dans
l’économie légèrement progresser sur la période observée. Conséquence
de
son attractivité, les écoles de formation initiale sont nombreuses, mais la
question de la professionnalisation, de la diversification et de la durée des
carrières et
des parcours d’artistes
reste peu traitée.
A -
Un poids économique en légère progression
En 2019, la culture représentait 2,3 % du PIB (hors effets induits sur
le tourisme ou le commerce), stable depuis 2013, pour une production
totale marchande et non marchande de 49,2 Md€.
Elle employait 2,6 % de
la population active, soit 692 000 personnes
50
.
50
DEPS/Ministère de la culture, données Insee,
Le poids économique direct de la
culture en 2019
, février 2021.
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48
Dans ce total, le spectacle vivant était évalué à
12,3 Md€, en hausse
depuis 2014 (11,4
Md€). Sa part dans l’ensemble de la valeur ajoutée du
secteur culturel a sensiblement augmenté depuis l’an 2000, dépassant pour
la première fois les secteurs de la presse et du livre en 2019.
Toutefois, en 2020, du fait de la crise sanitaire,
le chiffre d’affaires
du spectacle vivant marchand se serait contracté de 59 %
sur l’année par
rapport à un scenario sans crise, ce qui en fait le secteur le plus touché, loin
devant le patrimoine (-39 %) et le cinéma (-38 %)
51
.
B -
Un nombre d’entreprises et de salariés
en forte hausse depuis 20 ans
Le secteur professionnel compte des employeurs dont le spectacle
vivant est l’activité principale
et des employeurs non professionnels
52
. Le
schéma et les développements ci-après ne portent que sur le secteur
professionnel, pour lequel les données disponibles permettent des analyses
plus détaillées.
51
Culture Études,
Crise sanitaire dans le secteur culturel - Impact de la pandémie de
Covid-19
et des mesures de soutien sur l’activité
et la situation financière des
entreprises culturelles en 2020
, janvier 2022, p. 11.
52
Particuliers, associations spécialisées dans les activités récréatives, administrations,
restaurants, action sociale ou médicale, hôtellerie ou tourisme. Le secteur professionnel
concentrait 77
% du volume d’emploi et 93
% de la masse salariale en 2017
(Observatoire des métiers du spectacle vivant, CPNEF
SV, Audiens, Afdas,
Les
employeurs et l’emploi dans le spectacle vivant. Données 2017
, novembre 2019).
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49
Schéma n° 1 :
employeurs et employés dans le secteur
du spectacle vivant (secteur professionnel)
Source : Cour des Comptes à partir des données de l’Observatoire des métiers du spectacle
vivant, CPNEF
SV, Audiens, Afdas, novembre 2019
Le secteur professionnel est dynamique, avec un nombre
d’employeurs
en augmentation de 70
% depuis l’an 2000. Il s’agi
t de
petites structures, 93 % de ces employeurs comptant moins de 11 salariés
permanents (CDI et CDD), qui constituent un tissu économique
relativement stable, avec un taux moyen de renouvellement des
employeurs de 12 % en 2017 (15 % en 2000)
53
.
53
D’après l’I
nsee, en 2018, le taux de renouvellement des entreprises métropolitaines
était de 16,5 %, proche de celui du seul secteur privé du spectacle vivant (15 %).
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50
Graphique n° 3 :
évolution
de l’emploi dans le secteur
du spectacle vivant
Source
: Cour des Comptes à partir des données de l’Observatoire des métiers du spectacle vivant
Cette vitalité concerne
aussi l’emploi
. Les effectifs salariés du
secteur professionnel ont ainsi augmenté de 46 % entre 2000 et 2017,
passant de 148 905 à 217 153 salariés
54
, poursuivant la dynamique déjà
relevée par le rapport Latarjet pour la période 1994-2004. Les quelques
200 métiers artistiques et techniques ou administratifs reflètent la diversité
du secteur. La masse salariale du secteur professionnel représentait
1,76
Md€ en 2017.
Sur le plan sociologique, les professionnels du spectacle vivant
présentent des caractéristiques constantes au cours des 20 dernières
années : ils
sont dans l’ensemble plus diplômés et d’origine sociale plus
élevée que le reste de la population. Ainsi, en 2016, la proportion de bac +3
ou plus était de 44 % parmi les professionnels du spectacle vivant et
de 23
% dans l’ensemble des actifs. Les enfants de cadres
y sont deux fois
plus nombreux que dans la population générale.
54
Effectifs dédoublonnés, uniquement salariés du secteur professionnel du spectacle
vivant (qui peuvent néanmoins aussi avoir travaillé pour un employeur hors secteur).
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51
C -
Un secteur attractif malgré la précarité
et des revenus moyens faibles
Une triple précarité caractérise les emplois du secteur
55
:
-
la prédominance des contrats courts : 66 % des salariés du secteur
professionnel sont intermittents, 19 % sont employés en CDD et
seulement 15 % en CDI. Les disparités entre secteur public et privé
sont fortes concernant la part des contrats à durée déterminée dit
d’usage, ou
CDDU
56
(respectivement 67 % et 78 %) et des CDI (15 %
et 8 %) ;
-
la pluriactivité : environ le quart des actifs du secteur exerce plusieurs
métiers différents, avec de grandes disparités entre filières techniques,
artistiques ou administratives ;
-
l
a faiblesse des niveaux de revenus tirés de l’activité
: comme le
souligne l’Observatoire
des métiers du spectacle vivant, «
pour la
moitié des salariés, les masses salariales sociales annuelles brutes
déclarées sont inférieures à 3 004
€ et pour un quart des salariés, elles
sont de plus de 10
253 € par an
» et les disparités sont importantes.
Ce faible niveau des revenus d’activité doit cependant être nuancé
par la fréquence des revenus de remplacement : 61 % des artistes, 41 % des
techniciens et 29 % des cadres artistiques de la programmation et de la
production étaient concernés en 2017.
Au
premier
rang
des
revenus
de
remplacement
figure
l’intermittence
. Ce régime social étant piloté par les partenaires sociaux et
concerne également le secteur audiovisuel. Dans le cadre du présent
rapport, centré sur les interventions du ministère de la culture, il a été
décidé de ne pas aborder spécifiquement cette composante de
l’écosystème, qui déborde largement le champ de l’enquête
. Face à
l’impossibilité technique
de distinguer le montant des allocations versées
au titre du seul spectacle vivant de
celles versées au titre de l’audiovisuel,
l
’approche retenue a
été de calculer une estimation.
55
Observatoire des métiers du spectacle vivant,
Les employeurs et l’emploi dans le
spectacle vivant. Données 2017
,
op.cit.
56
CDD spécifique, sans limitation de durée, sans délai de carence ni limitation pour son
renouvellement, sans versement d’indemnité de fin de contrat. Une trentaine de secteurs
économiques y sont juridiquement éligibles. Le spectacle enregistré et le spectacle
vivant figurent parmi les cinq secteurs où il est le plus fréquent. Les intermittents sont
fréquemment embauchés dans le cadre de CDDU.
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52
L’intermittence, un pilier du secteur
via
les régimes sociaux,
pour un montant qui ne peut être quantifié avec exactitude
L’intermittence constitue un financement indirect et essentiel à
l’écosystème du spectacle vivant, sans être assimilable à une subvention
puisqu’elle est pour partie
alimentée par des cotisations sociales. Ainsi, pour
l’ensemble du régime de l’intermittenc
e (audiovisuel et spectacle vivant),
en 2019, 1,43
Md€ d’allocat
ions ont été versées, pour 0,32
Md€ de
cotisations collectées. À ce montant de cotisations, il faudrait ajouter une
partie des recettes de CSG.
Singularité du modèle français, le régime spécif
ique d’assurance
chômage concerne les secteurs du spectacle vivant comme
de l’audiovisuel,
et s’adresse aux artistes, aux techniciens, voire à certains postes
administratifs
57
. Les règles en vigueur depuis le 1
er
août 2016
58
prévoient
une ouverture de droits après 507 heures au cours des 12 mois précédant la
fin du contrat engageant leur activation sur une période de 365 jours.
Une allocation rémunère souvent un intermittent qui a acquis ses
droits en travaillant à la fois dans le secteur du spectacle vivant et dans le
secteur de l’audiovisuel
(par exemple, un acteur qui joue aussi bien au
théâtre que pour la télévision, etc.)
, c’est pourquoi il est impossible d’isoler
le montant des allocations imputables au seul secteur du spectacle vivant.
Dès lors, le mont
ant de l’intermittence «
spectacle vivant » ne peut être
qu’approché.
D’après les estimations réalisées dans le cadre de la présente
enquête, les allocations versées aux intermittents du spectacle vivant
en 2017 pourraient représenter au moins
450 M€
, si le calcul repose sur la
part des intermittents du spectacle vivant (secteur professionnel) dans la
masse salariale totale des intermittents
et jusqu’à 800 M€,
sur la base du
nombre d’allocataires du seul secteur du spectacle vivant indemnisés à
hauteur du
montant moyen d’allocation.
Ces approximations souffrent l'une comme l'autre de plusieurs biais
(présentés en annexe n° 4) et sont à prendre en compte avec prudence. Elles
visent à donner un ordre de grandeur du rôle joué par le régime de
l'intermittence dans l'écosystème du spectacle vivant.
57
Relevant des annexes 8 (techniciens du spectacle) et 10 (artistes) du règlement
général annexé au décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage
.
58
Découlant de l’accord du 28 avril 2016 et du décret du 13 juillet 2016.
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53
Malgré l’importance des revenus de remplacement, le ministère
estime qu’à caractéristiques sociodémographiques et fonctions d’emploi
identiques, les professionnels de la culture perçoivent des revenus
inférieurs de 26 % à ceux des autres actifs en emploi.
Pour autant, l
es conditions d’emploi et les niveaux de revenus
n’apparaissent pas déterminants dans le choix d’embrasser des professions
du spectacle vivant, socialement valorisées et répondant à des aspirations
d
’épanouissement personnel. L’absence de barrière «
administrative » à
l’entrée dans le secteur et la réduction des risques économiques grâce à
l’assurance chômage contribuent
vraisemblablement au développement
continu de l’emploi dans le secteur.
D -
La question de la professionnalisation
et des parcours d’artistes
L
a régulation de l’accès au secteur
, questionnée dès 2004 avec le
constat que «
le partage excessif du travail signifie un recul du
professionnalisme qui ne peut être sans effets sur la qualité des spectacles
et sur la sécurité au travail
»
59
,
n’a pas été résolu
e. Le secteur est
relativement ouvert aux autodidactes, ce qui explique en partie la forte
croissance du nombre de salariés et
le sentiment souvent exprimé d’une
paupérisation du secteur.
Des
progrès
sont
toutefois
à
relever
en
matière
de
professionnalisation, avec le développement des formations et écoles et, de
la part des employeurs, une plus grande attention aux certifications.
En 2021, 104 formations certifiantes (dont 24 diplômes nationaux)
préparant aux métiers du spectacle vivant étaient recensées
60
, dans le cadre
de 325 offres de formation (283 en 2014). Elles étaient proposées par
161 organismes différents à environ 5 240 jeunes ou adultes.
Parmi elles, les 33 écoles supérieures publiques, très hétérogènes
quant à leur statut et au
nombre d’étudiants qu’elles
accueillent, formaient
en 2019-20 un peu moins de 3 000 étudiants sur 58 filières ou diplômes
différents. Cet enseignement public sélectif et exigeant représente une offre
à la fois contenue dans son volume et relativement stable dans le temps. Au
59
Bernard Latarjet,
Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant,
rapport au
ministre de la culture et de la communication, avril 2004.
60
Observatoire métiers du spectacle vivant, CPNEF-SV, Afdas
, L’offre de formations
certifiantes préparant aux métiers du spectacle vivant Diplômes, Titres professionnels
et CQP
, août 2021.
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54
contraire, l’offre privée est dynamique et ne peut être que marginalement
régulée par la reconnaissance des diplômes
par l’État
(MESRI), ceux-ci
conditionnant encore peu, en pratique,
l’accès au secteur.
L
es
écoles
de
l’enseignement
supérieur
public
proposent
généralement
à
leurs
élèves
un
accompagnement
à
l’
insertion
professionnelle, qui peut durer plusieurs années et semble porter ses fruits.
En effet, en moyenne, trois ans après leur diplôme
61
, 96
% d’entre eux
exerçaient une activité principale en adéquation avec leur domaine
d’études, sans avoir rencontré de difficulté particulière d’accès à
l’emploi
62
. Un tiers d’entre eux bénéficie du régime de l’intermittence, qui
facilite leur insertion professionnelle.
Malgré les bons résultats de l
’enseignement supérieur public du
spectacle vivant
en matière d’insertion professionnelle, les revenus nets
annuels de ces jeunes diplômés sont faibles : en 2012-2014, seuls 6 %
percevaient plus de 35 000
€ par an (10
% pour l’ensemble des disciplines)
et 5 % gagnaient moins de 5 000
€ par an, alors que les
deux tiers
travaillaient plus de 20 heures
63
. Le ministère souligne que, pour le secteur,
ces niveaux de rémunération sont relativement élevés.
La
notion
de
parcours
d’artiste
constitue
également
une
problématique centrale du secteur. Les professionnels relèvent une plus
grande réticence des artistes à s’engager
durablement au sein
d’une
structure établie, tendance que semble favoriser le système
d’aide
s. En
particulier, l
es jeunes sortis d’école,
inclineraient plutôt à se constituer en
compagnies pour réaliser leur propre projet, ce qui leur permet de
bénéficier des aides attribuées par les DRAC
en faveur de l’émergence et
de la création, et, plus tard, de prétendre au conventionnement. Cette
tendance est vraisemblablement confortée par les aides des collectivités à
l’émergence et
à des compagnies locales. Enfin,
l’intermittence compl
ète
le financement de ces petites structures fragile et leur permet de survivre.
61
Enquête annuelle sur l’insertion menée auprès des diplômés de l’enseignement
supérieur relevant du ministère de la culture.
62
Entre 2013 et 2017, selon les années, 75 à 85 % des diplômés « spectacle vivant »
avaient trouvé une activité professionnelle moins de six mois après la fin de leurs
études
. Chiffre résultant de l’agrégation de trois catégories de réponses
: « Aucun :
poursuite d’une activité déjà engagée au cours des études
», « Moins de trois
mois après
l’obtention du diplôme
» et « De trois
à six mois après l’obtention du diplôme
».
63
DEPS,
L’inégale insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’enseignement
supérieur Culture en 2017,
mai 2018.
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55
Alors que les carrières des artistes et des interprètes sont de plus en
plus diversifiées et que le développement des métiers de la médiation
culturelle pourrait constituer une voie alternative, le sujet du parcours de
l’artiste sem
ble encore peu abordé explicitement. La structuration de
parcours allant de la sortie d'école à la reconversion éventuelle reste
insuffisante, avec des disparités selon les disciplines : par opposition à la
danse et à la musique qui ont,
dans l’ensemble
, développé des approches
de carrière plus longues, le secteur du théâtre semble encore en retrait.
Par ailleurs, alors que le renforcement de la technicité des dossiers
et leur multiplicité
64
font émerger un besoin en matière de métiers
d’accompagnement à la
production et à la diffusion, les formations aux
métiers correspondant (manager, accompagnement artistique, agent
d'artistes, etc.)
sont aujourd’hui peu nombreuses ou inadaptées.
Enfin, le ministère
ne dispose pas d’un
schéma directeur de
formation intégr
ant l’offre privée
, mais
s’appuie sur l
es données de
l’observatoire de la Commission
paritaire nationale emploi-formation du
spectacle vivant (CPNEF-SV),
placé auprès de l’A
fdas, pour connaître les
formations certifiantes et les effectifs concernés. Cette instance est aussi
chargée d’identifier
les besoins prévisionnels en matière de nouveaux
métiers et de reconversion professionnelle
65
. Le ministère convient que la
prise en compte de ces besoins par les écoles du spectacle vivant et
l’adaptation en conséquence
de leur offre de formation ne sont pas
suffisantes.
64
Le développement des tâches administratives dans les compagnies, lié à la
multiplicité de guichets pour bénéficier des aides (collectivités et État) pose aussi la
question d’une excessive captation de la ressource publique par les fonctions
correspondantes, au détriment des dépenses artistiques.
65
Ces besoins sont identifiés par le CPNEF-SV en ap
plication d’un
accord-cadre
national portant engagement de développement de l’emploi et des compétences
(EDEC)
dans le spectacle vivant, signé en 2014
et prolongé jusqu’en 2022.
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56
______________________ CONCLUSION ______________________
Dans le secteur du spectacle vivant, la politique développée depuis
plus d’un demi
-siècle par le ministère de la culture a été marquée par une
grande stabilité des objectifs et
le déploiement d’un important dispositif de
soutien à travers notamment
la politique des labels et l’aide aux
compagnies.
Hors soutiens d’urgence
attribués en réponse à la crise
sanitaire, l
es crédits de l’État traditionnellement accor
dés à la politique
de création sont demeurés stables ces dix dernières années tandis que
l
’augmentation des financements
publics provient
pour l’essentiel
des
collectivités locales (et, dans une bien moindre mesure, du financement des
actions de démocra
tisation et d’éducation artistique et culturelle
).
Ce soutien du ministère a ainsi permis
le développement d’un
maillage territorial dense et riche en termes de disciplines, comme de
variétés des lieux et des formes artistiques. Cette politique en faveur du
spectacle vivant c
ontinue d’alimenter
la grande vitalité de la création et,
partant, une offre de spectacles abondante.
Du point de vue économique,
malgré la précarité de l’emploi,
le
spectacle vivant (public comme privé) a été marqué par une croissance
dynamique se traduisant par une professionnalisation continue du secteur
ainsi que par une
forte augmentation du nombre d’entreprises et de
salariés
qui contrastent avec la stabilité du financement de l’État.
Cette croissance apparaît difficile à réguler puisque les facteurs qui
y concourent
sont pour l’essentiel extérieurs au ministère de la culture, qu’il
s’agisse de la volonté des collectivités territoriales de proposer une offre
diversifiée et d’investir dans de nouveaux équipements, ou encore du régime
de l’intermittence dont le réglage
appartient aux partenaires sociaux.
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Chapitre II
Une politique de l’offre qui
peine à
atteindre ses objectifs
de démocratisation et de diffusion
Forte
d’un réseau dense de lieux de création et de diffusion
ainsi que
d
’une
gamme
d’outils rénové
s par la loi LCAP, la politique publique en
faveur du spectacle vivant
constitue une politique d’offre qui
se traduit par
une incontestable vitalité artistique dont témoignent, dans toutes les
disciplines, des productions abondantes et diversifiées sur le territoire.
D
es progrès significatifs peuvent être relevés dans l’utilisation de
s
instruments dont s’est doté le
ministère pour agir et mesurer les effets en
matière de suivi des équipes artistiques et de féminisation des nominations.
En revanche, en matière de gestion des données relatives à la connaissance
et au pilotage du secteur, les efforts doivent être poursuivis ; ils
conditionnent la cohérence de la politique ministérielle.
Sur le fond, malgré un renforcement des moyens et une attention
accrue, en matière de démocratisation culturelle la politique du spectacle
vivant peine à atteindre ses objectifs. Elle est, enfin, confrontée au défi
essentiel de la diffusion des spectacles et, plus précisément,
de l’équilibre
à trouver entre création et diffusion.
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COUR DES COMPTES
58
I -
Une amélioration de la gestion de l’offre,
un pilotage à consolider
La direction générale de la création artistique (DGCA) est chargée
du pilotage de la politique publique du spectacle vivant,
qu’elle
décline sur
le territoire
via
le réseau des DRAC.
Si elle dispose d’un ensemble
structuré d’instruments pour cadrer le suivi
des lieux et des équipes, le
caractère encore lacunaire et souvent trop peu fiable de nombreuses
données limite sa capacité à se reposer sur des analyses transverses. En
outre, face à de puissantes dynamiques territoriales, le ministère semble
encore réticent
à s’appuyer pleinement sur son
réseau déconcentré.
A -
Des avancées significatives dans le suivi
de la gestion des lieux et des équipes
Les nominations à la tête des structures labellisées et les attributions
d’aides relèvent d’un cadre précis qui permet
à
l’État
non seulement
d’infléchir les pratiques mais facilite aussi, à certains égards, la relation
avec les partenaires locaux.
1 -
Les nominations et les commissions consultatives :
éléments clés de la politique de l’État
a)
Une politique de nominations relativement normée
Aboutissement d’une procédure très formalisée, l’agrément
ministériel des nominations est un gage de légitimité pour les directions de
structures labellisées, mais aussi
une garantie précieuse d’indépendance à
l’échelon territorial.
La réforme des règles de nomination intervenue dès 2013
66
a
considérablement renforcé la capacité de gouvernance du secteur par le
ministère.
Alors qu’il n’existait pas de limite de durée, l
e nouveau
dispositif a prévu
un premier contrat d’une durée de
quatre ans,
renouvelable deux fois par périodes de trois ans, soit un total de 10 ans avec
la possibilité d’obtenir par dérogation une année supplémentaire.
Ces
66
Circulaire du 22 février 2013 : « Renouvellement des générations
Respect de la
parité à la direction des établissements et des réseaux nationaux du spectacle vivant et
des arts plastiques » renvoyant au cahier des charges des CDN.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
59
dispositions permettent en principe un renouvellement régulier des
directeurs, lesquels doivent, en outre, rendre compte de leur action à travers
des auto-
évaluations de fin de mandat. Si d’indéniables progrès sont à
noter, la réforme n’a pas encore produit tous ses effets. Ainsi, fin 2021, les
76 directeurs de scènes nationales étaient en poste depuis sept ans en
moyenne, 20 occupant leurs fonctions depuis plus de 10 ans.
Cette réforme a fixé également des objectifs en matière de
rajeunissement et de féminisation des directions des lieux labellisés
67
. La
circulaire de 2017 relative à la parité dans le secteur de la création a, par la
suite, fixé des objectifs aux DRAC en la matière. De ce point de vue la
situation demeure contrastée. Au 1
er
janvier 2021, une seule femme
dirigeait un établissement national du spectacle vivant (comme en 2016).
En revanche, concernant les institutions labellisées, les progrès sont
significatifs. Au 1
er
janvier 2021, 34 % des scènes nationales étaient
dirigées par des femmes, contre moins de 25 % en 2017, et les
11 nominations intervenues en 2021 ont été strictement paritaires (dont une
direction collégiale mixte).
L’annexe n°
5 détaille cette évolution.
Sur la base des nouveaux textes, la DGCA a également pu mettre fin
à des mandats de directeur ou de ne pas les renouveler lorsque ceux-ci ne
respectaient pas les termes du contrat conclu lors de leur nomination, même
si ces décisions ne sont pas toujours rendues faciles du fait des appuis
locaux ou nationaux dont disposent certains directeurs de lieux.
b)
Les commissions consultatives, un rôle central
dans
l’attribution des aides
Les aides déconcentrées constituent localement un enjeu important.
Très cadrée, leur attribution par les DRAC intervient après instruction des
demandes, sur
avis d’une commission consultative regroupant des experts
du secteur. Out
re le fait qu’elle
s
évitent au processus d’octroi des aides
d’être circonscrit
aux seuls rouages internes d
e l’administration d
es DRAC,
les commissions
assument un niveau d’exigence élevé, si bien qu’un vote
favorable tient lieu de validation d’une démarche artistique, l’équipe
pouvant s’en prévaloir pour obtenir
des financements complémentaires,
publics ou privés.
67
L’article 5 de la loi LCAP prévoit que les structures labellisées «
doivent respecter
les princip
es de transparence et d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux
responsabilités, et porter une attention particulière au renouvellement des générations
et à la diversité
».
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COUR DES COMPTES
60
Renouvelables par moitié tous les deux ans, les commissions sont
composées de personnalités qualifiées, les délégations sectorielles de la
DGCA et l’inspection artistiques y sont représentées.
La loi LCAP a limité
la durée et le nombre de mandats des experts, tandis que la généralisation
du vote à bulletin secret depuis 2015 permet de soustraire les experts à
d’éventuelles pressions, c
ontestations ou simplement aux effets de groupe.
Ces commissions peuvent se heurter à la difficulté de trouver des
experts pour certains territoires ou disciplines. Les avis des commissions
ne sont que consultatifs, la décision finale appartenant aux DRAC qui
doivent prendre en compte des objectifs de politique publique (parité,
équilibre des disciplines et esthétiques, parcours artistiques, enveloppes
financières).
S’agissant des règles de déontologie de ces commissions, l
a
circulaire relative à la réforme des aides aux équipes entrée en vigueur au
1
er
janvier 2022 fixe les règles relatives aux conflits
d’intérêt
s, règles qui
seront décrites dans un
Livret d
’accueil du membre de la commission
,
destiné aux DRAC et aux experts.
Les réformes intervenues ces dernières années ont permis
d
’instaurer
des procédures plus transparentes et plus collégiales, en
particulier en matière de renouvellement et de féminisation.
2 -
Des relations
de l’
État avec les collectivités territoriales
généralement constructives
Les collectivités territoriales contribuent
aujourd’hui
pour les
trois-quarts au financement du secteur
68
. L’intérêt qu’elles lui portent tient
d’abord
au rôle du spectacle vivant dans la vie locale,
qu’il s’agisse
d’animation culturelle, de
rayonnement
ou d’
attractivité, mais aussi
comme
point d’accroche
potentiel des politiques sociales ou de la ville.
Les équilibres État/collectivités diffèrent selon les disciplines et les
labels
, mais l’État est généralement financeur minoritaire, sauf pour les
CDCN. En outre, les différents échelons territoriaux ne privilégient pas
tous le même type de structures et de disciplines.
68
Cf. II.-B. du chapitre I du présent rapport.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
61
Tableau n° 7 :
a
ides aux labels et réseaux (en M€), 2017
Réseaux
Crédits
du MC
Crédits CT
Centres chorégraphiques nationaux
51 %
49 %
Centres de développement chorégraphiques
41 %
59 %
Centres dramatiques nationaux
53 %
47 %
Scènes nationales
30 %
70 %
Orchestres permanents
22 %
78 %
Orchestres nationaux en région
17 %
83 %
Opéras nationaux en région
24 %
76 %
Autres opéras soutenus par l'État
8 %
92 %
SMAC
19 %
81 %
SMAC en cours de labellisation
2 %
98 %
Centres nationaux des arts de la rue
38 %
62 %
Pôles nationaux cirque
32 %
68 %
Total - hors SC et CNCM*
29 %
71 %
* Les scènes conventionnées et les centres nationaux de création musicale ne sont pas concernés
par l'enquête menée par la DGCA
Source : Données collectées par une enquête menée par la DGCA, Panorama interne 2019
Le paysage des cofinancements se caractérise ainsi par une pluralité
d’intervenants et des équilibres
variables selon les territoires, les
disciplines, voire les lieux et donc une grande complexité.
S’il
existe quelques cas de conflits autour de scènes conventionnées
ou de scènes nationales, en particulier lorsque des communes ou
intercommunalités souhaitent intervenir dans la programmation, les
professionnels estiment que la coopération autour des lieux labellisés
fonctionne dans l’ensemble correctement
et de façon équilibrée.
Cette situation n’en implique pas moins la multiplication des
réunions de concertation et de coordination dans des cadres généralement
peu formalisés. Si c’est en matière d’investissement, avec les contrats de
plan État-région (CPER), que ces relations entre collectivités publiques
sont sans doute le plus structurées, elles
ne concernent qu’une
faible
proportion des financements en jeu.
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COUR DES COMPTES
62
Des agences régionales ont été créées dans certaines régions pour
structurer la coopération et l
’animation
du secteur. De même, des instances
de dialogue régional existent, en particulier les comités régionaux du
spectacle vivant (COREPS)
69
réunissant les organisations professionnelles
et les Conseils territoriaux pour la culture qui rassemblent des représentants
des collectivités locales autour des DRAC.
Dans le contexte de la crise sanitaire, le ministère de la culture a
créé, en 2021, le Conseil national des territoires pour la culture (CTC) placé
auprès de la ministre,
à qui il incombe d’
être,
entre l’
État et les associations
représentantes d’élus des collectivités territoriales
, un lieu d'échanges sur
les enjeux des politiques culturelles sur les territoires. La même année, la
délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie
culturelle (DG2TDC)
s’est vue confier
un rôle de coordination stratégique
avec les collectivités territoriales.
Cette multiplication empirique des dispositifs de coordination, aux
champs et objectifs disparates, semble ne pas constituer une réponse
suffisante à un beso
in avéré. Il paraît donc souhaitable d’avancer sur la voie
de la structuration
d’un cadre plus net de concertation entre l’
État et les
collectivités territoriales, assorti d’une définition claire des
objectifs et des
compétences qui lui seront dévolus.
B -
Une appréhension du secteur reposant
sur des données incomplètes et fragiles
L
’analyse fine
des problématiques rencontrées par le spectacle
vivant se heurte
à l’absence de données fiables.
En effet,
jusqu’à 2019, la
DGCA conduisait en moyenne une enquête
annuelle par label
70
, portant notamment sur les indicateurs
d’activité et
les
données financières des structures concernées. Ces enquêtes débouchaient
sur un document interne,
Panorama
,
réputé peu fiable. La possibilité de
mener des analyses agrégées était, de ce fait, compromise. Ce mode de
collecte est peu à peu remplacé par deux outils, Ethnos et SIBIL (Système
d’Information BILletterie)
71
, tandis que le ministère a annoncé le lancement
69
Initialement créés en 2004, d
ans le sillage de la crise des intermittents de l’été 2003
et généralement peu actifs jusqu’à la crise sanitaire.
70
Seuls les CCN et les CDCN faisaient enquête commune, tandis que les CNCM ne
faisaient pas l’objet d’enquêtes. L’enquête auprès des SMAC est
menée par la Fédération
des lieux de musiques actuelles (FEDELIMA) à l’aide d’un logiciel qui lui est propre.
71
Plateforme déployée en application de l’article 48 de la loi LCAP.
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63
d’un observatoire dédié au spectacle vivant et aux publics, sans enco
re
préciser les conditions de sa mise en œuvre.
1 -
Le logiciel Ethnos, un déploiement inabouti
Utilisé depuis le printemps 2019 pour collecter les données
d’activité
et les données financières des structures labellisées du spectacle vivant,
Ethnos a été développé comme une extension d
’un outil d’enquête
initialement destiné aux bibliothèques. Son application au spectacle vivant
ne résulte donc
pas d’une expression formalisée des besoins
assise sur des
objectifs de pilotage précis. Cette enquête Ethnos se heurte en outre à des
limites : taux de non-réponse important, erreurs de saisies, maintien
parallèle d’
une enquête propre aux SMAC.
Dès lors, faute
de pouvoir s’appuyer sur des données consolidées
par l’outil
, le ministère privilégie encore, en pratique, les documents
budgétaires transmis par les structures lors des conseils d’administration
et
qui permettent de suivre leur activité et indicateurs financiers, et ne dispose
pas
d’un tableau de bord unifié
par discipline, label ou territoire.
2 -
SIBIL : des perspectives prometteuses, une montée en charge
ralentie par la crise sanitaire
Prévu par l’article 48 de la loi LCAP, l
e nouvel outil SIBIL a
vocation à pallier une partie des problèmes de qualité des données de
fréquentation, en remplaçant la saisie manuelle par une remontée
automatisée et obligatoire des données de billetterie de toutes les structures
dotées d’une licence d’entrepreneur de spectacle vivant (plus de 15
000).
Au 3 janvier 2022, 2 529 structures de spectacle vivant avaient créé
leur compte sur SIBIL, dont, selon le ministère, la totalité des
établissements publics nationaux, labellisés ou conventionnés. La crise
sanitaire a retardé la montée en charge de son déploiement, initialement
prévu entre janvier 2018 et avril 2020, de nombreuses structures ayant
déposé des certificats de non-activité. En 2020, seules 28 % des
déclarations, issues d’environ 20
% des structures, étaient effectuées de
manière automatisée et seules les données du second semestre 2020 étaient
d’une qualité suffisante po
ur être exploitées. Ce retard traduit
d’importantes difficultés de déploiement qui devront impérativement être
surmontées à brève échéance.
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COUR DES COMPTES
64
3 -
Les problèmes de transparence et d’accès à la donnée
Au-delà de la question des outils de collecte, l
’absence d’un
référentiel unifié des structures du spectacle vivant
72
à l’échelle du
ministère
rend difficile l’accès à la donnée du secteur
. Ainsi, la
classification des structures labellisées du département des études de la
prospective et des statistiques (DEPS) du ministère ne coïncide pas
totalement avec celle utilisée dans les rapports annuels de performance
(RAP).
Plus généralement, l’absence de documentation
consignant les
différents retraitements effectués rend les analyses effectuées opaques et
compromet la co
nduite d’
analyse longitudinale ou agrégée. Par ailleurs, les
bases de données existantes sont cloisonnées en fonction de
l’organisation
du ministère, ce qui constitue un frein au développement d’une culture
commune autour de la donnée. Seuls six jeux de données relatifs au
spectacle vivant sont accessibles sur
Data.culture.gouv.fr
, la plate-forme
de données ouvertes du ministère
73
.
La réorganisation
de l’administration centrale
, au 1
er
janvier 2021,
n’a pas
réglé les difficultés relatives à la gestion des données. Les
ressources du bureau de l’observation, anciennement rattaché à la DGCA,
ont notamment été transférées au DEPS, dépendant du secrétariat général.
Par ailleurs, contrairement à Ethnos, le suivi du logiciel SIBIL est
aujourd’hui rattaché au DEPS.
Ainsi, l
’absence d’un projet
structuré de pilotage de la donnée en
cohérence avec
l’action du ministère, la faiblesse des
moyens alloués aux
besoins
d’observation du secteur
, de même que le rapport décevant entre
les résultats et l’énergie mobilisée
sur ces besoins statistiques, tant au sein
des structures
que de l’a
dministration
, témoignent d’une prise en compte
insuffisante de l’enjeu des données.
C -
Un pilotage national insuffisamment fin des
politiques sectorielles face aux dynamiques régionales
La politique publique du spectacle vivant est pilotée par les services
de la DGCA, relayés sur le territoire par les pôles création artistique et les
conseillers sectoriels des DRAC. La DGCA est chargée du soutien aux
filières artistiques et aux lieux de création,
de l’accompagnement financier
72
Structures labellisées, référentiel des équipes ou des compagnies.
73
Les données des déclarations des entrepreneurs du spectacle vivant sont désormais
accessibles, tandis que le ministère participe au programme Entrepreneurs d’intérêt
général d’Etalab visant à consolider l’Atlas Culture du ministère.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
65
des équipes indépendantes, de la structuration des professions et de
l'emploi, du développement de l'éducation artistique et culturelle et des
pratiques amateur, ainsi que de la réglementation de l'enseignement initial
et supérieur.
En 2020, sur 9 388 ETPT que comptait le ministère de la culture
(10 922 en 2017), 230 étaient spécifiquement dédiés au spectacle vivant,
dont la moitié en DRAC (235 en 2017). À ces effectifs, il faudrait ajouter
une part, difficilement quantifiabl
e, des fonctions supports, d’encadrement
et postes non exclusivement consacrés au spectacle vivant, au secrétariat
général du ministère comme en DRAC.
1 -
L’administration centrale du ministère
Le décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009 a resserré
l’administra
tion centrale du ministère autour de trois directions générales
et un secrétariat général. Depuis lors, la DGCA est constituée de quatre
délégations sectorielles (arts visuels, musique, danse, théâtre et arts
associés).
Au 1
er
janvier 2021 ont été créés une délégation politique
professionnelle et sociale et politique de l'emploi
ainsi qu’
un département
diffusion pluridisciplinaires et programmes transversaux. Après affectation
d’une partie des agents de ses services support au secrétariat général
,
l
’administration centrale de la
DGCA comptait 109 ETPT en 2021.
Malgré le renforcement de leurs composantes techniques et
budgétaires, les réorganisations successives semblent avoir fragilisé le rôle
et l’expertise des
délégations métiers du spectacle vivant. Peu étoffées, ces
délégations sont très centrées sur leur discipline propre (nominations et
dialogue de gestion) et les échanges entre elles
autour d’une vision
stratégique apparaissent limités. En outre, la taille du secteur, la densité du
réseau du spectacle vivant, le nombre de disciplines, le poids des grands
établissements publics et enfin l’influence politique et médiatique des artistes
font du poste de DGCA une fonction très exposée, où dégager et défendre
dans la durée une vision stratégique d’ensemble n’est pas chose aisée
.
Si la création récente de nouveaux organismes (CNM) peut brouiller
le rôle dévolu au ministère, la principale difficulté
de la politique de l’
État
en faveur du spectacle vivant semble toutefois
résider dans l’absence
de
stratégie clairement énoncée et formalisée permettant de hiérarchiser les
objectifs principaux et secondaires qui se sont sédimentés et multipliés au
fil des ans.
Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant - mai 2022
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COUR DES COMPTES
66
Alors que le ministère a mis en place de nombreux indicateurs
support du dialogue de gestion, force est donc de constater que ceux-ci,
non seulement s’ajoutent à ceux des collectivités, mais ne sont pas utilisés
pour produire des évaluations transversales, par disciplines ou régionales.
On peut s’interroger sur l’intérêt de développer tant d’outils s’ils ne servent
pas à étayer une vision d’ensemble et des orientations à moyen terme,
lesquelles
devraient, sans doute, constituer le cœur de l’action de
l’admi
nistration centrale.
2 -
Un rôle accru
d’animation
pour les DRAC
Chargées de décliner et d’animer, à l’échelon territo
rial, la politique
de l’État en direction du spectacle vivant, l
es DRAC ont une connaissance
fine des écosystèmes artistiques et institutionnels locaux, qui leur permet
de jouer un rôle central dans la relation avec les labels, les compagnies et
les collectivités. C
’est grâce à c
ette expertise que le ministère de la culture
est en mesure de mettre
en œuvre
sa politique
sur l’ensemble du ter
ritoire.
Relativement stables depuis 2010, les effectifs consacrés au
spectacle vivant au sein des directions régionales représentent 121 ETPT
pour l’ensemble du territoire en 2020
(et 175 ETPT en tenant compte des
effectifs d’encadrement et de fonctions
support). Bien que les effectifs
soient restés stables, plusieurs DRAC relèvent les difficultés à couvrir de
façon satisfaisante les vastes territoires issus de la réforme des régions et
le sentiment d’éloignement qui
peut en résulter pour les conseillers
sectoriels (ICCEAAC)
74
. De fait, à quelques exceptions près, les DRAC
métropolitaines comptent entre 5 et 11 ETPT
s’occupant de spectacle
vivant, soit un nombre inférieur à celui des services culturels de
nombreuses collectivités territoriales. Toutefois, les conseillers en DRAC
constituent un vivier de compétences et d’expertise reconnu. Un
encouragement à leur mobilité (primes, leviers incitatifs) serait de nature à
favoriser la circulation opportune de leurs compétences et la diffusion des
bonnes pratiques qu’elle favorise.
Sur le plan budgétaire, la déconcentration
des crédits d’intervention
vers les
DRAC ne s’est
pas accompagnée
de manœuvre supplémentaire
.
Ces crédits sont « fléchés », de façon pluriannuelle, vers les labels et le
soutien aux lieux conventionnés, et ceci dans une proportion
de l’ordre de
90 à 96 % selon les DRAC. Au-delà de cette dépense rigide, la part des
74
Les inspecteurs et conseillers de la création, des enseignements artistiques et de
l'action culturelle (ICCEAAC) forment un corps créé par décret en 2002.
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FFRE QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS DE
DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
67
crédits restant à la main des DRAC peine à respecter les planchers fixés
par les textes réglementaires
75
. Pour autant, ces aides de montant parfois
faible
constituent l’instrument essentiel du soutien à l’émergence et à la
diversité de la création. Des efforts ont également été accomplis pour
améliorer le pilotage des subventions hors labels.
La gestion des structures soutenues
fait l’objet, au niveau des DRAC,
d’un suivi articulé à des indicateurs pertinents. Mais pas plus qu’à l’échelon
central, ces données ne sont agrégées aux fins d’élaborer
des évaluations plus
transversales au niveau régional (structure des productions, ressources
financières, fréquentation, diffusion, etc.). Ces évaluations seraient pourtant
très utiles pour étayer les analyses des DRAC. De telles évaluations (portant
sur un
nombre réduit d’indicateurs
retenus en fonction de priorités énoncées)
permettraient sans doute de conforter leur
rôle d’animation et de pilotage
face à des collectivités territoriales dont les moyens
y compris en matière
d’équipes dédiées –
sont désormais très importants.
Malgré le renforcement des DRAC, l
’échelon central conserve un
poids important, les artistes considérant le recours au niveau national, voire
directement au ministre, comme une garantie de leur liberté d’action et de
création.
S’il revient à l’administration centrale
de définir les orientations
que les DRAC sont chargées de décliner, l’animation du réseau qu’elles
forment paraît relativement faible
et le partage d’information en temps réel
entre l’administration centrale et les DRAC semble limité
. La capacité des
DRAC à influer sur les décisions de la DGCA semble donc modérée malgré
leur expertise de terrain.
Simplifier les indicateurs, mieux définir les objectifs
de l’État
au
service d’une
vision stratégique, parvenir à la décliner plus explicitement
au niveau territorial en s’appuyant davantage sur le réseau des DRAC, tels
sont les principaux enjeux à relever
pour permettre à l’État
de déployer sa
politique face à la multiplication des intervenants et à leur poids croissant.
3 -
Le Centre national de la musique, une articulation
avec la DGCA à préciser
Au terme de longs travaux préparatoires, le Centre national de la
musique a été créé au 1
er
janvier 2020 et placé sous la tutelle principale de
la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et
celle, secondaire, de la direction générale de la création artistique (DGCA).
La loi lui confie
, dans son domaine d’intervention,
des missions étendues,
75
Circulaire du 15 janvier 2018.
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COUR DES COMPTES
68
notamment en matière de formation, de diversité, de création, de
développement international, d’innovation
,
d’action artistique et culturelle,
ou encore d’action territoriale. Centre de ressources et observatoire pour
l’ensemble de la filière musicale
, il est aussi compétent pour attribuer des
aides financière
s et délivrer les agréments pour les crédits d’impôts pour le
spectacle vivant et la production phonographique.
C’est donc un acteur central dans l’animation de la filière musique
entendue au sens large, englobant toutes les esthétiques, le spectacle vivant,
la musique enregistrée,
les éditeurs ou encore les facteurs d’instruments
.
Il
s’adresse aussi bien au secteur public qu’aux associations
et aux
entreprises privées
lesquelles sont puissantes, surtout dans le secteur de
la musique actuelle et de la musique enregistrée. La crise sanitaire a conduit
le ministère à lui donner un rôle de premier plan dans la distribution des
fonds de soutien au secteur de la musique.
La création
d’un
opérateur aux compétences aussi larges répond à
plusieurs préoccupations du ministère, en particulier un souci de cohérence
et d’approche globale de la filière musicale. Toutefois
,
l’étendue de son
champ d’intervention
et son positionnement comme acteur incontournable
de la politique publique de la musique bousculent nécessairement les modes
de fonctionnement et d’intervention du ministère
, en particulier de la DGCA.
Compte tenu de l’essor qu’il a pris en gérant la distribution des aides lors de
la crise sanitaire, il apparaît indispensable de préciser
l’
articulation de ses
missions avec celles que conserve le ministère,
tant au niveau central qu’au
niveau des DRAC. Le positionnement respectif de chacun de ces acteurs sur
la base
d’une stratégie et d’objectifs clairs
sont autant de points dont le
ministère i
ndique qu’ils feront l’objet de prochains chantiers
.
II -
La question des publics :
de la démocratisation à l
’act
ion artistique
et culturelle
Au service de la cohésion de la société française, l
’objectif de
démocratisation culturelle est, depuis la création du ministère,
au cœur de la
politique de la culture. Les études menées par le ministère sur l
’évolution des
pratiques culturelles montrent à la fois un élargissement relatif des publics et la
nécessité de l’
amplifier. Ce renforcement apparait particulièrement crucial dans
un contexte marqué par
l’
essor du numérique
et l’impact de
la crise sanitaire.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
69
A -
L’évolution des pratiques culturelles,
un enjeu pour le spectacle vivant
Le ministère a eu très tôt le souci de mettre en place un outil
d’analyse de
s pratiques culturelles des Français
76
, afin de suivre les
comportements et l’impact de la politique qu’il
menait. Depuis 1973,
l’
Enquête sur les pratiques culturelles des français,
basée sur un large
échantillon et une méthodologie stable, éclaire notamment la manière dont
les Français (
selon l’âge et les catégories socio
-professionnelles) ont accès
aux différentes formes du spectacle vivant.
L’édition 2020,
Cinquante ans de pratiques culturelles,
présente un
bilan contrasté.
D’une part, elle relève la
progression de la fréquentation du
spectacle vivant d’une génération à l’autre
, tout comme son augmentation
à l’âge de la retraite.
Graphique n° 4 :
f
réquentation du spectacle vivant selon l’âge
(1973-2018)
Source : DEPS, Les pratiques culturelles des Français, 2019
76
Le service d’étude du ministère des affaires culturelles s’est vu confier dès les années
60 la mission d’améliorer la connaissance des publics de la culture.
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COUR DES COMPTES
70
En 2018, 43 % des Français avaient assisté à un concert ou à un
spectacle au cours des 12 derniers mois, contre 33 % en 1973 et 39 % en
1998. L’élargissement du public correspond notamment au doublement de
la fréquentation des plus de 60 ans, passée de 17 % en 1973 à 35 % en
2018, la même dynamique se retrouvant pour les plus de 50 ans, de 31 % à
49 %. Dans un contexte de vieillissement de la population, l’accroissement
de l’offre de spectacle a ainsi coïncidé avec un développement des publics.
En revanche, les générations nées après 1985 fréquentent peu le
spectacle vivant :
jusqu’à 2008
, dans la tranche 20-
24 ans, près d’un jeune
sur deux avait fréquenté un spectacle ; 10 ans plus tard la proportion
descend à un sur trois. Cette évolution n’est pas sans po
ser question sur la
pérennité
des pratiques dans l’avenir et explique l’accent
croissant mis
depuis plusieurs années sur les actions d’éducation artistique et culturelle.
Les évolutions diffèrent selon les disciplines. Ainsi, assister à un
spectacle de théâtre ou de danse est une pratique en développement sur la
période, alors que se densifie
l’offre d’équipements labellisés sur
l’ensemble du territoire.
Entre 1973 et 2018, la part des plus de 15 ans
concernés passe de 12 à 21 % pour le théâtre et de 6 à 9 % pour la danse.
La tendance est inverse s’agissant des
concerts de musique classique, de
rock et de jazz : en 2018, 6 % sont allés à un concert de musique classique
et 11 % à un concert de rock ou de jazz, contre respectivement 9 % et 13 %
en 1997 et 1988. Pour les générations nées après 1995, la baisse de
fréquentation est très nette.
Parmi les évolutions positives qui peuvent être constatées, la
réduction des écarts entre classes d’âge et territoires est significative
:
-
dans les années 1970, la proportion des 15-24 ans ayant été au
spectacle était trois fois supérieure à celle des 60 ans et plus. En 2018,
cet écart a presque disparu, porté par la dynamique de fréquentation,
notamment des concerts de rock et de jazz et des spectacles de
variétés, tandis que les âges des publics de la danse et du théâtre
variaient peu ;
-
les pratiques culturelles se sont homogénéisées entre milieux urbains
et ruraux : en 2018, pour un habitant de milieu rural ayant assisté au
moins à un spectacle, 1,2 habitant de grande agglomération en avait
fait autant (1,8 pour Paris), ratio qui était de 2,3 (3,4) en 1973. Ce
rapprochement des pratiques se vérifie particulièrement pour le
théâtre, où le rapport est passé de 7 en 1973 à 1,5 en 2018 ;
-
si le spectacle vivant reste une pratique concernant davantage les plus
diplômés et les cadres, les écarts se sont cependant réduits pour le
théâtre et la danse ; ils restent importants pour tous les types de
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FFRE QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS DE
DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
71
concerts, tandis que pour les variétés et le cirque, la différenciation
sociale est moindre tout au long de la période. Enfin, s’agissant des
festivals,
une
récente
étude
77
confirme
les
limites
de
la
démocratisation culturelle (avec un public issu à 60 % des CSP +) et
les dynamiques locales (public régional à 74 %).
Ces constats conduisent à se demander si
le dynamisme de l’offre en
matière de spectacle vivant n’est pas le corolaire d’une «
surconsommation »
par les populations les plus proches de la culture. Ils posent, de plus, la
question de savoir si la politique culturelle est réellement en capacité
d’atteindre les objectifs de démocratisation culturelle qui sont,
légitimement,
l’une des justifications de l’argent public mobilisé en faveur du secteur
.
En out
re, la transformation des pratiques sous l’influence
notamment du numérique
78
conduit le ministère à formuler une
inquiétude : «
l’univers du tout
-numérique est un enjeu évident pour les
politiques culturelles
: il fait en effet courir le risque d’une
raréfaction
progressive des publics des lieux culturels
». Cette évolution ne manque
effectivement
pas d’interpeller, encore plus si
on la
met en regard d’
une
politique publique jusqu’ici principalement ancrée
sur le développement
des lieux et la croissanc
e continue de l’offre de spectacle
s.
B -
Une politique réaffirmée d
’élargissement des publics
L
’ambition de mettre la culture à la portée du plus grand nombre
a
été affirmée dès la création du ministère de la culture en 1959, et alors que
de nombreux artistes
s’étaient déjà engagés dans cette voie
79
. Cette notion
de « démocratisation culturelle »
s’est élargie dans les années 2000 à la
question des droits culturels qui intègre la reconnaissance des usages et
pratiques des publics dans leur diversité.
77
Étude
So Fest
auprès de 91 festivals, 2020.
78
Analyse en correspondances multiples menée sur le
s données de l’enquête pratiques
culturelles
op.cit.
et permettant de décrire une grande variété de pratiques culturelles et
aboutissant à distinguer six univers distincts de pratiques correspondant aux
configurations les plus souvent rencontrées.
79
En 1961, la direction chargée du théâtre et de la musique était la « direction du théâtre,
de la musique et de l’action culturelle
». Les années 60 et 70 ont été marquées par des
débats nourris sur « démocratie culturelle, démocratisation culturelle », la première
revendiquant de partir des pratiques et usages des citoyens alors que la seconde
procéderait plutôt d’une politique de l’offre «
descendante », telle que la concevait sans
doute André Malraux. La notion de « développement culturel », mise en avant
notam
ment par le ministre Jacques Duhamel, implique quant à elle l’extension de la
culture à tous et en particulier à ceux qui sont victimes d’inégalités.
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72
Le thème de la démocratisation ou du développement culturel
recouvre plusieurs objectifs souvent mal distingués :
-
l
’accessibilité en
matière de proximité,
de tarifs, d’accès aux
personnes handicapées ;
-
l
’élargissement des publics
, entendu à la fois comme augmentation de
la fréquentation totale et renforcement de la part
qu’y prennent l
es
publics dits « éloignés » - cette préoccupation, désormais centrale
pour les
responsables d’institutions culturelles
, étant déclinée à travers
l’action culturelle et,
en milieu scolaire,
l’éducation artistique et
culturelle (EAC).
En 2015, une évaluation de la politique de démocratisation culturelle
pilotée par l’IGAC et impliquant l’ensemble des ministères concernés
80
et
toutes les parties prenantes a été menée. Le rapport remis en mars 2017
constate
l’
augmentation
des
moyens
consacrés
aux
actions
de
démocratisation, de la fréquentation des publics prioritaires, de la
fréquentation du spectacle vivant (+ 12 % entre 2010 et 2014) et enfin de la
population d’enfants bénéficiant d’
action artistique et culturelle (+ 77 %).
L’
objectif
d’élargissement des publics est fortement investi par
les
acteurs du secteur.
N
i la présence d’équipements sur les territoires, ni les politiques
tarifaires et de fidélisation ne suffisent en elles-mêmes à susciter la pratique
culturelle si elles ne sont pas accompagnée
s d’une médiation adaptée en
direction de tous les publics
81
. Cette politique doit donc être déclinée au
plus près des publics, notamment les plus éloignés, et nécessite un
engagement et
des efforts constants d’accompagnement
. À ce titre, le Pass
Culture, destiné à accroître et diversifier les pratiques culturelles des jeunes
comporte, depuis janvier 2022, une part « collective » destinée à financer
des parcours d’EAC pour les élèves entre
la 4
ème
et la terminale.
C’est la raison pour laquelle
les ministères chargés de la culture et
de l’
éducation national
e ont inscrit au cœur de leurs missions le
double
objectif de démocratisation et d’éducation culturel
le. Les moyens
budgétaires que le ministère de la culture y consacre sont en augmentation
depuis 10 ans et la création de la délégation transmission territoires et
80
IGAC,
Évaluation de la politique publique de démocratisation culturelle,
rapport au
Premier ministre, mars 2017, 292 p., menée dans le cadre de la modernisation de
l’action publique (MAP)
.
81
Ce constat est confirmé par l’
étude qualitative réalisée par BVA sur les publics peu
ou pas usagers de l’offre
incluse dans le rapport
d’évaluation
op. cit
.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
73
démocratie culturelle en janvier 2021 participe également de cet objectif.
Pleinement approprié par les directeurs de lieux ou de compagnies et les
artistes, il fait partie des critères retenus pour les labellisations ou le
financement des structures labellisées
82
. De leur côté, de grands opérateurs
nationaux ont développé des programmes ambitieux en direction des
jeunes publics éloignés
d’esthétiques considérées comme «
élitistes »
(Philharmonie de Paris, Opéra National de Paris).
Peut-
être plus systématiquement encore qu’en matière de soutien à
la création, les dispositifs très diversifiés sont
mis en œuvre de façon
conjointe avec les collectivités territoriales :
résidences d’artistes, actions
hors les murs, ateliers participatifs, partenariats avec des associations
impliquées dans le champ social ou de la politique de la ville, adaptation
des h
oraires d’ouverture et des services proposés dans le lieu culturel.
Les
DRAC soutiennent un grand nombre de ces actions et jouent un rôle
important pour la conclusion de
contrats locaux d’éducation artistique ou
encore de contrats passés avec la protection judiciaire de la jeunesse.
L
’existence d’un «
parcours d'éducation artistique et culturelle » de
l'élève
83
et l
’objectif «
100 % EAC
» à l’école,
annoncé en 2020 par le
Gouvernement, devraient permettre à tous les enfants scolarisés
d’en
bénéficier. La mi
se en œuvre des actions correspondantes nécessitera du
temps, une vision à moyen terme et un engagement collectif et partenarial entre
les directeurs de lieux, les associations et collectivités locales et souvent, les
services de l’
éducation nationale, ce qui ne va pas toujours de soi. Au-delà de
la réalisation de
l’objectif quantitatif
, il importera
d’apprécier l’intensité des
propositions d’EAC (nombre d’heures
, par exemple), leur qualité (qui sera
aussi fonction des intervenants
84
) et enfin, leurs effets de court, moyen et long
terme sur la fréquentation des lieux culturels.
82
Le cahier des charges des CDN indique par exemple : «
elle développe une politique
d’action culturelle et d’éducation artistique selon des formes et des modalités qui
répondent à son projet artistique et aux situations particulières de chaque territoire, en
partenar
iat avec les établissements d’éducation, les établissements du champ social et
les acteurs artistiques et culturels. »
. De même,
pour les scènes conventionnées, la
mention « Art en territoire » vient reconnaître des activités artistiques et culturelles
allant à la rencontre des populations.
83
Instauré par la
loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école
de la République du 8 juillet 2013 (article 6).
84
Il faut sur ce point souligner
que tous les artistes ou les compagnies n’ont pas
la
capacité
ou le souhait de s’impliquer dans des actions de médiation culturelle
.
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74
C -
L’impact des technologies numériques
Si l
’essor des nouvelles technologies a
conduit au développement de
pratiques culturelles numériques nouvelles au sein des arts vivants, il est
néanmoins
aujourd’hui encore difficile d’apprécier
les effets du numérique
sur l’ensemble du
secteur.
La dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français
souligne la consommation croissante de contenus en ligne par les jeunes
publics et ses conséquences potentielles, à terme, sur la fréquentation des
lieux du spectacle vivant. Par ailleurs, le dernier état des lieux du
numérique conduit en 2021
85
apporte des informations complémentaires
sur la perception qu’en ont les
structures du spectacle vivant : 55 % des
structures interrogées pensent ainsi que le numérique est un axe prioritaire,
trois-quart
d’entre elles entrevoient la possibilité d’un rapport augmenté à
l’œuvre. Cette enquête confirme que les disparités
sont fortes selon les
lieux, les disciplines et les moyens.
La crise sanitaire a confirmé que cette dynamique peut être porteuse
d’opportunités, un certain nombre de lieux et d’équipes ayant proposé à
leur public des captations numériques dont les formats et les possibilités
d’usages sont très variables.
Ces développements ont ouvert une réflexion de fond sur ce que le
numérique pouvait apporter au spectacle vivant au-delà des usages déjà
largement installés dans le secteur : billetterie, connaissance du public,
communication, médiation culturelle et rencontre des publics, etc. Une
filière nouvelle de diffusion numérique des créations (
live Stream
,
captations en VOD, médias sociaux) peut-
elle permettre d’accroitre les
ressorts de médiation culturelle et artistique auprès de nouveaux publics, et
notamment des jeunes ? L’image peut
-elle conduire des publics éloignés à
une fréquentation physique du spectacle ? Une enquête conduite en
juillet 2021 auprès des utilisateurs du Pass Culture montre que 93 % des
enquêtés ayant réservé un spectacle déclarent que la pratique numérique
leur a donné envie d’aller voir des spectacles physiquement
86
.
La prise en compte de ces techniques dans les processus de production
ou de diffusion bouleverse néanmoins le rapport à la création et suscite des
questions fondamentales qui différent selon les disciplines, la musique ayant
déjà largement intégré l’apport de ces technologies nouvelles. Ces questions
85
Enquête TMN Lab avec l’appui de la DGAC,
État des lieux numérique 2021
,
549 structures répondantes,
l’ensemble des données brutes de l’enquête en open data
sur
data.gouv.fr
.
86
Enquête Pass Culture
, juillet 2021, en partenariat avec
News Tank
.
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75
représentent des enjeux pour les artistes et les lieux mais également sur le
plan éc
onomique. D’une part, le recours aux techniques de captation de
spectacles représente des coûts importants ; d’autre part, le partage de la
valeur pose question pour toutes les disciplines, celle-ci pouvant se faire au
détriment des lieux, dès lors que la mise en ligne ne génère aucune ressource
propre ; enfin les artistes ou les auteurs ne percevront, dans certains cas,
aucune rémunération additionnelle en dépit d’une diffusion large sur les
réseaux sociaux (sans compter les risques de détournement de rémunération
par des comptes frauduleux).
Il est donc essentiel que le ministère de la culture développe une
vision stratégique des enjeux du numérique dans le champ du spectacle
vivant, en intégrant les spécificités des disciplines. Le ministère devra
égalem
ent s’attacher à consolider la place du spectacle vivant sur le
Pass Culture et à promouvoir une offre de spectacles publics riche et
diversifiée
via
ce dispositif toujours en déploiement. La création d’un f
onds
de soutien exceptionnel « captations et diffusions alternatives » annoncé
par le ministère en fin d’année 2021 devrait
également accompagner le
développement de nouveaux modes de partage et de diffusion.
Dans un contexte où le spectacle vivant subit la concurrence
toujours plus vive de l’inflation
des programmes diffusés sur les écrans
numériques, la démocratisation culturelle constitue un enjeu plus que
jamais crucial et ceci d’autant plus que la culture demeure l’un des vecteurs
fondamentaux de la cohésion sociale. Conscient de ces enjeux, le monde
de la culture s’interroge plus que par le passé sur sa mission et exprime
fortement sa volonté de toucher la jeunesse et les publics éloignés. Il
importe que le ministère puisse accompagner ce mouvement et,
notamment, mieux articuler le soutien qu’il ap
porte aux artistes avec les
efforts qui doivent être accomplis en matière de démocratisation culturelle.
III -
Le difficile équilibre entre création
et diffusion
«
Aujourd’hui les spectacles tournent peu ou mal alors que
beaucoup a déjà été fait ces deux dernières décennies en termes
d’investissement public et d’aménagement du territoire
[
]
. C’est l’état
de surproduction, résultat d’une absence de régulation, qui est la cause
principale des difficultés constatées au plan de la diffusion. Le retour vers
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COUR DES COMPTES
76
une situation normale passe avant tout par une prise de conscience
générale de l’absolue nécessité de réguler cette activité
»
87
.
Le constat posé par le rapport Latarjet
en 2004, fruit d’un important
travail de concertation et de réflexion avec les professionnels du secteur,
est toujours d’actualité. Lui fait écho, en septembre 2021, ce propos du
directeur général de la création artistique
88
: «
aujourd’hui le problème ne
se situe pas qu’au niveau de la diffusion. Il est inextricablement lié entre
la diffusion et la production
».
Sujet de préoccupation de l’ensemble du secteur, les enjeux de
l’amélioration de la diffusion des spectacles sont économiques (mieux
valoriser les créations), mais aussi artistiques (les représentations
améliorent le travail des artistes et des troupes) et sociétaux (le spectacle
touche un plus large public).
Le constat général posé, il convient d’analyser les dynamiques
complexes qui conduisent à ce déséquilibre entre création et diffusion.
A -
L’insuffisance des données de fréquentation
et de diffusion
Relevant déjà en 2009 «
l’insuffisance de l’appareil statistique
d’analyse et de suivi
» du ministère de la culture, la Cour notait que «
la
dispersion de la collecte et du traitement des données ne permet pas de
disposer d’une vision globale du secteur (…) ni
a fortiori
d’évaluer les
effets des politiques publiques conduites
»
89
.
En dépit de l’absence
de bases de données fiables et exhaustives,
plusieurs
études confirment le constat d’une trop faible diffusion des
spectacles et des œuvres du spectacle vivant.
En 2004, selon le rapport
Latarjet, un spectacle était représenté en moyenne sept fois dans un centre
dramatique national et à peine trois fois dans une scène nationale. Quinze
ans plus tard, selon le rapport annuel de performances du ministère du
programme
Création
, le nombre moyen de représentations au lieu de
87
Bernard Latarjet,
Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant,
rapport au
ministre de la culture et de la communication, avril 2004.
88
Séminaire
Think Culture 2021
organisé par
News Tank Culture
le 7 septembre 2021.
89
Cour des comptes,
Les dépenses d’intervention du ministère au titre de l’action
« soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant »
,
communication à l’Assemblée nationale, septembre 2009.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
77
création par spectacle et par saison était de 3,04 en 2017 et 2,9 en 2019
90
.
A contrario
, dans les établissements publics nationaux, la moyenne serait
supérieure à cinq représentations par spectacle en 2019. Le taux des
représentations en tournée hors ville siège des structures de production et
de diffusion sur les trois dernières saisons était alors de 39 %, en baisse de
6 points par rapport à 2018
91
.
Afin
d’actualiser et d’analyser
les difficultés structurelles de diffusion des
œuvres
, la Cour a travaillé sur les données de fréquentation et de
représentation des spectacles qui sont is
sues des données d’activité
des
structures labellisées du spectacle vivant produites par
l’outil Ethnos
92
et a
procédé à un important travail de consolidation afin de fiabiliser les
données et les analyses
93
. Compte tenu des observations précédentes sur
les performances de cet outil, les résultats de ces analyses sont à considérer
avec prudence, seule la moitié des lieux labellisés ayant renseigné leurs
données d’activité en 2019.
Le tableau ci-après rapproche les données de diffusion
tirées d’Ethnos et
celles de
Panorama
94
,
enquête interne du ministère.
90
Cette diminution s’expliquerait par la réduction du nombre de représentations par
spectacle dans les scènes nationales et la part des représentations se tenant dans celles-ci,
les scènes nationales représentant plus de 50 % des représentations du sous-indicateur.
91
Selon le ministère, ce résultat masque une disparité de situations entre structures. Si
les centres dramatiques nationaux voient leur proportion de représentations en tournée
baisser de 10 points, celle des théâtres nationaux semble augmenter dans l’ensemble,
selon la méthodologie du ministère.
92
Ethnos permet d’obtenir des renseignem
ents sur les structures labellisées du spectacle
vivant (à l’exception des SMAC) mais pas d’analyser les équipes, les résidences ou les
compagnies sous le prisme de la fréquentation ou de l’activité.
93
La publication Chiffres Clés 2021 du ministère de la culture corrobore ces données.
94
Comme indiqué précédemment,
Panorama
présente également des lacunes
méthodologiques,
bien que les structures répondent presque toutes à l’enquête
.
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78
Tableau n° 8 :
données de diffusion des structures labellisées
Outil Ethnos (données 2019)
Enquête Panorama (données 2017)
Discipline
Label
Nb de
structures
Nb de
spectacles
Nb de
représentations
Nb moyen de
représentations
Nb de
structures
renseignées
Nb de
spectacles
Nb de
représentations
Nb moyen de
représentations
Danse
CDCN
13
482
994
2,1
12
450
935
2,1
Musique
Opéras
7
499
1 073
2,2
14
1 469
Musique
Orchestre
13
1 124
1 813
1,6
12
1 569
Pluridisc.
SN
63
4 259
9 821
2,3
72
4 986
13 660
2,7
Théâtre
CDN
37
1 615
5 972
3,7
37
1 282
5 433
4,2
Théâtre
CNAREP
13
686
2 226
3,2
14
1 408
2 163
1,5
Théâtre
PNC
13
707
1 679
2,4
12
492
1 156
2,3
Source : Cour à partir de données Ethnos.
Malgré
l’hétérogénéité des deux sources qu’il prend en compte
, ce
tableau fait apparaître un nombre moyen de représentations limité dans les
lieux labellisés. Ainsi, dans les CDN, chaque spectacle donne lieu à environ
quatre représentations (3,7 ou 4,2 selon la source), ce qui fait du théâtre la
discipline la mieux diffusée selon ces données. En moyenne, dans les
CDCN, un spectacle de danse est représenté à peine plus de deux fois. Pour
un spectacle de cirque, on compte en moyenne 2,4 représentations.
Globalement convergentes, ces données soulignent la difficulté à
promouvoir une certaine forme de continuité et de séries longues dans la
diffusion des œuvres au sein de ces lieux lab
ellisés. Ils marquent également
les limites du pilotage par les données issues du ministère tant que le
caractère fiable et exhaustif de ces remontées ne sera pas assuré.
Le tableau suivant restitue, quant à lui, les données de fréquentation
enregistrées en 2019, avant la crise.
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79
Tableau n° 9 :
situation de la fréquentation en 2019 selon Ethnos
95
Discipline
Labels
Fréquentation
spectacles
payants
Fréquentation
spectacles
gratuits
Fréquentation
totale
Fréquentation
moyenne par
lieu
Nombre
moyen de
spectateurs
par
représentation
Nombre de
structures
renseignées
Danse
CDCN
111 173
25 880
137 053
10 543
141,2
13
Musique
Opéras
495 037
90 446
585 483
73 185
546,5
8
Musique
Orchestre
944 486
137 741
1 082 227
77 302
594,6
14
Pluridisciplinaire
SN
2 190 757
421 148
2 611 905
41 459
264,4
63
Théâtre
CDN
1 087 311
77 828
1 165 139
31 490
189,2
37
Arts de la rue
CNAREP
43 386
541 273
584 659
44 974
287,1
13
Cirque
PNC
347 121
111 723
458 844
35 296
262,3
13
Source : Retraitement Ethnos, Cour des comptes
Ces données font ressortir une fréquentation en moyenne plus élevée
pour les spectacles de musique, puis les spectacles pluridisciplinaires et des
arts de la rue et enfin de théâtre et de danse
96
. Ainsi, le nombre moyen de
spectateurs par représentation serait supérieur à 594
à l’opéra tandis, qu’il
avoisine les 190 spectateurs pour un spectacle de CDN et 141 pour un
CDCN. La configuration des lieux, dont les jauges sont très disparates, peut
expliquer les différences importantes entre disciplines.
Malgré leurs limites, ces données étayent le constat largement
partagé par les acteurs du secteur
depuis des années d’une faible diffusion
des œuvres, d’une fréquentation imparfaitement mesurée et d’un
déséquilibre entre création et diffusion.
B -
L’économie de l’œuvr
e et son impact sur la diffusion
S’il n’existe pas de modèle unique du fait de l’extrême hétérogénéité
du secteur, quelques caractéristiques communes structurent cette économie
spécifique.
1 -
Les ressorts économiques d’une création
et d’une compagnie artistiq
ue
En France, le secteur du spectacle vivant regroupe des acteurs
publics et privés. Dans certaines disciplines (théâtre, musiques actuelles,
variétés), les acteurs privés occupent une place importante. Les deux
95
La fréquentation totale reportée ici correspond à la somme des fréquentations
associées aux spectacles payants et aux spectacles gratuits.
96
I
l n’existe pas de données robustes concernant les tournées
des labels considérés.
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COUR DES COMPTES
80
modèles diffèrent fortement, bien que les ét
apes constitutives de la vie d’un
spectacle soient identiques, le temps de conception-création étant suivi de
la phase de production-fabrication puis de la période de diffusion-
exploitation des œuvres
.
Le modèle économique du spectacle vivant privé
Le spectacle vivant privé, et notamment le théâtre privé
97
, fonctionne
sur un modèle répondant aux règles de l’économie d’entreprise
: c’est le
nombre de représentations, et donc la diffusion, qui détermine la viabilité
d’un spectacle. Celui
-
ci n’est
« mis en production » que lorsque sa diffusion
et donc son équilibre économique sont assurés. Ceci passe notamment, pour
les théâtres parisiens, par l’organisation des tournées qui sont indispensables
à la réussite du projet. La question de la diffusion est donc centrale pour le
théâtre privé
: il est usuel d’exploiter un spectacle sur des séries de 60, 90
voire 120 dates.
Compte tenu de ces impératifs et pour réduire le risque, les théâtres
privés (notamment pour les salles de grande jauge) ont tendance à travailler
plutôt avec des créateurs et des acteurs ayant déjà une forte notoriété, tout
en s’adossant à un réseau de diffusion bien établi dans les
territoires,
notamment dans les théâtres de ville. Les productions sont généralement
moins coûteuses que dans le public, compte tenu de la nécessité
d’amortir
la production par les recettes commerciales, avec notamment des plateaux
plus réduits et une économie de mise en scène. Enfin,
le succès de l’œuvre
est recherché également par une politique active de commercialisation et de
marketing (y compris avec des outils numériques de connaissance et de
ciblage des publics).
Les mécanismes de soutien déployés par l’ASTP et financés par la
taxe sur la billetterie visent à encourager les exploitations en longue durée,
à mutualiser les risques, à soutenir les créations et l’emploi.
Compte tenu de la spécificité des missions dévolues aux structures
bénéficiant de financements publics, le modèle général auquel obéit
l’économie du spectacle vivant public est sensiblement
différent.
97
Le théâtre privé vend chaque année de l’ordre de 800
000 billets.
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UNE POLITIQUE DE L’O
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
81
Schéma n° 2 :
l
’économie du spectacle vivant –
secteur public
Source : DGCA
Dans
l’
économie du spectacle vivant subventionné, la notion de
« marge artistique » est en effet essentielle pour comprendre la marge de
manœuvre dont dispose un théâtre public.
Cette marge se définit comme solde résultant du total des
subventions
de
fonctionnement,
déduction
faite
des
charges
de
fonctionnement général et de la masse salariale permanente des personnels
techniques et administratifs
(ce qu’on appelle le «
théâtre en ordre de
marche »)
. Elle représente le déficit que peut s’autoriser un
e structure sur
son budget d’activités artistiques et culturelles (dépenses d’activité –
recettes d’activité), parce qu
e le déficit est couvert par des subventions.
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COUR DES COMPTES
82
Parce qu’elle perme
t dans une certaine mesure de desserrer la
contrainte financière, la marge artistique permet à une structure
subventionnée de remplir ses missions de service public :
-
accueillir des artistes émergents ou de produire des créations
ambitieuses (nombre import
ant d’artistes sur le plateau, scénographie
complexe, etc.) ou « risquées » ;
-
pratiquer des tarifs modérés ;
-
proposer un programme d’actions culturelles (ateliers,
action
artistique et culturelle, rencontre avec le public), y compris en dehors
du temps du spectacle.
Bien entendu, les notions de théâtre en ordre de marche (TOM) et
de marge artistique varient selon le profil des structures, les disciplines et
les conventions collectives dont elles relèvent. Elles sont également
fonction des engagements et des obligations de service public découlant de
leurs cahiers des charges
l
es missions d’accueil d
e publics éloignés et
d’
action culturelle justifiant, par exemple, la prise en compte de charges
supplémentaires dans le calcul des besoins de financements publics.
S’il effectue un suivi des TOM
à partir des documents budgétaires
de chaque structure,
le ministère ne dispose cependant pas d’outils
d’analyse lui permettant
de consolider ces données et de procéder à des
analyses comparatives et suivies dans le temps, qui lui permettraient
d’objectiver et
de définir de façon plus fine le niveau adéquat des
subventions publiques qui leur sont allouées.
Les deux univers du spectacle vivant privé et subventionné restent
en
core assez étrangers l’un à l’autre compte tenu de la structure de leurs
coûts et de la rigidité des cadres de diffusion. Même si, par exemple, des
compagnies subventionnées collaborent avec des théâtres privés, les
œuvres créées dans le théâtre public
sont peu représentées dans le réseau
privé qui apparaît comme un réservoir de diffusion insuffisamment
exploité.
Inversement,
si
elles
figurent
fréquemment
dans
la
programmation
des
théâtres
municipaux
(subventionnés
par
les
collectivités locales), des pièces produites par des structures privées ne sont
presque jamais reprises par des lieux labellisés dont la programmation est
préparée de longue date et privilégie des créations « du secteur public ».
Les enjeux de décloisonnements restent donc réels : des spectacles
montés dans le public pourraient trouver, à certaines conditions, des relais
de diffusion dans le privé. Il y a là des passerelles à développer alors que
les conditions de diffusion évoluent et que l
’offre n’
a jamais été aussi
abondante.
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DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
83
2 -
La diffusion, point faible de la politique publique
Les textes précisent les obligations des labels en matière de création
et de diffusion.
Ainsi la loi LCAP de 2016 prévoit que les CDN doivent, pour le
premier mandat de quatre ans, produire huit spectacles nouveaux, puis six
pour les mandats suivants. En matière de diffusion, les CDN doivent aussi
proposer au moins 10 représentations par spectacle dans leur ville
d’implantation.
Les règles d’attribution des aides aux
équipes prévoient de leur côté
un nombre minimal de représentations
fixées jusqu’à présent par un arrêté
du 22 décembre 2015. Revues dans le cadre de la réforme des aides
déconcentrées de 2021, elles sont désormais définies et précisées par un
arrêté du 16 décembre 2021. Ces modifications tendent notamment à
renforcer les conditions de recevabilité des demandes d’aide du point de
vue du nombre de représentations et à la diffusion interrégionale.
Ces dispositions
n’ont
pas
permis d’
évolutions significatives
permettant de remettre en cause le constat de faible diffusion des spectacles
subventionnés, posé il y a près de 20 ans. Les raisons sont anciennes et
pour certaines structurelles
. L’enquête
en identifie trois principales
:
-
la première réside dans
l’abondance de l’offre
de spectacles, corollaire
de la grande vitalité du secteur, de l’élargissement de son périmètre et
du nombre croissant de compagnies dans toutes les disciplines. Les
professionnels relèvent, en outre, une plus grande réticence des artistes
à s’engager pou
r des durées longues et le développement
d’engagements pluriels
;
-
la seconde
tient sans doute à la divergence d’intérêts que poursuivent
d’un côté
les compagnies et
, de l’autre,
les lieux de diffusion : tandis
que les premières ne manquent pas de souhaiter voir leurs créations
correctement diffusées, les lieux sont généralement soucieux de
proposer une programmation riche et variée, donc beaucoup de
spectacles différents, mais pour peu de représentations. Certains
évoquent
aussi
la
« préférence
pour
la
nouveauté »
qui
n’encouragerait pas à reprogrammer des spectacles,
quel que soit leur
succès passé ;
-
la troisième cause serait inhérente à des indicateurs de performance et
à un système d
aides conduisant à privilégier la création au détriment
de la diffusion. Les indicateurs de fréquentation fixés par les cahiers
des charges favorisent en effet les taux de remplissage des salles plutôt
que l
’importance de la
diffusion, ce qui incite certains lieux à
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COUR DES COMPTES
84
privilégier des séries courtes. Par ailleurs, les subventions
de l’État et
des collectivités territoriales étant souvent liées à un projet de création,
le dispositif pousse à la multiplication de petits projets qui permettent
de faire vivre leurs auteurs mais qui, de ce fait, ne sont pas toujours
promis à connaître une diffusion importante.
Par ailleurs, la tendance à la baisse sur 20 ans des montants investis
dans les coproductions contribue également à la faiblesse de la diffusion,
comme le démontre une étude de l’ONDA
98
sur les pratiques de production
et diffusion de compagnies du spectacle vivant.
Étude des pratiques de production et diffusion de compagnies
par l’Office national de diffusion artistique (ONDA)
Réalisée auprès de 29 compagnies subventionnées en octobre 2014,
cette étude montre en particulier que la coproduction est un levier essentiel
de la fabrication des spectacles. Les lieux apportent en moyenne 64 % du
financement, complétés par des cofinancements de plus en plus fragmentés,
dont la moitié ne représentent pas plus de 8
% de l’apport total en numé
raire
d’une production. Pour produire un spectacle, les compagnies doivent donc
mobiliser plus de coproducteurs
pour la moitié des spectacles étudiés, il a
fallu en réunir plus de six et assumer la gestion des tâches liées à cette
activité (dépôt des dossiers, suivi, coordination entre les coproducteurs,
etc.).
L’étude constate
enfin que les trois quarts des spectacles du panel
n’excèdent
pas
trois
représentations.
Le
bénéfice
des
séries
de
représentations est pourtant reconnu par tous les professionnels tant sur les
plans artistiques et de la rencontre avec les publics qu’en
matière de
rationalisation financière, mais l’articulation avec les lieux de diffusion ne
le permet pas.
La croissance de l’offre de spectacle conduit ainsi à une
multiplication des co-productions pour des montants unitaires plus faibles
que par le passé, dans certains cas au détriment de la qualité et de l’ambition
des projets et, dans tous les cas, en exigeant un travail accru des équipes
pour monter des spectacles. Cette étude confi
rme qu’il n’y a pas de
spectacles mal diffusés, mais des spectacles mal produits ou coproduits et
qui peinent ensuite à trouver leur débouché.
98
Association soutenue par le ministèr
e de la culture, l’ONDA a pour mission de
contribuer à augmenter la durée d’exploitation de spectacles de création contemporaine
dont l’exigence artistique est reconnue, afin de leur permettre de toucher un plus large
public. En 2020, l’ONDA a soutenu la d
iffusion de 918 spectacles de 726 équipes
artistiques pour 4 202 représentations et un montant de 2,8
M€.
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UNE POLITIQUE DE L’O
FFRE QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS DE
DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
85
Ce constat
déjà ancien mériterait d’être actualisé
. Il est néanmoins
partagé
aujourd’hui par le ministère.
Sa résorption nécessiterait
probablement un arbitrage plus net entre création et diffusion. Cela pourrait
supposer de renoncer à soutenir certaines nouvelles créations, à rebours de
la demande paradoxale des artistes qui voudraient pouvoir créer davantage
tout en déplorant les faiblesses de la diffusion. À rebours également de
l’appétence
supposée du public pour la diversité des propositions, qui
induit la programmation de séries courtes par les lieux
99
.
3 -
D
es pistes d’amélioration
Prenant conscience des effe
ts dommageables de l’articulation
déficiente entre création et diffusion, certaines collectivités territoriales ont
pris des initiatives pour améliorer la diffusion des spectacles ou les
tournées de compagnies au financement desquels elles participent.
Plusieurs régions ont créé, en lien avec les DRAC, des agences qui
jouent un rôle de conseil auprès des compagnies et peuvent soutenir
financièrement la diffusion, inter et intra régionale
. C’est le cas de la
Bretagne, du Grand Est, du Centre-Val de Loire, de la Nouvelle-Aquitaine.
La région PACA met actuellement en place un réseau du même type.
Le développement des bureaux de production
qui proposent aux
compagnies des compétences externalisées et mutualisées en matière
administrative et de diffusion
est une autre piste. Ces bureaux sont déjà
très présents dans certaines disciplines, comme les musiques actuelles. Ils
apportent un savoir-faire et un réseau qui manquent généralement à des
compagnies jeunes ou de petite taille. Les groupements d’employeurs
sont
une autre forme de mutualisation de compétences et d’emplois pour des
petites structures.
Au cœur de la production
, les réseaux informels entre les lieux, fondés
sur des relations personnelles entre directeurs, permettent d’organiser de
manière plus structurelle des co-
productions. À titre d’exemple, l’Opéra de
Rennes et Angers-Nantes Opéra sont associés depuis la saison 2018/2019
pour porter ensemble et coproduire quatre projets par saisons ensuite diffusés
dans les deux maisons. De même, la Co[opéra]tive regroupe six lieux,
labellisés ou non, situés à Quimper, Dunkerque, Besançon, Compiègne,
Rennes et Tourcoing, dans un collectif de production, qui permet de sécuriser
la diffusion grâce à un partage de programmation.
99
Hormis dans les grandes métropoles, le public potentiel ne permettrait pas forcément
d’allonger beaucoup les séries, sauf pour des œuvres de répertoire ou des artistes très
reconnus.
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COUR DES COMPTES
86
La création récente de contrats de filières
signés à l’échelon
régional dans certaines disciplines (la musique, notamment) constitue une
piste complémentaire pour répondre à des besoins non couverts et
expérimenter de nouvelles approches.
En tout état de cause et malgré les conclusions du rapport Latarjet il
y a près de 20 ans
, le ministère ne s’est
pour sa part pas vraiment emparé
de cette question jusqu’à présent
,
alors même qu’elle concerne en premier
lieu le public et les contribuables. D
e fait, il n’a guère dév
eloppé d
outils
ni produit
d’études permettant de nourrir sa réflexion
et d’élaborer
des
pistes d’actions
pour progresser sur le sujet de la diffusion et de son
articulation avec la création.
C
ompte tenu de l’importance du cadre réglementaire pour les lie
ux
et compagnies liés d’une manière ou d’une autre à des financements de
l’État, améliorer la diffusion impliquera une réflexion en profondeur sur le
cadre lui-même : indicateurs de jauge, durée de la saison, objectifs du
c
ontrat d’objectifs et de moyens
(COM), évaluations de fin de mandat, etc.
Le ministère considère
aujourd’hui
que
l’amélioration
des
conditions de production des spectacles est un axe de travail prioritaire.
Pour cette raison, il a engagé un état des lieux des forces de production, en
lien avec les DRAC et les partenaires
de l’écosystème. En effet
, compte
tenu de la multiplicité des acteurs concernés (État, collectivités, lieux
labellisés et non labellisés, compagnies, etc.), seule une approche globale
permettra d’atteindre les inflexions s
ouhaitées et dont il importe désormais
qu’elle
s soient explicitées.
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UNE POLITIQUE DE L’O
FFRE QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS DE
DÉMOCRATISATION ET DE DIFFUSION
87
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Au cours des années récentes, le ministère de la culture a consolidé
les outils de pilotage des labels et significativement amélioré les règles en
matière de nomination des directeurs de ces structures. Les relations avec
les collectivités territoriales
apparaissent également, dans l’ensemble,
constructives
dans le cadre d’une gouvernance renouvelée des lieux
s’appuyant sur des cahiers des missions et des cha
rges régulièrement
évaluées.
En revanche, des progrès doivent être réalisés en matière de
collecte et d’exploitation des données relatives à l’activité, aux moyens et
aux résultats des structures. Les importantes lacunes constatées en
l’espèce ont pour effet de priver l’action publique d’éléments
indispensables d’éclairage,
comme le soulignait déjà la Cour dans un
précédent rapport en 2009.
Le déploiement de l’outil SIBIL
, qui permet de
disposer des données de billetterie de toutes les structures du spectacle
vivant, apportera,
lorsqu’il sera effectif,
des données fiables sur un très
large périmètre.
Le rôle crucial
des DRAC dans l’animation de la politique du
spectacle vivant au niveau régional devrait également être mieux valorisé
par l’échelon central du
ministère. Alors que les collectivités jouent
désormais un rôle majeur, le
réseau territorial de l’
État gagnerait en effet
à être davantage mobilisé au service d’une vision stratégique réaffirmée.
L’objectif de démocratisation culturelle et d’élargisse
ment des
publics a été au cœur de la politique du spectacle vivant depuis plus de
60 ans. Malgré des efforts soutenus et des financements accrus, les
résultats apparaissent en demi-teinte. Confrontée de manière croissante
aux fractures de la société et à une évolution des pratiques défavorable au
spectacle vivant
, cette politique d’inclusion à et par la culture suppose des
articulations renforcées
avec d’autres politiques publiques
,
et notamment
l’éducation nationale.
La faible diffusion des spectacles, la difficulté à produire des séries
ou à augmenter le nombre de représentations, constituent le point faible de
la politique publique de soutien développée depuis 50 ans. Ce constat,
documenté par les chiffres du ministère de la culture et par les analyses de
données réalisées par la Cour, était déjà celui du rapport Latarjet, en
2004
. Pour autant, rien n’a véritablement été fait depuis
lors pour
remédier à cette situation préoccupante, tant sur le plan artistique que sur
le plan économique. Le ministère semble
,
néanmoins
,
avoir désormais
conscience de la nécessité de s’atteler à ce chantier
, dans un contexte
sanitaire et économique qui a renforcé l’acuité des interrogations et
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COUR DES COMPTES
88
l’urgence d’y répondre, et qui semble avoir accéléré certaines évolutions
(développement des usages numériques, baisses de fréquentation), sans
qu’il soit encore possible de statuer sur le caractère conjoncturel ou
définitif des modifications observées.
À
l’issue de ces constats, la Cour est amenée à formuler
cinq
recommandations :
1.
définir les grandes orientations de la politique de l'État en faveur du
spectacle vivant (Ministère de la culture) ;
2.
établir des objectifs de diffusion plus ambitieux en associant
l'ensemble des parties prenantes (État, collectivités, organisations
professionnelles du secteur) (Ministère de la culture) ;
3.
associer
l’objectif de renforcement d
e la diffusion des spectacles à
celui du renouvellement des publics et de démocratisation (Ministère
de la culture) ;
4.
doter la direction générale de la création artistique (DGCA) des outils
et de l'organisation lui permettant de disposer au plus vite de données
fiables et complètes pour piloter la politique en faveur du spectacle
vivant (Ministère de la culture) ;
5.
a
ssocier plus étroitement les DRAC à l’élaboration des orie
ntations
de la politique du spectacle vivant (Ministère de la culture).
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Liste des abréviations
AFA
...............
Ateliers de fabrique artistique
ADSV
...........
Aides déconcentrées au spectacle vivant
ASTP
............
Association pour le soutien du théâtre privé
CCN
..............
Centre chorégraphique national
CDCN
...........
Centre de développement chorégraphique
CDDU
............
Contrat à durée déterminée d'usage
CDN
.............
Centre dramatique national
CERNI
..........
Compagnies
et
ensembles
à
rayonnement
national
et international
CNAREP
......
Centre national des arts de la rue et de l’espace public
CNCM
..........
Centre national de création musicale
CNM
..............
Centre national de la musique (succédant au Centre national
de la chanson, des variétés et du jazz)
COM
.............
Contrat d’objectifs et de moyens
COREPS
........
Commission régionale des professions du spectacle
COREPS
.......
Comités régionaux du spectacle vivant
CTC
..............
Conseil national des territoires pour la culture
DEPS
............
Département des études de la prospective et des statistiques
DG2TDC
......
Délégation générale à la transmission, aux territoires
et à la démocratie
DGCA
............
Direction générale de la création artistique
DGFiP
............
Direction générale des finances publiques
DGMIC
..........
Direction générale des médias et des industries culturelles
DRAC
............
Direction régionale des affaires culturelles
EAC
..............
Éducation artistique et culturelle
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COUR DES COMPTES
90
FONPEPS
......
Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle
GUSO
............
Guichet unique du spectacle occasionnel
ICCEAAC
....
Inspecteurs et conseillers de la création, des enseignements
artistiques et de l'action culturelle
IFCIC
.............
Institut pour le financement du cinéma et des industries
culturelles
LCAP
.............
Loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création,
à l’architectu
re et au patrimoine
OGC
.............
Organismes de gestion collective des droits d’auteur
et des droits voisins
ONDA
..........
Office national de diffusion artistique
PNC
..............
Pôle national du cirque
SACD
............
Société des auteurs et compositeurs dramatiques
SACEM
.........
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
SCSP
..............
Subventions pour charges de service public
SIBIL
.............
Système d’Information BILletterie
SMAC
............
Scènes de musiques actuelles
SMAC
...........
Scène de musiques actuelles
SN
.................
Scène nationale
SPEDIDAM... Société de perception et de distribution des droits
des artistes-interprètes
SYNDEAC
....
Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles
TOM
.............
Théâtre en ordre de marche
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Annexes
Annexe n° 1 : présentation par discipline
......................................................
92
Annexe n° 2 : méthodologie et utilisation des données
.................................
95
Annexe n° 3 : comparaisons internationales
: l’Allemagne, l’Italie et le
Royaume-Uni
...............................................................................................
101
Annexe n° 4
: l’intermittence
.......................................................................
105
Annexe n° 5 : part des directrices des lieux labellisés du spectacle
vivant
...........................................................................................................
110
Annexe n°6 : les aides aux équipes artistiques en 2019
...............................
111
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COUR DES COMPTES
92
Annexe n° 1 :
présentation par discipline
Théâtre
Pour le théâtre, le primat accordé à la création s’est progressivement
affirmé à travers la promotion des troupes indépendantes, la pluralité des
aides et un soutien fort aux lieux de création et de diffusion à travers le
réseau des CDN à fort rayonnement et
placés sous la direction d’un artiste
,
à l’image du TNP de Villeurbanne ou du Théâtre de la Criée à Marseille.
Avant 2020, plus d’un million de spectateurs fréquentaient les CDN en
moyenne chaque année.
De même, le soutien accordé aux institutions parisiennes que sont la
Comédie-
Française, le théâtre de l’Odéon, le théâtre national de la Colline,
est demeuré fort et structurant ces dernières années. Les théâtres nationaux
(hors
Chaillot)
accueillent
chaque
année
entre
550 000
et
650 000 spectateurs en moyenne.
En 2020, on compte 38 CDN.
Cirque et arts de la rue
Le mouvement des arts de la rue s’est développé au cours des années
1970, dans les à-côtés du théâtre en crise. Il se caractérise par
l’interpellation dans l’espace public, le déploiement libre dans l’espace
public et la gratuité. Les collectifs « hors les murs » se sont multipliés, ainsi
que les nouvelles formes d’écriture, portées par des initiatives individuelles
entre création urbaine et développement culturel. Plusieurs lieux de
création et de fabrique sont labellisés par le ministère de la culture,
constituant à présent les centres nationaux des arts de la rue et de l'espace
public (CNAREP).
Quant au cirque, la première intervention de l’État, en mai 1979,
visait à soutenir un secteur économique en crise, initialement commercial
et sous la régulation du m
inistère de l’agriculture du fait de la présence
d’animaux. Le Centre national des arts du cirque (CNAC)
a été créé à
Chalons en Champagne en 1985, parallèlement au développement du
« nouveau cirque » initié dans les années 1980 (le Cirque Baroque,
Archaos, Le Cirque Plume, etc.).
En 2020, la France compte 12 centres nationaux des arts de la rue et
18 pôles nationaux des arts du cirque.
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ANNEXES
93
Danse
L’institutionnalisation de la danse
a été tardive en France, une
division de la danse étant créée en 1982, une délégation en 1987 au sein du
ministère. Les compagnies de danse contemporaine se sont multipliées à la
suite du plan national pour la danse, déployé en 1982. Sur le modèle des
CDN, le ministère a institué les centres chorégraphiques nationaux (CCN)
en 1984, puis les centres de développement chorégraphique (CDC). Le
soutien à la formation, aux lieux et aux compagnies chorégraphies
s’affirme, tandis que la diffusion progresse constamment e
ntre 2011 et
2017, servie notamment par le succès de collectifs à fort succès
international,
à l’image du ballet d’
Angelin Preljocaj
d’Aix
-en-Provence
ou du ballet Malandin à Biarritz
. L’
État maintient en outre un soutien
marqué aux lieux de diffusion parisiens
, à travers le Ballet de l’Opéra de
Paris, notamment, et le Centre national de la danse, installé à Pantin depuis
2004.
600 000 personnes ont vu des spectacles de danse présentés en CDN
en 2017, 300
000 par l’Opéra de Paris, 130
000 au Théâtre national de
Chaillot
100
désormais essentiellement dévolu aux arts de la danse.
En 2020, la France compte 2 labels de danse : 19 centres
chorégraphiques nationaux (CCN) investis d’une mission principale de
création et de production de spectacles, ainsi que 13 centres de
développement chorégraphique (CDCN). Seuls 5 CCN sont constitués en
ballets et disposent
d’artistes
permanents en 2017.
La musique vivante
Au fil du temps, le dynamisme du secteur musical est resté fort, varié
et pluriel. Initié par Marcel Landowski avec son
Plan de dix ans pour
l’organisation des structures musicales françaises
, le secteur musical du
spectacle vivant a développé de nombreux lieux de diffusion (orchestres,
théâtres lyriques) et de formation (écoles de musique, conservatoires) à
travers le territoire national. La place des institutions nationales reste
prépondérante au sein du secteur avec les soutiens importants accordés à
l’Opéra de Paris, au Conservatoire national supérieur de musique et de
danse de Paris ainsi qu’à la Cit
é de la musique
Philharmonie de Paris.
Les lancements successifs de la fête de la musique en 1982, du programme
Zénith (17 salles de capacité d’accueil supérieure à 6
000 places sont
construites entre 1983 et 2008), le soutien accru aux festivals, la création
du fonds de soutien à la Chanson, aux variétés et au jazz en 1984 et la
100
Alain Lombard,
Le Ministère de la Culture
, préface Roselyne Bachelot-Narquin,
P.U.F, 2020, p. 74.
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COUR DES COMPTES
94
reconnaissance des musiques actuelles
via
le déploiement des scènes de
musiques actuelles (SMAC, héritières des café-musiques) au début des
années 2002 ont permis
d’étendre le soutien aux musiques contemporaines
et de variétés. Le Centre national de la musique institué en 2020 réunit le
CNV, le Fonds pour la création musicale, le Centre d’information et de
ressources pour les musiques actuelles et le Bureau export de la musique.
En 2020, la France compte quatre labels de musique réunissant les
orchestres permanents, les maisons d’opéras, les centres nationaux de
création musicale et les scènes de musiques actuelles.
Lieux pluridisciplinaires
Enfin, le maillage français se caractérise par son réseau de scènes
nationales
101
(depuis 1992) et de scènes conventionnées
102
(depuis 1998),
soutenues par des contrats de financement le plus souvent partagé entre
l’État et les collectivités locales. L
es scènes nationales sont les héritières
des maisons de la Culture et des centres d’action culturelle
, tandis que le
label des scènes conventionnées regroupe les théâtres missionnés, les
plateaux pour la danse et les contrats « musiques nouvelles » et sont
particulièrement engagés dans le développement des publics. Ces lieux de
programmation et de diffusion soutiennent très largement toutes les
disciplines esthétiques, contemporaines le plus souvent. Les aides
accordées par l’
État
aux scènes conventionnées s’effectuent sur des projets
ponctuels et visent essentiellement à poursuivre l’aménagement culturel du
territoire. Le soutien ne dépasse généralement pas 10 % du budget global
pour les scènes conventionnées.
En 2020, le label des scènes nationales comporte 76 structures, en
grande majorité dans des villes moyennes de 50 à 200 000 habitants ; celui
des scènes conventionnées d’intérêt national (SCIN) compte plus de
135 structures. 272 structures dédiées à la diffusion mais ne faisant pas
l’objet d’une labellisation complètent ce rése
au.
101
Arrêté du 5 mai 2017 fixant le cahier des missions et des charges relatif au label
« Scène nationale ».
102
Arrêté du 5 mai 2017 fixant les conditions d’attribution et le cahier des missions et
des charges de l’appellation « Scène conventionnée d’intérêt national »
.
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ANNEXES
95
Annexe n° 2 :
méthodologie et utilisation
des données
Plusieurs sources de données ont été mobilisées pour nourrir les
différents volets de l’enquête.
Chorus
: les données budgétaires de l’État
Chorus est un progiciel de gestion intégrée (PGI) basé sur SAP et
interfacé avec les applications ministérielles qui retrace la comptabilité de
l’État. Pour l’enquête, une extraction de données budgétaires a été
effectuée afin
d’analyser les dépenses opérées par l’État dans le domaine
du Spectacle vivant. Dans un premier temps, les dépenses versées au titre
du programme 131 -
Création
de la mission
Culture
, et en particulier celles
relevant de l’action n°1 (
Soutien à la création, à la production et à la
diffusion du spectacle vivant
), ont été ciblées. Les données disponibles
couvrent la période 2011-
2020, permettant notamment d’apprécier
l’évolution des données budgétaires avant et après la mise en place de la
loi LCAP du 7 juillet 2016. Différents retraitements à partir des données
brutes de Chorus ont été effectués, comme par exemple la déduction des
titres de dépense à partir du champ « compte budgétaire », ou de la nature
concentrée/déconcentrée des crédits à partir du champ « centre financier ».
L’évolution du montant total alloué au titre de l’action n°1 du
programme 131 a ainsi été étudiée sur la période et des analyses exploratoires
de la répartition et de l’évolution par titre de dépense, selon le type de crédit
(central ou déconcentré), et par sous-a
ction de l’action n°1 du programme
131, ont été menées. Lorsque cela était possible, ces données ont été
comparées à celles exposées dans les rapports annuels de performance
(RAP). La disponibilité d’une documentation suffisante concernant les
traitements effectués permettrait de faciliter le travail de réplication des
analyses effectuées dans les RAP, le manque d’informations sur certaines
étapes ayant constitué une difficulté pour cet exercice.
En complément, afin d’apprécier les moyens alloués à l’action
culturelle et à l’éducation artistique et culturelle, les structures
du spectacle
vivant,
bénéficiaires de l’action n°1 du programme 131
et bénéficiant
également de financements relevant de l’action n°2 du programme 224
ont
été ciblées (intitulée
Soutien
à la démocratisation et à l’éducation
artistique et culturelle
). Leur évolution en nombre et l’évolution des
montants qui leur ont été versés au titre de l’action n°2 du programme 224
a ainsi été étudiée. Si cette approche vise à apprécier les moyens investis
dans l’action culturelle et l’EAC, l’action n°2 du programme 224 ne peut
toutefois être résumée aux moyens qui lui sont alloués (cette action
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COUR DES COMPTES
96
couvrant une pluralité de dispositifs)
, ce qui nécessite ainsi d’interpréter les
résultats avec prudence.
Données DGFiP : les données budgétaires des collectivités
territoriales
Afin de caractériser et d’apprécier l’évolution des dépenses des
collectivités territoriales dans le domaine du spectacle vivant, les dépenses
des collectivités territoriales ont été extraites pour les communes de plus
de 3 500 habitants, les EPCI, les départements et les régions. Les données
utilisées permettent de couvrir la période 2014-2019. Ces données
reportent
les
montants
des
dépenses
d’investissement
et
de
fonctionnement, dont les subventions, pour chaque niveau de collectivité.
Ces sources provenant de la DGFiP, qui sont des données estimées issues
des comptes de gestion des collectivités, permettent d’assurer une fiabilité
des données renseignées
103
. L’étendue des axes d’analyse p
ossibles est
toutefois limitée par les instructions budgétaires et comptables associées
aux différents types de collectivités. Pour l’ensemble des collectivités, il
n’est pas possible d’identifier de manière directe les montants alloués au
strict périmètre du s
pectacle vivant. Il est toutefois possible d’approcher ce
montant pour les communes et les EPCI en effectuant un encadrement sur
la base d’un périmètre «
large
» et d’un périmètre «
restreint », compte-
tenu de la nomenclature associée à ces collectivités
104
. Les différences de
nomenclatures ne permettent pas d’emprunter une telle approche pour les
départements et les régions
en l’absence des
données retranscrivant
précisément les dépenses opérées par les régions et les départements dans
le domaine du spectacle vivant
105
.
À partir de ces données, l’appréhension de l’évolution des dépenses
de fonctionnement des collectivités dans le domaine du spectacle vivant a
été effectuée en utilisant un encadrement basé sur les deux périmètres
définis. Des analyses ont
ensuite été menées pour apprécier l’évolution des
dépenses de fonctionnement des communes et EPCI au global et, selon les
rubriques, pour appréhender l’évolution des dépenses de fonctionnement
103
Avant 2014, les dépenses culturelles des collectivités étaient remontées tous les quatre
ans sur la base d’une enquête complétant la saisie de leurs comptes administratifs.
104
Le périmètre restreint pour apprécier le Spectacle vivant contient les données
budgétaires associées aux rubriques « Expression musicale, lyrique et chorégraphique »
et « Théâtres » pour les EPCI et les communes. Le Périmètre large intègre également
des rubriques comprenant, mais pas exclusivement, des éléments relatifs au Spectacle
vivant : « Expression artistique », « Autres salles de spectacles (dont cinémas) », et
« Action culturelle ».
105
Pour ces deux types de collectivités, la rubrique retenue est « Activités culturelles et
artistiques ».
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ANNEXES
97
et effectuer des comparaisons entre échelons de collectivités, pour étudier
la répartition entre dépenses de fonctionnement et d’investissement pour
les communes et EPCI, ou encore le montant moyen dépensé au titre des
dépenses de fonctionnement par les communes et EPCI sur la période
2014-2019.
Ethnos : les données d
e fréquentation et d’activité des structures
labellisées
L’outil Ethnos, mis en place en 2019 sur les données de l’exercice
2018 pour le Spectacle vivant, a été utilisé comme source de données pour
apprécier la fréquentation et l’activité des structures pa
r type de label. La
faible profondeur historique disponible et le faible taux de réponse pour
certains labels pour l’exercice 2018 ont amené à écarter la possibilité
d’effectuer des analyses longitudinales. Les données de l’exercice 2019, qui
sont les dernières disponibles et qui présentent, par ailleurs, un meilleur taux
de réponse, sont ainsi retenues pour l’analyse. Aussi, les données renseignées
dans Ethnos permettent seulement de couvrir les structures labellisées
106
.
Elles ne couvrent pas les SMAC, qui continuent à disposer de leur propre
enquête. Le traitement des données a été rendu difficile par la documentation
très partielle concernant les variables présentes dans les données de
l’enquête
107
. Plusieurs noms de variables présentent ainsi des libellés
similaires, mais leurs valeurs diffèrent pour une même structure
108
. De telles
différences non-
expliquées, faute d’une documentation suffisamment
fournie des variables considérées, contribuent à remettre en cause la qualité
des données renseignées
via
Ethnos. Les différences concernant les valeurs
des variables de fréquentation, et la comparaison (en ordres de grandeur) aux
données référencées dans le
Panorama 2019
sur les données 2017, ont ainsi
amené à exclure les CCN et les CNCM des analyses, du fait de l’
incapacité
à expliquer certaines divergences constatées. Le manque d’information
concernant tant les retraitements effectués que le travail de fiabilisation (qui
reste à ce stade inachevé
109
) a constitué une difficulté dans l
’appréciation de
la fiabilité et
de la qualité des données. L’articulation entre les analyses
106
Au contraire, l’outil SIBIL en cours de déploiement permet d’envisager une
couverture plus large en matière de structures.
107
Aucun dictionnaire de variables n’a été mis à disposition, et la compréhension de
l’acception des variables s’est à défaut appuy
ée sur les quelques Vademe-cum ainsi que
sur les questionnaires eux-mêmes.
108
La donnée de fréquentation totale est renseignée à plusieurs reprises dans Ethnos à
partir d’acceptions différentes. Les différences de valeurs constatées pour ces deux
variables, si elles sont justifiées, gagneraient à être expliquées.
109
Comme mentionné sur la plateforme Ethnos.
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98
produites sur les données brutes d’Ethnos et les données des tableaux de bord
générés depuis l’outil a également fait l’objet de questionnements et il a
notamment été relevé certaines erreurs dans les règles utilisées pour générer
les tableaux de bord
110
.
Aussi, le numéro Siret des structures étant mentionné dans Ethnos
pour une partie des structures seulement
111
, le croisement avec d’autres
sources de données a été rendu difficile. A
fin d’étudier de
s grandeurs telles
que le montant moyen dépensé par spectateur ou par représentation, un
croisement avec les données budgétaires de Chorus
112
a été entrepris.
Toutefois, pour couvrir un champ de structures suffisamment conséquent,
un obstacle préalable a été de compléter la donnée relative au numéro Siret
afin de pouvoir croiser les deux sources de données sur un périmètre de
structures labellisées le plus grand possible. La présence de données
manquantes sur de telles variables structurantes du jeu de données a
constitué un obstacle à l’analyse.
Certaines variables n’étant par ailleurs pas renseignées pour certaines
structures un périmètre ajusté pour chaque analyse a été défini (donnée de
fréquentation/d’activité d’intérêt
non nulle). Les valeurs manquantes ne
permettent ainsi pas de restituer des résultats pour l’ensemble des structures
labellisées, ce qui induit une limite en termes d’interprétation.
Données de diffusion Ethnos
À partir des données remontées dans Ethnos, on considère ici le
nombre total de spectacles et de représentations renseignés. Ces mesures
peuvent être respectivement décomposées en spectacles payants et gratuits
et en représentations de spectacles payants et de spectacles gratuits. Les
données relatives au nombre de spectacles sont renseignées pour
160 observations sur la base du périmètre initial de 179 structures, et celles
relatives au nombre de représentations sont reportées pour 159 structures
sur la base du même périmètre. Afin de maximiser le taux de couverture,
un périmètre distinct est défini pour comptabiliser le nombre de spectacles
et de représentations, afin d’exclure seulement les valeurs qui manquent
pour chacune des dimensions d’intérêt prises séparément. Ce constat d’une
couverture seulement partielle des structures labellisées du spectacle vivant
110
La comparaison des données d’activité obtenues à partir des données brutes avec
celles présentées dans les tableaux de bord par label a permis de constater que les
valeurs inscrites dans les tableaux de bord ne retranscrivaient pas les valeurs relatives
à l’exercice 2019, mais plutôt celles de la somme des exercices 2018 et 2019.
111
En effet, le numéro Siret n’est pas renseigné pour 85 observations parmi les
209
saisies dans Ethnos (soit pour 40,7 % d’entre
-elles).
112
En particuli
er des crédits d’intervention déconcentrés relevant de l’action n° 1 du
programme 131.
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ANNEXES
99
révèle un problème de valeurs non renseignées récurrent sur la plateforme
Ethnos, et limite ainsi la portée des inférences résultant des traitements de
données. Celles-ci doivent être formulées avec prudence et en considérant
le taux de réponse des structures par label. À cette fin, le taux de réponse
par label, calculé en comparant le nombre de structures couvertes par
rapport au nombre de structures total tel que reporté dans le RAP, figure
également dans le tableau.
Données de fréquentation
La fréquentation totale des structures labellisées est appréhendée sur
la base des données renseignées dans Ethnos. Afin de maximiser le taux de
couverture, un périmètre propre à la fréquentation, prenant en compte
l’ensemble des struc
tures pour lesquelles la fréquentation totale est non
nulle, est défini. 161 observations sont ainsi considérées sur la base du
périmètre initial de 179 structures. Aussi, l’acception de la fréquentation
totale retenue repose ici sur la somme des fréquentations en nombre de
places gratuites des spectacles payants, du nombre de places payantes des
spectacles payants, et du nombre de places des spectacles gratuits. Cette
donnée contraste avec une autre acception de la fréquentation présente dans
Ethnos, qui r
epose sur l’agrégation de la fréquentation dans les murs, de
celle associée aux activités d’itinérance, et de celle associée aux activités
de tournée. Les valeurs des deux variables de fréquentation totale diffèrent
pour une partie des structures, aboutissant ainsi à un constat inexpliqué qui
semble symptomatique d’un problème de qualité des données et d’un
manque de documentation quant aux variables mobilisées.
Données relatives à l’enquête Insertion
Les données issues de l’enquête sur l’insertion professionnelle des
diplômés réalisée par le ministère de la culture ont été utilisées. Cette
enquête est menée auprès des individus diplômés trois ans auparavant d’un
diplôme relevant du ministère de la culture et présents sur le marché du
travail. Les données transmises, qui contiennent 26 716 observations,
couvrent initialement la période 2008-2017. Du fait des évolutions du
questionnaire, entre 2009 et 2010 notamment, et du faible nombre de
réponses en 200
8 et 2009, le périmètre de l’analyse porte ici sur les
diplômés sortis entre 2010 et 2017 (soient sur les enquêtes produites entre
2013 et 2020). Un travail de retraitement de certaines variables a été
effectué afin que les données soient homogènes entre années. Afin
d’identifier les individus ayant effectué leurs études dans le domaine du
Spectacle vivant, une variable retranscrivant la filière d’étude a notamment
été créée sur la base d’un référentiel des diplômes relevant du
ministère de
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COUR DES COMPTES
100
la culture
113
. Afi
n d’apprécier l’insertion à l’issue d’une formation dans le
domaine du spectacle vivant, la variable ainsi créée a permis de définir un
sous-ensemble constitué des individus ayant été diplômés dans le domaine
du Spectacle vivant. Un travail de caractérisation des individus diplômés
du Spectacle vivant trois ans auparavant, pour les enquêtes menées de 2013
à 2020, a ensuite été effectué : les répartitions de ces jeunes par situation
professionnelle, par type d’emploi, par statut professionnel, par domaine
d’activité ou encore par délai d’accès à l’emploi ont été explorées. Pour
chacune des variables d’analyse, les répondants dont les valeurs étaient
manquantes pour la variable considérée n’ont pas été pris en compte. Les
résultats n’ont pas été redressés et p
ortent ainsi sur les répondants pour
lesquels une réponse est renseignée. Aussi, une seconde partie a ensuite
visé à reproduire le même type d’analyse en comparant les individus
diplômés du spectacle vivant avec les individus ayant obtenu un diplôme
dans l
’un des autres domaines relevant du
ministère de la culture
(architecture, arts plastiques, cinéma et audiovisuel, musées et patrimoine).
Afin de travailler avec un sous-ensemble minimal de réponses pour chaque
domaine, le champ relatif au cinéma et à l’au
diovisuel a été exclu de
l’analyse, et la période est restreinte aux diplômés de 2013 à 2017
(enquêtes de 2016 à 2020).
113
Le référentiel utilisé est accessible au lien suivant : https://www.culture.gouv.fr/Sites-
thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-
chiffres-2007-2021/L-insertion-professionnelle-des-diplomes-de-l-enseignement-
superieur-Culture-CC-2015-3 (en page 15 du numéro à télécharger). Sur cette base, un
reclassement en cinq modalités a été effectué (les cinq modalités sont « Spectacle
Vivant », « Architecture », « Musées, Patrimoines », « Arts Plastiques » et « Cinéma,
Audiovisuel »).
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ANNEXES
101
Annexe n° 3 :
comparaisons internationales :
l’Allemagne, l’Italie et le Royaume
-Uni
1. L’Allemagne
Le fédéralisme culturel, inscrit au cœur de la
Constitution, donne un
grand rôle aux
L
ä
nder
, collectivités et municipalités locales. Il n’existe pas,
stricto sensu, de ministère allemand de la culture : il s’agit d’un « délégué du
Gouvernement fédéral à la culture et aux médias », (« BKM ») statut créé en
1998 et occupé par Monika Grütters depuis 2013. Son budget a fortement
augmenté sur la décennie passée : de légèrement supérieur à 1
Md€
en 2007,
il atteint 1,67
Md€ en 2018. Comme en France, le financement public de la
culture est massivement apporté par les collectivités locales, à hauteur de 45
% par les
Länder
et 45 % par les municipalités et les collectivités locales,
l’État
fédéral ne représentant que 10 % du total.
Le spectacle vivant est fortement marqué par la structuration du
théâtre allemand au XVIII
ème
siècle. Dans toutes les villes grandes et
moyennes, des
Stadttheater
voient le jour avec des troupes permanentes.
Ce mouvement accompagne la prise de pouvoir progressive de la
bourgeoisie contre la noblesse d´ancien régime. Schiller, Lessing puis
Goethe défendent alors l’idée d’un espace culturel commun et la promotion
d´un répertoire qui accompagne la révolution bourgeoise en cours. Ce
paysage théâtral, alors totalement unique en Europe, jouera un rôle clef
dans l´unification allemande au XIX
ème
siècle.
L’Allemagne compte au total plus de 140 théâtres publics
(
Staatstheater
,
Stadttheater
et
Landesbühnen
) dont la plupart sont le fruit
de cette histoire plus que bicentenaire, 128 orchestres et 199 théâtres
privés. Dans les grandes villes, on trouve plusieurs de ces théâtres de
répertoire qui réunissent chacun tous les corps de métiers du spectacle
vivant avec en général toutes les disciplines (ils ont souvent aussi des
orchestres et ballets permanents). On y compte fréquemment plusieurs
centaines de salariés
plus de 1 500 pour le Théâtre de Francfort. Ces
théâtres produisent leurs propres spectacles, avec leurs budgets
conséquents, leurs ateliers, leurs comédiens, leurs dramaturges et les
metteurs en scène de la maison. La plupart, néanmoins,
s’ouvrent en
accueillant au projet des comédiens extérieurs et en invitant des metteurs
en scène à travailler avec leur troupe. Ces metteurs en scène sont
néanmoins pour la plupart issus de l´espace germanophone.
Le champ théâtral allemand s’organise autour de deux pôles : a/ les
Staatstheater
,
Stadttheater
et
Landesbühnen
i.e
l’ensemble
des théâtres
publics et privés relevant directement de la responsabilité des
Länder
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COUR DES COMPTES
102
(régions) allemandes ou du
Bund
(État fédéral) ; b/ la «
Freie Szene
» :
l’ensemble des établissements « indépendants » qui, s’ils sont en partie
financés par les
Länder
ou le
Bund
, bénéficient d’une certaine autonomie
notamment dans la nomination du directeur. Ce sont des lieux de
production et de diffusion des artistes indépendants qui portent eux-mêmes
le risque de la production (comme c’est le cas général en France).
Ce soutien public fort au spectacle vivant renvoie au poids
économique du secteur, qui regroupe plus de 55 000 emplois, répartis à
82
% pour le théâtre d’État et relevant donc
du salariat (soit
44 800
personnes), auxquels s’ajoutent plus de 10 000 indépenda
nts (statut
qui
couvre
une
grande
diversité
d’emplois
:
artistes
solos,
artistes/personnel au sein d’une compagnie etc
.). Les professionnels sont
représentés par deux fédérations, l’une pour les
Stadts
- et
Staatstheater
,
qui représente plus de 400 établis
sements, l’autre pour la
Freie Szene.
Dans le domaine du spectacle vivant, il faut noter par ailleurs la
place prépondérante de Berlin (Ville-
Land
) qui, malgré le fédéralisme
culturel, concentre le plus grand nombre de lieux de représentation
(27 théâtres, opéras et troupes et plus de 300 compagnies indépendantes)
et d'artistes indépendants (près de 3 000 estimés).
Le cœur de la politique culturelle reste du côté des
Länder
et des villes
qui financent structurellement les théâtres d´ensemble, les lieux de la scène
indépendante et un riche paysage festivalier. Dans le cadre d´appels à projet,
ils financent également la création des spectacles de la scène indépendante.
Cependant, à côté des
Stadttheater
qui pèsent très lourd dans les budgets, la
scène indépendante reste globalement sous-financée. De ce fait, le système
de production avec participation des lieux (coproduction) est très peu
développé. Ce système qui est la règle en France favorise la diffusion, au
moins dans le premier cercle des coproducteurs. En Allemagne, beaucoup de
spectacles financés en majorité par les budgets des
Länder
et des villes jouent
quelques représentations dans un lieu et leur exploitation s´arrête souvent là,
faute de structure favorable et de compétences pour la diffusion. Afin de
remédier à cette situation, le NPN (
Nationales Perfomance Netz
) vise à
soutenir la diffusion de spectacles dans différentes régions de l´État fédéral
et peut prendre en charge jusque 50 % des coûts liés à cette diffusion.
La force du modèle allemand réside dans sa profondeur et son recul
historique qui ont permis la mise en place de théâtres d´ensemble dans la
plupart des villes moyennes allemandes et leur ont donné une place centrale
dans le paysage culturel local. Cette place centrale des théâtres est aussi
une faiblesse du système, qui, à l´exception de quelques figures de proue,
rayonne peu au niveau national et international. Le système est
autosuffisant et de ce fait peu orienté vers la coopération et l´échange.
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ANNEXES
103
2. L’Italie
L’Italie s’est dotée d’un ministère de la
culture en 1974 sous le
G
ouvernement Aldo Moro avec dès l’origine une forte composante
patrimoniale (« Ministère pour les biens culturels et l’environneme
nt »).
Le principal instrument de soutien de l’État au secteur culturel et du
divertissement est le Fonds unique pour le spectacle (FUS) qui depuis 1985
apporte un soutien financier aux entités, institutions, associations,
organisations et entreprises opérant dans les secteurs des activités
musicales, de danse, de théâtre, de cirque, sportives et de spectacle itinérant
(reconstitutions historiques et depuis 2018, les carnavals), sous forme de
subventions triennales (depuis le décret du 5 mars 2015). En 2019 le budget
du FUS était de 366 M€
, en 2020 la dotation a été augmentée
de 33 M€.
Cette dotation est répartie entre les différents secteurs : plus de 52 %
pour les fondations lyriques et symphoniques, plus de 21 % pour les
activités théâtrales, 18 % pour les activités musicales, 3.5 % pour la danse,
2.5 % pour les projets pluridisciplinaires et projets spéciaux, 1.5 % pour le
cirque et le spectacle itinérant, 0.2 % pour le soutien des artistes de moins
de 35 ans (résidences et mobilité).
Par ailleurs, les zones touchées par les séismes de 2016 et 2017
bénéficient également depuis 2017 d’un soutien spécial (2 M€
annuels
jusqu’en 2021) dédié au spectacle vivant et activités culturelles.
Afin de soutenir les festivals musicaux et d’opéra italiens
particulièrement renommés sur la scène internationale, le Gouvernement a
attribué directement de nombreux soutiens importants à plusieurs
structures italiennes ces dernières années (notamment pour les festivals
musicaux et d’opéra).
Les régions et les communes jouent un rôle important en matière
d’animation culturelle et de spectacle vivant marquée par des initiatives qui
ont fait date (mise en place d’un circuit de théâtres municipaux inaugurée
par G. Strehler et P. Grassi à Milan). Toutefois, on manque de chiffres et
d’
études pour documenter cette implication.
3. Le Royaume-Uni
Le spectacle vivant britannique est très dynamique d’un point de vue
économique, que ce soit le théâtre ou la musique, qui pèsent respectivement
7,92 Md£
(soit 0,4% de l’économie globale en 2019)
et 5,8 Md£. En
croissance et générateur d’externalités positives pour l’ensemble de
l’économie britannique selon l’
Arts Council England,
le spectacle vivant
national subit néanmoins de plein fouet la crise de la covid. Parmi les traits
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104
structurels du spectacle vivant britannique, la concentration de la
production (64 %) et des emplois (40 % en 2019) à Londres sont nettes.
On dénombre environ 1 100 théâtres au Royaume-Uni. Ceux- ci sont
financés sur un modèle mixte qui associe fonds publics, ressources propres
et mécénat. Ainsi, contrairement à la France, où la distinction privé/ public
et le financement de labels par l’État et les collectivités locales sont de
mise, le monde du théâtre commercial à Londres n’est pas
isolé de celui
des institutions. En outre, le système est plus transparent et la dimension
quantitative permet un pilotage plus précis.
Par ailleurs, la chaine de valeur et l’écosystème professionnel est
encore plus ample qu’en France et la majorité des métiers sont occupés par
des indépendants. En effet, 71 % des travailleurs de la scène britannique
ont un statut de
freelancers
, aux antipodes du régime de l’intermittence
français. Aucun secteur britannique n’externalise autant. Ainsi, au
Royaume-Uni, ce sont des organisations professionnelles puissantes qui
organisent leur domaine (
Uk Music
,
Uk Theatre
et
One Dance UK
) à qui il
faut ajouter l’influent syndicat
Equity
, qui compte 47 000 membres. Ces
structures ont été mobilisées au cœur de la crise
de la covid pour soutenir
un secteur exsangue.
En
effet, l’intervention publique britannique et son soutien au
spectacle vivant est historiquement très modérée : le DCMS, créé en 1997 et
actuellement dirigé par Oliver Dowden, équivalent du ministère de la culture
française, adopte depuis 1945 le
arm’s len
gth principle
qui limite son
intervention. La structure clé pour le spectacle vivant est
l’Arts Council
England
, créé en 1994 et dirigé par Nicholas Serota. Il reçoit ses fonds du
DCMS ainsi que de la
National Lottery
qui doit reverser un quart de ses
revenu
s pour des « bonnes causes » dont fait partie la culture. L’ACE soutient
la culture et assure sa promotion sur l’ensemble du territoire britannique et
accompagne ainsi 828 structures sur la période 2018-
2022. En outre, l’ACE
modernise le discours culturel et permet un rapprochement avec les autres
nations européennes continentales : par exemple la promotion de la diversité
via
les programmes
Let’s create
ou le
Creative case for Diversity
. Les
collectivités locales jouent un rôle périphérique, en raison de restrictions
budgétaires croissantes. Le mécénat est donc structurellement plus
important, encouragé par l’État
via
des crédits d’impôt à l’instar du
Gift Aid
,
Theatre Tax relief
et de
l’Orchestra Tax relief
.
Ce retrait de l’État et le choix assumé d’un
système mixte a montré
ses faiblesses durant la crise de la covid : si la flexibilité accrue a permis
un dynamisme économique certain du secteur, ce système de
Freelance
occasionne une grande instabilité pour les travailleurs, quand bien même
l’appétit pou
r le spectacle vivant britannique est vif.
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ANNEXES
105
Annexe n° 4 :
l
’intermittence
Les développements ci-
après s’appuient sur
deux séries de
publications annuelles de Pôle emploi :
L’emploi intermittent dans le
spectacle
et
Allocataires indemnisés au titre des annexes 8 et 10
, ainsi que
sur les données de
l’Observatoire des métiers du spectacle vivant.
114
En 2019, 276 000 salariés relevaient du régime des intermittents du
spectacle, dont 53 % pour le spectacle vivant.
En
2019,
47
%
des
intermittents
ont
été
indemnisés
(131 000 personnes, + 2,9 % par rapport à 2018), pour un total de 1,43
Md€
(+ 4,5 %).
Les intermittents du seul spectacle vivant représentent 54 % des
effectifs salariés et 47 % du volume horaire, mais moins de 38 % de la
masse salariale totale des intermittents.
Graphique n° 5 :
parts comparées du nombre de salariés
et de contrats, du volume horaire et de la masse salariale par secteur*
* Pour les salariés, la somme dépasse 100
% car certains peuvent, au cours de l’année, travailler
dans différents secteurs.
Source : Cour des comptes à partir de données Pôle Emploi
Les employeurs du spectacle vivant sont plus nombreux et
représentent un volume horaire et un nombre de contrats plus élevé que
dans le secteur audiovisuel, mais la masse salariale est moindre.
114
CPNEF
SV, Audiens, Afdas,
Les employeurs et l’emploi dans le spectacle vivant.
Données 2017
, novembre 2019.
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106
Un montant journalier moyen d’allocation et une durée d’indemnisation
en diminution
Le montant de l’allocation, pour l’ensemble des intermittents, est
calculé en fonction des salaires et heures de la période de référence et de
l’allocation journalière min
imale. Depuis 2013, le montant moyen de
l'allocation journalière est passé de 58,1 à 56,5
€ (artistes et techniciens
confondus, sans distinction entre secteur de l’audiovisuel et du spectacle
vivant). Cette moyenne masque des disparités conséquentes, les allocations
des techniciens étant supérieures de 17 % à celle des artistes en 2014.
L’écart se réduit sur la période et n’est plus que de 11 % en 2019.
En 2019, l’allocation mensuelle moyenne était de 932
€ bruts
115
.
Ordre de grandeur du montant des allocations versées aux intermittents
du spectacle vivant
Il faut tout d’abord rappeler qu’une partie du total des allocations est
couvert par des cotisations sociales. Ainsi, pour l’ensemble du régime de
l’intermittence (audiovisuel et spectacle vivant), en 2019, 1,43
Md€
d’allocations ont été versées, pour 0,32
Md€ de cotisations collectées.
Il faudrait ajouter à ce montant l'affectation d'une partie des recettes de
CSG en compensation de la suppression de la cotisation salariale. En effet,
en raison de l’aménagement de leurs conditions d’indemnisation, les
salariés intermittents continuent de payer une contribution au régime
d’assurance chômage de 2,40
%. Ainsi, les employeurs de salariés
intermittents sont redevables d’une contribution d’assurance chômage de
11,45 % (dont 4,05 % de droit commun, 5 % de contribution spécifique et
2,40 % de cotisation salariale).
Par ailleurs
,
il est impossible d’isoler le montant des allocations
versées aux intermittents du seul spectacle vivant car une allocation
rémunère souvent un intermittent qui a acquis ses droits en travaillant à la
fois dans le secteur du spectacle vivant et dans le secteur de l’audiovisuel
(acteur qui joue à la fois au théâtre et pour la télévision, etc.). Dès lors, ce
montant ne peut être qu’approché.
Pour tenter de quantifier le montant des allocations pour le secteur
du spectacle vivant
,
deux modes de calcul ont été expérimentés. Ils
souffrent l'un et l'autre de biais importants et ne doivent être considérés que
comme des ordres de grandeur
:
115
Les intermittents sont indemnisés en moyenne 16 jours par mois.
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ANNEXES
107
-
à
partir du taux journalier et de la durée d’indemnisatio
n moyens pour
l’ensemble des intermittents
:
77 738 intermittents du spectacle vivant
indemnisés en 2017 (secteur professionnel), et un montant annuel brut
de l’ordre de 10
600
€ par allocataire
116
, le montant total versé aux
intermittents du spectacle vivant dépasserait 800
M€. Cette hypothèse
de calcul ne tient pas compte des disparités de revenus avec le secteur
audiovisuel, ni entre artistes et techniciens, ni du poids respectif de ces
deux catégories dans le spectacle vivant. De plus, les droits peuvent
pour partie avoir été constitués dans le cadre de contrats hors secteur
du spectacle vivant, sans qu’il ne soit possible d’isoler cette partie
;
-
sur la base du poids des intermittents du secteur professionnel dans la
masse salariale totale des intermittents (35 %), les indemnités étant
calculées par référence aux salaires. Le montant des indemnités
versées aux intermittents du spectacle vivant en 2017 serait de l’ordre
de 450
M€
117
. Ce montant est sous-estimé puisque les salariés du
spectacle vivant représentent les deux tiers des indemnisés ; il ne tient
en outre pas compte du fait que tous les salariés n'atteignent pas les
507 heures ouvrant les droits et que tous ne consomment pas leurs
droits de façon équivalente.
Cette fourchette doit donc être considérée avec beaucoup de
prudence
.
Elle ne vise
qu’
à donner un ordre de grandeur du rôle joué par le
régime de l'intermittence dans l'écosystème du spectacle vivant.
La crise sanitaire et les intermittents
Le coût de l’année blanche de l’intermittence et de sa prolongation
jusqu’à fin 2021 est estimé à 1,3 Md€ (
spectacle vivant et audiovisuel).
Parmi les intermittents, ceux du spectacle vivant ont été particulièrement
affectés par l
a baisse d’activité
Au sein des intermittents, les disparités sont importantes entre
spectacle vivant et spectacle enregistré, entre secteur privé et subventionné,
entre métiers.
116
Cf. Unédic,
Allocataires indemnisés 2017
, tableau 1 : 122 523 mandatés en cours
d’année au moins 1 journée (dont 81
264 pour le SV), taux journalier 54,9 € bruts en
moyenne et durée moyenne 193 jours.
117
40 % de 1,299
Md€.
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108
Alors que l’activité 2020 dans le spectacle enregistré atteint 86 %
du niveau
2019 d’après l’Unédic
118
, elle ne représentait que 59 % du niveau
2019 dans le spectacle vivant, avec de fortes fluctuations infra-annuelles.
La contraction est encore plus violente pour les employeurs hors champs
spectacle
119
.
Ces disparités entre secteurs d
u spectacle se doublent d’écarts
importants, au sein du spectacle vivant, entre intermittents du secteur privé,
dont l’activité n’est qu’à 50 % du niveau 2019, et intermittents du secteur
subventionné, qui ont pu maintenir 73 % de l’activité
120
.
Par ailleurs, bien que les métiers techniques soient globalement
moins durement touchés par la baisse d’activité que les artistes, les
techniciens de plateau, du son et de l’éclairage sont les plus affectés de tous
les intermittents, avec des niveaux d’activité situé
s entre 48 % et 61 % du
niveau 2019. Le niveau d’activité des métiers artistiques (musiciens,
chanteurs, danseurs, artistes du cirque) se situe quant à lui entre 61 et 70 %
du niveau de 2019. À 71 %, les artistes dramatiques sont à la moyenne de
l’ensemble
des intermittents.
Les indemnisations ont joué un véritable rôle d’amortisseur de la crise.
Fin décembre 2020, 118 000 personnes étaient indemnisables au
titre des annexe 8 ou 10. Parmi eux, seuls 62 % des allocataires du spectacle
vivant subventionné et 45 % de ceux du spectacle vivant privé avaient
atteint le seuil de 507 heures (68 % pour les intermittents de la production
audiovisuelle).
La baisse de salaire moyenne entre 2019 et 2020 constatée par
l’Unédic
est de 37 %, mais, concernant le seul spectacle vivant, la
diminution est encore plus marquée et l’effet d’amortissement par
l’indemnisation est moindre (baisse de revenu global comprise entre
10 %
et 18 %). Le tableau ci-après illustre le rôle des indemnisations sur le
montant et la structure des revenus des intermittents du spectacle vivant.
118
Unedic,
L’impact de la crise sur l’emploi intermittent dans le spectacle en 2020
,
mars 2021.
119
Le champ du spectacle enregistré (51 % des heures travaillées en 2020, contre 41 %
en 2019) a subi des baisses relativement moins importantes (palier à 45 % du niveau
2019) et une reprise plus forte et plus durable que les autres secteurs du spectacle
(dépassant 100 % du niveau 2019 entre fin juillet et octobre et n’étant pas redescendu
ensuite en dessous de 85 %). Le hors champs du spectacle représentait 8 % des heures
travaillées en 2020 contre 11 % en 2019.
120
Unedic,
op.cit
.
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ANNEXES
109
Tableau n° 10 :
salaires et indemnisation des intermittents
du spectacle vivant entre 2019 et 2020
Salaire
Indemnisation
Revenu
Part de
l’indemnisation
dans le revenu
2019
(€)
2020
(€)
Evol.
2019
(€)
2020
(€)
Evol.
2019
(€)
2020
(€)
Evol.
2019
2020
Techni-
ciens
1 760
690
- 61 %
960
1 250
58 %
2 710
2 210
- 18 %
35 %
69 %
Subven-
tioné
1 140
690
- 39 %
1 060
1 300
23 %
2 200
1 990
- 10 %
48 %
65 %
Privé
1 070
460
- 57 %
1 080
1 390
29 %
2 150
1850
- 14 %
50 %
75 %
Source
: Unédic, L’impact de la crise sur l’emploi intermittent dans le spectacle en 2020, mars 2021.
Les bénéficiaires de «
l’année blanche
» :
-
l
es intermittents du spectacle allocataires de l’ARE au 1
er
mars 2020 ;
-
l
es intermittents admis dans le régime d’indemnisation entre le
1er mars 2020 et le 30 décembre 2020, dont la date de réexamen des
droits aurait été comprise entre le 1
er
mars 2021 et 31 décembre 2021
sans «
l’année blanche
» ;
-
les intermittents indemnisés au 1
er
mars 2020 au titre d’une des deux
allocations
spécifiques
de
solidarité :
l’allocation
de
professionnalisation et de solidarité (APS) et l’allocation de fin de
droits (AFD)
121
.
Au cours de l’exercice 2021,
différentes mesures de soutien à
l’
emploi artistique ont en outre été prises (soutien aux intermittents, aux
équipes artistiques indépendantes, aux diffusions alternatives et aux
captations, filet de sécurité pour les artistes auteurs), pour un total de
50
M€.
121
Allocations prévues à l’article L. 5424
-21 du code du travail.
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110
Annexe n° 5 :
part des directrices des lieux
labellisés du spectacle vivant
Labels
Durée de
conventionnement
Nbre de
structures
Part des
directrices
en 2021
Part des
directrices
en 2019
Part des
directrices
en 2017
Théâtre et arts de la rue
CDN - Centres
dramatiques nationaux
4 ans (renouvelable
2*3 ans + prolongation
exceptionnelle d’un an)
38
37 %
27 %
21 %
CNAREP - Centres
nationaux des arts
de la rue et de l'espace
public
Durée minimale 3 ans
13
38 %
36 %
29 %
PNC - Pôles nationaux
cirques
Non précisé par l’arrêté
122
13
38 %
33 %
33 %
Danse
CDCN - Centres de
développement
chorégraphiques
Durée minimale 3 ans
13
77 %
67 %
58 %
CCN - Centres
chorégraphiques
nationaux
4 ans (renouvelable
2*3 ans + prolongation
exceptionnelle d’un an)
19
16 %
16 %
11 %
Musique
CNCM - Centres
nationaux de création
musicale
Non précisé par l’arrêté
8
13 %
13 %
0 %
Orchestres nationaux
en région et autres
orchestres
Non précisé par l’arrêté
14
50 %
65 %
38 %
Opéras nationaux
5 ans renouvelables pour
les « théâtres lyriques
d’intérêt
national »
5
20 %
40 %
17 %
SMAC - Scènes de
musiques actuelles
Non précisé par l’arrêté
89
17 %
13 %
12 %
Pluridisciplinaire
SN - Scènes nationales
4 ans ou saisons pleines
maximum
76
33 %
30 %
28 %
Total
288
33,9 %
34,0 %
24,7 %
Sources : Cour
des comptes, données de l’Observatoire de l’égalité femmes –
hommes du DEPS.
122
Ces directions ne sont pas régies par un système de mandat.
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ANNEXES
111
Annexe n°6 : les aides aux équipes artistiques
en 2019
Type d’aides
Nb. d’équipes
aidées
Évolution
2017-2019 (%)
Total 131, 224
et autres (
M€
)
Évolution
2017-2019 (%)
Aide au projet
588
+ 2,6 %
7,9
- 3,6 %
Aide à la
structuration
188
- 6 %
5,2
- 3,7 %
Conventionnement
391
+ 8,6 %
26,2
+ 8,3 %
CERNI
91
+ 2,25 %
15,1
+ 19,8 %
Total aides
déconcentrées
1 258
+ 3 %
54,4
+ 6,6 %
Autres aides
DRAC
57
1,7
Conventions
suivies par la
DGCA (AC)
38
5,8
Total
1 353
61,9
Source : données DGCA collectées auprès des DRAC en 2019
les données 2020 n’étaient pas disponibles à la
date de rédaction du rapport.
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