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75100 PARIS CEDEX 01
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QUATRIEME CHAMBRE
S2021-1907
QUATRIEME SECTION
OBSERVATIONS DEFINITIVES
(Article R. 143-7 du code des juridictions financières)
BILAN DES CESSIONS
IMMOBILIERES DU MINISTERE
DES ARMEES
LES CESSIONS PARISIENNES
Exercices 2008-2020
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 23 septembre 2021.
En application de l’article L. 143
-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
2
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
..............................................................................................
9
INTRODUCTION
...................................................................................................
10
1
LES LOIS DE PROGRAMMATION MILITAIRE DE 2009 A 2019 ET LEURS
CONSEQUENCES SUR LES CESSIONS PARISIENNES
...............................
11
1.1
Les cessions immobilières, ressources exceptionnelles de la LPM
...............
11
1.1.1 Un dispositif critiqué par la Cour dès son origine
...........................................
11
1.1.2 Un régime doublement dérogatoire
.................................................................
13
1.2
Le caractère aléatoire des produits des cessions immobilières
......................
17
1.2.1 Des objectifs des LPM non atteints en termes de montants et/ou de
calendrier
.........................................................................................................
17
1.2.2
L’échec de l’«
opération Vauban » et ses conséquences
.................................
19
1.3
Le poids des impératifs liés à la LPM dans les cessions à Paris
....................
22
1.3.1
L’importance financière des recettes des cessions parisiennes
.......................
23
1.3.2 Le déroulement précipité de certaines cessions parisiennes
............................
24
1.4
Des biens finalement non cédés mais transférés à d’autres ministères
..........
26
1.4.1
L’hôtel de la Marine
........................................................................................
26
1.4.2 La caserne Gley
...............................................................................................
27
1.4.3 La caserne Lourcine
........................................................................................
28
1.4.4 Le site du Val-de-Grâce
..................................................................................
30
2
LA PARTICIPATION DES CESSIONS IMMOBILIERES DES ARMEES A
LA POLITIQUE PUBLIQUE EN FAVEUR DU LOGEMENT
.........................
33
2.1
Le dispositif national de mobilisation du foncier public en faveur du
logement
.........................................................................................................
33
2.1.1 Description du dispositif
.................................................................................
33
2.1.2
Une mise en œuvre de la «
loi Duflot » finalement limitée
.............................
36
2.2
La politique en faveur du logement pour la ville de Paris
.............................
39
2.2.1
Une démarche globale pour l’ensemble des biens immobiliers de l’État
........
39
2.2.2
L’évolution des règles d’urbanisme, facteur d’instabilité durant toute la
période
.............................................................................................................
41
2.2.3 Le dispositif de décote, un levier de négociation utilisé à tort
........................
42
2.2.4 Les effets du « pastillage » dans le septième arrondissement
.........................
45
2.2.5
Les paradoxes des politiques portées par l’État
..............................................
47
2.3
La faible-prise en compte du logement des militaires à Paris
........................
47
3
L’INSUFFISANTE PRISE
EN COMPTE DES INTERET
S DE L’ETAT DANS
LES PROCEDURES DE CESSIONS
..................................................................
50
3.1
Un recours trop limité à l’appel d’offre et des défauts dans les procédures
..50
3.1.1
Une procédure pourtant favorable à l’État
......................................................
50
3.1.2 Des produits de cession systématiquement supérieurs aux évaluations
domaniales
.......................................................................................................
51
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
4
3.1.3
Un dispositif destiné à garantir la transparence des procédures et l’égalité de
traitement des candidats
..................................................................................
52
3.1.4 Deux procédu
res soulevant des interrogations sur l’égalité de traitement des
candidats
..........................................................................................................
54
3.2
Des cessions de gré à gré particulièrement
défavorables à l’État
..................
57
3.2.1
La cession de l’Hôtel de l’artillerie
.................................................................
57
3.2.2 La cession de la caserne de Reuilly
.................................................................
59
3.3
L’insuffisance des dispositifs protégeant les intérêts de l’Etat après la
cession
............................................................................................................
61
3.3.1
Les clauses d’intéressement
............................................................................
62
3.3.2
Les clauses liées à une obligation de l’acquéreur
............................................
67
3.3.3 Un contrôle non formalisé et insuffisant
.........................................................
68
3.4
Le contrôle des procédures de cessions et son abandon récent
......................
70
CONCLUSION
............................................................................................................
73
ANNEXES
....................................................................................................................
74
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
5
SYNTHÈSE
La réforme de l’outil de défense, engagée en 2008, a entraîné d’importantes
restructurations des sites sur lesquels étaient stationnées les forces. Entre 2009 et 2015, plus
d’une trentaine d’unités ont été dissoutes ou transférées, libérant ainsi de nombreuses emprises
foncières et immobilières (casernes, camps, bases, etc.). A Paris, la décision de regrouper à
l
’horizon
2014, sur le seul site de Balard,
l’ensemble des services centraux du ministère qui
étaient dispersés sur plusieurs implantations intra-muros et en proche banlieue, a permis de
libérer, à partir de 2009, plusieurs biens immobiliers parisiens de grande valeur.
Compte tenu de la valeur estimé
e de l’ensemble de ce patrimoine immobilier, l
es lois
de programmation militaire (LPM) successives pour 2009-2014 puis 2014-2019, ont prévu que
les produits de cessions immobilières correspondant constitueraient pour le ministère des
armées des ressources nécessaires à l’équilibre budgétaire global de la mission Défense
. Malgré
leur caractère aléatoire lié aux incertitudes inhérentes à leur montant, à leur commercialisation
et à leur calendrier, la réalisation des cessions immobilières a donc été une nécessité pour le
ministère des armées et cet impératif a pesé dans les processus de cession, en particulier sur
ceux qui ont été menés à Paris.
Ainsi, la vente des biens immobiliers parisiens
est à l’origine des prin
cipales recettes
immobilières exceptionnelles
réalisées au cours de cette période, puisqu’elle représente près de
60 % des produits de cessions immobilières du ministère des armées, réalisées entre 2009 et
2019, avec un montant cumulé de plus d’1
Md€.
*
Pour plusieurs de ces cessions, le choix de les réaliser au plus tôt pour respecter les
délais fixés par la LPM, a conduit
l’
État à prendre des risques dans les négociations et à ne pas
saisir des opportunités de céder à meilleur prix.
De plus, la procédure de cession avec publicité et mise en concurrence, même si elle a
représenté en valeur 77% du produit total, a constitué une exception pour les cessions
immobilières du ministère des armées à Paris. En effet, en dépit de la valeur objective des sites
parisiens du ministère des armées et de leur caractère exceptionnel, lié à leur emplacement
géographique ou à leur qualité architecturale, le recours à une procédure avec mise en
concurrence n’a concerné que quatre opérations de vente sur douze (l’
ensemble Bellechasse-
Penthemont, la partie « privée »
de l’Îlot Saint
-Germain, la Caserne de la Pépinière et un
immeuble boulevard de La Tour-Maubourg).
Pourtant, aux termes des dispositions du code général de la propriété des personnes
publiques (CGPPP), la procédure avec publicité et mise en concurrence constitue le principe
pour l'aliénation d'un immeuble du domaine privé de l'État. Les rapports annuels de la
commission pour la transparence et la qualité des cessions immobilières de l’
État (CTQ) ont,
de plus, soulign
é de façon récurrente que cette procédure permet à l’
État
d’obtenir un meilleur
produit de cession.
*
L
’impératif de réaliser les ressources exceptionnelles pour la mise en œuvre de la LPM
a
mis l’
État vendeur en position de faiblesse face aux éventuels acquéreurs. Simultanément, la
ville de Paris a manifesté un volontarisme certain en matière de création de logements sociaux
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
6
et de rééquilibrage en faveur des arrondissements les plus déficitaires, rejoignant la
préoccupation de l’
État en faveur de la construction de logements sociaux. Cette stratégie de la
ville a été facilitée par sa faculté
d’exercer son droit de priorité sur tout projet de cession en
vertu des dispositions du code de l’urbanisme, et
aussi par les possibilités que lui a offertes, à
partir
de 2013, l’entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 2013 sur la mobilisation du foncier
public en faveur du logement, dite « loi Duflot ».
Le dispositif « Duflot » de la décote, qui permet de céder à un prix moindre que la valeur
vénale, lorsque la cession a pour but la création de logements sociaux,
s’est avéré finalement
peu adapté au contexte des cessions parisiennes, cependant la contribution du ministère des
armées à la politique en faveur du logement à Paris, sous forme de moins-value sur ses recettes
attendues, est conséquente et a pesé lourd dans sa trajectoire budgétaire.
En effet la seule cession réalisée à Paris dans le cadre de ce dispositif, au sens du
CGPPP, est celle de la partie « sociale
» de l’Ilot Saint Germain, pour 29
M€, avec une déco
te
de 66 %. Deux autres cessions visant à la réalisation de logements (un immeuble boulevard du
Montparnasse et la caserne de Reuilly), ont été réalisées pour un montant moindre que
l’évaluation domaniale, mais en vertu de décisions ad hoc résultant d’arbi
trages ministériels ou
de conventions conclues entre la ville et l’
État. Ces cessions ont été
conformes à l’objectif de
développement du logement social, mais défavorables
aux intérêts de l’
État, en tant que
vendeur, et par voie de conséquence, au ministère des armées.
Au total, le montant des décotes accordées s’élève à près de 90
M€.
Elles ont permis la
réalisation de logements qui sont pour une grande majorité d’entre eux des logements sociaux
représ
entant une surface d’environ 59
000 m², soit une partic
ipation de l’
État à la politique de
logement social de la ville de Paris
d’environ 2
300
par m². Cela illustre le caractère paradoxal
de l’action de l’État qui cherche à maximiser ses ressources budgétaires en fixant le
prix de
vente de ses cessions au niveau le plus élevé, tout en souhaitant favoriser le logement social
dans les villes les plus contraintes, ce qui le conduit à imposer des obligations lourdes aux
vendeurs, limitant ainsi les possibilités d’
optimisation financière du foncier en zone urbaine.
La Cour a eu l’occasion
en 2017
de relever le coût pour l’
État du dispositif de décote,
au regard des faibles résultats obtenus
1
. Afin de prévenir un risque de subventions
disproportionnées, elle avait déjà recommandé de réexaminer
le périmètre d’application et les
règles relatives à sa
mise en œuvre, en retenant le principe d’un plafonnement de la décote sous
certaines conditions et d’une application plus ciblée
.
La Cour relève enfin qu’en tant qu’administration
qui subit la décote, le ministère des
armées bénéficie d’un droit de réservation sur une partie des logements sociaux ainsi générés.
En considération de sa forte contribution à la politique en faveur du logement, le ministère doit
faire valoir ce droit, compte tenu des besoins pour le logement de son personnel en région Ile-
de-France, et surtout à Paris.
*
L
a période a été marquée par une certaine instabilité des règles d’urbanisme (révisions
du plan local d’urbanisme et du plan de sauvegarde et de mise en valeur du 7
ème
arrondissement
notamment). L
État
, quoique partie prenante dans l’élaboration de ces règles, s’est trouvé en
situation défavorable, en tant que vendeur, par rapport à la ville de Paris, dans les négociations,
1
Cf.
Evaluation du dispositif de décote sur le foncier public en faveur du logement social
, référé au
Premier ministre, octobre 2017.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
7
les contraintes d’urbanisme étant un paramètre fondamental dans toute opération de cession
immobilière, puisqu’elles affectent la valeur patrimoniale des immeubles.
L’
influence de la ville de Paris dans la destination des biens, même en dehors des projets
de logements, a en outre
été mise en évidence dans la cession de l’Hôtel d’artillerie
. Tout en
choisissant de laisser le site libre de toute contrainte de logement social, la ville a en effet fait
en sorte que l’
État
n’ait pas d’autre
choix que de le céder à la Fondation nationale des sciences
politiques selon une procédure de gré à gré, qui a conduit à un prix de cession nettement
inférieur aux estimations domaniales initiales.
De manière générale, les cessions de gré à gré, qui sont dérogatoires au principe de
cession par appel public à la concurrence, ont donné lieu à des négociations serrées qui se
reflètent dans les révisions successives des évaluations domaniales et dans les méthodes
d’évalua
tion. Ces dernières ont finalement consisté, non à estimer un prix de marché, mais à
calculer une charge foncière acceptable à partir des hypothèses du futur acquéreur et des
contraintes de celui-ci. Cette méthode
est contraire aux normes comptables de l’
État et aux
dispositions du code de l’urbanisme, selon lesquelles la notification par l’
État, au bénéficiaire
du droit de priorité, de son intention de vendre et de la valeur domaniale du bien, doit intervenir
avant l’engagement de toute procédure de cessio
n, y compris de gré à gré (article L. 240-3 du
code de l’urbanisme
).
La Cour considère que, si un dialogue peut être mené avec les potentiels acquéreurs sur
leurs projets pour
permettre à l’administration d’affiner ses calculs pour l’évaluation domaniale
et tenir compte au plus juste du potentiel de reconversion du site, ce dialogue ne doit pas être
confondu avec la phase de négociation qui doit intervenir,
après l’évaluation domaniale
, qui en
fixe, en quelque sorte, les limites, permettant de préserver l
es intérêts de l’
État.
*
La prise en compte des produits de cessions immobilières comme ressources
exceptionnelles dans les LPM pour 2009-2014 et 2014-
2019 avait impliqué l’introduction de
différentes dérogations en faveur du ministère des armées, en parti
culier le principe d’un retour
intégral des produits de cession, contrairement aux autres ministères qui ne récupèrent que 50 %
du produit sous forme de crédits au compte d’affectation spéciale (CAS) «
Gestion du
patrimoine immobilier de l’
État ». Cette dé
rogation a été respectée, à l’exception du produit de
la cession en juin 2019 de la partie « privée
» de l’Ilot Saint Germain dont l’intégralité n’a pas
été versée au bénéfice du ministère des armées, mais seulement 59,8 %. Le reliquat est toutefois
bien comptabilisé dans les droits de tirage du BOP Défense du CAS et doit donner lieu à
restitution d'ici 2025.
Le principe des ressources exceptionnelles comportait également une dérogation au
principe de l’utilisation préférentielle par les services de l’
État (article L. 3211-1 du code
général de la propriété des personnes publiques) et un dispositif de compensation en cas de
transfert d’un immeuble au lieu d’une cession.
Quatre immeubles parisiens du ministère des
armées n’ont finalement pas été cédés mais transférés à d’autres services de l’
État. Pour autant,
le mécanisme de compensation en cas de transfert, instauré en 2014, n’a pas réellement été mis
en œuvre. En effet, des quatre transferts, un seul a donné lieu à une soulte en juillet 2012, alors
même que
cette disposition n’avait pas encore été adoptée. Aujourd’hui, les conséquences du
transfert des sites du Val-de-Grâce et de la Caserne Gley restent à clarifier, en particulier la
question des compensations financières, pourtant prévues et actées.
*
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
8
Dans l
a plupart des cas, la négociation a porté également sur l’introduction de clauses
de complément de prix et d’intéressement dans les actes de vente. Cependant, le contrôle du
respect des obligations spécifiques imposées à l’acquéreur, susceptible de générer
des produits
complémentaires substantiels pour l’
État
demeure aujourd’hui insuffisant
alors que les produits
issus de versements au titre des clauses de compléments de prix sur la période 2010-2020
s’élèvent au total à
près de 35
M€ et des compléments son
t encore théoriquement attendus. La
préservation des intérêts de l’
État
nécessite la mise en place d’un contrôle plus formalisé et plus
systématique, et une clarification des responsabilités apparaît nécessaire.
L’ensemble des observations de la Cour justifie la nécessité d’un contrôle a posteriori
tel que celui qui était réalisé jusqu’en 2019 par la commission pour la transparence et la qualité
(CTQ) des opérations immobilières de l'État, commission qui a été supprimée fin 2019.
Enfin, pour l’avenir, les
conséquences doivent être tirées de ce que, conformément aux
recommandations de la Cour, la LPM pour 2019-2025 a finalement exclu le recours aux
ressources exceptionnelles pour financer son l’exécution. La logique impose qu’il soit mis fin
désormais aux différentes dérogations découlant de cette disposition car elles ne sont plus
justifiées dans le contexte budgétaire actuel
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
9
RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1
:
(DIE et SGA) A l’issue de la loi de programmation militaire pour
2019-2025, mettre fin à la dérogation qui garantit un retour intégral du produit des cessions
immobilières du ministère des armées.
Recommandation n°
2 :
(DIE) Mettre fin à la dérogation au principe de l’utilisation
préférentielle pour les immeubles du ministère des armées et privilégier désormais
systématiquement une
réaffectation au profit d’une autre administration avant d’envisager une
cession.
Recommandation n°
3 :
(DIE et SGA) Clarifier le sort de la caserne Gley ; régulariser la
question des compensations financières déjà prévues pour ce site et celui du Val-de-Grâce ;
limiter, à
l’avenir,
le recours à une compensation en cas de transfert, conformément à la charte
du CAS Immobilier de l’
État et à la LPM 2019-2025.
Recommandation n°
4 :
(SGA) Veiller au respect, y compris dans la durée, des dispositions
permettant au ministère des armées de réserver des logements pour son personnel au sein des
projets de construction réalisés sur les sites parisiens cédés.
Recommandation n°
5 :
(DIE) Réaliser les cessions de gré à gré sur la base d’une évaluation
du bien conforme aux règles posées par la norme comptable n° 6, et effectuée avant
l’engagement de toute négociation, conformément aux dispositions de l’article L. 240
-3 du code
de l’urbanisme.
Recommandation n°
6 :
(DIE) Renforcer les moyens du contrôle du respect des clauses liées
à la valorisation du bien par l’acquéreur et aux éventuelles ob
ligations fixées à celui-ci dans
l’acte de cession ; clarifier les responsabilités en la matière.
Recommandation n°
7 :
(DIE) Prévoir systématiquement une clause d’intéressement en cas
de retour à meilleure fortune de l’acquéreur pour préserver les intérêts de l’
État
Recommandation n°
8 :
(DIE et PRIF)
Concernant la cession de l’immeuble 93 boulevard du
Montparnasse, régulariser la dette de la ville de Paris
, d’un montant de 8,75 M€,
au titre du
défaut de respect des délais prévus par les dispositions de l’article R. 148
-9 du code du domaine
de l’État, en vigueur à l’époque, aujourd’hui article L. 3211
-7-V du code général de la propriété
des personnes publiques.
Recommandation n°
9 :
(DIE) Rétablir un contrôle des opérations de cessions immobilières ;
le confier à une entité indépendante ; faire en sorte que ce contrôle soit renforcé et exercé a
priori s’agissant des cessions de gré à gré, notamment en cas d’exercice du droit de priorité.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
10
INTRODUCTION
Au sein de l’
État, le parc immobilier utilisé par les armées, qui a été évalué à 17,14
Md€
en valeur nette au 31 décembre 2019, occupe près de 33 % de la surface bâtie occupée par les
administrations (hors opérateurs). Les lois de programmation militaire pour les périodes
2009-2014 et 2014-
2019 prévoyaient une déflation des effectifs et des restructurations d’u
nités
et d’implantations, accompagnées de cessions immobilières bénéficiant de procédures
spécifiques
: dérogation au principe de l’utilisation préférentielle par les services de l’
État,
cessions d’immeuble
s de gré à gré sans publicité ni mise en concurren
ce, cessions à l’euro
symbolique, cessions concernées par la décote
2
pour logements sociaux. Par ailleurs, le
ministère bénéficie d’un retour intégral des produits de cession ainsi que de conditions
particulières d’utilisation des crédits du compte d’affec
tation spéciale « Gestion du patrimoine
immobilier de l’
État ».
Les produits des cessions immobilières constituaient des ressources exceptionnelles
destinées à contribuer à l’équilibre financier des lois de programmation précitées. Entre 200
9
et 2019, le montant cumulé des recettes correspondantes a dépassé 1,8
Md€
pour plus d’un
millier d’opérations.
Par leur emplacement et par leur valeur vénale, les cessions de sites parisiens ont
constitué des opérations à fort enjeu. S
ur l’ensemble de la période 2009
-2019, malgré leur faible
nombre (13 opérations réalisées), ces cessions ont représenté près de 60 % des produits de
cessions immobilières du ministère des armées, avec un montant cumulé de 1,06
Md€
.
Ces cessions sont intervenues dans le contexte de la mise
en place d’une politique
publique du logement en général, et du logement social en particulier, conjugué au
renforcement du volontarisme de la ville de Paris en matière de création de logements sociaux
et de rééquilibrage vers les arrondissements les plus déficitaires
, à la faveur d’une révision des
règles applicables (plan local d’urbanisme et plans de sauvegarde).
Le présent rapport met en évidence les conséquences de la prise en compte des cessions
immobilières pour le financement de la loi de programmation militaire
(I), puis l’ampleur de la
participation du ministère ses armées, par ces cessions, à la politique publique en faveur du
logement (II). Enfin, le rapport s’attache à décrire en quoi les intérêts de l’
État en tant que
vendeur ont été insuffisamment pris en compte dans les différentes procédures de cessions (III).
2
Dispositif
permettant à l’État de réaliser une cession immobilière à un prix inférieur à la valeur vénale
du bien, pourvu que
cette « décote » permette d’y réaliser des logements sociaux
.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
11
1
LES LOIS DE PROGRAMMATION MILITAIRE DE 2009 A 2019
ET LEURS CONSEQUENCES SUR LES CESSIONS
PARISIENNES
La prise en compte des produits des cessions immobilières comme ressources
exc
eptionnelles pour la mise en œuvre de la LPM pendant dix années
ont rendu la réalisation
de ces cessions impératives pour le ministère des
armées, avec d’importantes
conséquences à
Paris, compte tenu du caractère aléatoire de ces opérations sur leur montant et à la date de leur
réalisation.
1.1
Les cessions immobilières, ressources exceptionnelles de la LPM
Le principe des ressources exceptionnelles a impliqué pour le ministère des armées
l’instauration de dérogations
administratives et budgétaires
qui l’ont pl
acé dans une situation
favorable par rapport aux autres ministères. Ces dérogations étaient alors justifiées par
l
’ensemble d
es contraintes budgétaires et de restructurations qui pesaient sur lui.
1.1.1
Un dispositif critiqué par la Cour dès son origine
Depuis la création du compte
d’affectation spéciale (CAS) «
Gestion du patrimoine
immobilier de l’État
» en 2006, les ressources issues des cessions immobilières sont mobilisées
et rattachées à celui-ci.
Cependant, en 2009, l
’article 3 de la
loi de programmation militaire (LPM) pour
2009-2014 (loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009) a prévu expressément que les crédits de
paiement de la mission Défense seront «
complétés par des ressources exceptionnelles,
provenant notamment de cessions
» au long de la période 2009-2014. Dans le rapport annexé,
il est précisé que «
l’intégralité
» de ces produits de cession seront affectés au financement de
la LPM (paragraphe 3.5.4) et que les ressources 2009-2014 seront composées des ressources
budgétaires à hauteur de 181,13
Md€ et
des ressources exceptionnelles, provenant notamment
de cessions d’actifs, à hauteur de 3,66
Md€ (paragraphe 6).
La Cour a critiqué la prise en compte de ces ressources exceptionnelles dans
l’équilibre des lois de programmation militaire, en raison des ince
rtitudes sur le montant
des opérations et le calendrier de leur réalisation.
A l’occasion d’un bilan à mi
-parcours de la LPM, en 2012, elle a recommandé
d’«
adopter des hypothèses réalistes et prudentes dans la construction budgétaire en évitant le
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
12
recours à des ressources hypothétiques, dont la réalisation ne dépend pas du seul ministère de
la défense
»
3
.
Cette pratique a cependant été reconduite dans la LPM pour 2014-2019
4
, dans les
mêmes conditions. Toutefois le caractère aléatoire de ces recettes a été pris en compte : «
dans
l’hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les
crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés
conformément à la présente loi, ces ressources serai
ent intégralement compensées par d’autres
recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement
interministériel
» (article 3).
En 2015, dressant un bilan des ressources exceptionnelles de la mission Défense, la
Cour a critiqué ces nouvelles dispositions et considéré que «
s’agissant d’une mission
régalienne, pour laquelle les décisions d’investissements créent des obligations contractuelles
avec les partenaires industriels et structurent le format des armées pour le long terme, la
persistance d’un mode de financement aléatoire et l’accumulation de ces incertitudes sur le
financement des dépenses sont préoccupants
». Observant que «
les aléas propres aux
ressources ont conduit à des pratiques budgétaires à la marge de la régularité et à une fuite en
avant dans l’identification de recettes nouvelles
», elle a recommandé l’abandon dans les LPM
du recours à des ressources exceptionnelles pour en assurer le financement
5
.
Chaque année, à partir de 2009, la Cour a appelé à limiter le recours aux ressources
exceptionnelles dans ses rapports annuels sur les résultats et la gestion du budget de
l’État
. Cette
recommandation a enfin été réitérée par la Cour dans son référé du 19 juillet 2017 sur la mise
en œuvre de la loi de programma
tion militaire 2014-2019 et les perspectives financières de la
mission Défense.
En 2018, le caractère aléatoire des produits des cessions immobilières a finalement
été pris en compte.
La trajectoire fixée par la LPM pour 2019-2025 (loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018)
repose intégralement
sur des crédits budgétaires, à l’exclusion de toute recette exceptionnelle,
contribuant à sécuriser la trajectoire financière. Les recettes issues de cessions ne viennent
qu’en complément (article 3).
Les revenus de cessions immobilières (évalués à 500
M€ environ sur la période
2019-2025) viennent donc
s’ajouter aux ressources budg
étaires par abondement du CAS
«
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
». Des crédits peuvent ainsi être ouverts sur le
BOP « Défense » de ce CAS en fonction des besoins et dans la limite des recettes encaissées.
Le responsable du programme 723 assure la mise à disposition des crédits nécessaires à la
réalisation des dépenses
d’infrastructures
programmées et gérées par le ministère des armées.
Le solde en AE et en CP (écart entre les recettes et les dépenses) est entièrement reportable.
3
Bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2009-2014, rapport public thématique, juillet
2012.
4
Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à
2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
5
Bilan des ressources exceptionnelles de la mission Défense, observations définitives, 21 octobre 2015.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
13
1.1.2
Un régime doublement dérogatoire
1.1.2.1
Le principe d’un retour intégral des produits de cession
au profit des armées
Comme la Cour l’a déjà relevé
6
, au sein du c
ompte d’affectation spéciale (CAS)
«
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
», instauré par la loi n° 2005-1719 du
30 décembre 2005 de finances pour 2006 (article 47), le ministère des armées bénéficie depuis
2008 d’un traitement plus favorable que les
autres ministères, en raison notamment du volume
exceptionnel d’emprises libérées par les armées dans le cadre des restructurations décidées en
2008.
En effet, le ministère a été exonéré de la contribution au désendettement
de l’
État,
imposée aux autres ministères, instaurée par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de
finances pour 2009, et fixée initialement à hauteur de 15 % des produits de cession, puis portée
successivement à 20 % en 2012, 25 % en 2013 et 30
% à partir de 2014, avant d’être supprim
ée
en 2017
7
. Cette exonération, initialement
applicable jusqu’au 31 décembre 2014
, a été
prolongée jusqu’au 31 décembre 2019 par la
loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances
pour 2015, avant de devenir sans objet au 1
er
janvier 2017, du fait de la suppression de la
contribution au désendettement
de l’État pour l’ensemble des ministères.
Par ailleurs, depuis 2009
8
, les recettes des produits de cession d’actifs versées au CAS
«
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
» sont réparties dans deux enveloppes : une
enveloppe propre à l'ancien ministère occupant et une enveloppe mutualisée. Le taux de
« retour » des produits de cession, fixé au départ à 65 % es
t aujourd’hui de 50
% pour
l’ensemble des ministères. Le ministère des armées a
yant été dispensé de la mutualisation des
recettes provenant de ses cessions immobilières
, il bénéficie d’un
taux de retour de 100 %.
Ce principe d’un retour intégral des produits de cessions immobilières
, posé en
2009 dans la partie non législative de la LPM pour 2009-
2014, n’a pas été remis en cause
depuis par le ministère des armées ou par le ministère de l'économie, des finances et de la
relance, bien que le contexte budgétaire ait évolué.
Dans le rapport annexé à la LPM pour 2009-2014, figure en effet la mention que
«
l’intégralité des produits des cessions immobilières
réalisées au cours de la période
2009-
2014 pour la mise en œuvre du plan de stationnement sera affectée au financement de la
présente loi de programmation
» (paragraphe 3.5.4). Il a été reconduit dans la LPM pour
2014-2019, au paragraphe 7.3 du rapport annexé.
Dans la LPM pour 2019-2025, il est désormais mentionné dans la partie législative, à
l’article 3 qui dispose notamment
: «
ces crédits budgétaires seront complétés (…) par un retour
de
l’in
tégralité du produit des cessions immobilières du ministère des armées
». Ainsi
6
Bilan de la politique immobilière du ministère des armées, exercices 2008-2018, observations
définitives, juillet 2020.
7
Article 42 II de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
8
Circulaire du Premier ministre du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l'Etat.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
14
l
’abandon du principe des ressources exceptionnelles dans la LPM pour 2019
-
2025 n’a pas
entraîné la fin de cette dérogation.
Une décision récente a semblé toutefois
s’
écarter de cette disposition. En effet, à
l’issue de la cession de la «
partie privée
» de l’Îlot Saint Germain
le 17 juin 2019, pour
368
M€, alors que l’évaluation domaniale était de 220
M€, le ministère des armées n’a pas
reçu l’intégralité du produit de cette ce
ssion, mais le seul mo
ntant de l’évaluation
domaniale. Le reliquat, soit 148
M€
, a été mutualisé, via le CAS « Gestion du patrimoine
immobilier de l’État
», en vertu d’un arbitrage ministériel oral
9
Cependant, le ministère des armées a indiqué que cette mutualisation devait être
considérée comme un mouvement de trésorerie au sein du CAS, devant donner lieu à
restitution d'ici 2025, avant le terme de la LPM, le montant de 368
M€ étant bien
comptabilisé dans les droits de tirage du BOP Défense du CAS.
Comme la Cour l’a relevé récemment
, en dressant le bilan de la politique immobilière
du ministère des armées
10
, ce traitement plus favorable que pour les autres ministères doit être
mis en regard de
l’ampleur et de la complexité des opérations immobilières et de l’effort de
restructuration qui ont affecté le ministère des armées depuis 2008.
Il est aussi justifié par l’état général dégradé du patrimoine immobilier affecté aux
armées dont la remise à niveau représentait une « dette grise » évaluée en 2018 à 3,9
Md€ par
le service d’infrastructure de la défense (SID) et dont le maintien en condition nécessiterait
ensuite un flux budgétaire de 1,4
Md€ par an.
La maintenance du patrimoine ayant été
insuffisante depuis de nombreuses années, les moyens accordés ont permis seulement de
ralentir la dégradation, ce qui a induit des niveaux de risques élevés pour une part non
négligeable des ouvrages et d’importants
préjudices
pour la condition du personnel, s’agissant
notamment
des conditions d’
hébergement des personnels militaires.
Dans le cadre de la LPM pour 2019-2025, un effort global pour
l’agrégat
« infrastructures » a été programmé pour 11,1
Md€
sur la période (hors dissuasion nucléaire et
fonctionnement courant), ce qui représente un effort annuel de 1,44
Md€
en moyenne
jusqu’en
2023, puis 1,9
Md€ par an sur les deux dernières années de la LPM.
Ces montants s’entendent
hors recettes éventuelles de cessions immobilières, par nature incertaines, qui ne sont plus prises
en compte et viennent en complément des crédits de la LPM.
Compte tenu de cet effort conséquent, il conviendrait, une fois la période 2019-2025
achevée, de réintégrer le ministère des armées dans le droit commun de gestion du CAS
«
Gestion du patrimoine immobilier de l’
État » et de retenir un taux de retour des
produits de cession à hauteur de 50
%, à l’instar de l’ensemble des autres ministères.
Contrairement à la direction du budget et à la direction de l’immobilier de l’
État, qui y
sont favorables, le ministère des armées a fait part de ses réserves sur la fin de cette dérogation
à compter de 2025, qui, selon lui, compromettrait, la politique de remise en état et de rénovation
9
Source : direction du budget.
10
Bilan de la politique immobilière du ministère des armées (2008-2018), observations définitives, juillet
2020.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
15
énergétique de ses infrastructures et rendrait moins incitative la politique de cession «
alors que
les armées disposent d
u foncier le plus important de l’
État
».
Le
directeur de l’immobilier de l’
État souligne que cette dérogation accordée au
ministère des armées conduit à «
des pratiques qui nuisent au rôle de l’
État propriétaire et à
une gestion vertueuse du parc immobilier
», précisant qu’un retour à hauteur de 100
% au profit
du ministère des armées «
obère d’autant les fonds mutualisés qui sont destinés prioritairement
à l’entretien lourd du patrimoine immobilier de l’
État
». Quant à la direction du budget, elle
souscrit également à la mise en extinction des exceptions aux règles de la politique immobilière
de l’
État dont bénéficie historiquement le ministère des armées.
La Cour souligne toutefois que, depuis 2019, la réalisation des programmes
d’infrastructures
ne dépend plus des produits de cessions immobilières et que, si le ministère
ne bénéficiait plus d’un retour intégral de ces produits, il serait en tout état de cause bénéficiaire,
comme les autres ministères, des fonds mutualisés destinés à l’entretien lourd du p
atrimoine
immobilier de l’
État. De plus, le caractère incitatif invoqué ne se justifie plus, le ministère des
armées
n’
ayant désormais plus à fournir un effort particulier
pour la cession d’un nombre
important d’emprises, libérées par des restructurations
de grande ampleur, comme dans les
années 2010, ses effectifs étant de surcroît aujourd’hui en phase de progression.
Recommandation n° 1.
(DIE et SGA) A l’issue de la loi de programmation militaire
pour 2019-2025, mettre fin à la dérogation qui garantit un retour intégral du produit
des cessions immobilières du ministère des armées.
1.1.2.2
La dérogation au principe de l’utilisation préférentielle par les services de l’État
La politique immobilière de l’État (PIE), telle qu’elle a été formalisée à partir d
e 2009,
repose notamment sur le
principe de la distinction entre l’État propriétaire et l’État occupant.
Ainsi le ministère des armées est devenu, comme les autres ministères, simple occupant des
biens immobiliers de l’État et doit signer des conventions d’occupation
.
Dans ce cadre, pou
r la DIE, une cession immobilière n’a de sens que si elle s’inscrit
dans une stratégie globale de préservation des intérêts patrimoniaux de l’État, après examen de
solutions alternatives de valorisation domaniale. Les immeubles déclarés inutiles par
l'administration occupante sont donc, au préalable, proposés formellement aux autres
administrations, dans le respect du schéma directeur immobilier régional (SDIR). Ce n’est que
lorsqu’ils n’ont plus vocation à être utilisés par une autre administration, ni faire l’objet d’une
valorisation alternative, que les immeubles de l’État doivent être cédés. Ce principe découle de
l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Toutefois, en conséquence des restructurations réalisées au cours de la dernière décennie
et de la libération de nombreuses emprises par le ministère des armées, ce dernier a été dispensé
de cette procédure.
Un régime dérogatoire de cession a été institué par l’article 7 de la LPM pour
2009-2014 : «
jusqu’au 31 décembre 2014, par dérogation aux dispositions de l’article
L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles affectés au
ministère de la défense peuvent être remis au service chargé des domaines en vue d’une cess
ion
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
16
sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles aux autres services de
l’
État
». Il a ensuite été prorogé par les deux LPM suivantes, jusqu'au 31 décembre 2019 (article
47 de la LPM pour 2014-2019), puis au 31 décembre 2025 (article 45 de la LPM pour 2019-
2025).
Ce dispositif était
justifié du point de vue du ministère par le souci d’assurer au mieux
la reconversion de certains sites au profit de la redynamisation des bassins d’emploi concernés
et d’accélérer
, dans cette hypothèse, les opérations de cession en les dispensant de la procédure
interministérielle d’examen de l’utilité du bien pour d’autres périmètres ministériels.
1.1.2.3
L’introduction d’un dispositif de compensation en cas de transfert
Le ministre des armées peut néanmoins décider de mettre ces biens à la disposition des
services ou établissements de l’État
, mais il a été prévu que ce
changement d’utilisation se fa
sse
à titre onéreux au profit du ministère des armées.
Dans le rapport annexé à la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la
programmation militaire pour les années 2009 à 2014, au paragraphe 3.5.4. Une politique
d’accompagnement immobilier
, figurait la simple mention que «
l’intégralité des produits des
cessions immobilières réalisées au cours de la période 2009-
2014 pour la mise en œuvre du
plan de stationnement sera affectée au financement de la présente loi de programmation
».
Le dispositif est beaucoup plus explicite dans le rapport annexé de la LPM suivante (loi
n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014
à 2019) qui prévoit au paragraphe 7.3 La politique immobilière, que «
les ressources
budgétaires sont complétées du produit des cessions des immeubles devenus inutiles à la
défense
» mais aussi que «
ce dispositif sera complété par
la possibilité ouverte au ministère
de la défense d’une indemnisation, à son profit, du transfert des immeubles vers d’autres
services de l’
État.
Cette possibilité sera mise en œuvre pour atteindre les hypothèses de
cessions de biens immobiliers prévues par la présente loi de programmation militaire
».
Enfin, le paragraphe 3.1.2.1 du rapport annexé à la LPM 2019-2025
prévoit qu’en «
cas
de transfert d'immeubles inutiles à ses besoins vers d'autres départements ministériels,
le
ministère recevra une indemnisation substantielle, tenant compte de la valeur vénale du
bien
».
Cependant, le mécanisme de compensation ou « soulte en cas de réemploi »
11
qui a été
prévu
par la direction de l’immobilier de l’
État (DIE), ne se traduit pas par un flux financier.
En effet, il relève de la gestion des droits de tirages sur le compte d’affectation spéciale (CAS)
«
Gestion du patrimoine immobilier de l’
État
», selon lequel, lorsqu’une administration déclare
un bien inutile, et que ce dernier est cédé, le produit de cession génère des ressources sous forme
de droits de tirage pour celle-ci. Pour compenser le manque à gagner en cas de décision de
réemploi, l’administration entrante peut consentir à un transfert de droits de tirages au profit de
l’adm
inistration qui libère le bien. Dans ce cas, la DIE enregistre le transfert en augmentant du
montant convenu les droits de tirages de l’administration «
cédante » et en diminuant les droits
11
À distinguer des soultes telles que mentionnées aux articles L. 1212-8, L. 3222-1, R. 3211-44 et
R. 1111-2 du code général de la propriété des personnes publiques.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
17
de tirages de l’administration nouvellement occupante. Ce montant
peut être étayé par une
procédure d’évaluation domaniale.
Cependant, ce mécanisme n’étant pas prévu par la charte de gestion du CAS du 4 août
2018, il relève d’accords amiables entre les ministères ou d’arbitrages pris en réunions
interministérielles. En d
ehors du ministère des armées, il n’a été mis en œuvre qu’au profit du
ministère des affaires étrangères pendant une période désormais terminée. De plus, s’agissant
du ministère des armées, ce dispositif
n’est inscrit que dans la partie «
programmatique » (le
rapport annexé) de la LPM, et non dans la partie législative.
La dérogation au principe de l’utilisation préférentielle par les services de l’
État
(et son corollaire le dispositif de compensation en cas de transfert) était liée au fait que les
produits des cessions étaient des ressources exceptionnelles au sens de la LPM. Il
constituait un avantage financier
qui s’expliquait par des contraintes qui ne sont
aujourd’hui plus en vigueur.
Dans un contexte où le ministère dispose de ressources plus certaines et où la DIE
se voit confier
un rôle d’opérateur immobilier au profit de l’ensemble de l’État,
la Cour
estime que c
ette dérogation n’est
désormais plus justifiée. Le ministère des armées a
indiqué être favorable à la fin de cette dérogation. La directrice du budget
s’inscrit dans
la même conclusion en indiquant que sa mise en œuvre devra, «
en cohérence
»,
s’accompagner de l’abandon du recours à une compensation au bénéfice du ministère des
armées en cas de transfert d’un bien à une autre administration de l’
État.
Recommandation n° 2.
(DIE) Mettre fin à la dérogation au principe de l’utilisation
préférentielle pour les immeubles du ministère des armées et privilégier désormais
systématiquement
une réaffectation au profit d’une autre administra
tion avant
d’envisager un
e cession.
1.2
Le caractère aléatoire des produits des cessions immobilières
Tout au long de la période 2009-2019 les faits ont démontré, en particulier à Paris, que
les produits de cessions immobilières sont des ressources présentant un caractère aléatoire lié
aux incertitudes inhérentes à leur montant, à leur commercialisation et à leur calendrier.
1.2.1
Des objectifs des LPM non atteints en termes de montants et/ou de calendrier
Le montant global cumulé des ressources exceptionnelles prévu dans la LPM pour 2009-
2014
s’élevait à 3
726
M€
, dont 2 233
M€ pour les seules recettes de cessions immobilières (le
reste étant issu de
l’attribution des bandes de fréquences
hertziennes). Au total, les
encaissements se sont élevés à 3 205
M€, soit un écart de 521
M€,
entièrement dû à
l’insuffisance des recettes provena
nt des cessions immobilières (- 1 280
M€ soit –
57 % par
rapport au total attendu). Cette insuffisance a été atténuée par des recettes liées aux bandes de
fréquences supérieures au niveau attendu pour (+ 773
M€
soit + 51 %), mais aussi par la prise
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
18
en compte, critiquée par la Cour
12
, d’une recette non prévue initialement de 215
M€ encaissée
sur le CAS
Immobilier, au titre d’une soulte versée par la S
ociété nationale immobilière (SNI),
représentant une anticipation des loyers qui auraient dû être encaissés entre 2009 et 2019,
capitalisés en 2009.
Tableau n° 1 :
Produits de cessions immobilières, LPM 2009-
2014 (en M€)
2009
2010
2011
2012
2013
2014
TOTAL
LPM
972
646
309
100
206
2 233
LFI
972
700
158
163
200
206
2 399
Réalisé (encaissements)
291
71
94
164
104
229
953
Ecart/LPM
-681
-575
-215
64
104
23
-1 280
Ecart/LFI
-681
-629
-64
1
-96
23
-1 446
Source : MINARM, DPMA
Sans la prise en compte de cet encaissement critiquable, l’écart par rapport aux
prévisions de la LPM aurait été de
1 495
M€ (et de –
1 661
M€ par rapport aux prévision
s de
la LFI).
La LPM 2014-2019 prévoyait dans sa version initiale 6 120
M€
de ressources
exceptionnelles issues des cessions de fréquences hertziennes et de biens immobiliers, au cours
de la période de programmation, ces dernières représentant environ 12 % du total. Les recettes
exceptionnelles issues des cessions des fréquences hertziennes ont pris du retard, ce qui a
conduit
à l’utilisation contestable du programme d’investissement d’avenir en 2014 et 2015
pour financer des contrats déjà engagés, avant que la décision de « rebudgétiser » ces ressources
ne soit finalement prise à la fin de 2015.
S’agissant des cessions immobilières, l
a LPM 2014-2019 était construite sur
l’hypothèse d’un volume de cessions de 6
60
M€, porté à 746
M€ dans l’actualisation de la LPM
en 2015. Les recettes encaissées s’élèvent
finalement à 1 101
M€ sur
la période, avec un
calendrier plutôt en phase avec les prévisions de la LPM, même si les exercices 2018 et 2019
ont été marqués par des décalages importants par rapport aux prévisions.
12
Bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire
, rapport public thématique, juillet 2012 ;
Bilan des ressources exceptionnelles de la mission Défense
, observations définitives, octobre 2015 ; Notes
d’exécution budgétaire sur le compte d’affectation spéciale Immobilier.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
19
Tableau n° 2 :
Produits de cessions immobilières, LPM 2014-2019
(en M€)
2014
2015
2016
2017
2018
2019
TOTAL
LPM
206
200
200
40
100
746
LFI
206
230
144
82
210
56
928
Réalisé (encaissements)
229
184
192
42
54
400
1 101
Ecart/LPM
23
-16
-8
2
-46
400
355
Ecart/LFI
23
-46
48
-40
-156
344
173
Source : MINARM, DPMA
Conformément aux
dispositions de l’article 3 de la LPM pour 2019
-2025 (loi
n° 2018-607 du 13 juillet 2018) la trajectoire financière repose désormais intégralement sur des
crédits budgétaires, à l’exclusion de toute recette exceptionnelle.
Les recettes issues de cessions ne v
iennent qu’en complément. Elles font toutefois
l’objet d’une prévision en LFI, même si leur caractère aléatoire continue de rendre cette
prévision peu fiable. Ainsi, alors qu’une recette de 56
M€ était prévue en LFI pour 2019, la
vente de la partie « libre
» de l’Ilot Saint Germain à Paris pour 368
M€ a permis de porter le
total des produits de cessions immobilières à 400
M€. En 2020, la prévision d’encaissements
en LFI ne concernait que des cessions régionales avec une recette totale de 47
M€
; à fin 2020,
ces encaissements s’élevaient au total à 36,6
M€.
1.2.2
L’échec de l’«
opération Vauban » et ses conséquences
1.2.2.1
Un projet de vente rapide et groupée des principaux actifs parisiens en 2009
Il était prévu que la décision de regrouper en 2014 sur le seul site de Balard
l’ensemble
des services centraux du ministère qui étaient dispersés sur plusieurs implantations à Paris et
en proche banlieue, permettent de libérer plusieurs biens immobiliers parisiens de grande
valeur. La vente de ces biens, qui ne constituait pas un préalable à la construction du nouveau
ministère, bâtie sur un partenariat public-privé de long terme, est à
l’origine des principales
recettes immobilières exceptionnelles associées à la LPM pour 2009-2014.
Ce que l’on a appelé «
l’opération
Vauban » regroupait les huit biens ayant la plus
grande valeur
et que l’État voulait vendre au plus vite
: la caserne Reuilly, la caserne Lourcine,
l’
ensemble de Penthemont (« abbaye », « pavillon » et « Hôtel du Génie »)
, l’îlot Saint
Germain, l’Hôtel de l’Art
illerie, et la caserne de la Pépinière. Ces biens avaient été regroupés
dans la perspec
tive d’une cession d’ensemble de gré à gré
. La valeur de ce sous-ensemble avait
été fixée à 734
M€
, dont 214
M€ pour l’îlot
Saint-Germain, selon une estimation réalisée au
moment de l’élaboration de la
LPM pour 2009-2014 (une nouvelle évaluation, plus
approfondie, réalisée à l’automne 2009 par
France Domaine, avait abouti à un montant de
744
M€,
dont 320
M€
pour le seul îlot Saint-Germain).
Alors que l’État se sépare habi
tuellement de ses actifs immobiliers par le recours au
marché, le ministère a préféré, dans le cas spécifique des huit biens concernés
, mettre en œuvre
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
20
une procédure de gré à gré avec un consortium qui devait être composé de la Caisse des dépôts
et consignations (CDC) et de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM)
13
.
Ce choix visait l’objectif de la rapidité, étant entendu que la CDC et
la SOVAFIM étaient
prévenues que l’opération devait être conclue avant la fin de l’exercice 2009, confo
rmément
aux dispositions de la loi de finances, et que les biens transférés à la S
OVAFIM pouvaient l’être
sous une forme juridique qui dispensait l’État de les soumettre
au droit de priorité des
collectivités territoriales.
En mars 2009 la Caisse des dépôts
a été sollicitée pour présenter avant l’été
, en
partenariat avec la S
OVAFIM, une offre d’achat sur le périmètre des biens de l’
opération
Vauban. Au cours de l’automne, une fourchette
comprise entre 505
M€ et 525
M€ a été
proposée. Pour justifier la relative faiblesse de son offre par rapport aux estimations de France
Domaine, la Caisse des dépôts et consignations
a mis en avant la difficulté d’évaluer des
biens
dont la destination finale, et donc la valorisation, n’
était pas clairement définie. Cette offre était
toutefois accompagné
e d’une proposition de dispositif de complément de
prix destinée à
intéresser l’État à la valorisation à terme des
actifs. Il était en outre proposé que le ministère
participe à la fixation du montant des loyers qu’il
aurait eu à payer pour les locaux occupés
jusqu’en 2014
.
Cette offre ne fut pas jugée conforme aux attentes de
l’État
par le ministère du budget,
tandis que le ministère de la défense, à la recherche de recettes exceptionnelles et considérant
que les estimations de France Domaine étaient surévaluées, était prêt à donner une suite
favorable à cette proposition. France Domaine a justifié son évaluation soulignant la prudence
des offres de la Caisse des dépôts, même en période de crise. En effet les propositions étaient
inférieures au prix le plus faible de dix immeubles comparables précédemment cédés par
l’
État.
Le ministère du budget en a conclu que le prix proposé ne permettrait pas de justifier que les
intérêts patrimoniaux de l’État étaient sauvegardés.
Un arb
itrage du Premier ministre, rendu au début de l’année 2010, a donné raison
au ministère du budget, mettant ainsi fin à l’opération Vauban et à l’espoir d’une vente
rapide des principaux actifs immobiliers parisiens du ministère de la défense, et a tranché
en faveur d’une vente des biens concernés au fur et à mesure de leur libération, certains
dès 2012, la majorité en 2014, lors du transfert des services vers Balard.
1.2.2.2
Les conséquences de l’abandon du projet pour l’
État et pour le ministère des
armées
En déf
initive, comme le montre le tableau suivant, cette solution s’est révélée plus
intéressante financièrement pour les intérêts de l’
État.
13
Au sein du consortium
, la répartition des fonds propres aurait été d’environ un tiers pour la S
OVAFIM
et de deux tiers pour la Caisse des dépôts.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
21
Tableau n° 3 :
Bilan de l’
abandon
de l’opération Vauban
-
montants et date cessions (en M€)
Immeuble
Évaluations
Prix
de
vente
réalisé
Date cession
Désignation
Arr.
SLD75 en 2009
(produits
attendus
MINARM)
Cabinet JLL
en 2009
Proposition
Consortium
CDC/SOVAFIM
en 2009
Prévision
opération
Vauban
Réalisé
Hôtel de l'Artillerie
7ème
104
63
63,5
87
2009
2016
Ensemble Bellechasse-
Penthemont
7ème
77
49
54,5
137,1
2014
Ilot Saint Germain
7ème
320
186
207,3
29
2018
368
2019
Caserne de la Pépinière
8ème
91
58
95,4
137,5
2015
Caserne de Reuilly
12ème
72
43
44,8
45,2
2013
Caserne Lourcine
13ème
80
49
49,2
52
2012
TOTAL
744
448
514,7
855,8
Source : SLD75
Dix ans après, la plus-value finalement réalisée représente une augmentation de 15 %
environ par rapport au produit attendu par le MINARM en 2009, et de 66 % par rapport à la
proposition du consortium CDC/SOVAFIM
14
.
Le bilan, financièrement positif, est renforcé par la prise en compte de plusieurs faits ou
décisions intervenus au cours de la période, faisant notamment que seuls trois de ces immeubles
ont finalement été cédés par appel d’offres
:
-
au sein de l’Ilot Saint Germain,
le bâtiment dit « des jardins
» (donnant sur l’Hôtel de
Brienne, résidence du ministre des armées), d’une
surface utile brute SUB
15
de 8 500 m²,
qui était inclus à l’origine dans le périmètre de cession et valorisé en 2009 à hauteur de
48
M€, a finalement été conservé par l’
État ;
-
la caserne Lourcine n’a pas été cédée mais a fait l’objet d’un transfert d’attribution au profit
du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en vertu d’un accord avec le
ministère des armées qui incluait en contrep
artie le versement d’une compensa
tion
financière à hauteur de 52
M€ versée au compte
d’affectation spéciale (CAS) «
Gestion du
patrimoine immobilier de l’
État », au bénéfice du ministère des armées (cf. infra) ; par
ailleurs, le bâtiment 3 de cette caserne, consistant en deux tours à usage de logements
14
Il convient de relever que deux immeubles ont finalement été conservés par le ministère des armées (le
bâtiment des jardins de l’ilot Saint Germain et le bâtiment n°
3 de la caserne Lourcine).
Si l’on retranche
le montant
de l'estimation de ces deux biens (66,7
M€) du montant total
des évaluations domaniales de 2009 (744
M€)
, la
plus-value s'élève à 178,5
M€ au lieu de 111,8
M€ et l'augmentation par rapport au montant évalué
est de 26 % au
lieu de 15 %.
15
SUB : surface utile brute : elle correspond à la surface de plancher intérieur (hors combles non
aménagés, caves et sous-sols, remises, garages, terrasses) après déduction des surfaces occupées par les murs,
cloisons et escaliers.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
22
(5 800
m²), qui était inclus à l’origine dans le périmètre de cession et valorisé en 2009 à
hauteur de 18,7
M€, demeure aujourd’hui conservé par le ministère des armées
;
-
la fraction dite « sociale » de
l’Ilot Saint Germain a été cédé
e en 2018 à la Régie
immobilière de la ville de Paris (RIVP) avec une décote de près de 70 % en application de
la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur
du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (« loi
Duflot ») ;
-
deux immeubles, la caserne de Reuilly et l’Hôtel de l’Artillerie, ont été cédés de gré à gré
à la suite d’arbitrages ministériels, respectivement, à la ville de Paris dans le cadr
e de son
droit de priorité (articles L. 240-1 à L. 240-
3 du code de l’urbanisme), et à la Fondation
nationale des sciences politiques (FNSP).
Toutefois l’abandon de l’opération Vauban s’est avéré
défavorable au ministère
des armées sur la période 2009-2014 car il en espérait une grande partie des ressources
exceptionnelles prévues par la LPM.
En termes de calendrier, les recettes se sont en effet étalées tout au long de la période
2009-
2019, et l’équivalent de 43
% du produit total des cessions de
l’ensemble des actifs de
l’«
opération Vauban » (vente de la « partie libre
» de l’Ilot Saint Germain) n’a pu être réalisé
qu’au bout de dix ans.
Le ministère des armées a dû recourir à différents palliatifs pour compenser la perte de
recettes conséquente
, au cours de premières années d’application de la LPM, puis au
-delà. Ont
ainsi fait office de recettes exceptionnelles, par exemple :
-
la prise en compte contestable, déjà évoquée (cf. supra), d
’une recette de 215
M€ versée
par la SNI et encaissée sur le C
AS Immobilier, au titre d’une anticipation des loyers qui
auraient dû être encaissés entre 2009 et 2019 ;
-
le recours en 2014 au
programme d’investissements d’avenir (PIA2)
qui a été utilisé à
hauteur de 1,9
Md€ au profit de la mission Défense.
L
’utilisation de ces crédits s’est faite
«
sans respecter les principes d’additionnalité du PIA car ils ont partiellement financé des
dépenses déjà décidées qui aurait dû être financées par la mission Défense, ainsi que du
principe d’annualité budgétaire puisqu’une pa
rtie de ces crédits a couvert des dépenses
d’années antérieures
»
16
.
1.3
Le poids des impératifs liés à la LPM dans les cessions à Paris
La nécessité pour le ministère des armées de réaliser les cessions parisiennes dans le
respect des délais fixés par les LPM
successives a conduit l’
État, dans certains cas, à prendre
des risques juridiques et à ne pas être en mesure de saisir des opportunités de céder à meilleur
prix en raison de l’impératif de rapidité
qu’il s’est imposé.
16
Cf.
Le programme des investissements d’avenir, Rapport public thématique
, décembre 2015 et Note
d’exéc
ution budgétaire de la mission Défense, exercice 2014.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
23
1.3.1
L’importance financière des recettes d
es cessions parisiennes
Comme le montre le tableau suivant, sur l’ensemble de la période 2009
-2019, les
cessions d’immeubles parisiens représentent près de 60
% des produits de cessions
immobilières du ministère des armées, avec un montant cumulé de 1,06 M
d€ (pour un total de
1,82
Md€).
Tableau n° 4 :
Part des cessions parisiennes dans les produits de cessions 2009-
2019 (en M€)
Total
produits de
cession
Cessions parisiennes
Détail
Total
%
2009
291
Immeuble "Rives de France" : 215
6 rue Saint-Charles : 1,6
216,6
74,4%
2010
71
93 bld Montparnasse : 16,25
16,25
22,9%
2011
94
19 bld Latour-Maubourg : 13,1
13,1
13,9%
2012
164
88-94 bld Ney : 8,1
8,1
4,9%
2013
104
Caserne de Reuilly : 40
16 av. Porte de Sèvres : 0,6
46
44,2%
2014
229
Ensemble Penthemont-Bellechasse : 137,1
66 av. Victor Hugo : 2,71
139,81
61,1%
2015
184
Caserne de la Pépinière : 118,5
118,5
64,4%
2016
192
Caserne de la Pépinière (complément de prix) : 19
Hôtel de l'Artillerie : 87
106
55,2%
2017
42
0,0%
2018
54
Ilot Saint Germain (social) : 29
Caserne de Reuilly (complément de prix) : 5,2
34,2
63,3%
2019
400
Ilot Saint Germain (libre) : 368,1
368,1
92,0%
Total
1 825
1 066,66
58,4%
Source : Cour des comptes
Les immeubles parisiens représentant des volumes financiers importants, leur part dans
les produits de chaque année demeure toutefois variable en fonction du rythme de leurs
cessions. À
titre d’exemple, en 2016, 192
M€ ont été encaissés au titre de l
a cession de 118
biens au total, dont 87
M€ pour l’Hôtel de l’artillerie à Paris
, complétés
par l’encaissement d’un
complément de prix de 19
M€ au titre de la cession l’année précédente de la caserne de la
Pépinière.
En 2018, l’encaissement des produits de cessions prend en compte, pour Paris
uniquement, l’encaissement des 29
M€ de la partie dite
« sociale
» de l’Ilot Saint
-Germain et
du complément de prix de 5,2
M€ au titre de la caserne de Reuilly, soit plus de 63
% des
produits. A l’inverse, e
n 2017, les encaissements constatés à hauteur de 42
M€ ne proviennent
que de la cession de 78 biens hors Paris. Les cessions parisiennes représentent ainsi plus de
55 % des produits totaux des cessions.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
24
1.3.2
Le déroulement précipité de certaines cessions parisiennes
J
usqu’en 2019, la
réalisation des cessions immobilières dans les conditions prévues dans
la mise
en œuvre de la LPM
(calendrier, prix de cessions, notamment) était une nécessité
absolue pour le ministère des armées. Ces impératifs ont pesé dans les processus de cession de
manière nettement défavorable pour l’
État. Le déroulement de quatre opérations de cession à
Paris laisse en effet penser que le ministère des armées a pesé pour une réalisation rapide de la
négociation afin de garantir un encaissement dans les délais contraints de la LPM. Cette
impatience et ce volontarisme ont parfois entraîné une issue moins favorable ou une prise de
risque dans la conclusion de la vente.
1.3.2.1
La cession de l’ensemble Bellechasse
-Penthemont
L’ensemble immobilier
Bellechasse-Penthemont est situé rue de Bellechasse dans le
7
ème
arrondissement de Paris. Il a été cédé par a
ppel d’offres en un seul tour, le 27 juin 2014 à
la SCI Bellechasse-Penthemont pour 137,15
M€
La cession a été marquée par une incertitude sur une servitude de logement social
pouvant résulter de la refonte du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7
ème
arrondissement qui
a pesé tout au long du processus, puisqu’une solution excluant l’ensemble
Penthemont du périmètre d’application de cette servitude, n’a pu être trouvée que trois semaines
avant le lancement de la procédure.
Malgré ce contexte,
le MINARM a fait preuve d’un certain volontarisme pour une
cession rapide. Du fait des incertitudes sur la servitude de logement social, la procédure a connu
un certain nombre de « faux départs », en mars 2012, en août 2012, puis en septembre 2013.
Dans un
courrier électronique du 25 juillet 2013, où il est envisagé de lancer l’appel d’offres le
5 septembre 2013 en vue d’une signature de l’acte avant l’été 2014, le DPMA souligne que «
le
respect de ce calendrier est impératif pour l’équilibre de la gestion
2014
», cette cession devant
intervenir «
sur la base du calendrier acté pour les recettes exceptionnelles
». En effet, à fin
2014, seules 42 % des recettes de cessions immobilières prévues dans la LPM 2009-2014 pour
l’exercice 2014 avaient été réalisées.
À
l’issue de la procédure d’appel d’offres, le ministre a donné le 22 avril 2014 son
accord formel pour sélectionner la meilleure offre et, «
dans la mesure où celle-ci est nettement
supérieure à l’estimation domaniale
», sans effectuer un second tour. L’é
cart entre cette offre
et celle arrivant en deuxième position était certes significatif (+ 37 %), mais un second tour
aurait permis de majorer, même à la marge, le prix de cession ; cependant, il aurait également
prolongé le délai de réalisation de la vente au-
delà de l’année 2014
L’acte de vente a
donc pu
être signé le 27 juin 2014.
1.3.2.2
La cession de l’immeuble 19 boulevard de La
Tour-Maubourg
L’immeuble du 19 boulevard de La
Tour-Maubourg est un bâtiment de type
« haussmannien », à usage de bureaux, dans le 7
ème
arrondissement de Paris. Il a été cédé le
11 août 2011 pour 13,1
M€ à la SNC Tour
-
Maubourg à l’issue d’un deuxième appel d’offres
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
25
lancé le 5 mai 2011, le premier appel d’offres, lancé le 10 juin 2010, ayan
t été déclaré sans
suite.
La procédure a en effet été marquée par l’échec du premier appel d’offres en raison du
défaut de garantie du candidat retenu. La commission d’examen des candidatures du 11 octobre
2010 avait
accepté l’offre la plus élevée (15
M€,
de la société GE Invest), alors que celle-ci
n’avait pas respecté le règlement de la consultation selon lequel une garantie égale à 10
% de
l’offre de prix devait être constituée et disponible.
Par la suite, plutôt que de faire prononcer par les voies légales la déchéance de la vente,
le choix a été fait de poursuivre le dialogue avec GE Invest, afin de garantir la réalisation de
cette cession aux montant et date prévus, en multipliant les relances et en ne mettant pas à
exécution les menaces réitérées de décider de la caducité de la vente.
En dépit des défaillances successives du candidat retenu, un arrêté ministériel autorisant
la cession a été publié le 25 janvier 2011, alors qu’un procès
-verbal établi par les notaires des
deux parties avait conclu le 16 décembre 2010 à la caducité de la procédure de cession.
Cependant, GE Invest ayant informé que l’acquisition serait finalement réalisée en partenariat
avec une autre société spécialement créée à cette fin, la décision a finalement été prise le
21 février 2
011 de ne pas donner une suite favorable à cette proposition et de considérer l’appel
d’offres sans suite, près de quatre mois après la commission d’appel d’offres. Ce faisant, au
-
delà du retard pris dans la réalisation de cette cession, l’
État a pris un risque juridique en
choisissant d’interrompre le processus de ce qui était en réalité devenu une cession de gré à gré
depuis le 16 décembre 2010.
1.3.2.3
La cession de la caserne de Reuilly
La caserne de Reuilly, située dans le 12
ème
arrondissement, a fait l’objet d’une cession
de gré à gré à l’OPH
(Office public de l’habitat)
Paris Habitat le 6 décembre 2013 pour 40
M€
aux termes d’un protocole entre l’
État et la ville de Paris. Ce protocole a prévu par ailleurs que
le Centre d’information et recrutement des forces
armées (CIRFA), installé dans la caserne
avant la cession, soit réinstallé sur place après l’opération d’aménagement, conformément au
souhait du ministère des armées. Le coût pour l’
État
de cette réinstallation s’élevait à 1,36
M€
(pour une SHON de 805 m²). Ces conditions financières ont été négociées en contrepartie de
l’acceptation par la ville de Paris de l’échéancier de paiement demandé par le ministère des
armées, selon lequel la moitié du prix de cession serait encaissé dès l’année 2013, puis 30
% en
2014 et 20 % en 2015.
Toutefois en mars 2015, le ministère des armées a fait part de sa décision de renoncer à
l’acquisition des locaux
et le Centre d'information et de recrutement des forces armées
(
CIRFA
)
de Paris a finalement été transféré au sein du fort neuf de Vincennes. La perte a été partiellement
compensée pour Paris Habitat par le fait qu’à l'emplacement retenu pour le CIRFA, le projet a
finalement prévu la construction de logements supplémentaires, ce qui a ramené celle-ci à
0,81
M€,
répercuté
sur la clause de complément de prix. L’intéressement de l’Etat lié à
l’augmentation importante de surfaces commerciales par rapport au p
rojet a ainsi été atténué
(1,15
M€ au lieu de 1,76 M€).
Afin de recevoir la moitié du produit de la cession dès l’exerci
ce 2013, ce qui pouvait
contribuer au respect ses objectifs budgétaires, le ministère des armées a donc accepté des
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
26
conditions financières qu’il n’a finalement pas jugé opportun d’assumer
, ce qui a entrainé pour
l’État une perte de
0,61
M€ dans les produit
s de la cession de la caserne de Reuilly.
1.3.2.4
La cession du terrain du 88-94 boulevard Ney
Le terrain situé 88-94 boulevard Ney dans le 18
ème
arrondissement, d’une surface de
16 400 m² a été cédé le 18 avril 2012 pour 8,12
M€ à la société d’HLM EFIDIS, filiale
du
groupe SNI/CDC Habitat. Cette société était titulaire du bail emphytéotique conclu en 1974
pour
ce terrain et par lequel un ensemble de trois immeubles d’habitation y a été bâti.
Cette cession
, qui s’inscrivait dans une opération globale de cession à l
a SNI de 33 baux
emphytéotiques, a déjà été analysée par la Cour en 2013 dans le cadre du contrôle des comptes
et de la gestion de la société nationale immobilière (SNI). La Cour a critiqué le fait que cette
cession ait été réalisée de gré à gré sans appel
à concurrence, sur le fondement d’une
interprétation erronée du code du domaine de l’
État.
Surtout le bien a finalement été cédé pour 8,11
M€, valeur correspondant à celle des
droits de l’
État au titre du bail emphytéotique pour la durée restante (40 ans), alors que la valeur
de l’ensemble immobilier était évaluée à 49
M€ et celle du terrain nu à 24,9
M€, l’analyse ayant
été faite que le bail emphytéotique ne contenant aucune clause de sortie en cours de contrat,
l’
État
, s’il décidait de vendre, ne pouvait
juridiquement exiger du preneur que le paiement de
la valeur des droits du bailleur.
Le ministère des armées consulté à l’époque, avait fait savoir dès septembre 2010 qu’il
était favorable à cette cession,
pourtant très défavorable à l’
État (et très avantageuse pour
EFIDIS). Il faut comprendre que cette opération contribuait aussi au respect de ses objectifs en
termes de ressources exceptionnelles prévues dans la LPM pour 2009-2014.
L
e choix de réaliser au plus tôt les cessions a placé l’
État vendeur dans une position
de faiblesse dans les négociations. Des risques juridiques ont été pris et des opportunités
de céder à meilleur prix
n’
ont pas été
saisies en raison de l’impératif de rapidité.
1.4
D
es biens finalement non cédés mais transférés à d’autres ministèr
es
Quatre immeubles libérés par le ministère des armées à la suite du regroupement sur le
site de Balard n’ont finalement pas été cédés mais transférés à d’autres ministères. Pour trois
d’entre eux, cependant, alors qu’ils ont été libérés depuis plus de
dix ans, les conditions du
transfert n’ont pas encore été définitivement réglées.
1.4.1
L’hôtel de la Marine
L’hôtel de la Marine, ancien siège de l’état
-major de la marine, est un monument
historique emblématique de la place de la Concorde. Construit entre 1757 et 1774 par Ange-
Jacques Gabriel. Il développe une SHON de plus de 24 000 m². Ancien siège du Garde-meuble
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
27
de la Couronne, il est occupé par le ministère de la marine (puis l’état
-major de la marine)
depuis la Révolution de 1789 jusqu’en 2015.
En dépit du
projet de regroupement du ministère des armées sur le site de Balard, l’hôtel
de la Marine
devait rester propriété de l’État en raison de ses caractéristiques patrimoniales et
historiques, mais la LPM 2009-2014 prévoyait sa location en longue durée sous forme de bail
emphytéotique, avec une recette exceptionnelle de 300
M€ versée en une seule échéance en
2010. Ce projet visait à confier, dans un souci budgétaire, la rénovation, la gestion et
l’exploitation du site à un partenaire privé. Un appel à projet a
été publié au JOUE le
27 novembre 2009 mais a été suspendu avant terme et abandonné définitivement en mai 2011.
Le sort de l’hôtel de la Marine a
été arbitré depuis, avec un transfert au Centre des
monuments nationaux (CMN), à la fin de l’année 2015. Ce
dernier a entamé une grande
campagne de restauration et d’aménagement à l’issue de laquelle le bâtiment
a été ouvert au
public en juin 2021 : 6 000 m² sont visitables et 6 000 m² loués (bureaux, boutiques, librairie,
restaurants). Il accueille en outre le siège de la fondation pour la mémoire de l'esclavage, créée
en avril 2018
17
.
La solution initialement prévue d’une location de longue durée à un opérateur
privé apparaît a posteriori hasardeuse, compte tenu du caractère unique et emblématique
de cet immeubl
e, tout comme l’inscription en LPM d’une recette de 300
M€ d
è
s l’année
2010. La décision du transfert au ministère de la culture a logiquement grevé lourdement
les prévisions de recettes au titre de la LPM 2009-2014
, d’autant que, contrairement à ce
qui était prévu en LPM 2014-2019, c
e transfert n’
a donné lieu à aucune compensation.
1.4.2
La caserne Gley
Edifiée sur un terrain de 21 000
m², à l’emplacement des anci
ennes casernes de
Clignancourt, la caserne Gley est un grand ensemble immobilier composé de six bâtiments
datant principalement des années 1960 dans le XVIII
ème
arrondissement, 82-86 boulevard Ney.
Le site, occupé par le commissariat de l’armée de terre, a été définitivement libéré à l’été 2007,
mais il était devenu inutile aux besoins des armées dés 2004.
A partir de cette date, le site est retenu comme centre d'hébergement d'urgence dans le
cadre du plan « Grand froid », mis en oeuvre lors des hivers 2004-2005 et 2005-2006. À
l'automne 2006, ce centre (installé dans le grand batiment central de l’an
cienne boulangerie
militaire) a été rendu actif toute l'année à la demande de la direction des affaires sanitaires et
sociales de la ville de Paris. Il a été confié à la société ADOMA,
18
et aucune compensation
financière au profit du ministère des armé
es n’
a été envisagée. Il peut accueillir environ
17
La fondation sera ainsi
logée à l’endroit même où
le décret abolissant
l’esclavage fut
signé le 27 avril
1848 par Victor Schoelcher, sous-
secrétaire d’État à la Marine. Elle est
présidée par l'ancien Premier ministre Jean-
Marc Ayrault.
18
ADOMA est une Société d’économie mixte, dont les actionnaires sont
CDC Habitat (56,4 %), filiale
de la Caisse des Dépôts,
et l'État (42,4 %). C’est le premier opérateur national du logement accompagné et le
premier opérateur en matière d'hébergement et d'accompagnement des demandeurs d'asile. Présente sur l'ensemble
du territoire national ADOMA loge ou héberge plus de 88 000 personnes en difficulté qui ne peuvent accéder à un
logement de droit commun.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
28
500 personnes. Il a également été proposé aux associations de banque alimentaire pour y stocker
des denrées alimentaires sur une surface de 4 000 m².
Cette utilisation n’empéchait toutefois pas que la cession du
site soit envisagée afin de
financer les dépenses d’infrastructures du ministère, conformément à la LPM. E
stimée à
8,11
M€ en novembre 2010
, l'emprise devait être cédée à la ville de Paris pour la réalisation de
logements. Le ministre de la défense a rappelé dans une correspondance du 8 mars 2011
adressée au maire d’arrondissement, son souhait de céder la caserne Gley le plus rapidement
possible.
Cependant, à partir de septembre 2011, le ministère de l'intérieur a fait mettre le
batiment qui s’étend le
long de la rue Jean Cocteau, à disposition
de l’association «
Institut
socioculturel des musulmans du XVIII
ème
arrondissement
», afin d’héberger une salle de prière
pour les fidèles de cette association cultuelle, qui avaient pris l'habitude de prier dans la rue. Ce
bâtiment peut accueillir 2 700 personnes. Une convention d'occupation a été conclue le 14
septembre 2011 (renouvelée trois fois depuis) par laquelle cette mise à dispositon est assortie
du paiement d'une redevance fixée par la DRFIP
, qui s’élève
actuellement à 38
600 €/an.
Compte tenu de ces deux mises à disposition
(d’une part à une association cultuelle par
le ministère de l'intérieur et
, d’autre part
à ADOMA par le ministère chargé du logement pour
le centre d’éhbergement d’urgence)
, dans un avis du 8 juillet 2015 sur le suivi et la mise en
œuvre du
schéma pluriannuel stratégique immobilier (SPSI)
de l’administration centrale du
ministère de la défense, le c
onseil de l’immobilier de l’État
a recommandé que le site soit
transféré aux ministères occupants.
Or, le site a
pour l’heure
fait l’objet d’un changement d’utilisation au profit du
ministère chargé des domaines (budget).
Quant au ministère de la défense, le service France Domaine avait proposé en décembre
2013 que le produit de cession, quand elle interviendrait, lui soit réservé. Selon une évaluation
réalisée par le service local du domaine à cette date, la valeur totale du bien était estimée à
24,11
M€
.
Cependant compte tenu de l’utilisation du site, la cession n’était pas envi
sagée avant
2020. La décision ministérielle
de déclassement et d’inutilité
du bien du 13 octobre 2014
comporte une disposition prévoyant
que le produit d’une aliénati
on ultérieure sera reversée au
budget du ministère de la défense via l
e compte d’affectati
on spéciale « gestion du patrimoine
immobilier de l’Etat
».
Dans ce contexte, le ministère des armées
n’a plus l’entière maitrise de la
destination de la caserne Gley et il doit se concerter avec les services qui assurent la gestion
de l’occupation des lie
ux. Pour autant
, un engagement a été pris pour qu’en cas de cession
de ce bien, estimé à 24
M€, le produit revienne inégralement au ministère des armées. Si
cet ensemble d’immeubles
ne devait finalement pas être cédé, la question d’une
compensation sera posée par le ministère des armées, avec toutes les réserves qu
’une telle
demande soulève. La situation de ce bien doit être rapidement clarifiée.
1.4.3
La caserne Lourcine
La caserne Lourcine est située au 37 boulevard Port Royal, dans le 13
ème
arrondissement.
Elle occupe en totalité l’îlot délimité par le boulevard Port Royal, la rue Broca, la rue Saint
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
29
Hippolyte et la rue de la Glacière. Il s’agit d’un des plus anciens sites militaires parisiens. La
caserne est composée de trois batiments construits entre 1875
et les années 1950. L’ensemble
représente une surface totale construite de 36 787 m² (SHOB) correspondant à une surface nette
de 28 720 m² (SHON). Il comporte principalement des espaces de bureaux, affectés depuis 1994
à la direction des ressources humain
es de l’armée de terre (DRHAT), des hébergements pour
militaires célibataires et un mess.
En 2008, les ministères chargés des armées et de l’enseignement supérieur ont signé un
protocole d’accord permettant de transformer des sites militaires libérés en ré
sidences
universitaires. Quinze villes, dont Paris, ont ainsi été identifiées et des résidences étudiantes ont
notamment ouvert en 2009 à Arras et Limoges, puis en 2012 à Versailles et Tours.
Dans le cadre de cet acccord global, un premier protocole a été signé le 9 septembre
2010 à propos de la caserne Lourcine, par les deux ministres concernés, par lequel le ministre
des armées s’est engagé à libérer le site en deux étapes
: en juillet 2012 les batiments n° 1, 2 et
4, puis «
à l’horizon de la livraison de
s batiments nécessaires au regroupement des états-
majors et service à Balard
», le batiment n°
3 (logements célibataires et mess), l’objectif étant
qu’à terme le site soit
«
entièrement dévolu à la vie étudiante et à l’enseignem
ent supérieur
».
Il doit ainsi comporter un pôle universitaire (batiments n° 1 et 2), un restaurant universitaire,
une résidence étudiante de 240 logements (batiment n°
3), et un internat d’excellence d’environ
300 chambres pour des élèves en classes préparatoires (batiment n° 4). Il est prévu en outre que
ce transfert de l’ensemble du site doit se faire «
sous réserve de compensation financière au
ministère de la défense
».
Conformément à cet accord, les trois premiers batiments ont été libérés par le ministère
des armées à la fin du mois de juillet 2012. Une convention de financement tripartite du
4 mai
2012 entre les ministres chargés du budget et de l’enseignement supérieur et l’agence
nationale de la recherche (ANR) a acté du changement d’utilisation de ces trois premiers
batiment
s et prévu qu’en contrepartie, une compensation fixée à 52
M€ serait versée au compte
d’affectation spéciale (CAS) «
Gestion du patrimoine immobilier de l’Etat
».
L’établissement public d’aménagement universitaire de la région Ile
-de-France
(EPAURIF) est intervenu en premier lieu pour la transformation du bâtiment n° 4 en un internat
pour des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles,
géré par le CROUS. L’ensemble
des travaux, représentant un investissement de 16,8
M€, financés par l’ANRU et le CRO
US de
Paris, a pu être achevé pour la rentrée scolaire 2014. Les bâtiments n° 1 et 2 ont été transformés
avec une extension pour un amphithéâtre, des salles de cours, des bureaux pour chercheurs et
une bibliothèque pour l’université Paris 1 Panthéon
-Sorbonne (« Campus Port-Royal »), après
des travaux également menés par l’EPAURIF, pour un total de 34
M€, et achevés en septembre
2019.
En 2012, le site a fait l’objet d’une division en volumes par un cabinet d’experts
-
géomètres, afin de déterminer la répartiton des surfaces utilisées entre le ministère de
l’enseignement supérieur et celui des armées. Aujourd’hui, seules le
s deux tours de logements
du batiment n° 3 sont encore occupées par du personnel du ministère des armées.
Alors qu’a
ux termes de la convention de mai 2012 la libération du batiment n° 3
aurait impliqué
le versement d’un complément financier
de 28
M€
à la compensation de
52
M€
déjà versée au titre des trois premiers batiments (le montant total intialement
affiché au titre du transfert de la caserne Lourcine étant de 80
M€
), la SGA a indiqué que,
«
compte tenu du manque de logements pour les cadres célibataires du ministère des armées
en Ile-de-France
», un accord est intervenu avec le ministère de l’enseignement supérieur
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
30
au terme duquel «
les logements demeureront dans le giron des armées avec, néanmoins, en
échange, la possibilité pour le ministère de l’enseignement supérieur d'utiliser le rez
-de-
chaussée et le sous-sol pour y installer des équipements de restauration
».
1.4.4
Le site du Val-de-Grâce
Le site du Val-de-
Grâce s’étend sur plus de trois hectares le long du boulevard de Port
-
Royal, dans le 5
ème arrondissement. La présence d’un hôpital militaire sur le site de l’ancienne
abbaye du Val-de-Grâce (XVIIème siècle) remonte à 1796. En 1979, l'hôpital d'instruction des
armées (HIA) du Val-de-Grâce est transféré dans un nouvel établissement hospitalier construit
plus à l'est sur l'ancien potager d
e l’abbaye. Suite à l
a restructuration du service de santé des
armées (SSA) et au regroupement de ses services franciliens sur deux sites, Saint-Mandé (HIA
Bégin) et Clamart (HIA Percy), le SSA a décidé de libérer la partie hospitalière du site (sur une
parcelle de 2,5 hectares) et la fermeture du HIA du Val-de-Grâce en juillet 2016. Après des
travaux de démantèlement des installations, l’emprise a été effectivement libérée le 30 juin
2017.
S’agissant de la
partie historique du site, composée de la chapelle, des anciens bâtiments
abbatiaux et des jardins à la française, la valeur patrimoniale de cet ensemble historique justifie
qu’il soit conservé par l’État. Consacré aux activités de soutien sanitaire des armées depuis
1793, il continuera à héberger l’école du Val
-de-Grâce, qui assure la formation initiale et
continue ainsi que la préparation op
érationnelle de l’ensemble du personnel du service de santé
des armées, l’inspection, le musée et la bibliothèque centrale du
SSA. Il est également prévu
d’y installer deux directions du SSA, l
a direction de la formation, de la recherche et de
l’innovation
et la direction des hôpitaux, à l’horizon 2023.
Début 2020, l’avenir du site de l’hopital était toujours à l’étude. Au départ, une cession
a été envisagée. En 2016, des discussions ont été engagées par la préfecture de région avec la
ville de Paris
et l’A
gence régionale de santé (ARS). Le classement du site en grand équipement
urbain dans le plan local d’urbanisme (PLU) de Paris
a limité
les capacités d’utilisation de cet
édifice.
Le lancement d’u
n appel à projets a été envisagé. Il a ensuite été prévu que le site de
l’hôpital soit vendu à l’horizon 2021, pour un montant estimé à 150
M€ environ.
Cependant, à partir de 2016, le bâtiment a été transitoirement affecté
, avec l’îlot Saint
-
Germain,
à l’hébergement du personnel
militaire
participant à l’opération
Sentinelle, pour
fournir jusqu’à
1
150 places d’hébergement
pour ces militaires en mission opérationnelle. Sans
remettre en cause le projet de cession (il était prévu de reloger les militaires de Sentinelle, à
terme
, au Fort de l’Est à Saint
-Denis et au Fort de Nogent à Fontenay-sous-Bois, où des
bâtimen
ts sont en attente de livraison), cette situation l’a du moins repoussé. En 2019, alors que
le site servait toujours à
l’hébergement d’environ 370 militaires de l’opération Sentinelle et
d’une centain
e de célibataires géographiques, le ministère des armées a décidé de repousser
encore l’échéance d’une éventuelle cession au
-delà de 2024, date des Jeux olympiques à Paris,
désirant maintenir une emprise à l’intérieur de Paris pour l’hébergement des forces mili
taires
de sécurité nécessaires à l’événement.
Parallèlement des administrations ont présenté des projets d’utilisation du batiment.
Ainsi, le ministère de l’intérieur a souhaité y implanter une cité du renseignement en y
regroupant plusieurs antennes de la direction générale de la sécurité interieure (DGSI), avant
de renoncer à son projet. De son côté, le ministère de la santé a d’abord envisagé d’y créer un
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
31
« campus santé » qui aurait pu regrouper plusieurs entités
: différents services de l’Institut
natio
nal de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l’Etablissement français du sang,
l’Agence nationale de sécurité des médiaments et des produits de santé, etc. Par la suite le projet
s’est plutôt orienté vers l’installation d’un pôle de recherche sur
les données de santé, sous
l’égide du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
L
’avenir du site
est demeuré incertain pendant quatre ans après la fermeture de
l’hôpital. Aujourd’hui, l’option d’une cession
est écartée.
A la suite d’un arb
itrage
gouvernemental de décembre 2019, le projet du ministère de l'enseignement supérieur est
d’y installer le programme «
PariSanté Campus », regroupant acteurs publics et
partenaires privés. Le démarrage des travaux n'interviendra pas avant le début de l'année
2026.
Dans ce cadre, et conformément aux dispositions de la LPM 2019-2025, le ministère
des armées compte sur le versement à son profit
d’une contrepartie
« qui ne devrait pas
être inférieure à 150
M€
», et il a saisi à cet effet le ministère chargé des comptes publics.
La directrice du budget
préconise, dans le cadre d’un retour
du ministère des armées au
droit commun, que le recours à une compensation en cas de transfert d’un bien à une
autre administration de l’
État soit abandonné. Pour autant, des aménagements seraient
toujours possibles au cas par cas. Le
directeur de l’immobilier de l’
État, en effet, rappelle
que, bien que la compensation «
n'est prévue par aucun texte
», il pourrait
l’
étudier :
«
lorsqu'elle passe par le CAS immobilier puisqu'il s'agit souvent de débloquer des situations
et de permettre la réalisation de projets immobiliers ou la réinstallation vertueuse d'autres
administrations, mais sans qu'elle en prenne elle-même l'initiative, y compris pour leur
régularisation
».
Recommandation n° 3.
(DIE et SGA) Clarifier le sort de la caserne Gley ; régulariser
la question de la compensation financière prévue sur ce site et celui du Val-de-Grâce ;
limiter, à l’avenir, le recours à une compensation en cas de tran
sfert, conformément à
la charte du CAS Immobilier de l’Etat et à la LPM 2019
-2025.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le recours aux produits de cessions immobilières comme complément aux crédits
ouverts au budget général, tel que prévu dans la LPM 2009-2014 qui a instauré ce mécanisme,
reconduit dans la LPM 2014-
2019, n’était pas une bonne solution au regard de l’aléa des
produits de cession, peu compatible avec la programmation. La Cour a critiqué à de
nombreuses reprises la prise en compte de ces ressources exce
ptionnelles dans l’équilibre des
lois de programmation militaire, en raison des incertitudes sur le montant et le calendrier de
leur réalisation.
Ainsi, pour les cessions parisiennes, qui représentaient 60 % des produits de cessions
attendus avec un
montant cumulé de plus d’1
Md€,
les recettes n’ont pas
pu être réalisées dans
les temps en dépit des facilités et dérogations accordées au ministère des armées,
et d’une
indéniable prise de risques pour respecter les délais fixés par la LPM.
Cette disposition avait amené le ministère des armées à déroger pour les cessions
immobilières,
à deux principes constitutifs de la politique immobilière de l’
État :
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
32
la mutualisation des recettes de cession immobilière à hauteur de 50 %,
qui s’impose à
l’
ensemble des ministères ; cette dérogation permettait, en outre, au ministère des armées
de financer
, par l’intermédiaire du CAS «
Gestion du patrimoine immobilier de l’
État » la
réparation d’un patrimoine immobilier
particulièrement dégradé ;
l’utilisation préférentielle par d’autres services de l’
État
d’un immeuble déclaré inutile
;
cette dérogation a impliqué, à partir de 2014,
qu’en cas de transfert d’un immeuble du
ministère des armées à une autre administration, au lieu d’une cession, celui
-ci fasse
l’objet
du versement d’une compensation.
Conformément aux recommandations de la Cour, la LPM pour 2019-2025 (loi
n° 2018-607 du 13 juillet 2018) a finalement exclu le recours aux ressources exceptionnelles
pour financer son l’exécution
. Cependant ces deux
dérogations n’ont pas été suspendues
. Il
conviendrait d’y mettre
fin
pour l’avenir
.
Un point reste néanmoins à éclaircir : des compensations financières, pourtant prévues
et actées, au titre du transfert de plusieurs immeubles (caserne Gley et Val-de-
Grâce) n’ont pas
encore été régularisées.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
33
2
LA PARTICIPATION DES CESSIONS IMMOBILIERES DES
ARMEES A LA POLITIQUE PUBLIQUE EN FAVEUR DU
LOGEMENT
Les objectifs de la politique en faveur du logement ont pesé dans la réalisation des
cessions immobilières du ministère des armées,
de manière défavorable à l’
État vendeur,
particulièrement à Paris où la ville a montré un volontarisme certain en matière de création de
logements sociaux.
2.1
Le dispositif national de mobilisation du foncier public en faveur du
logement
Le dispositif permettant à l’
État de réaliser une cession immobilière à un prix inférieur
à la valeur vénale du bien, « décote » justifiée par la décision de permettr
e d’y réaliser des
logements sociaux, a pesé négativement sur les ressources inscrites dans la trajectoire
budgétaire du ministère des armées.
2.1.1
Description du dispositif
2.1.1.1
Un dispositif instauré dès 2005 et progressivement étendu
Depuis 2005 (article 95 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour
la cohésion sociale), le Préfet peut décider qu’un terrain de l’État soit cédé à un prix inférieur à
sa valeur vénale lorsqu’il est destiné à la construction de logements sociaux.
La « décote » est
la différence entre la valeur vénale telle qu’évaluée par
le service des domaines, et le prix de
cession du terrain.
Cette disposition a été codifiée à l’article L.
3211-7 du code général de la
propriété des personnes publiques (CG3P)
anciennement article L. 66-2 du code du domaine
de l’
État (CDE).
À
l’origine,
cette « décote » pouvait atteindre 25
% de la valeur vénale et jusqu’à 35
%
si le terrain est situé dans une zone où le marché est tendu
19
. Le dispositif a, par la suite, été
progressivement étendu :
-
aux structures d’hébergement temporaires ou d’urgence, aux aires permanentes d’accueil
des gens du voyage, ainsi qu’aux logements locatifs sociaux dans les départements d’outre
-
mer bénéficiant d’une aide d’
État (loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement
national pour le logement) ;
19
En 2005, il s’agissait d’une grande partie de l’Île
-de-France, de la région PACA et des départements de
la Savoie.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
34
-
aux logements neu
fs destinés à être affectés à l’habitation principale de personnes
physiques, si elles bénéficient d’un prêt à remboursement différé ou si elles sont titulaires
de contrats de location-accession (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour
le logement et la lutte contre l'exclusion).
Enfin, la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public
en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social,
dite « loi Duflot » a introduit la possibilité d'appliquer une décote pouvant aller jusqu'à 100 %
de la valeur vénale du prix des terrains nus ou bâtis cédés par l'État et ses établissements publics
lorsque ces terrains sont affectés à la construction de logements dont une partie au moins est
constituée de logements locatifs sociaux.
L’objectif poursuivi est de
favoriser la construction de logements et de répondre au plus
vite à la demande de logement des Français
. L’étude d’impact du projet de loi en 2013 fait état
de la nécessité d’accroitre
l’offre foncière pour la production, en accél
érant la mise à disposition
du foncier public et en augmentant la capacité de financement du logement social par les
organismes constructeurs.
2.1.1.2
Plusieurs dispositions récentes vise
nt à limiter le champ d’applica
tion
Une disposition de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, actualisant la programmation
militaire pour les années 2015 à 2019, avait plafonné la décote à 30 % de la valeur vénale pour
les terrains « occupés par le ministère des armées », mais cette disposition a été abrogée au
1
er
janvier 2016 par
l’article 55 de la loi n°
2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour
2016.
L’article 47 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les
années 2019 à 2025 dispose que, jusqu’au
31 décembre 2025, la décote «
n’est applicable aux
cessions de terrains occupés par le ministère des armées et situées dans des zones tendues, en
particulier l’Île
-de-France et la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur, que lorsque ces terrains,
bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes de logements sociaux réservés au
maximum aux trois quarts aux agents de ce ministère, à la demande de ce dernier
».
Enfin,
l’article 274 de la loi
n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019
a introduit une disposition (codifiée au II de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété
des personnes publiques) visant à plafonner la décote sous certaines conditions notamment
quand une collectivité territoriale dispose de réserves foncières pro
pres. Il s’agit de prévenir
l’usage du dispositif qui conduirait l’État à subventionner de manière disproportionnée la
construction de logements sociaux. Le décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 a précisé les
conditio
ns d’application.
2.1.1.3
Deux contraintes i
mportantes pour la mise en œuvre du dispositf
Les biens cessibles dans le cadre du dispositif de mobilisation du foncier sont inscrits
sur des listes établies par les préfets de région. Cette liste est mise à jour régulièrement. Lors de
leur vente, les ter
rains inscrits dans cette liste peuvent alors bénéficier de droit d’une décote
sous réserve du respect des règles relatives à la décote et notamment l’article L.
3211-7 du
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
35
CGPPP. Cette décote est de droit pour certains acquéreurs, notamment les collectivités locales
et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Deux contraintes s’imposent toutefois au bénéficiaire de la décote, tenant d’une part à
la nature des biens concernés par ce dispositif, et d’autre part au délai dans lequel il s’engage à
réaliser les logements.
2.1.1.3.1
La nature des biens concernés par le dispositif
Le dispositif s’applique en effet aux terrains bâtis ou non bâtis. Il ressort des dispositions
des articles R. 3211-13 à R. 3211-17-4 du CGPPP (anciennement art. R. 148-5 à R. 148-9 du
CDE), mais aussi des circulaires ministérielles des 2 février 2006 et 19 septembre 2006, que la
décote doit concerner «
la cession de terrains nus ou supportant des constructions destinées à
être démolies ou à faire l’objet d’une réhabilitation
lourde dont l’importance est telle que la
valeur vénale arrêtée doit résulter principalement de l’évaluation foncière
». On parle ainsi de
«
décote sur la valeur vénale du terrain
» (article L. 3211-7 du CGPPP). La décote ne
s’applique donc a priori pas s
ur des immeubles en zone urbaine destinés à une simple rénovation
ou restructuration.
Pourtant, il convient de relever que la cession de l’immeuble 93 boulevard du
Montparnasse a été réalisée, le 11 juin 2010, dans le cadre du dispositif de décote, alors
même que l’immeuble en question n’y était pas éligible.
Le maire de Paris ayant, en effet, fait connaître en septembre 2009 son intention
d’exercer le droit de priorité sur cet immeuble, en vue d’y réaliser une opération de foyer
logement, il a sollicité l
’application d’une décote de 35
%, conformément au régime en vigueur
entre 2005 et 2013.
À la suite de discussions entre les ministères chargés du budget et de la défense et la
ville de Paris, le ministre du budget a décidé, le 8 mars 2010, d’autoriser «
à titre exceptionnel »
une décote de 35 % (soit un prix de cession de 16,25
M€ pour une valeur vénale de 25
M€),
«
alors que l’immeuble n’y est pas éligible
». En effet, selon l’étude de faisabilité réalisée par
la direction de l’urbanisme de la ville de Paris, transmise au préfet d’Ile
-de-France et à France
Habitat, le coût des travaux de restructuration envisagés pour transformer
l’immeuble de
bureaux en 123 logements, rapportés à la SHON, était de 1
458 €/m², ce qui ne peut être assimilé
à des travaux de réhabilitation lourde au sens des dispositions précitées. Dans cette étude de
faisabilité était d’ailleurs mentionné que «
au niveau structurel, la transformation du bâtiment
en foyer logement ne poserait pas de problème particulier ».
Ce
n’est qu’
en 2016 que le décret n° 2016-1160 du 25 août 2016, est venu atténuer cette
contrainte en étendant le régime de décote aux programmes de réhabilitations légères, alors
qu’il était limité jusqu’alors aux opérations de démolition et reconstruction.
2.1.1.3.2
Le délai de réalisation des logements
En échange de cette décote sur le prix du terrain, une convention fixant le programme
de logements envisagé est signée entre l’acheteur et l’État avec l’engagement de le
réaliser dans
un délai de cinq ans (
V de l’article L.
3211-7 du CGPPP et, anciennement, article R. 148-9 du
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
36
CDE)
. Cette convention est reprise dans l’acte de vente avec des contreparties en cas de non
-
respect.
Ce délai de cinq ans a contraint la ville de Paris à renoncer à deux reprises à
solliciter la décote.
Pour l
a cession de l’immeuble du 19 boulevard de La Tour
-Maubourg (le 11 août 2011),
la ville de Paris a renoncé à l’exercice de son droit de priorité car la déc
ote ne pouvait
matériellement pas s’appliquer dans les conditions réglementaires, principalement en raison du
délai de cinq ans pour la réalisation des travaux. Il en est de même pour la cession de la caserne
de Reuilly, le 6 décembre 2013 (cf. infra).
2.1.2
Une
mise en œuvre
de la « loi Duflot » finalement limitée
2.1.2.1
Des résultats globalement limités et décevants
La Cour a eu l’occasion de souligner les résultats limités de ce dispositif
20
. Le conseil
immobilier de l’Etat (CIE) a, pour sa part rendu deux avis en oct
obre 2017 et en septembre
2019 sur la mise en œuvre du disposif de mobilisation du foncier public en faveur du logement
social.
En 2017, le CIE a relevé qu’u
n programme national de mobilisation du foncier public
pour la période 2008-2012 avait fixé en mar
s 2008 l’objectif d’une contribution à hauteur de
73 000 logements à mettre en chantier durant la période, dont 28 870 à vocation sociale. En fin
de période, le bilan faisait état de la mise en chantier effective de 42 000 logements, dont 20
500 à vocation
sociale, sur du foncier public, soit un taux de réalisation de l’objectif fixé par le
programme prévisionnel de moins de 58 %, tous types de logements confondus (71 % s’agissant
de logements sociaux), la région Ile-de-France concentrant 60 % de ces réalisations.
En 2019, il a relevé qu’au total entre juillet 2013 et mars 2019, 104 cessions de biens
avaient été contractualisées dans le cadre du dispositif de la loi dite « Duflot », le nombre de
logements projetés dans ce cadre étant de 10 200 environ dont 7 500 logements sociaux, ce qui
marquait un certain essoufflement de ce dispositif.
2.1.2.2
La mise en œuvre du dispositif pour les cessions du ministère des armées à Paris
Au cours de la période 2013-2020, 18 biens du ministère des armées ont été cédés avec
décote au titre du dispositif de la « loi Duflot ». Le montant total du produit de ces cessions
s’élève à 81,46
M€, pour une recette initialement attendue de 195,40
M€ (somme des
évaluations domaniales), soit une perte de recette de 111,40
M€ (et un taux de déco
te moyen
de 57 %).
20
Cf.
Evaluation du dispositif de décote sur le foncier public en faveur du logement social
, référé au
Premier ministre, octobre 2017.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
37
A Paris, la seule cession réalisée dans le cadre du dispositif de la décote, au sens de
l’article L.
3211-7 du CGPPP (précédemment article L. 66-2 du CEE) est celle de la partie
«
sociale de l’Ilot Saint Germain
, pour 29
M€
. Elle représente toutefois plus du tiers du
produit de cession global (86,5
M€).
D’autres cessions, visant à la réalisation de logements, ont été réalisées pour un montant
moindre que l’évaluation domaniale, mais en vertu de décisions
ad hoc
résultant d’arbitrag
es
ministériels ou de conventions conclues entre l’acquéreur (la ville de Paris) et l’
État, comme le
montre le tableau suivant.
Tableau n° 5 :
Cessions pour logements réalisées avec décote (M€)
Immeuble
Date cession
Prix
cession
Évaluation
domaniale
Montant
décote
%
décote
Fondement
juridique
Logements
créés
Caserne de
Reuilly
6 décembre
2013
40
64,5
24,5
38,0 %
Protocole État-
ville de Paris du 9
juillet 2013
50 % de
logements
sociaux,
20 % de
"loyers
maitrisés"
et 30 % de
logements
locatifs
privés sur
40 400 m²
env.
93 boulevard
du
Montparnasse
11 juin 2010
16,25
25
8,75
35,0 %
Arbitrage ministre
du budget du 8
mars 2010
autorisant "à titre
exceptionnel" une
décote de 35 %
"alors que
l'immeuble n'y est
pas éligible"
123
"studettes "
(foyer
logement)
sur
5 600 m²
env.
Ilot Saint
Germain
"partie sociale"
31 mai 2018
29
85,72
56,72
66,2 %
Article L. 3211-7
du CGPP
(dispositif "Loi
Duflot")
50,5 % de
PLAI,
39,8 % de
PLUS et
9,8 % de
PLS sur
13 400 m²
env.
TOTAL
85,25
175,22
89,97
51,3 %
Source : Cour des comptes
En outre, s’agissant de l’immeuble 93 boulevard du Montparnasse, u
ne évaluation
réalisée quelques mois avant la cession, par les mêmes services de France domaine, s'établissait
à 31
M€, ce qui aurait d
onc abouti à une décote de 14,7
M€, soit 47,6
%, soit un taux supérieur
au plafond légal de 35 %
, en vigueur à l’époque
.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
38
Les pertes de recettes pour l’
État vendeur (et donc pour le ministère des armées)
s’élèvent à près de 90
M€. Elles ont permis la réalisation de logements qui sont pour une
grande majorité d
’entre eux des logements sociaux, représentant une surface d’environ
59 000 m². La
participation de l’
État peut être évaluée à environ 2 295
par m² de
logements sociaux.
2.1.2.3
La cession de la « partie sociale
» de l’Ilot Saint Germain
L’
État a vendu, le 31 mai 2018, à la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), une
parcelle de l’ensemble immobilier situé entre la rue Saint Dominique et le boulevard Saint
-
Germain, dénommée « Ilot Saint Germain »
21
.
Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du 7
ème
arrondissement approuvé par arrêté
préfectoral avait notamment institué un emplacement réservé pour la réalisation de logements
sociaux à hauteur de 100
% sur une partie de l’emprise foncière de l’Ilot Saint
-Germain
correspondant à l’immeuble c
édé. Le droit de priorité de la ville de Paris prévu aux articles
L. 240-
1 et suivants du code de l’urbanisme ayant été délégué à la RIVP, la vente est intervenue
dans le cadre du dispositif de la décote, régi par les articles L. 3211-7 et R. 3211-13 à
R. 3211-17-4 du CGPPP (« loi Duflot
»). Le programme de construction que la RIVP s’est
engagée à réaliser prévoya
it d’affecter au moins 75
% de la surface de plancher aux logements
et de comporter des logements sociaux.
L’évaluation du bien sur laquelle s’est
appliquée la décote établissait la valeur vénale à
85,72
M€, la décote (56,72
M€) représentant un taux global de 68,57
% de cette valeur. Le
programme de logements sociaux représentera une surface de plancher brute de 13 402 m² et
une surface de plancher administrative de 12 062 m². Le projet comportera également un
programme d’équipement public, non concerné par le dispositif de la décote, destiné à la
construction et à l’aménagement d’une crèche d’une surface de plancher administrative de
757 m², ainsi q
u’un équipement sportif d’une surface de plancher administrative de 1
713 m².
Le prix de vente a été déterminé en tenant compte de la décote consentie pour chacune
des catégories de logements sociaux que la RIVP s’oblige
ait à réaliser dans le cadre du
programme de construction
: pour le type prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) –
50,5 % de la
surface
: la décote consentie s’élève à 35,6
M€, soit un taux de décote de 85,3
% ; pour le type
prêt locatif à usage social (PLUS)
39,7 % de la surface : la déco
te consentie s’élève à 19,4
M€,
soit un taux de décote de 59,2 % ; et pour le type prêt locatif social (PLS)
9,7 % de la surface :
la décote consentie s’élève à 1,6
M€, soit taux de décote de 19,9
%.
Cette cession a été qualifiée de «
hors norme
» par le
conseil de l’immobilier de
l’
État (CIE) dans son avis de septembre 2019, estimant que la décote accordée
correspondait à une contribution de l’
État à la ville de Paris
à hauteur d’environ 220
000
par logement construit. Elle justifie à elle seule, selon le CIE, «
le principe du plafonnement
de la décote sous certaines conditions afin de prévenir les subventions disproportionnées
».
21
Préalablement à la vente, l’État avait procédé à la division cadastrale de l’assiette foncière de l’Ilot
Saint-Germain en cinq parcelles do
nt l’une était destinée à être vendue à la RIVP.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
39
La Cour souscrit à une telle recommandation. En effet, elle a déjà eu, à plusieurs
reprises,
l’occasion de relever la
complexité de ce dispositif et la mobilisation excessive de
moyens, notamment le coût de ces décotes pour l’
État, au regard des faibles résultats
obtenus
22
. Il conviendrait donc de réexaminer
le périmètre d’application et les conditions
de mise en œuvre du
dispositif de décote « Duflot ».
2.2
La politique en faveur du logement pour la ville de Paris
L
e contexte de la révision des règles d’urbanisme et l’entrée en vigueur du dispositif
« Duflot » ont constitué pour la ville de Paris des leviers utiles pour négocier plusieurs cessions
importantes du ministère des armées dans des conditions favorables à la politique de
développement du logement, mais défavorable aux intérêts de l’
État vendeur.
2.2.1
Une démarche globale pour l’ensemble des biens immobiliers de l’
État
2.2.1.1
Dans un premier temps, un traitement au cas par cas par la ville, toutes
administrations confondues
Après l’abandon du projet Vauban au début de l’année 2010, et le choix de céder les
biens du ministère des armées au fur et à mesure de leur libération, les cessions ont, dans un
premier temps, été traitées au cas par cas entre la ville de Paris et les services de l’
État. Cette
méthode a permis à la ville de mener, de manière informelle, à la fois des discussions avec le
ministre du budget, le ministre du logement, voire le Premier ministre, tout en ayant aussi des
négociations parallèles avec les ministères concernés. Cette organisation a permis à la ville de
favoriser la réalisation de logements.
Il en est ainsi de la cession de la caserne de la Pépinière, sise 15 rue de Laborde dans le
8
ème
arrondissement, vendue le 9 janvier 2015, pour un prix de 118,5
M€ à la SCI EUROSIC
Saint Augustin, à la suite d’une procédure d’appel d’offres. Cette cession a pu être réalisée sans
contrainte particulière hors PLU car elle
a été traitée simultanément avec celle d’un autre
immeuble situé dans le même quartier du 8
ème
arrondissement.
La caserne de la Pépinière se situait dans la zone urbaine générale du PLU de Paris et
se trouvait donc soumise aux conditions particulières de la zone de déficit en logement social,
mais sans figurer sur la liste des emplacements réservés en vue de la réalisation de logements.
Dans une zone de déficit en logement social, tout projet entrant dans le champ d’application du
permis de construire comp
ortant des surfaces d’habitation doit prévoir d’affecter au logement
social au moins 25
% de la surface hors œuvre nette destinée à l’habitation. Cette obligation
concerne aussi bien les projets de construction neuve, de restructuration lourde ou de
change
ment de destination dès lors que la surface hors œuvre nette d’habitation est supérieure
22
Cf. référé au Premier ministre, octobre 2017, précité et
Bilan de la politique immobilière du ministère
des armées
, observations définitives, juillet 2020.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
40
à 800
m². Toutefois, si le projet ne comporte aucune surface d’habitation, la création de
logement social ne peut être imposée. La situation est différente lorsque le bien immobilier se
situe sur un emplacement réservé pour le logement social (« LS 25 % », « LS 50 % » ou « LS
100 % »). Dans ce cas, tout projet de construction ou de rénovation sur le site devra satisfaire à
l’obligation de réaliser la proportion indiquée
de logements sociaux.
Par courrier du 7 juin 2013, adressée au préfet de la région d’Ile
-de-France, le maire de
Paris faisait part de son accord pour permettre la cession de deux sites, l’immeuble du 26 bis
rue de Saint Pétersbourg (12 500 m²) et la caserne de la Pépinière (18 000 m²) dès lors que
6 500 m² seraient affectés à du logement social. Sous la réserve de cette réalisation sur le seul
premier site, le maire s’engageait à permettre la cession de la caserne de la Pépinière sans autre
contrainte particulière que celle du PLU.
2.2.1.2
Les mandats successifs confiés au préfet
Pour le projet Vauban, un comité de suivi avait été mis en place, associant les ministères
des armées et du budget, et leurs services (France domaine et le SLD Paris, le SGA et la DPMA,
la DAF). Ensuite, après l'abandon du projet Vauban, un comité de pilotage conjoint «
sur les
cessions d'actifs immobiliers parisiens du ministère de la défense
», sous l'égide des deux
ministres a été maintenu.
Tant les services de la DPMA et que ceux de la DIE
ont été dans l’incapacité de
communiquer les comptes rendus ou relevés de décisions de ces deux instances.
Considérant que la cession des immeubles de l’
État dans Paris était une question globale
pour la ville, qui devait être traitée de manière
coordonnée au niveau de l’
État, un mandat a été
confié au préfet de la région d’Ile
-de-France, préfet de Paris en avril 2015, comme représentant
de l’
État propriétaire au plan local et unique responsable des négociations sur le foncier de
l’
État avec la ville de Paris.
Pour ce qui est des biens parisiens du ministère des armées, c’est uniquement sur la
cession de l’Hôtel d’artillerie et celles de l’Ilot Sait Germain que ce mandat a eu un effet.
S’agissant des autres cessions, elles ont été réalisées avant 2
015, ou bien les conditions de leur
réalisation ont été négociées et arrêtées avant ce mandat.
Le bilan du mandat au préfet de région, dressé en 2018 par le service France Domaine
lors de son renouvellement, révèle « en creux » ses défauts et insuffisances. Ont ainsi été mises
en évidence une mauvaise circulation de l’information et une collaboration insuffisante entre
les services du préfet et ceux du ministre du budget. Le ministre évoque ainsi dans la lettre
d’envoi du mandat la nécessité que les décisio
ns soient prises en accord avec son cabinet et la
direction de l’immobilier de l’
État
, ce qui laisse entendre que certaines ne l’ont pas été au cours
du précédent mandat.
La nécessité de ne pas avancer en ordre dispersé dans la négociation avec la ville
de
Paris est renforcée dans ce bilan par l’analyse du caractère «
offensif » de celle-ci et
l’aspect «
complexe et tendu » de la négociation. Le mandat a été renouvelé en janvier
2018.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
41
2.2.2
L’évolution
des règles d’urbanisme, facteur d’instabilité
durant toute la
période
Au lendemain des élections municipales de 2014, le volontarisme de la ville de Paris en
matière de création de logements sociaux et de rééquilibrage en faveur des arrondissements les
plus déficitaires, s’est trouvé renforcé. La ville s’est fixée
l’objectif de créer 10
000 logements
par an et d’atteindre 30
% de logements sociaux en 2023. Ce volontarisme a provoqué une
certaine tension sur la question des cessions immobilières de l’
État
. En 2017, le préfet d’Ile
-de-
France a souligné qu’il s’était
traduit par «
l’inscription de nombreuses servitudes sur les
propriétés de l’
État et de ses opérateurs sans que les services publics utilisateurs aient
nécessairement donné leur accord pour mobiliser ces biens au profit de cette politique du
logement
».
La période est marquée par une instabilité des règles qui rend les négociations
complexes
et l’
État
, quoique partie prenante dans l’élaboration de ces règles, s’est trouvé, en
tant que vendeur, en situation de faiblesse face à la collectivité, les contrainte
s d’urbanisme
étant un paramètre fondamental dans toute opération de cession immobilière
, puisqu’elles
affectent la valeur patrimoniale des immeubles.
Au cours de la période, une révision du plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Paris
a été effectuée. La dernière révision remontant à 2006, trois modifications sont intervenues en
2009, 2012 et 2016.
Jusqu’en 2016, des travaux ont été menés pour tirer les conséquences de
l’adoption des lois
du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du
logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite « loi
Duflot » et du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Alur »,
mais aussi traduire les engagements de la maire de Paris en faveur du logement.
À Paris, le PLU est complété dans les zones plus fortement protégées en raison de la
présence de monuments historiques, par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
Ces zones concernent le quartier du Marais et le 7
ème
arrondissement. Les PSMV régissent des
sites patrimoniaux remarquables et tiennent lieu de PLU sur le périmètre qu’ils recouvrent. Ces
documents sont élaborés, révisés ou modifiés en concertation a
vec l’architecte des bâtiments
de France qui veille à la cohérence du projet de plan avec l’objectif de conservation, de
restauration, de réhabilitation et de mise en valeur du site.
Or, la révision du PSMV du 7
ème
arrondissement a été engagée à partir de 2006
23
. La
révision visait notamment à intégrer, tout comme le PLU, des dispositions relatives à un
rééquilibrage de l’offre en matière de logement social. Il était prévu une proportion d’au moins
30
% de logements sociaux pour tout programme d’habitation
dont la surface de plancher était
supérieure à 800 m².
La négociation avec l’
État a consisté à définir la liste des emplacements libres de toute
contrainte (donc sans minoration de valeur patrimoniale du fait de servitude de logement), avec
23
La procédure d’élaboration ou de révision du PS
MV est conduite conjointement par le préfet et le maire.
Le projet est soumis à l’avis de la commission locale du site patrimonial remarquable. Il fait ensuite l’objet d’une
délibération avant d’être soumis à enquête publique. Au vu des résultats de l’enqu
ête, le conseil municipal se
prononce sur le projet éventuellement modifié après enquête publique. Le PSMV est ensuite approuvé par arrêté
du préfet en cas d’avis favorable du conseil municipal et par décret en Conseil d’État dans le cas contraire.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
42
en contrepartie
une compensation de la quotité de logements sociaux sur d’autres biens afin
d’obtenir un meilleur résultat global en création de logements sociaux
, quelle que soit la nature
du projet de réaménagement de ces ensembles immobiliers (méthode du « pastillage »).
Le processus de révision s’est déroulé jusqu’au 9 août 2016, date à laquelle le projet a
été approuvé par arrêté préfectoral (avec une entrée en vigueur au 8 septembre 2016).
L
instabilité
des règles d’urbanisme
a indéniablement donné un avantage à la ville
de Paris dans les négociations
avec l’État
. Les exigences de la ville en matière de logement
social ont évolué pendant la période
et ont perturbé les projets de l’
État et les travaux
d’évaluation.
2.2.3
Le dispositif de décote, un levier de négociation utilisé à tort
L’entrée en vigueur de la loi n° 2013
-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation
du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de
logement social, dite « loi Duflot » a incité la ville de Paris à renforcer ses exigences dans la
négociation avec l’État. C’est dans ce contexte que s’inscri
vent les cessions du boulevard
Montparnasse et de la caserne de Reuilly.
2.2.3.1
La cession de l’immeuble 93 boulevard du Montparnasse
En 2009, la ville de Paris a fait part de son intérêt pour deux immeubles libérés par le
ministère des armées
: l’immeuble situé 93 boulevard du Montparnasse et celui situé 19
boulevard de La Tour-Maubourg. Pour ces deux biens, le maire de Paris a fait connaître son
intention d’exercer son droit de priorité afin d’y réaliser des opérations de logement social et a
sollicité pour cela le préfet afin de bénéficier d’une décote de 35
%, conformément aux
dispositions en vigueur à cette date.
Il a été exposé (cf. supra) qu’en vertu du droit
en vigueur, ces opérations avaient été
considérées inéligibles au dispositif de la décote, mais qu’à titre exceptionnel le bénéfice d’une
décote de 35
% avait été accordé par arbitrage ministériel du 8 mars 2010 pour l’opération du
93 boulevard du Montparn
asse. L’immeuble a ainsi été cédé le 11 juin 2010 pour 16,25
M€
avec une décote de 8,75
M€. Cet arbitrage s’est appuyé sur le fait qu’en contrepartie, la ville de
Paris avait décidé de renoncer à l’exercice de son droit de priorité sur l’immeuble du 19
boulevard de La Tour-Maubourg.
Il ressort de l’examen des échanges sur ce dossier entre le préfet d’Île
-de-France et les
services de France Domaine que cette décision permettait « enfin de débloquer le processus de
cession des biens occupés par la défense à Paris », ce qui laisse entendre que la ville de Paris
avait fait de cette question de la décote un point bloquant pour tous les projets de cessions du
ministère de la défense dans la capitale.
L
’analyse de la cession de l’immeuble du boulevard de La Tour
-Maubourg montre que
si la ville de Paris a renoncé à l’exercice de son droit de priorité sur cet immeuble, ce
renoncement n’en était, en réalité, pas vraiment un. En effet, l’obtention de cette décote n’était
possible ni juridiquement, ni matériellement (cf. annexe) :
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
43
-
la décote ne pouvait pas s’appliquer dans les conditions réglementaires, principalement en
raison du délai de cinq ans pour la réalisation des travaux : la ville a eu connaissance, dès
la notification de l’intention d’aliéner, du maintien des
services du ministère des armées
dans l’immeuble jusqu’à, au plus tard, fin 2014, soit une durée maximale de cinq ans.
-
l’opération envisagée par la ville de Paris dans l’immeuble du boulevard de La Tour
-
Maubourg, tout comme celle du 93 boulevard du Montparnasse, ne présentait pas les
caractéristiques susceptibles
d’entrainer son éligibilité au dispositif de décote
: les travaux
de restructuration envisagés sur cet immeuble de bureaux pour y réaliser 22 logements ne
pouvaient être assimilés à des travaux de réhabilitation lourde.
L’argument avancé pour justifier la mise en œuvre d’un dispositif
de décote en
faveur de
la ville de Paris, alors que l’opération n’était pas éligible, n’aurait pas dû être
retenu. Aucune « concession
» n’a été faite
par la ville
de Paris à l’
État dans le cadre de
la négociation. Par conséquent, rien ne justifiait qu
e l’État
accepte d’appliquer
une décote
d’un montant
de 8,75
M€
au site.
La mairie de Paris ne conteste pas le fait que les deux opérations envisagées n’étaient
pas él
igibles au dispositif de décote, les travaux prévus n’étant pas des travaux de réhabilitation
lourde. Elle considère toutefois, s’agissant de l’immeuble du boulevard de
La Tour-Maubourg,
que la décote aurait, au contraire, été applicable en s’appuyant sur
un courrier du préfet de la
région d’Ile
-de-France en date du 28 juillet 2009 émettant un avis favorable à la décote tout en
suggérant que, compte tenu du maintien des services de l'État dans les lieux jusqu'à fin 2014, le
délai de cinq ans s'applique à compter de la libération des lieux par l'État.
La Cour observe cependant que cette proposition du préfet
n’a pas été suivie d’effet. En
effet, dans une lettre de novembre 2009 au maire de Paris, le receveur général des finances
d’Ile
-de-France (SLD75) a rappelé que le délai de cinq années nécessaire à la libération des
lieux «
n’était pas compatible avec le dispositif de la décote
» qui doit bénéficier « à des projets
dont la mise en œuvre est prévue à brève échéance
». En conséquence, le maire de Paris a
indiqué en mars 2010, que «
au vu des conditions d’occupations de ministère de la défense
» la
ville renonçait à exercer son droit de priorité (cf. annexe n° 3).
2.2.3.2
La cession de la Caserne de Reuilly
Compte tenu des règles du PLU fixant d’une part une servitude pour logement social
« LS 50 %
», et d’autre part un COS de 3, la valeur vénale de la caserne de Reuilly a été évaluée
en octobre 2009 par le service local du domaine à 72
M€.
À partir de décembre 2010, des discussions entre le cabinet du ministre du budget et le
maire de Paris, en vue d’y réaliser un programme de logements incluant la réalisation de 50
%
de logements sociaux, comme prévu au PLU, ont permis de définir deux hypothèses, en
fonction de la surface de SHON constructible, entre 56,8
M€ et 72
M€, la différence faisant
l’objet d’un complément de prix. Selon un accord intervenu au cours du premier semestre 2011,
l’hypothèse haute
avait été retenue et la valeur vénale de l’ensemble arrêtée à 64,5
M€
,
l’architecte des bâtiments de France (ABF) ayant souhaité en juin 2011 que soit conservée la
composition des trois bâtiments militaires disposés en U autour de la place d’armes, ce qui
empêchait leur démolition,
et la préservation de la place d’armes libre de toute construction
, ce
qui avait pour effet une réduction de la constructibilité.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
44
Cependant, alors qu’était entrée en vigueur la loi
du 18 janvier 2013 relative à la
mobilisation du foncier public en faveur du logement, dite « loi Duflot », la ville de Paris a
choisi unilatéralement de modifier son projet pour un programme « tout locatif ». Cette
nouvelle proposition s’appu
yait
sur le programme local de l’habitat (PLH) de la ville d
e Paris
et prévoyait la réalisation de 50 % de logement sociaux, 20 % de « loyers maîtrisés » et 30 % à
destination des investisseurs institutionnels. Les charges foncières étant nécessairement
moindres dans le cadre d’un programme ne comprenant pas de logements destinés à l’accession
libre à la propriété, cette nouvelle proposition a eu pour conséquence une diminution du prix
de cession proposé qui a été ramené à 54,37
M€ en hypothèse haute, et 38,1
M€ en hypothèse
basse.
Finalement, dans le cadre d’un protocole signé le 9 juillet 2013, l’
État a accepté de céder
la Caserne de Reuilly pour 40
M€ (soit l’hypothèse basse de la proposition), «
en considération
expresse de la possibilité de percevoir un complément de prix » prévu dans le cas où
l’acquéreur
(l’O
PH Paris Habitat, substitué à la ville de Paris) réaliserait un supplément de recettes du fait
soit de l’obtention de constructibilités supérieures à celles retenues dans le calcul du prix
ou de
la réalisation de recettes supplémentaires lors de la vente de la charge foncière des logements
locatifs privés à réhabiliter.
En juillet 2013, lors de l’annonce de la signature du protocole avec l’
État, la ministre
chargée du logement a indiqué : «
nous allons pouvoir aller bien plus vite
», et «
les
négociations q
ui ont débuté il y a plus de six ans se sont accélérées avec l’arrivée de la gauche
au pouvoir
». Le maire de Paris a déclaré : «
avec le gouvernement précédent, ce bien ne pouvait
être cédé qu’à 64,5
M€, le prix du marché
». De même, l’exposé des motifs d
u projet de
délibération du conseil de Paris approuvant le projet de protocole et autorisant le maire à le
signer rappelle les étapes de la discussion avec l’
État et souligne que les négociations ont été
«
facilitées dans les derniers mois par la mise en place de la nouvelle loi de mobilisation du
foncier public en faveur du logement
», ce qui a permis «
d’aboutir à un accord financier
acceptable
».
Cependant, l’arrêté ministériel du 4 décembre 2013 autorisant la cession ne fait
référence qu’au protocole de juillet 2013 et ne vise aucunement la loi Duflot, tout comme l’acte
de cession du 6 décembre 2013. C’est donc à tort que la cession de la caserne
de Reuilly a été
présentée comme réalisée dans le cadre de ce dispositif.
À
ce sujet, le conseil immobilier de l’
État (CIE) avait souligné, dans un avis du
10
septembre 2019 sur la mise en œuvre du dispositif de mobilisation du foncier public en
faveur du
logement social qu’il était difficile d’apprécier globalement l’effort consenti par
l’État, dans et hors du champ de la décote encadrée par la loi de 2013,
«
puisque subsistent des
cessions négociées hors de ce mécanisme, ces décotes ‘’implicite
s
’’ permettant d’acquérir des
terrains publics à moindre coût, sans pour autant se voir imposer les contraintes associées
».
Tandis
qu’un accord avait été trouvé en mai 2012 pour une cession au prix de
64,5
M€, la ville de Paris a su profiter
des conséquences de
l’entrée en vigueur de la loi
Duflot et de l’effort engagé par le gouvernement en faveur du logement social
, pour
entraîner les services de France Domaine dans une nouvelle négociation aboutissant à une
perte de recette de 24,5
M€ pour l’
État, sans pour
autant solliciter la mise en œuvre du
dispositif de décote, trop contraignant par rapport à ses projets.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
45
2.2.4
Les effets du « pastillage » dans le septième arrondissement
Dans le 7
ème
arrondissement, trois immeubles important du ministère des armées étaient
s
usceptibles d’être cédés
:
-
L
’ensemble Bellechasse
-Penthemont, rue de Bellechasse, anciennement occupé par le
ministère chargé des anciens combattants, représentant une surface de plancher de plus de
12 000 m², sur un terrain de 6 900 m² ;
-
L
’Hôtel d’artillerie, place Saint Thomas d’Aquin, occupé notamment par le contrôle
général des armées, représentant une surface de plancher de plus de 1 000 m² sur un terrain
de 9 300 m²
-
L
’Ilot Saint Germain, ancien siège des principaux services d’administration centrale d
u
ministère, notamment de l’état
-major des armées, du secrétariat général pour
l’administration, situé entre le boulevard Saint Germain et la rue de l’université,
représentant une surface totale de plancher de près de 52 000 m² sur un terrain 32 400 m².
L’
ensemble Bellechasse-Penthemont a pu être cédé dès le 29 juin 2014. À
la suite d’une
proposition de la ministre du budget au maire de Paris en mai 2012, un accord a été conclu en
juillet 2013 visant à ce que la cession de six hôtels particuliers du 7
ème
arrondissement
appartenant à l’
État puisse se faire sans contrainte de logements sociaux. En contrepartie, une
quotité de 30 % de logements sociaux (nouvel objectif prévu dans le futur nouveau PSMV du
7
ème
arrondissement qui était en cours de révision) serai
t appliquée à l’ensemble Bellechasse
-
Penthemont, ces 30
% pouvant être reportés sur d’autres biens que l’
État viendrait à céder dans
l’arrondissement, «
comme notamment l’immeuble du 4 rue de Lille ou l’Îlot Saint
-Germain »,
en sus des obligations de logement social propres à ces biens.
Le report sur ces immeubles ayant été acté, l’ensemble Penthemont
-Bellechasse a,
en conséquence, été exclu du secteur d’application de la servitude de logement social, et a
pu être cédé par appel d’offre pour 137,15
M€.
Quant à
l’Hôtel d’artillerie
, e
n janvier 2014, le préfet d’Ile
-de-France faisait part au
ministre de la défense qu
’il figurait également dans
la liste des immeub
les de l’État affectés par
le « pastillage ». Cependant, des discussions parallèles entre la ville
de Paris et l’acquéreur qui
s’était montré intéressé, la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) se sont
poursuivies, alors que son projet de site d’enseignement supérieur n’était pas compatible avec
les contraintes
d’urbanisme envisagées dans
le projet de PSMV.
Le ministère de la défense est intervenu auprès du préfet de région Ile-de-France pour
souligner cette incompatibilité demandant que, au regard du caractère stratégique de cette
cession, la contrainte de logement social puisse être levée afin de permettre de négocier avec la
FNSP (le but étant ici que Sciences Po obtienne une affectation en catégorie des constructions
et installations nécessaires aux services
publics ou d’intérêt collectif, ou
CINASPIC, qui
l’exonèrerait de cette contrain
te).
Finalement, le projet de PSMV a été modifié en juin 2014 conformément aux souhaits
de Sciences Po et le classement du site de l’Hôtel d’artillerie adapté
: le site a bien été supprimé
de l’annexe IV du projet, relative aux emplacements réservés de log
ements et de logements
sociaux, mais il a été ajouté à l’annexe III avec une destination d’équipement d’enseignement
supérieur.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
46
La cession de l’Hôtel de l’artillerie à la FNSP est intervenue le 23 décembre 2016, après
un long cheminement entre une offre initiale non formalisée de 130
M€ en 2011 et une
acquisition au prix de 87
M€. Entre temps, le contexte avait changé compte tenu, notamment,
de l’évolution des règles d’urbanisme applicables et des discussions conduites entre l’
État et la
ville de Paris sous
l’égide du préfet de la région Ile
-de-France.
L
’accord conclu en 2013 entre l’
État et la ville de Paris sur les sites devant être
« pastillés » pour le logement social puis la prise en compte des souhaits de Sciences Po
lors de la révision du PSMV du 7
ème
arrondissement
, certes validée par le préfet d’Ile
-de-
France, préfet de Paris,
ont concouru à ce que l’
État vendeur
n’ait d’autre
choix que de
céder l’Hôtel de l’a
rtillerie à Sciences Po selon une procédure de gré à gré, dérogatoire du
droit commun.
Seul
restait l’Ilot Saint Germain sur lequel pesait, selon le projet de PSMV du 7
ème
arrondissement, une obligation de construction de logements sociaux sur 30 % de la surface de
plancher, et en vertu de l’accord conclu avec la ville de Paris en 2013, le repor
t de cette
obligation qui aurait dû affecter l’ensemble Bellechasse
-Penthemont
et non celle relative à
l’Hôtel d’artillerie, puisque la décision d’adapter le projet de PSMV pour se conformer au projet
de cession à Sciences Po venait de la ville elle-même. En conséquence, dès avril 2015, la maire
de Paris a indiqué au préfet, qui avait été désigné par mandat du ministre chargé du budget
comme unique responsable des négociations sur le foncier de l’
État avec la ville de Paris dans
le cadre d’une négociation
globale, qu’elle souhaitait porter de 30 à 50
% la quote-part de
logements sociaux sur l’Ilot Saint
-Germain.
En octobre 2015, le ministère de la défense a fait part au préfet de sa décision de ne pas
céder le bâtiment dit « des Jardins » (bâtiment donnant
sur l’Hôtel de Brienne)
. Ce choix,
apparemment en contradiction avec la décision initiale de regrouper l’ensemble des services
sur le site de Balard, a eu pour effet de réduire la surface cédée, désormais de 28 000 m² (surface
utile nette pour le calcul de la servitude logement social) au lieu de 35 000 m².
Lors d’une réunion interministérielle du 6 novembre 2015, il a été décidé qu’au regard
des équilibres à trouver avec la ville de Paris, le préfet serait mandaté sur la base d’un taux de
40 % de logements sociaux (soit 11 200 m², pour une assiette de 28 000 m²), susceptible
d’évoluer jusqu’à 50
% (14 000 m²) dans le cadre de la négociation.
Cet arbitrage s’est appuyé sur une note adressée par le service de France Domaine aux
ministres des finances et du
budget qui rappelait l’accord intervenu en 2013 afin de reporter la
quotité de logements sociaux applicable à l’ensemble Bellechasse
-Penthemont, ce qui excluait
la possibilité de limiter le taux de logements sociaux à 30
%. Elle recommandait aussi d’écart
er
le souhait de la ville de Paris de réaliser des logements sur 17 000 m² (correspondant à un taux
de 64
%) dans la mesure où un accord sur ce point ne permettrait pas de préserver l’intégrité de
l’ensemble d’un seul tenant destiné à la vente libre d’affe
ctation.
En effet, la ville de Paris ayant fait part de son souhait de ne pas acquérir la totalité du
site mais uniquement la surface destinée à la construction de logements sociaux, une procédure
avait été envisagée pour scinder l’emprise en trois parcel
les : la parcelle du bâtiment des Jardins,
restant propriété de l’
État
, celle faisant l’objet d’une cession à la ville de Paris pour y construire
des logements sociaux, et un troisième se trouvant libre de toute obligation à cet égard.
À
l’issue de la nég
ociation, qui avait repris avec la ville de Paris, une réunion
interministérielle en date du 27 février 2017, a définitivement validé la cession de 14 000 m² à
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
47
la ville de Paris (à laquelle s’était substituée la RIVP) au prix de 29
M€
, soit 2
071€/m
2
, qui a
été réalisée par acte de cession du 31 mai 2018.
Après avoir été suspendue aux négociations avec la ville de Paris en matière de logement
social, la cession de la parcelle non concernée par l’obligation de construction de logements
sociaux a pu être lanc
ée par appel d’offres en septembre 2018. La cession a été actée le 17 juin
2019 pour un prix de 368
M€.
Le choix pour la ville de Paris de reporter tous ses projets de logement social sur
l’Ilot Saint Germain
eu pour conséquence une longue et difficile négociation qui a
finalement retardé la cession de la partie « libre ». Pour
l’Hôtel d’artillerie, la ville n’a pas
permis que les intérêts de l’
État soient favorisés, puisque, par sa révision du PSMV, elle
a empêché toute possibilité d’une meilleure valoris
ation.
2.2.5
Les paradoxes des politiques portées par l’
État
Les constats de la Cour mettent évidence la contradiction qui s’est opérée pendant la
période entre deux objectifs majeurs pour l’
État :
-
d’une part la meilleure valorisation possible du foncier libéré
dans la capitale par le
ministère des armées afin de maximiser les produits de leur cession, dans la mesure où ces
produits devaient abonder les crédits nécessaires à la réalisation de la loi de programmation
militaire de 2009 à 2019. L
État agissait, là, en tant que vendeur, dans la perspective de
maximiser ses ressources budgétaires ;
-
d’autre part, la mobilisation du foncier public devenu inutile
,
pour atteindre l’objectif
national de construction de logements sociaux, fixé et repris par plusieurs plans
gouvernementaux successifs au cours de la période. L
État agissait ici, en tant que partie
prenante d’une politique publique favorable au logement
social. C
ette politique l’a conduit
à imposer des obligations lourdes aux vendeurs, dont il faisait partie, limitant ainsi les
possibilités d’optimisation financiè
re du foncier en zone urbaine.
Cette contradiction a nettement joué en défaveur des finances
publiques de l’État,
en attente de ressources exceptionnelles pour boucler ses budgets successifs, et, partant,
du ministère des armées.
2.3
La faible-prise en compte du logement des militaires à Paris
À fin 2018, le parc global de logements du ministère des armées était constitué de 46 685
logements (25 % de logements domaniaux, 68 % de logements réservés par convention auprès
de bailleurs sociaux ou non et 7 % de logements pris à bail).
L’instr
uction a montré que ce parc
est ancien, constat partagé par un récent rapport parlementaire sur la politique immobilière du
ministère des armées
24
. Surtout, la localisation des bâtiments ne correspond plus aux priorités
des armées. Des besoins se font sentir notamment en région parisienne : en 2019, le taux de
24
Rapport n° 2557 du 8 janvier 2020 sur la politique immobilière du ministère des armées, Assemblée
nationale, Commission de la défense nationale, MM. Furst et Lainé.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
48
réalisation des demandes de logement du personnel militaire muté était de 64,9 % en Île-de-
France, pour un taux national de 53,5 %.
L’amélioration de l’attractivité des armées et de la fidélisation du personnel
nécessite
pour les armées de mettre l’accent sur l’améli
oration des conditions de vie des militaires et de
leurs proches. Tel est l’objectif du «
Plan familles
», adopté à l’automne 2017 et doté d’une
enveloppe de 530
M€ sur la période 2019
-2025. Le plan prévoit, sur la durée de la LPM
2019-
2025, d’augmenter le parc domanial dans les territoires où l’offre de logement est
insuffisante, de médiocre qualité ou ne garantissant pas un niveau suffisant de sécurité.
La loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du
logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite « loi
Duflot » prévoit, au profit de l'administration qui subit la décote, une possibilité de réservation,
à titre gratuit, d'une partie de ces logements sociaux plafonnée à 10 %
(V de l’article L.
3211-7
du CGPPP).
L’article 47 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les
années 2019 à 2025 a renforcé cette faculté en permettant au ministère des armées de demander
la réservation non pas de 10 %, mais des trois quarts des logements réalisés dans ce type
d’opération
: «
la décote (…) n’est applicable aux cessions de terrains occupés par le ministère
des armées (…) que lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de
programmes de logements sociaux réservés au maximum aux trois quarts aux agents de ce
ministère, à la demande de ce dernier
».
S’agissant de la cession avec décote de la caserne de Reuilly, intervenue en décembre
2013, elle ne relève pas, à strictement parler, du dispositif législatif. La solution
ad hoc
retenue
aurait toutefois pu tenir compte de cette contrepartie prévue par la loi « Duflot » et un
contingent de logements aurait pu être réservé aux agents du ministère des armées, compte tenu
des besoins existants déjà à cette date.
Quant à la cession avec décote
de la partie sociale de l’Ilot Saint Germain, elle a été
signée le 31 mai 2018, soit avant l’entrée en vigueur de la LPM pour 2019
-2025. Un arbitrage
ministériel a prévu qu’au
-delà de la réservation à titre gracieux de 10 % de logements sociaux
(soit 25 logements sur un total de 251 prévus) au bénéfice exclusif des agents du ministère des
armées, la réservation pour un euro symbolique de 25 autres logements pourrait être accordée.
Ainsi 20 % des logements pourront être attribués aux agents civils ou militaires du ministère
des armées (à rapprocher de l’objectif de 75
% fixé dans la LPM pour 2019-2015, deux mois
après la signature de l’acte de cession).
Cette décision
a fait l’objet d’un protocole cadre conc
lu en décembre
2017 entre l’
État
et la RIVP sur les conditions de la cession. Elle a été prise à la demande du ministère des armées,
en contrepartie du prix de cession que ce dernier jugeait
insuffisant pour contribuer à l’équilibre
de sa trajectoire budgétaire.
Compte tenu des besoins avérés, il est primordial que la disposition
d’attribution
de logements aux personnels du ministère soit pleinement mise
en œuvre
. Il serait en effet
incompréhensible
qu’en dépit de s
a forte contribution à la politique en faveur du logement
à Paris, le ministère des armées ne bénéficie pas de cette politique pour le logement de ses
propres agents. Au vu des besoins des militaires en région parisienne, qui ont notamment
conduit au lancement du « plan famille », le secrétariat général du ministère des armées
doit impérativement continuer à faire valoir les droits qui lui sont ouverts à ce titre et
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
49
obtenir de ses interlocuteurs de la mairie de Paris la réservation
de l’ensemble
des
logements auxquels il peut prétendre.
Recommandation n° 4.
(SGA) Veiller au respect, y compris dans la durée, des
dispositions permettant au ministère des armées de réserver des logements pour son
personnel au sein des projets de construction réalisés sur les sites parisiens cédés.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La contribution du ministère des armées à la politique en faveur du logement à Paris
est importante et a pesé lourd dans sa trajectoire budgétaire. M
ême s’il est admis que le
patrimoine immobilier de l’
État puisse contribuer à une autre politique, l
a Cour s’était déjà
interrogée sur la légitimité de faire porter au budget du ministère des armées, à travers une
moins-value sur ses recettes potentielles, une mesure qui relève de la politique du logement
25
.
A Paris, le montant des décotes accordées représente une perte de recettes totales de
près de 90
M€.
Elles ont permis la réalisation de logements sociaux pour
une surface d’environ
59 000 m², soit une
participation de l’État
évaluée à environ 2 295
€ par m².
Le dispositif « Duflot »
n’a réellement pu être appliqué que dans un seul cas
qui
représente toutefois près des deux tiers du total des pertes ; le dernier tiers porte sur les deux
autres décotes
ad hoc
, qui ont toutefois été accordées d
’un
e manière que la Cour juge
discutable quoique validée par arbitrage ministériel.
D’un point de vue plus général, l
a Cour a déjà appelé à réexaminer le périmètre
d’application et les conditions de mise en œuvre du dispositif de décote «
Duflot » qui devrait
être plafonné et
dont l’application
devrait être plus ciblée.
25
Cf.
Les aides de l’État aux territoires concernés par les restructurations des armées
, communication à
la commission des finances de l’Assemblée nationale, novembre 2014.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
50
3
L
’INSUFFISANTE PRISE
EN COMPTE DES INTERETS DE
L’ETAT DANS LES PROC
EDURES DE CESSIONS
Alors que la procédure avec mise en concurrence constitue le principe pour l'aliénation
d'un immeuble de l'État et permet à ce dernier
d’obtenir
le meilleur prix de cession, cette
procédure a finalement constitué une exception pour le ministère des armées à Paris : une
majorité de cessions a été réalisée de gré à gré avec la ville, à l’issue de négociations très serrées,
dans des contions
défavorables à l’
État et alors même les dispositifs préservant a posteriori ses
intérêts sont insuffisants.
3.1
Un recours trop limité à l’appel d’offre
et des défauts dans les
procédures
Les quatre cessions réalisées par appel d’offres ont montré l’efficacité de cette
procédure en termes de résultats. Deux d’entre elles soulèvent toutefois des interrogations quant
au respect des règles de transparence et d’égalité de traitement des candidats.
3.1.1
Une procédure pourtant favorable à l’
État
Aux termes de
l’article R.
3211-2 du code général de la propriété des personnes
publiques (CGPPP), « l'aliénation d'un immeuble du domaine privé de l'État est consentie avec
publicité et mise en concurrence, soit par adjudication publique, soit à l'amiable », en dehors
des cas, limitat
ivement énumérés à l’article R.
3211-7 du même code, où la cession peut
intervenir sans appel à la concurrence.
Cessions d’immeubles de gré à gré (sans publicité ni mise en concurrence)
Le principe général est que l’aliénation d’un immeuble privé de l’État a lieu avec
publicité et mise en concurrence, soit par adjudication publique, soit à l’amiable. Il s’applique
aussi par dérogation aux immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre des armées,
mais la cession peut être consentie «
à l’amiable, sans appel à la concurrence
», sous certaines
conditions (articles R 3211-26 et R 3211-27 du CG3P) :
-
lorsque la valeur vénale de l’immeuble n’excède pas 150 000 € ;
-
lorsqu’une précédente adjudication a été infructueuse ;
- lorsque
les collectivités locales concernées sur lesquelles est situé l’immeuble s’engagent
à acquérir l’immeuble et à en payer le prix, dans un délai fixé en accor
d avec le ministre des
armées ;
-
lorsque l’occupant exerce une activité en rapport
avec les besoins de la défense.
Le prix de cession reste établi dans des conditions fixées par le service du domaine.
Toutefois, en pratique, les évaluations établies en cas de projet de vente à une collectivité locale
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
51
divergent des évaluations domaniales antérieures à la déclaration d’i
nutilité, car elles tiennent
compte des perspectives réelles de réemploi et de transformation.
La procédure avec publicité et mise en concurrence constitue ainsi le principe de toute
cession immobilière. Les rapports annuels de la commission pour la transparence et la qualité
des cessions immobilières de l’État (CTQ) soulignent de façon récurrente que cette procédure
permet à l’État d’obtenir un meilleur produit de cession.
Cependant, dans le contexte particulier des ventes parisiennes, le recours à une
procédure avec mise en concurrence a plutôt représenté l’exception puisque seules quatre
opérations de vente sur douze ont été conduites selon cette procédure.
Le recours à une cession avec publicité et mise en concurrence a en effet concerné la
vente de l’
ensemble Bellechasse-Penthemont (137,15
M€), celle de la partie privée de l’Îlot
Saint-Germain (368,10
M€), celle de la
caserne de la pépinière (137,5
M€) et celle
de
l’imme
uble 19 boulevard de La Tour-Maubourg (13,1
M€). Au regard de leurs p
roduits, qui
représentent 77 % du total du produit des cessions parisiennes du ministère des armées,
l’observation de la CTQ est amplement confirmée.
3.1.2
Des produits de cession systématiquement supérieurs aux évaluations
domaniales
Les écarts par rapport à l’évaluation domaniale ont parfois été importants.
Ainsi, la partie privée de l’Îlot Saint
-Germain a été cédée à un fonds qatari pour un
montant de 368
M€ pour une évaluation de 222
M€ par
les domaines, confirmée par des experts
privés. Les évaluations de l’État et de ses conseils avaient été réalisées à partir de la méthode
dite du « compte à rebours promoteur »
26
en distinguant selon le type de valorisation choisie
par les acquéreurs potentiels (bureaux, hôtels, logements résidentiels, formules mixtes). Toutes
concluaient à une valorisation optimale par une restructuration en bureaux, l’hypothèse
hôtelière leur apparaissant la moins favorable. Sur ce point, le résultat de l’appel d’offres l
eur
a apporté un démenti, l’offre la plus élevée correspondant à un projet d’hôtellerie de luxe. Si
cette cession met en évidence le potentiel de valorisation des cessions par appel d’offres, elle
illustre également la difficulté d’évaluer des biens de pre
stige, hors normes et quasiment hors
marché, susceptibles d’intéresser des investisseurs internationaux.
L’ensemble Penthemont
-Bellechasse illustre également en partie ce point avec une
cession au prix de 137,15 M€ à une société foncière, pour une évaluation domaniale de 77 M€
en mars 2012.
26
La méthode dite du compte à rebours promoteur est utilisée par les services des Domaines afin de
déterminer la valeur du site en fonction de son potentiel de reconversion (en bureaux, en logements y compris une
part de logements sociaux,
ou en hôtel). Cette méthode permet d’estimer la valeur d’un terrain qui présente des
droits à construire. Ces droits sont transformés en surfaces habitables cédées, le produit de ces cessions formant le
chiffre d’affaire de l’opération. De ce chiffre d’affaire sont déduites les charges de réalisation afin d’établir la
valeur vénale du site concerné (ou charge foncière). Cette valeur dépend à la fois de l’étude de marché destinée à
évaluer les recettes futures mais aussi de la pertinence des différents ratios de charge appliqués.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
52
En terme de méthode, la valorisation par comparaison avec les prix du marché tend à
être remplacée par la méthode du « compte à rebours promoteur » qui paraît plus rigoureuse,
sous réserve d’estimer au juste prix les po
stes de recettes et de dépenses
du projet de l’acheteur
,
et mieux à même d’estimer le potentiel de valorisation d’un site. Cette approche conduit
toutefois parfois à minorer l’estimation
au détriment de l’
État. Ainsi, en juillet 2012, le service
local des
Domaines évaluait la caserne de la Pépinière à 87 M€ en suivant la méthode du compte
à rebours promoteur et à 85 M€ sur la base de la méthode par comparaison. Cependant, pour
cette dernière, le service avait appliqué une décote de 40 % au prix moyen des cessions
observées pour les transactions du secteur. Il a ainsi ramené le prix du m² de 10
000 € à 6
000
€.
Cette décote était justifiée, selon le service, par l’état moyen des bureaux ne satisfaisant pas aux
normes et aux standards du marché, par l’augmenta
tion des coûts de la construction,
l’importance des surfaces et
les circulations dans les deux bâtiments. Au prix du marché et hors
décote, le bien aurait été estimé à plus de 125
M€. Pour sa part, le conseil privé des Domaines,
la société AOS STUDLEY éval
uait le bien à 91 M€ pour une valorisation en tertiaire, à 81,5
M€
pour une transformation en hôtel et à 70,3 M€ pour des logements libres. Suite à un métrage
plus précis des bâtiments qui avait réduit la surface utile, AOS STUDLEY révisa son évaluation
en
janvier 2014 en estimant à 85 M€ la valeur vénale du bien en cas de valorisation en tertiaire,
à 75,5
M€ pour une transformation en hôtel et à 56 M€ pour du logement libre. En février 2014,
le service local des Domaines confirmait son évaluation précédente à 85
M€. La cession au prix
de 118,5
M€ hors complément de prix, demeurait ainsi d’un montant
très supérieur à
l’évaluation domaniale.
Les évaluations domaniales tendent parfois à être révisées à la baisse avant une cession,
aussi bien lorsque la cessio
n est effectuée de gré à gré que lorsqu’elle est réalisée après publicité
et mise en concurrence. Pourtant cette pratique est contraire aux règles issues du code de
l’urbanisme
Le site du boulevard de la Tour-Maubourg avait ainsi été évalué à 24
M€ en déc
embre
2008, avant que cette évaluation soit ramenée à 10
M€ six mois plus tard, en mai 2009. Cette
révision à la baisse s’expliquait en partie par une diminution du métrage (de 2
521 m² à 1 712 m²
SHON) mais aussi par une diminution de 34 % du prix de réfé
rence (de 9500 €/m² à 6300€/m²),
eu égard à l’état d’usage des bureaux. Une telle dégradation en si peu de temps apparaît
surprenante
et elle n’est pas suffisamment justifiée
. Quant à la révision du métrage, il convient
de noter qu’elle n’est pas entièreme
nt reprise dans la décla
ration d’aliéner adressée à la v
ille de
Paris puisque la SHON mentionnée s’élève à 2282 m². Au total, le prix de cession de 13,1 M€
apparaît certes supérieur à l’évaluation de mai 2009 mais très inférieur à celle de décembre
2008.
3.1.3
Un dispositif destiné à garantir l
a transparence des procédures et l’égalité de
traitement des candidats
La procédure de mise en concurrence repose sur un dispositif de publicité et une base
documentaire destinés à informer les concurrents des modalités de la consultation et à garantir
leur égalité de traitement. La procédure est lancée par une information sur le site des cessions
immobilières de l’
État, des annonces sont publiées dans différents journaux et dans la presse
spécialisée en France et à l’
Étranger, une plaquette largement diffusée par mailing est réalisée.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
53
Un règlement
de consultation auquel s’ajoute un projet d’acte de vente précisant les
conditions de celle-
ci, constituent les documents principaux. L’ensemble des informations sur
le bien, ainsi que les diagnostics techniques, sont rassemblés dans une
data room
mise en place
sur un espace notarial dédié et accessible à la demande par mot de passe. Un circuit de visite
est organisé pour les éventuels candidats, un dispositif de questions-réponses diffusées à
l’ensemble des personnes
est mis en place sur la data room. Le règlement précise la date limite
de dépôt des candidatures ainsi que les modalités de dépôt d’une garantie financière obligatoire.
Le règlement mentionne la possibilité pour l’
État
d’interrompre la procédure à tout
moment et celle d’organiser, éventuellement, un second tour. Les offres sont examinées par un
e
commission
ad hoc
qui formule une proposition à l’issue de l’ouverture des plis. L’acceptation
de l’offre relève de la compé
tence du ministre en charge du domaine. Ce schéma procédural a
été suivi pour quatre opérations du ministère de la défense.
Si les cessions par appel d’offres des sites parisiens du mini
stère des armées, situés dans
des quartiers prestigieux, ont souvent été différées compte tenu des négociations avec la ville
de Paris sur les sites soumis à la contrainte logement social, elles ont suscité un intérêt certain
comme en témoigne le nombre de candidatures jugées recevables.
Tableau n° 6 :
Nombre de candidatures recevables lo
rs des appels d’offres
Bellechasse-
Penthemont
La Tour
Maubourg (1)
La Tour
Maubourg (2)
ISG (partie
privée)
Caserne de la
Pépinière
Candidatures
10
5
nc
10
11
Dont recevables
5
5
5
5
5
Source : Cour des comptes
Si les règlements de la consultation ouvraient
à l’
État
la possibilité d’organiser un
second tour, celui-
ci n’a pas jugé utile de le faire, au regard, notamment, de l’écart existant
entre les deux offres les plus élevées (37
% pour l’
ensemble Bellechasse-Penthemont, 23 %
pour l’Îlot Saint Ger
main, 8 % pour la caserne de la Pépinière). Pour l
a cession de l’immeuble
19 boulevard de La Tour-
Maubourg, un second appel d’offres
a été organisé à la suite de la
défaillance de l’acquéreur retenu lors de la première mise en concurrence.
L
’écart entre le
s deux
premières offres était de 32 % pour la première mise en concurrence et de 13 % pour la seconde.
Dans tous les cas,
la volonté de l’
État de conclure au plus vite des cessions dont le produit était
particulièrement attendu par le ministère des armées a probablement également conduit à
renoncer à un second tour. Une telle alternative a pu notamment se poser pour la cession de la
caserne de la Pépinière
, l’écart entre les deux premières offres étant relativement moindre
.
Le déroulement des procédures n’appelle pas d’observations s’agissant de la cession de
l’
ensemble Bellechasse-
Penthemont et de l’Îlot Sai
nt-
Germain (partie privée). Tel n’est pas le
cas pour celles de la caserne de la Pépinière et du 19 boulevard de La Tour-Maubourg.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
54
3.1.4
Deux procédures soulevant des interrogations sur
l’égalité de traitement des
candidats
3.1.4.1
La cession de la caserne de la Pépinière
La cession de la caserne de la Pépinière soulève des interrogations au regard de l’égalité
de traitement des candidats et de la transparence de la procédure. La procédure a en effet été
affectée par l’ambiguïté de l’accord entre l’
État et la ville de Paris sur la nature du casernement.
Dans le cadre de la négociation d’ensemble avec cette dernière, l’
État avait entendu
obtenir un accord permettant une cession de la caserne de la Pépinière libre de toute contrainte
de logement social. Les discussions avec la ville avaient abouti à un échange de lettres entre le
ministre du budget et le maire de Paris. Dans
un courrier du 7 juin 2013, le maire de Paris s’était
engagé à ce que le site soit cédé « sans autre contrainte particulière que celle du PLU » sous
réserve de la réalisation de 6 500 m² de logements sociaux sur un autre site (rue de Saint
Pétersbourg). Par lettre du 2 septembre 2013, le ministre du budget avait apporté son
consentement à ce compromis.
Cet accord était cependant ambigu dans la mesure où l’
État
l’analysait comme faisant
disparaître toute contrainte de logement social sur le site de la Pépinière alors que la ville ne
faisait que renvoyer au PLU. Or la caserne de la Pépinière, qui se trouvait dans « une zone
urbaine générale » du PLU, était soumise aux conditions particulières de la zone de déficit en
logement social, même sans figurer sur la liste des emplacements réservés en vue de la
réalisation de logements. Dans une telle zone,
tout projet entrant dans le champ d’application
du permis de construire comportant des surfaces d’habitation doit prévoir d’affecter
au
logement social au moins 25 %
de la surface hors œuvre nette destinée à l’habitation. Cette
obligation concerne aussi bien les projets de construction neuve, de restructuration lourde ou
de changement de destination dès lors que la surface hors œuvre nette d’
habitation est
supérieure à 800
m². Toutefois, si le projet ne comporte aucune surface d’habitation, la création
de logement social ne peut être imposée par la ville
27
. La question se posait donc de savoir si la
partie « casernement »
28
du site de la Pépinière
(d’une surface supérieu
re à 800 m²) devait être
considérée comme une surface d’habitation, car dans cette hypothèse, le PL
U imposait la
réalisation de 25
% de logements sociaux sur cette partie de l’emprise.
Cette interrogation n’avait pas échappé aux candidats potentiels à l’achat du site de la
Pépinière.
Le dossier de consultation contenait les renseignements d’urbanisme selon lesquels
le site se situait dans une zone en déficit de logement social mais n’était pas grevé d’une
servitude en vue de la réalisation de logements sociaux.
En revanche, l’éch
ange de lettre entre
l’
État et la ville de Paris ne figurait pas dans la documentation remise aux candidats. Dès lors,
un certain nombre de candidats se sont interrogés sur la nécessité ou non de prendre en compte
une obligation de construire des logements sociaux dans leur offre, ce qui en affectait
évidemment le montant. La fiche questions-réponses du 10 octobre 2014 contenait ainsi une
interrogation relative à l
’interprétation de la ville sur le casernement au regard des règle d’usage
27
Cf. Note de la SCP BRESJANAC-SAVARY de BEAUREGARD du 11 avril 2013.
28
Logements et chambres de passage pour militaires célibataires.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
55
en vigueur.
Le sujet était manifestement prégnant dans la mesure où d’autres questions
étaient
posées sur ce point.
La réponse communiquée à l’ensemble des candidats potentiels invi
tait ceux-ci à
prendre l’a
ttache des services de la ville, ce qui tendait à suggérer que le problème restait
pendant et que la cession n’était pas totalement exempte d’une contrainte de logement social.
De façon singulière, et en réalité inédite, une procédure de vente avait ainsi été
lancée par l’
État
sans que les règles d’urbanisme applicables au bien cédé soient
clairement établies.
Outre l’incertitude qui en résultait quant à l’égal accès des candidats
à l’information leur permettant de finaliser leur
offre, cette situation a affecté le montant
des offres.
Une note pour le ministre en charge du domaine, en date du 18 novembre 2014, indiquait
qu’il n’avait pas été possible d’obtenir de la v
ille de Paris un courrier confirmant cette cession
libre d’affectation, ce qui avai
t pesé sur le niveau des cinq offres recevables qui se situaient
dans une fourchette allant de 40
M€ à 118,5
M€. Quatre de celles
-ci étaient toutefois
supérieures à l’évaluation domaniale (85 M€).
La société ayant déposé la seconde meilleure offre, a
d’ailleurs
sollicité
la tenue d’un
second tour dans le cadre de la procédure d’appel d’offres afin de lever les incertitudes qui
pesaient selon elle sur cette cession et, plus précisément, sur
l’existence d’une obligation de
maintenir une part de logements sur le site. La société soulignait l’absence de réponse forme
lle
du service du domaine sur la quest
ion de l’exigence de la v
ille. Elle invoquait par ailleurs les
propos du secrétaire général p
our l’administration devant la Commission de la défense
nationale et des forces armées qui, alors que la procédure n’était pas close, aurait affirmé que
la caserne n’était pas soumise à l’obligation de maintenir des logements et qu’elle pouvait donc
faire
l’objet d’un programme immobilier constitué uniquement de bureaux. Ces éléments lui
paraissaient susceptibles de constituer un manquement aux obligations de publicité et de mise
en concurrence dans le cadre d’un marché public.
La note précitée soulignait que le conseil juridique de France d
omaine avait conclu qu’il
ne pouvait être reproché au service un manque de transparence ou une inégalité de traitement
des candidats. Selon cette analyse, il appartenait aux candidats d’intégrer l’incertitude liée à la
qu
alification du casernement en logement et d’en tenir compte dans leur offre. C’était d’ailleurs
ce qu’avait fait le candidat ayant présenté l’offre la plus élevée en assortissant son offre d’un
complément de prix de 19
M€ conditionné par l’obtention de tou
tes les autorisations nécessaires
à la réalisation d’un projet intégralement en bureaux.
La note proposait de conclure la vente
avec ce candidat, ce qui fut accepté par le ministre.
S’il est usuel que les actes de vente des biens immobiliers de l’
État comprennent
des clauses de complément de prix, celle proposée par le candidat retenu manifeste
l’incertitude sur les règles d’urbanisme applicables au moment de la cession. L’argument
selon lequel il était loisible aux autres candidats de faire de même ne permet cependant
pas d’écarter le doute sur la transparence de la procédure et sur l’égalité de traitement
des candidats.
Cette question se pose d’a
utant plus que la ville de Paris est intervenue (sans succès
cependant) en cours de procédure pour tenter d’en
infléchir le résultat en assimilant le
casernement à des locaux d’habitation. En effet, postérieurement à l’ouverture des plis mais
antérieurement au choix de l’offre par le ministre
, deux interventions de la ville ont fait craindre
la remise en cause de
l’accord conclu entre l’
État et la ville de Paris.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
56
-
par courrier du 28 octobre 2014 au Premier ministre, la maire de Paris indiquait vouloir
réétudier cet accord en arguant du non-
respect par l’
État de ses engagements concernant la
cession d’autres
sites (rue de Lille et rue de Saint-Pétersbourg),
assortie d’une contrainte
de logement social.
Or l’
État ne faisait obstacle ni à ces deux cessions, ni à
l’application
de
la décote prévue à l’article L
3211-7 du CG3P. Seule la finalisation des cessions se
heurtait à des difficultés.
-
par un courrier
du 31 octobre 2014 à la ministre chargée du logement, l’adjoint à la m
aire
de Paris, chargé du logement,
attirait l’attention de la ministre sur l’offre de «
Toit et Joie »
qui prévoyait la construction de 6 600 m² de logements dont 100 logements sociaux et de
9 800 m² de bureaux pour un montant total de 40
M€
29
. Le courrier précisait que l’ambition
sociale portée par cette offre constituait une orientation qui s’imposait au regard du PLU.
Il précisait que si le projet retenu prévoyait une transformation de la caserne pour des
usages autres que le logement, il conviendrait d’appliquer le règlement municipal sur le
changement d’usage des locaux d’habitation et donc de compenser la surface de logement
perdue par le double.
Ces deux interventions n
’ont pas r
emis en cause la proposition de la commission
d’ouverture des plis qui
a été validée par le ministre le 1
er
décembre 2014. La vente a ainsi été
conclue, le 9 janvier 2015, pour un montant de 118,5
M€, un complément de p
rix de 19
M€
étant dû en cas de réalisation par l’acquéreur d’un programme de construction dans lequel
l’ensemble des surfaces sera
it affecté à la construction de bureaux. La ville de Paris ayant
accordé un permis de construire pour une construction intégrale en bureaux, sans retenir le
moyen qu’elle avait un temps mis en avant, l’acquéreur a versé
le complément de prix convenu
par acte complémentaire en date du 4 octobre 2016.
La procédure de cession de la caserne de la Pépinière a indéniablement été affectée
par l’incertitude qui demeurait quant à l’obligation de réaliser des logements sociaux sur
le site. Si l’
État
considérait que l’échange de lettres de
2013 permettait une cession libre
de toute contrainte, le seul renvoi de la ville de Paris aux dispositions du PLU introduisait
une ambiguïté sur ce point, comme l’atteste
la double intervention de la ville en octobre
2014.
Faute d’avoir pu lever l’ambiguïté relative à la qualification du casernement, l’
État
n’a ainsi pu pleinement optimiser
cette cession.
3.1.4.2
La cession d
e l’immeuble 19 bo
ulevard de La Tour-Maubourg
La cession du boulevard de La Tour-Maubourg est la seule pour laquelle deux appels
d’offres successifs furent lancés. Au terme d’un premier appel d’offres publié le 10 juin 2010,
la commission d’o
uverture des plis avait retenu en octobre 2010
l’of
fre la plus élevée (15
M€)
émanant de la société GE Invest, «
sous réserve du versement de la garantie de 10 % du
montant de l’offre dans les huit jours
». L’acceptation de cette offre est singulière au re
gard des
dispositions du règlement de la consultation qui prévoyait que tout offre devait être
accompagnée d’une gara
ntie constituée à hauteur de 10 % de son montant et attestée par une
29
Il s’agit en fait de l’offre de G
DG Investissement, société foncière privée spécialisée dans la
restructuration lourde, qui avait conclu un accord avec « Toit et Joie
», SA d’HLM dépendant du Groupe Poste
Habitat, en vue de la vente en état futur d’achèvement des logements sociaux.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
57
banque. Or cette attestation faisait défaut et l’offre en question,
en date du 7 octobre 2010, était
uniquement accompagnée
d’une déclaration d’intention du candidat de constituer la
garantie
demandée dans les 48h. Le courrier d’acceptation de l’offre, en date du 14 octobre 2010,
mentionnait simplement que «
à défaut du versement de la garantie égale à 10 % du montant
de votre offre dans les huit jours calendaires de cette notification, l’
État renoncera à poursuivre
l’exécution du contrat par toute voie de droit et se prévaudra de la caducité de votre offre en
date du 7 octobre 2010 sans autre formalisme
».
Cette dérogation à l’obligation de produire l’attestation qu’une banque détenait la
garantie, qui était prévue au règlement de la consultation, a introduit une rupture
d’égalité dans le traitement des offres. Conformément
au règlement de la consultation,
l’offre retenue par la commission d’appel d’offres
aurait dû être jugée irrecevable.
3.2
Des cessions de gré à gré particulièrement défavorables
à l’
État
Les cessions de gré à gré doivent être distinguées de l’exerci
ce du droit de priorité par
la ville de Paris. Elles constituent une dérogation au principe de la cession par appel public à la
concurrence.
Dans le cas d’une procédure de gré à gré, le prix de cession résulte d’une
négociation entre l’
État et un acquéreur poten
tiel. L’acceptation de l’offre de ce dernier
appartient en dernière instance au ministre en charge du domaine, qui se prononce au regard,
notamment, de la valeur vénale estimée par ses services. Toutefois, cette valeur, qui fait l’objet
d’ajustement au cou
rs de la procédure, tend à refléter davantage le résultat de la négociation
qu’un véritable prix de marché.
Les cessions de l’Hôtel d’artillerie
et de la caserne de Reuilly montrent que dans les
négociations, l’Etat
a non seulement été placé en situation
de faiblesse, mais n’a pas non plus
cherché à imposer ses intérêts qu’il était toutefois en droit de faire valoir.
3.2.1
La cession de l’Hôtel de l’a
rtillerie
3.2.1.1
Un prix de cession reflétant le résultat de
la négociation avec l’acquéreur
plutôt
que la réalité du marché
L’
État a cédé, le
23 décembre 2016, l’Hôtel de l’artillerie, place Saint Thomas d’Aquin
dans le 7
ème
arrondissement, à la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), pour un
montant de 87
M€ hors droits.
L’intérêt de l’acquéreur pour ce site était ancien. Dans la
perspective de l’installation d’un collège universitaire par le Pôle de recherche et
d’enseignement supérieur Sorbonne Paris Cité, le directeur de Sciences Po avait adressé
en juin
2011 à la mini
stre du budget une lettre d’intention en vue de l’acquisition du site pour un
montant de 130
M€ hors taxes et hors droits. Une lettre annexée à ce courrier témoignait de
l’appui sans réserve du maire de Paris à ce projet. Cette offre avait été
réitérée en février 2012.
Les évaluations initiales du site par les services du domaine étaient alors proches du prix
proposé. En 2009
, l’ensemble était estimé à 10
4
M€ sur la base d’un métrage provisoire. Sur la
base du métrage réalisé ultérieurement par un géomètre expert, l’estimation
aurait été de
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
58
125
M€. En 2013, le bien avait été réévalué à 120
M€ dans le cadre de la comptabilité
pat
rimoniale de l’
État, puis à 117
M€. Ces évaluations avaient été effectuées sur la base des
contraintes d’urbanisme résultant du PLU en vigueur.
Cette première opération n’ayant pas abouti, la cession de l’immeuble
a été relancée
dans un contexte différent compte tenu de la mobilisation du foncier en faveur du logement
social et de la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7
ème
arrondissement. Le projet de révision de ce document prévoyait en effet un quota de 30 % de
logements sociaux sur le site. Pour préparer cette révision, une enquête publique a été menée
en janvier et février 2015, à laquelle Sciences po a été associée. Au final, les demandes
formulées par Sciences Po devaient être intégralement prises en compte dans le rapport du
commissaire enquêteur (cf. Annexe 10, pages 155 et suivantes)
30
.
Sciences Po obtint ainsi que la révision du PMSV classe le site dans la catégorie des
constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC)
qui
rendait impossible pour l’
État toute autre option à une cession à Sciences Po
31
. Une offre
de la société LVMH
présentée en avril 2016, d’un montant de 100
M€ a en conséquence
dû être
écartée.
Un projet d’acquisition différent fut alors présenté par Sciences Po en
juillet 2014,
suscitant des réticences du ministère de la défense, notamment au regard du prix offert qui se
limitait à 70
M€.
Parallèlement, les services du domaine, assistés par deux conseils privés,
révisaient la valeur vénale du site à 90
M€, en qualifiant d’ambitieuse la valeur estimée par l’un
de ces conseils à 105
M€.
L’offre de Sciences Po était établie sur la base d’un compte à rebours promoteur
intégrant dans le projet la réalisation d’un amphithéâtre jugé couteux par les services de l’
État.
En outre, si les recettes pr
évisionnelles de l’opération étaient calculées HT, les dépenses étaient
établies TTC au motif que Sciences Po ne pourrait récupérer la TVA,
ce qui réduisait d’autant
la charge foncière. Les services de l’
État finirent par accepter cette approche, tout en contestant
certains postes du bilan présenté par Sciences Po
dont l’offre fut réévaluée à 80
M€ en
octobre 2014.
Entre temps, la commission pour la transparence et la qualité des cessions immobilières
de l’État (CTQ) avait rendu, le 28 octobre 2015
, un avis validant le recours à la procédure de
gré à gré et préconisait de fixer le prix au minimum de 90
M€ afin de tenir compte de l’intérêt
de convenance pour Sciences Po
32
.
L’évaluation d
omaniale fut alors ramenée à 85
M€, ce montant résultant d’un co
mpte à
rebours reprenant les principales données du projet de Sciences Po, notamment la réalisation
d’un amphithéâtre de 18
M€
, différent du projet initial semi-enterré,
et l’absence de
récupération de la TVA pour un montant estimé de 10,5
M€.
La décision
de vendre l’Hôtel de
l’a
rtillerie à Sciences Po fut prise en mai 2015 et confirmée en mai 2016 pour un prix ne pouvant
être inférieur à 87
M€.
30
Dans une note du 16 avril 2015, adressée à la cheffe du service France Domaine, le directeur régional des finances
publiques d’Ile de France et du département de Paris indiquait que, dans son rapport, le commissaire enquêteur avait pris en
grande considération le projet de Sciences Po et formulé de nombreuses recommandations qui le servaient.
31
Cf. Supra.
32
En dépit de demandes réitérées, l
a direction de l’immobilier de l’État n’a pas transmis cet avis, dont le
contenu n’est connu qu’indirectement, à la Cour.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
59
Si
la négociation a permis à l’
État de faire
passer l’offre de la FNSP de 70
M€ à
85
M€ puis d’obtenir un acco
rd sur un prix de cession de 87
M€, ce prix reflète davantage
le résultat d’une âpre discussion qu’un véritable prix de marché. Demeurant inférieure à
celle des experts privés, la dernière évaluation des Domaines a été effectuée selon une seule
méthode d’éva
luation qui, de surcroît, reposait sur un compte à rebours promoteur établi
spécifiquement à partir des caractéristiques du projet de Sciences Po et en prenant en
compte la majeure partie des hypothèses retenues par la FNSP.
A
lors qu’une première offre
, fo
rmalisée mais restée au stade de l’intention,
avait
été initialement présentée à 130
M€ par l’acquéreur, le prix de cession finalement accepté
par l’
État apparaît comme une quasi-subvention de 43
M€ accordée à la FNSP, qui n’est
pas retracée dans les compt
es de l’État
3.2.1.2
Deux concessions supplémentaires de l’
État
dans l’acte de cession
L
’accord sur le prix était assorti de deux concessions défavorables à l’
État :
-
La
prise en compte du seul projet de Sciences Po a conduit l’
État à supporter le coût élevé
d’un amphithéâtre
, certes différent du projet initial, semi-enterré, jugé trop coûteux, et à
réduire la charge foncière du montant de la TVA que Sciences Po ne pouvait récupérer.
Par comparaison avec un investisseur usuel, la valeur vénale a é
té réduite d’un montant de
10,5
M€ selon les évaluatio
ns de France Domaine mais de 26
M€ au regard des derniers
éléments fournis par Sciences Po ;
-
l
’acte de cession comporte une clause d’intéressement en cas d’augmentation des surfaces
de pla
ncher postérieurement à l’achèvement du projet de restructuration, prévue dans un
délai de dix ans. Or la règle de calcul fixée pour cet intéressement repose sur un prix
unitaire inférieur de 36 % au prix unitaire de cession,
issu d’un arbitrage du 8 novem
bre
2016, et en contradiction avec les instructions qui avaient été données initialement le 4
août 2016 par le directeur général des finances publiques au directeur régional des finances
publiques d’Ile
-de-France et du département de Paris prévoyant de retenir le prix unitaire
de cession pour déterminer le complément de prix dû en cas d’augmentation des surfaces
de plancher.
3.2.2
La cession de la caserne de Reuilly
3.2.2.1
Un prix de cession négocié avec la ville avant la notification
La cession de la caserne de Reuilly à Paris Habitat, le 6 décembre 2013, fournit un autre
exemple d’évaluation de la valeur vénale revue à la baisse
au fil des discussions avec la ville
de Paris. Après une première évaluation en octobre 2009 à 72
M€ tenant compte des nouvelles
règles résultant du PLU fixant une servitude pour logement social « LS 50 % » et un COS de
3, mais aussi de l’état d’usage du bâti, des discussions se sont engagées à
partir de décembre
2010
entre l’
État et la ville de Paris, en vu
e de la réalisation d’un pro
gramme de logements
incluant 50 % de logements sociaux.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
60
Un accord a été trouvé en mai 2012 pour une cession au prix de 64,5
M€.
Cependant,
en janvier 2013, la ville de Paris a modifié son projet en présentant un programme « en tout
locatif »
33
. Cette nouvelle proposition a eu pour conséquence de réduire le prix de cession
proposé à 54,37
M€ en hypothèse haute
et 38,1
M€ en hypothèse basse.
En reprenant le
programme présenté par la ville et en appliquant la méthode du compte à rebours promoteur,
les se
rvices de l’
État estimèrent alors la charge foncière à 40,39
M€ en hypothèse basse et à
55,45
M€ en hypothèse haute. Au vu de ces nouvelles estimations, un protocole d’accord fut
signé le 9 juillet 2013, pour un prix de 40
M€
, soit un prix inférieur à la fourchette basse.
Le prix de cession a donc été négocié avant que la ville de Paris ne soit sollicitée en
octobre 2013 pour l’exercice de son droit de priorité (qu’elle a délégué à l’OPH Paris Habitat),
ce qui est une façon de contourner les dispositions d
e l’article L.
240-
3 du code de l’urbanisme,
qui prévoit que l’État doit notifier au bénéficiaire du droit de priorité son intention de vendre
en indiquant le prix de vente
avant
l’engagement de toute procédure de cession (y compris de
gré à gré).
Il conv
ient pourtant de rappeler qu’en application de la norme comptable n°
6, les
biens à céder doivent être estimés à la valeur vénale. C’est
en référence à cette obligation
selon laquelle la valeur économique positive du bien doit refléter « les avantages
écon
omiques futurs ou le potentiel de service attendus de l’utilisation du bien
» que les
services de France Domaine doivent réaliser leur évaluation.
La direction de l’immobilier de l’
État, comme la mairie de Paris, ont, à juste titre, fait
valoir que l'évaluation, dans la perspective d'une cession, ne peut pas se faire de manière
systématique sur la base des règles posées par la norme comptable. En effet, l'approche
privilégiée par la norme comptable est la poursuite d'usage du bien, tandis que, dans une
perspective de cession, la valorisation doit tenir compte de la nouvelle affectation en fonction
du potentiel de reconversion du site et de sa constructibilité.
La Cour considère que le dialogue à mener avec les potentiels acquéreurs sur leurs
projets doit en effet
, comme l’indique le DIE, permettre à l’administration d’affiner ses
calculs pour l’évaluation domaniale
, qui est une valeur et non un prix, et tenir compte au
plus juste du potentiel de reconversion du site. Toutefois ce dialogue ne doit pas être
confondu avec la phase de négociation qui doit
, conformément au code de l’urbanisme,
intervenir après l’évaluation domaniale qui en fixe, en quelque sort
e, les limites
permettant de préserver les intérêts de l’
État.
Recommandation n° 5.
(DIE) Réaliser les cessions de gré à gr
é sur la base d’une
évaluation du bien conforme aux règles posées par la norme comptable n° 6, et effectuée
avant l’engagement de toute négociation, conformément aux dispositions de l’article
L. 240-
3 du code de l’urbanisme.
33
Cf. Supra.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
61
3.2.2.2
Une modification des règles de
complément de prix à l’initiative de l’acquéreur
L’accord entre l’
État et la ville de Paris du 9 juillet 2013 prévoyait deux clauses de
« retour à meilleure fortune ». Une clause de complément de prix serait due
dans l’hypothèse
où la charge foncière serait supérieure à 44,4
M€ en cas d’augmentation de la constructibilité
au-delà de 37 163 m² et/ou à la suite de la vente de la partie logements locatifs privés à des
investisseurs institutionnels. Le complément de prix serait partagé à hauteur de 75
% pour l’
État
et de 25
% pour l’acquéreur. Par ailleurs, un intéressement serait dû par l’acquéreur à l’
État en
cas de cession de commercialité, à hauteur de 75 % du produit. Par acte complémentaire du
6 juin 2018, un complément de prix de 5,19
M€ fut versé à l’
État
en raison d’un accroissement
des surfaces construites.
S’agissant du complément de prix afférent aux logements locatifs privés, un acte
rectificatif et complémentaire a été
signé le 21 juillet 2016, à l’initiative de Paris Habitat,
afin de modifier les m
odalités de calcul du complément de prix et la date d’exigibilité de
ce complément de prix.
Les logements locatifs privés représentent 30 % des logements du programme, soit
140 logements sur les 600 prévus que Paris Habitat a décidé de réaliser dans le ca
dre d’une
vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).
À
la suite d’une consultation lancée le 7 décembre
2015, l’offre la «
mieux-disante
», d’un montant de 56,61
M€ HT, avait été retenue en juillet
2016, l’acte de vente correspondant étant conclu le 29 sep
tembre 2017, une fois acquis le
caractère définitif de tous les permis de construire, pour un prix de 57,39
M€ HT.
Afin de déterminer à partir de quel montant les offres des investisseurs pourraient être
considérées recevables et fructueuses, Paris Habitat avait établi un bilan prévisionnel
permettant de définir un prix de vente « plancher », fixé à 46,98
M€ HT et tenant compte d’un
coût prévisionnel des travaux de 23,85
M€ HT.
Le calcul du complément de prix résulterait de
la différence entre le prix « plancher »
et le montant de l’offre retenue, avec la possibilité d’un
intéressement complémentaire calculé à partir de la différence entre le coût prévisionnel des
travaux et le coût des travaux réels du lauréat si ce dernier est inférieur. Le montant de ces deux
différences serait réparti à hauteur de 75
% pour l’
État et 25 % pour Paris Habitat.
Pour ces calculs, les services de France Domaine n
’ont manifestement pas été
acteurs mais plutôt mis devant le fait accompli.
3.3
L’insuffisance des dispositifs p
rotégeant les intérê
ts de l’Etat après la
cession
Les contrôles relatifs à la mise en œuvre des différentes clauses protégeant les intérêts
de l’
État en cas de « retour à meilleure fortune
» de l’acquéreur, ne sont pas suffisants alors
même que ces clauses sont souvent des arguments dans les négociations justifiant des avantages
accordés à l’acquéreur.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
62
3.3.1
Les clauses d’intéressement
3.3.1.1
Les clauses de complément de prix proprement dit : un seul cas à Paris
Ce type de clause a pour objet de revoir à la hausse le prix de vente final dans
l’hypothèse o
ù un évènement déterminé par les parties se réaliserait postérieurement à la
cession. Le montant convenu dans l’acte de vente est finalement, dans ce cas, selon la volonté
ces parties, provisoire.
Une telle clause n’a é
té adoptée que dans une seule des cessions réalisées à Paris pour
les immeubles affectés au ministère des armées : celle de la caserne de la Pépinière. Elle a été
à l’origine d’un complément de prix dont le montant à lui seul représente plus de la moitié d
e
l’ensemble des compléments de prix perçus dans le cadre des cessions du ministère des armées
sur la période 2009-2020, soit 19
M€ (pour un total de 34,15
M€).
L’acte de cession en date du 9 janvier 2015 indiquait en effet que le prix de vente de
l’immeub
le avait été déterminé
alors qu’
un doute subsistait sur les obligations résultant des
règles d’urbanisme à propos d’une partie de la caserne utilisée comme chambres d’hébergement
pour les militaires et susceptible d’être assimilée à des locaux à usage d’ha
bitation
34
.
Les parties ont donc convenu qu’en cas de réalisation par l’acquéreur d’un programme
de construction dans lequel l’ensemble des surfaces serait affecté à la construction de bureaux,
ce dernier verserait à l’État un intéressement correspondant à
19
M€. Une telle clause, résultant
d’une incertitude des règles d’urbanisme applicables au bien cédé au moment de la conclusion
de la vente, apparaît tout à fait inhabituel pour les cessions de l’État.
Par acte complémentaire en date du 4 octobre 2016, l’acquéreur a versé à l’État le
montant convenu dans l’acte principal. En effet, la ville de Paris a autorisé, dans le permis de
construire, l’usage intégral en bureaux, sans retenir le moyen qu’elle avait un temps mis en
avant vis-à-
vis de l’
État
, d’assimiler les locaux de casernement à de l’habitation.
3.3.1.2
Les clauses en cas de revente
Le principe est ici qu’e
n cas de cession, dans un délai donné
, l’Etat profite d’une partie
de la plus-value.
Toutes les cessions parisiennes réalisées par appel d’offres au cours de la
période 2009-
2019 comportent une clause d’intéressement en cas de revente
35
, à l’exception de
34
Cf. supra.
35
Hors cas des cessions parisiennes, il existe un dispositif spécifique aux cessions à l’euro symbolique,
en cas de revente, y compris fractionnée, pendant un délai de quinze ans à compter de la cession initiale. La
commune ou le
groupement est tenu de verser à l’État, à titre de complément de prix, la somme correspondant à
la moitié de la différence entre le produit des ventes et la somme des coûts afférents aux biens cédés et supportés
par la commune ou le groupement. Cette obligation pèse, pendant le même délai de quinze ans, sur les acquéreurs
successifs de tout ou partie des biens ainsi cédés, dès lors que la cession envisagée porte sur lesdits biens avant
construction ou réhabilitation des bâtiments existants. Le complément de
prix fait, dans ce cas, l’objet d’un acte à
part entière.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
63
la cession de l’immeuble du 6 rue saint Charles en octobre 2009 par adjudication au pr
ix de
1,6
M€
, et, pour
les cessions de gré à gré,
de celle en juin 2010 de l’immeuble du 93 boulevard
Montparnasse.
A cette période, ces clauses n’étaient pas sytématiquement prévues, ce qui est
désormais le cas.
Tableau n° 7 :
Modalités des clauses en cas de revente
cessions parisiennes
Désignation immeuble
Date cession
Délai clause
de revente
% plus value
revenant à l’Etat
Immeuble 19 boulevard de Latour-Maubourg
11 août 2011
2 ans
35 %
88-94 boulevard Ney
18 avril 2012
5 ans
50 %
Caserne de Reuilly
6 décembre 2013
3 ans
35 %
Ensemble Bellechasse-Penthemont
27 juin 2014
5 ans
35 %
Appartement 66 avenue Victor Hugo
22 juillet 2014
5 ans
35 %
Caserne de la Pépinière
9 janvier 2015
5 ans
35 %
Hotel d’artillerie
36
23 décembre 2016
30 ans
100 %
Ilot Saint Germain (partie sociale)
31 mai 2018
5 ans
50 %
Ilot Saint Germain (partie privée)
17 juin 2019
5 ans
50 %
Source : Cour des comptes
Les services se sont tournés vers les études notaires de l’Etat (Chevreux et Bresjanac,
les Notaires du Trocadéro) pour créer une telle clause qui a ensuite évolué et a été améliorée au
fil du temps, en lien avec le service local du domaine (SLD) de Paris et en tenant compte
d'expériences et de difficultés rencontrées dans les différents dossiers.
La durée et le pourcentage sont variables, et fixés en fonction des retours du marché, du
conseil d'experts (comme le cabinet Vif Expertise). Leur calcul est lié aussi au caractère
exceptionnel de certains dossiers. Même si, selon la DIE, un effort a été fait pour uniformiser
les clauses, il n’y a toutefois pas encore aujourd’hui de critères préétablis.
D’après la DIE, les clauses de complément de prix sont
publiées aux services de
publicité foncière de la direction générale des finances publiques afin de suivre leur activation.
Quelle que soit sa forme, l’inscription du complément de prix dans la partie normalisée de l’acte
permet son suivi par le notaire en
charge de la cession. En effet, le notaire rédacteur de l’acte
de revente est tenu d’informer le vendeur (l’État) de toute mutation entraînant la mise en œuvre
de la clause de revente. Outre ce système de suivi externe, l’enregistrement des clauses de
Depuis 2014, et à la suite d’une demande de la Cour des comptes sur les cessions à l’euro symbolique,
un système d’alerte, quinze jours avant la date anniversaire de l’acte de vente, permet au serv
ice local du domaine
de suivre les clauses de compléments de prix via l’outil de suivi des cessions (OSC), et d’examiner l’éventualité
d’un complément de prix. Toutefois, selon le responsable de la politique immobilière de l’État pour la région Ile
-
de-Fran
ce, la clause de complément de prix pour les cessions à l’euro symbolique est très aléatoire et mal mise en
œuvre, et n’est pas contrôlée.
36
L’acte de cession prévoit en outre que si une mutation intervient dans le délai de 30 ans, le nouvel
acquéreur restera lui-même redevable du versement de 50 % de la plus-
value qu’il pourrait réaliser en cas de
revente.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
64
com
plément de prix dans l'outil de suivi des cessions (OSC) de la direction de l’immobilier de
l’Etat permet depuis 2012 de sortir annuellement, a minima, un rapport «
Suivi des
compléments de prix
», pour les biens dont les clauses n’ont pas encore été activ
ées. Ce rapport
permet au service local du domaine de dresser un état des clauses devant faire l’objet d’un suivi
particulier.
En pratique, le suivi relève des notaires qui interviennent en cas de mutation affectant
le bien. Ce contrôle semble correctement
assuré, comme le montre l’exemple de la cession de
l’immeuble 19 boulevard Latour
-
Maubourg, dont l’acte de cession du 11 août 2011 prévoyait
qu’en cas de revente du bien par l’acquéreur dans un délai de deux ans, ce dernier verse à l’État
un complément de prix correspondant à 35 % de la plus-
value. Toutefois, pour qu’un tel
complément de prix soit exigible, l’immeuble doit être revendu dans son état physique ou
juridique initial. L’état juridique initial se trouve notamment modifié par le dépôt d’une
déclaration préalable visant à obtenir des services compétents un changement de destination du
bien.
Or neuf mois après la signature de l’acte de cession, le notaire
de l’acquéreur a fait part
au notaire de l’Etat de l’intention de celui
-
ci de revendre l’immeub
le après y avoir réalisé des
travaux entraînant un changement de destination partiel (sur une surface représentant 7 % de la
surface totale de l’immeuble), pour lequel il avait obtenu l’autorisation de la ville de Paris, ce
qui faisait échec, selon lui, à la clause de complément de prix.
Cependant, après consultation du notaire de l’Etat, le service de France Domaine est
parvenu à la conclusion que la clause de complément de prix devait, au contraire,
nécessairement s’appliquer, puisque les travaux conduisa
nt au changement de destination
partiel ne pourraient avoir lieu dans le délai de deux ans après l’acte de cession, compte tenu
du maintien dans les lieux des services du ministère des armées, rendant irréalisable le
changement de destination. Toute revente intervenant dans cet intervalle serait donc sous le
coup de la clause de complément de prix. A la suite de cette analyse non contestée, les projets
de l’acquéreur ont été abandonnés. Dans cette affaire, l’intervention du notaire de l’Etat et des
services
de France Domaine dans le suivi de la mise en œuvre de l’acte de cession a donc permis
de préserver les intérêts de l’Etat.
Le contrôle assuré par les notaires du respect de la clause d’intéressement en cas
de revente semble correctement assuré, car formalisé et systématique. Cependant, les
critères pour fixer les durées et pourcentages de ces clauses sont encore insuffisament
formalisés. Le contrôle serait facilité par une meilleure uniformisation de la rédaction des
clauses et des modalités d’application
.
3.3.1.3
Des clauses liées à la valorisation du bien par l’acquéreur
Ces clauses dépendent du bien vendu et de ce que l'acquéreur peut en faire (en cas
d’opérations d'aménagement, par exemple). Le plus souvent, elles sont liées
:
-
à la construction de m² supplémentaires par rapport au projet donné ;
-
à la cession de droits de commercialité.
L’acte
de cession de la partie privée de l’Ilot Saint Germain (17 juin 2019)
contient ainsi
des clauses
d’intéressement en cas de cession de commercialité et en cas de création d
e surface
de plancher. La première, mise en place sur une durée de sept ans, se traduirait pou
r l’Etat par
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
65
le versement de 50 % du prix de cession de la commercialité. La seconde, prévue sur une durée
de 10 ans,
ferait bénéficier l’Etat de 50
% de l’accroi
ssement de valeur résultant de
l’augmentation de la surface de plancher.
L’acte de cession de la caserne de la Pépinière en date
du 9 janvier 2015 comporte une clause identique.
L
es échanges de commercialité régissent les changements d’usage de biens immo
biliers.
La co
mmercialité d’un bien à usage «
autre que l’habitation
»
dispose d’une valeur marchande
,
et la transformation de bureaux en logements permet au propriétaire de percevoir une indemnité.
Inversement, la transformation d’un bien d’
habitation en un usage « autre que
l’
habitation »
nécessite l’achat de
droits commercialité, ou «
changements d’usage avec compensation
»
La clause d’
intéress
ement en cas de cession de droits de commercialité n’a
été mise
en œuvre que très rarement
dans les cessions parisiennes
37
. Toutefois, son contrôle pose a
prirori peu de problème dans la mesure ou ce type de mutation passe par l’intermédiaire
des notaires.
Il n’en va pas de même des clauses
en cas de création de surface de plancher
supplémentaire. L’adoption de cette catégorie de clause d’int
éressement est le résultat de
négociations. Ces clauses peuvent avoir des rédactions variables adaptées à chaque cas
particulier. Le contrôle est donc beaucoup plus difficile.
3.3.1.4
La complexité du suivi
: les cessions de la caserne de Reuilly et de l’Hotel
d’artillerie
La
caserne de Reuilly
a été cédée à Paris Habitat OPH en décembre 2013 pour un prix
de 40
M€ aux termes d’
un protocole conclu
entre l’Etat et
la ville de Paris. Alors que la dernière
évaluation du service des domaines était de 64
M€, ce prix a été accepté par l’Etat «
en
considération expresse » de la possibilité de percevoir un complément de prix dans le cas où un
supplément de recettes par rapport à celles retenues dans le calcul du prix de 40 M
serait réalisé
par l’acquéreur.
Selon
l’acte de cession, un complément de prix serait dû dans l’hypothèse où la charge
foncière totale serait supérieure à 44,4
M€, soit le prix garanti de 40
M€ auquel
on ajoute les
coûts de démolition et d’aménagement fixés à 4,4
M€. Ce complément de prix,
fondé sur une
constructibilité de 37
163 m² serait partagé entre l’Etat pour 75
% et l’acquéreur pour 25
%.
Cette clause
était susceptible d’être en mise en œuvre à d
eux titres. En effet, la charge
foncière pouvait voir son montant évoluer à la hausse, en cas d’augmentation de la surface
constructible, mais aussi à la suite de la vente de la partie logements locatifs privés (30 % des
logements du programme, soit 140 logements sur les 600 prévus), destinés à être cédés à des
investisseurs institutionnels.
S’agissant du complément de prix «
constructibilité », la surface a effectivement évolué,
suite à l’élaboration des demandes de permis de construire
; globalement la surface
constructible est passée à 40 493 m², cette évolution impliquant une recette complémentaire
prévisionnelle de 6,88
M€ (à laquelle il convenait toutefois de retrancher le coût lié à l’abandon
37
0,15
M€ HT perçus en 2020 à la suite de cession de droits de commercialité au titre de la caserne de
Reuilly.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
66
par l’Etat du projet de relocalisation du CIRFA dans le pro
gramme de Paris Habitat, soit une
perte de 1,36
M€). Cette évolution a fait l’objet d’un acte complémentaire du 6 juin 2018
constatant l’exigibilité d’un complément de prix d’un montant 5,19
M€
, encaissé le même jour.
S’agissant du complément de prix
afférent aux logements locatifs privés, dès le mois de
décembre 2014, Paris Habitat a indiqué à France Domaine privilégier pour ce lot une vente en
l’état futur d’achèvement (VEFA) directement auprès d’investisseurs institutionnels. Pour cette
raison, les dispositions relatives au calcul du complément de prix ont été modifiées par acte
rectificatif et complémentaire signé devant notaire le 21 juillet 2016.
Paris Habitat a établi un bilan prévisionnel permettant de définir un prix de vente
« plancher » tenan
t compte d’un coût prévisionnel des travaux. Pour le calcul du complément
de prix, Paris Habitat a proposé que l’intéressement résulte de la différence entre ce prix
« plancher
» et le montant de l’offre retenue, et qu’un intéressement complémentaire soit
calculé à partir de la différence entre le coût prévisionnel des travaux et le coût des travaux réels
du lauréat si ce dernier est inférieur, le montant de ces deux différences étant réparti à hauteur
de 75
% pour l’Etat et 25
% pour Paris Habitat.
Ces mo
difications présentaient pour Paris Habitat l’avantage de repousser à une
date plus tardive l’exigibilité du p
aiement des compléments de prix, et donc du point de
vue de l’Etat, à étendre la période de suivi de mise en œuvre de cette clause.
En effet, une
durée maximale pour la mise en œuvre des clauses de complément de prix
avait été fixée dès la signature du protocole de juillet 2013, et reprises dans l’acte de cession du
6 décembre 2013, à savoir « au plus tard dans un délai de sept ans à compter de la date de la
signature de l’acte de cession
», soit le 7 décembre 2020. Or dans l’acte rectificatif de juillet
2016, les règles prévoyaient que le paiement du complément de prix « VEFA » et du
complément de prix « Coût des travaux » serait constaté par acte authentique « dans le délai de
deux mois à compter de la date effective de livraison des biens vendus en l’état de futur
d’achèvement
», Paris Habitat justifiant cette disposition «
afin de mesurer l’impact de la Tva,
applicable sur les fractions du prix payable à terme ».
En avril 2020, les services du SLD 75 ont été informés qu’en raison de la crise sanitaire,
le chantier était «
arrêté jusqu’à la fin du confinement
». La livraison du « lot B », prévue début
septembre 2020, devait finalement intervenir en
toute fin d’année 2020, décalant ainsi la
signature de l’acte lié au complément de prix avec l’Etat, qui devait donc intervenir début 2021.
M
ême si la réalité du complément de prix peut d’ores
-et-déjà être constatée, le
calcul définitif et le paiement ne pourront intervenir q
u’à la livraison de l’ensemble.
La cession de
l’Hotel d’artillerie
, le 23 décembre 2016, a donné lieu à la mise en place
de plusieurs clauses d’intéressement, en particulier une clause liée à la création de
supplémentaires au-delà de la surface qui a servi au calcul du prix. Suivant partiellement les
recommandations d’un avis de la CTQ en date du 28 octobre 2015 (cf. infra), l’acte contient
une clause de complément de prix au titre du contrôle des surfaces. L’acquéreur s’oblige à
fou
rnir au vendeur, au plus tard dans le mois de la déclaration d’achèvement des travaux et de
conformité, un mesurage établi par un géomètre expert. Au cas où les surfaces utiles du bien
seraient supérieures à 14 157,20 m² majorées de 3 %, soit 14 582 m², un complément de prix
serait dû par l’acquéreur au vendeur. Celui
-
ci serait calculé par application d’un prix unitaire
de 4 800 €/m ² à tout mètre carré de surface utile supplémentaire mesurée au
-delà de 14 582 m².
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
67
De plus, une clause d’intéressement en cas d’augmentation des surfaces de plancher
postérieurement à l’achèvement du projet de restructuration est prévue dans un délai de 10 ans,
au prix unitaire de 4800 €/m², soit à un prix là encore inférieur de 36 % au prix de cession.
Les modalités de suivi des clauses de complément de prix sont peu claires en termes
de responsabilité
; elles sont rendues plus complexes par la durée de mise en œuvre (durée
des travaux et dix années au-delà), mais aussi par le fait que le contrôle repose uniquement
sur les déclar
ations de l’acquéreur.
3.3.1.5
Les conséquences de l’absence de clauses
d’int
éressement : la cession du terrain
88-94 boulevard Ney
L
’exemple de la cession du terrain 88
-94 boulevard Ney démontre les
inconvénients, pour les intérê
ts de l’Etat
,
de l’absence de clause d’intéressement en cas de
retour à meilleure fortune de l’acquéreur, hors cas de cession ultérieure
.
L’acte de cession du 18 avril 2012 comportait en effet une clause d’intéressement
éventuel en cas de mutation dans un délai de cinq
ans. Cette clause n’avait pas de grande portée
dans la mesure où, dans le même acte de cession, l’acquéreur s’était engagé à maintenir
l’affectation des immeubles au logement du personnel du ministère des armées pendant au
moins quinze ans, ce qui peut s’
avérer pénalisant pour un futur acquéreur.
Or la surface du terrain était telle que de nouvelles constructions pouvaient être
envisagées en sus de celles déjà existantes, avec une source de revenus supplémentaires pour
l’acquéreur.
Ce dernier a entrepris e
n 2017 la construction d’un immeuble supplémentaire de
72 logements sociaux, d’une crèche et de deux commerces, dont la livraison est intervenue en
juillet 2020.
3.3.2
Les clauses liées à une obligation de l’acquéreur
3.3.2.1
L’obligation liée au dispositif de décote po
ur logement social
La possibilité pour l’Etat de céder un terrain à un prix inférieur à sa valeur vénale
lorsqu’il est destiné à la construction de logements, et notamment de logements sociaux, a été
ouverte en 2005 (article 95 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la
cohésion sociale, codifié à l’article L.
66-
2 du code du domaine de l’Etat). L’objectif poursuivi
par ce dispositif de « décote » étant de répondre avec une certaine rapidité au besoin de
logement dans le pays, il est prévu, dès le départ, que le programme de logements, au titre
duquel est accordée la décote, doit être réalisé dans un délai de cinq ans à compter de l'aliénation
du terrain.
Le dispositif a évolué au fil du temps afin d’étendre les possibilités de mise en œuvre
jusqu’à la loi n°
2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en
faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite
« loi Duflot » (il est désormais codifié aux articles L. 3211-7 du code général de la propriété
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
68
des personnes publiques). Toutefois la condition du délai de cinq ans n’a jamais été remise en
cause.
En cas de décote, l
e V de l’a
rticle L. 3211-7
précité prévoit que l’acte de cession doit
comporter une clause spécifique concernant le respect de ce délai. Il dispose en effet que «
l'acte
d'aliénation mentionne le montant de la décote consentie. Il prévoit, en cas de non-réalisation
du programme de logements dans le délai de cinq ans, soit la résolution de la vente sans
indemnité pour l'acquéreur et le versement du montant des indemnités contractuelles
applicables, soit le versement du montant d'une indemnité préjudicielle pouvant atteindre le
double de la décote consentie
».
Deux cessions parisiennes ont été réalisées avec décote
: celle de l’immeuble du 93
boulevard Montparnasse en juin 2010 avec une décote de 35 %, soit 8,75
M€ (prix de cession
:
16,25
M€) et celle d’une partie de l'îlot Saint
-Germain, en mai 2018, avec une décote de 68 %,
soit 54
M€ (prix de cession
: 29 M
€).
3.3.2.2
Les autres obligations
D’autres obligations imposées à l’acquéreur dans le cadre d’une cession peuvent faire
l’objet d’une clause dans l’acte de vente. Le seul exemple d’une telle clause dans les cessions
parisiennes du ministère des armées figure dans
l’acte de cession de l’Hôtel d’artillerie en
décembre 2016 à la Fondation nationale des sciences politiques pour un montant de 87
M€.
A la suite de recommandations fomulées par la Commission pour la transparence et la
qualité (CTQ) des opérations immobili
ères de l’Etat
dans un avis du 28 octobre 2015, la
cession
est conditionnée au respect d’une clause d’affectation. Le bien sera affecté à l’usage personnel
de l’acquéreur pendant trente ans. Toutefois, ce dernier pourra mettre à disposition, une partie
du bien (au plus égale à la moitié de la surface du bien), au profit de toutes sociétés ou tous
organismes dont l’intervention concourt directement ou indirectement à l’exercice de ses
activités. En cas d’aliénation du bien pendant la durée de trente ans, l’acquéreur devra imposer
au nouveau propriétair
e le respect de la clause d’affectation. Par ailleurs, cette clause ne
trouvera pas à s’appliquer en cas de réalisation des sûretés réelles prises sur le bien en garantie
du financement. Toutefois, dans cette hypothèse, la condition d’affectation du bien à
un usage
d’enseignement supérieur ou de recherche devrait être respectée.
Enfin, pendant la période de vingt ans qui suivra l’expiration du délai de trente ans de
la clause d’affectation à un usage personnel, l’acquéreur s’oblige à affecter le bien, s’il
ne le
conserve pas, à un usage d’enseignement supérieur ou de recherche par un établissement public
ou privé. En cas de non respect de cette cause, la sanction prévue à l’acte de vente est le
versement à l’Etat du montant total des loyers qui seraient ver
sés par les occupants pour les
locaux en cause, ou d’une indemnité correspondante, calculée sur la durée de violation la clause
d’affectation.
3.3.3
Un contrôle non formalisé et insuffisant
Le contrôle du respect de ces clauses particulières liées à une obligati
on de l’acquéreur
nécessite un suivi particulier et formalisé qui, aujourd’hui, fait manifestement défaut.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
69
S’agissant de la clause d’affectation
, l’acte de vente prévoit que sa mise en œuvre
repose finalement uniquement sur l’acquéreur lui
-
même, puisqu’il est censé notifier à l’Etat les
changements éventuellement intervenus, susceptibles d’affecter le respect de cette clause.
Or, rien n’est prévu pour assurer une certaine «
veille
» sur l’exécution de cette
partie de l’acte de cession.
Le contrôle est, de
plus, compliqué par le fait que, compte tenu de sa durée d’application
(trente ans, puis vingt ans), cette clause s’applique au primo acquéreur, mais, le cas échéant,
«
à tous les ayants-droits ou ayants-causes successifs, tout locataire ou occupant à quelque
titre que ce soit, de tout ou partie du bien
», comme prévu à l’acte de cession. Or, là encore,
c’est à l’acquéreur qu’incombe le devoir de faire reprendre, dans tout acte d’aliénation ou
transfert de propriété, tout bail ou contrat de mise à disposition portant sur tout ou partie du
bien, l’ensemble de ces obligations d’affectation.
S’agissant du respect du programme de logements sociaux et des délais fixés par le
dispositif de décote
pour logement social, le contrôle n’est pas non plus systématique.
A
ujourd’hui, les cessions réalisées dans le cadre de la «
loi Duflot
» comporte la signature d’une
convention avec le préfet sur la mise en œuvre et les engagements pour le logement social. A
Paris, les services de France Domaine se reposent donc sur la préfecture censée assurer un
certain contrôle sur les réalisations en logement social, même si la réalité de ces contrôles
demeure incertaine.
L’exemple de la cession de l’immeuble du 93 boulevard du Montparnasse montre que
ce contrôle, s’il existe, n’est pas
efficace. Cet immeuble, à usage de bureaux, a été cédé à la
Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) en juin 2010, avec une décote de 35 %, soit
8,75
M€ (prix de cession
: 16,25
M€)
38
.
Conformément aux dispositions du code du domaine de l’Etat, un dél
ai de cinq ans à
compter de la cession a été prévu pour la réalisation d’au moins 75
% de la SHON à usage de
logements sociaux, délai au-
delà duquel l’Etat pourra soit exiger le remboursement de la décote,
soit la résolution de la vente sans indemnités pou
r l’acquéreur. Or, cette condition n’a pas été
respectée. En effet, les logements ont été réalisés fin août 2015, soit près de trois mois après
l’expiration du délai réglementaire.
Même si ce délai est faible, le dépassement est qualifié.
Les travaux de re
structuration n’ont pu débuter qu’en septembre 2013. Entre juin 2010
et septembre 2013, la ville de Paris a choisi d’utiliser les lieux pour y abriter un centre Emmaüs
et à partir de décembre 2011, un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Les
travaux n’ont pu démarrer qu’en septembre 2013 après le départ du CHRS et la livraison de la
résidence a finalement eu lieu en août 2015.
C
onformément aux dispositions de l’article R. 148
-
9 du code du domaine de l’État,
en vigueur à l’époque, aujourd’
hui article L. 3211-7-V du code général de la propriété des
personnes publiques,
l’Etat aurait donc d
û exiger le remboursement de la décote, soit
8,75
M€.
La mairie de Paris a contesté le fait que le retard lui soit imputable, l’occupation du site
avant
les travaux pour de l’hébergement d’ugence ayant été décidée en lien avec les services de
l’Etat
(préfecture
d’Ile
-de-France
et
direction
régionale
et
interdépartementale
de
38
Il convient de relever que la décote a
été autorisée par le ministre chargé du budget alors que l’immeuble
n’y
était en principe pas éligible (cf. infra).
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
70
l’hébergement et du logement –
DRIHL). La préfecture d’Ile
-de-France, quant à elle
, n’a pas
contesté le dépassement du délai mais a considéré comme inopportun
d’exiger un
remboursement compte tenu des circonstances.
La Cour considère qu’e
n sollicitant,
pour l’acquisition de cet immeuble
, une
décote, la ville de Paris n’ignorait pas la condition posée par l’article R. 148
-9 du code du
domaine de l’État. Il lui appartenait donc, dans la mesure où elle a répondu
favorablement à la demande de l’Etat d’y accueillir un hébergement d’urgence, de fixer
une durée compatible avec les délais qui lui incombaient. En effet la décote lui ayant été
accordée «
à titre exceptionnel
», les autorités municipales se devaient en retour
d’apporter une
exceptionnelle attention au respect de leurs obligations. Dès lors, il
convient que la créance soit régularisée par les voies habituelles, par effet de recouvrement
au profit du budget de l’Etat
.
Le directeur de l’immobilier de l’Etat ne s’est pas prononcé sur ce point. En revanche,
il
s’est dit
favorable à la mise en place de contrôles des opérations faisant l'objet de décotes,
notamment celles portant sur les programmes de construction. La Cour a pris acte de la mise en
place, conjointement avec le ministère chargé du logement,
d’
un groupe de travail ayant pour
objet la mise en place d'une gouvernance et d'outils à disposition des services déconcentrés,
afin de déterminer le rôle de chacun dans ce type d'opérations.
Recommandation n° 6.
(DIE) Renforcer les moyens du contrôle du respect des clauses
liées à la
valorisation du bien par l’acquéreur et aux éventuelles obligations fixées à
celui-
ci dans l’acte de cession
; clarifier les responsabilités en la matière.
Recommandation n° 7.
(DIE) Prévoir systématiquement une clause
d’intéressement en
cas de retour à meilleure fortune de l’
acquéreur
pour préserver les intérêts de l’
État
Recommandation n° 8.
(DIE, DB et PRIF) Concernant la cession de l’immeuble 93
boulevard du Montparnasse, régulariser la dette de
la ville de Paris, d’un montant de
8,75 M€, au titre du défaut de respect des délais prévus par les dispositions de l’article
R. 148-
9 du code du domaine de l’État, en vigueur à l’époque, aujourd’hui article
L. 3211-7-V du code général de la propriété des personnes publiques.
3.4
Le contrôle des procédures de cessions et son abandon récent
Une commission pour la transparence et la qualité des cessions du domaine immobilier
de l'État (CTQ) a été créée par arrêté du 20 octobre 2005. Placée auprès du ministre chargé du
domaine, elle a pour mission de veiller, par ses travaux et ses avis, à la transparence et à la
qualité des opérations immobilières de l'État. Cependant, dans sa forme initiale, le rôle de la
commission se limitait à l'émission de recommandations à travers la publication d'un rapport
d'activité annuel.
Le décret n° 2012-203 du 10 février 2012 a élargi ses compétences :
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
71
-
elle est obligatoirement consultée a priori pour avis (article 5) sur les projets de cession de
gré à gré qui relèvent de la compétence du ministre chargé du domaine (soit pour un
montant supérieur à 2
M€), hors les cas d'exercice du
droit de priorité par les collectivités
territoriales. Conformément aux dispositions des articles R. 3211-6 et R. 3211-7 du code
général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), elle vérifie le bien-fondé des
exceptions au principe de la mise en concurrence. Elle doit rendre son avis dans le délai
d'un mois à compter de la réception du dossier, délai qui peut être prorogé une fois par le
ministre ;
-
elle s'assure a posteriori (articles 3 et 4) que les opérations importantes de cession - y
compris les cas d'exercice du droit de priorité -, d'acquisition et de prise à bail réalisées par
la direction de l’immobilier de l’État (DIE) l'ont été dans des conditions incontestables au
regard des objectifs de transparence, de valorisation et de qualité des procédures mises en
œuvre
;
-
elle peut enfin « être saisie par le ministre chargé du domaine de toute question relative à
la qualité des projets d'opérations immobilières de l'État portant sur des cessions, des
acquisitions ou des conclusions de baux » (article 6). Le champ possible d'intervention est
plus large que dans le cadre des articles 3 à 5 et aucun délai n'est fixé.
Toutefois, cette commission a été supprimée fin 2019 : le décret n° 2019-1379 du 18
décembre 2019 portant suppression de commissions administratives à caractère
consultatif a mis fin dans son article 13 à l’existence de la CTQ au 20 décembre 2019. La
commission a donc arrêté ses travaux à cette date.
Selon l’ancien président de la CTQ, la commission n’examinait en séance que certains
dossier
s de cessions a posteriori, sur la base d’une «
présentation libre par l’un de ses membres
à ses pairs, réservée à ses seuls membres
». Sauf exception, la DIE n’était destinataire que des
rapports annuels de la commission « qui tenaient lieu de document à usage externe », ou
n’étaient repris
es que les bonnes pratiques ou les difficultés rencontrées. De plus, seuls les avis
a priori (cession de gré à
gré d’un montant supérieur à 2
M€
) donnaient lieu à un document écrit
destiné au ministre (en moyenne deux ou trois par an).
C’est ainsi que dans le cas de la cession
de gré à gré de l’Hôtel d’artillerie, un avis
a priori de la CTQ a été sollicité et formulé
préalablement à l’autorisation ministérielle de cession
.
À quelques exceptions (l’
avis
relatif à la cession de l’Hôtel d’artillerie
figure dans
les archives du service local du domaine SLD de Paris
), la direction de l’immobilier de
l’État ne dispose pas de l’ensemble des avis formulés par la CTQ sur les cessions
d’immeubles du ministère des armées à Paris, alors qu’un dossier a systématiquement été
envoyé à la commission après chaque cession par le SLD de Paris.
Le fait que les services principalement concernés ne soient pas destinataires de ces
documents en dit long sur le peu de cas qui est fait, une fois les actes de cessions signés et
le produit des ventes encaissé, du contrôle, pourtant indispensable, des conditions de
réalisation au regard des objectifs de transparence, de valorisation et de qualité des
procédures mises en œuvre.
Suite à la suppression de la CTQ, compte tenu de la nécessité de maintenir un contrôle
de la qualité des opérations immobilières les plus significatives, la DIE a mis en place en juin
2020 un dispositif de contrôle au niveau de la mission risques et audit de la DGFiP. Ce dispositif
prévoit :
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
72
-
Un contrôle a posteriori, effectué par les missions départementales risques et audit
(MDRA) selon des seuils inchangés par rapport à ceux qui avaient été prévus pour la CTQ
(1
M€ en province et outre
-mer et 2
M€ en Ile
-de-France) ;
-
Un contrôle a priori effectué par les services de la DIE sur toutes les opérations de cessions
de gré à gré au-delà de 50 000
(seuil relevé en 2021 à 100 000
€)
.
Ce dispositif encore récent n’a pour le moment pas été totalement mis en œuvre, de
l’a
veu de la DIE. Sa mise en place va dans le bon sens. Il aurait toutefois été judicieux de confier
tout ou partie de ce contrôle a une entité davantage indépendante des services de la DGFiP et
de la DIE, le contrôleur étant, ici, finalement, juge et partie.
Recommandation n° 9.
(DIE) Rétablir un contrôle des opérations de cessions
immobilières en le confiant à une entité indépendante ; faire en sorte que ce contrôle
soit renforcé et exercé a priori s’agissant des cessions de gré à gré, notamment en cas
d’exercice du droit de p
riorité.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La procédure de publicité et de mise en concurrence a constitué une exception pour les
cessions immobilières du ministère des armées à Paris
: elle a n’a concerné qu’un tiers des
cessions réalisées, tout en représentant 77 % du produit total. Pour d
eux d’entre elles (les
cessions de la caserne de la Pépinière
et de l’immeuble boulevard de La Tour
-Maubourg) les
règles relatives
à l’égalité de traitement des candidats et à la transparence de la procédure
n’ont pas été respe
ctées.
Dérogatoire au principe de cession par appel public à la concurrence, les cessions de
gré à gré ont donné lieu à des négociations serrées qui se reflètent dans les révisions
successives des évaluations domaniales mais
l’initiative est laissée à l’acquéreur, les services
de l’
État
faisant preuve d’une passivité
certaine. L
es méthodes d’évaluation retenues
consistent, non à estimer un prix de marché, mais à calculer une charge foncière acceptable à
partir des hypothèses du futur acquéreur et des contraintes de celui-ci, en matière de
récupération de TVA, par exemple.
Le cas de la cession de l’Hôtel de l’artillerie est assez emblématique de ces dérives, à
tel point que le prix finalement fixé pour cette cession apparaît comme un avantage démesuré
accordé par l’
État
à l’acquéreur.
Jusqu’en 2019,
la commission pour la transparence et la qualité (CTQ) des opérations
immobilières de l'État se penchait sur ces ventes, même si la portée de ses constats était réduite.
Avec le ret
our d’expérience des cessions
parisiennes, il apparait que la préservation des
intérêts de l’État nécessite
de nouveau
la mise en place d’un contrôle
. Celui-ci doit être plus
formalisé et plus systématique concernant le respect des obligations spécifiques imposées à
l’acquéreur
, surtout
lorsque ces obligations ont été fixées dans le cadre d’une négociation
ayant abouti à des conditions avantageuses pour ce dernier.
Dans l’attente d’un tel contrôle
associé à un suivi adapté, ces clauses ne doivent pas être mentionnées dans les actes de cession.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
73
CONCLUSION
Après cette période de plus de dix ans au cours de laquelle ont été cédés ou transférés
tous les immeubles libérés dans la capitale par le ministère des armées à la suite du
regroupement de ses services sur le site de Balard, le bilan, du point de vue de l
État est partagé.
S
ur l’ensemble de la période 2009
-
2019, les cessions d’immeubles pa
risiens
représentent près de 60 % des produits de cessions immobilières du ministère des armées, avec
un montant cumulé de
plus d’
1 Md
€. Toutefois ce produit total aurait
pu être plus important si
deux facteurs n’étaient pas entré en ligne de compte
:
-
d’une part la nécessité pour le ministère de réaliser rapidement les cessions pour financer
la loi de programmation militaire a sans doute conduit, pour des questions de délais, à
laisser échapper des opportunités de céder à meilleur prix ;
-
d’autre part, ces cessions ont été impactées par la politique concomitante de mobilisation
du foncier public en faveur du logement social et la grande majorité des immeubles n’ont
finalemen
t pas été cédées au prix fort puisqu’elles ont surtout été utilisées pour servir cette
politique.
La « participation » du ministère des armées, estimée à près de 90
M€
, a ainsi permis la
création de 59 000 m² de logements sociaux dans la capitale.
Au bout du compte
, c’est bien le ministère des armées, qui avait initialement été désigné
comme le principal bénéficiaire de ces cessions, notamment dans la loi de programmation
militaire, qui apparait comme le principal perdant dans ce dossier.
En tout état de cause, cette opération est désormais achevée, puisque le ministère des
armées ne dispose plus
de d’
immeubles à céder dans Paris. Pour le reste des emprises restant
encore cessibles hors Paris, les enjeux sont nettement moindres
: la valeur de ces biens n’est
pas comparable avec celles des immeubles parisiens. De plus, selon leur emplacement,
l’opportunité de mobiliser ces terrains ou immeubles pour favoriser la création de logement
n’est pas aussi évidente.
Il ressort aujourd’hui de la politique immobilière de l’État (PIE), telle qu’elle a été
formalisée à partir de 2009, qu’en vertu du principe de la distinction entre l’État propriétaire et
l’État occupant, les ministères doivent se considérer comme simples occupants des biens
immobiliers de l’État. C’est un
changement pour le ministère des armées qui bénéficiait de
dérogations particulières qui pouvaient lui laisser penser pouvoir agir encore en « quasi-
propriétaire ».
Mais il faut considérer comme un apport important que, du fait de la mise en place de
la PIE,
les éventuelles contradictions qui pourraient découler d’intérêt divergents au sein de
l’Etat propriétaire sur la gestion de son patrimoine immobilier doivent
désormais être arbitrées
à ce niveau et ne doivent plus emporter de conséquences, notamment financières ou
budgétaires, pour ces ministères.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
74
ANNEXES
Annexe n° 1.
Cession de l’immeuble 6 rue Saint
-Charles
....................................................
75
Annexe n° 2.
Cession de l’immeuble 93 boulevard du Montparnasse
..................................
76
Annexe n° 3.
Cession de l’immeuble 19 boulevard de Latour
-Maubourg
............................
79
Annexe n° 4. Cession du terrain 88-94 boulevard Ney
.........................................................
87
Annexe n° 5. Cession de la caserne de Reuilly
.....................................................................
90
Annexe n° 6. Cession du tréfonds 16 avenue de la Porte de Sèvres
.....................................
99
Annexe n° 7.
Cession de l’ensemble «
Bellechasse/Penthemont »
.....................................
100
Annexe n° 8.
Cession d’un appartem
ent 66 avenue Victor Hugo
.......................................
105
Annexe n° 9. Cession de la caserne de la Pépinière
............................................................
107
Annexe n° 10.
Cession de l’Hôtel d’artillerie
.....................................................................
113
Annexe n° 11. Cession de la « partie sociale
» de l’Îlot Saint Germain
..............................
128
Annexe n° 12. Cession de la « partie privée
» de l’Îlot Saint Germain
...............................
133
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
75
Annexe n° 1.
Cession de l’immeuble 6 rue Saint
-Charles
Descriptif
Ce bien immobilier, situé rue Saint-Charles dans le 15
ème
arrondissement est
composé de quatre lots au sein d’une copropriété, deux locaux commerciaux et
deux box. Il avait été reçu par l’
État
en donation de l’association pour le
développement e
t la diffusion de l’information militaire (ADDIM)
en août 2002.
Evaluation
Entre 1,96
M€ et 1,55
M€
Procédure
Adjudication
Date cession
2 octobre 2009
Prix de cession
1,6
M€
Acquéreur
SCI FINLAY 25, dont le siège est à Paris, 11 rue Tronchet.
Situation
actuelle
NC.
La vente par adjudication est une procédure publique, organisée par la Chambre des notaires et
les services locaux de la Direction de l’Immobilier de l’État. Si la commune référente n’exerce pas au
préalable son droit de priorité pour acquérir le bien, il est
vendu au candidat ayant formulé l’offre la plus
importante. Un cahier des charges précise les modalités de transfert de propriété. Une publicité est
effectuée au moyen de l’annonce de la vente par adjudication sur le site Inter
net de la Chambre des
notaires, ainsi que sur le site des biens immobiliers à vendre de l’État. Les visites sont organisées par la
Chambre des notaires. L’adjudication se déroule en public, à la Chambre des notaires où les
adjudicataires portent eux-mêmes
leurs enchères. L’adjudication est prononcée au plus offrant et dernier
enchérisseur. Si le bien mis en vente est adjugé pour un montant inférieur au prix initialement proposé
à la commune, il lui est proposé à nouveau d'exercer son droit de priorité au prix adjugé. Le prix de
vente doit être payé en totalité dans les dix jours qui suivent la réception par l’acquéreur de la
renonciation de la commune d’exercer son droit de priorité au prix adjugé. À défaut de paiement dans
les délais et conditions fixés, l'adjudication est annulée. Le bien revient alors dans le patrimoine du
vendeur sans dettes et charges quelconques. Les frais éventuels seront à la charge du payeur défaillant.
Selon un document non daté figurant dans le dossier de cession du service local des domaines
de Paris, le bien, d’une superficie totale de 337,1 m² (loi Carrez) auquel s’ajoute les deux parkings
, avait
été estimé à 1,96
M€, avec
une marge de négociation de 10 % (soit 1,76
M€). Toutefois, la notification
de l’intention d’aliéner à la v
ille de Paris a été effectuée avec un montant inférieur (1,55
M€).
La ville
avait indiqué qu’elle n’entendait pas se porter acquéreur par courrier du 8 juillet 2009. La mis
e à prix
ayant été fixée à 1,39
M€, l’adjudication fut p
rononcée pour un montant de 1,6
M€, soit juste au
-dessus
du montant notifié à la ville.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
76
Annexe n° 2.
Cession de l’immeuble 93 boulevard du Montparnasse
Descriptif
L’immeuble dit «
Pavillon Montparnasse » est situé 93 boulevard du
Montparnasse, dans le 6
ème
arrondissement de Paris, sur un terrain de 880 m² ; sa
construction date de 1908.
Il s’agit d’un immeuble à usage de bureaux de six étages qui a d’abord été loué
pour y installer la direction des postes du département de la Seine, puis acquis par
l’
État
en 1938 pour abriter les services du ministère de l’air. En 1946, suite à la
séparation des activités civiles et militaires du département de l’air, il est réparti
par convention entre le ministère des armées, affectataire principal et le ministère
chargé
des travaux publics, affectataire secondaire. Jusqu’à sa cession, il était
occupé pour moitié par la DGAC (MEEDAT) et par la DRHAT (MinArm).
Au total, la SHON de l’immeuble est de 5
631 m².
Évaluation
Entre 34
M€ (France Domaine pour Chorus, décembre, 200
8) et 25
M€ (France
Domaine, juin 2009).
Procédure
Droit de priorité ville de Paris avec décote de 35 %.
Date cession
11 juin 2010
Prix de cession
16,25
M€ (soit une décote de 8,75
M€)
Acquéreur
La ville de Paris (puis Régie immobilière de la ville de Paris
RIVP).
Situation
actuelle
L’immeuble, propriété de la RIVP, est aujourd’hui géré
:
pour 107 logements, par la SAS Hénéo (anciennement Lerichemont), filiale
de la RIVP, spécialisée dans la g
estion de sites d’hébergement temporaire au
profit des personnes en difficulté, disposant de très faibles revenus,
principalement des personnes seules et des familles monoparentales ;
pour 20 logements (au sein du Foyer « Les Pléiades
»), par l’association
ASEI
(Agir, soigner, éduquer, insérer), spécialisée dans l'accompagnement et
l’insertion des personnes en situation de handicap ou dépendantes.
Les locaux ont été inaugurés en septembre 2015.
Une valeur vénale revue à la baisse avant la notification à la ville de Paris
Ce bien fait l’objet d’une première évaluation en décembre 2008, pour les besoins de la
comptabilité de l’
État (Chorus), à hauteur de 34
M€ (15,03
M€ pour le ministère des armées, 19,15
M€
pour la partie occupée par la DGAC).
En février 2009, selon une étude réalisée par le service local de Paris de France Domaine
(SLD75), la valeur vénale du bien est estimée à 31
M€. En effet, comme l’immeuble est situé dans une
zone de déficit en logement social, il est soumis à une obligation de réaliser en habitation 50 % de la
SHON en logement social, et d’affecter au moins 50
% du programme d’habitation prévue à du logement
social. Cette contrainte justifie selon le SLD75 un abattement de 10 % par rapport 34
M€ (soit 31
M€).
Pourtant, lorsque l
’intention d’aliéner
est notifiée en juin 2009 à la ville de Paris, la valeur
notifiée est de 25
M€. Or, rien ne vient justifier cette différence de 6
M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
77
Seule une différence d’un peu moins de 250
m² dans le calcul de la SHON entre les premières
estimations et un expertise mandatée par la ville de Paris, pourrait expliquer une simple différence
d’1,5
M€.
Une décote de 35 % appliquée à un immeuble en principe non éligible à ce dispositif et
autorisée en contrepartie d’une «
concession » discutable de la ville de Paris
Après notification de l’intention d’aliéner
, le maire de Paris a fait connaître son intention
d’exercer le droit de priorité sur l’immeuble (lettre du 10 septembre 2009), en vue d’y réaliser une
opération de foyer logement d’environ 123 logements de
type studettes. Dans cette lettre, le maire de
Paris indique avoir demandé au Préfet d’Ile
-de-
France l’application d’une décote de 35
%,
conformément au décret n° 2005-
1571 du 15 décembre 2005, ce qui porterait le prix d’acquisition à
16,5
M€.
À la suite
de discussions entre d’une part, les ministères chargés du budget et de la défense, et
d’autre part la ville de Paris,
le ministre du budget décide, le 8 mars 2010, d’autoriser la décote
«
alors que l’immeuble n’y est pas éligible
».
Le 17 mars 2010 une lettre de France Domaine au maire
de Paris fai
t savoir que la cession pourra bien intervenir au prix de 16,25 M€, compte tenu
de la décote
de 35 % accordée «
à titre exceptionnel
».
L’inéligibilité au dispositif de décote est justifiée par les dispositions d
es art. R. 148-5 à
R. 148-
9 du code du domaine de l’
État et de la circulaire du 19 septembre 2006
selon lesquelles la
décote doit concerner la cession de terrains nus ou supportant des constructions destinées à être démolies
ou à faire l’objet d’une réhabilitation lourde dont l’importance est telle que la valeur vénale arrêtée doit
résulter principalement de l’évaluation foncière.
Or, selon l’étude de faisabilité réalisée par la direction de l’urbanisme de la ville de Paris,
transmise au préfet d’Ile
-de-France et à France Habitat, le coût des travaux de restructuration envisagés
pour restructurer l’immeuble de bureaux pour y réaliser 123 logements, rapportés à la SHON, serait de
1 458
€/m², ce qui ne peut être assimilé à des travaux de réhabilitation lourde
au sens des dispositions
ci-
dessus. Dans cette étude de faisabilité est d’ailleurs mentionné que «
au niveau structurel, la
transformation du bâtiment en foyer logement ne poserait pas de problème particulier
».
En outre, l’autorisation du ministre a été d
onnée après que la ville de Paris ait décidé, «
en
contrepartie
», de renoncer à l’exercice de son droit de priorité
» sur un immeuble situé 19 boulevard
de La Tour-
Maubourg. Cette décision est communiquée le DGFiP au préfet d’Île
-de-France et à France
Domaine le 10 mars 2010. Dans un courrier électronique adressé par le chef de France Domaine au
préfet, il est souligné que cette décision permet «
enfin de débloquer le processus de cession des biens
occupés par la défense à Paris
»,
ce qui laisse entendre que la ville de Paris avait fait de cette
question relative au seul immeuble du 93 boulevard Saint-Germain un point bloquant pour tous
les projets de cessions du ministère de la défense dans la capitale.
Cependant, l’analyse de la cession de l’immeuble du 1
9 boulevard de La Tour-Maubourg
montre que si la ville de Paris a renoncé à l’exercice de son droit de priorité sur cet immeuble, ce
renoncement n’en était, en réalité, pas vraiment un pour deux raisons (cf. annexe)
:
d’une part, la décote ne pouvait matériellement pas s’appliquer dans les conditions réglementaires,
principalement en raison du délai de cinq ans pour la réalisation des travaux, posé à l’art.
R. 148-9 ;
d’autre part, tout comme celle du 93 boulevard du Montparnasse, l’opération envisagée par
la ville
de Paris dans celui du 19 boulevard de La Tour-Maubourg ne présentait pas les caractéristiques
susceptible d’entrainer son éligibilité au dispositif de décote.
L’argument avancé pour justifier la mise en œuvre d’un dispositif avantageux pour la
ville
de Paris, alors que l’opération n’était pas éligible, n’est pas recevable dans la mesure où l’abandon
du droit de priorité sur l’immeuble du 19 boulevard de La Tour
-Maubourg était précisément dans
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
78
l’intérêt de la ville de Paris et ne peut donc être r
egardé comme une «
concession
» faite par la
ville de Paris à l’
État
dans le cadre de la négociation. Par conséquent, rien ne justifiait que l’
État
accepte d’appliquer une décote au cas d’espèce.
L’absence de tout contrôle du respect des conditions de la
décote et ses conséquences défavorables
pour l’
État
Le 11 juin 2010
a lieu la signature
de l’acte de cession
et celle
concomitante d’une convention
d’occupation prévoyant le maintien des services de l’
État
dans les lieux jusqu’au plus tard le 29 juillet
20
10, sans versement d’une redevance, compte tenu de la durée. La remise des clés a bien
eu lieu à cette
date.
Conformément aux dispositions de l’art. R. 148
-
9 du code du domaine de l’
État, un délai de
cinq ans à compter de la cession est prévu pour la réali
sation d’au moins 75
% de la SHON à usage de
logements sociaux, au-
delà duquel l’
État pourra soit exiger le remboursement de la décote (8,75
M€),
soit la résolution de la vente sans indemnités pour l’acquéreur.
Cette condition, fixée par le code l’urbanisme, à la mise en œuvre de la décote pour
logement social, qui avait pourtant été accordée à titre exceptionnel à la ville de Paris, n’a pas été
respectée par cette dernière. En effet, les logements ont été réalisés fin août 2015, soit près de trois
mois apr
ès l’expiration du délai réglementaire.
Pour une raison inexpliquée, les travaux de restructuration n’ont pu débuter qu’en septembre
2013. Entre juin 2010 et septembre 2013, la ville de Paris a choisi d’utiliser les lieux pour y abriter un
centre Emmaüs et à partir de décembre 2011, un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)
afin de pallier à la fermeture du centre de la Poterne des Peupliers (dans le 13
ème
arrondissement), en
rénovation.
Les travaux de reconversion, ont été confiés par la RI
VP à l’entreprise Brezillon, filiale de
Bouygues bâtiment Ile-de-
France, et n’ont pu démarrer qu’en septembre 2013 après le départ du CHRS.
Un article publié dans le Moniteur, l'actualité du BTP et de la construction, en avril 2015, indique que
la livraison devait intervenir à partir de juillet 2015. Enfin, le rapport annuel de la société Lerichemont,
filiale de la RIVP mentionne que la livraison de la résidence du 93 boulevard du Montparnasse a eu lieu
en août 2015.
En application, des dispositions de l’ar
ticle R. 148-
9 du code du domaine de l’
État
, l’
État
aurait donc pu, à tous le moins, exiger le remboursement de la décote, soit 8,75
M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
79
Annexe n° 3.
Cession de l’immeuble 19 boulevard de Latour
-Maubourg
Descriptif
Immeuble de type « haussmannien » de cinq étages, à usage de bureaux, édifié en
1875 sur un terrain de 470 m², situé boulevard de La Tour-Maubourg, dans le 7
ème
arrondissement de Paris.
Propriété de l’
État depuis 1943 (par expropriation), il a été utilisé par la
gendarmerie nationale jusqu’en 1970, date à
laquelle, il a été affecté au ministère
chargé du tourisme
jusqu’en 1979, date à laquelle il a de nouveau été affecté au
ministère chargé des armées. Il est occupé par les services des moyens généraux
du SGA
Au total, la
SHON de l’immeuble est de 2
466 m².
Évaluation
Entre 24
M€ (France Domaine, décembre 2008) et 10
M€ (France Domaine, mai
2009)
Procédure
Un premier appel d’offres, lancé le 10 juin 2010, ayant été déclaré sans suite en
raison du défaut de garantie du candidat retenu (Axel Bolton Partners/GE Invest
prix proposé : 15
M€), un deuxième appel d’offres a dû être organisé le 5 mai
2011.
Date cession
11 août 2011
Prix de cession
13,1
M€
auquel s’ajoute un complément de 300
000 € annuel en cas de départ
anticipé avant le 31 décembre 2014. La cession comprenait la conclusion d’une
convention d’occupation conclue avec l’acquéreur pour une période allant jusqu’à
au plus tard le 31 décembre 2014.
Acquéreur
La SNC 19 Tour-Maubourg (créée en juillet 2011), détenue à 100 % par la société
Foncière Saint-Honoré,
candidat retenu par la commission d’appel d’offres du
22
juin 2011, s
’est substituée à cette dernière sur la totalité de la vente, en
conformité
avec les dispositions du § 6 du cahier des charges.
Situation
actuelle
L
’immeuble est toujours la propriété de la SNC
19 Tour-Maubourg qui
y exploite
un hôtel cinq étoiles, le « Narcisse blanc » et un restaurant.
Une valeur vénale revue à la baisse avant la notification à la ville de Paris
En décembre 2008, selon une étude réalisée par le service local de Paris de France Domaine
(SLD75), la valeur vénale du bien est estimée à 24
M€
. À
la suite d’une nouvelle expertise en mai 2009,
les surfaces sur la base desquelles est calculée la valeur vénale est ramenée de 2 521 m² à 1 712 m², soit
une différence de 809
m². De même le prix au m² de référence pour ce type d’immeuble de bureaux est
réduit de 9 500
€/m² en décembre 2008 à 6
300
€/m² en mai 20
09. La valeur vénale est ainsi de 10
M€.
Entretemps, les valeurs de bureau au 1
er
mars 2009, ont subi une baisse les ramenant proches des valeurs
de janvier 2007. En outre,
le cabinet JLL, dans son rapport de novembre 2009 sur l’évaluation des biens
de l’o
pération Vauban, avait évalué le bien à 6,8
M€. Enfin, le marché immobilier de bureau a connu un
fort ralentissement de l'activité à la fin de 2008, du fait de la crise « des subprimes » qui a entrainé une
forte chute du volume d'investissement en Ile-de-France. Le caractère très volatile du marché et le peu
de volume incitaient donc à la prudence.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
80
Dans la lettre par laquelle le maire de Paris est informé de l’intention d’aliéner, la vale
ur vénale
retenue est bien de 10
M€, revanche, la SHON mentionnée est plus proche des calculs de décembre
2008, puisqu’elle est de 2
282 m².
Ces évolutions, nettement à la baisse en l’espace de seulement six
mois, ne sont pas
suffisamment justifiées dans les rapports des services de France Domaine.
L’a
bandon
par la ville de Paris en raison de l’inapplicabilité du dispositif de
décote
Rappel chronologique :
4 février 2009
En réponse à une demande du 15 novembre 2008 le SLD75 communique au
chef du service
France Domaine une évaluation de l’immeuble à 24
M€.
7 mai 2009
Un nouveau rapport d’évaluation du SLD75 fixe la valeur vénale à 10
M€.
Le même jour est notifié au maire de Paris l’intention d’aliéner. La valeur
vénale mentionnée est de 10
M€.
10 juillet 2009
Le maire de Paris informe France Domaine de sa décision d’exercer son droit
de priorité afin de réaliser une opération de logement social. Il indique qu’il
a adressé une demande au préfet pour bénéficier d’une décote de 35
%.
28 juillet 2009
Lettre
du préfet d’Ile
-de-France émettant un avis favorable à la décote. Il
souligne que, compte tenu du maintien des services de l’
État dans les lieux
jusqu’à fin 2014, le délai de cinq prévu à l’art. R.
148-9 du code du domaine
de l’
État
devrait s’appliquer à compter de la libération des lieux par l’
État.
5 août 2009
Dans une note au responsable de la politique immobilière de l’
État, le SLD75
rappelle que, conformément aux dispositions des art. R. 148-5 à R. 148-9 du
code du domaine de l’
État et de la circulaire du 19 septembre 2006, la décote
doit concerner la cession de terrains nus ou supportant des constructions
destinées à être démolies ou à faire l’objet d’une réhabilitation lourde. Or,
selon l’étude de faisabilité transmise par la ville de Paris, les tra
vaux de
restructuration envisagés ne peuvent être assimilés à de tels travaux. Par
conséquent, cette opération ne serait pas éligible au dispositif de la décote.
11 septembre 2009
Dans une lettre au chef de France Domaine, le SLD75 reprend son analyse
sur
l’inéligibilité de l’opération envisagée au dispositif de décote. En outre, il
rappelle que les services du ministère de la défense devant occuper les lieux
jusqu’en 2014, une redevance sera payable par l’
État. Il souligne ainsi
l’inopportunité de cumuler
sur un même bien à la fois l’application d’une
décote et le paiement d’une redevance.
20 octobre 2009
Lettre du chef du service France Domaine au SLD75 reprenant à son compte
l’analyse selon laquelle l’opération du 19 boulevard de La Tour
-Maubourg
ne remplit pas les critères pour être éligible à la décote. Il souligne en outre
que, conformément à la circulaire du 19 septembre 2006, l’effort de l’
État que
constitue la décote doit bénéficier à des projets dont la mise en œuvre est
prévue à brève échéance ce
qui n’est pas le cas en l’espèce.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
81
4 février 2010
Lettre du SLD75 au maire de Paris lui confirmant que l’immeuble restera
occupé par les services du ministère de la défense jusqu’à la fin du troisième
trimestre 20914 et que le montant de la redevance est fixé annuellement à 3 %
du prix de vente (10
M€).
9 mars 2010
Lettre du maire de Paris indiquant que compte tenu des conditions
d’occupations des lieux par les services du ministère de la défense jusqu’à la
fin du troisième trimestre 2014, la ville de Paris renonce à exercer son droit
de priorité.
Lorsque le maire de Paris informe le 10 juillet 2009 France Domaine (SLD75) de sa décision
d’exercer son droit de priorité afin de réaliser une opération de logement social, il indique que le même
jour, il a adressé une demande au préfet d’Ile
-de-France pour b
énéficier d’une décote de 35
%,
conformément au décret n° 2005-1571 du 15 décembre 2005.
Or, l’obtention de cette décote n’était possible ni juridiquement, ni matériellement.
En effet, d’une part, conformément aux
dispositions des art. R. 148-5 à R. 148-9 du code du
domaine de l’
État et de la circulaire du 19 septembre 2006, la décote doit concerner la cession de terrains
nus ou supportant des constructions destinées à être démolies ou à faire l’objet d’une réhabilitation
lourde dont l’importance est telle que la valeur vénale arrêtée doit résulter principalement de l’évaluation
foncière.
Or, comme l’a observé le SLD75, dans une note au responsable de la politique immobilière de
l’
État
, selon l’étude de faisabilité réalisée par France Habitat et transmises p
ar la ville de Paris, les
travaux de restructuration envisagés pour restructurer l’immeuble de bureaux pour y réaliser 22
logements sont estimés à 790
€/m
², ce qui ne peut être assimilé à des travaux de réhabilitation lourde
au sens des dispositions ci-dessus.
D’autre part, ces mêmes dispositions prévoient qu’un
délai de cinq ans à compter de la cession
est prévu po
ur la réalisation d’au moins 75
% de la SHON à usage de logements sociaux, au-delà duquel
l’
État pourra soit exiger le remboursement de la décote, soit la résolution de la vente sans indemnités
pour l’acquéreur
(art. R. 148-
9 du code du domaine de l’
État).
Or, la ville de Paris a eu connaissance, dès la notification de l’intention d’aliéner, du maintien
des services du ministère des armées dans l
’immeuble jusqu’à, au plus tard, fin 2014, soit une durée
maximale de cinq ans.
Dans sa lettre du 28 juillet 2009, le préfet d’Ile
-de-France a émis un avis favorable à la demande
de décote «
compte tenu du fait que cet arrondissement présente le plus faible taux de logement social
du territoire parisien
». Il a, par ailleurs, préconisé,
compte tenu du maintien des services de l’
État dans
les lieux pendant cinq ans,
que le délai prévu à l’art. R.
148-
9 du code du domaine de l’
État
s’applique
«
à compter
de la libération du bien par les services de l’
État
».
Cependant, cette proposition n’a pas été retenue, puisque, dans une lettre de novembre 2009 au
maire de Paris, le receveur général des finances d’Ile
-de-France (SLD75) a rappelé que la libération des
lieux par l’
État était tributaire de la réalisation du projet de regroupement du ministère de la défense sur
le site de Balard qui devait avoir lieu dans un délai de cinq années.
Il a souligné que «
cette durée
n’était pas compatible avec le dispositif de
la décote
» qui doit bénéficier «
à des projets dont la mise
en œuvre est prévue à brève échéance
», ce qui n’était pas le cas.
Aussi le maire de Paris a-t-il informé le
receveur général des finances d’Ile
-de-France (SLD75),
dans une lettre du 9 mars 2010, que «
au vu des conditions d’occupations de ministère de la défense
»
la ville de Paris renonçait à exercer son droit de priorité.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
82
Alors que cette décision a été présentée comme une concession faite à l’Etat et a servi de
levier pour la ville de Paris pou
r obtenir l’autorisation de bénéficier de la décote sur la cession de
l’immeuble du 93 boulevard du Montparnasse, il apparaît donc que cet abandon est plutôt lié au
fait que la décote ne pouvait matériellement pas s’appliquer dans les conditions réglementa
ires.
Une procédure marquée par l’échec d’un premier appel d’offres en raison du défaut de garantie du
candidat retenu
Aux termes d’un premier appel d’offres publié le 10 juin 2010, la commission d’examen des
candidatures s’est réunie le 11 octobre 2010. Elle a proposé de retenir l’offre de la société GE Invest,
représentée par la société Alex Bolton Partners, d’un montant de 15
M€. Par lettre du 14 octobre 2010,
France Domaine Paris a accepté l’offre de ce candidat «
sous réserve du versement de la garantie de
10
% du montant de l’offre dans les huit jours
».
Mais la garantie demandée n’ayant pas été constituée, malgré divers rappels, la procédure a été
déclaré sans suite le 21 février 2011.
Il était en effet prévu au règlement de la consultation qu’une g
arantie égale à 10
% de l’offre de
prix du candidat devait être constituée et rester disponible jusqu’au 31 janvier 2011, et que la banque
auprès de qui elle était détenue à cette fin devait en produire une attestation. Le règlement prévoyait en
outre que
le prix d’acquisition est payé à la signature de l’acte de vente, faute de quoi, comme en cas de
refus de régulariser l’acte de vente à la date fixée, les sommes dues portent intérêts au profit du Trésor,
au taux légal. L’
État a en outre la faculté, soit d
e poursuivre l’exécution du contrat par toutes les voies
légales, soit de faire prononcer la déchéance de la vente, sachant que dans cette hypothèse, l’
État
retrouve sa liberté, et le montant de la garantie lui est définitivement acquis.
Or, il ressort du
compte rendu de la commission d’appel d’offres que, si l’offre de GE Invest
était bien la plus élevée (les cinq offres se situent entre 4
M€ et 15
M€, deux offres sont supérieures à
10
M€
: Spring West à 11,28
M€ et Ge Invest à 15
M€), celle
-ci ne comportait pas, contrairement aux
quatre autres offres reçues l’attestation bancaire pourtant exigée. En effet, le procès
-verbal comporte la
mention suivante :
«
L’offre GE Invest mentionne ‘l’intention du candidat de remettre sous 48 heures un chèque
correspondant à 10
% du montant de l’offre’. Contacté par téléphone, le gérant a apporté
immédiatement son chèque d’un montant de 1,5
M€. La commission considère que les engagements
souscrits dans son offre et le dépôt du chèque constituent une garantie suffisante du sérieux de la
proposition
».
Dans la lettre adressée à GE Invest, datée du 14 octobre 2010 lui informant que son offre avait
été retenue, il est précisé : «
à défaut du versement de la garantie égale à 10 % du montant de votre offre
dans les huit jours cal
endaires de cette notification, l’
État
renoncera à poursuivre l’exécution du contrat
par toute voie de droit et se prévaudra de la caducité de votre offre en date du 7 octobre 2010 sans autre
formalisme
». Cette mention laisse entendre que le chèque de 1,5
M€ dont il est question dans le procès
-
verbal de la commission n’était pas opérant.
Cette dérogation à l’obligation, qui était prévue au règlement de la consultation, de
produire l’attestation qu’une banque détenait la garantie, a introduit une rupture d’
égalité dans
le traitement des offres. Conformément au règlement de la consultation, l’offre de GE Invest
aurait dû être jugée irrecevable.
Par la suite, les services de France Domaine n’ont pas mis en œuvre la règle fixée dans la
lettre du 14 octobre 2010.
Une nouvelle lettre a été adressée à GE Invest le 26 octobre 2010 dans les
termes suivants :
«
Le retard dans le versement du dépôt de garantie est tout à fait contraire aux exigences de ma
lettre du 14 octobre dernier soumettant l’accord de l’
État à la condition non équivoque du versement
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
83
de ce dépôt de garantie dans les huit jours calendaires. Je ne peux l’accepter et les autorités de contrôle
ne l’accepteraient pas davantage. C’est pourquoi j’attends ce versement immédiatement sous peine de
la caducit
é immédiate de nos accords. Vous comprendrez que l’
État est très attaché au respect des
procédures et des délais
».
Selon le calendrier arrêté dans le règlement de la consultation, la vente devait intervenir six
semaines après l’envoi par l’
État de sa lett
re d’acceptation de l’offre, c’est
-à-dire six semaines après le
14 octobre 2010, soit le 25 novembre 2010.
Le 29 novembre 2010, sur le constat d’un huissier de justice que «
la société n’a toujours pas
versé ladite garantie
», une sommation à comparaître est adressée à GE Invest pour que son représentant
se rende le
16 décembre 2010 à l’étude du notaire de l’
État
à l’effet
de
signer l’acte authentique de vente
et de payer le prix, faute de quoi, comme prévu dans la lettre du 14 octobre 2010, la vente sera considérée
caduque.
En réponse, la société GE Invest a indiqué de ne pas être en mesure de respecter les délais fixés
en raison de difficultés rencontrées dans le financement de l’acquisition de l’immeuble. Le contenu de
la lettre laisse aussi transparaître que GE Invest a finalement découvert certaines contraintes attachées à
l’immeuble
39
ce qui pourrait expliquer un attentisme certain de sa part visant au bout du compte à ce
que la vente ne se fasse pas. Les termes de la lettre apportent également une information sur la position
des services de l’
État dans cette affaire en mentionnant «
vos impératifs tant de délai que d’inscription
au budget des ministères concernés
».
Finalement, dans une lettre du 14 décembre 2010, GE Invest indique être en mesure de verser
la moitié du prix d’acquisition et le solde au plus tard le 31 janvier 2011.
Cependant, le 16 décembre,
un procès-verbal établi par les notaires des deux parties constate la défaillance de GE Invest. Aux termes
de ce procès-
verbal, le représentant de l’
État a déclaré que «
l’acceptation donnée par l’
État par lettre
du 14 octobre 2010 est en conséquence caduque et l’
État se considère libéré de plein droit de tout
engagement et peut librement disposer de l’immeuble (…)
».
Puis dans une nouvelle lettre du 14 janvier 2011, la société GE Invest indique que la totalité du
financement
ayant été obtenu, elle a versé l’intégralité du prix de vente auprès de son notaire. Suite à ce
courrier, le SLD75
, après avoir recueilli l’avis f
avorable du ministère des armées (DPMA) de réaliser
cette cession
malgré l’expiration du délai, sollicite l’accord du ministre chargé du budget
qui donne son
autorisation pour une «
cession amiable
» par arrêté du 25 janvier 2011.
Cependant, la société GE Invest ayant informé les services, dans la même lettre du 14 janvier
2011, de ce que l’acquisition serait finalement réalisée en partenariat avec une autre société dénommée
« Tour Maubourg 19 », spécialement créée à cette fin, celle-ci est informée le 21 février 2011, par
l’intermédiaire des notaires des parties, que, compte tenu que «
la société GE Invest a pris l’initiative
de façon unilatérale de rechercher de nouveaux partenaires investisseurs, substitués partiellement dans
ses droits, qui ont souhaité
poursuivre avec elle l’acquisition de cet immeuble à des conditions
financières identiques
», «
l’
État français ne souhaite pas donner une suite favorable à [cette]
proposition
».
En réponse à une nouvelle lettre du 23 février 2011 pour réitérer sa propos
ition, GE Invest s’est
vu signifier, le 4 mars 2011, que «
l’appel d’offres doit être considéré sans suite
» et que sa proposition
«
trop tardive
» ne pouvait être pris en considération.
En décidant, alors que la caducité de la procédure de cession avait été constatée par le
procès-
verbal du 16 décembre 2010, de poursuivre un dialogue avec la société GE Invest jusqu’à
publier l’arrêté ministériel autorisant la cession à l’amiable
le 25 janvier 2011
, l’
État a pris un
risque juridique indéniable. En effet, l
a décision prise le 21 février 2011 d’interrompre le
39
La société avait pourtant accès à l’ensemble des informations mises à dispositions des candidats et s’est
rendue sur place pour une visite.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
84
processus de ce qui était en réalité devenu une cession de gré à gré, en prétextant que cette faculté
pour l’
État était prévue au règlement de la consultation, consultation qui avait pourtant été
déclarée sans suite deux mois plus tôt, est pour le moins contradictoire et discutable.
Rappel chronologique succinct :
9 mars 2010
La ville de Paris renonce à exercer son droit de priorité.
15 avril 2010
Arrêté ministériel autorisant la cession.
10 juin 2010
Publication de l’avis d’appel à candidatures
11 octobre 2010
Commission d’examen des offres. L’offre de GE Invest proposant le prix le
plus élevé (15
M€) est retenue en dépit de l’absence de dépôt de garantie,
pourtant exigé au règlement de la consultation.
14 octobre 2020
Lettre du SLD75 à GE Invest l’informant que son offre a été retenue et lui
indiquant que le versement de la garantie de 10 % doit intervenir dans un délai
de huit jours, faute de quoi son offre sera considérée caduque.
26 octobre 2010
Lettre du SLD75 à GE Invest rappelant le calendrier de la consultation selon
lequel la vente doit
intervenir six semaines après l’envoi
de la lettre
d’acceptation de l’offre,
soit le 25 novembre 2010.
29 novembre 2010
C
onstat d’
huissier de justice : «
la société n’a toujours pas versé ladite
garantie », une sommation à comparaitre est adressée à GE Invest pour le 16
décembre 2010 à l’effet de signer l’acte authentique de vente et de payer le
prix, faute de quoi, la vente sera considérée caduque.
8 décembre 2010
Lettre de GE Invest au SLD75 indiquant ne pas être en mesure de respecter
les délais fixés en raison de difficultés rencontrées dans le financement de
l’acquisition
.
14 décembre 2010
Lettre de GE Invest au SLD75 indiquant être en mesure de verser la moitié
du prix d’acquisition et le solde au plus tard le 31 janvier 2011.
16 décembre 2010
Un procès-verbal établi par les notaires des deux parties constate la
défaillance de GE Invest. L
e représentant de l’
État déclare que
«
l’acceptation donnée par l’
État par lettre du 14 octobre 2010 est en
conséquence caduque et l’
État se considère libéré de plein droit de tout
engagement et peut librement disposer de l’immeuble
».
14 janvier 2011
Lettre de GE Invest au SLD75 indiquant que la totalité du financement ayant
été obtenu, elle a versé l’intégralité du prix de vente auprès de son notaire.
L
’acquisition sera finalement réalisée en partenariat av
ec une autre société
dénommée « Tour Maubourg 19 », spécialement créée à cette fin et détenue
par elle à 100 %.
25 janvier 2011
Suite à ce courrier, le SLD75, après avoir recueilli l’avis favorable du
ministère des armées (DPMA) de réaliser cette cession malgré l’expiration du
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
85
délai, sollicite l’accord du ministre du budget qui do
nne son autorisation pour
par arrêté ministériel.
21 février 2011
GE Invest
est informée, par l’intermédiaire des notaires, que, compte tenu
qu
’elle
a «
pris l’initiative de façon unilatérale de rechercher de nouveaux
partenaires investisseurs, substitués partiellement dans ses droits
», «
l’
État
français ne souhaite pas donner une suite favorable à [cette] proposition
».
En réponse à une nouvelle lettre du pour réitérer sa proposition, GE Invest
s’est vu signifier, le, que
23 février 2011
Nouvelle lettre de GE Invest réitérant sa proposition.
4 mars 2011
Lettre du notaire de l’
État au notaire de GE Invest : «
l’appel d’offres doit
être considéré sans suite
» et que sa proposition «
trop tardive
» ne peut être
prise en considération.
5 mai 2011
Publication du deuxième appel à candidatures.
22 juin 2011
La commission
d’appel d’offres retient l’offre de la société Foncière Saint
-
Honoré, offre la plus élevée (13,1
M€) parmi le
s cinq offres jugées
recevables.
11 juin 2010
Signature de l’acte de cession et d’une convention d’occupation
permettant
aux services du ministère de la défense de continuer à occuper les lieux
jusqu’à au plus tard le 31 décembre 2014, moyennant le paiement d’une
redevance annuelle équivalente à 3 % du prix de vente.
En conformité avec les dispositions du § 6 du cahier des charges, la SNC 19
Tour-Maubourg (créée en juillet 2011), détenue à 100 % par la Foncière
Saint-
Honoré, s’est substituée à cette dernière su
r la totalité de la vente.
Une certaine négligence dans l’exécution de la convention d’occupation conclue après la cession
issue d’un deuxième appel d’offres
À
l’issue d’un nouvel appel d’offres, lancé le 5 mai 2011, la commission du 22 juin 2011 retient
l’offre de la société Fonciè
re Saint-Honoré, offre la plus élevée (13,1
M€) parmi les cinq offres jugées
recevables (les quatre autres s’étalent entre 5
M€ et 11,6
M€). L’offre retenue s’accompagne en outre
d’un complément de «
300 000
€ annuel en cas de départ anticipé avant le 31 d
écembre 2014 et prorata
temporis en cas de départ en cours d’année
».
En conformité avec les dispositions du § 6 du cahier des charges
(Partie IV de l’appel à
candidature), la SNC 19 Tour-Maubourg (créée en juillet 2011), détenue à 100 % par la société Foncière
Saint-Honoré (même adresse et même gérant)
, s’est substituée à cette derniè
re sur la totalité de la vente,
dont l’acte authentique a été signé le 11 août 2011. Comme prévu au
règlement de cette deuxième
consultation, une convention d’occupation préca
ire a été signée le même jour permettant aux services
du ministère de la défense de continuer à occuper les lieux jusqu’à au plus tard le 31 décembre 2014,
moyennant le paiement d’une redevance
annuelle équivalente à 3 % du prix de vente.
Or en octobre 2013, le directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) fait
savoir par lettre au gérant de la SNC 19 Tour-Maubourg que ses services sont en mesure de libérer les
lieux avec un an d’avance, soit le 31 décembre 2013, ce qui implique le versement
d’un complément de
prix de 300 000
€, conformément aux engagements pris par la société et repris dans l’acte de vente.
Toutefois, la SNC 19 Tour-Maubourg conteste cette interprétation au motif que les modalités de
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
86
libération anticipée, telles que prévues
dans la convention du 11 août 2012 n’ont pas été respectées à
savoir
: pour une libération au 31 décembre 2013, l’occupant devait en avertir le propriétaire par pli
recommandé avec accusé réception, trois mois avant la libération prévue, soit au plus tard le 30
septembre 2013, ce qui n’a pas été fait. De plus, alors que la libération de l’immeuble semblait quasiment
effective au 12 décembre 2013, le ministère de la défense a fait part au service France Domaine de son
souhait que l’état des lieux de sortie contradictoire de l’immeuble ait lieu fin janvier 2014.
Par la
négligence de ses services, tant au ministère de la défense qu’au niveau de France
Domaine, et une mauvaise coordination entre ceux-ci,
l’
État
s’
est donc privé de la possibilité de
bénéficier
d’un complément de prix.
Une clause de complément de prix correctement suivie
L’acte de cession du 11 août 2011 prévoit en son article 15
-5
qu’en cas de revente du bien par
l’acquéreur
dans un délai de deux ans après la vente
, ce dernier verse à l’État un
complément de prix
correspondant à 35 % de la plus-
value réalisée. Toutefois, pour qu’un tel complément de prix soit
exigible, l’immeuble doit être revendu dans son état physique ou juridique initial. L’état juridique initial
se trouve notamment modifié p
ar le dépôt d’une déclaration préalable visant à obtenir des services
compétents un changement de destination du bien.
Or le 28 septembre 2012, soit neuf mois après la signature de l’acte de cession, la SNC 19 Tour
-
Maubourg, par l’intermédiaire de son notaire, a fait part au notaire de l’
État de son intention de vendre
l’immeuble après y avoir réalisé des travaux entraînant le changement de destination partiel sur une
surface représentant 7
% de la surface totale de l’immeuble, pour lequel il a obtenu l’aut
orisation de la
ville de Paris, ce qui fait échec, selon elle, à la clause de complément de prix.
Après consultation du notaire de l’
État, le service de France Domaine parvient à la conclusion
que la clause de complément de prix doit, au contraire, nécessa
irement s’appliquer, puisque les travaux
conduisant au changement de destination partiel ne pourront avoir lieu dans le délai de deux ans après
l’acte du 11 août 2011, compte tenu du maintien dans les lieux des services du ministère des armées.
Par conséqu
ent, jusqu’à l’expiration de ce délai le changement de destination n’est matériellement pas
réalisable, quoiqu’autorisé par la ville de Paris. Toute revente intervenant dans cet intervalle sera donc
sous le coup de la clause de complément de prix. A la sui
te de cette analyse qui n’est pas contestée, les
projets de la SNC 19 Tour-Maubourg sont abandonnés.
Dans cette affaire, l’intervention du notaire de l’
État et des services de France Domaine
dans le suivi de la mise en œuvre de l’acte de cession, et singul
ièrement de la clause de complément
de prix, a permis de préserver les intérêts de l’
État.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
87
Annexe n° 4.
Cession du terrain 88-94 boulevard Ney
Descriptif
Terrain situé 88-94 boulevard Ney, XVIII
ème
arrondissement, représentant une
surface de 16 367
m². Ce terrain a fait l’objet en octobre 1974 d’un bail
emphytéotique avec la société Union française d’investissement immobilier et de
gestion (UFIGEM) par lequel le preneur a édifié un ensemble de trois immeubles
d’habitation de 317 logements au total, au profit du personnel militaire et civil du
ministère des armées, dénommé « Cité cadres Clignancourt ». Les droits de ce
bail, qui courent jusqu’au 31 mai 2049, ont depuis été transféré à la société EFIDI
S
(à la suite de plusieurs cessions ou fusions absorptions).
Au total, l’ensemble représente une surface utile brute (SUB) de 24
430 m² et une
SHON de 31 158 m².
Évaluation
41
M€ (France Domaine Paris, décembre 2009) à 24,9
M (brigade nationale
d’enquêtes
et de documentation domaniale
BNDED - de la direction nationale
d'interventions domaniales
DNID, décembre 2009).
Procédure
Cession amiable sans appel à la concurrence
Date cession
18 avril 2012
Prix de cession
8,12
M€
Acquéreur
Société anonyme d’H
LM EFIDIS, filiale du groupe SNI/CDC Habitat
Situation
actuelle
Outre la rénovation des trois bâtiments existants, EFIDIS a entrepris en 2017 la
construction d’un immeuble supplémentaire de 72 logements sociaux, d’une
crèche et de deux commerces. Ces nouveaux logements seront réservés aux agents
de l’
État ou de la ville de Paris. Le coût de cette construction est estimé à 13
M€
environ. La livraison était attendue pour juillet 2020.
Il s’agit ci pour l’état de vendre ses droits au titre du bail emphy
téotique, sur le terrain et sur
l’exploitation de l’immeuble par le preneur, sachant que la durée restante est de 40 ans.
Cette cession a déjà été analysée par la Cour en 2013 dans le cadre du contrôle des comptes et
de la gestion de la société nationale immobilière (SNI). La question de la cession de biens domaniaux
par la État
à cette société a fait l’objet d’un référé adressé en septembre 2013 aux ministres chargés de
la défense, des finances et du budget.
Une cession sans appel à concurrence dans le ca
dre d’une opération globale
État-SNI
Cette vente s’inscrit dans une opération globale de cession par l’
État à la société nationale
immobilière (SNI), titulaire de nombreux baux emphytéotiques du ministère des armées. En septembre
2010, le ministre des armé
es fait connaître au ministre du budget son accord pour l’acquisition par la
SNI de 33 baux emphytéotiques, pour un total de 36
M€. La SNI a souhaité en effet acquérir ces baux
afin de réunir «
dès à présent la pleine propriété de ces immeubles pour un coût relativement limité au
regard de la valeur patrimoniale et en toute hypothèse inférieur au coût de cette acquisition dans le
futur
».
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
88
Dans son référé de septembre 2013 la Cour a observé que la décision de procéder à une cession
de gré à gré, sans appel à concurrence, prise au niveau du Premier ministre, était juridiquement
contestable. En effet, l’article R.
129 du code du domaine de l’
État
40
pose le principe de l’appel à
concurrence, sauf exceptions. Celle qui a été invoquée en l’espèce relève des dispositions de l’article
R. 129-5 dudit code
41
qui dispose : «
la cession d’un immeuble peut également être faite à l’amiable,
sans appel à concurrence (…) lorsque les conditions particulières d’utilisation de l’immeuble le
justifient
». Cette clause a en effet é
té interprétée comme s’appliquant aux terrains sous bail
emphytéotique, ce qui conduisait à placer l’
État
, privé de possibilité d’appel à concurrence, dans une
position de faiblesse, puisque le seul acquéreur potentiel était le titulaire du bail emphytéotique.
L’
État a, de surcroît, encore fragilisé sa position en adoptant la 15 juillet 2009 une circulaire
interministérielle «
en faveur de l’aménagement durable et du développement de l’offre de logement
»
selon laquelle il était possible de recourir au gré à gré lorsq
ue l’opération envisagée comporte 100
% de
logements sociaux.
En choisissant de procéder de gré à gré pour cette cession, alors qu’il n’y était pas
explicitement tenu, l’
État
s’est placé dans une situation de faiblesse pour la négociation du prix.
Une ces
sion défavorable à l’
État
La Cour a encore relevé en 2013 que, si France Domaine avait conçu initialement une sorte de
garde-
fou consistant à exclure en principe la cession si le calcul des droits de l’
État aboutissait à un
montant inférieur à la valeur du terrain nu, cette règle de prudence n’a pas été respectée dans plus d’une
dizaine de cas, en particulier celui du terrain du 88-94 boulevard Ney.
En septembre 2009, une demande a été adressée par la SNI à France Domaine proposant un prix
entre 5,2
M€ et 5,9
M€, compte tenu du niveau d’entretien médiocre des immeubles qui nécessite «
des
interventions lourdes en façade pour l’isolation et une mise aux normes de l’électricité
» (les travaux
sont estimés à 10
M€), mais aussi de la proximité du boulevard périphérique.
En décembre 2009, les services de France Domaine de Paris ont réalisé une évaluation. Compte
tenu de sa situation excentrée et peu recherchée, mais aussi des perspectives de valorisation à terme du
fait de projets d’aménagements envisagés dans ce secteur, la valeur vénale du terrain nu et libre est
estimée à 41
M€. De son côté, la brigade nationale d’enquêtes et de documentation domaniale (BNDED)
de la direction nationale d'interventions domaniales (DNID) a évalué le terrain à 24,9
M€, sur la base
des prix de charges foncières sociales constatées dans cet arrondissement (soit 800
€/m² de SHON). Les
deux services sont en revanche tombés d’accord pour évaluer, par comparaison avec des transactions
réce
ntes et comparables dans le secteur, l’ensemble immobilier à 49
M€, compte tenu de son état
d’entretien qualifié de «
médiocre » et de sa situation géographique.
Cependant, en dépit de ces évaluations, le bien a finalement été cédé pour 8,11
M€, valeur
cor
respondant, selon la DNID à celle des droits de l’
État au titre du bail emphytéotique, compte tenu de
la durée restante, soit 40 ans.
En effet, le contrat de bail emphytéotique ne contenant aucune clause de sortie en cours de bail
à la demande de l’une ou
l’autre des parties, l’
État
, s’il décidait de vendre, ne pouvait juridiquement
exiger du preneur que le paiement de la valeur des droits du bailleur, c’est
-à-dire la somme du montant
cumulé des redevances (traditionnellement fixée à un niveau symbolique,
soit de l’ordre d’une centaine
d’euros par an) encore dues jusqu’à l’expiration du bail, capitalisées, et de la valeur actualisée de
l’immeuble (construit dans les années 70 et entretenu par le preneur), en pleine propriété en fin de bail
40
En vigueur à l’époque
; aujourd’hui a
rticle R. 3211-2 du code général de la propriété des personnes
publiques.
41
Aujourd’hui article
R. 3211-7 5° du code général de la propriété des personnes publiques.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
89
Cette acquisition très avantageuse pour EFIDIS a notamment été justifiée par le fait que les
constructions bâties sur le terrain étaient affectées au logement du personnel civil ou militaire du
ministère des armées et que cette affectation sera maintenue pendant une durée minimum de quinze ans,
comme prévu à l’acte de cession. De son côté, le ministre des armées a indiqué que la cession pouvait
être envisagée en raison de l’absence de caractère stratégique et de la situation du terrain «
dans un
quartier que le ministère de la défense ne souhaite pas continuer à occuper à long terme
».
Il n’en reste pas moins que cette cession, compte tenu que le seul acquéreur possible n’était
autre que le preneur à bail, s’est avéré, comme il fallait s’y attendre, très défavorable à l’
État.
L’absence de clause de retour à meilleure fortune, hors cas de cession ultérieure
L’acte de cession du 18 avril 2012 comporte une clause d’intéressement éventuel en cas de
mutation dans un délai de cinq ans. Cette clause n’a pas de grande portée ans la
mesure où, dans le même
acte de cession, l’acquéreur s’est engagé à maintenir l’affectation des immeubles au logement du
personnel du ministère des armées pendant au moins quinze ans, ce qui peut s’avérer pénalisant pour un
futur acquéreur.
Cependant, EFI
DIS a entrepris en 2017 la construction d’un immeuble supplémentaire de 72
logements sociaux, d’une crèche et de deux commerces. Ces nouveaux logements seront réservés aux
agents de l’
État ou de la ville de Paris. Le coût de cette construction est estimé à
13 M€ environ. La
livraison était attendue pour juillet 2020.
On peut regretter l’absence dans l’acte de cession d’une clause générale de retour à
meilleure fortune qui aurait au moins pu préserver les intérêts de l’
État dans le cadre de la cession
d’un terrain d’une surface telle que de nouvelles constructions pouvaient être envisagées en sus
de celles déjà existantes, et donc une source de revenus supplémentaires pour l’acquéreur.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
90
Annexe n° 5.
Cession de la caserne de Reuilly
Descriptif
Ensemble immobilier de dix-huit bâtiments, situé dans le XII
éme
arrondissement,
sur une parcelle d’une superficie totale de 19
450 m² délimitée par le boulevard
Diderot au sud, la rue de Reuilly à l’est et la rue de Chaligny à l’ouest. Le site est
une emprise militaire depuis 1830 après avoir été occupé par la manufacture
royale des glaces (créée en 1665).
Les bâtiments étaient occupés par différents services des armées, dont le centre
d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA), le tribunal militaire,
le centre de tri postal des armées et l’action social
e des armées. En outre un des
bâtiments servait de logements en chambre par nécessité de service (sans loyer)
pour des militaires célibataires affectés à Paris intra-muros
42
.
Au total, l’ensemble représente une surface utile brute (SUB) de 21
874 m² et une
SHON de 26 320 m².
Évaluation
Entre 100
M€ (France Domaine, décembre 2008) et 40
M€ (France Domaine,
février 2013)
Procédure
Gré à gré
Droit de priorité
Date cession
6 décembre 2013
Prix de cession
40
M€ (au termes d’un protocole
État-ville de Paris du 9 juillet 2013)
Acquéreur
Ville de Paris
Paris Habitat OPH
Situation
actuelle
Selon une présentation publique de novembre 2019, le projet comporte 582
logements (210 logements sociaux, 110 à loyers intermédiaires, 133 à loyer libre
encadré, 129 chambres étudiantes), 4 000 m² de commerces et activités (dont une
crèche de 66 berceaux) et 5 600 m² d’espaces végétalisés. Le coût global de
l’opération, foncier compris, est de 170 M€. L’opération comporte pour partie la
réhabilitation de bâtiments existants (les trois principaux bâtiments encadrant la
place d’armes et les deux pavillons d’entrée), pour partie des constructions neuves
(55 %).
Les travaux de construction et de réhabilitation ont effectivement démarré en avril
2017. Les premières livraison
s sont intervenues à l’automne 2019
; elles
concernaient les quelques 200 premiers logements, la crèche et une partie du
jardin. D’autres livraisons ont eu lieu début 2020, mais les travaux ont été arrêtés
42
Au moment de la cession, l’ensemble est libre d’occupation à deux exceptions près
:
-
par convention d’occupation temporaire du 28 février 2013, l’usage des deux premiers niveaux
d’un des bâtiments à usage de bureaux est autorisé à l’association « Centre d’action sociale protestant » pour y
installer
un centre d’hébergement d’urgence pour un maximum de 160 personnes. Cette convention est conclue
par la préfecture d’Ile
-de-
France au titre d’une convention interservices entre le ministère des armées, affectataire
du bâtiment, et la direction régionale et
interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL). Cette
convention d’occupation a été prolongée par avenant jusqu’au 31 mars 2014 ;
-
le maintien sur place du centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) est
également prévu
jusqu’au 31 août 2015.
Ces deux occupations se sont achevées dans les conditions prévues.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
91
en raison de la crise sanitaire. Les dernières livraison (logements libres) étaient
attendues pour septembre 2020, cependant elles étaient «
reportées au mieux à la
fin 2020
».
Une évaluation progressivement revue à la baisse au fil des discussions avec la ville
Compte tenu de l’état des bâtiments, Fran
ce domaine privilégie la valeur vénale en récupération
foncière parce qu’elle est la plus élevée. En 2008, il est en effet constaté que les bâtiments qui datent
pour la majorité du XIX
e
siècle, n’ont pas donné lieu à des restructurations lourdes, mais plut
ôt des
rénovations localisées au fil du temps. L’ensemble est bien entretenu, mais «
de qualité standard ». Une
première évaluation a été réalisée en décembre 2006 conclue à une valeur vénale du terrain nu de
91,94
M€. Ce calcul se base sur la cession d’en
trepôts de menuiserie occupant un terrain de 877 m²,
situés rue de Reuilly et cédés en 2006 pour 6 000
€/m², déduction faite de frais de démolition (estimés
à 1,85
M€
-
le calcul ne tient toutefois pas d’éventuels frais de dépollution) et d’un abattement d
e 20 %
pour « très grande surface ».
Une actualisation est faite en décembre 2008, pour tenir compte de nouvelles règles du PLU,
inconnues en 2006, qui fixe d’une part une servitude pour logement social «
LS 50 %
», et d’autre part
un COS de 3 pour la zone où est située la caserne de Reuilly, soit un total de 58 620 m² de SHON. Le
calcul se base sur le bilan prévisionnel de deux opérations réalisées sur des emprises de la SNCF (site
« Charolais » dans le XII
e
arr. et « site Saussure » dans le XVII
e
arr.), pour lesquelles les taux retenus
sont
les
suivants :
Logement
social :
1 200
€/m²
;
logement
accession :
2 250
€/m²
;
bureaux :2 800
€/m²
; commerces : 600
€/m². Le calcul permet d’aboutir à une valeur vénale de
99,65
M€, arrondie à 100
M€.
Parallèlement, u
ne étude comparative sur des réalisations comparables (par catégories d’usage
:
bureaux, garages, dépendances, logements, etc.) permet d’estimer la valeur totale des bâtiments (tenant
compte également de la valeur du terrain non utilisé) de 83,37
M€.
En oc
tobre 2009, une nouvelle estimation domaniale réalisée par le SLD 75, en l’état d’usage
du bâti et par comparaison avec des mutations relevées sur le marché immobilier. Cette estimation est
de 72
M€. Le tableau des évaluations réalisées dans le cadre du «
projet Vauban » indique ainsi une
valeur vénale de 72
M€ par le SLD 75, mais une estimation par le cabinet Jones Lang Lasalle de 43
M€
et le montant proposé par le consortium SOVAFIM/CDC pour la caserne de Reuilly à hauteur de
44,8
M€.
A partir de décembre 2010, des discussions entre le cabinet du ministre du budget (Woerth, puis
Baroin, puis Pécresse) et le maire de Paris, en vue d’y réaliser un programme de logements incluant la
réalisation de 50 % de logements sociaux, comme prévu au PLU, permettent de définir deux hypothèses,
en fonction de la surface de SHON constructible : une hypothèse basse (initialement fixée à 37 643 m²)
et une hypothèse haute (initialement de 46 582 m²). Selon ces hypothèses, le prix serait respectivement
de 56,8
M€ ou de 72
M€, la différence faisant l’objet d’un complément de prix. Selon un accord
intervenu au cours du premier semestre 2011, l’hypothèse haute est retenue et la valeur vénale de
l’ensemble arrêtée à 72
M€.
Toutefois, en juin 2011, l’architecte des bâtiments de France (ABF), tout en soulignant qu’il
n’existe aucune protection au titre des monuments historiques a souhaité «
en raison des caractères qui
fondent sa qualité de grand patrimoine » que soit conservée la composition des trois bâtiments militaires
disposés en
U autour de la place d’armes, ce qui empêchait leur démolition et la préservation de la place
d’armes libre de toute construction. Ces prescriptions ont eu pour effet une réduction de la
constructibilité de 6 825 m² (soit une constructibilité de 39 675 m²). Cette réduction a par conséquent
impacté la valorisation attendue du 72
M€ à 64,5
M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
92
En janvier 2013, la ville de Paris modifie son projet et présente un programme « en tout locatif ».
Cette nouvelle proposition s’appuie sur le programme local de l’hab
itat (PLH) de la ville de Paris qui
prévoit la réalisation de 50 % de logement sociaux (se répartissant en 30 % de prêt locatif aidé
d’intégration ou PLAI, 40
% de prêt locatif à usage social ou PLUS et 30 % de prêt locatif social ou
PLS), 20 % de « loyers maîtrisés » et 30 % à destination des investisseurs institutionnels. Selon les
hypothèses, le nombre de logements sociaux seraient de 200 à 250 ; ils seraient situés exclusivement
dans les bâtiments neufs, alors que les deux autres catégories seraient majoritairement placées dans les
bâtiments réhabilités. La nouvelle proposition a pour conséquence une diminution du prix de cession
proposé qui devient 54,37
M€ en hypothèse haute, et 38,1
M€ en hypothèse basse. Le différentiel tient
au fait que les charges
foncières sont nécessairement moindres dans le cadre d’un programme qui ne
comprend pas de logements destinés à l’accession libre à la propriété.
Selon France Domaine, les estimations de la ville de Paris n’ont pas été réalisées selon la
méthode du bilan promoteur. Les recettes ont été déterminées à partir des charges foncières observées
sur des opérations d’aménagement comparables («
Boucicaut », « Ourcq-Jaurès » et « Clichy-
Batignolles »). De son côté, France Domaine a procédé à une « actualisation de la valeur vénale tenant
compte du nouveau programme annoncé par la ville de Paris, selon la méthode du compte à rebours
promoteur. Ses calculs ont permis de parvenir à une valorisation entre 40,39
M€ en hypothèse basse, et
55,45
M€ en hypothèse haute, ce qui
a permis de conclure que « les prix proposés par la ville sont
proches des estimations domaniales et peuvent être acceptés
». Cette analyse entraîne l’accord de l’
État
et la signature du protocole du 9 juillet 2013.
Dans la fiche de présentation du 23 novembre 2013 rédigée par France Domaine en vue de la
mise au point de l’acte de cession du 6 décembre 2013, le chef du service souligne que le prix de 40
M€
(payable en trois échéances) a été accepté par l’
État «
en considération expresse de la possibilité de
percevoir un complément de prix
» prévu dans le cas où Paris Habitat réaliserait un supplément de
recettes du fait soit de l’obtention de constructibilités supérieures à celles retenues dans le calcul du prix
de 40
M€ (soit 37
163 m²), ou de la réalisation de recettes supplémentaires lors de la vente de la charge
foncière des logements locatifs privés à réhabiliter.
Alors qu’un accord avait été trouvé avec l’
État pour une cession au prix de 64,5
M€ en vue
de la réalisation de 50 % de logement social, la ville de Paris a donc choisi début 2013 de modifier
son projet optant pour un programme « tout locatif », ce qui a impacté à la baisse de façon
significative le prix du terrain qu’elle proposait. Il peut être observé qu’à aucun moment les
services de l’
État
n’ont envisagé d’imposer leurs vues sur la valeur vénale du site.
Il est intéressant de relever à ce titre que l’intention d’aliéner sollicitant la ville pour
l’exercice de son droit de priorité n’a été notifiée qu’en octobre 2013, une fois l’accord sur l
e prix
de 40
M€ entériné par le protocole de juillet 2013. Il résulte en effet des dispositions du code de
l’urbanisme, en particulier de l’article L.
240-
3, que l’
État doit notifier au bénéficiaire du droit de
priorité son intention de vendre et indiquer
le prix de vente tel qu’il est estimé par le service du
Domaine avant l’engagement de toute procédure de cession quelle qu’en soit la forme
: cession
amiable de gré à gré, cession après appel d’offres ou adjudication. Dans le cas de la caserne de
Reuilly c
’est le prix de cession qui a été négocié avant que la ville de Paris ne choisisse d’exercer
ce droit de priorité (en l’espèce elle l’a délégué à l’OPH Paris Habitat).
Si le dialogue à mener avec les potentiels acquéreurs sur leurs projets doit permettre à
l’administration d’affiner ses calculs pour l’évaluation domaniale et tenir compte au plus juste du
potentiel de reconversion du site, ce dialogue ne doit pas être confondu avec la phase de
négociation qui doit intervenir après l’évaluation domaniale qui
en fixe, en quelque sort les limites
permettant de préserver les intérêts de l’
État.
La perte et les risques liés l’abandon du projet de relocalisation du CIRFA
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
93
Le ministère des armées a souhaité que le CIRFA soit réinstallé sur place après l’aménagement
de Paris Habitat. Cette disposition avait été prévue dans le protocole du 9 juillet 2013. Ainsi, l’acte de
cession de décembre 2013 prévoit que pour l’acquisition des locaux du futur CIRFA, il a été convenu
un prix de revient global, intégrant la charge foncière, de 1 700
€/m² de SHON. Ce montant a été
approuvé par le ministère des armées qui a cosigné l’acte. A la suite de réunions de travail entre la
DPMA et Paris Habitat, l’emplacement du futur CIRFA a été décidé ainsi que le projet de construction
représentant une SHON de 805 m², soit un cout de 1,36
M€.
Lors des négociations antérieures à la signature du protocole de juillet 2013, les conditions
financières relatives à la relocalisation du CIRFA dans le projet avaient été considérées par la ville de
Par
is comme une condition à l’acceptation de l’échéancier de paiement demandé par le ministère des
armées, selon lequel la moitié du prix de cession serait encaissé dans l’année 2013, puis 30
% en 2014
et 20
% en 2015. En effet, la décision d’aliéner le bien
comporte la mention expresse que «
le produit
de cette aliénation sera rétabli au budget du ministère de la défense, via le compte d’affectation spéciale
Gestion du patrimoine immobilier de l’
État (programme 723, BOP 723
ministère de la défense)
».
Dans les faits, un paiement de 20
M€ (soit 50
% du prix de cession) a effectivement été effectué en
décembre 2013.
Toutefois en mars 2015, le ministère des armées a fait part de sa décision de renoncer à
l’acquisition des locaux. Dans une lettre du 17 juin 2015
à France Domaine, Paris Habitat a déploré cette
décision en indiquant qu’elle entrainait des conséquences non négligeables sur l’opération d’ensemble
qui avait déjà fait l’objet d’un permis d’aménager (déposé en décembre 2014), et alors que maîtres
d’œuvr
es avaient déjà remis leurs esquisses en vue du dépôt des permis de construire. Il a été précisé
que la révision du programme en conséquence impliquerait des missions supplémentaire et souligné
que, «
dans l’éventualité de la mise en œuvre de la clause de complément de prix prévue à l’acte de
vente, il conviendra de prendre en compte les conséquences économiques qui en résultent
».
En mars 2016, Paris Habitat indique avoir revu le programme pour définir une nouvelle
affectation des surfaces initialement pré
vues pour le CIRFA, mais qu’elle s’est avérée pénalisante par
rapport au projet initial. L’emplacement prévu ne pouvant supporter une autre activité commerciale ou
tertiaire, il est finalement prévu de construire 399 m² de logement intermédiaire, valorisé à 558 600
HT (1 400
€/m² de SHON), ce qui implique la perte de 406
m² de SHON. Cette solution viendra en
compensation de la perte de 1,36
M€ dans le calcul du complément de prix sur la constructibilité.
Finalement, la perte a effectivement été ramenée à 809 900
€ HT
, ce qui a atténué en proportion
l’intéressement de l’
État par rapport au projet a ainsi été atténué (1,15
M€ au lie
u de 1,76
M€).
La décision, plus d’un an après la signature de l’acte, de renoncer à relocaliser le CIRFA
dans le programme de Paris Habitat, comme cela était déjà prévu dans le protocole de juillet 2013
avec la ville de Paris, a entrainé pour l’
État une perte de 1,36
M€ dans les produits de la cession
de la caserne de Reuilly.
L’application des clauses de complément de prix
En mai 2012, le ministre du budget propose à la ville de Paris un prix de cession de 64,5
M€,
avec un complément de prix, dont la moitié reviendrait à l’
État, pour les m² supplémentaires qui seraient
obtenus au-delà de la surface constructible, arrêtée à 39 675 m². Il serait calculé en fonction de leur
destination selon les niveaux de charge foncière suivants en SHON : logement privés neuf : 3 000
€/m²
;
logement privés en réhabilitation : 2 500
€/m²
; logement social : 925
€/m²
; commerces et équipements
privés : 1 700
€/m².
Dans le protocole du 9 juillet 2013, sont prévues deux clauses de « retour à meilleure fortune » :
une clause de complément de prix
: elle serait dû dans l’hypothèse où la charge foncière totale serait
supérieure à 44,4
M€, soit le prix
garanti de 40
M€ auquel on ajoute les coûts de démolition et
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
94
d’aménagement fixés à 4,4
M€. Ce complément de prix, basé sur une constructibilité de 37 163 m²
serait partagé entre l’
État pour 75
% et l’acquéreur pour 25
% ;
une clause d’intéressement
: compt
e tenu que la ville (ou l’aménageur) va transformer des surfaces
autres que de l’habitation en logement, et notamment en logement social, elle pourra céder cette
commercialité. Dans ce cadre, le protocole prévoit qu’un intéressement sera dû par la ville (o
u
l’aménageur) en cas de cession de commercialité, à hauteur de 75
% de la commercialité.
La première clause était concrètement susceptible d’être en mise en œuvre à deux titres. En
effet, la recette de vente des charges foncières par Paris Habitat pouvait voir son montant évoluer à la
hausse d’une part, en cas d’augmentation de la surface constructible, et d’autre part, à la suite de la vente
de la partie logements locatifs privés, destinés à être cédés à des investisseurs institutionnels.
S’agissant du c
omplément de prix « constructibilité »
, la surface a évolué. En 2016, à la suite
de l’élaboration des demandes de permis de construire, un premier bilan de la valorisation des charges
foncières a permis d’identifier plusieurs facteurs d’évolutions
: globalement la surface constructible est
passée de 37 163
m² (dans l’acte de cession du 6 décembre 2013) à 40
493 m². Les surfaces consacrées
aux commerces et équipements sont très supérieures aux surfaces retenues dans l’acte de vente
: elles
passent de 2 672 m² de SHON avec une recette prévue de 4,54
M€
HT à 4 050 m² de SHON, soit une
recette prévisionnelle de 6,88
M€
HT. Cette augmentation est toutefois compensée par l’abandon du
projet de relocalisation du CIRFA dans le programme de Paris Habitat, comme cela était déjà prévu
dans le protocole de juillet 2013 avec la ville de Paris (cf. supra).
Ces évolutions ont fait l’objet d’un acte complémentaire du 6 juin 2018 constatant l’exigibilité
d’un complément de prix d’un montant 5,19
M€ qui a effectivement fait l’objet d’un encaissement le
même jour.
S’agissant du complément de prix afférent aux logements locatifs privés
(« Lot B »,
représentant 30 % des logements du programme, soit 140 logements sur les 600 prévus, qui seront
localisés dans une des bâtiments destinés à être réhabilité), dès le mois de décembre 2014, Paris Habitat
a indiqué à France Domaine privilégier pour ce lot une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA)
directement auprès d’investisseurs institutionnels.
À
la suite d’une consultation lancée le
7 décembre
2015, l’offre la «
mieux-disante
» qui s’élève à 56,61
M€ HT, est retenue en juillet 2016. L’acte de vente
correspondant est conclu le 29 septembre 2017, une fois acquis le caractère définitif de tous les permis
de construire du programme, pour un prix de 57,39
M€
HT.
Le 21 juillet 2016 est signé devant notaire un acte rectificatif et complémentaire qui modifie les
dispositions relatives aux compléments de prix.
Afin de déterminer à partir de quel montant les offres des investisseurs pourront être considérées
recevables et fructueuse, Paris Habitat a établi un bilan prévisionnel permettant de définir un prix de
vente « plancher », établi à 46,98
M€ HT tenant compte d’un coût prévisionnel des travaux de
23,85
M€
HT. Pour le calcul du complément d
e prix, Paris Habitat propose que l’intéressement résulte
de la différence entre le prix « plancher
» et le montant de l’offre retenue et qu’un intéressement
complémentaire soit calculée à parti de la différence entre le coût prévisionnel des travaux et le coût des
travaux réels du lauréat si ce dernier est inférieur. Le montant de ces deux différences sera réparti à
hauteur de 75
% pour l’
État et 25 % pour Paris Habitat. Pour ces calculs, les services de France Domaine
ne semblent pas avoir été acteur mais plutôt mis devant le fait accompli.
Outre ces nouvelles règles de calcul, ces modifications présentent pour Paris Habitat l’avantage
de repousser à une date plus tardive l’exigibilité du paiement des compléments de prix.
Dans l’acte de cession du 6 décemb
re 2013, il était prévu que le complément de prix serait
exigible «
au plus tardif des deux évènements suivants : le caractère définit de tous les permis de
construire ; ou la signature du dernier acte authentique de vente des charges foncières afférentes aux
logements locatifs privés et des commerces et équipements liés ou de vente en l’état futur d’achèvement
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
95
desdist locaux
», et que le paiement serait constaté par acte authentique, dans le délai de deux mois de
la date d’exigibilité. Dans l’acte
rectificatif de juillet 2016, les règles sont modifiées : le paiement du
complément de prix « VEFA » et du complément de prix « Coût des travaux » sera constaté par acte
authentique « dans le délai de deux mois à compter de la date effective de livraison des biens vendus en
l’état de futur d’achèvement
». Paris Habitat justifie cette disposition «
afin de mesurer l’impact de la
Tva, applicable sur les fractions du prix payable à terme
».
Il n’en reste pas moins qu’une durée maximale pour la mise en œuvre
de ces clauses de
complément de prix avait été fixée dès la signature du protocole de juillet 2013, et reprises dans l’acte
de cession du 6 décembre 2013, à savoir «
jusqu’à ce que l’ensemble des locaux édifiés dans le cadre
du programme de construction so
ient vendus ou fassent l’objet d’un permis purgé des recours des tiers
et au plus tard dans un délai de sept ans à compter de la date de la signature de l’acte de cession
», soit
le 7 décembre 2020.
Or, en avril 2020, le notaire de l’
État a pu informer les services du SLD 75 que Paris Habitat
avait indiqué qu’alors que la livraison du lot B était prévue début septembre 2020, soit avant la mise en
œuvre des mesures sanitaires, le chantier était «
arrêté jusqu’à la fin du confinement
». La livraison était
donc reportée «
au mieux à la fin de l’année 2020, décalant ainsi la signature de l’acte lié au
complément de prix avec l’
État
».
L’
État a accepté en juillet 2013 la cession de la caserne de Reuilly au prix de 40
M€ «
en
considération expresse de la possibilité de percevoir un complément de prix »
prévu dans le cas
où Paris Habitat réaliserait un supplément de recettes du fait de l’obtention de constructibilités
supérieures à celles retenues dans le calcul du prix de cession, et/ou de la réalisation de recettes
supplémentaires lors de la vente de la charge foncière des logements locatifs privés à réhabiliter.
Un complément de prix de 5,19
M€ a bien été versé au titre de la première hypothèse. En
revanche pour ce qui concerne la vente en l’état futur d’achèvement de logements locatifs privés,
même si la réalité du complément de prix peut d’ores
-et-déjà être constatée, le calcul définitif et
le paiement ne pourront intervenir qu’à la livraison de l’ensemble, conformément à de nouvelles
règles i
ntroduites à l’initiative de Paris Habitat. Dans cette affaire, les services de France Domaine
semblent faire preuve d’une certaine passivité et de difficultés à maîtriser le processus décisionnel
en dépit d’une transparence certaine de la part de Paris Ha
bitat
Une décote « de fait » mais sans les contraintes afférentes
La cession de la caserne de Reuilly a été présentée comme ayant bénéficié de l’adoption de la
loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et
au renforcement des obligations de production de logement social (dite loi Duflot). En juillet 2013, lors
de l’annonce de la signature du protocole avec l’
État, la ministre chargée du logement a indiqué : «
nous
allons pouvoir aller bien plus vite
», et «
les négociations qui ont débuté il y a plus de six ans se sont
accélérées avec l’arrivée de la gauche au pouvoir
». Le maire de Paris a déclaré : «
avec le
gouvernement précédent, ce bien ne pouvait être cédé qu’à 64,5
M€, le prix du marché
». Le ministre
du budget a souligné : «
cette cession illustre une négociation gagnant-gagnant, alliant les
préoccupations de gestion au volontarisme en matière de logement
».
De même, l’exposé des motifs du projet de délibération du conseil de Paris approuvant
le projet
de protocole et autorisant le maire à le signer rappelle les étapes de la discussion avec l’
État sur les
conditions de cession de la caserne de Reuilly et souligne que les négociations ont été «
facilitées dans
les derniers mois par la mise en place de la nouvelle loi de mobilisation du foncier public en faveur du
logement
», ce qui a permis «
d’aboutir à un accord financier acceptable
».
Cependant, l’arrêté ministériel du 4 décembre 2013 autorisant la cession ne fait référence qu’au
protocole de juillet 2013 et ne vise aucunement la loi Duflot.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
96
Compte tenu de l’ampleur du programme le dispositif de la loi Duflot a sans doute été considéré
comme inadapté. En effet, conformément aux dispositions de l’art. R. 148
-9 du code du domaine de
l’
État, un d
élai de cinq ans à compter de la cession est prévu pour la réalisation d’au moins 75
% de la
SHON à usage de logements sociaux, au-
delà duquel l’
État pourra soit exiger le remboursement de la
décote, soit la résolution de la vente sans indemnités pour l’ac
quéreur.
On peut toutefois relever, comme l’a fait la DIE, que compte tenu des dispositions du PLU, le
terrain était en tout état de cause classé en emplacement réservé qui impliquait nécessairement une
décote sur sa valeur vénale.
Quoiqu’il en soit, on
peut considérer que cette cession, compte tenu de son montant par
rapport aux différentes évaluations réalisées en amont, résulte d’une «
décote de fait », qui évite
de tomber sous l’emprise de la loi Duflot qui impose des délais plus stricts de réalisatio
n. Cette
situation démontre l’inadaptation de ce dispositif à la réalité de certaines opérations de grande
ampleur, telle que celle de la caserne de Reuilly.
Une illustration de cette ambigüité dans le processus de VEFA
Alors que la VEFA « classique » consiste, pour un bailleur social, à acheter sur plan à un
promoteur privé de futurs logements sociaux, la VEFA dite « inversée » consiste, pour un organisme
HLM, à vendre des logements non sociaux à un promoteur privé, dans le cadre d'une opération mixte
comportant en majorité des logements sociaux. La part de logements libres pouvant être ainsi vendus
est limitée à 30
% du total de l’opération. Cette possibilité a été introduite par la loi n°
2014-366 du
24
mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme
rénové (« loi Alur ») à titre expérimental pour
cinq ans et pour ce qui concerne uniquement les logements réalisés sur des terrains, bâtis ou non, acquis
par les bailleurs sociaux auprès de l’État ou de ses établissements publics dans le cadre des articles
L. 3211-7 ou L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques, à savoir le dispositif
de décote « logement social ».
Cette possibilité de VEFA a été pérennisée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015
pour la
croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (« loi Macron ») et étendue aux logements
réalisés sur des terrains situés sur le territoire des communes faisant partie d’une zone d’urbanisation
continue de plus de 50
000 habitants (dont fait partie l’agglomération de Pari
s). La loi a toutefois prévu
(article 103) la nécessité d’une autorisation préfectorale préalable.
Il résulte de ce qui précède que lorsque Paris Habitat adresse par lettre au préfet d’Île
-de-France
le 11 décembre 2014, une demande d’autorisation pour réaliser une VEFA sur le lot B de l’opération de
la caserne de Reuilly, cette autorisation ne pouvait en aucun cas être accordée. En effet, à cette date,
seules les opérations liées à l’acquisition de terrains ou immeubles dans le cadre du dispositif de décot
e
pouvaient faire l’objet d’une telle VEFA.
Or selon l’article 12 de l’acte de cession, pour la mise en jeu de la clause de complément de
prix, Pari Habitat s’est engagé à ce que l’ensemble des permis de construire nécessaires à la réalisation
de l’opérati
on soient déposés au plus tard dans les 24 mois à compter de la signature de la cession, soit
avant le 7 décembre 2015. Après l’entrée en vigueur de la loi Macron, Paris Habitat a transmis à France
Domaine le cahier des charges de la consultation afin de s
olliciter l’accord de l’
État, comme prévu à
l’acte d’acquisition. Cependant, l’ensemble des permis de construire n’a pu être déposé que le
23 décembre 2015. Il ne semble pas toutefois que les services de France Domaine aient fait de ce non-
respect des disp
ositions de l’acte de cession un «
point bloquant » pour le reste du processus.
Pour bénéficier de la possibilité de réaliser la cession des logements libres (30 % du
programme) en VEFA « inversée », initialement réservée aux opérations réalisées sur des terrains
acquis dans le cadre du dispositif de la décote « logement social », Paris Habitat a dû attendre
l’adoption de la loi Macron qui a ouvert cette possibilité à d’autres types d’opération. Ce faisant,
le délai fixé dans l’acte de cession pour le dépôt
des permis de construire n’a pas été respecté, à 15
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
97
jours près. La vente en VEFA inversée de l’opération caserne de Reuilly est, du reste la première
portée par un bailleur social en France.
Un accord flou et non stabilisé sur les coûts de dépollution
Lors des discussions relatives au prix de cessions, les calculs ont été réalisés en tenant compte
de coûts liés à la démolition des bâtiments destinés à être supprimés et à l’aménagement de la place
d’armes qui ont été évalués dans une fourchette entre 4,2
M
€ («
hypothèse basse » pour la ville de Paris,
janvier 2013) et 5,27
M€ (compte à rebours promoteur de France Domaine, février 2013). Ainsi, le prix
finalement retenu dans le cadre du protocole du 19 juillet 2013 a été déterminé sur la base d’une recette
d
’opération d’aménagement/construction correspondant au produit de la constructibilité afférente à la
destination des locaux, déduction faite d’un coût de démolition et d’aménagement fixé à 4,4
M€.
La question plus précise d’une éventuelle pollution du site
est évoquée dans le protocole qui
prévoit que «
dans l’hypothèse de découverte d’une source de pollution
non identifiée
au jour du
protocole (amiante, pyrotechnique …) et qui, au regard du coût de traitement qui en résulterait, aurait
pour conséquence de
modifier substantiellement l’équilibre financier
du bilan prévisionnel
d’aménagement de l’opération
», les parties «
se rapprocheront pour en apprécier l’incidence sur les
dispositions financières arrêtées au protocole et en rechercher toutes adaptations
». Il est par ailleurs
convenu que l’
État ne prendra en charge que les coûts de dépollution éventuellement dus au titre des
dispositions légales et réglementaires, les modalités de cette prise en charge devant être détaillées dans
l’acte d’acquisition.
Cepe
ndant, dans la fiche de présentation du projet d’acte de cession (datée du 23 novembre
2013), le chef du SLD 75 reconnaît que cette disposition «
a été comprise différemment par l’
État et
l’OPH Paris Habitat
». L’OPH, en effet, avec une conception très lar
ge de la notion de pollution, et ne
tenant pas compte de la notion de «
modification substantielle de l’équilibre financier du bilan
prévisionnel de l’opération
», considère qu’est à la charge de l’
État tout travaux de dépollution qui serait
rendu nécessaire pour la réalisation du programme de construction et d'aménagement tel que prévu. Son
bilan d’aménagement ne prenant en compte aucun coût à ce titre, toute dépollution, aussi minime soit
-
elle, devait être prise en charge dès le premier euro par l’
État.
De son côté, l’
État considérait que cette disposition ne lui imposait une éventuelle dépollution
du site, que dans la limite d’une remise en état au titre de ses obligations légales et réglementaires (c’est
-
à-dire une dépollution du site pour un usage identique à celui antérieur à la cession).
La solution retenue dans l’acte de cession du 6 décembre 2013 a finalement été (cf. article 20.3.3
et annexe 26
« Méthodologie coûts de dépollution
») que l’
État
ne prendrait en charge le coût d’une
éventuelle dépol
lution qu’à partir de 1
M€, et que le montant pris en charge par l’
État, au-delà de ce
seuil, serait plafonné à 1
M€, soit un maximum de 2
M€ pris en charge par l’
État. Au-delà de 2
M€ de
frais de dépollution, il était convenu que l’
État et Paris Habitat «
se revoient pour déterminer la solution
à apporter à cette situation
».
Dans la fiche de présentation du 23 novembre 2013 précitée, il est précisé que ces seuils retenus
ont été déterminés par les services de France Domaine à partir de plusieurs critères, notamment :
volumes prévisionnels des terres excavées, coûts prévisionnels du traitement de celles-ci, passé
environnemental de la caserne Reuilly.
En juillet 2015, Paris Habitat transmet à France Domaine les conclusions d’un rapport
d’assistance à maîtrise d’ouvrage relative à la dépollution des bâtiments et des sols dont le coût total est
estimé à 6,31
M€ TTC (3,29
M€ TTC pour le désamiantage des bâtiments et le retrait des enrobés
bitumeux extérieurs, et 3,02
M€ TTC pour la dépollution des sols) incluant un pourcentage d’aléas à
hauteur de 20 %, mais hors honoraires qui seraient de 14
%. Un rapport d’expertise interne sur ces
éléments est demandé par France Domaine en août 2015. Il en ressort que si le coût afférent au
désamiantage des bâtiments (1,45
M€
TTC) n’appelle pas de commentaires car il lié à l’évolution très
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
98
forte des tarifs, celui du retrait des enrobés bitumeux extérieurs (1,84
M€ TTC) apparaît «
très élevé
».
S’agissant du cout de la dépollution des sols, le rapport souligne que l’estimation
avancée est irréaliste
en l’absence, à cette date, d’un projet définitif sur les constructions. Quant aux honoraires et au
pourcentage des aléas, ils sont qualifiés de «
hors de proportion
».
Compte tenu de ce coût total de plus de 6
M€ TTC, largement
supérieur au montant maximum
de 2
M€ à la charge de l’
État
, prévu à l’acte de vente, Paris Habitat, conformément aux dispositions
contenues dans l’acte de vente, sollicite France Domaine pour «
déterminer la solution à apporter à
cette situation
», tout en
indiquant que la consultation a d’ores
-et-déjà été lancée pour la partie
désamiantage des bâtiments et retrait des enrobés bitumeux, et que les offres ont déjà été reçues. En
réponse, le chef du SLD 75 relève, dans une lettre du 22 septembre 2015 que les procédés de Paris
Habitat sont contraires aux termes de l’acte de vente qui prévoyaient
:
d’une part que «
l’acquéreur communiquera les pièces marchés relatives aux travaux de dépollution
et aux missions de contrôle et de suivi
préalablement
au lancement des appels d’offres
» ;
d’autre part que les travaux de dépollution tels que définis dans l’annexe 26 –
«
Méthodologie coûts
de dépollution
» n’incluent pas le retrait des enrobés bitumeux extérieurs contenant de l’amiante.
Finalement, en novembre 2015, Paris Habitat indique que le coût du marché pour la réalisation
des travaux de démolition, curage, déplombage, désamiantage des bâtiments et dépollution des sols
enrobés bitumeux serait ramené à 1,98
M€ HT, dont 906
391
€ HT pour les opérations
de désamiantage,
dont 100 392
€ HT pour la dépollution des sols enrobés amiantés. Conformément aux termes de l’acte
de cession, l’Etat ne prendra à sa charge que le montant des travaux de désamiantage des bâtiments, soit
805 999
€ HT, le désamiantage des
sols restant finalement à la charge de Paris Habitat.
En omettant de trancher définitivement dans le cadre du protocole, puis lors de la
signature de l’acte de cession sur la question des coûts de dépollution, la discussion s’est prolongée,
après la vente
, à l’avantage de l’OPH Paris Habitat. La solution finalement retenue fin 2015
éloigne le risque de la prise en charge de travaux qui aurait pu se révéler excessivement lourde
pour l’
État
. Il n’en reste pas moins que l’imputation à l’
État de ces coûts de dépollution va à
l’encontre de la notion de prix minimum garanti qui avait été admis lors de la signature du
protocole.
Il convient d’observer, en outre, que le coût pour Paris Habitat des travaux de démolition,
curage, déplombage, désamiantage des bâtiments et dépollution des sols enrobés bitumeux qui a
finalement été d’environ 2,3
M€ TTC avait déjà été pris en compte (pour un grand part,
l’estimation étant de 1,35
M€ HT en hypothèse basse et de 2,47
M€ HT en hypothèse haute) dans
les calculs de la ville de Paris pour déterminer le montant du prix garanti de 40
M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
99
Annexe n° 6.
Cession du tréfonds 16 avenue de la Porte de Sèvres
L’
État a vendu le 23 décembre 2013 à la RATP, pour un montant de 590
000 €, le tréfonds d’une
emprise sise 16-20 avenue de la porte de Sèvres à
Paris XVème. Cette mutation s’inscrivait dans le cadre
de la création d’un accès supplémentaire à la station «
Balard » de la ligne de métro numéro 8 afin de
mettre cette station aux normes d’accessibilité et de l’adapter au flux des usagers entre les deu
x lignes
de tramway T2 et T3. Compte tenu de l’augmentation des effectifs sur le site de Balard, cet
aménagement participait également à la fluidité des accès aux bâtiments du ministère.
Le contrat de partenariat signé par l’
État pour la construction du site intégrait un volet
comprenant la réalisation des travaux de gros œuvre commun à ceux du site et du métro en raison de la
forte imbrication des deux chantiers. La RATP devait réaliser les travaux de second œuvre et
d’aménagement de l’accès.
Le prix cor
respond à l’estimation des Domaines en date du 25 mai 2010, valable aux termes de
cet avis jusqu’en décembre 2012.
En application des dispositions de l’article L. 3112
-
1 du CG3P, la cession s’est déroulée sans
déclassement préalable du bien qui appartenai
t au domaine public du vendeur dès lors qu’il était destiné
à relever du domaine public de l’acquéreur. L’inutilité du bien a été déclarée par arrêté du ministre de
la défense en date du 2 décembre 2013.
En application de l’article R. 3211
-7 du même code, la cession a été réalisée de façon amiable
sans appel à la concurrence dans la mesure où l’immeuble était nécessaire à l’accomplissement d’une
mission de service public.
Conformément aux dispositions des articles L. 240-
1 et suivants du code de l’urbani
sme, le
vendeur a notifié à la v
ille de Paris son intention d’aliéner le bien le 6 mars 2013. Par courri
er en date
du 9 avril 2013, la v
ille de Paris a renoncé à l’exercice de son droit de priorité.
Ni la procédure de cession ni le prix convenu n’appellent
d’observations.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
100
Annexe n° 7.
Cession de l’ensemble «
Bellechasse/Penthemont »
Descriptif
L’ensemble immobilier «
Bellechasse/Penthemont » est situé rue de Bellechasse
dans le 7
ème
arrondissement de Paris et constitué de trois groupes de bâtiments
communicants, sur un terrain représentant une surface totale de 6 900 m² :
l’ancienne
Abbaye de Penthemont
(XVIII
ème
siècle), partiellement classé
monument historique et dont la surface de plancher est de 8 400 m² environ.
Le site était occupé par le ministère chargé des anciens combattants.
Transformé en caserne au XIX
ème
siècle, il comprenait l’ancienne chapelle qui
a
été séparée de l’ensemble et est devenue propriété de la ville de Paris pour
être affectée au Temple protestant de Penthemont.
l’«
hôtel du Génie
» (façade du XVII
ème
siècle) dont l’accès est situé rue de
Bellechasse, est un immeuble de bureaux abritant divers services du ministère
de la défense. Il représente une surface de plancher de 2 800 m² environ ;
le «
Pavillon de Penthemont
», immeuble dont la façade est du XVIII
ème
siècle, situé également rue de Bellechasse, à usge de bureaux pour le ministère
de
la défense, sur une surface de plancher d’environ 1
100 m².
Au total, la surface de plancher de l’ensemble est de 12 438 m².
Évaluation
Entre 48,3
M€ (cabinet AOS Studley, décembre 2011) et 89,9
M€ (France
Domaine, janvier 2009)
Procédure
Appel d’offres
. Un seul tour réalisé.
Date cession
27 juin 2014
Prix de cession
137,15
M€
Acquéreur
La SCI Bellechasse-Penthemont (statuts du 14 mai 2014 enregistrés le 19 mai
2014), détenue à 99 % par la Foncière des 6
ème
et 7
ème
arrondissements, candidat
retenu par la commission d’appel d’offres du 4 avril 2014, s’est substituée à cette
dernière sur la totalité de la vente, en conformité avec les dispositions du § 6 du
cahier des charges (cf. courrier de demande de substitution du 27 mai 2014).
Situation
actuelle
Le site accueille désormais le siège de la maison de couture Yves-Saint-Laurent
(groupe Kering, anciennement Pinault-Printemps-Redoute). La partie dénommée
« hôtel du Génie » devait en outre abriter un hôtel 5 étoiles de 50 chambres
appartenant au groupe hôtelier américain Marriott ; son ouverture, prévue en 2019,
a été retardée.
Une évaluation stable en dépit d’un certain flou sur les contraintes d’urbanisme
Selon une première étude réalisée en janvier 2009 par le service local de Paris de France
Domaine (SLD75), l’ensemble est estimé à 89,9
M€ (Abbaye et Hôtel du génie
: 80,3
M€
; Pavillon :
9,6
M€). La même année, dans le cadre du projet «
Vauban », deux autres évaluations sont réalisées :
l’une par le cabinet Jones L
ang Lasalle, pour le compte du SLD75, qui évalue la valeur vénale du bien
à 49
M€, et l’autre par le consortium Caisse des dépôts/SOVAFIM, dans le cadre de sa proposition
globale, pour qui la valeur du bien est de 54,5
M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
101
Le 7 octobre 2009, une nouvelle évaluation est réalisée par le SLD75 donnant lieu à un rapport,
pour un montant de 77
M€. Cette évaluation est réalisée selon trois méthodes
:
méthode par comparaison
: dans l’hypothèse du maintien de la destination à usage de bureaux dans
leur état actuel : 77,5
M€
;
méthode par capitalisation de la valeur locative : 77
M€
;
méthode par compte à rebours pour apprécie le potentiel en vue d’une reconversion en habitation
:
77,3
M€ (soit 5
437
€/m² de SHON et 11
194
€/m² de terrain).
En décembre 2011, une étude du cabinet AOS Studley, mandaté conjointement par France
Domaine et le MINARM, présente un potentiel de cession entre 48,3
M€ net vendeur (dans le cas d’un
scénario «
100 % bureaux
») et 71,7
M€ net vendeur (pour un scénario «
100 % logements libres
sans
servitude LS
»). En février 2012, le même cabinet AOS rend une étude mettant en évidence qu’un projet
orienté vers la réalisation de logements de luxe (et non d’un hôtel ou palace) serait le meilleur potentiel
pour les acquéreurs, tout en soulignant
qu’il s’agit d’un «
objet immobilier complexe
».
Enfin, le 12 mars 2012, un nouveau rapport d’évaluation du SLD75 confirme l’évaluation de
2009, pour un montant de 77
M€ (Abbaye
: 53
M€
; Hôtel du génie : 17
M€
; Pavillon : 7
M€).
Entre 2009 et 2012, puis au-
delà jusqu’au lancement de la procédure de cession, France
Domaine s’en tient donc à sa première évaluation à 77
M€
, et donc sans tenir compte de l’apparition
de deux contraintes, susceptible de peser dans les projets des éventuels acquéreurs :
l’extension du classement au titre des monuments historiques à l’ensemble du bâtiment de
l’ancienne abbaye (hors immeubles construits après sa transformation en caserne au XIX
ème
siècle),
intervenue le 11 septembre 2013 (arrêté du ministre de la culture) ;
la prise en compte du maintien dans les lieux des services du MinArm au-delà de la cession et
jusqu’en mars 2016, dans le cadre d’une convention d’occupation (les premiers projets de cette
convention préparés par le SLD75 datent de mars 2013).
En outre, l’incert
itude sur une servitude de logement social pouvant résulter de la refonte
du PSMV du 7
ème
arrondissement a pesé tout au long du processus, puisqu’une solution excluant
l’ensemble Penthemont du périmètre d’application de cette servitude, n’a pu être trouvée
que
trois semaines avant le lancement de la procédure.
Une contrainte de logement social levée tardivement : chronologie
15 juin 2006
Arrêté interministériel engageant les travaux de révision du plan de
sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7
ème
arrondissement de Paris du
26 juillet 1991. Cette version reste en vigueur jusqu’à l’adoption de la
nouvelle.
Janvier 2012
Lors d’un CoPil France Domaine
-MINARM, le cabinet AOS Studley
souligne que dans le cadre de la stratégie de vente, l’incertitude sur la
part
concernée par la servitude LS devra être levée préalablement à la cession car
susceptible «
d’impacter très sensiblement la valeur de l’actif
».
23 avril 2012
La v
ille de Paris fait savoir qu’elle renonce au droit de priorité qui lui a été
notifié le 12 mars 2012.
4 mai 2012
Lettre de la ministre du budget au maire de Paris proposant que, dans le 7
ème
arrondissement, la quotité de 25 % de logements sociaux soit appliquée aux
deux sites de l’ensemble Penthemont et de l’Ilot Saint
-Germain, mais de
manière « concentrée
» sur ce dernier site. En contrepartie l’application de
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
102
cette quotité ne serait pas demandée sur un ensemble d’hôtels particuliers
dans l’arrondissement dont la cessions serait envisagée (liste non exhaustive).
7 juin 2013
Lettre du mair
e de Paris au préfet d’Ile
-de-France proposant que la cession
de six hôtels particuliers du 7
ème
arrondissement appartenant à l’Etat (liste
exhaustive) puisse se faire sans contrainte de logements sociaux. En
contrepartie une quotité de 30 % de logements sociaux (nouvel objectif prévu
dans le futur nouveau PSMV) serait appliquée à l’ensemble Penthemont, ces
30
% pouvant être reportés sur d’autres biens que l’Etat viendrait à céder dans
l’arrondissement, «
comme notamment l’immeuble du 4 rue de Lille ou l’Îl
ot
Saint-Germain
», en sus des obligations de logement social propres à ces
biens.
25 juillet 2013
Lettre du directeur de cabinet du maire de Paris rappelant qu’il avait été
convenu que la quotité de 30
% de logements sociaux doit s’appliquer sur
l’ensemble de Penthemont, mais qu’elle peut être reportée «
sur d’autres
biens que l’Etat viendrait à céder dans l’arrondissement, comme notamment
l’immeuble du 4 rue de Lille ou l’Îlot Saint
-Germain, en sus des obligations
de logement social propres à ces biens
»
. Le DirCab propose donc d’ajouter
l’Ilot Saint
-Germain «
au moins pour partie
» dans la liste dressée par le
préfet des terrains que l’Etat souhaite mobiliser dans Paris pour la réalisation
de logements.
2 septembre 2013
Lettre du ministre du budget au
maire de Paris confirmant l’accord relatif au
report des 30
% de LS de Penthemont sur d’autres biens situés dans le 7
ème
arrondissement, «
en particulier l’immeuble du 4 rue de Lille ou l’Ilot Saint
-
Germain
» et précisant que ces règles seront portées au nouveau PSMV.
12 septembre 2013
Note du SLD75 au chef de France Domaine demandant l’autorisation du
lancement de la procédure de cession. Mention de l’accord, formalisé par
l’échange de lettres entre MinBud et Maire de Paris, pour ne pas appliquer la
quotité de 30
% de logements sociaux telle qu’elle devait être prévue au
PSMV en cours de révision. Mais mention de «
la difficulté sérieuse
» de
«
communiquer officiellement aux investisseurs intéressés les termes de cet
accord
».
7 novembre 2013
Avis favorable de la commission locale du secteur sauvegardé (CLSS) sur le
projet de PSMV du 7
ème
arrondissement. Il devrait être présenté au conseil de
Paris début 2014.
18 novembre 2013
Lettre du préfet d’Ile
-de-France à France Domaine : la procédure en cours de
révision du PSVM laisse envisager une approbation définitive au 1
er
semestre
2015. Selon le projet, sur lequel la commission locale du secteur sauvegardé
(CLSS) a émis un avis favorable le 7 novembre 2013, et «
qui s’appliquera à
partir de son approbation définitive
» prévoit que la parcelle Penthemont-
Bellechasse ne fasse pas partie du secteur d’application de la servitude de
logement social, imposant l’affectation de 30
% de la surface d’habitation à
des logements sociaux. Une lettre de la direction de
l’urbanisme de la v
ille de
Paris à France Domaine du 12 novembre 2013 va dans le même sens.
5 décembre 2013
L’appel d’offres, dans un paragraphe 5 «
projet de révision du PSMV du 7
ème
arrondissement, indique que celui-ci est en cours de révision mais font
mention des deux courriers de la direction de l’urbanisme de la ville de Paris
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
103
et du Préfet d’Ile
-de-France indiquant que le projet prévoit que la parcelle de
Penthemont soit hors périmètre d’application la servitude de logement social.
La mairie de Pari
s ne souhaitait pas communiquer sur cet aspect, à l’approche
des élections municipales, mais devant la difficulté soulevée par France
Domaine, a accepté cette solution.
Le volontarisme du MinArm pour une cession rapide
Dans le cadre du comité de pilotage MinArm/France Domaine pour les cessions parisiennes, il
est envisagé en mars 2012 de lancer la procédure en avril 2012 (après que la mairie de Paris ait fait part
de son refus d’exercer le droit de priorité), pour une cession réalisée entre novembre 2012
et janvier
2013. Cependant, les incertitudes sur la servitude logement social résultant de la révision du PSMV
imposent de repousser ce lancement. La fiche de présentation préparée pour la commission d’appel
d’offres du 4 avril 2014 indique «
plusieurs faux départs en août 2012, puis les 5 et 19 septembre 2013
».
Même après la publication de l’appel d’offres, le 5 décembre 2013, un additif au cahier des
charges a dû être publié pour modifier l’échéancier
: la date limite de visites a été fixée au 21 février
2014 (au lieu du 14 février) et la date limite pour l’envoi des questions le 28 février (au lieu du 21)
; le
délai pour signer l’acte a été porté à 90 jours (au lieu de 45)
; la date limite de réception des offres est
toutefois restée inchangée (2 avril 2014).
Il résulte de plusieurs échanges dont la Cour a eu connaissance que le MinArm manifeste un
certain volontarisme, voire une impatience. Dans un courrier électronique du 25 juillet 2013, où il est
envisagé de lancer l’appel d’offres le 5 septembre 2013 en vue d’une signature de l’acte avant l’été 2014,
le DPMA souligne que «
le respect de ce calendrier est impératif pour l’équilibre de la gestion 2014
»,
cette cession devant intervenir «
sur la base du calendrier acté pour les recettes exceptionnelles
».
En effet, l’équilibre financier des lois de programmation militaire (LPM) pour 2009
-2014,
puis pour 2014-2019, reposait sur des ressources exceptionnelles, dont les produits de cessions
immobilières.
Dans la LPM 2009-2014, les recettes de cessions immobilières représentaient près de
60 % des recettes exceptionnelles attendues, sur un total de 3,7
Md€ sur la période 2009
-2014. Or, à fin
2014, seules 42 % de ces recettes avaient été réalisées.
De son côté le SLD75 confirme «
beaucoup de volontarisme de la part de la Défense
», alors
que «
nous comptions amener l’affaire plus progressivement
».
Pour autant, il convient de relever
que, malgré ce « volontarisme
» le ministère n’a pas été en mesure de libére
r les lieux dans le cadre
de cet échéancier et ne pouvait le faire avant l’année 2016, ce qui constitue une contrainte pour
les potentiels acquéreurs.
Ainsi, le cahier des charges de l’appel d’offres du 5 décembre 2013 mentionne que les services
administra
tifs quitteront les lieux au plus tard le 31 mars 2016 et qu’une convention d’occupation devra
être signée le jour de la vente à cet effet. Cette convention d’occupation est signée le 27 juin 2014 entre
la SCI Bellechasse-
Grenelle, l’
État (France Domaine)
et le MinArm, jusqu’au 31
mars 2016, moyennant
le versement d’une redevance annuelle de 3
% du prix de vente hors droit, soit 4,11
M€, au
prorata
temporis
jusqu’à la libération effective des lieux, par trimestre échu. Le MinArm libèrera finalement de
manière anticipée les lieux le 16 novembre 2015 (lettre du SGA/DPMA à la SCI du 14 août 2015).
L’impératif budgétaire a sans doute aussi pesé en faveur du choix de ne pas prolonger
l’appel d’offres avec un second tour de sélection des candidats.
Le choix de ne pas procéder à un second tour
Le déroulement de la procédure d’appel d’offres n’appelle pas d’observation. La commission
d’appel d’offres a eu lieu le 4 avril 2014. Sur les dix offres déposées, cinq ont été jugées irrecevables
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
104
(essentiellement pour des raisons de non-conformité au cahier des charges). Parmi les cinq offres jugées
recevables, quatre proposaient un prix d’achat supérieur à l’évaluation domaniale à 77
M€. L’offre de
la Foncière des 6
ème
et 7
ème
arrondissements concernant «
un projet comportant des logements et/ou des
bureaux à usage de siège social ou de l’hôtellerie
» est la meilleure offre, à 137
M€.
Le 22 avril 2014, le ministre a donné son accord formel pour sélectionner la meilleure offre (la
Foncière des 6
ème
et 7
ème
arrondissements) et, «
dans la mesure où celle-ci est nettement supérieure à
l’estimation domaniale
», sans effectuer un second tour. L’écart entre cette offre et celle arrivant en
deuxième position était d’ailleurs significatif (+
37
%). Après la publication de l’arrêté du 1
6 juin 2014
autorisant la cession, l’acte de vente est signé le 27 juin 2014.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
105
Annexe n° 8.
Cession d’un appartement 66 avenue Victor Hugo
Descriptif
Appartement situé au troisième étage d’un immeuble Haussmannien, construit en
1913, à quelques dizaines de mètres de la place Victor Hugo. Sur une superficie
de 286 m², il se compose notamment de quatre pièces de réception et de trois
chambres ; le lot comprend en outre deux caves et trois chambres de service de
7 mm² environ chacune, soit une surface totale de 309 m². Cet appartement a été
acquis par l’
État
en 1974 pour en faire le logement de fonction de l’inspecteur
général de l’armée de l’air.
Évaluation
Entre 3,22
M€ (France Domaine, mars 2013) et 2,7
M€ (cabinet Vif Expertise,
septembre 2014).
Procédure
Cession de
gré à gré (à la suite d’une vente par voie d’enchères publiques le
27 juin 2013 déclarée infructueuse).
Date cession
22 juillet 2014
Prix de cession
2,71
M€ net vendeur (hors frais d’agence).
Acquéreur
La SCI Mimizan-Immo.
Situation
actuelle
Jusqu’à preuve du contraire, l’appartement serait toujours la propriété de la SCI
Mimizan Immo.
Une évaluation domaniale manifestement trop élevée mais régulièrement mise à jour
Une première évaluation a été réalisée en mars 2013 par le SLD75 en vue de notifier à la ville
de Paris l’intention d’aliéner le bien par voie d’enchères publiques, et de la solliciter pour purger le droit
de priorité. La valeur du bien était estimée à 3,2M€ (en réponse, la ville de Paris a indiqué par lettre du
8 avril 2013 qu’elle n’avait pas l’intention d’exercer ce droit sur ce bien).
Cette estimation était principalement basée sur des éléments de comparaison avec des ventes
réalisées récemment pour des biens de ce type et de ce standing. En marge du rapport d’évaluation,
l’adjointe au
chef de service, mentionnait son accord tout en soulignant «
un contexte immobilier très
incertain et difficile pour les appartements supérieurs à 3
M€
», et préconisait par conséquent une mise
à prix à
25 %, soit 2,4
M€, mais avec un prix de réserve «
qui ne pourrait être en-dessous de 3
M€
».
Finalement, la vente aux enchères publiques a eu lieu le 25 juin 2013 à la Chambre des notaires
de Paris. Une seule offre pour 2,61
M€ a été présentée, inférieure au prix de réserve de 3
M€. En
conséquence, l’adju
dication a été déclarée infructueuse.
Comme l’a observé la Commission pour la transparence et la qualité (CTQ) des opérations
immobilières de l’
État
, dans son avis du 31 mars 2014, l’article R.
3111-7 du code général de la propriété
des personnes publiques dispose que «
la cession d’un immeuble peut être faite sans appel à
concurrence
: (…) 3°
Lorsque l’adjudication publique a été infructueuse
». Le SLD75 s’est donc orienté
vers la commercialisation par un prestataire externe spécialisé.
En juillet 2013, un marché public à procédure adaptée a été lancée pour désigner une agence de
commercialisation spécialisée dans le résidentiel haut de gamme, et abouti le 2 août 2013 à un accord
de commercialisation avec l’agence Marceau Immo, sur la base d’une fourchette d’estimations
comprises entre 2,8
M€ et 3
M€, et d’un prix de présentation de 2,9
M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
106
Dans le même temps, en septembre 2013, France Domaine a sollicité une expertise privée, le
cabinet Vif Expertise, qui a procédé à une estimation sur la base deux méthodes : par capitalisation de
la valeur locative de marché (2,1
M€) et par comparaison (2,7
M€). Le cabinet a proposé de retenir cette
dernière méthode au motif qu’elle rendait mieux compte de la valeur économique de cet actif. Son calcul
a tenu compte d’un coût prévisible de travaux de rénovation de l’appartement pour 200
00
€. Cette
nouvelle expertise, après l’estimation réalisée par l’agence Marceau Immo, a conduit le SLD75 à réviser
à la baisse son estimation initiale (3,22
M€) et a conclu à une valeur, tra
vaux compris, entre 2,67
M€ et
2,8
M€, dans un rapport daté du 5 février 2014.
A la suite de la campagne de commercialisation, au cours de laquelle l’agence Marceau Immo
a été très transparente sur ses diligences et ses résultats, et a régulièrement tenu informé le SLD75,
notamment de la principale objection, formulée par les clients, liée à la nécessité de réaliser des travaux
de remise en état, mais aussi d’une érosion des prix accompagnée d’un gonflement des stocks, en
particulier des biens de surface supérieure à 200 m², le SLD75 a accepté de baisser le prix de présentation
de 2,9
M€ à 2,7
M€. Une offre à 2,65
M€, déposée en novembre 2013, a ainsi été refusée.
Finalement, le 29 janvier 2014, une offre à 2,71
M€ net vendeur, donc très légèrement
supérieur
e à l’expertise di cabinet Vif Expertise et au prix de présentation de l’agence Marceau Immo
(soit une offre d’achat à 2,78
M€, frais d’agence –
69 500
€ TTC –
inclus), a été présentée et acceptée.
L’offre émane de M. Robert Dahan, mandataire de la SCI Mim
izan, créée en 2011, détenue par la société
Sarjel Immo qui est elle-même une filiale du groupe Sarjel, SAS créé en 1992, qui compte plus de 70
magasins sous les enseignes Franprix et Leader Price. La SAS Sarjel est dirigée par Holding HDR dont
le président est M. Robert Dahan.
La CTQ a émis un avis favorable sur cette cession, considérant que le lancement d’une seconde
procédure d’adjudication n’aurait présenté aucune garantie, que le cabinet en charge de la
commercialisation avait été suffisamment transpa
rent et qu’enfin l’offre finale n’était inférieure que de
0,9
% à la moyenne de la fourchette de l’évaluation domaniale du 5 février 2014, ce qui est compatible
avec la marge de négociation traditionnellement reconnue aux service des France Domaine.
Hormis
le fait qu’elle est un exemple de recours à une expertise privée assez efficace et de
mise à jour régulière de l’estimation domaniale qui s’affine au fur et à mesure de l’amélioration
de la connaissance du marché, cette opération n’appelle pas d’observati
on.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
107
Annexe n° 9.
Cession de la caserne de la Pépinière
Descriptif
La caserne de la Pépinière est située rue de Laborde dans le 8
ème
arrondissement.
E
lle a été occupée jusqu’en 2016 par le centre marine de la Pépinière. Le site, qui
représente une surface de plancher globale près de 17 000 m², se compose de deux
bâtiments : un bâtiment dit « casernement » sur rue, dont la construction remonte
au XVIIIe siècle, remaniée sous le Second Empire ; un bâtiment « administratif »
sur cour, construit en 1950.
Évaluation
85
M€ en février 2014 par France Domaine
Procédure
Appel d’offres à un seul tour
Date cession
9 janvier 2015
Prix de cession
118,5
M€
+ un complément de prix de 19
M€
, versé en 2016, compte tenu de la
reconversion confirmée en immeuble
de bureaux par l’acquéreur
.
Acquéreur
La SCI Eurosic Saint Augustin, société foncière spécialisée dans la location
d’immeubles de bureaux, créée en octobre 2014
par un groupement composé de
la société EUROSIC
43,
d’ACM Vie SA et du Crédit Agricole
Assurances. Elle est
aujourd’hui dénommée SCI ACM Saint Augustin.
.
Situation
actuelle
Le site accueille depuis octobre 2018 le siège de Gide Loyrette Nouel, cabinet
d'avocats d'affaires international français, sous statut d’association d'avocats à
responsabilité professionnelle individuelle (AARPI).
Une cession incluse dans
l’accord global avec la v
ille de Paris
La caserne de la Pépinière se situant dans la zone urbaine générale du PLU de Paris, l’ensemble
immobilier se trouvait soumis aux conditions particulières de la zone de déficit en logement social sans
figurer sur la liste des emplacements réservés en vue de la réalisation de logements inscrits au bénéfice
de la ville de Paris. Dans une zone de déficit en logement social, tout projet entrant dans le champ
d’application du permis de construire comportant des surfaces d’habitation doit prévoir d’affecter au
logement social au moins 25 % de la surface hors œuvre nette destinée à l’habitation. Cette obligation
concerne aussi bien les projets de construction neuve, de restructuration lourde ou de changement de
destination dès lors que la surface hors œuvre nette d’habitation est supérieure à 800 m². Toutefois, si le
projet ne comporte aucune surface d’habitation, la création de logement social ne p
eut être imposée par
la ville de Paris dans cette zone
44.
La situation est différente lorsque le bien immobilier se situe sur un
43
Eurosic est une société d’investissement immobilier cotée (SIIC) qui détient et gère un patrimoine
évalué à près de 3
Md€ fin 2014, principalement composé de bureau
x, situés à Paris, en première couronne
parisienne et dans les grandes métropoles régionales. En septembre 2016, Eurosic a acheté la Foncière de Paris
qui avait elle-même fusionné, en mai 2015, avec la Foncière des 6
ème
et 7
ème
arrondissements de Paris, propriétaire
de l’
ensemble Bellechasse-
Penthemont. L’ensemble a été intégré en août 2017 au groupe immobilier Gecina qui
est
ainsi devenu la quatrième foncière européenne et la première dans le domaine de l’immobilier de bureaux. Il
détient aujourd’
hui un patrimoine total de 19,5
Md€, où l’on trouve donc deux anciens immeubles du ministère
des armées.
44
Note de la SCP Bresjanac
Savary de Beauregard du 11 avril 2013.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
108
emplacement réservé pour le logement social (LS 25%, LS50 %, LS 100 %). Dans ce cas, tout projet de
construction ou de rénovatio
n sur le site devra satisfaire à l’obligation de réaliser la proportion indiquée
de logements sociaux.
Par courrier du 4 mai 2012, la ministre du budget et des comptes publics proposait que trois
opérations de reconversion de casernes militaires (caserne de Reuilly, caserne de la direction de la
gendarmerie nationale et caserne Lourcine) s’accompagnent de la construction de 50 % de logements
sociaux. À
contrario, d’autres cessions, parmi lesquelles la caserne de la Pépinière, seraient réalisées
sans contra
inte particulière d’affectation.
Par courrier du 7 juin 2013, adressée au préfet de la région d’Ile
-de-France, préfet de Paris, le
maire de Paris indiquait être d’accord pour permettre la transformation de deux sites portant sur un peu
plus de 30 000 m² SHON, le 26 bis rue de Saint Pétersbourg (12 500 m²) et la caserne de la Pépinière
(18 000 m²) dès lors que 6 500 m² seraient affectés à du logement social. Sous la réserve de la réalisation
des 6
500 m² de logements sociaux sur le premier site, le maire s’e
ngageait à permettre la cession de la
caserne de la pépinière sans autre contrainte particulière que celle du PLU. En conséquence, le maire de
Paris souhaitait avancer simultanément sur ces deux dossiers.
Par courrier du 10 juillet 2012, le Premier ministre demandait au préfet de la région Ile de
France, préfet de Paris, de se rapprocher de la ville de Paris pour examiner sans délai la possibilité et
l’opportunité de lancer des programmes de logement sur les parcelles visées par le maire. Par lettre du
2 septembre 2013, le ministre délégué chargé du budget apportait son consentement au compromis ainsi
trouvé et actait la possibilité de céder la caserne de la Pépinière sans contrainte de logement social.
Une évaluation dont l’ordre de grandeur avait été rendu public avant le lancement de l’appel d’offre
En juillet 2012, le service local des Domaines évaluait le bien à 87 M€ en suivant la méthode
du compte à rebours promoteur et à 85 M€ sur la base de la méthode par comparaison. Pour cette
dernière, le service avait appliqué une décote de 40 % au prix moyen des cessions observées pour les
transactions du secteur. Il a ainsi ramené le prix du m² de 10
000 € à 6
000
€. Cette décote était justifiée
par l’état moyen des bureaux ne satisfaisant pas aux normes et a
ux standards du marché, par
l’augmentation des coûts de la construction, par l’importance des surfaces et par celle des circulations
dans les deux bâtiments. Au prix du marché et hors décote, le bien aurait été estimé à plus de 125 M€.
Pour sa part, le con
seil privé des Domaines, la société AOS STUDLEY évaluait le bien à 91 M€ pour
une valorisation en tertiaire, à 81,5 M€ pour une transformation en hôtel et à 70,3 M€ pour des logements
libres.
Suite à un métrage plus précis des bâtiments qui avait réduit la surface utile, AOS STUDLEY
révisa son évaluation en janvier 2014 en estimant à 85 M€ la valeur vénale du bien en cas de valorisation
en tertiaire, à 75,5 M€ la valeur pour une transformation en hôtel et à 56 M€ pour du logement libre. En
février 2014, le
service local des Domaines confirmait son évaluation précédente à 85 M€.
Par courrier du 11 février 2014, le directeur régional des finances publiques proposait à la chef
du service France Domaine de notifier un
prix de cession de 85 M€ à la v
ille de Paris. Il rappelait par
ailleurs le compr
omis trouvé entre l’
État et la ville de Paris selon lequel la cession de la caserne de la
Pépinière pouvait être réalisée sans contrainte de logement social.
Dans une note pour les ministres en date du 24 février 2014, le directeur général des finances
publiques demandait un approuvé pour la notification
de l’intention d’aliéner à la v
ille de Paris pour un
montant de 85 M€ afin de purger le droit de priorité de la ville. Cette note rappelait l’ac
cord conclu entre
l’
État et la v
ille de Paris en vue d’une cession de la caserne libre de toute contrainte de logement social.
La notification de l’intention d’aliéner a été effectuée par lettres des 19 et 27 mars 2014. Par
courrier du 15 avril 2014, le secrétaire général de la ville de Paris informait le service des domaines que
la v
ille n’avait pas l’intention de se porter acquéreur. Une notification complémentaire de l’intention
d’aliéner fut effectuée le 30 avril 2014 en raison de l’oubli d’un tréfonds, sans incidence sur le
prix, dans
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
109
la précédente notification. Par courrier du 6 mai 2014, la v
ille confirmait qu’elle n’avait pas l’intention
de se porter acquéreur.
La purge du droit de priorité permettait de lancer la procédure d’appel d’offres. Il doit être
observé qu’une valeur vénale de 91 M€ pour la caserne de la Pépinière avait été mentionnée dans un
rapport du Sénat de 2012 sur le projet de loi de finances de 2013, mis en ligne sur le site du Sénat. Cette
valeur correspondait à l’estimation des domaines réalisée en 2009.
Un appel d’offres affecté par des questions sur la nature du casernement
La procédure d’appel d’offre a été lancée avec la mise en ligne de l’avis d’appel à candidatures
sur le site des cessions de l’
État le 7 juillet 2014, complétée par des annonces dans la presse et une
plaquette bilingue (français/anglais). L’ensemble des informations concernant la procédure a été mis à
disposition sur le site ministériel des cessions. Le nombre de mots de passe attribués (153) et celui des
visites (105) témoignent de
l’intérêt suscité par cette opération. Les visites se sont déroulées du 16 juillet
au 19 septembre 2014. La date limite de dépôts des offres était fixée au 21 octobre 2014.
Le dossier de consultation contenait notamment les renseignements d’urbanisme selo
n lesquels
le site se situait dans une zone urbaine générale et dans une zone en déficit de logement social mais qu’il
n’était pas grevé d’une servitude en vue de la réalisation de logements sociaux. Par courrier du 24 juin
2014, adressé au chef du service France Domaine de Paris, le
directeur de l’urbanisme de la v
ille de
Paris confirmait que la v
ille de Paris s’était engagée à permettre la cession de la caserne de la Pépinière
sans contrainte particulière autre que les dispositions du PLU en vigueur. Ce courrier ne figurait
cependant pas dans les documents mis à dispositions des candidats potentiels.
Cette absence n’était pas indifférente dans la mesure où un certain nombre de candidats
s’interrogeaient sur la nécessité ou non de prendre en compte une obl
igation de construire des logements
sociaux dans leur offre. La fiche questions / réponses du 10 octobre 2014 contient une interrogation
rel
ative à l’interprétation de la ville de Paris sur le casernement au regard des règle d’usage en vigueur.
La réponse
communiquée à l’ensemble des candidats potentiels invitait ceux
-ci à prendre
l’attache des
services de la v
ille. Or cette question et la réponse n’étaient pas neutres. En effet, l’auteur de la que
stion
semblait craindre que la ville considère le casernemen
t comme un bien à usage d’habitation qui, dès
lors, aurait été soumis, en cas de permis de construire, à une obligation de réaliser 25 % de logements
sociaux sur la surface considérée. Une telle analyse avait pour conséquence de réduire la valeur vénale
du
bien, affectée dès lors, en partie d’une servitude de logement social. Si au
contraire la ville ne
considérait pas la partie casernement de l’ensemble immobilier comme un bien à usage d’habitation,
alors le bien était effectivement libre de toute obligation dans le domaine du logement social.
En ne portant pas l’accord entre l’
État et la v
ille de Paris à la connaissance des candidats, l’
État
prenait le risque de n’obtenir que des offres minorées au regard d’une éventuelle requalification du
casernement en
local à usage d’habitation. Il peut d’ailleurs être observé que si l’esprit de l’accord entre
l’
État et la v
ille excluait clairement la construction de logements sociaux sur l’emprise de la caserne de
la Pépinière, la lettre de cet accord n’était pas dépourvue d’ambiguïté sur
ce point dans la mesure où la
v
ille ne faisait que renvoyer au PLU. Or le renvoi au PLU ne permettait pas de lever l’hypothèque d’une
qualification du casernement en immeuble à usage d’habitation. Le sujet était manifestement prégnant
dans la mesure où d’autres questions étaient posées sur le casernement, en particulier celle de savoir si
les surfaces relatives au casernement n’avaient pas été à une époque antérieure supérieures aux surfaces
actuelles.
La commission d’ouverture des plis s’est réunie le 22 octobre 2014. Le procès
-verbal indique
que 11 dossiers de candidatures d’achat ont été déposés, les opérations de dépôt des dossiers n’appelant
pas d’observation. La société ADIM a présenté une marque d’intérêt non assortie d’une offr
e financière.
Cinq dossiers de candidatures ont été jugés irrecevables
:
FINAPAR n’a pas déposée de dépôt de
garantie, de même que NEXITY
; l’offre d’AVIVA n’était pas conforme au cahier des charges et elle
n’agréait pas expressément les projets d’acte d’acquisition et de convention d’occupation
; ATAREA
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
110
n’avait pas versé le dépôt de garantie
; SOFERIM avait fait mention d’une réserve de réitération de
l’offre en conseil d’administration programmé ultérieurement.
Cinq dossiers de candidature étaient jugés recevables
: GDG Investissements (40 M€)
;
INIBAIL RADAMCO (85, 064 M€)
; ERABLE INDUSTRIE
: 100,75 M€
; AXA REAL ESTATE
5110 M€)
; EUROSIC (118,5 M€). Parmi ces dossiers, quatre d’entre eux présentaient une offre
supérieure à l’évaluation domaniale (85 M€). Par ailleurs, l’offre d’EUROSIC, qui portait sur un projet
mixte de bureaux et de logements, comportait un complément de prix de 19 M€ conditionné par
l’obtention de toutes les autorisations nécessaires à la réalisation d’un projet intégralement en bure
aux.
La commission observait un écart de près de 8 % entre la première offre et la deuxième, hors
complément de prix proposé par le mieux-disant, et de près de 9 % entre la deuxième et la troisième.
Postérieurement à l’ouverture des plis mais antérieurement au choix de l’offre par le ministre
en charge du Domaine, deux interventions de la ville de Paris faisaient craindre la remise en cause de
l’accord conclu entre l’
État et la ville de Paris sur la caserne de la Pépinière.
Par courrier du 28 octobre 2014 au Premier ministre, la Maire de Paris indiquait vouloir réétudier
cet accord en arguant du non-
respect par l’
État de ses engagements concernant la cessions des sites
situés 4 rue de Lille et 26 bis rue de Saint-
Pétersbourg. Or l’
État ne faisait pas obstacle à la cession de
ces deux sites assortie d’une contrainte de logement social et il acceptait l’application de la décote prévue
à l’article L 3211
-7 du CG3P. Seule la finalisation des cessions se heurtaient à des difficultés.
Par ailleurs, un courrier de
l’adjoint à la Maire de Paris chargé du logement et de l’hébergement
d’urgence, adressé à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, attirait
l’attention de la ministre sur l’offre de «
Toit et Joie » qui prévoyait la construction de 6 600 m² de
logements dont 100 logements sociaux et de 9
800 m² de bureaux pour un montant total de 40 M€
45
. Le
courrier précisait que l’ambition sociale portée par cette offre constituait une orientation qui s’imposait
au regard du PLU et du règlement municipal de la ville de Paris. Il rappelait que le PLU en vigueur
impliquait la réalisation de 25 % de logements sociaux dans toutes les opérations de logements de plus
de 800 m² de SHON, ce taux devant être porté à 30 % dans le cadre de la prochaine modification du
PLU et du p
rogramme local d’habitat de la ville. Il soulignait qu’au titre de l’article L 631
-7 du code de
l’habitation, la caserne de la Pépinière correspondait à des locaux destinés à l’habitation, ce qui
impliquait d’y réaliser un minim
um de 30 % de logements sociaux conformément au PLU. Il précisait
que si le projet retenu prévoyait une transformation de la caserne pour des usages autres que le logement,
il conviendrait d’appliquer le règlement municipal sur le changement d’usage des locaux d’habitation et
donc de compenser la surface de logement perdue par le double.
Par note pour le ministre en charge du domaine, en date du 18 novembre 2014, le directeur
général des finances publiques rendait compte au ministre de la procédure d’appel
d’offres pour
l’acquisition de la caserne de la Pépinière et l’alertait sur la sensibilité de cette cession.
La note rappelait l’accord intervenu par échange de lettres des 7 juin et 2 septembre 2013 entre
le ministre délégué chargé du budget, le maire de Paris et le préfet de la région Ile-de-France sur la
cession libre de toute contrainte en contrepartie du report de la quotité de logement social pesant sur ce
bien sur l’immeuble du 26 bis rue de Saint Pétersbourg. Elle soulignait que cependant il n’ava
it pas été
possible d’obtenir de la ville de Paris de courrier confirmant cette cession libre d’affectation, ce qui avait
pesé sur le niveau des offres. Elle rappelait les deux interventions de la v
ille d’octobre 2014.
La note indiquait également que, par courrier du 28 octobre 2014, la société AXA REAL
ESTATE, qui avait déposé la seconde meilleure offre, sollicitait la tenue d’un second tour dans le cadre
de la procédure d’appels d’offres afin de lever les incertitudes qui pesaient selon elle sur cette ces
sion
45
Il s’agit en fait de l’offre de GDG Investissement, société foncière privée spécialisée
dans la
restructuration lourde, qui avait conclu un accord avec la société Toit et Joie (SA d’HLM dépendant du Groupe
Poste Habitat) en vue de la vente en état futur d’achèvement des logements sociaux.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
111
et, plus précisément, sur l’existence d’une obligation de maintenir une part de logements sur le site. La
société soulignait d’une part, l’absence de réponse formelle du service du Domaine sur la quest
ion de
l’exigence ou non de la ville de maintenir une part de logements sociaux sur le site et, d’autre part, les
propos du secrétaire général pour l’administration devant la Commission de la défense nationale et des
forces armées qui, alors que la procédure n’était pas close, aurait affirmé que la caserne n’était pas
soumise à l’obligation de maintenir des logements et qu’elle pouvait donc faire l’objet d’un programme
immobilier constitué uniquement de bureaux. Ces éléments lui paraissaient susceptibles de constituer
un manquement aux ob
ligations de publicité et de mise en concurrence dans le cadre d’un marché public.
La note faisait valoir qu’il ne s’agissait pas d’une procédure de marché public et soulignait que
le conseil juridique de France Domaine avait conclu qu’il ne pouvait être
reproché au service un manque
de transparence ou une inégalité de traitement des candidats. Selon cette analyse, il appartenait aux
candidats d’intégrer l’incertitude liée à la qualification du casernement en logement et d’en tenir compte
dans leur offre,
ce qu’EUROSIC avait parfaitement fait. France Domaine préconisait de retenir cette
offre établie à 118,5 M€ et assortie d’un complément de prix de 19 M€ conditionné par l’obtention de
toutes les autorisations nécessaires à la réalisation d’un projet intégr
alement en bureaux.
Cette proposition fut validée par le ministre le 1er
décembre 2014. Le 4 décembre, l’acceptation
de cette offre était notifiée au PDG de la société EUROSIC.
Un acte de cession assorti d’une clause atypique de complément de prix
L’acte
de cession en date du 9 janvier 2015 comporte trois clauses de compléments de prix. La
première concerne une éventuelle revente dans un délai de cinq ans. Dans cette hypothèse, l’acquéreur
reverserait à l’
État 35 % de la plus-value nette réalisée. Le second complément de prix serait dû en cas
de cession de droits de commercialité. Dans cette hypothèse, l’Acquéreur verserait à l’Etat un
complément de prix égal à 50 % du produit de la vente de ces droits.
Si ces deux clauses sont classiquement introduites dans les actes de vente des cessions
immobilières de l’
État
, la troisième est plus inhabituelle. L’acte de vente indique que le prix de vente de
l’immeuble a été déterminé au vu des éléments communiqués dans le dossier d’informations et du projet
de ‘Acquéreur consistant en la réalisation d’un programme de construction à destination de bureaux
pour partie et d’habitation pour environ 3
718 m² de surface de plancher correspondant à la surface des
casernements. Les parties conviennent qu’en cas de réalisation par l’Acquéreur d’un programme de
construction dans lequel l’ensemble des surfaces sera affecté à la construction de bureaux, l’Acquéreur
versera à l’
État
un intéressement correspondant à 19 M€. Une telle clause, résultant d’une incertitude
des règles d’ur
banisme applicables au bien cédé au moment de la conclusion de la vente, apparaît tout
à fait inhabituelle pour les cessions de l’
État.
Par acte complémentaire en date du 4 octobre 2016, l’Acquéreur a versé à l’
État le montant de
19 M€ convenu dans l’acte
principal. En effet, la ville de Paris avait autorisé, dans le permis de construire
accordé à EUROSIC, l’usage intégral en bureaux, sans retenir le moyen qu’elle avait un temps mis en
avant vis-à-
vis de l’
État
, d’assimiler les locaux de casernement à de l’habitation.
La procédure de cession de la caserne de la Pépinière par appel public à candidatures a
indéniablement été affectée par l’incertitude qui demeurait quant à l’obligation de réaliser des
logements sociaux sur le site. Si l’
État considérait que
l’échange de lettres des 7 juin et 2 septembre
2013 permettait une cession libre de toute contrainte de logement social, le seul renvoi de la ville
de Paris aux dispositions du PLU introduisait une ambiguïté sur ce point, comme l’attestent la
double intervention de la ville en octobre 2014. Alors que les questions posées par les candidats
dans le cadre de la procédure témoignent de l’influence de ce sujet sur le contenu des offres, les
réponses apportées par le service des Domaines, qui renvoyait chaque candidat vers la ville, ne
pouvaient lever cette ambiguïté. Une telle incertitude apparaît de nature à avoir affecté l’égalité
de traitement entre les candidats dans la mesure où cette égalité se trouvait dépendre des réponses
que la ville apporterait à chacu
n d’entre eux. Alors que l’offre de GDG Investissement (Toit et
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
112
Joie) semble intégrer l’application d’une décote logement social, seule celle d’Eurosic retient
formellement la possibilité d’une cession libre de contrainte. Faute d’avoir pu lever l’ambiguït
é
relative à la qualification du casernement, l’
État
n’a ainsi pu pleinement optimiser la cession de
la caserne de la Pépinière.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
113
Annexe n° 10.
Cession de l’Hôtel d’artillerie
Descriptif
L’Hôtel
de l’a
rtillerie est situé
place Saint Thomas d’Aquin
dans le 7
ème
arrondissement. Il s’agit d’un
ensemble immobilier dont les origines remontent au
XVIIème siècle, entièrement rénové en 2008. Il occupe
l’emplacement de l’
ancien
couvent des Dominicains. Il est composé de quatre bâtiments. Le site était
notamment occupé p
ar le contrôle général des armées jusqu’à la libération des
lieux par le ministère des armées. La surface du terrain est de 9 300 m², et la
surface de plancher de 11 300 m².
Évaluation
Entre 120
M€ (France Domaine, 2013) et 90
M€ (France Domaine juin 2014
)
Procédure
Gré à gré
Date cession
23 décembre 2016
Prix de cession
87
M€
Acquéreur
Fondation nationale des sciences politiques
Situation
actuelle
Les travaux ont commencé début 2019 par les phases de curage et de
désamiantage, et la démolition en
mars d’un
bâtiment datant des années 1920. Le
gros-
œuvre a débuté à l’été 2019. La livraison était prévue pour l’année scolaire
2021-2022.
Un intérêt de Sciences Po pour l’Hôtel de l’Artillerie manifesté depuis 2011
L’intérêt de Sciences Po pour ce site,
que le ministère de la défense envisageait de vendre dans
le cadre du projet Vauban, est ancien. Par courrier du 15 février 2011, le directeur de Sciences Po avait
écrit au Directeur de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, au ministère de la défense et des anciens
combattants, pour lui faire part de l’intérêt de l’institution qu’il dirigeait pour le site. Par courrier du
20
avril 2011, le Directeur de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives lui avait indiqué qu’il avait
transféré sa demande à France Domaine, en charge des aliénations. Par bordereau du 9 mai 2011, adressé
au Chef du service France Domaine Paris, le ministère de la Défense avait informé celui-
ci qu’une visite
du site était organisée le 17 mai suivant et que le service France Domaine Paris y était convié.
Par Courrier conjoint du 16 novembre 2011, le directeur de Sciences Po et le Président de
Sorbonne Paris Cité, avait adressé à la Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de
l’
État
, une lettre d’intention en vue de
l’acquisition du site afin que le Pôle de Recherche et
d’Enseignement Supérieur Sorbonne Paris Cité y installe un collège universitaire conçu sur le modèle
de ceux d’Oxford. La lettre soulignait que le ministre de la Défense et le chef de son Cabinet mili
taire
avait accueilli très favorablement ce projet, de même que le Maire de Paris dont une lettre annexée, en
date du 11 juillet 2011, témoignait d’un appui sans réserve. La cession devait s’inscrire dans le régime
juridique des cessions de gré à gré régi
par l’article R. 129
-
5 du Code du domaine de l’
État, pour un prix
proposé de 130 M€ hors taxes et hors droits, payé comptant et en totalité par l’acquéreur le jour de la
signature de l’acte authentique de vente. Le courrier précisait que le ministère de la
Défense pourrait
maintenir ses services sur le site jusqu’à la fin de l’année 2014 en contrepartie du versement d’un loyer
annuel représentant 3 % du prix versé. L’opération serait financée par crédit
-bail. Dans une note du
16 février 2012, adressée à la directrice de cabinet du ministre délégué au budget, Sciences Po avait
présenté une actualisation des hypothèses de travail relatives au financement de l’acquisition de l’Hôtel
de l’Artillerie. Le financement envisagé serait un crédit
-
bail sur 15 ans, l’ét
ablissement financier
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
114
devenant propriétaire du bien immobilier et le crédit-
preneur disposant d’une option d’acquisition à
l’échéance du crédit
-
bail, à un prix couvrant l’encours résiduel de celui
-
ci. Le prix d’acquisition hors
droit restait fixé à 130 M€.
Si la cession, réalisée comme le souhaitait Sciences PO selon la procédure de gré à gré, a
finalement été conclue en 2016, soit cinq ans après l’envoi de la lettre d’intention du directeur de
l’établissement, différents facteurs ont concouru à ce que les
conditions financières de la vente soient
moins favorables à l’
État.
Des évaluations initiales proches du prix proposé en 2011
Un rapport d’estimation du 29 janvier 2009 avait retenu une valeur vénale de 10
4
M€ pour une
surface provisoire de 10 000 m², en l’absence d’un métrage précis par un géomètre
-expert. Ce document
précisait que, sur le plan de l’urbanisme, l’ensemble immobilier était situé dans le plan de sauvegarde
et de mise en valeur du 7ème arrondissement, en zone urbaine générale avec un droit de préemption
simple. Il figurait dans un périmètre de protection des monuments historiques. L’immeuble était inscrit
et classé. Le bâtiment 5 devait être démoli sans possibilité de reconstruire. L’estimation
avait été réalisée
selon la méthode par comparaison, en prenant pour référence les cessions récentes intervenues dans le
quartier pour un prix se situant dans une fourchette de 8316 € à 13 000 €/m². Pour les bâtiments 01,03
et 04, qui constituaient des bur
eaux de très bonne qualité, bénéficiant d’une excellente localisation, la
valeur vénale retenue était de 10 500 €/m², compte tenu d’un ravalement à prévoir et d’une absence
d’espaces modulables pour le bâtiment 01, soit au total 105 M€ sur la base de l’est
imation provisoire
des surfaces. La plus-
value pour l’espace vert à aménager à l’emplacement du bâtiment 05 était évaluée
à 1,52 M€, la valeur de l’ensemble étant arrondie à 107 M€. Sur la base du métrage réalisé ultérieurement
par un géomètre-expert (11 7
35 m²), l’estimation aurait été de 125 M€.
L’estimation du bien avait d’ailleurs été réévaluée à 120 M€ en 2013 dans le cadre de la
comptabilité patrimoniale de l’
État. Dans une note du 25 septembre 2013, les services des domaines
évaluaient l’ensemble à 117 M€ soit une valeur très proche de celle figurant dans Chorus (120 M€)
laquelle avait été conservée. Les bureaux du bâtiment 01 étaient valorisés à 11 000 €/m² (soit 66 M€) et
ceux des bâtiments 03 et 04 à 10 000 €/m² (soit 48 M€). A ces estimations s’aj
outait la valorisation du
jardin qui serait aménagé à la place du bâtiment 05, soit 3 M€.
Une incidence de la mobilisation du foncier public en faveur du logement social à Paris sur la valeur
vénale de l’Hôtel de l’Artillerie
Les valorisations mentionnées ci-dessus avait été réalisées en prenant en compte les contraintes
d’urbanisme alors en vigueur. Ces contraintes résultaient du plan local d’urbanisme (PLU) et du plan de
sauvegarde et du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7ème arrondissement.
Dans un courrier du 24 janvier 2014 adressé au ministre de la défense, le préfet de la région
d’Ile de France, préfet de Paris, indiquait que, par lettre du 10 juillet 2012, le Premier ministre lui avait
confié la mission de mobiliser le foncier de l’
État
à Paris, dans le cadre de l’effort national de
construction en faveur du logement, notamment social. Un rapprochement avec la ville de Paris en
concertation avec les services de France Domaine et les ministères concernés était demandé. La loi dite
« Duflot » du 18 janvier 2013 avait complété le dispositif.
Le préfet rappelait que le Plan de Sauvegarde et de Mise en valeur (PSMV) du 7ème
arrondissement était en cours de révision depuis 2006. Ce plan comporterait des dispositions relatives à
un rééquili
brage de l’offre en matière de logement social qui définiraient la valeur patrimoniale des
bâtiments. Le projet
46
prévoyait, à la demande de la v
ille de Paris, une proportion d’au moins 30 % de
46
Le projet de PSMV sera mis en enquête publique à l’é
té 2014, pour une entrée en vigueur début 2015.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
115
logements sociaux pour tout programme d’habitation dont la surf
ace de plancher était supérieure à 800
m². Des projets de cessions de terrains d’
État sans minoration avaient été établis, avec en contrepartie
une compensation de la quotité de logements sociaux sur d’autres biens afin d’obtenir un meilleur
résultat globa
l en création de logements sociaux et en produit financier pour l’
État. Le PSMV prévoyait
d’instaurer des emplacements réservés à la construction de logements sur l’îlot Saint
-Germain, hors
Hôtel de Brienne, et l’Hôtel de l’Artillerie, avec un quota de 30
% des surfaces réservées aux logements
sociaux, quelle que soit la nature du projet de réaménagement de ces îlots. En contrepartie, la ville de
Paris acceptait que l’îlot Penthemont
-Bellechasse soit cédé sans emplacement réservé aux logements,
au regard notamment de ses caractéristiques patrimoniales et architecturales. Dans ce courrier, le préfet
proposait de mettre en place un dispositif de pilotage commun entre les services de la préfecture, ceux
de de la défense, France Domaine et la ville de Paris, en vue de préciser les conditions de cession et de
réalisation des opérations immobilières concernant l’îlot Saint Germain et l’Hôtel de l’Artillerie.
Par courrier du 6 février 2014, le préfet de la région d’Ile de France, préfet de Paris, faisait part
au mi
nistre délégué chargé du budget de ces éléments auxquels s’ajoutaient d’autres informations
concernant des sites parisiens affectés à d’autres ministères que le ministère de la défense.
La valeur patrimoniale du site de l’Hôtel de l’Artillerie devait être
affectée par les mesures
nationales et par les décisions prises par la ville de Paris dans le cadre de la politique de mobilisation du
foncier public en faveur du logement social. Le site s’est ainsi trouvé grevé d’une obligation de
construire des logement
s sociaux sur 30 % des surfaces à l’occasion de toute opération nécessitant le
dépôt d’un permis de construire. Une telle obligation ne pouvait que réduire les possibilités de
valorisation du site.
Un nouveau projet de Sciences Po accompagné de réticences du ministère de la défense et une offre
revue à la baisse
En dépit du « pastillage logement social », Sciences Po continua à manifester son intérêt pour
l’Hôtel de l’Artillerie. Dans une note de synthèse du 25 février 2014, adressée au préfet de la régio
n Ile
de France, préfet de Paris, Sciences Po présentait un nouveau projet d’implantation sur le site de l’Hôtel
de l’Artillerie. Elle soulignait que ce projet fournissait une opportunité unique pour parachever le
déploiement et le recentrage de son campus parisien autour du 27 de la rue Saint-Guillaume, pour
constituer le premier campus de type oxfordien au cœur de Paris et se hisser au niveau des meilleurs
standards internationaux. Dix nouvelles salles d’enseignement seraient créées, trois
-cent deux places de
travail supplémentaires pour les étudiants, ainsi que de nouveaux espaces de vie étudiante. Les espaces
dévolus à l’administration de l’enseignement et des formations seraient rationalisés et l’offre
documentaire améliorée. Les activités de recherche seraient regroupées.
Dans un courrier du 28 avril 2014 adressé au préfet de la région Ile de France, le directeur de
cabinet du ministre de la défense soulignait que les contraintes d’urbanisme et de logement inscrites
dans le PSMV auraient un impact sur la valorisation des biens dont le produit de cession constituait une
large part des recettes exceptionnelles prévues dans le cadre de la loi de programmation militaire
2014-
2019. En ce qui concerne l’Hôtel de l’Artillerie, il
relevait que le projet porté par Sciences Po
n’était pas compatible avec la contrainte de réalisation de 30 % de logement social figurant dans le projet
de PSMV. Il indiquait que Sciences Po devrait obtenir une affectation en catégorie des constructions et
install
ations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC) qui l’exonèrerait de
cette contrainte. L’établissement pourrait proposer un quota de 8 % dédié au logement étudiant, soit sur
ce site, soit sur celui du 13 rue de l’Université.
En conclusion, le directeur de cabinet du ministre de la défense indiquait que le ministère
souhaitait que la contrainte puisse logement social puisse être levée dans le cadre d’une dis
cussion
complémentaire avec la ville de Paris. Au regard du caractère stratégique des opérations de cessions
pour le ministère, il indiquait souscrire pleinement à la mise en place du dispositif de pilotage proposé
par le préfet.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
116
Nonobstant la demande du ministère de la défense, la procédure de révision du PSMV se
poursuivait. L’
enquête publique relative à la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur du
7ème arrondissement fut conduite du 26 mai au 26 juin 20 14. Dans son rapport, le commissaire
enquêteur demandait la modification du classement du site de l’Artillerie en
le supprimant de l’annexe
IV du projet de règlement de PSMV relative aux emplacements réservés de logements et de logements
sociaux et en l’incluant à l’annexe III avec une destination d’équipement d’enseignement supérieur.
Cette demande coïncidait avec l
a volonté de Sciences Po de poursuivre l’acquisition de l’Hôtel de
l’Artillerie.
Sciences Po adressa une nouvelle offre d’achat pour le site de l’Hôtel de l’Artillerie pour un
montant de 70 M€, soit une baisse de plus de 45 % par rapport à l’offre initial
e. Dans un courriel du
7
juillet 2014, adressé à la directrice de l’immobilier de l’
État
, le directeur de l’IEP Paris indiquait avoir
transmis à France Domaine Paris un dossier exposant les éléments à prendre en compte pour estimer la
valeur de l’Hôtel de l’Artillerie. Il indique que les experts dont Sciences Po avait sollicité l’appui
estimaient la valeur technique du bien dans une fourchette allant de 48 à 66 M€ compte tenu des travaux
nécessaires pour déployer sur le site une activité de formation et de recherche. Il soulignait que, dans
l’hypothèse où Sciences Po ne serait pas l’acquéreur, la valeur technique serait du même ordre de
grandeur en raison de l’obligation de réaliser 30 % de logements sociaux sur le site, ce qui entraînait
une importante décote de la valeur du bien. Après avoir déroulé différents calculs selon la méthode dite
du « bilan promoteur », justifiant la fourchette mentionnée ci-dessus, il indique que Sciences Po pourrait
articuler une proposition d’achat à une valeur supérieure à la valeur technique calculée (70 M€) de nature
à conforter l’intérêt financier de l’
État.
Une révision de la valeur vénale par les domaines compte tenu des nouvelles contraintes d’urbanisme
Dans une note interne datée du 2 juin 2014, le service local du Domaine de Paris présente les
évaluations réalisées par deux experts privés (AOS Studley et Vif Expertise) ainsi que les siennes
propres. La méthode retenue est celle du « compte à rebours promoteur » en fonctions d’hypothèses de
valorisation du site. Le potentiel de valorisation de celui-ci est examiné en fonction du projet de PSMV
qui prévoit une pastille logement social de 30 %, mais aussi hors pastille logement social et dans le cas
d’un projet de CINASPIC.
En matière d’évaluation, trois méthodes sont usuellement mises en œuvre. La
méthode par
comparaison consiste à rechercher la valeur vénale du bien considéré à partir des prix constatés lors de
transactions de biens comparables. Ainsi, pour la cession de la caserne de la Pépinière (15 rue Laborde
Paris 8è
me), le service des Domaines estime par cette méthode la valeur de la caserne à 85 M€. Il peut
être observé qu’aucune estimation de l’Hôtel de l’Artillerie n’est effectuée sur la base de cette méthode
dans la note interne des Domaines du 2 juin 2014, alors
même qu’une étude de marché est mentionnée
tant pour des logements que pour des bureaux et des Hôtels.
La méthode dite par le revenu
consiste à estimer la valeur vénale d’un bien à partir du loyer
annuel généré par l’investissement et du taux de rendement attendu par l’investisseur. Bien que
l’estimation des Domaines du 2 juin 2014 mentionne des moyennes de loyers pour des immeubles
restructurés et des taux de rendement, aucune valeur vénale n’en est déduite.
Seule la troisième méthode dite du compte à rebours promoteur est utilisée par les services des
Domaines afin de déterminer la valeur du site en fonction de son potentiel de reconversion (en bureaux,
en logements y compris une part de logements sociaux ou en hôtel). Cette méthode permet d’estimer la
valeur d’un terrain qui présente des droits à construire. Ces droits sont transformés en surfaces habitables
cédées, le produit de ces cessions formant le chiffre d’affaire de l’opération. De ce chiffre d’affaire sont
déduites les charges de réalisation af
in d’établir la valeur vénale du site concerné (ou charge foncière).
Cette valeur dépend à la fois de l’étude de marché destinée à évaluer les recettes futures mais aussi de
la pertinence des différents ratios de charge appliqués.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
117
Dans le cas d’un pastilla
ge logement social
à 30 %, la valorisation d’un projet comprenant des
bureaux et des logements sociaux s’établirait dans une fourchette de 50 à 74,7 M€ pour les experts
privés, le service des Domaines retenant une valeur domaniale de 61,3 M€. Pour un progr
amme de
logements libres et de logements sociaux, la fourchette de prix des experts privés se situe entre 58 et
64,3 M€, les Domaines retenant une valeur de 62,4 M€. Vif Expertise envisage un programme
comprenant un hôtel, des logements libres et des logements sociaux en retenant une valeur vénale de
71
M€. Dans le cas d’un hôtel avec une résidence sociale étudiante, le même expert retient une valeur
vénale de 53 M€. Pour un programme comprenant des logements libres et une résidence sociale
étudiante, la valeur vénale serait ramenée à 47
M€, selon ce même expert. Pour sa part, AOS envisage
un programme comportant un hôtel, une résidence hôtelière et des logements sociaux avec une valeur
vénale de 61,2 M€.
En l’absence de pastillage logement social
et pour un programme de bureaux, la valeur vénale
pour une acquisition du bien par un propriétaire exploitant s’élèverait à 89 M€ pour Vif Expertise et à
102,8 M€ pour France Domaine Paris. Dans le cas d’une acquisition par un investisseur, les valeurs
vénales de c
es estimations seraient ramenées respectivement à 66 et 84,4 M€. Pour AOS, qui s’est placé
dans le scénario d’une acquisition par un investisseur ayant trouvé un locataire s’engageant sur du long
terme avec un loyer de convenance, la valeur vénale serait p
ortée à 105,1 M€. Dans l’hypothèse d’un
programme de logements entièrement libres, la valeur vénale serait de 77,8 M€ selon France Domaine
Paris et de 91,4 M€ selon AOS.
Dans l’hypothèse d’un CINASPIC sans logements sociaux, la valeur vénale est estimée à
84
M€
par France Domaine Paris, à 90 M€ par Vif Expertise et à 105 M€ par AOS. Avec des logements sociaux,
la valeur vénale serait réduite à 68 M€ pour Vif Expertise et à 65 M€ pour AOS.
En conclusion, France Domaine estimait qu’une valeur pivot de 90 M€,
avec une marge
d’appréciation de +/
-
5 %, pourrait être retenue, la valeur haute de 105 M€ estimée par AOS étant jugée
ambitieuse.
Une proposition d’achat de Sciences Po pour un montant de 70
M€ relevée à 80
M€ après discussions
avec France Domaine
Dans le prolongement des discussions antérieures, le directeur de l’IEP de Paris présenta, le
7
juillet 2014, une nouvelle proposition d’achat pour un montant de 70 M€ sur la base d’un projet de
valorisation du site. Il indiquait que les experts dont Scien
ces Po avait sollicité l’appui estimaient la
valeur technique du bien dans une fourchette allant de 48 à 66 M€ compte tenu des travaux nécessaires
pour déployer sur le site une activité de formation et de recherche. Il soulignait que dans l’hypothèse où
Sc
iences Po ne serait pas l’acquéreur, la valeur technique serait du même ordre de grandeur en raison
de l’obligation de réaliser 30 % de logements sociaux sur le site, ce qui entraînait une importante décote
de la valeur du bien. Après avoir déroulé différents calculs selon la méthode dite du « bilan promoteur »,
justifiant la fourchette mentionnée ci-dessus, il indique que Sciences Po pourrait articuler une
proposition d’achat à une valeur supérieure (70
M€) de nature à conforter l’intérêt financier de l’Et
at.
Faisant suite à cette proposition, une réunion de travail entre les services des domaines et
Sciences Po se tint le 9 juillet 2014 afin d’examiner les différents paramètres du bilan promoteur sur la
base duquel la nouvelle offre avait été établie. Les estimations de France Domaine et des experts privés
de l’Etat avaient été réalisées en établissant, comme il est d’usage, un bilan promoteur HT (en recettes
comme en dépenses). Sciences Po fit alors valoir qu’en sa qualité d’établissement d’enseignement,
son
activité n’entrait pas dans le champ d’application de la TVA et qu’elle ne pouvait pas récupérer la TVA
facturée. Elle demanda en conséquence que la TVA acquittée soit réintégrée dans les charges du bilan
promoteur. Cette demande fut acceptée par France Domaine. Dès lors, le compte à rebours sur lequel
les estimations furent réalisées en vue de définir le prix de cession fut établi au regard de la qualité
spécifique de Sciences Po en présentant des données non homogènes, à savoir des recettes futures
estimées HT et des dépenses prévisionnelles TTC. La réintégration de la TVA dans la partie dépenses
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
118
du bilan promoteur, qui représentait dans la proposition de Sciences Po un montant de 10,5 M€,
diminuait d’autant la charge foncière et la valeur vénale du si
te. Toutes choses égales par ailleurs, la
vente à un investisseur disposant de la capacité de récupérer la TVA aurait augmenté la valeur vénale
du bien de 10,5 M€.
Au cours de cette réunion, France Domaine fit également valoir que certains postes de dépenses
étaient surestimés (en particulier des frais de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre qui étaient très
supérieurs à ceux du marché) tandis que le poste recettes était minorée en retenant une valeur locative
de 488 €/m² pour des bureaux entièrement rénovés alors que la valeur de marché s’élevait à 625 €/m²
HT avec un taux de rendement de 5 %. France Domaine fit également valoir que l’estimation du coût
de l’amphithéâtre prévu était particulièrement élevée. Les services de l’
État
s’interrogeaient sur
l
’opportunité de faire supporter à celui
-ci une telle réalisation. Tout en prenant en compte la réintégration
de la TVA et le coût de l’amphithéâtre, France Domaine estimait alors qu’une valeur de 84,3 M€
constituerait un prix raisonnable.
Par une note du 28 août 2014, Sciences Po accepta de tenir compte de certaines remarques de
France Domaine. En particulier, la valeur locative moyenne était relevée de 488 €/m² à 579
€/m² et le
taux de rendement ramené à 5,25 %. Après prise en compte de ces modifications la valeur CINASPIC
hors droits s’établissait selon Sciences Po à 63,8 M€ contre 58,8 M€ dans le document précédent. Par
ailleurs, Sciences Po relevait un désaccord sur le montant de certaines charges. Elle soulignait que
l’intégration du coût de l’amphithéâtre comme de ceux des locaux de recherche et d’enseignement
attenants est cohérente avec la destination du site acquis. Sciences Po précisait qu’il ne se porterait pas
acquéreur sans ces éléments. Par ailleurs Sciences Po relevait que la valeur locative d
e 625 €/m²
constituait la valeur supérieure de la fourchette évoquée pendant la réunion (de 5757 € à 625 €/m²) ce
qui donnerait une valorisation de 72 M€ à 84,3 M€.
Par courrier du 23 octobre 2014, adressé au directeur régional des finances publiques avec copie
à la cheffe du service France Domaine, le directeur de Sciences Po confirmait son souhait d’acquérir
l’Hôtel de l’Artillerie et formulait une proposition d’achat pour un montant de 80
M€ hors frais et droits
dans le cadre d’une procédure de gré à gré
. Ce courrier précisait que, par rapport au projet présenté par
son prédécesseur, celui qui sous-
tend cette offre avait évolué. Il ne s’agissait plus d’un projet commun
à la communauté d’universités et d’établissements mais d’un projet pour Sciences Po seu
le.
L’instruction technique du dossier avait été approfondie. Le contexte urbanistique avait changé avec le
projet de plan de sauvegarde et de mise en valeur en cours de conclusion qui intégrait notamment
l’obligation de réaliser 30 % de logements sociaux,
la destruction d’un bâtiment et le «
verdissement * »
de cette espace, l’ouverture du site sur la ville. Le courrier soulignait tout l’intérêt de l’acquisition de ce
site pour Sciences PO. Il faisait valoir que pour l’
État, la cession pourrait se réaliser très vite dans la
perspective du projet Balard et à un pris équilibré compte tenu des prescriptions du PSMV. Le chiffrage
des travaux avait été établi par comparaison avec les travaux menés par Sciences Po sur le campus de
Reims pour un coût global de 41,
786 M€ HT de marchés de travaux (2
328 €/m²), soit 66,883
M€ TTC,
y compris aléas et coûts de promotion (3
817 €/m²). Les travaux de l’amphithéâtre
, moins coûteux que
le projet initialement proposé
(18,8 M€)
, auraient un impact positif sur la valorisation
totale de l’Hôtel
de l’Artillerie avec une création nette de valeur de 11,9 M€. Le directeur de Sciences Po indiquait avoir
fait établir un bilan promoteur pour une utilisation en bureaux ou en logements en se fondant sur les
prescriptions du projet de PSM
V. Sur cette base, la valeur résiduelle de l’actif en l’état, hors droits, pour
une occupation en bureaux, était de 52,5 M€ HT et de 61,2 M€ HT pour une occupation en résidentiel.
Il soulignait que l’offre formulée se situait 13,4
M€ au
-dessus de la valeur technique estimée et que le
montant de 80 M€ proposé se situait 10 M€ au
-dessus de la précédente offre.
Par courrier du 31 octobre 2014, le directeur régional des finances publiques accusait réception
au directeur de Sciences Po de l’offre formulée pour acquérir l’Hôtel de l’Artillerie selon une procédure
de gré à gré. Il indiquait que la décision du mode de cession de cet ensemble immobilier n’étant pas
encore arrêtée, il avait saisi l’administration centrale du ministère du budget et des comptes publics
de
ce dossier.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
119
Faisant suite à ce courrier, une nouvelle évaluation du service local des Domaines, en date du
20 novembre 2014, portait à hauteur de 85,3 M€ hors droits la valeur vénale du site de l’Hôtel de
l’Artillerie. La note interne du 20 novembre 2
014 rappelait la valorisation du 2 juin 2014, soit un
montant de 90 M€ avec une marge d’appréciation de +/
- 5 % qui inscrirait le bien dans une fourchette
de 85,5 M€ à 94,5 M€ (la valeur haute de 105 M€ estimée par AOS par assimilation à du bureau étant
ju
gée très ambitieuse). Elle soulignait qu’en dépit du pastillage LS 30 % qui pesait sur la valorisation
du bien, les caractéristiques de l’Hôtel de l’Artillerie en faisaient un produit d’exception susceptible de
susciter
des
offres
d’opportunité
et
hors
norme,
à
l’instar
de
l’acquisition
de
l’Ilot
Penthemont/Bellechasse par appel d’offres le 27 juin 2014 pour 137,5 M€ (soit 12
645 €/m² SDP). La
note rappelait également l’évolution des valorisations réalisées par Sciences Po à l’appui de ses offres.
Elle soul
ignait qu’à la suite des discussions intervenues avec France Domaine Paris et ses conseils,
Sciences Po et ses conseils avait augmenté la valorisation technique du bien en CINASPIC de près de
38 % entre juillet et septembre 2014.
La note détaillait la dernière étude de valorisation présentée par Sciences Po et rappelait la
dernière offre formulée à 80 M€. Elle indiquait que suite à l’enquête publique pour la révision du PSMV,
le commissaire enquêteur avait demandé la modification du classement de l’immeuble
en le supprimant
de l’annexe relative aux emplacements réservés de logements et logements sociaux et en l’incluant à
l’annexe avec une destination d’équipement d’enseignement supérieur. Le commissaire enquêteur
demandait également que des constructions en sous-sol enterrées ou semi-enterrées soient autorisées.
Comme la précédente, la valorisation a été conduite selon la seule méthode du compte à rebours
promoteur. AOS STUDLEY évaluait la charge foncière pour le projet Sciences Po à 86,10 M€ et à
96,4
M€ pour un autre établissement, notamment privé, sur la base d’un bilan promoteur HT, compte
tenu de la récupération de la TVA. Si l’amphithéâtre n’était pas nécessaire, l’expert maintenait une
valorisation à hauteur de 105 M€. ViF Expertise, pour sa part, soul
ignait que le projet de Sciences Po
était fiscalement coûteux (10,5 M€) en raison de l’absence de récupération de la TVA. Après diverses
interrogations sur certaines hypothèses de charges retenues par Sciences Po, l’expert estimait la valeur
d’opportunité de l’acquisition pour Sciences Po à 83 M€. Pour un CINASPIC hors projet de Sciences
Po, la valeur vénale serait de 87 M€ avec la taxe d’aménagement et la redevance pour création de
bureaux et de 90 M€ sans cette taxe et redevance. Pour sa part, France Doma
ine évaluait la charge
foncière dans le cadre du projet de Sciences Po à 85,3 M€, soit un montant qui restait supérieur à la
dernière offre de Sciences Po. Ce montant ne reflétait qu’imparfaitement la valeur vénale du site dans
la mesure où, dans l’hypothèse d’une vente à un établissement récupérant la TVA, la charge foncière,
pour un projet similaire, se serait élevée à 95,8 M€.
Il convient de noter que la dernière estimation des domaines, qui devait servir par la suite pour
la validation du prix de cessio
n, a été établie, pour la partie recettes du bilan promoteur, sur la base d’une
valeur locative de 577 €/m² HT
et d’un taux de rendement de 5
% (soit une valeur vénale de 11
540 €
HT/m²),
donnant un montant de recettes de 163,3 M€. La note de France Domain
e du 20 novembre 2014
précise que cette valeur représente une valeur locative moyenne établie par Sciences Po en appliquant
aux étages disposant d’un éclairage plus réduit (sous
-sol et entresol) une décote de 45 %.
En acceptant
cette valeur locative, France Domaine a sensiblement abaissé la valeur de référence que le service et les
experts privés de l’
État retenaient encore dans le compte rendu de la réunion du 9 juillet avec Sciences
Po. France Domaine 75 et ses deux conseils privés estimaient alors la valeur locative de bureaux
entièrement rénovés dans le 7ème arrondissement à 625€/m² HT. La valeur de 577€/m² apparaît
davantage comme un moyen terme entre la proposition de Sciences Po (488€/m²) et la valeur de marché
(625€/m²) que comme une révision à la b
aisse de cette dernière. Entre juillet 2014 et novembre 2014,
France Domaine a ainsi accepté de réduire de 8 % la valeur locative destinée à déterminer la charge
foncière. Il en résultait une diminution de 14 M€ du montant des recettes du bilan promoteur (177 M€)
et de 12,9 M€ de la valeur vénale hors droits s’établissant à 98,2 M€. Dans l’hypothèse d’un projet de
CINASPIC réalisé par un investisseur disposant de la faculté de récupérer la TVA, la valeur vénale
aurait atteint un montant de 108,7 M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
120
Il peut
en outre être observé que pour l’estimation de la partie de l’Ilot saint
-Germain libre de
logements sociaux, tant France Domaine que les deux experts privés devaient retenir une valeur locative
nettement plus élevée et un taux de rendement inférieur (resp
ectivement 680 € HT/m² et 4 %) ce qui
donnait une valeur vénale de 17000 € HT/m² présentée comme située dans la fourchette de prix des
immeubles de bureaux situés dans le 7ème arrondissement.
Au total, en établissant une estimation sur la base d’une seule méthode d’évaluation, le
compte à rebours promoteur, en construisant un bilan promoteur à partir du projet même de
Sciences Po (qui intégrait un amphithéâtre d’un coût supérieur à 18 M€), en réintégrant la TVA
au motif que Sciences Po ne pouvait pas la récupérer, et en acceptant de réduire la valeur locative
de l’ensemble après rénovation en deçà du prix de marché antérieurement estimé, France
Domaine a produit une évaluation représentant moins une valeur de marché qu’un prix âprement
négocié, de gré à gré, avec un unique candidat.
Une cession de gré à gré en dépit d’un avis contraire du ministère de la défense
Afin d’acquérir l’Hôtel de l’Artillerie, Sciences Po a sollicité la mise en œuvre de la procédure
de cession de gré à gré sur le fondement de l’article R.3211
-7 du code général de la propriété des
personnes publiques (CG3P).
Dans une note pour la Cheffe du service France Domaine en date du 21 novembre 2014, le
directeur régional des finances publiques d’Ile
-de-France et du département de Paris indiquait que le
projet de Sciences Po semblait pouvoir relever de l’alinéa 4 de cet article. Il soulignait que, p
our une
cession de gré à gré d’un montant supérieur à 2 M€, l’article R.3211
-6 du même code prévoyait que,
préalablement à l’autorisation ministérielle de cession, un avis de la commission pour la transparence et
la qualité des opérations immobilières de l
État (CTQ) était requis.
Le recours à une cession de gré à gré à Sciences Po ne recueillait pas l’agrément du ministère
de la défense. Dans un courrier du 28 novembre 2014, adressé à la directrice de cabinet du ministre des
finances et des comptes publics, le directeur de cabinet du ministre de la défense demandait la mise en
œuvre, dans les meilleurs délais, d’une procédure de mise en concurrence par appel d’offre pour l’Hôtel
de l’Artillerie, à l’instar de ce qui avait été fait pour l’ensemble Penthemon
t / Bellechasse. Il faisait
valoir que la régularité d’une cession de gré à gré, sans mise en concurrence, à la Fondation des Sciences
politiques serait sujette à caution et demanderait à être confirmée. Une cession par appel d’offre
permettrait d’éviter c
ette incertitude juridique et démontrerait aux organismes de contrôle que la cession
avait été consentie au juste prix. Il rappelait que cette procédure avait permis d’encaisser une recette de
137 M€ pour Penthemont / Bellechasse et que cette vente avait m
ontré la pertinence de cette procédure
pour l’Hôtel de l’Artillerie dont le caractère exceptionnel dépassait celui de Penthemont / Bellechasse.
Il relevait qu’aucune offre ferme n’avait été formulée par Sciences Po et que les montants annoncés
officieusement étaient bien en-
deçà de l’estimation effectuée par France Domaine en 2009 et prise
comme hypothèse de construction des ressources de la LPM.
Sciences Po, de son côté, souhaitait rendre incontournable son projet d’acquisition de l’Hôtel de
l’Artillerie. Le directeur de Sciences Po avait adressé à la commission d’enquête publique en charge
d’instruire la révision du PSMV, le 11 février 2015, une note demandant d’adapter ce document au
projet de Sciences Po sur le site de l’Artillerie. La note présentait le
projet et soulignait son intérêt au
regard de la politique immobilière et des orientations stratégiques de Sciences Po. Elle rappelait le
soutien du Maire de Paris dès 2010 et l’intérêt suscité auprès du ministère de la défense et de France
Domaine. Elle
faisait valoir qu’il serait opportun d’étendre à l’Hôtel de l’Artillerie le périmètre de
localisation d’équipements publics avec une destination d’équipement public d’enseignement supérieur.
Elle demandait également le classement de la cour Treuil de Beaulieu en plantations à réaliser et
indiquait que Sciences Po souhaiterait disposer de la possibilité de construire environ 45 logements
étudiants sur son site du 13, rue de l’Université.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
121
Cette initiative fut couronnée de succès. Dans une note du 14 avril 2015 pour la Cheffe du
service France Domaine, les services centraux de France Domaine rappelait la situation de l’Hôtel de
l’Artillerie au regard du PSMV en cours de révision. Ils indiquaient que le projet de révision avait été
soumis à une première enquête publique du 26 mai au 26 juin 2014 et que le commissaire enquêteur
avait recommandé l’organisation d’une enquête publique complémentaire en raison de l’absence du
bilan de concertation qui aurait dû être annexé au dossier. Cette seconde enquête avait été organisée du
15 janvier au 14 février 2015. Le rapport était attendu pour la mi-avril 2015. La note soulignait que
Sciences Po était fréquemment intervenue pendant l’enquête publique. Elle faisait valoir que si le PSMV
était établi conjointement par l’
État
et la commune compétence en matière de PLU, la réalisation d’un
projet sur le site dans le cadre du PSMV en vigueu
r n’était pas envisageable. La v
ille de Paris pourrait
en effet opposer un sursis à statuer à tout projet de permis de construire sur le site. La note rappelait
également l’accord bilatéral de 2013 entre l’
État et la ville de Paris. Elle soulignait que revenir en deçà
des pastillages définis dans cet accord pourrait être considéré par la ville comme une violation de la
parole de l’
État. La note rappelait que la Maire de Paris avait fait part au Premier ministre, dans un
courrier du 4 mars 2015, de son soutien sans réserve au projet présenté par Sciences Po.
Les demandes formulées par Sciences Po devaient être intégralement prises en compte dans le
rapport du commissaire enquêteur. Dans une note du 16 avril 2015, adressée à la cheffe du service
France Domaine, le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris
indiquait que, dans son rapport, le commissaire enquêteur avait pris en grande considération le projet de
Sciences Po et formulé de nombreuses recommandations qui le servaient. Par ailleurs, la lecture du
projet de PSMV montrait l’intention de Sciences Po de construire, outre un espace modulaire de 400
places en remplacement du bâtiment 5, lequel avait été annoncé dans le projet communiqué à SDL 75,
un nouvel amphithéâtre de 600 places entièrement enterré sous la Cour Treuil de Beaulieu, celui-ci
n’ayant pas été annoncé à FD.
La décision de céder le bien à
Sciences Po dans le cadre d’une procédure de gré à gré fut prise
le 15 juin 2015 lors d’une réunion interministérielle. Le compte rendu de cette réunion mentionne que
le projet ne recueillait pas l’adhésion du ministère de la défense qui avait fait connaît
re son opposition
au prix proposé et rappelé que la LPM pour 2015 prévoyait un montant de 104 M€ de recettes sur la
base d’une évaluation initiale. Le ministère de la défense était également opposé au paiement fractionné
envisagé par Sciences PO. Il indiquait que si la cession devait se faire au prix proposé par Sciences Po,
le ministère demanderait le bénéfice d’une compensation budgétaire. La représentante de la préfecture
de la région d’Ile
-de-France avait rappelé que le projet de PSMV du 7ème arrondissement prévoyait une
obligation de construction de logements sociaux à hauteur de 30 %. Dans ces conditions, tout autre
projet subirait cette contrainte et l’emprise serait soumise à une décote. La représentant du service des
domaines avait indiqué que les évaluations réalisées par France Domaine et par des prestataires privés
montraient que le montant de 104 M€ paraissait peu réaliste. Il avait souligné que le recours à un appel
d’offre et non à la procédure de gré à gré conduirait à un allongement significa
tif du calendrier de
cession. Le cabinet du Premier ministre avait alors demandé que la CTQ soit saisie sur la base de la
proposition de Sciences Po avant la fin du mois de juin afin de recueillir son avis sur le projet de cession
de gré à gré. Sciences Po établirait un courrier précisant le montant définitif de son offre, les conditions
de son paiement non fractionné du prix, ainsi que les conditions d’une éventuelle clause suspensive
relative à l’obtention du permis de construire. Le cabinet PM avait par
ailleurs demandé de confirmer la
soutenabilité budgétaire de l’opération, une analyse complète par Sciences Po des hypothèses de
localisations alternatives, ainsi que la confirmation du montant des travaux (avec association du
commissariat général à l’inve
stissement).
Conformément à la demande du cabinet du Premier ministre, Sciences Po avaient apporté des
précisions. Par courrier du 8 juillet 2015, adressé au directeur régional des finances d’Ile
-de-France et
de Paris, le directeur de Sciences Po précisait
certaines modalités de l’offre formulée en vue d’acquérir
l’Hôtel de l’Artillerie. Il indiquait que l’INSEE avait retiré la Fondation nationale des Sciences
politiques de la liste des ODAC, permettant ainsi à Sciences Po d’envisager le financement de
l’opération par emprunt auprès d’établissements bancaires privés. Le courrier indiquait que les
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
122
discussions avec le ministère du budget et des comptes publics avaient permis à ce dernier de conclure
à la soutenabilité financière du projet. Il rappelait le soutien déterminé de la Maire de Paris et souligne
que l’enquête publique relative au PSMV du 7ème arrondissement s’était achevée avec le rapport de la
commission d’enquête qui rappelait les obligations qui s’imposaient, notamment celles de réaliser des
logements sociaux pour tout occupation autre que des constructions ou installations nécessaires aux
services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC) et de détruire le bâtiment n° 5 du site de l’Artillerie.
Il faisait valoir que l’enquête avait validé l’ensemble des demandes d’aménagement du PSMV formulées
par l’établissement. Le courrier confirmait le coût des travaux (66,4 M€ HT et 92,4 M€ TTC). Il souligne
que la TVA non récupérable (26,1 M€)
procurerait à l’
État des recettes fiscales supérieures à celles dont
s’acquitterait un investisseur privé faisant supporté au locataire le coût final
47. Le montant des travaux
incluait la destruction du bâtiment n°5 qui s’imposait à l’
État et que Sciences Po acceptait de prendre en
charge. Sciences Po soulignait que l’opération encourait un risque de retard susceptible d’entraîner pour
l’établissement une charge de loyer et d’intérêts supplémentaires de 13,2 M€. Le prix offert pour
l’acquisition demeurait celui de 80 M€ hors charges et hors droits en raison en particulier d
u risque de
retard et de surcoût. Le courrier soulignait que si ce montant était en retrait par rapport à la proposition
formulée plusieurs années auparavant, cette dernière se fondait sur l’absence de contrainte urbanistiques
en matière de logement social
et sur un montant de travaux un peu hâtivement établi à moins de 10 M€.
Le prix serait payé au comptant lors du transfert de propriété au milieu de 2016 (alors qu’antérieurement
Sciences Po envisageait des paiements échelonnés, 44 % fin 2015 ou début 2016, 34 % en 2017 et 22
% en 2018).
Par courrier du 9 septembre 2015, le directeur de cabinet du secrétaire d’
État chargé du budget
avait saisi le président de la CTQ conformément à la décision prise en RIM le 15 juin 2015. La note
exposait le contexte de l’o
pération et soumettait deux questions. La première concernait la régularité de
la cession de gré à gré
compte tenu des dispositions de l’article R. 3211
-7 du CG3P qui ne prévoit une
procédure sans mise en concurrence que dans des cas limitativement énumérés, en particulier « lorsque
l’immeuble est nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public ou à la réalisation d’une
opération d’intérêt général » (4ème alinéa). La note soulignait que, dans un avis du 29 mars 2012, relatif
au précédent proj
et de cession amiable de l’Hôtel de l’Artillerie au pôle de recherche et d’enseignement
supérieur (PRES) Sorbonne Paris Cité, pour les besoins de Sciences Po, la CTQ avait validé le recours
à l’article R. 3211
-7 4° pour justifier le gré à gré. Il était dem
andé à la CTQ si, en l’espèce, la nature de
l’occupant (fondation dépendant de Sciences Po, établissement public d’enseignement supérieur) et la
mission de service public (formation initiale d’enseignement supérieur) qui serait exercée pourraient à
nouveau justifier le recours à cette procédure. La seconde question portait sur la préservation des intérêts
de l’
État
. La note indiquait qu’une première estimation, réalisée en octobre 2009, avait arrêté la valeur
à 104 M€. Celle
-ci avait été réalisée par compar
aison, en l’absence d’un projet précis de valorisation.
D’autre part, elle était antérieure à la modification actuellement en cours du PSMV qui prévoit une
obligation de logements sociaux pour 30 % de la surface de plancher, ce qui a une incidence sur la valeur
potentielle du bien, compte tenu de l’adoption de la loi du 18 janvier 2013 portant mobilisation du
foncier public, et des contraintes architecturales associées à l’Hôtel de l’Artillerie.
La note présentait
les évaluations réalisées par AOS Studley et ViF Expertise. Elle mentionnait le contenu de la dernière
offre de Sciences Po en date du 8 juillet 2015, notamment le montant de 80 M€ et la condition suspensive
de l’obtention des autorisations d’urbanisme qui exposait notamment l’
État à un risque de recours
contentieux.
47
Le montant de TVA non récupérable apparaît plus que doublé par rapport à l’estimation de novembre
2014 (26,4 M€ contre 10,5 M€ précédemment), ce qui aggravent la décote du site dans le cas d’une cession à
S
ciences Po. L’argument sur l’avantage de cette cession par rapport à un investisseur est inopérant car la TVA
serait en tout état de cause acquittée par le consommateur final. En outre, il omet de dire que ce montant de TVA
aura été imputé sur la charge fo
ncière et, en quelque sorte, acquitté par l’État…
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
123
La CTQ rendit son avis le 28 octobre 2015, validant le recours à la procédure de gré à gré.
S’agissant du prix, la CTQ préconisait de fixer le prix au minimum à 90 M€, pour tenir compte de
l'intérêt de convenance de Sciences Po pour le bien
48
.
Sur cette base, les discussions se poursuivaient entre l’
État et Sciences P. Dans un courrier du
12 janvier 2016, Sciences Po se plaignait d’une discordance de l’ordre de 500 m² entre les tableaux de
surfaces qui lui avaient été fournis par France Domaine Paris au titre de la documentation technique et
les constatations effectuées par l’architecte mandaté par Sciences Po pour conduire le projet de
transformation du site. Sciences Po en déduisait que, compte tenu de cette différence de surfaces, le prix
de 90 M€ conseillé par la CTQ au ministère était trop élevé et que l’
État, par une série de mesures devait
compenser cette erreur. Une note interne de France Domaine du même jour, indiquait que la différence
de surface constatée provenait d’une erreur
commise par le géomètre-expert initialement mandaté par
l’
État
qui avait établi les tableaux de surface SHOB/SHON de l’immeuble. Toutefois, elle précisait que
Sciences Po n’était pas fondé à demander à l’
État une révision du prix du site car les mesurages dont se
plaignait Sciences Po n’étaient pas ceux qui avaient servi à l’évaluation domaniale et au prix
recommandé par la CTQ au ministre, les surfaces alors prises en compte étant les surfaces de plancher.
Dans ce contexte, Sciences Po releva son offre à
85 M€. Dans une note en date du 25 janvier
2016, adressée au ministre des finances et des comptes publics et au secrétaire d’
État chargé du budget,
Sciences Po soulignait qu’une étape déterminante avait été franchie lors de la réunion interministérielle
du 15 juin 2015 qui avait validé, contre les vœux du ministère de la défense, le principe de la cession de
l’Hôtel de l’Artillerie à Sciences PO. La note rappelait l’offre d’achat déposée en juillet 2015. Elle
relevait que la CTQ semblait avoir rendu fin octobre un avis demeuré confidentiel au ministre des
finances et des comptes publics et exprimait la crainte qu’il ne soit conclu qu
e la préservation des intérêts
patrimoniaux de l’
État passait par une acquisition du bien à un niveau légèrement supérieur à la
proposition formulée. Elle indiquait que l’Administrateur proposerait au Conseil d’administration de la
FNSP d’accepter de rehausser sa proposition à 85 M€. Cet ultime effort pour conclure la cession
rapidement sans obérer la soutenabilité du projet conduirait Sciences Po à renoncer à un réaliser un
amphithéâtre dont les coûts, du fait de la construction en profondeur, étaient élevés. Pour compenser les
surfaces qui manquaient par rapport aux données initialement transmises par France Domaine, Sciences
Po indiquait étalonner le coût des travaux sur une surface légèrement augmentée dans les sous-sols. Au
total, le coût global du proj
et atteindrait 193,7 M€ (acquisition, travaux, droits et intérêts intercalaires),
financé par un endettement de 159,7 M€ que l
a v
ille de Paris garantirait à 75 % en contrepartie d’une
hypothèque. Sciences Po sollicitait du ministre l’autorisation d’un prêt
sur fonds d’Epargne.
Par note du 8 mars 2016, adressée au Cabinet du ministre du budget et des comptes publics,
Sciences Po plaidait pour un prix de cession de 85 M€ de nature à préserver les intérêts de l’
État. Elle
estimait que le montant de 85 M€, se situant entre l’offre de Sciences Po (80 M€) et le montant
recommandé par la CTQ (90 M€) constituait une valeur de sortie préservant les intérêts de l’
État. Elle
considérait que la CTQ avait majoré le montant établi par France Domaine d’une « valeur de conv
enance
» qui n’aurait pas à être pris en compte pour un établissement dédié à des activités d’intérêt général. Elle
faisait valoir que l’
État
exerçait la tutelle sur Sciences Po et qu’il devait veiller à ne pas mettre en péril
l’équilibre économique de l’opération. Il soulignait que la cession à 85 M€ se faisait au prix du marché
et que l’
État
n’accordait aucune subvention à ce projet.
Suite à cette offre, très proche de l’estimation finale de France Domaine réalisée dans les
conditions et avec les limites mentionnées ci-
dessus, le prix de cession fut fixé lors d’une réunion
interministérielle du 4 mai 2016. Cette réunion intervenait dans un contexte nouveau compte tenu d’une
offre alternative qui avait été formulée par LVMH.
48
En dépit de plusieurs relances, l’avis de la CTQ n’a pas été transmis à la Cour, les éléments connus de
cet avis ayant été repris d’autres documents.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
124
Par lettre du 13 avril 2016 adressée au ministre de la défense, M. Bernard Arnault confirmait
que la société LVMH souhaitait se porter acquéreur de l’Hôtel de l’Artillerie pour un prix de 100 M€
afin d’y installer le siège d’une des plus grandes entreprises du Groupe. Il soulignait q
ue son engagement
était entier et immédiat et que, contrairement à d’autres propositions, le prix qu’il proposait se situait
dans la fourchette haute de la valeur de cet ensemble immobilier déjà estimée à plus de 100 M€ par
France Domaine et qu’il évoluerait évidemment en fonction de l’appel d’offres qui serait lancée. Il
indiquait avoir compris que cette opération permettrait de contribuer aux moyens dont les armées
françaises avaient besoin et que cette dimension n’était à ses yeux absolument pas négligea
ble. Afin de
parvenir à cet objectif, il précisait que des négociations devraient se tenir rapidement avec Mme la Maire
de Paris et M. le Préfet de Région, conjointement chargés de proposer des recommandations et de mettre
en œuvre le Plan de Sauvegarde et
de Mise en Valeur d 7ème arrondissement. Ces négociations seraient
déterminantes, le document étant en phase finale de rédaction. Il devrait impérativement intégrer les
évolutions liées à cette candidature en garantissant aussi bien la destination de ces
bâtiments qu’en
réaffirmant les droits à construire attachés. Il s’engageait en contrepartie à raviver l’activité de cette
partie de la capitale que les emplois industriels et les métiers artisanaux avaient malheureusement
délaissée. Il indiquait enfin avoir adressé des courriers en ce sens à la Maire de Paris et au Préfet de
Région ainsi qu’au Premier ministre.
Au regard de la lettre d'intention récente émanant du groupe LVMH, le cabinet du Premier
ministre demanda lors de la réunion du 4 mai 2016 que le mode de cession de gré-à-gré puisse être
sécurisé juridiquement, Le ministère des finances et des comptes publics confirma que d'un point de vue
juridique, cette lettre d'intention n'imposait pas d'interrompre la procédure engagée avec Sciences Po. Il
considérait en revanche que l'existence de la lettre d'intention devait être prise en considération : une
analyse en opportunité pour l'État, tenant compte de cet élément nouveau, devait être menée en vue
d'éclairer le choix de poursuivre la procédure de gré à gré avec Sciences Po, ou de la remettre en cause.
La Maire de Paris avait écrit au Premier ministre en mars 2015 pour « faire part de son soutien
sans réserve à ce très beau projet ». Par ailleurs, la ville de Paris et l'État avaient pris position dans le
cadre de la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) en faveur d'une implantation «
enseignement supérieur et recherche » dans le 7ème arrondissement, avec des logements sociaux
étudiants. Enfin, dans un courriel du 31 mai 2016, le directeur de cabinet de la Maire de Paris avait
confirmé sa position en faveur de l'acquisition par Sciences Po, permettant de maintenir une activité
d'ESR dans l’arrondissement, et sa volonté de mener à son terme la révision du PSMV qui permettait au
projet de Sciences Po de prospérer dans un cadre réglementaire adapté.
Dès lors, le cabinet du Premier ministre avait confirmé la décision d'une cession de gré-à-gré au
profit du projet de Sciences Po en raison du caractère d'intérêt général de l’opératio
n et de la
confirmation par la ville de Paris de son soutien à l'opération.
En ce qui concerne le prix de cession, le ministère des finances et des comptes publics avait
rappelé que cet immeuble avait été évalué par France Domaine à 85 M€ et que la commission pour l
a
transparence et la qualité des opérations immobilières de l'État (CTQ) préconisait de fixer le prix au
minimum à 90 M€, pour tenir compte de l'intérêt de convenance de Sciences Po pour le bien. Le
ministère des finances et des comptes publics considérait qu'en tenant compte de l'intérêt de l'opération
pour l'État dans toutes ses dimensions (ESR, négociations d'ensemble avec la ville de Paris, etc.), au-
delà de la seule perspective domaniale dans laquelle se place la CTQ, il était possible de s'écarter, dans
une proportion nécessairement très limitée, de l'avis de la CTQ, sans jamais contrevenir à la valeur
vénale estimée par France Domaine. Dès lors, le cabinet du Premier ministre avait donné mandat au
ministère des finances et des comptes publics pour opérer la cession dans les meilleurs délais pour un
prix de cession ne pouvant être inférieur à 87 M€.
Conformément à la demande du cabinet du Premier ministre et en accord avec la ville de Paris,
Sciences Po avait fait connaître son engagement pour la création d'une quarantaine logements sociaux
destinés aux étudiants, pour une surface d'environ 1 000 m². Ces logements ne seront pas créés sur le
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
125
site de l'Hôtel de l'Artillerie mais dans le 7ème arrondissement, dans des locaux appartenant à Sciences
Po.
Une d
ifficile finalisation du projet d’acte de vente
Dans un courrier en date du 4 août 2016, le directeur général des finances publiques indiquait
au directeur régional des finances publiques d’Ile
-de-France et du département de Paris, sur la base de
l’avis de
la CTQ en date du 28 octobre 2015, les conditions auxquelles la cession de l’Hôtel de
l’Artillerie à Sciences Po devait être finalisée à un prix de cession ne pouvant être inférieur à 87 M€. Le
projet d’acte devait également comporter des clauses conformes à l’avis de la CTQ.
Ainsi, l’usage exclusif de Sciences Po aurait une durée de 70 ans, la vente étant résolue en cas
de non-
respect de cet usage. La note indiquait toutefois que le point d’aboutissement des discussions
pourrait être une affectation pour
les besoins de Sciences Po et d’un autre établissement d’enseignement
supérieur et de recherche, voire pour les besoins d’un autre établissement supérieur et de recherche. De
même, une durée de 50 ans pourrait être admise. En matière de sanction du non-respect de la clause
d’affectation aux missions d’enseignement supérieur et de recherche, la clause laisserait le choix à l’
État
entre une clause résolutoire avec ou sans pénalités, l’obligation faite à Sciences Po de vendre le bien
avec une clause d’intéress
ement exigeante (la totalité de la plus-
value revenant à l’
État
) ou l’obligation
pour Sciences Po, sous astreinte, de rendre les lieux à leur destination initiale. La période pendant
laquelle cette clause s’exercerait serait égale à celle négociée pour l’a
ffectation aux missions
d’enseignement supérieur et de recherche.
L’acte comporterait les clauses d’intéressement et de complément de prix usuelles. Le projet
devrait prévoir le déclenchement de la clause de complément de prix à partir d’un dépassement de
1 %
de la surface plancher du projet,
retenue dans l’estimation de la valeur vénale du bien, le m²
supplémentaire étant valorisé au prix du m² actuel vendu (7 414 €/m²) indexé sur l’indice de la
construction. Le cas échéant, la clause pourrait se déclencher pour les m² supplémentaires au-delà de la
surface qui a servi au calcul du prix, majorée de 600 m². L’acte devait prévoir l’interdiction de vente
pendant 20 ans après l’acquisition, la soumission à l’autorisation du ministre chargé du domaine et de
celui
chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, au
-
delà de cette période et jusqu’au terme
de la période d’affectation obligatoire aux missions de service public. Cette cession donnerait lieu à une
clause d’intéressement. L’
État capterait toute la plus-
value, notamment en cas d’évolution du PSMV,
mais en assurant à Sciences Po le remboursement de la part non amortie des travaux que l’institut allait
entreprendre sur le site.
Le projet d’acte comporterait également des clauses portant sur l’usage de l’amphithéâtre et la
réalisation de logements sociaux. Il comportera par ailleurs un encadrement de la condition résolutoire
d’obtention des autorisations d’urbanisme définitives dans un délai maximum de cinq ans. En cas de
résolution de la vente, Sciences
Po verserait à l’
État une indemnité représentative de la perte pour celui-
ci d’une cession retardée du fait du projet et de l’occupation gratuite du bien par Sciences Po.
La mise au point du projet d’acte de vente fut difficile, Sciences Po trouvant les c
lauses
envisagées par la CTQ trop rigoureuses et difficilement compatibles avec les sûretés demandées par les
prêteurs.
La renonciation de la ville de Paris à son droit de priorité ayant été notifiée le 21 décembre 2016,
la cession de l’Hôtel de l’Artille
rie à la Fondation nationale des sciences politiques a été réalisée par
acte notarié en date du 23 décembre 2016, au prix de 87 M€ payés comptant le jour de la vente. Ce
montant a été financé à hauteur de 70 M€ par un emprunt auprès de la DEUTSCHE
PFANDBRI
EFBANK, complété par un emprunt de 10 M€ auprès de la même banque, destiné à financer
les frais financiers intercalaires. La banque bénéficie de l’inscription d’un privilège de prêteur de deniers
à hauteur de 57,75 M€ (en principal et accessoires) et de la
constitution d’une hypothèque à hauteur de
8,25 M€ (en principal et accessoires).
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
126
L’acte contient une clause de complément de prix au titre du contrôle des surfaces. L’acquéreur
s’oblige à fournir au vendeur, au plus tard dans le mois de la déclaration d’achèvement des travaux et
de conformité, un mesurage établi par un géomètre expert. Au cas où les surfaces utiles du bien seraient
supérieures à 14 157,20 m² majorées de 3 %, soit 14 582 m², un complément de prix serait dû par
l’acquéreur au vendeur. Celu
i-
ci serait calculé par application d’un prix unitaire de 4 800 €/m ² à tout
mètre carré de surface utile supplémentaire mesurée au-delà de 14 582 m². Le prix unitaire serait
actualisé sur la base de l’évolution de l’indice national du coût de la construct
ion.
Le montant du prix unitaire est ainsi inférieur de 36 % (4800€/7414€) par rapport au prix unitaire
de cession qui devait être retenu selon les consigne du directeur général des finances publiques. Il résulte
d’un arbitrage ministériel du 8 novembre 2
016.
L’acte comprend une clause résolutoire de non
-obtention des autorisations permettant de réaliser
le projet de restructuration de l’immeuble dans un délai de cinq ans. L’acquéreur s’oblige à se mettre en
mesure de déposer les demandes d’autorisations d
ans un délai de 18 mois et, en tout état de cause, dans
un délai de 24 mois. Ce délai serait suspendu, pour une durée maximum d’un an, si des opérations de
fouilles archéologiques préventives étaient prescrites.
La cession est conditionnée au respect d’une clause d’affectation. Le bien sera affecté à l’usage
personnel de l’acquéreur pendant 30 ans. Toutefois, ce dernier pourra mettre à disposition, une partie du
bien (au plus égale à la moitié de la surface du bien), au profit de toutes sociétés ou tous organismes
dont l’intervention concourt directement ou indirectement à l’exercice de ses activités. En cas
d’aliénation du bien pendant la durée de trente ans, l’acquéreur devra imposer au nouveau propriétaire
le respect de la clause d’affectation. Par ailleurs, cette clause ne trouvera pas à s’appliquer en cas de
réalisation des sûretés réelles prises sur le bien en garantie du financement. Toutefois, dans cette
hypothèse, la condition d’affectation du bien à un usage d’enseignement supérieur ou de recherche
devrait être respectée.
Pendant la période de vingt ans qui suivra l’expiration du délai de trente ans de la clause
d’affectation à un usage personnel, l’acquéreur s’oblige à affecter le bien, s’il ne le conserve pas, à un
usage d’enseignement supérieur
ou de recherche par un établissement public ou privé.
L’acte de vente contient une clause d’intéressement en cas de revente du bien. Cet intéressement
sera de 100 % de la plus-value nette en cas de revente dans les trente ans., les propriétaires successifs à
l’occasion de toute nouvelle mutation intervenant au cours de cette période, devant verser un
intéressement égal à 50 % de la plus-value nette. En cas de réalisation des sûretés réelles, pendant la
période trentenaire, l’intéressement sera de 100 %. Le
s nouveaux propriétaires successifs suivant la
mutation forcée devront, dans un délai de 10 ans, verser à l’
État 50 % de la plus-value nette réalisée.
Une clause d’intéressement en cas d’augmentation des surfaces de plancher postérieurement à
l’achèvement
du projet de restructuration est prévue dans un délai de 10 ans, au prix unitaire de 4800
€/m², soit à un prix là encore inférieur de 36 % au prix de cession.
La cession de l’Hôtel de l’Artillerie à la Fondation nationale des sciences politiques est
intervenue après un long cheminement entre une offre initiale, formalisée mais restée au stade de
l’
intention,
de 130 M€ en 2011 et une acquisition au prix de 87 M€ en 2016, en vue d’un projet
distinct du précédent. Entre temps, le contexte avait changé compte tenu, notamment, de
l’évolution des règles d’urbanisme applicables et des discussions conduites entre l’Etat et la v
ille
de Paris sous l’égide du préfet de la région Ile
-de-
France, préfet de Paris. Tant l’accord conclu en
2013 entr
e l’
État et la ville de Paris sur les sites devant être « pastillés logement social » que la
prise en compte des souhaits de Sciences Po lors de la révision du PSMV du 7ème arrondissement
ont concouru à ce que l’
État vendeur
n’ait d’autre alternative que de céder l’Hôtel de l’Art
illerie
à Sciences Po selon une procédure de gré à gré, dérogatoire du droit commun.
Si la négociation a permis à l’
État
de faire passer l’offre de la FNSP de 70 M€ à 85 M€
puis d’obtenir un accord sur un prix de cession de 87 M€, ce prix reflète davantage
le résultat
d’une âpre discussion qu’un véritable prix de marché. Demeurant inférieure à celle des experts
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
127
privés, la dernière évaluation des Domaines (85,3 M€) a été effectuée selon une seule méthode
d’évaluation qui, de surcroît, reposait sur un compte
à rebours promoteur établi spécifiquement
à partir des caractéristiques du projet de Sciences Po et en prenant en compte la majeure partie
des hypothèses retenues par la Fondation, qu’il s’agisse du coût des travaux et des autres charges
ou de la valeur lo
cative finale, inférieure au prix du marché tel qu’estimé par France Domaine et
ses experts. En outre, la prise en compte du seul projet de Sciences Po a conduit l’
État à supporter
le coût élevé d’un amphithéâtre et à réduire la charge foncière du montant
de la TVA que Sciences
Po ne pouvait récupérer. Par comparaison avec un investisseur usuel, la valeur vénale a été réduite
d’un montant de 10,5
M€ selon les évaluations de France Domaine mais de 26 M€ au regard des
derniers éléments fournis par Sciences Po.
Enfin, si des clauses d’affectation ont été introduites dans l’acte de vente, de même que des
clauses de complément de prix et d’intéressement, ces dernières ont été établies, aux termes d’un
arbitrage ministériel de novembre 2016, à un prix unitaire inférieur de36 % à celui auquel la
cession avait été consentie, en contradiction avec les consignes données par le directeur général
des finances publiques au directeur régional des finances publiques d’Ile
-de-France et de Paris.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
128
Annexe n° 11.
Cession de la « partie sociale »
de l’Îlot Saint Germain
Descriptif
L’Ilot Saint Germain (ISG) est l’
ancien siège des principaux services
d’administration centrale du ministère
des armées
, notamment de l’état
-major des
armées, du secrétariat général pour l’administration, situé entre le boulevard Saint
Germain et la rue Saint-Dominique, représentant une surface totale de plancher de
près de 52 000 m² sur un terrain 32 400 m². Le site est c
ontigu à l’Hôtel de
Brienne, résidence du ministre. Après le regroupement de ces services sur le site
de Balard en 2014-
2015, le ministère des armées a définitivement quitté l’ISG
peu
avant la vente.
La partie « sociale » est issue du fractionnement du site en trois parties. Cette
parcelle de 5 000 m² est occupée par plusieurs bâtiments représentant une surface
de plancher totale de 14 000 m². Elle est située au sud, en bordure de la rue Saint-
Dominique.
Évaluation
L’ensemble de l’ISG a été évalué à 320
M€ en octobre 2009. La parcelle
« sociale » a été évaluée à 85,72
M€ en mai 2018.
Procédure
Droit de priorité - Décote « Duflot » de 58,57 % (taux global)
Date cession
31 mai 2018
Prix de cession
29
M€
(soit une décote de 56,72
M€)
Acquéreur
La Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP).
Situation
actuelle
Les opérations de curage et de désamiantage ayant été réalisées entre octobre 2019
et juin 2020, et le permis de construire obtenu en février 2020, les travaux ont pu
démarrer à l’
automne 2020
. La livraison de l’ensemble est annoncée pour le
printemps 2023.
Une cession s’inscrivant dans le cadre du dispositif de décote pour logements sociaux
Le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7
ème
arrondissement approuvé par arrêté
préfectoral avait notamment institué un emplacement réservé pour la réalisation de logements sociaux à
hauteur de 100
% sur une partie de l’emprise foncière de l’Ilot Saint
-Germain correspondant à
l’immeubl
e cédé. Le droit de priorité de la ville de Paris prévu aux articles L. 240-1 et suivants du code
de l’urbanisme ayant été délégué à la RIVP, la vente est intervenue dans le cadr
e des dispositions de la
loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 modifiée relative à la mobilisation du foncier public en faveur du
logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Préalablement à la vente,
l’
État
avait procédé à la division cadastrale de l’assiette foncière de l’Ilot Saint
-Germain en cinq
par
celles dont l’une était destinée à être vendue à la RIVP.
L’évaluation du bien sur laquelle s’est appliquée la décote établissait la valeur vénale à
85,72
M€, la décote (56,72 M€) repré
sentant un taux global de 68,57 % de cette valeur. Le programme
de logements sociaux représentera une surface de plancher brute de 13 402,30 m² et sur surface de
plancher administrative de 12
062,07 m². Le projet comportera également un programme d’équipement
public, non concerné par le dispositif de la décote, destiné à la
construction et à l’aménagement d’une
crèche d’une surface de plancher administrative de 757 m², ainsi qu’un équipement sportif d’une surface
de plancher administrative de 1713 m².
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
129
Le prix de vente a été déterminé en tenant compte de la décote consentie pour chacune des
catégories de logements sociaux que la RIVP s’oblige à réaliser dans le cadre du programme de
construction
: pour le type prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) –
50,5 % de la surface : la décote
consentie s’élève à 35,6
M€, soit un taux d
e décote de 85,3 % ; pour le type prêt locatif à usage social
(PLUS)
39,7 % de la surface
: la décote consentie s’élève à 19,4
M€, soit un taux de décote de 59,2
% ;
et pour le type prêt locatif social (PLS)
9,7 % de la surface
: la décote consentie s’
élève à 1,6
M€, soit
taux de décote de 19,9 %.
L’acquéreur s’obligeait à réaliser le programme de logements sociaux dans un délai de cinq ans,
soit d’ici le 31 mai 2023. Ce délai peut être suspendu en cas de recours devant la juridiction
administrative contre les autorisations administratives de construire ainsi que si des opérations de
fouilles archéologiques préventives sont prescrites en application de l’article L. 522.2 du code du
patrimoine pendant la durée de ces opérations. Des sanctions sont prévues
en cas d’absence de
réalisation du programme de logements sociaux dans les cinq ans de l’acte (clause résolutoire) et en cas
de réalisation partielle du programme de logements ou de modification dans les cinq ans de l’acte
(pénalités financières).
Une cla
use d’intéressement établie à 50 % de la plus
-value nette en cas de revente dans les cinq
ans figure dans l’acte de cession.
L’aboutissement d’une longue négociation
L’Ilot Saint
-Germain étant situé sur le périmètre du PSMV du 7
ème
arrondissement, la cession
du site s’est trouvée soumise aux enjeux d’urbanisme résultant de la révision de ce plan prévoyant une
obligation de construction de logements sociaux sur 30
% de la surface de plancher. Dans le cadre d’une
négociation
d’ensemble entre l’
État et la vi
lle de Paris, conduite sous l’égide du préfet de la région d’Ile
de France, le site fut finalement découpé en deux parties, l’une faisant l’objet d’une cession à la RIVP
pour y construire des logements sociaux, l’autre se trouvant libre de toute obligation
à cet égard.
Entre temps, la valorisation de ce bien exceptionnel par sa superficie et sa localisation a fait
l’objet d’hypothèses diverses. En octobre 2009, la totalité du site (hors Hôtel de Brienne mais incluant
le bâtiment des jardins) avait été évaluée à 320
M€. Une nouvelle estimation, prenant en compte le
potentiel de valorisation du site compte tenu de l’évolution du droit de l’urbanisme, était nécessaire. En
août 2013, le directeur régional des finances publiques d’Ile de France indiquait que dans
un schéma à
dominante logement social, le prix global de cession serait affecté dans une proportion appréciable. Il
notait toutefois que l’Ilot Saint
-Germain ne figurait pas à ce stade dans la liste régionale de mobilisation
du foncier public en faveur du logement. Dès lors, la valorisation selon un autre schéma restait
envisageable, les caractéristiques de ce bien d’exception étant susceptibles de conduire des investisseurs
de dimension internationale à proposer une destination tertiaire ou commerciale.
Dans un courrier du 7 juin 2013, le maire de Paris avait mentionné l’Ilot Saint
-Germain au
nombre des sites sur lesquels pesaient une obligation de 30 % de logements sociaux. Celui-ci pouvait
également faire l’objet d’un report, en sus de cette obligation,
de la quote-part de logements sociaux
prévue sur l’immeuble Penthemont
-
Bellechasse et non appliquée à l’occasion de la cession de ce dernier.
Par lettre du 2 septembre 2013, le ministre du budget avait indiqué souscrire pleinement à cette approche.
À
l’é
té 2013, le ministère de la défense avait envisagé de céder de gré à gré le seul bâtiment des
jardins à l’Assemblée nationale dans le cadre d’un projet de réalisation de bureaux
-chambres. Le service
de France Domaine Paris ayant évalué la valeur vénale de ce bâtiment à 61,6
M€, l’Assemblée nationale
avait renoncé à ce projet.
Dans un courrier du 6 février 2014 adressé à la directrice de cabinet du ministre du budget, le
préfet de la région d’Ile de France indiquait que la révision du PSMV du 7
ème
arrondissement était
entamée depuis 2006, en lien avec les services du domaine et les ministères concernés. Le projet de
PSMV devait être mis à l’enquête publique à l’été 2014, pour une entrée en vigueur début 2015. Au
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
130
regard de l’objectif de mobilisation du foncie
r public, le document comprendrait en particulier
l’instauration d’emplacements réservés à la construction de logements sociaux sur l’Ilot Saint
-Germain.
Le 8
avril 2015, le préfet avait été désigné par le secrétaire d’
État chargé du budget comme unique
responsable des négociations su
r le foncier de l’
État avec la v
ille de Paris dans le cadre d’une négociation
globale. Le mandat donné au préfet prévoyait notamment l’identification des biens cessibles et la
centralisation des négociations, la mise en place d
’un comité de pilotage
État-v
ille de Paris, et d’une
coordination avec les grands propriétaires publics de foncier à Paris. Ce comité de pilotage devait se
réunir tous les trois mois.
Par courrier en date du 15 avril 2015, adressé à la maire de Paris, le préfet de la région proposait
une méthode pour conduire la négociation. Il indiquait noter le souhait de la ville de porter de 30 à 50 %
la quote-
part de logements sociaux sur l’Ilot Saint
-
Germain. Il indiquait que l’
État produirait ses
meilleurs efforts p
our se rapprocher de cet objectif dans le cadre d’un projet équilibré. Il précisait qu’un
comité de pilotage se réunirait à la mi-juin, en présence des services de la défense, pour définir le cahier
des charges concernant le devenir de l’Ilot Saint
-Germain.
En réponse, la maire de Paris fit part au préfet, le 16 avril 2015, de son accord sur la méthode
proposée. Elle indiquait toutefois que si les discussions ne permettaient pas d’avancer sur les sites sur
lesquels elle avait demandé des engagements fermes (casernes, Ilot Saint-Germain, Porte de la Villette,
etc.), la v
ille pourrait utiliser tous les moyens réglementaires dont elle disposait pour trouver l’équilibre
recherché. Elle souhaitait par ailleurs que soit donnée satisfaction à sa demande de porter la part de
logements sociaux sur l’Ilot Saint
-Germain à 50 %, compte tenu du grand déficit dans ce secteur.
Dans une note du 30 octobre 2015, à l’attention du Premier ministre, le préfet de la région
sollicitait une position du gouvernement au regard de l
’état des discussions entre l’
État et la ville de
Paris en ce qui concerne la cession de l’Ilot Saint
-Germain. Il rappelait que la maire de Paris avait
signifié par écrit sa volonté de réaliser 50 % de logements sociaux sur cette emprise et qu’il avait ind
iqué
pour sa part que l’
État produirait ses meilleurs efforts pour aller au-
delà de l’obligation réglementaire
des 30 %de logements sociaux prévus par le futur PSMV du 7ème arrondissement, sans fixer pour autant
de quantum précis.
En ce qui concerne l’ass
iette de la cession, le préfet soulignait que le ministère de la défense
avait décidé, sans que ce point ait jamais été formellement arbitré, de ne pas céder le bâtiment dit des
Jardins, d’une surface nette de 7018 m² et d’une valeur vénale estimée à 61 M€
. Si le périmètre cédé
comprenait le bâtiment des jardins, la surface brute serait de 59 332 m² et la surface utile nette pour le
calcul de la servitude de logement social de 35 105 m². Dans le cas contraire, la surface brute cédée
serait de 50 282 m² et la surface utile nette de 28 087 m².
Le préfet rappelait que son mandat préconisait que l’
État élabore un cahier des charges pour
définir une programmation précise et sollicite des promoteurs qui se chargeraient de réaliser l’ensemble,
y compris les logements sociaux qui seraient ensuite cédés à un opérateur choisi par la ville à un prix
convenu d’avance. Il faisait valoir que la ville de Paris pourrait remettre en cause cette méthode et
vouloir acquérir directement les espaces réservés pour le logement soc
ial afin d’imposer son modèle
économique. Il indiquait que, sauf contre-ordre, il comptait refuser cette proposition de nature à entraîner
une perte de valeur marchande. En ce qui concerne les bâtiments transformés en logements sociaux, il
proposait que ceux-
ci restent propriété de l’
État et soient confiés par bail emphytéotique à un opérateur
de logement social très lié à l’
État
(type SNI) dans la mesure où il n’y avait aucune raison d’enrichir la
ville ou un de ses opérateurs qui détiendrait la plus-value potentielle après avoir acheté à bas prix.
Au regard de la servitude de logement social, plusieurs scénarios étaient envisageables sur la
base d’une surface utile nette de 28
000 m² : un scénario à 30 % de logements sociaux, soit 8 400 m² qui
n’était pas
acceptable pour la maire ; un scénario à 40 %de logements sociaux, soit 11 200 m² et un
scénario à 50 % de logements sociaux, soit 14 000m². La maire de Paris qui souhaitait réaliser de 17 000
à 18 000 m² de logements sociaux ne serait convaincue par aucun des trois scénarios. Le préfet suggérait
de choisir dès à présent entre les scénarios 2 et 3. Le troisième permettrait malgré tout d’assurer au
ministère de la défense une recette d’au moins 200 M€.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
131
Une réunion interministérielle d’arbitrage étant prévue
le 6 novembre 2015, le service de France
Domaine central adressa le 5 novembre une note aux ministres des finances et du budget. Cette note
recommandait d’arbitrer sur l’assiette et le taux de logement social. Elle suggérait de retenir un périmètre
de cession de 28 000 m² compte tenu du souhait du ministère de la défense de conserver le bâtiment des
Jardins. En ce qui concerne le taux, elle rappelait qu’un accord était intervenu en 2013 afin de reporter
la quotité de logements sociaux applicable à l’ensembl
e Penthemont-
Bellechasse sur d’autres biens, en
particulier le 4 rue de Lille et l’Ilot Saint
-Germain. Cet accord excluait la possibilité de limiter le taux
de logements sociaux à 30 %. Elle indiquait que le taux de 40 % permettait d’envisager un produit d
e
cession de 230
M€ et qu’un taux de 50 % le réduirait probablement de 15 M€. Elle recommand
ait
d’écarter le souhait de la v
ille de Paris de réaliser des logements sur 17 000 m² (correspondant à un taux
de 64 %) dans la mesure où un accord sur ce point ne
permettrait pas de préserver l’intégrité de
l’ensemble d’un seul tenant destiné à la vente libre d’affectation. En revanche, la note recommandait de
surseoir à l’arbitrage en ce qui concerne le mode opératoire dans la mesure où des expertises étaient
encor
e nécessaires aussi bien sur la possibilité d’une vente en l’état futur d’achèvement à la v
ille de
Paris que sur l’hypothèse du bail emphytéotique suggérée par le préfet.
Lors de la RIM du 6 novembre 2015, il fut décidé qu’au regard des équilibres
à trouver avec la
v
ille de Paris, le préfet serait mandaté sur la base d’un taux de 40 % de logements sociaux (soit
11 200
m²) susceptible d’évoluer jusqu’à 50 % (14
000 m²) dans le cadre de la négociation. Ce taux
serait applicable à l’assiette de 28
000 m² (hors bâtiment des Jardins conservé par le ministère de la
défense). La ville de Paris entendant ne pas acquérir la totalité du site mais scinder cette emprise et
confier une partie de l’aménagement à un opérateur, il était demandé au service France Domaine, e
n
liaison avec la direction des affaires juridiques des ministères financiers, de procéder à une étude visant
à sécuriser les conditions juridiques de la cession.
A l’issue de la négocia
tion, qui avait repris avec la ville de Paris, une réunion interministérielle
en date du 27 février 2017, valida la cession de 14 000 m² à la ville de Paris.
Un prix âprement négocié
Le prix de cession au prix de fût âprement négocié. La première offre de prix de la RIVP
s’élevait à 10 M€ avant d’être relevée à 15 M€ en no
vembre 2016 en y incluant une quote-part des droits
de commercialité que la RIVP pourrait recevoir. Cette offre fut ensuite portée à 16,7
M€ en janvier 2017.
Ce dernier montant comprenait 10 M€ de charge foncière pour les logements sociaux ainsi que 4,1 M€
représentant le reversement à l’
État
de 25 % des droits de commercialité (16,5 M€) et 2,6 M€ au titre de
la charge foncière pour réaliser des équipements sociaux (une crèche et un gymnase).
Dans un courrier du 10 janvier 2017 adressé au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris,
le secrétaire d’
État chargé du budget et des comptes publics invitait celui-ci à poursuivre les négociations
avec la ville de Paris et la RIVP. Il relevait que la charge foncière de marché de ce site avait été évaluée
à 8
5 M€, soit 82,47 M€ pour les logements et 2,7 M€ pour les équipements, avant prise en compte des
droits de commercialité. La valeur de ces derniers, admise par l’
État
, avait été évaluée à 16,521 M€ par
la RIVP. Il relevait que l’offre de la RIVP accompagna
nt le dossier de décote transmis aux services
instructeurs s’élevait à 10 M€ au titre des logements, ce qui correspondait à un taux de décote de 87,9
%.
Un tel taux apparaissait bien supérieur au taux moyen des décotes appliquées au titre des quatre dernières
opérations réalisées à Paris (78,5 %). Ce taux lui apparaissait inacceptable car supérieur aux taux
maxima de décote autorisés, en application de la loi du 18 janvier 2013. Les taux maxima étaient de
100 % pour les PLAI, de 75 % pour les PLUS et de 50 % pour les PLS. Dès lors, pour le programme
proposé (50 % PLAI, 40 % PLUS et 10 % PLS), le taux global maximum ne pouvait dépasser 85 %.
Le secrétaire d’
État recommandait également
au préfet d’œuvrer à faire évoluer le programme
de la RIVP vers une répartition plus équilibrée des catégories de logement social (30 % PLAI, 40 %
PLUS, 30 % PLS), à condition que ce rééquilibrage soit conforme aux prescriptions du programme local
d’habitat (PLH) de la v
ille de Paris (PLH). Il soulignait par aill
eurs que la rétrocession à l’
État de 25 %
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
132
seulement du produit des ventes de commercialité, sous forme d’un complément de prix, ne pouvait être
acceptée. Il estimait que la recette de 16,5 M€ devait être prise en compte dans l’appréciation financière
globa
le de l’opération permettant le calcul de la charge foncière admissible, donc de la décote. Il
considérait que la part de commercialité restituée à l’
état ne pouvait être inférieure à la moitié de cette
recette exceptionnelle.
Au total, il était estimé qu
’avec un taux de décote conforme aux cessions précédentes, la charge
foncière pour les logements devrait s’élever à 17,73 M€ (78,5 % de 82,47 M€) auxquels s’ajouteraient
2,35 M€ pour les équipements et 8,25 M€ pour la moitié de la commercialité, soit au total 28,34 M€.
Dans cette hypothèse, la décote consentie s’élèverait encore à 65,1 M€.
Dans l’hypothèse d’un programme plus équilibré et conforme au PLH de la ville, le produit de
cession s’élèverait à 31,24 M€ (62,2 M€ de décote) se décomposant en 20,62 M€ pour les logements,
2,37 M€ pour les équipements et 8,25 M€ au titre de la rétrocession de 50 % de la commercialité.
La réunion interministérielle du 27 février 2017 valida la cession pour un montant de 20,8
M€
auquel s’ajoutait un montant de 8 M€ au ti
tre des droits de commercialité, soit un prix total fixé à 29
M€.
Pour sa part, le ministère de la défense considérait que le prix de cession était insuffisant et qu’il ne
contribuait pas suffisamment à l’équilibre de la trajectoire budgétaire. Il souhaitait bénéficier d’un
fléchage des droits de réservation de 25 logements sociaux au profit des personnels du ministère. Cette
demande s’inscrivait au
-
delà du contingent dont pourrait disposer l’
Etat
aux termes de l’article
L. 3211-7 du CG3P.
Le dossier final de décote présenté par la RIVP retenait bien une charge foncière globale de
29
M€ dont 26 M€ pour le logement social et 3 M€ pour les équipements. Le taux moyen de décote était
ainsi ramené à 68,47 % (pour un montant de 56,47 M€). Dans le dossier, la RIVP précisait qu’elle ne
rétrocéderait pas de recettes issues des ventes de commercialité dans la mesure où elle prévoyait une
importante mise de fonds (22,72 M€). L’Etat a validé le dossier en l’
Etat
, le transfert d’une partie des
recettes de commercialité ré
trocédées en charge foncière pour le logement présentait en outre l’avantage
de permettre le paiement du produit de cession en totalité le jour de la vente, alors que la rétrocession
des ventes de commercialité aurait été versée plus tardivement sous la fo
rme d’un complément de prix.
Une négociation inaboutie et un prix de cession peu avantageux pour l’Etat
Dans un courrier du 21 mars 2017 adressé au DRFiP d’Ile de France et du département de Paris,
le préfet de région, préfet de Paris émet un avis favorable sur le dossier final de décote transmis par la
RIVP et propose de retenir les taux de décote catégoriels demandés par cette dernière. Le rééquilibrage
du contenu du programme de logements sociaux, préconisé
par le secrétaire d’Etat chargé du budget
,
qui aurait permis de réduire la décote et de majorer les
recettes de l’Etat de plus de 2
M€, n’a finalement
pas été obtenu.
La négociation a cependant permis de faire remonter l’offre de 16,7 M€ à 29 M€ soit un montant
supérieur au montant minimum retenu dan
s le courrier du 21 mars 2017 précité (28,3 M€). Le taux de
décote global a été également ramené de 85 à 68,4 %. Cette réduction résulte toutefois en partie d’un
jeu d’écriture comptable qui a fait disparaître les recettes de commercialité du bilan financi
er de
l’opération en leur substituant un apport de fonds propres de la RIVP de 22,72
M€. En réalité, si l’on
considère que les 26 M€ de produit de cession comprennent un montant de 8
M€ au titre d’une
rétrocession de commercialité, la charge foncière réell
e pour le logement s’élève à 16
M€, soit une
décote de plus de 80 % par rapport à la charge foncière pour des logements libres (82,47
M€).
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
133
Annexe n° 12.
Cession de la « partie privée »
de l’Îlot Saint Germain
Descriptif
L’Ilot Saint Germain (ISG) est l’
ancien siège des principaux services
d’administration centrale du ministère
des armées
, notamment de l’état
-major des
armées, du secrétariat général pour l’administration, situé entre le boulevard Saint
Germain et la rue Saint-Dominique, représentant une surface totale de plancher de
près de 52 000 m² sur un terrain 32 400 m².
Le site est contigu à l’Hôtel de
Brienne, résidence du ministre. Après le regroupement de ces services sur le site
de Balard en 2014-
2015, le ministère des armées a définitivement quitté l’ISG peu
avant la vente.
La partie « privée » est issue du fractionnement du site en trois parties. Cette
parcelle de 12 000 m² est occupée par cinq bâtiments représentant une surface de
plancher totale de près de 28 000 m². Elle est située au
sud et à l’est
, encadrée par
le boulevard Saint-Germain, la place Jacques Bainville et la Saint-Dominique.
Évaluation
L’ensemble de l’ISG a été évalué à 320
M€ en octobre 2009.
La partie « privée »
a été évaluée en avril 2018 à 222
M€ par le service local du domaine (avec la
contribution de deux cabinets privés).
Procédure
Appel d’offres à un seul tour.
Date cession
17 juin 2019
Prix de cession
368
M€
Acquéreur
SAS Constellation Paris, au capital de 1 000
€, entièrement détenu par la société
Constellation Hôtels Holding LTD SCA., immatriculée au Luxembourg, et elle-
même propriété de la Qatar Investment Authority (QIA), fonds d'investissement
souverain de l’émirat du
Qatar.
Situation
actuelle
Après
d’importants travaux de restructuration afin de transformer l’ensemble en
un hôtel haut de gamme, le fonds qatari devait confier la gestion de son futur
établissement au groupe américain Hyatt Hotels Corporation, comme il
l’a fait
avec le reste de son patrimoine hôtelier français (InterContinental, Hôtel du
Louvre et Concorde Lafayette à Paris, Martinez à Cannes et Palais de la
Méditerranée à Nice).
Une cession suspendue aux négociations avec la ville de Paris en matière de logement social
L’Ilot Saint
-Germain étant situé sur le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur du
7ème arrondissement, la cession du site s’est trouvée soumise aux enjeux d’urbanisme résultant de la
révision de ce plan prévoyant une obligation de construction de logements sociaux sur 30 % de la surface
de plancher. Dans le cadre d’une négociation
d’ensemble entre l’Etat et la v
ille de Paris, conduite sous
l’égide du préfet de la région d’Ile de France, préfet de Paris, le site fut
finalement découpé en deux
parties, l’une faisant l’objet d’une cession à la RIVP pour y construire des logements sociaux, l’autre se
trouvant libre de toute obligation à cet égard.
Entre temps, la valorisation de ce bien exceptionnel par sa superficie et sa localisation a fait
l’objet d’hypothèses diverses. En octobre 2009, la totalité du site (hors Hôtel de Brienne mais incluant
le bâtiment des jardins) avait été évaluée à 320 M€. Une nouvelle estimation, prenant en compte le
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
134
potentiel de valorisation du
site compte tenu de l’évolution du droit de l’urbanisme, était nécessaire. En
août 2013, le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris
indiquait que dans un schéma à dominante logement social, le prix global de cession serait affecté dans
une proportion appréciable. Il notait toutefois que l’Ilot Saint
-Germain ne figurait pas à ce stade dans la
liste régionale de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Dès lors, la valorisation selon
un autre schéma re
stait envisageable, les caractéristiques de ce bien d’exception étant susceptibles de
conduire des investisseurs de dimension internationale à proposer une destination tertiaire et
commerciale (bureaux, hôtel et commerce).
Dans un courrier du 7 juin 2013,
le maire de Paris avait mentionné l’Ilot Saint
-Germain au
nombre des sites sur lesquels pesaient une obligation de 30 % de logements sociaux. Celui-ci pouvait
également faire l’objet d’un report, en sus de cette obligation, de la quote
-part de logements sociaux
prévue sur l’immeuble Penthemont
-
Bellechasse et non appliquée à l’occasion de la cession de ce dernier.
Par lettre du 2 septembre 2013, le ministre délégué chargé du budget avait indiqué au maire de Paris
souscrire pleinement à son approche.
À
l’ét
é 2013, le ministère de la défense avait envisagé de céder de gré à gré le seul bâtiment des
jardins à l’Assemblée nationale dans le cadre d’un projet de réalisation de bureaux
-chambres. Le service
de France Domaine Paris ayant évalué la valeur vénale de c
e bâtiment à 61,6 M€, l’Assemblée nationale
avait renoncé à ce projet.
Dans un courrier du 6 février 2014 adressé à la directrice de cabinet du ministre délégué au
budget, le préfet de la région d’Ile de France, préfet de Paris, indiquait que la révision
du PSMV du
7ème arrondissement était entamée depuis 2006, en liens avec les services du domaine et les ministères
utilisateurs de locaux dans ce périmètre. Le projet de PSMV devait être mis à l’enquête publique à l’été
2014, pour une entrée en vigueur débu
t 2015. Au regard de l’objectif de mobilisation du foncier public,
le document comprendrait en particulier l’instauration d’emplacements réservés à la construction de
logements sociaux sur l’Ilot Saint
-Germain. Le 8
avril 2015, le préfet de la région d’Ile
de France, préfet
de Paris, avait été désigné par le secrétaire d’Etat chargé du budget comme unique responsable des
négociations su
r le foncier de l’Etat avec la ville de Paris dans le cadre d’une négociation globale. Le
mandat donné au préfet prévoyait
notamment l’identification des biens cessibles et la centralisation des
négociations, la mise en plac
e d’un comité de pilotage Etat
-v
ille de Paris, et d’une coordination avec les
grands propriétaires publics de foncier à Paris. Le comité de pilotage comprenant France Domaine et la
ville de Paris devait se réunir tous les trois mois.
Par courrier en date du 15 avril 2015, adressé à la maire de Paris, le préfet de la région d’Ile de
France, préfet de Paris, proposait une méthode pour conduire la négociation. Il indiquait noter le souhait
de la ville de porter de 30 à 50 % la quote-
part de logements sociaux sur l’Ilot Saint
-Germain. Il indiquait
que l’Etat produirait ses meilleurs efforts pour se rapprocher de cet objectif dans le cadre d’un projet
équilibré.
Il précisait qu’un comité de pilotage se réunirait à la mi
-juin, en présence des services de la
défense, pour définir le cahier des charges concernant le devenir de l’Ilot Saint
-Germain.
En réponse, la maire de Paris fit part au préfet, le 16 avril 2015, de son accord sur la méthode
proposée. Elle indiquait toutefois que si les discussions ne permettaient pas d’avancer sur les sites sur
lesquels elle avait demandé des engagements fermes (Casernes, Ilot Saint-Germain, Porte de la
Villette…), la v
ille pourrait utiliser tous les moyens réglementaires dont elle disposait pour trouver
l’équilibre recherché. Elle souhaitait par ailleurs que soit donnée satisfaction à sa demande de porter la
part de logements sociaux sur l’Ilot Saint
-Germain à 50 %, compte tenu du grand déficit qui caractérisait
ce secteur.
Dans une note du 30 octobre 2015, à l’attention du Premier ministre, le préfet de la région d’Ile
de France, préfet de Paris, sollicitait une position du gouvernement au regard de l’état des discussions
entre l
’Etat et
la v
ille de Paris en ce qui concerne la cession de l’Ilot Saint
-Germain. Il rappelait que la
maire de Paris avait signifié par écrit sa volonté de réaliser 50 % de logements sociaux sur cette emprise
et qu’il avait indiqué pour sa part que l’Etat
produirait ses meilleurs efforts pour aller au-delà de
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
135
l’obligation réglementaire des 30 %de logements sociaux prévus par le futur PSMV du 7ème
arrondissement, sans fixer pour autant de quantum précis.
En ce qui concerne l’assiette de la cession, le préfet soulignait que le ministère de la défense
avait décidé, sans que ce point ait jamais été formellement arbitré, de ne pas céder le bâtiment dit des
Jardins, d’une surface nette de 7018 m² et d’une valeur vénale estimée à 61 M€. Si le périmètre cédé
comprenait le bâtiment des jardins, la surface brute serait de 59 332 m² et la surface utile nette pour le
calcul de la servitude de logement social de 35 105 m². Dans le cas contraire, la surface brute cédée
serait de 50 282 m² et la surface utile nette de 28 087 m².
Le préfet rappelait que son mandat préconisait que l’Etat élabore un cahier des charges pour
définir une programmation précise et sollicite des promoteurs qui se chargeraient de réaliser l’ensemb
le,
y compris les logements sociaux qui seraient ensuite cédés à un opérateur choisi par la ville à un prix
convenu d’avance. Il faisait valoir que la ville de Paris pourrait remettre en cause cette méthode et
vouloir acquérir directement les espaces réser
vés pour le logement social afin d’imposer son modèle
économique. Il indiquait que, sauf contre-ordre, il comptait refuser cette proposition de nature à entraîner
une perte de valeur marchande. En ce qui concerne les bâtiments transformés en logements sociaux, il
proposait que ceux-
ci restent propriété de l’Etat et soient confiés par bail emphytéotique à un opérateur
de logement social très lié à l’Etat (type SNI) dans la mesure où il n’y avait aucune raison d’enrichir la
ville ou un de ses opérateurs qui détiendrait la plus-value potentielle après avoir acheté à bas prix.
Au regard de la servitude de logement social, plusieurs scénarios étaient envisageables sur la
base d’une surface utile nette de 28
000 m² : un scénario à 30 % de logements sociaux, soit 8 400 m² qui
n’était pas acceptable pour la maire
; un scénario à 40 %de logements sociaux, soit 11 200 m² et un
scénario à 50 % de logements sociaux, soit 14 000m². La maire de Paris qui souhaitait réaliser de 17 000
à 18 000 m² de logements sociaux ne serait convaincue par aucun des trois scénarios. Le préfet suggérait
de choisir dès à présent entre les scénarios 2 et 3. Le troisième permettrait malgré tout d’assurer au
ministère de la défense une recette d’au moins 200 M€.
Une réunion interministérielle d
’arbitrage étant prévue le 6 novembre 2015, le service de France
Domaine central adressa le 5 novembre une note aux ministres des finances et du budget. Cette note
recommandait d’arbitrer sur l’assiette et le taux de logement social. Elle suggérait de rete
nir un périmètre
de cession de 28 000 m² compte tenu du souhait du ministère de la défense de conserver le bâtiment des
Jardins. En ce qui concerne le taux, elle rappelait qu’un accord était intervenu en 2013 afin de reporter
la quotité de logements sociau
x applicable à l’ensemble Penthemont
-
Bellechasse sur d’autres biens, en
particulier le 4 rue de Lille et l’Ilot Saint
-Germain. Cet accord excluait la possibilité de limiter le taux
de logements sociaux à 30 %. Elle indiquait que le taux de 40 % permettait
d’envisager un produit de
cession de 230
M€ et qu’un taux de 50 % le réduirait probablement de 15 M€. Elle recommand
ait
d’écarter le souhait de la v
ille de Paris de réaliser des logements sur 17 000 m² (correspondant à un taux
de 64 %) dans la mesure où un
accord sur ce point ne permettrait pas de préserver l’intégrité de
l’ensemble d’un seul tenant destiné à la vente libre d’affectation. En revanche, la note recommandait de
surseoir à l’arbitrage en ce qui concerne le mode opératoire dans la mesure où des
expertises étaient
encore nécessaires aussi bien sur la possibilité d’une vente en l’état futur d’achèvement à la v
ille de
Paris que sur l’hypothèse du bail emphytéotique suggérée par le préfet.
Lors de la RIM du 6 novembre 2015, il fut décidé qu’au regar
d des équilibres à trouver avec la
v
ille de Paris, le préfet serait mandaté sur la base d’un taux de 40 % de logements sociaux (soit
11 200
m²) susceptible d’évoluer jusqu’à 50 % (14
000 m²) dans le cadre de la négociation. Ce taux
serait applicable à l’as
siette de 28 000 m² (hors bâtiment des Jardins conservé par le ministère de la
défense). La ville de Paris entendant ne pas acquérir la totalité du site mais scinder cette emprise et
confier une partie de l’aménagement à un opérateur, il était demandé au s
ervice France Domaine, en
liaison avec la direction des affaires juridiques des ministères financiers, de procéder à une étude visant
à sécuriser les conditions juridiques de la cession.
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
136
A l’issue de la négocia
tion, qui avait repris avec la ville de Paris, une réunion interministérielle
en date du 27 février 2017, valida la cession de 14 000 m² à la ville de Paris au prix de 20,8
M€ auquel
s’ajoutait un montant de 8 M€ au titre des droits de commercialité, soit un prix total fixé à 29 M€ (alors
que la vil
le avait initialement proposé 10 M€). Pour sa part, le ministère de la défense considérait que le
prix de cession était insuffisant et qu’il ne contribuait pas suffisamment à l’équilibre de la trajectoire
budgétaire. Il souhaitait bénéficier d’un fléchage
des droits de réservation de 25 logements sociaux au
profit des personnels du ministère. Cette demande s’inscrivait au
-delà du contingent dont pourrait
disposer l’Etat aux termes de l’article L. 3211
-7 du CG3P.
La cession de l’Ilot Saint
-Germain a été retardée par la longueur des négociations avec la
v
ille de Paris et par la nécessité de procéder à la division de l’emprise en vue d’une cession séparée
de la partie dédiée au logement social et de la partie libre.
Une cession par appel à candidatures pour un montant nettement supérieur aux évaluations
A l’issue de cette division, une évaluation de cette dernière a été présentée par note du 5 avril
2018. L’ensemble est formé de cinq bâtiments auxquels s’ajoute une construction en sous
-sol, ancien
siège du centre de planification et de conduite des opérations. Cette évaluation mentionnait les
valorisations réalisées par deux experts privés, Vif Expertise et Colliers International. Le premier d’entre
eux examinait l’hypothèse d’une valorisation par restructuration du site en bureaux ainsi que celle d’une
valorisation comportant des bureaux et un hôtel. Il concluait que la première hypothèse était la plus
intéressante et estimait la valeur vénale du bien à 221 M€ en fonction d’un projet immobilier mené par
un acquéreur pour son propre usage. Le deuxième expert étudiait trois hypothèses, un mixte de
logements résidentiels, de bureaux et de commerces, un mixte de logements et de bureaux et un
programme de bureaux sur la totalité du site. Comme son homologue, il considérait que cette dernière
hypothèse était la plus intéressante et retenait une valeur vénale de 187,86 M€. Pour sa part, le service
de France Domaine de Paris estimait, sur la base d’un bilan promoteur, la valeur vénale du bien à
222,2
M€ (soit 11
542 €/m²
SdP
49
) pour un programme de bureaux réalisé par un utilisateur qui lui
apparaissait comme la meilleure hypothèse de valorisation du site.
Dans une note du 29 juin 2018 pour la directrice de l’immobilier de l’Etat, le service des
Domaine de Paris présentait le calendrier de la cession. Cette note indiquait par ailleurs une valeur
vénale de 198 M€ correspondant à un programme de bureaux réalisé par un investisseur. Elle précisait
que la notification du droit de priorité à la v
ille de Paris serait faite après l’appel d’offres.
La cession a été conduite selon une procédure de mise en concurrence et d’appel à candidatures,
en application des dispositions des articles R. 3211-2 et suivants du CG3P, lancée le 18 septembre 2018.
Les visites, au nombre de 124, se sont déroulées entre le 24 septembre 2018 et le 14 décembre 2018. Le
nombre de questions déposées sur la data room et ayant donné lieu à réponses s’est élevé à 165. La date
limite de dépôt des dossiers de candidatures était fixée au 22 janvier 2019 à 15 heures. Dix dossiers de
candidatures furent réceptionnés dans le délai imparti. La commission d’ouverture des plis s’est tenue
le 25 janvier 2019.
Un des dossiers, déposé par la société CONSTRUCTA, ne constituait pas une offre. Quatre
dossiers ont été déclarés irrecevables :
-
AVENIR GRAND PARIS
: le montant de la garantie étant inférieur au 5 % de l’offre requis dans
le cahier des charges ;
-
GROUPEMENT IMMOBEL
: l’offre n’étant pas ferme et définitive, celle
-ci étant conditionnée
notamment aux approbations nécessaires des organes internes du candidat acquéreur ;
49
La surface de plancher hors infrastructures s’élevai
t à 19 251 m².
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
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-
SOCIETE ARDIAN
: l’offre présentant plusieurs réserves et notamment celle soumise à la
renégociation des servitudes avec la RIVP, assimilable à une condition suspensive ;
-
PFA EUROPE REAL ESTATE MEDIUM A/S
: l’offre n’étant pas ferme et définitive, celle
-ci
étant conditionnée à la validation par le comité du conseil d’administration du candidat acquéreur.
Cinq dossiers de candidatures étaient recevables :
-
GMF VIE / 225 000 0
00 €
;
-
COMPAGNIE DE PHALSBOURG/LVMH : 240 000
000 €
-
EAGLES SPPICAV : 260 000
000 €
;
-
TEH SA : 284 000
000 €
;
-
CONSTELLATION HOTELS HOLDINGS LTD S.C.A : 368 000
000 €.
Le PV de la commission d’ouverture des plis indique que la meilleure offre (368 M€) se dé
tache
très largement de la suivante (2
84 M€) soit près de 23 % d’écart. En prenant en considération les
compléments de prix évoqués par TEH SA dans son offre, celle-
ci pourrait s’élever à 319,5 M€, soit
encore un écart de 48,5 M€ (13 %). Compte tenu de l’importance de l’écart entre les deux premières
offres (84 M€), la commission proposa de retenir l’offre présentée par CONSTELLATION HOTELS
HOLDINGS LTD S.C.A. Le projet de cette dernière portait sur un hôtel 5 étoiles de 182 chambres, avec
résidence hôteliè
re ou bureaux haut de gamme et services associés à l’hôtel.
Le cahier des charges de l’appel à candidatures prévoyait que l’Etat se réservait le droit de
demander aux candidats de lui fournir tout complément d’information nécessaire à la compréhension de
leur offre. Il lui était loisible de
procéder à l’audition des candidats par la commission d’examen des
offres et/ou par une commission d’experts. Enfin, l’Etat avait la possibilité de procéder à un second tour.
Aucune de ces dispositions n’a été mise en œuvre. L’écart entre l’offre la plus élevée et celle qui venait
immédiatement après a été jugé suffisamment important pour justifier l’arrêt de la procédure au premier
tour.
Une incertitude de dernière minute sans incidence sur la finalisation de la vente
La décision de déclassement du site a été adoptée par un arrêté de la ministre des Armées en
date du 23 novembre 2018. Toutefois, il apparut qu’un local de 8 m², situé au sous
-
sol d’un des
bâtiments, était occupé par Orange. Ce local contenait un répartite
ur nécessaire à la connexion d’environ
1
100 lignes téléphoniques fixes qui se trouvait être détenu en pleine propriété par l’opérateur et qui était
affecté à l’exercice d’une mission de service public. Distinct de l’équipement qu’il contenait, le local
ap
partenait ainsi au domaine public de l’Etat, ainsi que l’avait analysé l’étude Chevreux dans une note
du 8 février 2019.
Dans une note en date du 7 mars 2019, le directeur régional des finances publiques d’Ile de
France et de Paris indiquait que le maintie
n de l’affectation de ce local constituait un obstacle au
déclassement du bien permettant sa vente par l’Etat. Dans ces conditions, ce local devait être dissocié
de l’ensemble immobilier au moyen d’un état descriptif de division en volumes avec servitude d
e
passage, la ministre des Armées devant ensuite prendre une décision modificative de déclassement. Un
engagement de l’Etat de vendre ce local lorsqu’Orange aurait cessé de l’occuper serait inséré dans l’acte
de vente.
La notification de l’intention d’ali
éner aux fins de purger le droit de priorité fut effectuée le
14 mars 2019. La v
ille de Paris informa l’Etat qu’elle n’avait pas l’intention d’exercer ce droit par
courrier du 11 avril 2019.
L’acte de cession du 17 juin 2019, précise que l’Etat et la soc
iété Orange sont en pourparlers
pour déterminer les conditions techniques et financières de désaffectation du local où se trouvent le
répartiteur. La cession éventuelle de ce local se fera à l’amiable sans appel à la concurrence en
BILAN DES CESSIONS IMMOBILIERES DU MINISTERE DES ARMEES
138
application de l’article
R. 3211-
7 5° du CG3P, l’acquéreur de l’Ilot Saint
-
Germain disposant d’un droit
de priorité consenti pour une durée e trente ans.
L’apparition de la question du local Orange n’a pas remis en cause l’offre formulée par
l’acquéreur et la cession a été conclue au prix de 368 M€.
L’insertion de clauses d’intéressement dans l’acte de vente
L’acte contient des clauses d’intéressement, en cas de revente des biens, en cas de cession de
commercialité et en cas de création de surface de plancher. La première a vocation à jouer en cas de
mutation de l’immeuble dans un délai de cinq années, l’Etat bénéficiant de 50 % de la plus
-value nette
réalisée. La seconde, mise en place sur une durée de sept ans, se traduirait pour l’Etat par le versement
de 50 % du prix de cession de la commercialité. La troisième, prévue sur une durée de 10 ans, ferait
bénéficier l’Etat de 50 % de l’accroissement de valeur résultant de l’augmentation de la surface de
plancher.
La cession de la partie libre de l’Ilot Saint
-Germain a été, un temps, suspendue aux
résultats de la né
gociation entre l’Etat et la v
ille de Paris en ce qui concerne les servitudes de
logement social dans le 7ème arrondissement. La procédure d’appel à candidatures a, une fois de
plus, mis en évidence l’intérêt d’y recourir
pour l’Etat de préférence à une cession de gré à gré.
Le prix de cession (368 M€) est ainsi supérieur de 65 % à la plus élevée des estimations réalisées
tant par le service des domaines de Paris que par les conseils privés de l’Etat (222 M€). Cette vente
s’inscrit dans la suite de cessions antérieures de biens de prestige par l’Etat. Elle témoigne à
nouveau de la difficulté à anticiper l’engouement particulier d’un investisseur, le plus souvent
international, pour un bien immobilier hors normes et chargé d
’histoire.