FINANCES ET COMPTES PUBLICS
LE BUDGET
DE L’ÉTAT EN 2021
Résultats et gestion
Synthèse
Juin 2022
2
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
La réponse commune du ministre de l’économie, des finances et
de la relance et du ministre délégué, chargé des comptes publics
figure à la suite du rapport.
3
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
1
Des dépenses du budget général en forte croissance,
pas uniquement du fait des mesures d’urgence et de relance
9
2
Des recettes du budget général qui bénéficient
du rebond de l’économie et dont les prévisions n’ont été
que tardivement et partiellement ajustées
11
3
Un déficit budgétaire qui reste très élevé et accroît d’autant
la dette de l’État .
15
4
En 2021, des atteintes aux principes d’annualité
et de spécialité qui affaiblissent la portée
de l’autorisation parlementaire
17
5
Hors budget général, des moyens des politiques
de l’État qui font encore l’objet d’un suivi
et d’un pilotage insuffisants
19
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
5
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
La mission constitutionnelle
d’assistance de la Cour des comptes
au Gouvernement et au Parlement
La clôture de l’exercice budgétaire et l’arrêté des comptes conduisent le
Gouvernement, en application de l’article 46 de la loi organique relative aux lois
de finances du 1
er
août 2001 (Lolf), à déposer un projet de loi de règlement avant le
1
er
juin de l’exercice suivant . Celui-ci retrace les opérations budgétaires et arrête les
comptes de l’exercice écoulé . Il est accompagné du compte général de l’État, d’un
rapport de gestion et des rapports annuels de performances relatifs à chacune
des missions du budget de l’État .
Dans le cadre de la mission d’assistance au Gouvernement et au Parlement confiée
à la Cour des comptes aux termes de l’article 47-2 de la Constitution, le 4° de
l’article 58 de la Lolf prévoit «
le dépôt d’un rapport conjoint au dépôt du projet
de loi de règlement, relatif aux résultats de l’exécution de l’exercice antérieur et
aux comptes associés, qui, en particulier, analyse par mission et par programme
l’exécution des crédits
» .
Le rapport sur le budget de l’État en 2021 vise à permettre l’appréciation des
résultats de l’exercice et de la qualité de la gestion budgétaire . Sa publication
s’accompagne de la mise en ligne sur le site internet de la Cour des comptes
(
www .ccomptes .fr)
de 59 notes d’analyse de l’exécution budgétaire (NEB) de
chacune des missions du budget général, des budgets annexes et des comptes
spéciaux, trois analyses de l’exécution des recettes fiscales, des recettes non
fiscales et des dépenses fiscales, et deux analyses consacrées aux prélèvements
sur recettes, au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne . Ces
documents constituent une analyse approfondie de l’exécution budgétaire par
grande politique publique . Ils sont assortis de recommandations et complètent
le diagnostic global formulé par le rapport sur le budget de l’État .
La Cour présente également un suivi des recommandations qu’elle avait formulées
dans les rapports relatifs au budget de l’État établis au titre des gestions de 2019
et de 2020 .
7
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Introduction
Toujours marquée par la crise sanitaire, l’année 2021 s’est caractérisée par
une grande incertitude sur l’évolution de l’épidémie de covid 19, qui a conduit
à prolonger ou ajuster certaines mesures de soutien, ainsi que sur le rythme
et l’ampleur de la reprise économique . En 2020, le développement très rapide
d’une pandémie sans précédent récent avait conduit le Gouvernement à recourir
à quatre lois de finances rectificatives pour disposer des crédits nécessaires aux
mesures d’urgence . En 2021, la crise et les rebonds épidémiques ont rendu plus
difficiles les prévisions de recettes et de dépenses et nécessité deux lois de finances
rectificatives précédées d’un décret d’avance .
En définitive, les dépenses comme les recettes ont sensiblement progressé par
rapport à 2020, laissant le déficit à un niveau très élevé .
9
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
1
Des dépenses du budget général
en forte croissance,
pas uniquement du fait des
mesures d’urgence et de relance
Dépenses nettes de l’État (Md€)
Source : Cour des comptes – données direction du budget
En 2021, les dépenses nettes du budget
général de l’État, y compris fonds de
concours et attributions de produits,
se sont établies à 426,7 Md€, en
augmentation de 37,1 Md€ par rapport
à 2020 (30,2 Md€ à périmètre constant) .
299,5
298,7
302,9
301,6
314,3
326,8
329,7
336,1
389,7
426,7
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
10
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Des dépenses du budget général en forte
croissance, pas uniquement du fait des mesures
d’urgence et de relance
Cette augmentation fait suite à celle,
encore plus forte, enregistrée en 2020
(+ 53,6 Md€ et + 52,3 Md€ à périmètre
constant) . Elle résulte du niveau élevé
des mesures d’urgence auxquelles
s’ajoutent en 2021 les mesures de
relance et le dynamisme des autres
dépenses sans lien avec la crise :
•
du fait de la poursuite de la crise
sanitaire en 2021, les dépenses
d’urgence se sont maintenues à un
niveau élevé, estimé par la Cour à
44,7 Md€, en retrait de seulement
5 Md€ par rapport à 2020 (49,7 Md€) .
Comme en 2020, ces dépenses sont
en majorité portées par la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
,
dont les dépenses ont atteint 34,4 Md€,
après 41,8 Md€ en 2020 (- 7,5 Md€) ;
•
l’année 2021 a vu la montée en
charge du plan de relance, engagé
dès l’été 2020 mais qui n’avait donné
lieu cette année-là qu’à un faible
montant de décaissements (2,2 Md€) .
Elle s’est traduite en 2021 par une
nette augmentation des dépenses de
relance, qui s’élèvent à 19,6 Md€, en
progression de 17,5 Md€ par rapport
à 2020 . Ces dépenses sont en grande
partie portées par la nouvelle mission
Plan de relance
(15,1 Md€) ;
•
les dépenses du budget général hors
mesures de soutien et de relance ont
connu en 2021 une progression rapide,
de 17,6 Md€ (+ 5,1 %) à périmètre
constant . Cette augmentation est
nettement plus forte qu’en 2020,
puisque les dépenses hors crise avaient
alors progressé de 2,6 Md€ (6,7 Md€
hors baisse de la charge de la dette de
4,1 Md€) . Elle s’explique par de multiples
facteurs dont le coût de l’indemnité
inflation (3,3 Md€), la montée en charge
de la loi de programmation militaire
(+ 2,7 Md€), ou la hausse de la charge
d’intérêts de la dette (+ 2,0 Md€) .
Enfin, les dépenses du budget général
ont été accrues de 6,9 Md€ par des
mesures de périmètre, essentiellement
la rebudgétisation du compte
d’affectation spéciale (CAS)
Transition
énergétique
11
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
2
Des recettes du budget général
qui bénéficient du rebond de
l’économie et dont les prévisions
n’ont été que tardivement
et partiellement ajustées
En 2021, les recettes du budget général
(y compris fonds de concours et
attributions de produits) se sont élevées
à 255,2 Md€ (après les prélèvements
sur recettes de près de 70 Md€), en
augmentation de 38,2 Md€ par rapport
à 2020, et au-delà de leur montant de
2019 (239,2 Md€) . Elles se sont avérées
supérieures de 37,9 Md€ à la prévision
de la loi de finances initiale .
Exécution
2020
Exécution
2021
Écart exécution
2021-2020
Recettes fiscales nettes
256,0
295,7
39,8
Recettes non fiscales
14,8
21,3
6,5
PSR au profit de l’Union européenne
-23,7
-26,4
-2,7
PSR au profit des collectivités territoriales
-42,0
-43,4
-1,4
Fonds de concours et att . de produits
12,0
8,0
-4,0
Recettes nettes, après PSR et y compris
fonds de concours et attributions
de produits
217,0
255,2
38,2
Recettes du budget général en 2020 et 2021 (Md€)
Source : Cour des comptes – données direction du budget
Principale composante des recettes
de l’État, les recettes fiscales se sont
élevées à 295,7 Md€ en 2021, en hausse
de 39,8 Md€ par rapport à 2020 .
12
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Des recettes du budget général qui bénéficient du
rebond de l’économie et dont les prévisions n’ont
été que tardivement et partiellement ajustées
Cette forte progression s’explique par
une évolution spontanée extrêmement
dynamique, de 46,0 Md€ (+ 18,0 %) .
Les recettes fiscales ont bénéficié
de la forte croissance économique
en 2021 avec, comme on l’observe
dans ces circonstances, une croissance
plus rapide que celle du PIB : en 2021,
l’élasticité des recettes fiscales au PIB
s’est établie à 2,2, soit un niveau très
supérieur à la moyenne sur longue
période, proche de 1 .
L’évolution spontanée des recettes
fiscales a été très partiellement contre-
balancée par un effet global à la baisse
(- 6,3 Md€) des mesures nouvelles
intervenant en 2021 . Elles incluent
notamment la poursuite de la baisse
de la taxe d’habitation et du taux de
l’impôt sur les sociétés et la baisse des
impôts de production . En sens inverse,
le budget de l’État a bénéficié d’un gain
de TICPE du fait de la rebudgétisation
du CAS
Transition énergétique.
Décomposition de l’évolution des recettes fiscales nettes de l’État entre
2020 et 2021 (Md€)
Source : Cour des comptes – données direction du budget
Recettes nettes fiscales de l’État 2003-2021 (Md€)
Source : Cour des comptes – données direction du budget
Évolution
spontanée
RFN 2020
Transferts
Mesures
nouvelles
RFN2021
350
300
250
200
150
100
50
0
256,0
46,0
- 4,0
- 2,2
295,7
Source : ministère de l’économie, des finances et de la relance.
190
210
230
250
270
290
310
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
243,6
269,9
276,9
272,9
272,3
265,1
214,2
237,0
255,0
268,8
284,0
274,3
280,1
284,1
295,6
295,4
281,3
256,0
295,7
13
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Des recettes du budget général qui bénéficient du
rebond de l’économie et dont les prévisions n’ont
été que tardivement et partiellement ajustées
L’évolution spontanée des recettes
fiscales, particulièrement dynamique
en 2021, a été sous-estimée dans les
prévisions des lois de finances tout
au long de l’année . Les prévisions de
recettes fiscales pour 2021 sont ainsi
passées de 257,9 Md€ dans la loi de
finances initiale à 259,0 Md€ dans la
première loi de finances rectificative
du 19 juillet 2021, puis à 277,6 Md€
dans la seconde loi de finances
rectificative du 1
er
décembre 2021 .
Cette dernière révision, bien qu’en
hausse significative, n’a toutefois pas
été suffisante puisque l’exécution
des recettes fiscales, à 295,7 Md€,
l’a dépassée de 18,2 Md€, et se situe
37,9 Md€ au-dessus de la prévision de la
loi de finances initiale . Une grande part
de ces deux écarts (respectivement
55 % et 40 %) concerne l’impôt sur
les sociétés .
Les recettes non fiscales ont atteint
21,3 Md€ en 2021, en forte progression
par rapport à 2020 (+ 6,5 Md€) . Elles
ont néanmoins été inférieures à la
prévision de la loi de finances initiale
pour 2021 (- 4,1 Md€) . Ces deux écarts
résultent en grande partie d’une
nouvelle recette perçue en 2021, en
provenance de l’Union européenne, qui
constitue une première contribution
du budget européen au financement
du plan de relance français (5,1 Md€
reçus, contre 10,0 Md€ prévus à titre
provisionnel en LFI) .
Enfin les prélèvements sur recettes (PSR)
de l’État se sont élevés globalement à
69,7 Md€, dont 26,4 Md€ pour le PSR au
profit de l’Union européenne (en hausse
de 2,7 Md€ sous l’effet de l’entrée en
vigueur du nouveau cadre financier
pluriannuel) et 43,4 Md€ pour les PSR
au profit des collectivités territoriales .
15
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
3
Un déficit budgétaire qui reste
très élevé et accroît d’autant
la dette de l’État
Le déficit budgétaire pour 2021 s’établit
à 170,7 Md€, en légère baisse par
rapport au niveau de 2020 (178,1 Md€),
mais toujours très supérieur à celui de
2019 (92,7 Md€) . La quasi-stabilité
par rapport à 2020 résulte de
l’augmentation simultanée des recettes
et des dépenses . Comme en 2020, le
déficit se situe à un niveau très élevé .
Les recettes de l’exercice ne couvrent
qu’à peine 60 % des dépenses . Ainsi, à
compter du début du mois d’août 2021,
l’État a financé ses dépenses par un
accroissement de sa dette .
Solde budgétaire (2010 hors PIA)
PIA 2010
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
0
- 50
- 100
- 150
- 200
Solde budgétaire de l’État 2008-2021 (Md€)
Source : lois de règlement pour 2008 à 2020 ; direction du budget pour 2021
Le déficit constaté (170,7 Md€) est
très proche de la prévision de la LFI
(173,3 Md€), en dépit du niveau élevé
des reports de crédits de l’année
2020 qui, avec les ouvertures de
crédits en cours d’année, ont porté
les dépenses du budget général
très au-delà de la prévision initiale
(+ 36,1 Md€) . Ce surcroît de dépenses
a été compensé par le dynamisme des
recettes fiscales, qui ont nettement
dépassé la prévision de la LFI
(+ 37,9 Md€) .
Le niveau très élevé du déficit en
2021 s’est traduit par une nouvelle
augmentation significative de
l’endettement de l’État . Le besoin de
financement s’est élevé à 285 Md€,
en baisse de seulement 24 Md€ par
rapport au niveau très élevé constaté
en 2020 (310 Md€) .
16
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Un déficit budgétaire qui reste très élevé
et accroît d’autant la dette de l’État
À la fin de l’année 2021, la dette
(à court et moyen-long terme) de l’État
s’élevait à 2 145 Md€, en hausse de
144 Md€ en un an . Cette progression
est moins forte que celle constatée
en 2020 (+ 178 Md€), mais nettement
supérieure à celles observées au cours
des dix années antérieures, qui s’étaient
situées entre 44 Md€ et 84 Md€ .
Pour la première fois depuis 2011,
la charge de la dette (36,3 Md€)
a augmenté entre 2020 et 2021,
de 2,0 Md€ . Cette augmentation est
la conséquence de l’accroissement
du volume de dette de l’État
(+ 0,9 Md€), reflétant essentiellement
l’augmentation de l’encours de
dette à moyen et long terme, et
de l’augmentation de l’inflation
(+ 2,6 Md€) . Ces effets défavorables
ont plus que compensé l’impact en
sens inverse de la poursuite de la baisse
des taux d’intérêt (- 1,5 Md€) .
Encours de dette de l’État, charge d’intérêts et taux apparent associés
Source : Agence France Trésor
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
0%
20%
40%
60%
80%
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Encours de la dette en points de PIB (éch g.)
Taux apparent de la dette (en %)
Charge de la dette (éch d.)
6,4%
5,8%
5,5%
4,8%
4,4% 4,3%
3,2%
3,5%
3,0%
2,6%
2,3%
1,7%
Le niveau élevé de la dette de l’État
(2 145 Md€ pour la dette négociable,
soit 85,8 % du PIB) rend la charge
d’intérêts très sensible à une hausse des
taux . La hausse de la dette constatée
en 2021 a renforcé à nouveau cette
sensibilité . L’Agence France Trésor
estime qu’une hausse d’un point des
taux d’intérêt renchérirait la charge
d’intérêts de 2,5 Md€ la première
année, 6,1 Md€ la deuxième année et
29,5 Md€ à l’horizon de 10 ans . L’impact
de ce choc à un horizon de 10 ans est
ainsi nettement plus élevé que celui
estimé fin 2019 (+ 21,2 Md€) .
17
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
4
En 2021, des atteintes aux
principes d’annualité et
de spécialité qui affaiblissent
la portée de l’autorisation
parlementaire
La mise à disposition des crédits
nécessaires au financement des
mesures d’urgence en début d’année
2021 a donné lieu à un procédé
critiqué par la Cour dans le rapport
de l’année dernière : pour la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
,
au lieu d’inscrire des crédits dans le
projet de loi de finances initiale pour
2021 à hauteur des besoins prévisibles,
le Gouvernement a choisi de reporter,
pour un montant massif (28,8 Md€),
les crédits non consommés à la fin de
l’année 2020 .
Part des crédits (y compris fonds de concours) ouverts sur le budget général
non consommés en fin d’année
Source : lois de règlement 2011-2019 – Cour des comptes et données direction du
budget pour 2020-2021
Sur l’ensemble du budget de l’État, le
total des crédits reportés de 2020 sur
2021 a atteint 36,7 Md€ (y compris
1
Sur la période 2010-2020, le montant des crédits reportés s’est situé entre 1,4 Md€ et 3,5 Md€
par an .
les fonds de concours), un montant
très supérieur à ceux constatés
habituellement
1
Des ouvertures de
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
7%
9%
10%
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Autres crédits BG
Plan d'urgence
Plan de relance
Fonds de concours SNCF Réseau
8%
18
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
En 2021, des atteintes aux principes
d’annualité et de spécialité qui affaiblissent
la portée de l’autorisation parlementaire
crédits importantes avaient en effet été
opérées dans la dernière loi de finances
rectificative pour 2020, très au-delà des
dépenses qui pouvaient être réalisées
avant la fin de l’année . La Cour avait
ainsi souligné dans le RBDE 2020
«
une certaine confusion des exercices
budgétaires, en contradiction avec le
principe d’annualité budgétaire
» .
Ce procédé constitue une atteinte
au principe d’annualité budgétaire
et affaiblit la portée de l’autorisation
parlementaire . Le choix de reporter
les crédits non consommés en 2020
et de limiter les ouvertures dans la
LFI 2021 a eu pour conséquence de
présenter et faire voter dans les trois
lois de finances de 2021 un article
d’équilibre portant des montants de
dépenses et de soldes différents des
prévisions réelles du Gouvernement .
Une telle situation s’est reproduite à la
fin de l’année 2021, avec un montant
total de reports de crédits de 23,2 Md€
vers 2022 . Comme en 2021, il aurait
été plus conforme aux principes
budgétaires d’ouvrir des crédits dans
la LFI 2022 . Les reports sur la mission
Plan d’urgence face à la crise sanitaire
apparaissent d’autant plus critiquables
que le décret d’avance du mois d’avril
2022 en a annulé plus de la moitié
(3,5 Md€) .
En outre, la gestion budgétaire 2021
a été marquée par plusieurs cas
d’utilisation de crédits de program-
mes budgétaires pour financer
des dépenses relevant d’autres
programmes, en contradiction avec
le principe de spécialité :
•
ainsi le programme 357 –
Fonds de
solidarité pour les entreprises à la
suite de la crise sanitaire
a bénéficié de
2,3 Md€ en provenance du programme
356 –
Prise en charge du dispositif
exceptionnel de chômage partiel à la
suite de la crise sanitaire
et de 4,3 Md€
en provenance du programme 360
–
Compensation à la sécurité sociale
des allègements de prélèvements pour
les entreprises les plus touchées par
la crise sanitaire
Par la suite, faute de
crédits pour financer l’activité partielle
d’urgence sur le programme 356, ce
dispositif a été temporairement financé
par des crédits du programme 364
–
Cohésion de la mission Plan de relance
,
dont ce n’était pas l’objet ;
•
pour compenser l’insuffisance
des recettes du CAS
Participations
financières de l’État
, la première loi de
finances rectificative a créé, au sein
de la mission
Économie
, un nouveau
programme 367 –
Financement des
opérations patrimoniales envisagées
en 2021
, doté de 2 Md€ (en AE et CP),
et visant à abonder les recettes du
CAS . Dès lors qu’une seule opération
a été financée à partir de ces crédits, il
aurait été plus conforme au principe de
spécialité budgétaire de les ouvrir non
pas dans la mission
Économie
mais au
sein de la mission portant la politique
publique concernée, en l’occurrence
la mission
Écologie, développement et
mobilité durables
Au total, ces entorses constatées aux
principes d’annualité et de spécialité
budgétaire affectent la portée de
l’autorisation parlementaire et nuisent
à la lisibilité des lois de finances .
19
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Hors budget général, des moyens
des politiques de l’État qui font
encore l’objet d’un suivi et
d’un pilotage insuffisants
Comme les années précédentes, la Cour
a étendu son analyse des dépenses,
au-delà du seul budget général, à
l’ensemble des moyens financiers
que l’État consacre aux politiques
publiques .
5
Les moyens de l’État au service des politiques publiques
Source : Cour des comptes
Budget général
426,7 Md€
Budgets annexes
2,3 Md€
Comptes spéciaux
11,0 Md€
Dépenses budgétaires nettes (440,1 Md€)
Autres moyens (131,2 Md€)
Dépenses fiscales
90,3 Md€
Impôts et taxes affectés*
40,9 Md€
Fonds sans personnalité
juridique **
* Impôts et taxes affectés à des tiers autres que les collectivités territoriales
et les organismes de sécurité sociale
** Les moyens des FSPJ ne sont pas connus de manière exhaustive.
20
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Hors budget général, des moyens
des politiques de l’État qui font encore l’objet
d’un suivi et d’un pilotage insuffisants
Cet ensemble inclut notamment
les budgets annexes et les comptes
spéciaux, dont les dépenses
représentaient 13,4 Md€ en 2021
(après déduction des doubles comptes),
en baisse significative par rapport
à 2020 (- 6,2 Md€) à la suite de la
suppression de deux comptes spéciaux .
Si les budgets annexes et les comptes
spéciaux font l’objet d’une information
dans l’ensemble satisfaisante, ils
ne bénéficient pas d’un examen
parlementaire aussi approfondi que le
budget général et le pilotage de leurs
dépenses n’est que partiel .
De la même façon, l’État a affecté
40,9 Md€ d’impôts et taxes en 2021 à
des opérateurs ou à d’autres organismes
(hors collectivités territoriales et
organismes de sécurité sociale) pour la
mise en œuvre de politiques publiques
sans qu’une information suffisante soit
donnée au Parlement sur les actions
que ces moyens importants financent .
La Cour fait cette année encore le
constat d’un pilotage insuffisant des
dépenses fiscales, dont le montant s’est
élevé à 90,3 Md€ (en baisse de près de
2,4 Md€ par rapport à 2020 du fait de
la poursuite de la réduction du crédit
d’impôt en faveur de la compétitivité et
de l’emploi) . Si les plafonds prévus par
les lois de programmation des finances
publiques sont respectés, ils sont
inopérants car fixés trop haut et le bilan
des conférences fiscales en termes de
modification ou de suppression de
dépenses fiscales est très modeste .
72,1
71,9
72,7
74,7
77,7
79,6
80,7
84,1
83,3
6,4
12,4
12,9
15,7
19,4
19,2
8,7
7,0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Dépenses fiscales hors CICE
CICE
Coût des dépenses fiscales sur la période 2013-2021 (Md€)
Source : Cour des comptes – données projets de loi de finances, annexe Voies et moyens
– tome II
21
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Hors budget général, des moyens
des politiques de l’État qui font encore l’objet
d’un suivi et d’un pilotage insuffisants
Enfin, les ressources et les dépenses
des fonds sans personnalité juridique,
véhicules financiers contrôlés par
l’État et dont la gestion est confiée à
des tiers, échappent le plus souvent
au contrôle de l’État, du Parlement et
même parfois des instances de décision
des organismes qui en sont pourtant
gestionnaires . Ces fonds ne font l’objet
ni d’un suivi précis, ni d’une stratégie de
remise en ordre . Le Fonds de solidarité
pour le développement illustre la
porosité entre ces fonds et le budget
de l’État, avec un risque croissant pour
l’État de devoir prendre en charge
une partie des dépenses lorsque le
rendement des taxes affectées au
fonds n’est pas à la hauteur attendue .
Par ailleurs, l’insuffisance du suivi
s’observe particulièrement dans le cas
des fonds sans personnalité juridique
(FSPJ) mobilisés pour la mise en œuvre
des programmes d’investissement
d’avenir, qui ne font l’objet que d’une
information limitée .
23
Synthèse du rapport sur le budget de l’État en 2021
Au terme de son analyse, la Cour
formule plusieurs recommandations .
Comme dans le RBDE 2020, la Cour
s’est attachée à réduire le nombre de
ses recommandations et à renvoyer
plus largement à celles figurant dans
les notes d’analyse de l’exécution
budgétaire . Les recommandations
qu’elle formule cette année visent
à renforcer le respect du principe
d’annualité budgétaire, à améliorer
la qualité des prévisions de recettes
fiscales et le pilotage des dépenses
de l’État, et à engager, dans le cadre
de la prochaine loi de programmation
des finances publiques un programme
d’évaluation des dépenses fiscales .
1.
Conformément au principe
d’annualité budgétaire, n’ouvrir en lois
de finances initiale et rectificative que
les crédits nécessaires à l’exercice en
cours et veiller à limiter strictement les
reports de crédits sur l’exercice suivant
(recommandation reformulée) .
2.
Présenter, dans l’annexe
Voies et
moyens
des projets de loi de finances
initiale, l’origine des écarts entre les
recettes fiscales encaissées pour le
dernier exercice clos et les prévisions
des lois de finances initiale et
rectificatives afférentes à cet exercice
(recommandation nouvelle) .
3.
Fixer, pour l’ensemble de la
période couverte par la prochaine
loi de programmation des finances
publiques, une norme de dépenses
pilotables de l’État n’excluant que les
seuls crédits dont le Gouvernement
n’a pas la maîtrise (crédits évaluatifs,
dépenses de pensions…) et présenter
annuellement dans les documents
budgétaires l’exécution et l’analyse
des écarts éventuels à l’objectif
(recommandation nouvelle) .
4.
Élaborer
un
programme
d’évaluation des dépenses fiscales
à mettre en œuvre au cours de la
prochaine loi de programmation des
finances publiques, en vue d’en réduire
le nombre et leur impact sur les
recettes publiques (recommandation
reformulée) .
Recommandations