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Le 10 janvier 2022
Le Premier président
à
Monsieur Bruno Le Maire
Ministre de l’
économie, des finances et de la relance
Madame Sophie Errante
Présidente de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations
Monsieur Éric Lombard
Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations
Réf. : S2022-0015
Objet
:
Mise en œuvre des recommandations du
référé du 23 décembre 2016 relatives aux
dépenses de fonctionnement
de l’établissement public Caisse des dépôts et consignations.
En application
des dispositions de l’art
icle L. 111-3 du code des juridictions
financières, la Cour a examiné la gestion de l’établissement public
Caisse des dépôts et
consignations pour les exercices 2016 à 2020,
et notamment la mise en œuvre des
recommandations formulées dans le référé du 23 décembre 2016 relatif aux dépenses de
fonctionnement de l’établissement public
1
.
La Cour avait en effet dressé, en 2016, un constat sévère sur la gouvernance de la
Caisse des dépôts
, l’évolution de
ses dépenses de fonctionnement et sa gestion budgétaire.
Elle avait également relevé des pratiques irrégulières en matière de gestion des ressources
humaines. Depuis cette date, un certain nombre de décisions ont été prises, tant au niveau de
l’établissement public que par des changements
inscrits dans la loi du 22 mai 2019, dite loi
PACTE
2
, qui ont permis de fixer des règles de gouvernance et de fonctionnement plus
adaptées à un établissement qui joue un rôle
majeur dans l’économie et est
placé, depuis sa
création en 1816, « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de
l’autorité législative
».
À
l’issue de son contrôle, la Cour m’a d
emandé, en application des dispositions de
l’article R.
143-11 du
même code, d’appeler votre attention sur les observations et
recommandations suivantes.
1
R
éféré du 23 décembre 2016 relatif aux dépenses de fonctionnement de l’établissement public
Caisse des
dépôts et consignations
(
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)
2
Cour des comptes
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Référé n°S2022-0015
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En 2016, la Cour avait insisté sur la nécessité d'améliorer la gouvernance de la Caisse
des dépôts et consignations, en renforçant le rôle de la Commission de surveillance, et de
moderniser sa gestion. Des évolutions importantes sont intervenues en ce sens.
1. UNE RÉFORME IMPORTANTE DE LA GOUVERNANCE
La loi PACTE du 22 mai 2019 a renforcé le rôle de la Commission de surveillance pour
le rapprocher
de celui d’un conseil d’administration d’établissement public, tout en préservant
la spécificité de la Caisse. Ce renforcement est particulièrement marqué en matière
budgétaire : alors que la Commission d
e surveillance n’exprimait qu’un avis simple sur le projet
de budget avant sa transmission pour approbation au ministre, elle est chargée désormais
d’adopter
le budget, qui est ensuite soumis pour approbation au ministre chargé
de l’économie
.
Ce changement a donné des leviers réels à la Commission de surveillance dans la
gouvernance de l’établissement
. La Cour
constate que la Commission s’est pleinement
investie dans ce nouveau rôle, en demandant des précisions ou des modifications au directeur
général avant d’adopter le budget. Par ailleurs,
elle
s’est attachée à garantir la transparence
de ses débats en publiant des comptes-rendus complets de ses séances.
Parallèlement, des progrès ont été réalisés pour moderniser et simplifier certains
aspects du statut de l’établissement
, notamment son cadre comptable : le statut de caissier
général et son compte de gestion ont été supprimés, les modalités de contrôle de la Cour des
comptes sur la gestion de la Caisse des dépôts ont évolué.
2. UNE PROCÉDURE BUDGÉTAIRE MODERNISÉE, DES EFFETS ENCORE À
DÉMONTRER
Dans son référé de 2016, la Cour avait noté le fort dynamisme des dépenses de
fonctionnement de l’établissement qui avaient
augmenté de 23 % entre 2007 et 2015, sous
l’effet notamment d’une masse salariale en très forte progression et de dépenses de
fonctionnement mal maîtrisées. Elle avait appelé à la mise en place d’une trajectoire
pluriannuelle de dépenses exigeante, à articuler étroitement avec la démarche de performance
et la procédure d’élaboration du budget.
Depuis 2017, une trajectoire budgétaire pluriannuelle ,
déclinée par nature d’activité et
avec des objectifs cibles, a été progressivement mise en place. La comptabilité analytique
permet désormais à la Caisse de présenter une trajectoire par métier. Une démarche de
performance opérationnelle a été mise en place à partir de 2018. Elle est progressivement
articulée avec la démarche budgétaire.
Des progrès restent néanmoins à accomplir pour parvenir à une maîtrise réelle du
budget de la Caisse qui a encore progressé de 3 % par an depuis 2015. Ils passent notamment
par une clarification des documents financiers
soumis à l’approbation de la commission de
surveillance. Ainsi, la pratique du « rebasage », en distinguant un périmètre constant et des
extensions de périmètre glissantes, ce qui ne fait pas partie des pratiques des établissements
publics ni de celles des institutions de la place, ne contribue pas à la lisibilité des évolutions
budgétaires, malgré un travail de clarification entrepris récemment. De même, la présentation
du budget en comptabilité d’engagement
plutôt qu’en logique de caisse
, pourrait utilement
améliorer la lisibilité, la pertinence et la comparabilité des documents financiers.
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Au-delà de ces améliorations nécessaires,
le projet de budget soumis à l’adoption de
la Commission de surveillance et à l’approbation du ministre de l’économie
, des finances et
de la relance ne permet pas de rapprocher les dépenses de fonctionnement de la Caisse des
dépôts de son activité. La Cour estime en conséquence nécessaire
que l’
établissement mène
à son terme l’harmonisation des documents financiers –
budget, trajectoire pluriannuelle,
comptes analytiques et comptes annuels
–
, et
que le projet de budget soumis à l’approbation
de la Commission de surveillance soit
accompagné d’u
n co
mpte d’exploitation prévisionnel
,
retraçant les charges et les produits de la CDC, ainsi que
l’équilibre d’exploitation qui en
découle.
3. UNE NORMALISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES À
POURSUIVRE
Le référé de 2016 avait formulé de vives critiques sur la gestion des ressources
humaines, soulignant notamment la forte progression de la masse salariale, le niveau élevé
des rémunérations, le cumul d’avantages du public et du privé et le caractère irrégulier de
certains avantages ou indemnités.
Certaines irrégularités ont pu être résorbées. Tel est le cas notamment des régimes
indemnitaires pour mobilité géographique ou pour départ en retraite du personnel, alors
dépourvus de base légale et qui ont été régularisés.
De même, quoiqu
’ils restent
à confirmer, des progrès ont été constatés dans
l’attribution
de la part variable sur objectifs (PVO) des rémunérations individuelles qui a
fait l’objet d’un
effort de différenciation pour mieux tenir compte des responsabilités et des résultats.
D
’autres recommandations de la Cour n’ont
en revanche été que partiellement suivies
d’
effets.
Si la trajectoire pluriannuelle 2021-2026 récemment adoptée prévoit une stabilisation
de la masse salariale en volume à partir de 2022, s
a mise en œuvre nécessitera une
rupture
par rapport aux évolutions passées : en effet, les frais de personnel, qui représentaient près
de 60
% du budget de l’
établissement en 2020, ont progressé de 14,9 % sur la période
2015-2020.
De même, la Cour avait noté, en 2016, que
l’intéressement
constituait une part
croissante de la masse salariale et que les critères de déclenchement n’étaient pas assez
robustes. Elle avait ainsi recommandé de stabiliser le taux de masse salariale consacré à
l’intéressement
. Pourtant ce taux a continué de croître pour atteindre 7,25 % en 2020. Ce
phénomène a été encore amplifié par des majorations dites exceptionnelles de 0,5 % liées à
la crise sanitaire en 2020 et 2021. Dans le même temps, le renforcement des objectifs à
atteindre pour le versemen
t de l’intéressement
, engagé à partir de 2016,
n’a pas empêché
des
taux d’atteinte autour de 100
%, ce qui peut être le signe
d’objectifs
fixés trop bas.
Sans méconnaître l’importance de l’intéressement comme facteur de
cohésion et
d’
attractivité, la Cour
juge nécessaire de maîtriser l’évolution
des dépenses qui lui sont
consacrées et de fixer des critères de déclenchement plus exigeants et liés à la performance.
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A l’issue de son contrôle,
la Cour formule les recommandations suivantes :
Recommandation n° 1 :
h
armoniser et stabiliser l’information financière en accompagnant le
projet de budget de l’
é
tablissement public soumis à l’adoption de la Commission de
surveillance, de
la présentation du compte d’exploitation prévisionnel (
direction générale du
Trésor et direction générale de la CDC en lien avec la Commission de surveillance) ;
Recommandation n° 2 :
a
fin de renforcer l’incitation du personnel à la performance,
poursuivre le mouvement de différenciation dans l’attribution d
es primes variables sur objectifs
(PVO) (direction générale de la CDC) ;
Recommandation n° 3 :
f
ixer des critères de déclenchement de l’intéressement plus
exigeants et strictement liés à la performance, et maîtriser la part de la masse salariale qui lui
est consacrée (direction générale de la CDC).
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article
L. 143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que vous aurez
donnée à la présente communication
3
.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code :
•
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
•
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
•
l’article L. 143
-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez à
la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et votre
administration.
Signé le Premier président
Pierre Moscovici
3
La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous forme dématérialisée, via
Correspondance JF
(
à l’adresse électronique suivante :
greffepresidence@ccomptes.fr
(
cf.
arrêté du 8 septembre 2015 modifié portant application du décret n° 2015-146 du 10 février 2015 relatif à la
dématérialisation des échanges avec les juridictions financières).