Sort by *
Compte d’affectation spéciale
Participations financières de
l’État
Note d’analyse de l’exécution
budgétaire
2021
2
COUR DES COMPTES
Compte d’affectation spéciale –
Participations financières de l’État
Programme
731
- Opérations
en
capital intéressant
les
participations financières de l'État
Programme
732 -
Désendettement de l’
État
et d’établissements
publics de l’
État
Graphique n° 1 :
Compte d’affectation spéciale «
Participations
financières de l’État
» -
exécution 2021 (CP, en M€)
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
3
Synthèse
La Cour a analysé l’exécution de la mission
Participations
financières de l’État
, retracée par le Compte d’affectation spéciale du
même nom (CAS PFE), au titre de l’exercice 2021, qui reste encore marqué
par les conséquences de la crise sanitaire.
Une sous-exécution budgétaire importante
en 2021 du fait d’un
faible nombre d’opérations d’urgence
Le report du solde du CAS (2,455 Md
) et ceux du programme 358
« Renforcement exceptionnel des participations financières de
l’État dans
le cadre de la crise sanitaire »
(11,696
Md€), créé en 2020
sur la mission
Plan d’urgence
face à la crise sanitaire
, devaient être sources de
financement du CAS PFE (14,521 Md€)
en 2021.
Les programmes du CAS ont ensuite fait l’objet d’
annulations de
crédit importantes
en lois de finances rectificatives pour 2021 (5,2 Md€
annulés sur le programme 731 en première loi de finances rectificative pour
2021 - LFR 1 -
et 100 M€ sur le programme 732 en deuxième loi de
finances rectificative pour 2021
LFR 2).
De plus, en LFR 1, un nouveau programme a été créé pour abonder
le CAS en recette, le programme 367
« Financement des opérations
patrimoniales envisagées en 2021 sur le compte d’affectation spéciale
“Participations financières de l’État”»
sur la mission
Économie.
Ce
programme, doté de 2 Md€ de crédits, illustre les difficultés du CAS PFE
à subvenir aux besoins de financement des participations financières de
l’État, notamment en période de crise.
In fine,
le CAS a donc bénéficié de 11,58 Md
de crédits disponibles
en 2021.
L
’exécution
constatée à fin 2021
s’élève
finalement
à 4,767 Md€ en
recettes et 5,535
Md€ en
dépenses. La sous-exécution par rapport à la
prévision de la LFI atteint donc près de 9,2
Md€ en recettes et 9 Md€ en
dépenses.
Ces mouvements d’annulation de crédits d’un côté et de création
d’un nouveau programme de l’autre, en apparence contradictoires, sont
motivés par la nécessité de distinguer au sein du CAS les opérations
d’urgence et de relance (financées par le programme
358) et les opérations
4
COUR DES COMPTES
plus « classiques
» financées, en l’absence de recettes de cessions, par le
programme
367. C’est donc la nature des dépenses
réalisées
via
le CAS qui
a déterminé l’origine et le montant de ses recettes.
Ces deux programmes ont en revanche comme objectif commun de
combler les carences de financement du CAS en
l’absence de recette de
cession
. C’est la raison qui justifie leur création, mais elle ne constitue pas
pour autant une politique publique en soi. En conséquence, les programmes
budgétaires 358 et 367 ont un objet largement indéfini et ne peuvent être
rattachés à une mission sectorielle, ce qui
va à l’encontre du principe de
spécialité budgétaire.
Deux opérations principales financées en 2021 par le CAS PFE
En avril 2021, le groupe Air France -
KLM a bénéficié d’une
nouvelle aide de l’État. Les mesures se décomposent en une augmentation
de capital et en la conversion du prêt direct de l’État français de 3 Md€ en
instrument obligataire hybride perpétuel. La dépense pour le CAS PFE
s’est élevée à 593 M€
. Compte tenu de son lien avec la crise sanitaire, cette
opération a été financée par le programme 358.
Sur l’ensemble de l’année 2021, par opérations successives, l’État a
racheté à AREVA l’ensemble de sa participation dans Orano pou
r un
montant total de 1,782 Md€ en dépenses du CAS PFE. La genèse de ces
opérations, sans lien avec l’urgence, ne date pas de 2021
; elles auraient
ainsi pu être mieux anticipées au moment de la prévision de loi de finances.
Or, sans la création du programme 367 et son abondement du CAS PFE
pour 1 Md€, le solde du CAS aurait pu être négatif du fait de la
consommation plus élevée des crédits dû à l’écart entre la prévision et
l’exécution des opérations Orano.
Une absence de pilotage de la poursuite des prises de
participation de l’État dans des fonds sectoriels
La participation de l’État dans des fonds d’investissement, confiés
en gestion à des opérateurs extérieurs, date de plusieurs années. Pour
autant, ces investissements dans des fonds ne font l’objet d’aucun pilotage
centralisé, alors qu’ils passent par le CAS PFE.
De plus, la méthode d’investissement dans ces fonds sectoriels ne
correspond pas toujours à la logique budgétaire du CAS : pour trois fonds
financés grâce au programme 358 (fonds automobile, fonds aéronautique,
fonds nucléaire), les crédits requis pour la totalité de la souscription ont été
transférés vers le CAS depuis le P 358 en une seule fois pour le montant
total de la souscription, alors que les appels de fonds n’interviennent que
très progressivement. Des crédits de paiement non encore utilisés restent
donc sur le CAS, qui ne doivent cependant être mobilisés pour aucune autre
COMPTE D’AFFECTATI
ON SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES D
E L’ÉTAT
5
dépense. Cette méthode impose un suivi extracomptable de ces recettes
jusqu’à ce que le fonds ait été entièrement
constitué. Cette pratique diffère
de celle adoptée pour d’autres fonds, notamment
ceux liés au PIA, qui
consiste à doter le CAS PFE chaque année avec les ressources nécessaires
pour couvrir les décaissements à réaliser au titre des seuls appels de fonds
d
e l’année N. Il serait souhaitable de retenir
seulement cette pratique à
l’avenir.
Enfin, il est difficile pour l’État de prévoir le rendement de ces
fonds, dont la gestion est confiée à des tiers. Pour 2021, les recettes issues
de ce type de participations ont ainsi été supérieures à la prévision (498
M€
,
soit cinq fois plus que la prévision
qui s’élevait à
96 M€).
Elles ont été
affectées au CAS PFE, contrairement aux dividendes en numéraire des
participations de l’État qui sont
versés
au budget général, mais il n’existe
pas
de
doctrine
établie
sur
l’usage
de
ces
retours
financiers
(désendettement, nouvelles participations, abondement de nouveaux
véhicules financiers).
Le changement d’optique du programme 732, une utilisation
contestable du CAS PFE, une mesure de la performance à développer
Le programme 732
«
Désendettement de l’État et d’établissements
publics de l’État
»
est désormais utilisé comme vecteur budgétaire
permettant le remboursement de la dette COVID,
via
un abondement du
programme 369 nouvellement créé
« Amortissement de la dette de l'État
liée à la COVID-19 »
au sein de la mission
Engagements financiers de
l’État
.
Ce montage, à visée pédagogique sans impact sur le niveau de la
dette globale de l’État, éloigne le programme
732 de sa vocation initiale, à
savoir l’utilisation des produits des participations financières de l’État ou
de leurs cessions à des fins de remboursement de la dette.
De plus, ce changement d’utilisation se fait en l’absence de mise en
place d’un suivi
budgétaire adéquat. Plus largement, alors que la
confidentialité des opérations limite la qualité de l’information transmise
au Parlement, le volet de performance pourrait être développé sur les deux
programmes du CAS, afin de donner aux parlementaires, au moins
ex post
,
une vision précise et qualitative du pilotage de ces participations par l’APE.
En 2021 l’impact de la crise porte surtout sur le volet recettes,
situation qui pourrait durer
Le CAS PFE n’a été abondé massivement en 2021 comme en 2020
que par des crédits budgétaires
puisqu’aucune cession n’est intervenue
dans un contexte de crise pour financer les dépenses réalisées dans le
périmètre des participations de l’État. L’année 2022 devrait confirmer cette
dépendance du CAS vis-à-vis du budget géné
ral, puisqu’en LFI, les
programmes 358 et 367 continuent à contribuer au CAS, à hauteur de
6
COUR DES COMPTES
respectivement de 2,35
Md€ et 1,748 Md€, en dépit de leur caractère
régulièrement réaffirmé comme provisoire.
Le portefeuille de l’APE est en plus centré sur des val
eurs
défensives qui ont moins progressé, en termes boursiers, que d’autres
entreprises cette année. La valorisation du portefeuille côté de l’APE est
ainsi passée de 71 Md€ début 2021 à 69 Md€ début 2022, soit une baisse
de 2 %, alors qu’en parallèle le CAC 40 progressait de 30 %. Il n’est pas à
exclure que d’importantes opérations soient nécessaires dans les années à
venir pour accompagner des réformes structurelles ou rattraper des
investissements non réalisés du fait de la crise. Ce contexte rend probable
la poursuite d’un financement budgétaire du CAS.
Dans cette optique, et pour favoriser la traçabilité des flux
budgétaires, il pourrait être envisagé de mettre en place dans les missions
sectorielles, chaque fois que cela apparaîtrait pertinent, un programme
spécifique destiné à abonder le CAS en recettes en cas d’opération en fonds
propres d’une entité relevant du secteur concerné.
Enfin, les investissements à venir peuvent aussi être liés à la
transition écologique des entreprises du portefeuille, et notamment à la
mise en place au niveau européen de l’outil de la taxonomie, qui devrait
contribuer à réorienter massivement les investissements publics et privés.
À cet égard, le renforcement de l’information relative aux engagements
RSE des participations
de l’État, notamment quand ces engagements ont
été conditionnés à l’octroi de l’aide d’urgence, apparaît comme une
première étape indispensable. Ce renforcement concerne tant les
participations de l’
État dans des entreprises que la souscription à des fonds
d’investissements.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
7
Recommandations
1.
Décrire,
à l’occasion du prochain projet de loi de finances
, la doctrine
du recours par
l’État
à des fonds
d’investissement
. (
DB, APE
)
2.
Revoir les indicateurs de performance du programme 731 et les
compléter par des indicateurs sur la gestion de fonds. (
APE, DB,
Bpifrance
)
3.
Supprimer le fonds pour l’innovation et l’industrie et ouvrir les crédits
correspondants dans la mission Programme d’
investissements
d’avenir
(recommandation reformulée)
. (
APE, SGPI
)
Par ailleurs, dans le cadre de l’examen de l’exécution de la mission
P
lan d’urgence
face à la crise sanitaire
, la Cour a formulé la
recommandation suivante :
1.
Supprimer la mission lors de la loi de finances pour 2023 et ouvrir les
crédits éventuellement nécessaires dans les programmes existants.
(DB)
8
COUR DES COMPTES
Sommaire
Chapitre I Une exécution budgétaire toujours marquée par la
crise sanitaire
................................................................................................
13
I -
Le CAS PFE, un périmètre plus large que celui de l’APE
........................
13
II - Des recettes
modifiées en cours d’exercice du fait de l’évolution
de la situation sanitaire et économique
..........................................................
16
A - Une prévision de recettes élevée en lien avec la crise et le programme
358 de la mission
Plan d’urgence
.........................................................................
16
B - Le poids à nouveau prépondérant des crédits en provenance du budget
général
..................................................................................................................
16
C - Des annulations notables sur le programme 358 de la mission
Plan
d’urgence
..............................................................................................................
17
D - Les ressources en provenance du nouveau Programme 367 de la
mission
Économie
: une conséquence de l’insuffisance des recettes du
CAS en période de crise
.......................................................................................
19
III - Une sous-exécution marquée
..................................................................
21
A - Des crédits disponibles sur le CAS PFE moins élevés que prévus
.................
21
B - Une exécution inférieure à la prévision, en recettes comme en dépenses
.......
22
C -
Le moindre poids des dépenses du périmètre de l’APE
..................................
26
IV -
Un solde d’exercice fragile, une structure générale loin de la
prévision
.........................................................................................................
26
Chapitre II Les lignes directrices peu perceptibles des
programmes 731 et 732
................................................................................
29
I -
Le programme 731, des dépenses d’ampleur
et de nature diverses
...........
29
A -
Deux opérations principales dans le périmètre de l’APE, dont l’une
seulement liée à la crise
........................................................................................
29
B -
Une multiplication des fonds sectoriels sans pilotage d’ensemble
..................
33
C - Le suivi non consolidé de la conditionnalité en matière de
responsabilité sociale, sociétale et environnementale des opérations
financées par l’aide d’urgence
..............................................................................
38
II -
Le changement d’optique du programme 732
« Désendettement de
l’État et d’établissements publics de l’État
»
.................................................
40
III -
Une mesure insuffisante de la performance pour l’ensemble des
programmes liés au CAS PFE
........................................................................
41
A - Des indicateurs peu précisés pour le programme 731
.....................................
41
B - Les indicateurs du programme 732 à revoir dans le cadre de la gestion
de la dette COVID
................................................................................................
43
Chapitre III La pertinence du modèle du CAS en question
....................
44
I -
De nombreuses dérogations budgétaires sans vue d’ensemble de la
politique actionnariale de l’État
.....................................................................
44
COMPTE D’A
FFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINAN
CIÈRES DE L’ÉTAT
9
A - Les spécificités budgétaires du CAS PFE
.......................................................
44
B -
Le CAS ne permet pas de retracer la stratégie actionnariale de l’État
............
45
C - Des dividendes en numéraire attribués au budget général
..............................
47
II -
L’exemple d’un manque de cohérence de l’utilisation du CAS
: le
fonds pour l’innovation et l’industrie (FII)
....................................................
47
A - Un modèle de financement toujours loin du schéma initial
............................
48
B - Une possible fragilisation du modèle de recettes à horizon 2023
...................
49
C - La mobilisation de crédits du PIA 4 pour le FII en 2021
................................
50
D - Une montée en puissance lente de dépenses financées par ailleurs
................
51
III - Un portefeuille
défensif et le risque du maintien d’un financement
budgétaire
.......................................................................................................
52
A - Des participations peu performantes dans des secteurs en difficulté
..............
52
B - La possibilité de voir se pérenniser un financement budgétaire
......................
53
Annexe n° 1 : : Liste des publications récentes de la Cour des
comptes en lien avec les politiques publiques concernées par la
NEB
...............................................................................................................
55
Annexe n° 2 : : Un suivi des critères de responsabilité sociale,
sociétale et environnementale (RSE) à renforcer dans le périmètre
de l’APE
........................................................................................................
56
Annexe n° 3 : : Suivi des recommandations formulées au titre de
l’exécution budgétaire 2020
.........................................................................
59
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
11
Introduction
L’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)
de 2001
1
dispose que
« les opérations de nature patrimoniale liées à la
gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute
opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique
compte
d'affectation
spéciale »
,
le
compte
d’affectation
spéciale
« Participations f
inancières de l’État » (CAS PFE).
Les participations financières de l’État sont définies dans la
documentation budgétaire comme les droits que celui-ci détient sur
d’autres entités, matérialisés ou non par des titres, qui créent un lien durable
avec celles-ci et comportent une contrepartie figurant à son bilan.
Les dividendes en numéraire issus de ces participations font l’objet
d’un traitement différent puisqu’ils constituent des recettes non fiscales du
budget général de l’État
2
.
Le CAS PFE est un outil budgétaire. Il rassemble les flux financiers
relatifs à la politique de l’État actionnaire, exercée par le commissaire aux
participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de
l’État (APE). Celui
-ci est à ce titre responsable de la mission. Celle-ci est
constituée de deux programmes :
-
le programme n° 731
Opérations en capital intéressant les
participations financières de l’État
;
-
le
programme
732
Désendettement
de
l’État
et
d’établissements publics de l’État.
Toutefois, le CAS enregistre aussi des opérations situées hors du
champ de l’APE
; son périmètre est ainsi distinct de celui de l’État
actionnaire.
Dans un récent rapport relatif à l’État actionnaire
3
, la Cour
recommande de mettre à jour la doctrine d’intervention en capital dans les
1
Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
2
Les conditions d’utilisation du compte, en recettes comme en dépenses, sont définies
à l’article 48 de la loi de finances pour 2006.
3
Cour des comptes, Rapport public thématique,
La gestion des participations
financières de l’Etat durant la crise sanitaire
, février 2022.
12
COUR DES COMPTES
entreprises à participation publique pour tenir compte du contexte nouveau
postérieur à la crise sanitaire.
En effet, en 2020, priorité avait été donnée à la gestion de la crise
sanitaire. Le CAS PFE avait alors été utilisé comme support pour réaliser
des prises de participations en fonds propres et quasi-fonds propres dans
des entreprises en difficulté du fait de la crise. Ces opérations avaient été
financées par un programme spécifique créé par la deuxième loi de
finances rectificative de 2020
4
au sein de la mission «
Plan d’urgence
», le
programme 358
Renforcement exceptionnel des participations financières
de l’État dans le cadre de la crise sanitaire.
En 2021, quelque
s opérations d’urgence ont également eu lieu,
quoique d’ampleur moindre par rapport à 2020 entraînant une sous
-
exécution budgétaire notable du CAS PFE (I). L’exécution de chacun des
deux programmes du CAS en 2021 suscite des interrogations : par le
programme 731 ont transité des opérations de modalités et de tailles
diverses, avec une augmentation
du nombre d’opérations réalisées via des
fonds sectoriels ; par le programme 732 transite le remboursement de la
dette COVID, ce qui écarte le programme de sa vocation initiale (II). Plus
largement, l’exécution 2021 du CAS PFE
ne conduit pas la Cour à modifier
les constats effectués lors des précédentes notes d’exécution budgétaire
vis-à-vis de
l’outil budgétaire dérogatoire qu’est le CAS PFE (III).
4
Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.
CO
MPTE D’AFFECTATION S
PÉCIALE PARTICIPATIO
NS FINANCIÈRES DE L’
ÉTAT 13
Chapitre I
Une exécution budgétaire toujours
marquée par la crise sanitaire
I -
Le CAS PFE, un périmètre plus large que
celui de l’APE
Le périmètre du CAS PFE porte d’une part sur les participations de
l’État gérées par l’Agence des participations de l’État (APE), soit
81 entrepris
es à fin 2021, et d’autre part sur divers mouvements financiers
de nature patrimoniale, pour des interventions en fonds propres ou quasi-
fonds propres, mais ne relevant pas à proprement parler de la politique de
l’État actionnaire.
Le poids des principales participations du périmètre APE est rappelé
dans le graphique ci-dessous.
14
COUR DES COMPTES
Graphique n° 2 :
Les principales participations de l’APE
Source : APE
Au 31 décembre 2021, 81 entités se situent dans le périmètre de
l’APE, trois entités ayant été sorties du périmètre sur l’an
née.
Une entité n’existe plus, la Société Française d’Exportation de
Systèmes Avancés (SOFRESA). Les modalités d’une liquidation amiable
avaient été décidées lors de l’assemblée générale extraordinaire de la
SOFRESA du 11 mars 2020. Le 15 janvier 2021, l’É
tat a reçu la somme de
91 518,05 € au titre de sa part dans le processus de liquidation.
D’autre part, l’Agence de Gestion de l’Immobilier de l’État
(AGILE) est sortie du périmètre de l’APE. Conformément à la treizième
résolution de l’assemblée générale de
la Société de Valorisation Foncière
et Immobilière (SOVAFIM) du 11 mai 2021, la société a changé de
dénomination sociale et s’appelle désormais Agence de Gestion de
l’Immobilier de l’État (AGILE). La direction de l’immobilier de l’État est
en charge du suivi de cette société.
Enfin, conformément à l’article 130 de la loi n°2019
-1428 du
24
décembre 2019 d’orientation des mobilités, à l’ordonnance n°2021
-614
du 19 mai 2021 et au décret n°2021-618 du 19 mai 2021, le port autonome
de Paris et les grands ports maritimes du Havre et de Rouen ont fusionné
le 1er juin 2021 en un établissement publique unique nommé Grand port
fluvio-
maritime de l’axe Seine.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
15
Le périmètre de l’action de l’APE
La liste des participations entrant dans le périmètre de l’APE est
révisée
sur une base régulière à l’occasion de la publication du rapport
annuel sur l’État actionnaire. Selon cette méthodologie, le nombre
d’entreprises sur lequel l’APE communique dans son rapport annuel reflète
la réalité de son portefeuille sur la base des entrées et sorties de
participations constatées en année n rapport à l’année n
-1.
Le décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du
service à compétence nationale « Agence des participations de l’État »
contient une annexe déterminant précisément
le périmètre d’action de
l’agence. Une première actualisation en avait
été réalisée en octobre 2017
afin d’énumérer les entités relevant juridiquement du périmètre de l’APE.
Elle a conduit à recenser 93 entités.
Une nouvelle actualisation est intervenue en mars 2019 avec comme
objectif de faire converger la liste présentée dans le rapport annuel de
l’APE et celle du décret. Les critères suivants déterminent les entreprises
du périmètre :
a) une société ou établissement - quel que soit son statut - dès lors
qu’il est considéré que l’APE est l’administration la plus compétente pour
en assurer le suivi au regard des enjeux pour l’État actionnaire. Leurs
filiales et participations entrent de droit dans le champ de compétence de
l’APE (sans pour autant être exp
licitement mentionnées compte tenu de la
mention générique « ainsi que leurs filiales et participations ») ;
b) les participations détenues
via
une holding sous certaines
conditions ;
c) les filiales et participations des entités mentionnées au a) ou au b)
et dans lesquels l’État détient en direct une action spécifique ou certaines
actions de préférence.
Sur la base de ces principes, 88 entités têtes de groupe et leurs
filiales figurent à l’annexe au décret n°2019
-160 du 1er mars 2019 qui
modifie le décret n°2004-963 du 9 septembre 2004.
Par ailleurs, le CAS retrace les activités d’entreprises qui ne sont pas
gérées par l’APE, mais qui relèvent d’opérations patrimoniales de l’État.
Les mouvements sont opérés via le CAS, conformément à l’article 21 de la
LOL
F, et se sont élevés à 2,7 Md€ en 2021, soit près de la moitié des
montants passés par le CAS (cf. infra).
16
COUR DES COMPTES
II -
Des recettes
modifiées en cours d’exercice
du fait de l’évolution de la situation sanitaire et
économique
A -
Une prévision de recettes élevée en lien avec la crise
et le programme 358 de la mission
Plan d’urgence
L’état A de la loi n° 2020
-1721 du 29 décembre 2020 de finances
pour 2021 (LFI 2021) avait prévu 14,005 Md€ de recettes sur le CAS PFE,
s’appuyant principalement sur le
report des crédits du programme 358 lié
à la crise sanitaire
, de l’année 2020 sur l’année 2021, ainsi que sur le report
du solde du CAS constaté à fin 2020.
Créé par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative
pour 2020 (LFR 2) au sein de la mission
Plan d’urgen
ce face à la crise
sanitaire
afin de renforcer les moyens financiers d’entreprises stratégiques
jugées vulnérables, le Programme 358
« Renforcement exceptionnel des
participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire »
avait été doté d
’un montant de 20 Md€ ouvert sur le budget général
5
. Des
crédits ont été ouverts à due concurrence sur le CAS PFE afin de permettre
à celui-
ci d’exécuter les dépenses correspondantes
6
. Ce programme 358 a
été maintenu en LFI 2021, sans être abondé par des crédits nouveaux : il a
bénéficié dès le 21 décembre 2020 du report de 11,696 Md€ de crédits non
utilisés en 2020
7
; le solde 2020 du CAS a été reporté de manière distincte
par arrêté du 17 février 2021.
B -
Le poids à nouveau prépondérant des crédits en
provenance du budget général
En 2019, les recettes provenant des cessions et opérations du
périmètre APE avaient représenté près de 86 % des recettes du CAS PFE
alors que les versements du budget général ne représentaient que 13 % du
même total
8
. La structure des recettes du CAS PFE a été complètement
5
État B de la loi du 25 avril 2020 relativement à l’article 9 de cette même loi.
6
État D de la loi du 25 avril 2020, relativement à l’article 10 de cette même loi.
7
Arrêté du 21 décembre portant reports de crédits
8
Sur un total de 2,8 Md€ de recettes encaissé
es, 1,8 Md était dus à la privatisation de
la Française des Jeux. Les versements fléchés du budget général ont représenté environ
353 M€ en 2019.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
17
modifiée par la crise sanitaire et par
l’impossibilité de céder des titres qui
en a résulté.
En 2020, sur 10,92 Md€, 8,3 Md€ ont été versés au titre de l’aide
d’urgence (Programme 358), complé
tés par des versements budgétaires au
titre des PIA (1,08 Md€) et d’autres d’ampleur moindre.
In fine
en 2020,
les versements du budget général avaient représenté environ 86 % des
recettes du CAS et a contrario, les cessions de titres et autres recettes
pr
ovenant directement des participations financières de l’État, seuls 13 %.
Cette tendance s’est poursuivie en 2021
puisque, sur les
14 Md€ de
recettes sur le CAS PFE prévus par la LFI,
13,9 Md€
devaient venir du
budget général, soit 99,3 % des recettes
9
.
In fine
, 88 % des recettes du CAS
viennent du budget général (93 % dans le périmètre de l’APE et 86 % hors
APE), dans un contexte où les
cessions de titres n’ont toujours pas repris
du fait de la crise. 2021 est donc le deuxième exercice pour lequel les
recettes du CAS PFE dépendent majoritairement des versements du budget
général. Les prévisions 2022 suivent également ce mouvement, puisqu’en
prévisions, 98 % des recettes proviennent du budget général
10
.
Le CAS recevait déjà, avant la crise, des versements du budget
général mais la situation sanitaire a entrainé la mise en place de deux
programmes spécifiques d’alimentation du CAS.
C -
Des annulations notables sur le programme 358 de
la mission
Plan d’urgence
Le décret d’avance du 19 mai 2021
11
a annulé 7,2 Md€ s
ur le
programme 358, afin de gager l’ouverture de 6,7 Md€ sur le programme
357
« Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise
sanitaire »
et 500 M€ sur le programme 356
« Prise en charge du chômage
partiel et financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs
précaires à la suite de la crise sanitaire ».
Même si le contexte sanitaire est source d’incertitudes, l’annulation
au mois de mai 2021 de plus de 60 % des crédits reportés trois mois plus
tôt souligne le caractère massif et insuffisamment justifié des reports,
comme l’a évoqué la Cour dans son rapport sur le budget de l’État en
9
Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
10
En effet, sur 8,932 Md€ de recettes prévues
sur le CAS par le PLF 2022, 8,753
viennent du budget général, dont 1,748 Md€ fléchés du programme 367 et 3,13 Md€
fléchés du programme 358.
11
Décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et annulation de crédits à titre
d'avance
18
COUR DES COMPTES
2020
12
. Les reports de crédits en 2021 pour le programme 358 ont de fait
constitué une réserve de crédits pouvant être redéployés sur d’autres
progr
ammes. L’entorse au principe de spécialité budgétaire qui résulte de
reports croisés a été soulignée par la Cour lors du rapport 2020 sur le budget
de l’État et elle est renforcée par le décret d’avance du 19 mai 2021.
La loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative
pour
2021 a ensuite annulé 5,2 Md€ seulement sur le CAS PFE (solde de
de l’annulation de 7,2 Md€ sur le programme 358 et de l’ouverture de
crédits de 2 Md€ du programme 367, cf. infra).
Enfin, 429 M€ ont été annulés sur le prog
ramme 358 par la LFR 2
pour 2021
13
.
L’annulation massive de crédits sur le programme 358 montre que
les besoins des participations de l’État sont pour le moment nettement
inférieurs aux estimations réalisées en 2020. L’estimation initiale d’un
besoin de 20
Md€ pour soutenir les entreprises dont l’État est actionnaire a
été réalisée dans une période de grande incertitude, tant sur la réalité des
conséquences de la crise que sur les mesures de soutien général qui allaient
être déployées. Finalement, les entreprises ont pu continuer à se financer
autrement qu’en sollicitant l’État actionnaire, que ce soit par la dette de
marché ou par le recours aux mesures transversales de soutien (PGE,
activité partielle).
En dépit du caractère exceptionnel du P 358, ce programme est
prolongé pour 2022
. L’arrêté
de report du 25 mars 2022 annule 3,395 Md
de crédits encore disponibles et en reporte 2,35 Md
sur ce programme.
Dans la foulée, le décret d’annulation destiné à financer des mesures
exceptionnelles liées à la guerre en Ukraine et à la hausse des prix de
l’énergie a annulé 1,9 Md€ sur le P 358.
Le PLF 2022 prévoyait la mobilisation de 3,13 Md€ soit la quasi
-
totalité des crédits reportés sur le P 358. En théorie, l’exercice 2022 devrait
voir atteintes les limites du programme 358, à la fois en montant, puisque
les crédits initiaux de crise devraient être utilisés ou annulés, et surtout en
cohérence, puisque la fin de l’urgence doit appeler la fin des dépenses
d’urgence.
Enfin, l’existence d’un programme spécifique du bu
dget général
pour financer des besoins des participations publiques liés à la crise
sanitaire (sans aucun critère objectif de définition de cette urgence)
n’améliore pas la lisibilité et le fonctionnement pratique du CAS PFE.
Il
12
Cour des comptes,
Rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2020
.
13
État B de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour
2021.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
19
serait en conséquence préférable de supprimer le programme 358 dans le
cadre de la loi de finances initiale pour 2023.
D -
Les ressources en provenance du nouveau
Programme 367 de la mission
Économie
: une
conséquence de l’insuffisance des recettes du CAS en
période de crise
Indépendamm
ent des opérations d’urgence, le CAS PFE a été
confronté au début de l’été 2021 à des besoins d’intervention pour des
opérations classiques excédant largement les disponibilités du compte. Les
prévisions de recettes avaient été établies en tenant compte de
l’absence de
recettes de cessions
mais l’exécution de dépenses ayant été plus élevée
qu’attendu
, le solde comptable pouvait devenir déficitaire.
L’insuffisance
potentielle des recettes du CAS avait été identifiée par l'administration dès
la préparation du PLF 2021. Ainsi, en juillet 2021, en tenant compte à la
fois des opérations hors
COVID
initialement prévues au démarrage de la
gestion 2021 et d’opérations nouvelles, non identifiées lors de la
programmation et évaluées à près de 1 400
M€, le solde comptable
prévisionnel du CAS au 31 décembre 2021 était négatif, à près de -1 709
M€. Or les dépenses nouvellement identifiées ne pouvaient être rattachées
au Programme 358, dès lors que les opérations envisagées ne relevaient pas
par nature du soutien à des entreprises stratégiques fragilisées du fait des
conséquences économiques de la crise sanitaire.
En conséquence, la loi n°2021-953 du 19 juillet 2021 de finances
rectificative pour 2021 (LFR 1) a procédé à la création du programme 367
« Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 sur le
compte d’affectation spéciale “Participations financières de l’État ” »,
rattaché à la mission
Économie
(article 29 de la loi de finances rectificative
pour 2021), doté de 2 Md€ de crédits. C
e programme avait vocation
initialement à doter le CAS PFE en recettes nouvelles en fonction du
financement à venir d’opérations prévues au cours du seul dernier trimestre
2021, à ha
uteur d’un montant maximum de 2
000 M€. En lien avec ce
programme, la LFR
1 a ouvert 2 Md€ de crédits sur le CAS PFE afin de lui
assurer les moyens nécessaires pour financer les dépenses non prévues en
loi de finances initiale et dont la mise en œuvre était initialement prévue au
dernier trimestre 2021.
Sur les 2 Md€ de crédits
ouverts sur ce programme, seul 1
Md€ est
effectivement venu abonder le CAS PFE en recettes en 2021, afin de
sécuriser le solde du compte face à une insuffisance du CAS à pallier ses
20
COUR DES COMPTES
propres besoins. Le solde des crédits disponibles, soit
1 Md€
a été reporté
en 2022
14
.
La mise en place de ce nouveau programme montre qu
en période
de crise, le CAS est insuffisant à financer ses dépenses à partir de recettes
qui lui sont propres.
Dans l’exposé des motifs de la LFR 1, le choix de créer ce nouveau
programme,
a priori
très similaire au P 358 car abondant comme lui le CAS
en vue de la réalisation d’opérations patrimoniales, est justifié par la
« différence de nature » des dépenses financées. Dans les faits, le P 358
vient financer des opérations identifiées, spécif
iques à l’urgence et les
crédits résiduels n’ont pas vocation à être versés sur le CAS sans affectation
précise.
A contrario
, le P 367 a permis une logique plutôt prudentielle : en
plus de pallier l’insuffisance prévisionnelle
de recettes du CAS, il a
constitué, de fait, une réserve de crédits sur le compte pour faire face aux
incertitudes de gestion (évolution des prix de marché lors des achats de
titres, opérations imprévues, etc.). Les programmes 358 et 367 n’obéissent
donc pas à la même logique, même si les dépenses engagées
in fine
sont
bien de même nature, à savoir des opérations patrimoniales de l’État.
En pratique, si l’instauration de ces deux programmes part à chaque
fois d’une volonté de lisibilité et de traçabilité des flux budgétaires, elle
aboutit en fait à une complexité accrue de la lecture des flux du CAS. Si
l’APE tient bien un suivi comptable des opérations en fonction de la nature
des opérations financées (liées ou non à la COVID-19), la coexistence des
deux programmes (358 et 367) complique de fait la lisibilité des
mouvements budgétaires.
Bien que censé être temporaire, le programme 367 a été reconduit
pour 2022, l’intitulé ayant été adapté
15
et doté de 748
M€ d’AE et de CP.
Outre le report de
1 Md€
non utilisés en 2021 mentionné ci-dessus, il a
également été complété de 1,047
Md€ de report 2022
en provenance du
programme 358. Or, ces programmes sont censés être temporaires et ne
doivent pas être pérennisés au-
delà de ce qu’exige la situation sanitaire. En
corollaire, ils ne doivent pas être utilisés comme des réserves de crédits
faisant l’objet de reports non cohérents avec les prévisions d’utilisation.
Enfin, les programmes 358 et 367 ont en commun de n’avoir aucun
lien avec les programmes budgétaires ministériels desquels les opérations
relèvent en pratique. L
’abondement
via
des programmes budgétaires
ministériels, à l’image de ce qui se fait pour l’AFD ou pour le fonds
Definvest, offre une meilleure traçabilité des crédits budgétaires que ces
14
Arrêté de reports de crédits du 17 mars 2022.
15
En 2022
, l’intitulé du programme devient
: «
Financement des opérations
patrimoniales envisagées en 2021 et 2022 sur le CAS PFE
».
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
21
programmes larges et non thématiques et permet une identification plus
claire des responsabilités
. Au contraire de ce type d’abondement, les
programmes 358 et 367 sont larges et ne répondent pas à un thème
spécifique. En ce sens, ils ne respectent pas le principe de spécialité des
crédits bu
dgétaires. Il aurait ainsi dû être envisagé que l’opération Orano
(cf. infra) soit financée par des crédits identifiés relevant du ministère de la
transition écologique.
III -
Une sous-exécution marquée
Les recettes ont été modulées à la baisse en cours d’exer
cice,
notamment du fait des annulations successives du P 358. Ce mouvement
se retrouve sur les crédits disponibles sur le CAS PFE et, corollairement
sur les dépenses effectivement engagées.
A -
Des crédits disponibles sur le CAS PFE moins élevés
que prévus
La LFI 2021 a ouvert 14,421 Md€ sur le programme 731 et 100 M€
sur le programme 732. Le montant total des crédits ouverts en LFI a été
complété par le report du solde de 2,455 Md€. Les autorisations
d’engagements ont donc atteint
un maximum de près de 17 M
d€.
Au fur et à mesure de l’année, en lien avec la relative amélioration
de la situation sanitaire et d’une anticipation de baisse des besoins en fonds
propres et quasi-fonds propres des entreprises du fait de la crise, des
annulations de crédits ont été décidées. En recettes, à la suite des deux
annulations observées sur le P358, les crédits potentiels dont le CAS
pouvait bénéficier en 2021 via ce programme
s’élevaient donc
à 4,067
Md€
16
.
La LFR
1 a ainsi annulé 5,2 Md€ sur le pro
gramme 731, en lien avec
l’annulation de 7,2 Md€ du programme
358 par le décret d’avance du 19
mai 2021, l’écart de 2 Md€ résultant de l’ouverture du programme 367. La
LFR 2 a également annulé les crédits ouverts sur le P732, pourtant
symboliques, de 100 M€.
Au total, le CAS PFE a
bénéficié de 9,2 Md€ d’ouverture nette de
crédits, auxquels s’ajoutaient la possibilité de mobiliser tout ou partie du
solde disponible (2,455 Md€), soit une capacité de dépense de 11,58 Md€.
16
Pour mémoire, les crédits sont débloqués opération par opération, par le CBCM, après
demande de l’APE et autorisation de la direction du budget
22
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 :
Autorisations d’engagements sur le CAS PFE
Source : Chorus, Cour des comptes
B -
Une exécution inférieure à la prévision, en recettes
comme en dépenses
a)
Une exécution à hauteur de 34 % de la prévision en recettes
L’exécution totale en recettes a été de 4,766 Md€,
soir 34 % de la
prévision dont elle est très éloignée de la prévision.
Cet écart provient principalement de la moindre utilisation du
programme
358
«
Renforcement
exceptionnel
des
participations
financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire » (cf. infra
). Alors
que plus de 11 Md€ de recettes devaient
venir de ce programme et que
même après les annulations successives, il représentait des recettes
potentielles de 4,067
Md€
pour le CAS, il n
a finalement été utilisé
qu’à
hauteur de 672 M€ du fait du faible nombre d’opérations liées à l’urgence
de la crise sanitaire. Même en tenant compte de
l’annulation de plus de
deux tiers de ces crédits, la sous-exécution sur ce programme reste massive,
de plus de 11,0 Md€ par rapport aux hypothèses de la LFI et de près de
3,4
Md€ par rapport à la LFR 2.
Hors du péri
mètre de l’APE, l’exécution n’est pas non plus en ligne
avec la prévision, même si cet écart important est moins marqué. Le
renforcement des fonds propres de l’Agence Française de Développement
(AFD) avait été évalué à 1,453 Md€ en LFI pour 2021, soit une
prévision
très légèrement supérieure à l’exécution en recettes et en dépenses
(1,420
Md€). Concernant les recettes du CAS PFE liées au PIA en
revanche, le PAP du programme 731 ne mentionne que 500 M€ de recettes
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
23
liées au PIA 3. Finalement, le CAS aura béné
ficié d’un abondement de
1,070 Md€ lié aux
recettes du PIA.
Tableau n° 1 :
Exécution des recettes du CAS PFE (en
M€
)
Source : APE
b)
48 % des crédits disponibles effectivement consommés
Sur ces 11,58 Md€, seuls 5,535 Md€ de crédits ont été consommés,
soit 48 % des crédits disponibles sur le compte tenant compte des
ouvertures et annulations de crédits sur les programmes 731 et 732.
Budget général (P.367)
Abondement pour le financement d'opérations
patrimoniales envisagées pour 2021
1 000
Budget général (Urgence - P.358)
Augmentation de capital d'Air France
516,8
1 517
Naval Group
Remboursement d'une avance en compte courant
accordée en juin 2020
76,7
Agence France Presse
Remboursement d'un prêt accordé en 2011
20
Consortium de réalistion
Complément de prix suite à une cessions d'actions en
2018
6,5
SOFRESA
Boni de liquidation
0,1
103,3
1 620
Budget général (P.358)
Abondement pour la première souscription au Fonds
d'Avenir Automobile 2
105
Budget général (P.358)
Abondement pour la souscription au Fonds France
Nucléaire
50
Budget général (P.365)
Abondement pour la dotation en capital de l'Agence
Française du Développement (AFD)
1 420
Budget général (P.422 et 423)
Abondement pour le financement des PIA 3 et 4
1 070
Budget général (P.144)
Fonds Innovation Défense
20
Budget général (P.363)
Fonds de fonds France Etat- Régions
15
Budget général (P.144)
Fonds Desinvest
10
2 690
EPIC / CDC
Retours sur investissements au titre des PIA 1, 2 et 3
345
Bpifrance Investissement
Distributions de fonds divers
78,4
Mécanimse européen de stabilité
Indemnisation de parts dans le cadre de l'entrée au
capital du MES de la Slovaquie
27,6
CEA Investissements/CNRS
Remboursement partiel d'avances en capital
2,6
AFD
Cessions de titres détenues par l'AFD pour le compte
de l'État
2,6
456
3 146
4766,5
14 005
Opérations relevant du périmètre de l'APE
Opérations hors périmètre de l'APE
Prévisions Recettes CAS PFE en LFI 2021
Sous total - Versement du budget général
Sous total - Hors budget général
Total hors périmètre APE
TOTAL Recettes CAS PFE
Sous total - Versement du budget général
Sous total - Activité de l'APE
Total du périmètre APE
24
COUR DES COMPTES
Sur les 14,421 Md€ ouverts en LFI au titre du programme 731, la
documentation annexée au PLF en explicitait 1,755 Md€.
Sur le périmètre de l’APE, les montants présentés relevaient
d’opérations de moindre taille
: une souscription au capital de la Société
pour le Logement Intermédiaire (SLI) était prévue pour 111 M€ ainsi que
60,2 M€ pour le financement de plans de transfor
mation dans le secteur
audiovisuel public.
Hors du périmètre de l’APE, les prévisions de dépenses identifiées
au moment du PLF concernaient le renforcement en fonds propres de
l’Agence française de développement (AFD) pour
1 453
M€,
des
investissements en fonds propres au titre du troisième programme
d’investissement d’avenir (PIA 3) pour 500 M€ et des opérations
concernant les banques multilatérales de développement pour 131 M€.
Certaines ouvertures de crédits afférant à ces dépenses ont ensuite été
modifiées par la LFI : le programme «
Renforcement des fonds propres de
l'Agence française de développement »
a finalement bénéficié de 1,453
Md€ d’AE/CP.
En plus de ces opérations déjà identifiées, le solde des crédits
ouverts, soit 11 210 M€, devait servir p
rincipalement au financement
d’opérations ayant pour finalité de renforcer les ressources des entreprises
stratégiques jugées vulnérables (via donc un financement en recettes par le
programme 358) pour un montant prévu de près de 11,7 Md
ainsi que de
nouv
elles opérations en capital pour un montant notionnel évalué à 210 M€
dont le caractère était confidentiel.
Finalement, les opérations d’urgence ou de relance n’ont pas pris
l’ampleur attendue
: sur le périmètre APE, 2,83 Md€ ont finalement été
consommés,
dont seulement 0,6 Md€ au titre de l’urgence ou de la relance.
Hors périmètre APE, les opérations d’urgence ou de relance sont des appels
pour la constitution de fonds sectoriels (cf. infra) dont la portée est pour le
moment limitée (47 M€). Au total, les opérations d’urgence ou de relance
se montent à moins de 700 M€. L’écart avec les crédits initialement ouverts
ou avec les crédits disponibles après annulations peut être imputable à la
difficulté de prévoir les besoins en fonds propres et quasi-fonds propres des
entreprises dans un contexte économique incertain. Toutefois, l’ampleur de
cet écart et l’absence d’annulation de crédits en LFR 2 suscitent des
interrogations.
L’exécution est finalement résumée, par type d’opération et
périmètre (APE, hors APE) dans le tableau ci-dessous.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
25
Tableau n° 2 :
Dépenses du CAS PFE (en M€)
Source APE
Air France KLM
Augmentation de capital
593
593
Orano/Areva
Rachats d'actions Orano auprès d'AREVA SA ou de la
CDC
1 782
LFB
Souscription par l'État à des augmentations de capital
310
Société pour le logement
intermédiaire (SLI)
Libération de capital au titre d'une souscription en 2015
62
LFB
Versement au titre d'une avance en compte courant
47,3
Radio France
Augmentation de capital
18,5
France Télévisions
Augmentation de capital
15,2
CGMF
Libération de capital au titre d'une souscription en 2017
2
2 237
2 830
Bpifrance Investissement
Appel de tranche initiale FAA2
31,5
Siparex
Appel de tranche initiale Fonds France Nucléaire
10
Fonds Ace Aéro
Partenaires
2ème et 3ème appels de fonds
5,85
47,35
AFD
Dotation en capital
1 420
CDC/EPIC
Bpifrance/ADEME
Versement au titre d'opérations en fonds propres des PIA
1 070
BIRD
3ème versement au titres de souscriptions réalisées en
2018 et 2019
46,5
Société financière
internationale
Libération de capital suite à une augmentation de capital
réalisée en 2018
43,8
Banque africaine de
développement
Libération de capital suite à une augmentation de capital
28
Bpifrance Investissement
1er appel pour le Fonds Innovation Défense (tranche
initiale)
20
Bpifrance Investissement
1er appel pour le Fonds de fonds État-Régions (tranche
initiale)
15
Bpifrance Investissement
Versement du 6ème appel du fonds Desinvest
10
Campus cyber
Augmentation de capital
3,5
Banque ouest africaine de
développement
7ème libération de l'augmentation de capital de 2010
0,5
Société interaméricaine
d'investissement
6ème tranche de l'augmentation de capital de 2015
0,4
2 658
2 705
5 535
14 521
Prévisions Dépenses CAS PFE en LFI 2021
Opérations relevant du périmètre de l'APE
Opérations hors périmètre de l'APE
Sous total - Dépenses d'urgence ou de relance
Sous total - Hors urgence ou relance
Total hors périmètre APE
TOTAL Dépenses CAS PFE
Sous total - Dépenses d'urgence ou de relance
Sous total - Activité de l'APE hors urgence ou relance
Total du périmètre APE
26
COUR DES COMPTES
C -
Le moindre poids des dépenses du périmètre de
l’APE
Les poids relatifs des périmètres APE et hors APE en dépenses du
CAS évoluent selon les années : en 2019, 52 % des dépenses relevaient du
périmètre de l’APE. Cette proportion atteignait 75
% en 2018.
En 2020, pour un total de dépenses du CAS PFE de 11 701
M€, les
opérations d’urgence et de relance dépendant du périmètre de l’agence
avaient représenté 8
084 M€, les autres opérations du pér
imètre
APE, 2 471,5
M€ et les opérations hors APE, 1
145 M€. L’APE pilotait
donc 90 % des dépenses du CAS. Même en sortant les dépenses d’urgence
ou relance, les dépenses relevant du périmètre de l’APE était plus de deux
fois supérieures aux dépenses hors
du périmètre de l’agence.
Ce constat ne peut pas être reconduit en 2021. La part des dépenses
du périmètre de l’APE au sein du CAS a en effet notablement diminué,
l’APE ne représentant plus que 51 % des dépenses du CAS en 2021.
Ces
mouvements qui font considérablement évoluer le poids relatif entre
périmètre APE et périmètre non APE constituent
un point d’attention dans
la mesure où cela
diminue d’autant la responsabilité réelle du responsable
du programme du CAS PFE qu’est le commissaire aux participation
s de
l’État. Celui
-
ci n’est finalement décisionnaire que sur à peine plus de la
moitié des dépenses du CAS.
IV -
Un solde d’exercice fragile, une structure
générale loin de la prévision
La clôture de l’exercice 2020 avait permis d’établir le solde de fin
de ge
stion du CAS à 2,455 Md€, reportés en 202
1. À fin 2021, le solde du
CAS, tenant compte donc des mouvements de cours d’année, est de
1,686
Md€. Ce niveau est inférieur à la moyenne du solde du CAS en fin
d’exercice sur les cinq dernières années, renforçant
les incertitudes sur son
caractère autosuffisant pour 2022.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
27
Graphique n° 4 :
Solde du CAS en fin d’exercice
Source : direction du budget
La photographie à la clôture de l’exercice occulte de plus les
évolutions du solde au cours de l’année. Le programme 367 a été mis en
place car le solde du CAS, s’il devait faire face à des opérations de montant
important (Orano, cf. infra), pouvait atteindre ensuite un niveau jugé trop
faible par l’APE pour faire face à la suite de l’exercice. La mobilisation du
programme 358 pour les o
pérations Orano n’était pas possible dans la
mesure où ces opérations n’avaient pas de rapport avec la crise sanitaire.
Ces inquiétudes face à l’insuffisance du CAS et de son solde ont justifié la
volonté de l’APE d’utiliser le programme 367 pour créer un
coussin de
liquidité. Non seulement il s’agissait pour l’agence de faire face aux
opérations immédiatement à venir suite au quasi épuisement du solde du
CAS après les opérations Orano (justification de 1 Md€ sur les
2 Md€ du
programme) mais elle souhaitait également anticiper la réalisation possible
d’une
autre
opération sur la seconde partie d’année (justification de 1 Md€
sur les 2 Md€ du programme). L’opération ayant été reportée, les recettes
n’ont finalement pas abondé le CAS et ce milliard
a été reporté en 2022.
Le versement de 1 Md€ venant en recettes du programme 367 a
permis d’éviter que le solde du CAS ne soit négatif à un moment de
l’année. À la clôture, sans ce versement, le solde du CAS aurait été
inférieur à 700 M€, soit un chiffre historiquem
ent bas.
Les mouvements intervenus sur le CAS depuis deux ans montrent
les grandes difficultés de l’APE à anticiper le financement des besoins de
ses participations, ce qui est compréhensible dans le cas de l’urgence de la
crise sanitaire mais qui l’est m
oins sur des opérations plus prévisibles ou
sans lien avec la crise. Ils soulignent également le pilotage et la capacité
d’anticipations limités de la gestion du CAS PFE.
28
COUR DES COMPTES
Schéma n° 1 :
Synthèse de l’équilibre du CAS en 2021
Source : APE, Cour des comptes
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
29
Chapitre II
Les lignes directrices peu perceptibles
des programmes 731 et 732
I -
Le programme 731, des dépenses d’ampleur
et de nature diverses
A -
Deux opérations principales dans le périmètre de
l’APE, dont l’une seulement liée à la crise
1 -
Le soutien à Air France KLM : un engagement
fort de l’État
Air France KLM avait bénéficié au printemps 2020 d’un soutien
étatique sous deux formes : un prêt garanti par l’État de 4 Md€ et un prêt
d’actionnaire de l’État d’un montant de 3 Md€ et d’une maturité de 4 ans
avec deux options d’extension
d’un an consécutives exerçables par Air
-
France KLM. Seul le prêt d’actionnaire relevait du programme 358 et il
avait été octroyé le 6 mai 2020.
Les deux appels de fonds y afférant sont intervenus le
30 novembre
2020 (1 Md€) et le 15 décembre 2020 (2 Md€)
.
Le 6 avril 2021, le groupe Air France - KLM a annoncé un plan de
mesures de renforcement du capital avec pour objectif de renforcer son
bilan, de préparer la reprise et de repositionner le groupe sur une trajectoire
financière durable. Les mesures se décomposaient en une augmentation de
capital, et, presque simultanément, la conversion du prêt direct de l’État
français de 3 Md€ en instrument obligataire hybride perpétuel.
Ainsi le 14 avril 2021, conformément à l’arrêté en date du
12 avril
2021 l’y autorisant, l’État a souscrit à l’augmentation de capital de
la société Air France - KLM pour 122 560 251 actions au prix unitaire de
souscription de 4,84€ soit pour un total de 593 M€. Le règlement des titres
est intervenu le 22 avril 2021. Dans le cadre de cette augmentation de
30
COUR DES COMPTES
capital, Air France KLM a émis 213 999 999 actions nouvelles portant la
participation directe de l’État à 28,60 %.
Parallèlement, l’État a souscrit le 20 avril 2021 à 3 Md€ de titres
super subordonnés à durée indéterminée (TSS). Conformément à la
décision du ministre de l’économie, des finances et de la relance du
20 avril
2021 et à la convention de compte courant d’actionnaire en date
du 6
mai 2020 conclue entre l’État et la société Air France KLM et
modifiée par un avenant n°1 en date du 20 avril 2021, le règlement est
intervenu le même jour par conversion en TSS de l’avance en compte
courant d’actionnaire du même montant accordée en 2020.
Ce changement n’est pas anodin
: l’avance de 3 Md€ accordée à Air
France en 2020 s’apparentait d’u
n point de vue comptable à un prêt
classique. Or, d’un point de vue juridique, le traitement des titres super
subordonnés est différent. Ces titres super subordonnés « à durée
indéterminée
» se rapprochent en pratique d’un prêt sans échéance
contractuelle
; c’est l’émetteur (Air France) qui décidera du moment
auquel il remboursera le prêteur. Tous les autres créanciers détenteurs de
dette sont prioritaires sur le détenteur de ces titres, c’est
-à-
dire l’État
17
.
Même s’il convient de relativiser le classement
des créanciers selon
leur rang de priorité, puisqu’il n’entre en jeu qu’en cas de liquidation de la
société, le rang du créancier d’un titre subordonné reste moins favorable
que celui d’un créancier standard.
2 -
Les rachats de titre Orano, des opérations insuffisamment
anticipées
La refonte de la filière nucléaire française décidée au printemps
2015 avait conduit à une restructuration profonde du groupe AREVA. En
2017, AREVA avait été séparée en plusieurs entités, dont AREVA SA. Le
champ d’action très réduit
de cette entité se focalise sur la finalisation du
chantier de construction d’un réacteur EPR sur le site nucléaire
d’Olkiluoto, en Finlande
18
et l
’État
en est le seul actionnaire.
De son côté, New AREVA, autre entité issue de la séparation,
devient ensui
te Orano le 23 janvier 2018 et à fin décembre 2020, l’État
17
Seuls les actionnaires demeurent « derrière » les détenteurs de ces titres. Dans le
référentiel comptable international, ces titres ne sont pas classés en dettes financières
mais en fonds propres.
18
Le chargement du combustible nucléaire est intervenu au cours de la dernière semaine
de mars 2021. Les prochaines étapes attendues pour le projet sont la première connexion
au réseau en 2022, et la génération régulière d’électricité.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
31
détenant 50 % du capital d’Orano et AREVA SA, 20 %. Orano n’est pas
coté.
Dans sa décision du 10 janvier 2017
19
, la Commission européenne
avait expressément considéré que la cession de la participation par AREVA
SA au capital d’Orano pourrait constituer un moyen pour AREVA de faire
face à ses besoins de financement, notamment dans le cadre de
l’achèvement de l’EPR finlandais.
Dans le cadre des négociations relatives à la conclusion d’un
avenant à un accord prévoyant les modalités de financement du chantier de
l’EPR d’Olkiluoto
20
,
le conseil d’administration d’AREVA SA du
18
décembre 2020 a approuvé le principe d’une cession par AREVA SA
de titres Orano à l’État, dans la limite de 16 % du capital, afi
n de couvrir
le besoin de financement d’AREVA SA à l’horizon du premier semestre
2021 et sécuriser le financement du projet.
En parallèle, le 9 mars 2018, un groupe de banques et de fonds
d’investissement avait alloué à AREVA SA un prêt de 275 M€ arrivant
à
échéance le 31 décembre 2022 et sécurisé par 10 % du capital d’Orano
placés auprès de la Caisse des dépôts et consignations
21
. Or, ces banques
et fonds bénéficiaient d’un droit de cession prioritaire des titres en cas de
transfert envisagé de titres Oran
o entre AREVA SA et l’
État. Leur accord
était donc nécessaire pour la cession des titres envisagée par le conseil
d’administration mentionné ci
-dessus.
Le transfert des titres Orano d’AREVA SA vers l’État, destiné à
sécuriser le financement du projet d’EPR, s’est fait en trois étapes.
Un accord a été donné par les actionnaires pour le transfert à l’État
de 4 % du capital d’Orano destiné à couvrir le besoin de financement
d’AREVA SA à l’horizon du premier semestre 2021. Par arrêté signé du
ministre de l’éc
onomie des finances et de la relance le 12 février 2021,
l’État a ainsi acquis 10 566 111 actions, soit 4,0 % du capital d’Orano SA
19
f, point 278
20
Les termes de finalisation du chantier de l’EPR d’Olkiluoto (financement et régime
des pénalités de retard) avaient été prévus par un accord le 27 mars 2018 entre AREVA
SA, Siemens (qui travaille avec AREVA sur le projet) et leur client local, le producteur
finlandais d’électricité TVO.
21
Dans le cadre d’une fiducie. Mise en place par la loi du 19 février 2007 modifiée par
la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, la fiducie est définie par l'article
2011 du Code civil. La fiducie est
« l'opération par laquelle un ou plusieurs
constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens,
droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant
séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou
plusieurs bénéficiaires ».
32
COUR DES COMPTES
auprès d’AREVA SA, pour un prix de 224, 8 M€. Le flux sur le CAS date
du 22 février 2021.
La seconde étape est l’acquisition
par l’
État de 12 % du capital
d’Orano, autorisée par arrêté du ministre de l’économie, des finances et de
la relance en date du 2 juillet 2021. Or cette opération a dû être précédée
d’une opération visant à «
désintéresser » les banques et fonds
d’investissement qui, au titre du prêt de 275 M€ mentionné plus haut,
avaient un droit de cession prioritaire des titres Orano sécurisant ce prêt.
Les banques et fonds ont en effet dans un premier temps refusé cette
cession de 12 % du capital d’Orano à l’État. Les
procédures contractuelles
obligeaient alors l’État à racheter les titres sécurisant le prêt, soit 275 M€
de titres correspondant à 4,59 % du capital d’Orano, avant de pouvoir
acheter effectivement à AREVA le reste des titres Orano représentant 12
% du capital.
Une première opération correspondait donc au désintéressement du
groupe de banques et fonds d’investissements, représentant un flux de
275
M€ à destination de la Caisse des dépôts et consignations (pour le
compte du groupe de banques et de fonds d’in
vestissement) le
12 juillet 2021
22
. Une seconde a eu lieu le 13 juillet 2021 visant cette fois-
ci l’acquisition par l’État de 31 698 333 actions de la société Orano, soit
environ 12 % du capital de la société
23
, résultant en un flux sur le CAS PFE
de 719
M€ à destination d’AREVA SA.
Enfin, une dernière étape a été effectuée par l’arrêté du 23
septembre
2021 autorisant l'acquisition par l'État de 24 830 361 actions de la société
Orano SA. La logique de cette opération est toujours la sécurisation
financière d’AREVA, non pas dans le cadre de l’EPR finlandais cette fois
-
ci mais suite à des différends avec EDF. En effet, l’achat par l’État de ces
actions, qui représentaient environ 9,4 % du capital d’Orano et un flux sur
le CAS de 563 M€, a été fait dans le cadre d’un accord conclu entre
AREVA et EDF le 29 juin 2021. Il prévoyait le paiement par AREVA à
EDF d’une indemnité transactionnelle de 563
M€ afin de clore l’ensemble
des différends entre EDF et AREVA relatifs à un contrat conclu en 2017.
AREVA et l’État avaient conclu à cette fin un contrat de cession d’actions
à terme le 29 juin 2021 portant sur 24 830 361 actions Orano, réalisé le 1
er
octobre 2021, les liquidités ainsi reçues par Areva permettant de payer
l’indemnité due à EDF.
22
Arrêté du ministre de l’économie, des finances et de la relance en date du
2 juillet 2021
23
Arrêté du ministre de l
’économie, des finances et de la relance en date du 2 juillet
2021
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
33
Au total, l’État a racheté à
AREVA l’ensemble de sa participation
dans Orano dont il est désormais actionnaire à près de 80 %. Ces différentes
opérations ont représenté un montant total de 1 782 M€ en dépenses sur le
CAS et appellent plusieurs remarques.
D’abord, elles ont représent
é, en cumulé, le flux le plus élevé du
CAS PFE en 2021, contribuant fortement au besoin de financement du
compte d’affectation spécial et à la fragilisation de sa trésorerie en cours
d’exercice.
On ne trouve pas de trace de la prévision de ces opérations dans les
documents relatifs à la loi de finances initiale pour 2021 alors que plusieurs
de leurs volets étaient relativement prévisibles. Le conseil d’administration
d’AREVA autorisant les cessions de titres date du 18
décembre 2020. En
parallèle, le derni
er achat de titres résulte d’un contentieux avec EDF datant
de plusieurs années. Or, l’importance de telles opérations suppose un délai
de réflexion en amont, ce d’autant qu’elles portent en fait sur des retards
dans la gestion de l’EPR ou sur des différen
ds avec EDF ayant émergé
depuis plusieurs années. La genèse des différentes opérations ne date donc
pas de 2021. Le PLF ne mentionne aucune opération de cette envergure.
En lien avec cette difficulté de prévision, des informations auraient
pu être communiquées à la représentation nationale dans le cadre des
discussions de la LFI pour 2021, au moins assorties d’un montant indicatif
ou sous la forme de point d’attention. Orano est une société non cotée mais
émettrice de titres de dette. Cette caractéristique,
si elle peut justifier d’une
certaine prudence dans la communication, ne doit pas conduire à une
absence quasi totale d’information transmise au Parlement.
Enfin, il convient de mentionner le fait que l’APE ait été contrainte
par les clauses contractuell
es existantes d’acheter les titres détenus par la
Caisse des dépôts et consignations pour le compte du groupe de banques et
de fonds d’investissements.
B -
Une multiplication des fonds sectoriels sans pilotage
d’ensemble
1 -
Des opérations plus nombreuses du fait de la crise, quoi que de
montant encore limité
La crise sanitaire est venue renforcer une tendance qui émergeait
déjà à savoir la prise de participations par l’État dans des PME et PMI par
l’intermédiaire de fonds sectoriels. Le nombre d’opérations liée à des fonds
et transitant par le CAS PFE a ainsi augmenté, ce qui révèle une nouvelle
dimension de la stratégie patrimoniale de l’État, comme (co)investisseur
dans des fonds et non plus seulement actionnaire direct d’entreprises.
34
COUR DES COMPTES
Tableau n° 3 :
Principaux fonds sectoriels
Source : APE, Ace Management se présente maintenant comme Tikehau Ace Capital
P144 : « Environnement et prospective de la politique de défense »
P 358 : « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le
cadre de la crise sanitaire »
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
35
En 2021, les principales opérations liées aux fonds auxquels l’État a
souscrit ont été les suivantes :
Fonds avenir automobile 2
À la suite de l’annonce par le Président de la République du soutien
à la filière automobile en mai 2020, les souscripteurs actuels du Fonds
d’Avenir Automobile ont créé un nouveau fonds d’investissement visant à
soutenir la filière automobile, le FAA2. Il est structuré en deux
compartiments. Le premier, qui représente au moins 80 % de l’engageme
nt
de souscription, est destiné à investir directement dans les entreprises de la
filière automobile, et le second, de 20 % maximum, destiné à investir au
sein de fonds d’investissements privés, dans une logique de fonds de fonds.
En application de l’arrêté du 18 janvier 2021 du ministre de l’économie,
des finances et de la relance, l’État a souscrit à 105 000 parts du FAA2 de
1000
€ chacune, soit un total de 105 M€. À la suite de l’appel de la tranche
initiale du FAA2 le 26 janvier 2021, il a été procédé au versement de cette
tranche de 31,5 M€ (soit 30 % de la souscription) le 5 février.
Fonds Ace Aéro Partenaires
Dans le cadre du plan de soutien aéronautique présenté par le
gouvernement le 9 juin 2020, le Ministre de l’économie, des finances et de
la rela
nce a autorisé, par arrêté du 27 juillet 2020, la souscription de l’État
à hauteur de 150 M€ au fonds d’investissement aéronautique ACE Aéro
Partenaires aux côtés d’autres investisseurs (souscription de diverses
entreprises du secteur aéronautique à hauteu
r de 200 M€, de Bpifrance
Participations à hauteur de 50 M€, de Tikehau Capital à hauteur
de 230
M€).
La souscription par l’État au Fonds Ace Aéro Partenaires est
intervenue le 30 juillet 2020.
À la suite de divers appels de fonds (appels de fonds au titre des
tranches initiales et tranches différées), cinq libérations sont intervenues
pour un montant global de 12,375 M€ financés sur les disponibilités du
CAS PFE, dont 2 en 2021 pour un total de 5,85 M€. Ce dernier a fait l’objet
préalablement à ces op
érations à l’abondement en recettes à hauteur
de 150
M€ via le Programme 358.
Le solde de recettes disponibles à ce jour sur le CAS PFE pour le
financement des prochains appels de fonds au titre de ce Fonds s’élève
à
137,625 M€.
Fonds France Nucléaire
L’État et EDF ont annoncé le 21 octobre 2021 la création d’un fonds
visant à soutenir la filière nucléaire. Il a pour objectif un montant
de 200
M€ d’investissements et sera souscrit à hauteur de 100 M€ au
maximum par l’État et à hauteur de 100 M€ par EDF. C
onformément à
36
COUR DES COMPTES
l’arrêté du 7 octobre 2021 du ministre de l’économie, des finances et de la
relance, l’État a souscrit à ce fonds pour un montant total de 50 M€. À ce
jour, une seule libération est intervenue à hauteur de 10 M€ à partir des
disponibilités du CAS PFE, celui-
ci ayant bénéficié d’un abondement
préalable du CAS PFE en recettes à partir du Programme 358 à hauteur
de
50 M€.
Le solde de recettes disponibles à ce jour sur le CAS PFE pour le
financement des prochains appels de fonds au titre de ce Fon
ds s’élève
à 40
M€.
Fonds Innovation Défense
Le ministère des Armées a souhaité compléter sa palette de
dispositifs de soutien par un outil d’intervention en fonds propres et quasi
-
fonds propres pour soutenir les start-ups, PME et ETI dont le
développement est tiré par l'innovation. Un nouveau fonds, le Fonds
Innovation Défense a ainsi été créé fin 2021. L’État a souscrit au Fonds
Innovation Défense le 1
er
décembre 2021 pour 200 000 parts A1 à hauteur
de 200 M€ conformément à l’arrêté en date du 8 juillet
2021 du ministre
de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre des armées.
Une première libération est intervenue le 21 décembre 2021 à hauteur
de 20
M€ après un abondement préalable à due concurrence du CAS PFE
via le Programme 144
« Environnement et prospective de la politique de
défense ».
2 -
Une gestion délicate, un suivi des risques insuffisant
L’utilisation des fonds permet d’investir dans des entreprises plus
petites mais plus nombreuses et réunies par un thème commun. Elle permet
aussi dans certains cas une association avec de grandes entreprises du
même secteur qui en connaissent mieux le fonctionnement que l’État
actionnaire.
Pour autant, cette pratique présente certaines limites qu’il convient
de souligner.
D’abord, le métier d’inv
estisseur dans des fonds est différent du
métier d’actionnaire exercé par l’APE. Il fait intervenir des logiques
financières inhabituelles pour l’agence (libération de capital, etc.), la
temporalité de l’investissement est différente et les modalités de so
n
rendement le sont également. Une société est certes chargée de gérer le
fonds, mais l’État doit être capable de s’assurer que les participations
correspondent à ses objectifs prioritaires, ou encore de la qualité des
entreprises sélectionnées par le fonds. Ces investissements reposent donc
sur des compétences spécifiques qui sont en cours de renforcement partiel
à l’APE. Le montant des sommes investies
via
des fonds, qui pourrait
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
37
croître dans les prochaines années
24
, nécessite en effet une adéquation entre
les enjeux et les compétences disponibles.
Cette expertise est d’autant plus
indispensable qu’une utilisation accrue de ces fonds suppose une
dissémination plus grande des investissements. Un nombre plus élevé de
petits investissements nécessite un suivi
attentif et l’utilisation d’outils de
pilotage permettant d’appréhender les risques d’ensemble.
Par ailleurs, la multiplication récente des fonds sectoriels pose la
question de
la logique pour l’
État
d’investir
dans ces fonds alors que
Bpifrance et la Caisse des Dépôts et Consignations le font déjà, et
qu’aucune doctrine d’ensemble n’a été établie à ce stade pour donner une
cohérence à ce type d’investissements.
Le financement de ces fonds par le CAS PFE nécessite aussi que
soit clarifiée la pratique budgétaire pour les abonder. Les souscriptions de
l’
État sont en effet appelées au fur et à mesure des opérations réellement
réalisées. Pourtant, pour certains fonds financés dans le cadre du plan de
relance (fonds automobile, fonds nucléaire, fonds aéronautique), le CAS a
été abondé dès 2021 à hauteur de la totalité des fonds souscrits et non au
regard des besoins réels liés aux appels de 2021. Il en résulte un écart entre
les flux en recette sur le CAS (abondement lié à la souscription du capital
par l’Éta
t) et le flux en dépense (capital libéré, effectivement investis).
Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessus, il existe pour certains
fonds des crédits bloqués sur le CAS PFE en attente d’utilisation
: ils sont
de 137,625 M€ pour le fonds Ace Aéro Parte
naires, 40
M€ pour le fonds
France nucléaire ou 73,50 M€ pour le fonds d’avenir automobile 2, soit un
total de plus de 250
M€.
Il est certes
difficile d’estimer à l’avance quelle
sera l’activité d’investissement des fonds sur l’année à venir
. Néanmoins
ce choix de budgétisation peut aboutir à des reports de crédits importants,
via
le solde du CAS, et ces crédits nécessite un suivi distinct du reste du
solde qui n’est pas affecté
.
Enfin, les hypothèses de retour sont aujourd’hui mal connues et il
n’existe pas de stratégie affichée sur l’utilisation qui sera faite de ces
retours, qui sont affectés au CAS (contrairement aux dividendes des
entreprises dont l’État est actionnaire). Les retours financiers atteignent
426 M€ en 2021, soit un montant nettement supéri
eur à celui perçu en 2020
(environ 88 M€). Ils sont affectés au CAS en recettes mais il est très
difficile de les estimer
ex ante
, car ils dépendent des choix de gestion en
cours d’exercice.
24
Le PLF 2022 mentionnait une prévision d’investissement de 2,9
Md€ via des fonds
pour 2022.
38
COUR DES COMPTES
Recommandation n°1 (APE, DB) : D
écrire, à l’occasion du prochain
projet de loi de finances, la doctrine de recours par
l’État à des fonds
d’investissement
.
Enfin, le risque financier que représentent les principales
participations détaillées ci-dessus doit être complété sur deux aspects.
D’abord, le risque supporté
in fine
par l’État investisseur dans des
fonds sectoriels doit inclure les participations indirectes prises par exemple
par Bpifrance dont l’État est actionnaire. Bpifrance Participations a par
exemple participé à hauteur de 50
M€ au fonds Ace Aéro Partenaires, ou à
hauteur de 75 M€ pour le fonds d’avenir automobile 2.
D’autre part, en plus des fonds mentionnés ci
-dessus, des investissements
sectoriels dans des entreprises sont réalisés au titre des PIA en transitant
par le CAS PFE. Toutefois, le suivi de ces investissements relève plus de
la mission Investissements d’avenir que du CAS PFE qui n’en est que
l’outil budgétaire. Le passage de ces fonds par le CAS est conforme à
l’article 21 de la LOLF. L’importance croissante donné
e aux PIA ne fait
que renforcer la question, soulevée en 1.3.3, du responsable effectif de ces
dépenses. En effet, le responsable de programme du CAS PFE est le
commissaire aux participations de l’État, il n’est donc pas compétent sur
une part importante du périmètre du CAS, notamment ce qui relève des
PIA. La Cour souligne cette organisation peu responsabilisante dans son
rapport sur le Programme d’investissement d’avenir
25
.
C -
Le suivi non consolidé de la conditionnalité en
matière de responsabilité sociale, sociétale et
environnementale des opérations financées par l’aide
d’urgence
À
l’occasion des dépenses exceptionnelles financés dans le cadre
de la crise sanitaire puis la relance, cette dimension a également été
intégrée. L’article 22 de la loi n°2020
-473 du 25 avril 2020 de finances
rectificative pour 2020 (LFR2) précise que
« L'Agence des participations
de l'État veille à ce que (les entreprises bénéficiaires de l’aide d’urgence
au titre du programme 358) intègrent […] les objectifs de responsabilité
sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en
matière de lutte contre le changement climatique ».
25
«
Le Programme d’investissement d’avenir, un acquis à consolider, un rôle
spécifique à mieux définir ».
Octobre 2021, page 74.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
39
En lien avec cette conditionnalité, en avril 2021, le gouvernement
devait avoir remis un rapport au Parlement « détaillant le bon usage des
ressources publiques ainsi que l'état de la mise en œuvre des objectifs de
responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans la stratégie des
établissements et sociétés, cotées et non cotées, contrôlées par l'État,
notamment en matière de lutte contre le changement climatique et de
respect de l'Accord de Paris sur le climat ». Ce rapport a été écrit et remis
par l’APE. Il détaille précisément les efforts réalisés par EDF et les moyens
que l’entreprise a mis en œuvre (94 % des investisseme
nts du groupe en
2020 sont réalisés en conformité avec l’objectif de neutralité carbone par
exemple) mais également pour la SNCF, bénéficiaire d’une augmentation
de capital en décembre 2020 dont le caractère urgent pouvait être remis en
question.
S’agissant d’A
ir France-
KLM, le soutien de l’État français s’est
accompagné d’engagements réaffirmés de la compagnie sur le plan
environnemental contribuant à faire baisser les émissions de CO2 du
groupe, en cohérence avec les budgets carbone sectoriels de la SNBC
26
:
réduction de 50 % des émissions de CO2 par passager/km d’ici 2030 par
rapport à 2005, réduction de 50 % du volume d’émissions des vols
métropolitains au départ d’Orly et de région à région d’ici fin 2024
notamment. Ces engagements ont été détaillés dans un rapport
ad hoc
de
la déclaration de performance extra financière mais n’ont pas été
consolidés
dans le rapport précédemment évoqué, alors que l’entreprise a
fait partie des principaux bénéficiaires de l’aide d’urgence.
De plus, si le respect des engagements sociaux et environnementaux
est analysé pour certaines des grandes entreprises bénéficiaires de l’aide
d’urgence, cette dimension est absente des différents véhicules multi
-
entreprises créées en 2020 et 2021 et abondés par le programme 358 (fonds
Ace Aéro Partenaires, France Nucléaire et Avenir Automobile 2).
S’il relève bien
de la responsabilité de la société de gestion de
chaque fonds, et non de l’APE, de suivre et prendre en compte l’analyse
des critères RSE dans leurs processus de décision et
d’investissements
,
l’
État comme souscripteur de ces fonds, est directement concerné par leurs
effets sociaux et environnementaux. En conséquence,
l’agence
aurait pu
intégrer dans le rapport à destination du Parlement les modalités de suivi
et de contrôle des actions des sociétés de gestion dans ce domaine.
26
Stratégie Nationale Bas Carbone : feuille de route nationale pour lutter contre le
changement climatique, introduite par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la
transition énergétique pour la croissance verte.
40
COUR DES COMPTES
II -
Le changement d’optique du programme
732 «
Désendettement de l’État et
d’établissements publics de l’État
»
Le programme 732 avait été créé à la suite de la décision du Conseil
constitutionnel du 29 décembre 2005, les comptes spéciaux ne pouvant
comporter de programme unique. Si les dépenses de désendettement
effectuées par ce programme étaient de 0,8 Md€, elles ont diminué
fortement depuis, en étant soit nulles soit à hauteur de 0,1 Md€ par an
depuis 2016.
Cela représentait une programmation symbolique de 100
M€
d’AE/CP en LFI 2021, un faible niveau de désendettement étant cohérent
avec les fortes dépenses effectuées dans le cadre de l’urgence et de la
relance. La LFR 1 n’avait pas modifié cette programma
tion mais les crédits
sont annulés par la LFR 2
27
.
En revanche, la loi de finances initiale pour 2022 apporte une
modification substantielle à ce programme.
À l’origine, le programme 732 devait retracer les contributions
apportées au désendettement de l’É
tat et des établissements publics de
l’État (APU) à partir principalement de la meilleure valorisation possible
des participations financières de l’État. Au moyen d’apports financiers
résultant des cessions de participations financières, l’État doit venir
réduire
les dettes qu’il a contractées. Or, du fait de la situation sanitaire, les
opérations de désendettement
via
le programme 732 ont été interrompues
en 2020 et 2021.
La loi de finances initiale pour 2022 crée le programme 369
28
« Amortissement de la dette de l'État liée à la COVID-19 » au sein de la
mission
Engagements financiers de l’État
.
Selon l’exposé des motifs du
PLF 2022,
«
l’État souhaite néanmoins afficher, dès 2022, une trajectoire
d'apurement de la dette née de la crise sanitaire. Il s’agit ainsi d’amortir
sur une période de 20 ans
2022 à 2042 - le montant de la dette "COVID"
contractée dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire qui s’élève
aujourd’hui à 165 Mds€ au moyen de dotations annuelles auprès de la
Caisse de la dette publique (CDP).
Sur le fondement de l’article 48 de la
LFI pour 2006
29
qui retrace les typologies de recettes et de dépenses du
CAS PFE en y autorisant notamment comme dépense les dotations à la
27
État D de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour
2021.
28
État B de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.
29
Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
41
Caisse de la dette publique, il a été décidé de retracer ces mouvements
budgétaires sur le CAS PFE. Les AE du programme 369 sont de 165 Md€,
évaluation faite du montant total de la dette liée au COVID-19. Le montant
annuel des CP y afférant (1,885 Md€ pour 2022) résulte d’une formule
d’amortissement de la dette établie par l’Agence France Trésor, en charge
de l’émission et de la gestion de la dette de l’État.
L’utilisation d’un programme spécifique pour le remboursement de
la dette COVID est justifiée par la volonté de suivre budgétairement ce
remboursement. Or ce souci de traçabilité ajoute une complexité dans la
mesure où un programme supplémentaire est créé. Faire en plus transiter
les fonds par le P
732 ne fait qu’ajouter une étape supplémentaire et éloigne
en plus ce programme 732 de son objet initial d’utiliser les prod
uits de
cessions des participations de l’État pour réduire son endettement. Il s’agit
en fait
d’
un programme de désendettement sans lien avec le CAS PFE.
Pour ne pas éloigner ainsi le programme 732 de son objet initial de
désendettement en lien avec les pa
rticipations financières de l’État, il
pourrait être opportun d’établir un circuit de remboursement de la dette
COVID ne passant pas par le CAS PFE.
III -
Une mesure insuffisante de la performance
pour l’ensemble des programmes liés au CAS
PFE
A -
Des indicateurs peu précisés pour le programme 731
Le programme 731, qui représente l’essentiel des dépenses du CAS
est doté de deux objectifs eux-mêmes déclinés respectivement en trois et
deux indicateurs.
Le premier objectif est de veiller à l’augmentation de la valeur
des
participations financières de l’État, les trois indicateurs y afférant étant la
rentabilité opérationnelle des capitaux employés (ROCE), le suivi et la
maîtrise de l’endettement et le taux de rendement de l’actionnaire.
Le second objectif est d’assure
r le succès des opérations de cessions
des participations financières de l’État. Non pertinent actuellement du fait
de l’absence de cessions à cause de la crise, il est assorti des deux
indicateurs « Écart entre les recettes de cessions et la valeur boursière des
participations cédées » et « Taux des commissions versées par l'État à ses
conseils ».
Or, autant le deuxième objectif est de facto rendu caduc par
l’environnement actuel, autant les deux premiers indicateurs du premier
42
COUR DES COMPTES
objectif (ROCE et suivi de
l’endettement) auraient pu faire l’objet d’un
suivi qui n’a pas été communiqué. Ainsi, pour ces deux indicateurs,
si la
réalisation au titre de l’année 2020 a été indiquée dans le PAP 2022, aucune
cible ni prévision
pour 2021 n’ont été déterminées.
Pour
justifier cette absence d’objectifs, les administrations
concernées avancent des raisons de confidentialité, d’impossibilité
technique ou de diversité du portefeuille, empêchant de fixer des objectifs
consolidés pertinent.
S’agissant de l’activité d’investisseurs dans des fonds, il n’est prévu
aucun indicateur, alors même que les montants en jeu prennent des
proportions chaque année plus importantes.
Du point de vue de l’information du
Parlement et des citoyens, ces
arguments n’apparaissent pas recevables. D’une part, l’administration est
en effet compétente pour déterminer les indicateurs qu’elle applique à son
action. Si les indicateurs choisis pour le PAP ne sont pas pertinents, il lui
appartient de les modifier. D’autre part, si des indicateurs agrégés s
ont peu
pertinents, des indicateurs en variation (amélioration du ROCE plutôt que
ROCE par exemple ; ou réduction du volume de dette plutôt que montant
de dette en valeur absolue) peuvent permettre de suivre des tendances de
portefeuille. Il en va de même
pour le chiffre d’affaires ou l’EBITDA.
Concernant les performances des fonds dans lesquels l’État a
investi, il est utile de rappeler que les sociétés de gestions sont soumises à
une transparence importante vis-à-
vis de leurs investisseurs. L’État est
donc en droit de fixer des objectifs aux entreprises à qui il confie des fonds.
C’est l’objet des conventions de gestion, entre l’État et Bpifrance, la CDC
et le PAP doit pouvoir faire état des performances de la politique
patrimoniale de l’État, qu’elle soit
actionnariale ou relève d’investissement
financiers.
Recommandation n°2 (APE, DB, Bpifrance) : Revoir les indicateurs
de performance du programme 731 et les compléter par des
indicateurs sur la gestion de fonds.
Les documents budgétaires sont déjà très
peu diserts sur l’allocation
des crédits, au regard des montants en jeu (48 pages pour 10 Md€ par an
en moyenne) pour des raisons de confidentialité, par conséquent le volet
performance de la documentation budgétaire revêt une importance d’autant
plus gran
de, tant pour l’information de la représentation nationale que pour
celle des citoyens.
C’est d’autant plus vrai qu’en parallèle, les sujets liés à la
performance extra-financière augmentent dans le secteur financier et
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
43
deviennent des éléments discriminant
s entre fonds. L’État pourrait ainsi
compléter le volet performance à partir d’indicateurs suivis dans son
rapport d’activité (qui lui fait 260
pages) par exemple sur les conséquences
climatiques, territoriales, sociales ou sociétales de ses participations.
La logique de rendement financier n’est pas le seul critère pour les
décisions de l’État actionnaire. Une approche par la performance plurielle
permettrait de mieux cerner les différents déterminants (sociaux,
économiques, environnementaux) de sa stratég
ie d’actionnaire et
d’investisseur (cf. III).
B -
Les indicateurs du programme 732 à revoir dans le
cadre de la gestion de la dette COVID
Théoriquement, le programme 732 est guidé par un objectif de
performance « Contribuer au désendettement de l'État et d'administrations
publiques (APU) » décliné en deux indicateurs, la réduction de la dette des
entités entrant dans le périmètre des administrations publiques d’une part
et la part des ressources consacrées au désendettement de l'État et
d'administrations publiq
ues d’autre part.
Si en 2018, ces indicateurs avaient été chiffrés, leur réalisation est
nulle en 2019, donc avant la crise sanitaire, et cette absence de réalisation
a été maintenue en 2020, reflétant là encore le caractère quasiment
symbolique du progra
mme 732 jusqu’à maintenant, y compris avant
l’épidémie de COVID
-19.
Toutefois, l’utilisation du programme 732 abondé par le programme
369 pour le remboursement de la dette COVID change l’optique de ce
programme. Si la faible mobilisation autour de la mesure de la performance
reflétait la portée réduite du programme 732 jusqu’à maintenant, son
utilisation pour suivre le remboursement de la dette COVID pour des
montants significatifs pendant une vingtaine d’années nécessiterait la mise
en place d’objectifs et d’indicateurs appropriés.
Enfin, comme vu plus haut, le CAS est abondé en recettes par le
programme
358
« Renforcement
exceptionnel
des
participations
financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire »
au titre de l’aide
d’urgence et par le pro
gramme 367
« Financement des opérations
patrimoniales envisagées en 2021
sur le compte d’affectation spéciale
Participations financières de l’État ».
Or, il convient de rappeler que les notes d’exécution budgétaires des
missions Économie (programme 367) e
t Plan d’urgence face à la crise
sanitaire (programme 358) soulignent le caractère succinct au regard des
enjeux du suivi de la performance du programme 358 et l’absence d’un tel
suivi dans le cas du programme 367.
44
COUR DES COMPTES
Chapitre III
La pertinence du modèle du CAS en
question
Le CAS n’est pas un document d’information retraçant la stratégie
actionnariale de l’État, mais bien un outil budgétaire spécifique retraçant
les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations
financières de l'État. Il bénéficie de dérogations importantes aux principes
budgétaires pour fluidifier la gestion de ces participations, en évitant de la
contraindre de manière excessive, mais ne permet pas pour autant un suivi
cohérent de l’ensemble de la politique actionnariale de l’Ét
at.
Alors
que
le
financement
budgétaire
pourrait
s’avérer
structurellement nécessaire à l’équilibre du CAS pour les prochaines
années, une réflexion sur les usages du CAS apparait nécessaire à
l’occasion de la loi de programmation des finances publiques,
pour éviter
qu’il ne devienne un outil trop dérogatoire.
I -
De nombreuses dérogations budgétaires sans
vue d’ensemble de la politique actionnariale de
l’État
A -
Les spécificités budgétaires du CAS PFE
Au regard de la LOLF, le CAS PFE jouit de plusieurs dérogations
par rapport aux principes budgétaires, certaines tenant à sa nature de
compte d’affectation spéciale, d’autres à la nature des opérations que sont
les participations financières. Ainsi le CAS bénéficie de recettes affectées
par exception au principe d’
universalité
; le Gouvernement dispose d’une
autorisation de dépense globale, par exception au principe de spécialité ;
enfin le solde du CAS donne à l’exécutif une marge d’action pluriannuelle
.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
45
Pour autant, les principes budgétaires ne sont qu’aménagés,
et demeurent
applicables au CAS PFE.
Ces diverses dérogations sont initialement justifiées par la
spécificité des opérations financées par le CAS et qui nécessitent souvent
un haut niveau de confidentialité (boursière, stratégique, sociale). Pour
autant, l
’usage qui a été fait par le gouvernement de ces
dérogations aux
principes budgétaires
apparait aujourd’hui éloigné de la finalité initiale du
CAS, et
ce d’autant plus qu’à l’issue de ces
deux exercices très particuliers,
le CAS apparait piloté, en partie, comme une mission budgétaire classique.
Il n’en présente pourtant pas les caractéristiques notamment en termes de
suivi de la performance.
En outre
, l’information donnée au Parlement est actuellement
lapidaire, puisque les recettes du CAS sont indiquées de manière forfaitaire
et que les principales opérations prévues dans l’année ne sont pas
mentionnées. La capacité d’amendement du Parlement sur ce compte est
donc quasi-
inexistante faute d’information disponible au moment du projet
de loi de finances.
La
modification de l’information du Parlement en matière de
participations financières de l’État
Le devoir d’information du Parlement a été modifié par l’article 13
de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la
modernisation de la gestio
n des finances publiques. Il complète l’article 21
de la LOLF en demandant à ce que les versements du budget général sur le
CAS PFE excédant 10 % des crédits initiaux du CAS fassent l’objet
d’«
une information préalable des présidents et des rapporteurs généraux
des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des
finances, portant sur le montant et le motif de ces versements ».
Autrement dit, toute opération réalisée sur le CAS pour un montant
supérieur à 10 % des crédits initiaux du CAS doit
faire l’objet d’une telle
information. Or, pendant les années d’urgence, les crédits ouverts sont de
montant élevé, permettant,
de facto,
de limiter le devoir d’informations aux
opérations significatives.
B -
Le CAS ne permet pas de retracer la stratégie
acti
onnariale de l’État
Si l
e CAS est un outil budgétaire, il n’est pas un
instrument
stratégique de définition de la politique actionnariale de l’État. La vision
en flux donnée par le CAS est par nature limitative pour appréhender la
politique actionnariale
de l’État dans la mesure où elle n’est pas complétée
de l’encours de chaque participation.
46
COUR DES COMPTES
Toutefois, l’article 21 de la LOLF dispose que
« les opérations de
nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de
l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit,
retracées sur un unique compte d'affectation spéciale ».
Le CAS devrait
quand même donc pouvoir permettre de retracer l’ensemble des flux
relatifs aux opérations patrimoniales de l’État dans leur intégra
lité et donc
d’avoir une vision d’ensemble de celles
-ci.
Or, ces flux rapportés sur le CAS ne sont pas exhaustifs puisque les
composantes indirectes des participations de l’État, à savoir les
participations prises par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et
Bpifrance, ne sont pas prises en compte.
Un
document d’information annexé au projet de loi de finances
(jaune budgétaire
30
),
qui correspond au rapport d’activité annuel de l’APE,
vient compléter l’information du Parlement sur le périmètre des
part
icipations directes de l’État gérée par l’APE. Toutefois, ce document
ne se focalise lui aussi que sur l’action de l’APE. Il ne présente pas de ligne
stratégique actionnariale d’ensemble permettant d’articuler les différents
acteurs que sont l’APE, Bpifran
ce et la Caisse des dépôts et consignations,
chaque composante de l’État actionnaire disposant d’une doctrine propre
31
.
En 2017, le rapport de la Cour des comptes sur l’État
actionnaire avait déjà
pour
première
recommandation
d’
« articuler
les
doctrines
d’i
nvestissement des actionnaires publics et coordonner leurs stratégies
actionnariales ».
Cette recommandation a été réitérée et actualisée dans le
dernier rapport de la Cour sur
l’État actionnaire pendant la crise sanitaire
publié en février 2022
32
.
30
L'article 142 modifié de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relatif aux nouvelles
régulations économiques prévoit que le gouvernement rédige chaque année un rapport
relatif à l’État actionnai
re (REA) transmis au Parlement en même temps que le PLF
31
Cette doctrine peut être publique (l’APE la rappelle chaque année à l’occasion de la
publication du CAS ; Bpifrance l’a adoptée le 25 juin 2013, en application de la loi du
31 décembre 2012) ou non
(il n’existe pas de doctrine d’investissement publiée par la
CDC). La Cour a déjà souligné dans son rapport public thématique sur l’État actionnaire
de 2017 que la répartition des rôles entre l’État, Bpifrance et la Caisse des dépôts
manque actuellement de clarté.
32
Rapport de la Cour des compte sur « La gestion des participations financières de
l’État durant la c
rise sanitaire » - février 2022, dont la recommandation n°6 est la
suivante : «
Mettre à jour la doctrine d’intervention en capital dans les entr
eprises à
participation publique pour tenir compte du contexte nouveau postérieur à la crise
sanitaire :
-
en précisant les motifs de l’intervention publique ;
- en définissant les ressources financières mobilisables ;
- et en veillant à bien articuler les stratégies actionnariales des différents pôles de
l’actionnariat public (APE, CDC, Bpifrance)
».
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’
ÉTAT 47
Ainsi, non seulement le CAS ne tient pas compte de tous les flux
actionnariaux indirects de l’État et ne présente pas de vision en encours,
mais aucun document n’existe qui permettrait d’avoir une vue consolidée
sur les participations directes ou indirecte
s de l’État. Le CAS est
inapproprié pour tenir une position récapitulative de la politique
actionnariale de l’État, pourtant manquante actuellement, et dont la mise
en place est une condition nécessaire à un suivi et un pilotage cohérents de
cette politique.
La bonne connaissance et la maîtrise des risques sur cet ensemble
hétérogène et sans cesse croissant de participations financières constitue
une réelle préoccupation, car c’est en définitive sur l’État que repose
l’intégralité des risques.
Dans cette logique, le rapport précité recommande de
« définir sans
retard les modalités d’une consolidation des participations financières
directes et indirectes de l’État.
»
C -
Des dividendes en numéraire attribués au budget
général
Les dividendes en numéraire sont reversés au budget général, les
dividendes en actions abondent le CAS. Cet état de fait résulte de l’article
21 de la LOLF. Il permet de ne pas orienter ces montants vers de nouvelles
opérations sans contrôle budgétaire de celles-ci.
Les dividendes en numér
aire perçus par l’État actionnaire se
montent à 922 M€ en 2021, complété par des dividendes en titres d’une
valeur en fin d’exercice de 1,169 Md€. Le montant des dividendes en
numéraire est faible du fait de la crise sanitaire : il avait été supérieur à
1,5
Md€ par an avant entre 2011 et 2019. En cumulé, les dividendes en
numéraire représentent plus de 25Md€ entre 2011 et 2019.
II -
L’exemple
d’un manque de cohérence de
l’utilisation du CAS
: le fonds pour l’innovation
et l’industrie (FII)
Depuis 2018, la Cour a souligné dans les NEB le caractère inadapté
et injustifié du fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) et recommandé
sa rebudgétisation. Aucune suite n’a pour le moment été donnée à cette
recommandation.
48
COUR DES COMPTES
Les constats effectués par la Cour demeurent valables pour
l’exercice 2021
: non seulement sa construction est complexe, mais les
dépenses qu’il permis d’engager sont restées modestes, ne contribuant que
marginalement au financement de l’innovation.
A -
Un modèle de financement toujours loin du schéma
initial
Le FII avait été créé le 15 janvier 2018 par une dotation à l’EPIC
Bpifrance d’un ensemble d’actifs (titres et numéraire) d’une valeur cible
de 10 Md€, cette dotation non consommable devant engendrer chaque
année un revenu
de l’ordre de 250 M€ fournissant les financements
nécessaires aux engagements pris par le fonds.
Le fonds a été doté au départ d’un apport en numéraire pour
1,6
Md€, placé sur un compte au Trésor rémunéré à 2,5 %, et d’autre part,
de titres EDF et TSA (Th
alès) à hauteur de 8,4 Md€ censés verser chaque
année des dividendes. Initialement, ces titres, prêtés en quelque sorte par
l’APE, devaient ensuite lui revenir au fur et à mesure que les cessions de
participations financières prévues dans la loi PACTE, en
l’occurrence
celles de FDJ et d’ADP, permettraient de remplacer les titres par des
apports en numéraire reversés par le CAS PFE. Ce schéma n’a pu être mis
en œuvre qu’en partie. Si, à la suite de l’introduction en bourse en
novembre 2019 de FDJ, il a bien été procédé comme prévu au versement
au FII du produit reçu par l’État, soit 1,9 Md€, permettant de porter la
dotation en numéraire à 3,5 Md€ en juillet 2020. En revanche,
l’interruption du processus de privatisation d’ADP ne permet plus de
prévoir l’appor
t en numéraire prévu par le schéma initial de construction
du fonds.
À la suite du versement de 1,9 Md€ provenant de la privatisation de
FDJ et conséquemment à l’effet de dilution lié à la souscription par l’État
à une émission obligataire EDF en septembre 2020 dans des proportions
inférieures à sa part en capital, l’APE avait pu procéder à une reprise
partielle d’actions d’EDF comme le lui permet la convention signée le
15
janvier 2018 avec l’EPIC Bpifrance. Cette opération, décidée le
15 octobre 2020, av
ait concerné 61 millions d’actions (soit 2 % du capital)
pour une valeur de 637 M€.
Depuis, aucun versement en numéraire n’a été réalisé sur le FII en
2021 ni de rachat de titres effectué par l’État.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
49
B -
Une possible fragilisation du modèle de recettes à
horizon 2023
L’objectif de recettes de 250M€ du FII, atteint en 2018 et 2019, n’a
pas été atteint en 2020 du fait de la crise. Les revenus nets programmables
n’atteignent pas non plus cette cible en 2021
.
Graphique n° 5 :
Revenus programmables du FII en M€
Source : Ministèr
e de l’économie, des finances et de la relance
En 2020, du fait de la crise, TSA avait versé 66 M€ de dividendes
sur les résultats de 2019 et antérieurs, mais aucun au titre des résultats de
2020 ; EDF n’avait rien versé (ni solde de dividendes au titre de
2019 si
acompte sur dividendes au titre de 2020).
En juin 2021, TSA a versé 96 M€ au titre de 2020 et 15,5 millions
d’actions EDF ont été attribuées au FII comme dividendes en titres,
6,5
millions d’actions correspondants à la perception des dividendes d
e
l’année 2020 et 9 millions au titre de l’acompte sur dividende de l’année
2021.
Ces recettes sont complétées par des intérêts perçus sur la dotation
numéraire du fonds. L’article 3 de l’arrêté du 7 août 2018 fixe la
rémunération du compte du Trésor à 2,5 %. Une clause de réexamen en
2023 prévoit toutefois, si le rendement de l’obligation assimilable du
Trésor (OAT) à 50 ans est inférieur à ce taux, que la rémunération du
compte sera ajustée à la baisse pour l’avenir et que le trop
-perçu des années
2018 à 2022 sera repris. Or, du fait des actions des banques centrales face
à la crise sanitaire, les taux souverains sont restés bas : en janvier 2022, le
taux d’une obligation souveraine française de maturité 50 ans évolue
autour de 1 %.
Si les dernières évolutions de marché
vont dans le sens d’
une
remontée de l’inflation, le retrait des mesures exceptionnelles liées à la
50
COUR DES COMPTES
crise et, corollairement, l’ajustement des conditions de marché et des taux
souverains ne seront pas immédiats. Il est donc envisageable que le taux de
l’OAT 50 ans soit inférieur à 2,5 % d’ici fin 2022, enclenchant ainsi le
mécanisme de révision et compromettant le modèle de recettes du FII
33
.
C -
La mobilisation de crédits du PIA 4 pour le FII en
2021
Dans le cadre du lancement du PIA 4 en 2021, la LFI pour 2021 met
en place une nouvelle articulation entre le FII et le PIA. En effet, parmi les
actions du programme 425 « Financement structurel des écosystèmes
d'innovation » figure l'aide aux entreprises innovantes (action « aides à
l’innovation
bottom-up
») pour un volume cible de 3,25 Md€ au titre du
PIA 4, soit 650 M€ par an. Le financement est porté par le programme 425
à hauteur de 2,8 Md€ sur cinq ans et par les intérêts du Fonds pour
l'innovation et l'industrie (FII). L’articulation entre le PI
A 4 et le FII est
double.
D’un côté, le montant d'AE de 2,8 Md€ ouvert sur cinq ans sur le
P425 pourra être ajusté au cours des exercices, par le biais d'une annulation
d'AE, en cas de revenus effectifs du FII supérieurs à la prévision
(versements de dividendes). Les éventuels dividendes perçus par le FII
seront ainsi examinés chaque année et une révision du montant d'AE initial
de 2,8 Md€ sera proposée.
À l’inverse, en cas de difficulté exceptionnelle empêchant le Fonds
d’atteindre un rendement de 250 M€ sur l’année, les crédits du PIA
4
peuvent être mobilisés pour compléter les revenus du FII.
De fait, en 2021, des crédits du PIA 4 budgétisés sur le
programme 425 ont été mobilisés en cours de gestion du fait de contraintes
de calendrier. Des versements de dividendes non liquides (dividendes en
titres) du côté du FII avaient entrainé une difficulté à financer
intégralement sa programmation.
Enfin, les revenus excédentaires dégagés par le Fonds au cours des
exercices précédents pourront également être utilisés pour compenser un
éventuel manque à gagner financier. Cette possibilité réduit d’autant le
33
Cette reprise serait imputée sur les intérêts à venir à partir de la révision le 1
er
janvier
2023, la formule de calcul de cette révision, prévue dans l’art
icle 2 de la convention du
6 septembre 2018 entre l’État et Bpifrance prévoit un lissage de la reprise de l’éventuel
excédent sur 50 ans. Cette reprise n’entrainerait donc, pour le FII, pas de sortie de
numéraire immédiate.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈR
ES DE L’ÉTAT
51
basculement de ressources du fonds vers le PIA 4 et renforce le risque de
mouvements unilatéraux du PIA 4 vers le FII.
D -
Une montée en puissance lente de dépenses
financées par ailleurs
De 2018 à 2021, le FII a bénéficié de 845,9 M€ de revenus
programmables. Sur cette même période, il a programmé 843,8
M€ mais
n’en n’a engagé que 801 et surtout n’a décaissé que 433,3 M€.
Par ailleurs, les dépenses engagées relèvent en fait principalement
de programmes financés par ailleurs par des crédits budgétaires, comme le
montre le tableau suivant. Le FII est sensé financer une innovation de
rupture, alors que certaines dépenses qu’il effectue lui préexistaient.
Tableau n° 4 :
Engagements et décaissements du FII
Programmes
Engagement
2021
Décaissement
2021
Engagements
2018-2021
Décaissements
2018-2021
Grands défis
0
0
77,4
36,1
Nano 2022
25
25
100
100
Deep tech
30
25,2
185
163,4
Plan
batteries
67,6
0
380
75
Aide
à
l’innovation
58,8
58,8
58 ,8
58,8
TOTAL
181,4
109
800,8
433,3
Source : Ministère de l’économie, des finances et de la relance
Au vu de ces constats de complexité de construction, de ressources
peu sécurisées et de dépenses partiellement effectuées, la Cour réitère sa
recommandation de supprimer du FII et de réintégrer les dépenses
correspondantes dans des programmes du budget général. Le FII ne
présente
pas d’avantages tels qu’il puisse justifier une absence
d’intervention parlementaire sans limite de durée une fois donnée
l’autorisation initiale de 2018.
52
COUR DES COMPTES
Recommandation n°3 (APE, SGPI) : Supprimer le fonds pour
l’innovation et l’industrie et ouvrir les
crédits correspondants
dans
la
mission
Programme
d’investissements
d’avenir
(recommandation reformulée).
III -
Un portefeuille défensif et le risque du
maintien d’un financement budgétaire
A -
Des participations peu performantes dans des
secteurs en difficulté
La valorisation du portefeuille coté de l’APE est passé de
70,636
Md€ début 2021 à 69,132 Md€ début 2022, soit une baisse
d’environ 2 % alors qu’en parallèle le CAC 40 a progressé de 30 % et le
SBF 120 de 27 %. Le tableau suivant récapitule les performances des
principales participations de l’APE, les couleurs de la variation du cours
différenciant une performance meilleure que le CAC (vert), d’une
performance positive mais inférieure à celle du CAC (orange) et d’une
performance négative (rouge).
Graphique n° 6 :
Portefeui
lle de l’APE
Source : APE, Boursorama pour les cours
, Part de l’État et valeur de sa participation
au 26 janvier 2022.
Cette moindre performance s’explique
par la construction
sectorielle du portefeuille de l’APE, où la place des services et de la financ
e
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
53
est moindre et où certains secteurs porteurs sont absents (technologies de
l’information, santé).
Graphique n° 7 :
Composition sectorielle du portefeuille de l’APE
Source : APE
Du fait d’une baisse de la valeur du titre EDF en début d’année à la
suite de la décision du gouvernement de contraindre EDF à vendre à bas
prix de l’électricité à ses concurrents
34
,
la part d’EDF dans le portefeuille
de l’APE a diminué, passant de 47 % début 2021 à 40 % début 2022. Elle
reste toutefois prépondérante, continuant donc de confronter
l’APE à un
risque majeur de concentration sur une seule valeur, qu’elle est tenue de
conserver légalement à la différence de la plupart des autres, et pour
laquelle elle ne dispose, avec les seules ressources du CAS, d’aucune
marge réelle pour répondre à ses besoins en fonds propres.
B -
La possibilité de voir se pérenniser un financement
budgétaire
La crise sanitaire a mis en exergue la difficulté à autofinancer par
les recettes propres du CAS les besoins des participations de l’État
en bas
de cycle puisque les recettes de cessions ou plus-values éventuellement
34
L’article 181 de la loi n° 20
21-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022
contraint EDF à vendre à bas prix de l’électricité à ses concurrents, représentant un coût
pour l’entreprise évalué par le ministère de l’économie, des finances et de la relance à
entre 7,7 et 8,4 Md€ sur l’excèdent brut d’exploitation d’EDF. Cet article vient s’ajouter
à l’abandon du projet de réforme structurelle d’EDF, dit «
projet Hercule
» à l’été 2021.
54
COUR DES COMPTES
réalisées en haut de cycle ne sont pas thésaurisées. Cette situation rend
possible la nécessité de la prolongation du financement budgétaire au-delà
des effets immédiats de la crise. Le caractère défensif et centré sur des
secteurs assez peu porteurs du portefeuille de l’APE conduit en effet pour
le moment à une moindre performance de ses entreprises en période de
redressement.
Pour réaliser ses cessions, l’APE recherche de plus des repreneurs
ou investisseurs qui soient stables et cohérents. Ces caractéristiques de
cessions, si elles n’appellent pas de commentaire particulier, engendrent
toutefois une sélectivité plus importante des repreneurs ou investisseurs et
donc une moindre fluidité des cession
s opérées par l’APE.
De plus, certaines entreprises du portefeuille de l’APE ont traversé
la crise sous perfusion de l’aide de l’État pour pouvoir maintenir leur
activité mais sans forcément donner la priorité à leurs investissements,
matériels, technologiques ou écologiques. Une fois la crise terminée, il est
donc possible que les entreprises du portefeuille de l’APE aient besoin
d’accentuer leurs investissements, ce qui renforcerait leurs besoins
financiers.
Un schéma d’ensemble est donc envisageable da
ns lequel les
entreprises de l’APE, relevant majoritairement de secteurs économiques
moins
performants
et
ayant
accumulé
de
potentiels
retards
d’investissements, aient à faire face à des nécessités financières
importantes alors que les cessions à gérer par
l’agence sont peu fluides.
L’écart entre ces besoins et le fruit des cessions risquerait de devoir être
comblé par de nouveaux apports du budget général.
Pour pallier les difficultés de financement du CAS PFE en l’absence
de recettes de cession et augmenter la traçabilité des flux budgétaires, il
pourrait également être possible d’établir, au sein de chaque mission
ministérielle concernée (énergie, transports, etc.) un programme budgétaire
spécifiquement destiné à abonder le CAS PFE en recettes, en vue
d’
opérations en fonds propres ou quasi-
fonds propres d’entité
s relevant de
la mission ministérielle en question. Suivant cette logique, les opérations
portant sur Orano auraient pu, par exemple, être rattachées à la mission «
Écologie, développement et mobilité durables » qui regroupe entre autres
les programmes liés au secteur de l’énergie.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS F
INANCIÈRES DE L’ÉTAT
55
Annexe n° 1 :
: Liste des publications récentes de
la Cour des comptes en lien avec les politiques
publiques concernées par la NEB
L’État actionnaire,
janvier 2017.
Le Programme d’investissement d’avenir, un acquis à consolider, un rôle
spécifique à mieux définir,
octobre 2021.
La gestion des participations financières de l’État durant la crise
sanitaire,
février 2022.
56
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 :
: Un suivi des critères de
responsabilité sociale, sociétale et
environnementale (RSE) à renforcer dans le
périmètre de l’APE
1-
Une évolution marquée
de l’environnement réglementaire
Les obligations de publication extrafinancière, intégrant les enjeux
sociaux et environnementaux, s’appliquent aux e
ntreprises relevant du
portefeuille de l’État.
À date, la directive 2014/95/UE sur
l’information non financière,
dite NRFD (Non-Financial Reporting Directive), est le principal
instrument encadrant cette information en droit européen. Elle impose aux
entités d'intérêt public de plus de 500 salariés de publier chaque année une
déclaration
non
financière
consolidée
relatif
aux
questions
environnementales, sociales et de personnel, au respect des droits de
l'homme et à la lutte contre la corruption
En droit français, le
reporting
extra-financier des investisseurs est
prévu par :
-
l’article L.225
-102-
1 du Code du Commerce et du décret d’application
de la loi Grenelle 2 du 24 avril 2012,
-
l’alinéa VI de l’article 173 de la loi n° 2015
-992 du 17 août 2015
relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).
Cet article prévoit l’accroissement des obligations de transparence des
acteurs financiers sur la prise en compte de critères relatifs au respect
d’objectifs environnementaux, sociaux, et de qualité de gouvernance
(ESG) dans leurs stratégies d’investissement, et la prise en compte
spécifique des risques climatiques dans ces obligations. Il impose aux
entreprises financières et non financières de fournir aux investisseurs
des informations sur la performance environnementale de leurs actifs
et de leurs activités économiques ;
-
l’ordonnance n°2017
-1180 du 19 juillet 2017 qui a établi les modalités
de publication
d’informations non financières par certaines entreprises
et certains groupes d’entreprises. Elle transpose en droit français la
directive 2014/95/UE NRFD.
Une étape supplémentaire a été initiée à partir de 2018 par la
Commission
européenne,
qui
souhaite
massivement
orienter
ses
financements (notamment en termes d’investissements) mais également
ceux d’autres investisseurs vers des activités économiques à impact
environnemental neutre ou positif. L’enjeu n’est donc plus seulement
réputationnel, mais bien économique, avec le risque, pour les entreprises
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE
L’ÉTAT
57
qui n’entreraient pas dans le champ de la taxonomie de rencontrer plus de
difficultés à se financer.
La taxonomie européenne
Lancée par la
Commission européenne en 2018, l’idée de créer une
« taxonomie verte » pour les activités économiques repose sur un principe
de définition d’un seuil d’émissions de CO2 en
-deçà duquel une entreprise
sera considérée comme verte. Conséquemment, le règlement européen
2020/852 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les
investissements durables a été adopté par le Parlement européen et le
Conseil le 18 juin 2020 et est entré en vigueur le 12 juillet 2020.
L’article 8 de la Taxonomie précise par exempl
e, pour les
entreprises non financières les obligations de publications suivantes :
« -
la part de leur chiffre d’affaires provenant de produits ou de
services associés à des activités économiques pouvant être considérées
comme durables sur le plan enviro
nnemental […]
-
la part de leurs dépenses d’investissement et la part de leurs
dépenses d’exploitation liée à des actifs ou à des processus associés à des
activités économiques pouvant être considérées comme durables sur le plan
environnemental […] ».
Si de premières obligations de publications, partielles, sont
attendues en 2022 (sur l’exercice 2021), le premier compte
-rendu complet
aligné sur les exigences de la Taxonomie devra être effectué en 2023 (sur
l’exercice 20022 par les entreprises non financièr
es et en 2024 (sur
l’exercice 2023) pour les entreprises financières.
En parallèle, la Commission a également présenté, le 21 avril 2021,
une proposition de directive sur les rapports de durabilité des entreprises
(
Corporate Sustainability Reporting
Directive ou CSRD) venant modifier
les exigences actuelles de publication en matière de climat définies dans la
directive 2014/95/UE (
Non-Financial reporting Directive
- NFRD). Le but
de cette modification est de renforcer la transparence, la fiabilité et la
co
hérence des informations fournies mais aussi d’étendre les obligations à
davantage d’entreprises (passant de près de 11 000 à environ 50 000) ; et
enfin de simplifier ce processus de compte-rendu. Les entreprises prévues
dans le champs d’application de cet
te directive devront mettre en place leur
premier rapport conforme à la CSRD en 2024 sur 2023, sauf les PME
cotées qui pourront attendre 2027 sur l’exercice 2026.
2-
Des entreprises du portefeuille APE largement concernées
La France a progressivement intégré cette évolution et, depuis 2018,
l’APE a engagé une réflexion sur les enjeux de responsabilité sociale,
58
COUR DES COMPTES
sociétale et environnementale (RSE) et en particulier sur la réduction des
émissions de CO2 des entreprises de son portefeuille. L’agence a structuré
sa doctrine autour de 4 axes :
-
intégrer pleinement la RSE dans la stratégie des entreprises
(considération des enjeux sociaux et environnementaux dans les
décisions de la gouvernance) ;
-
s’assurer de la transition vers une économie bas carbone et réduire les
conséquences des activités des entreprises sur l’environnement
(réduction des émissions de CO2, des déchets, favoriser l’économie
circulaire, etc.) ;
-
agir en employeur responsable du point de vue de la promotion de
l’égalité, de la diversité et du dialogue
social) ;
-
générer un impact sociétal positif (développement local, politique
d’achats responsable, etc.).
En 2021, l’APE a établi une charte de l’État actionnaire en
matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale des
entreprises
qui
développe
les
quatre
priorités
ci-dessus.
Plus
spécifiquement sur l’aspect climatique, l’APE a mesuré les impacts
carbone directs et indirects des entreprises de son portefeuille et a fixé des
objectifs de réduction pour les émetteurs les plus significatifs, ces objectifs
étant assortis d’un plan d’actions. Ce bilan carbone sera présenté
annuellement devant les instances de gouvernance des entreprises. Plus de
la moitié des entreprises cotées du portefeuille APE ont pour le moment
initié cette démarche, ainsi que trois grandes entreprises non cotées (La
Poste, la RATP et la SNCF.).
Face à la multiplication et à la complexité croissante des exigences
réglementaires en matière extra-financières, assurer la mise en place et le
suivi de l’ensemble de ces développements exige que l’administration
dispose des moyens, par ses propres ressources humaines, ou avec l’aide
d’un cabinet spécialisé, d’évaluer que chaque entreprise a bien respecté les
engagements qu’elle annonce dans sa démarche de RSE. L’enjeu est donc
de se
doter d’un pôle d’expertise sur ces sujets plus étoffé que le seul ETP
qui y est actuellement consacré à l’APE. Il s’agirait pour ce pôle d’être par
exemple capable de donner un avis éclairé sur les critères RSE retenus dans
les parts variables des dirigeants.
Il pourrait également prendre part à une revue approfondie du
portefeuille passé au crible de la taxonomie. Cette étude pourrait être
nécessaire pour identifier, entreprise par entreprise, les efforts encore à
réaliser afin de crédibiliser ces dernières auprès des autres actionnaires qui
peuvent avoir des exigences en matière de RSE, ou des investisseurs ayant
acheté des titres de dette.
COMPTE D’AFFECTATION
SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES D
E L’ÉTAT
59
Annexe n° 3 :
: Suivi des
recommandations formulées au titre de l’exécution budgétaire
2020
Recommandation formulée au
sein de la note d’exécution
budgétaire 2020
Réponse de l’administration
Analyse de la Cour
Appréciation par
la Cour du degré
de mise en
œuvre*
1
Substituer au fonds pour
l’innovation et l’industrie un
dispositif de soutien à
l’innovation inclus dans le
budget général (APE, DGE, DB)
La direction du budget dit chercher à faire valoir les
avantages qu’il y aurait à rebudgétiser le FII, et cherche à
prévoir aussi précisément que possible les mesures qu’il
faudrait prendre le cas échéant pour permettre d’assurer une
entière continuité et stabilité aux financements concernés de la
politique d’innovation. Il n’en demeure pas moins que le point
de vue de la direction du budget sur le sujet n’a pas prévalu
jusqu’ici, en comparaison de l’option
du maintien du fonds en
l’état, soutenu par le SGPI.
Non
seulement
le
FII
a
été
maintenu
mais
l’articulation mise en œuvre avec les crédits du PIA
4
en 2021 montre une utilisation opportuniste de ces
derniers par le FII, incapable de faire face à ses propres
besoins.
Non mise en
œuvre