Mercredi 3 octobre 2007
SYNTHÈSE
La qualité de l’information financière communiquée aux donateurs
par les organismes faisant appel à la générosité publique
La loi du 7 août 1991 a confié à la Cour des comptes la mission de vérifier l’utilisation faite par les
organismes caritatifs des fonds collectés auprès du public. Une mission comparable a ensuite été assignée dans
leurs domaines de compétence respectifs à l’inspection générale des affaires sociales et à l’inspection générale de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.
La loi de 1991 dispose en son article 4 que les organismes qui font appel à la générosité publique dans le
cadre de campagnes nationales sont tenus d’établir un « compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès
du public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses ». La Cour est habilitée à contrôler
ce compte d’emploi « afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par les organismes aux objectifs
poursuivis par l’appel à la générosité publique »
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Dans son rapport public annuel de février 2006, la Cour annonçait, après avoir dressé la liste de ses
publications traitant de la générosité publique, qu’elle ferait connaître « les résultats d’une enquête portant sur
l’appréciation de la qualité de l’information financière communiquée par les organismes à leurs donateurs ». C’est
l’objet du présent rapport.
Le compte d’emploi a été conçu dès l’origine pour être à la fois un moyen d’information des donateurs et
un instrument de contrôle de la Cour dans le domaine de la générosité publique. Aujourd’hui, les comptes
d’emploi sont de plus en plus utilisés par les organismes pour communiquer en direction du grand public (et pas
seulement de leurs donateurs) sur l’emploi des fonds qu’ils ont collectés, cette communication s’appuyant souvent
sur des indicateurs élaborés à partir des données issues de ces comptes.
Après avoir constaté, lors de ses contrôles successifs, que la construction des comptes d’emploi obéissait à
des règles parfois divergentes, la Cour a mené une enquête sur la qualité de l’information financière ainsi
communiquée aux donateurs et au public.
Cette enquête a été réalisée par l’examen – en application de l’article L. 111-8 du code des juridictions
financières - du compte d’emploi des ressources de dix organismes faisant appel à la générosité publique,
associations et fondations de taille et d’objets variés. Les interrogations qu’ont fait naître ces contrôles sont
apparues suffisamment exemplaires pour justifier la rédaction d’un rapport de synthèse.
Le premier chapitre du rapport présente le cadre comptable applicable et les problèmes soulevés par sa
mise en oeuvre. Les organismes qui font appel à la générosité publique sont soumis à une réglementation
comptable désormais précise et détaillée pour établir leurs comptes annuels et à une réglementation plus
spécifique, assez succincte, pour établir le compte d’emploi. Le modèle de compte d’emploi couramment utilisé
par les organismes ne rend en fait qu’imparfaitement compte de l’utilisation des fonds qu’ils ont reçus des
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Article 5 de la loi du 7 août 1991 codifié à l’article L. 111-8 du code des juridictions financières.
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donateurs. L’ordonnance du 28 juillet 2005, qui fait du compte d’emploi un élément de l’annexe des comptes
annuels, renforce le lien entre la comptabilité générale et le compte d’emploi. Il reste à mettre au point un
référentiel qui permette aux commissaires aux comptes de vérifier et de certifier le compte d’emploi.
Le deuxième chapitre analyse les difficultés liées à la notion de missions sociales, dont le contenu varie
sensiblement d’un organisme à l’autre. Si la loi de 1991 ne définit pas le contenu de la rubrique
« missions
sociales », on peut considérer qu’elle regroupe les dépenses qui tendent à la réalisation des causes mises en avant
dans les campagnes d’appel à la générosité publique. Les pratiques de répartition analytique des charges,
extrêmement variables d’un organisme à l’autre en fonction des méthodes retenues, peuvent parfois conduire à en
fausser la présentation. Il conviendrait au minimum que les organismes respectent quelques principes
fondamentaux : l’information des instances associatives sur les méthodes analytiques retenues, la permanence de
celles-ci, la traçabilité des charges du compte de résultat aux emplois du compte d’emploi et inversement, la
continuité de la chaîne de traitement pour l’enregistrement des charges, l’information des donateurs et
l’indivisibilité de l’information financière qui devrait être toujours accompagnée des commentaires
indispensables.
Le troisième chapitre souligne l’insuffisance du suivi des ressources non utilisées. Tout lecteur du compte
d’emploi devrait pouvoir connaître le montant des dons collectés non dépensés les années précédentes, qui
seraient repris chaque année au compte d’emploi jusqu’à leur épuisement complet, comme le prévoit l’arrêté du
30 juillet 1993 sur le compte d’emploi. Cette information lui permettrait de vérifier que l’organisme parvient à
utiliser l’argent collecté dans un délai raisonnable. L’enquête a montré pourtant que les comptes d’emploi établis
par les organismes ne permettent pas de disposer de cette information. Le suivi pluriannuel des ressources issues
de la générosité publique est, de ce fait, très partiel. De plus, le mécanisme des « fonds dédiés » institué par le
règlement comptable du 16 février 1999 et qui permet un suivi simple, d’une année sur l’autre, des fonds affectés
non utilisés, est peu employé pour les sommes provenant de la générosité du public alors qu’il pourrait pallier
cette insuffisance,. La Cour constate qu’il ressort des précautions mêmes prises par les organismes dans la
rédaction des bulletins de don que le message de sollicitation crée un engagement d’affecter les dons
conformément à l’objet de l’appel à la générosité du public. C’est pourquoi il lui paraît indispensable que la
procédure des fonds dédiés soit mise en oeuvre dans tous les cas où l’objet de l’appel est plus restreint que l’objet
social de l’organisme et qu’elle soit élargie aux fonds affectés par les instances associatives.
Enfin, le dernier chapitre indique des pistes pour une information financière exhaustive et transparente. La
plupart des organismes qui font appel à la générosité publique utilisent des ratios dans leur communication. En
effet, la présentation d’un indicateur sous la forme d’un pourcentage simple ou d’un diagramme circulaire rend
l’information immédiatement accessible. La liberté est totale en ce domaine. Or, compte tenu de la diversité des
organismes, de leurs activités et des événements auxquels ils sont confrontés, ces indicateurs ont une signification
très différente d’un organisme à l’autre. De plus, les méthodes de construction des mêmes indicateurs peuvent
varier sensiblement d’un organisme à l’autre, ou d’une année à l’autre pour un même organisme. Enfin, le souci
des organismes de présenter des indicateurs avantageux peut les conduire à un certain nombre de pratiques
contestables. Il n’appartient pas à la Cour d’imposer des indicateurs ni une méthodologie. Mais l’expérience
acquise dans les contrôles d’organismes faisant appel à la générosité du public la conduit à souligner que quelques
principes fondamentaux doivent être respectés : un indicateur n’est pas comparable sans précaution d’un
organisme à l’autre ; il doit pouvoir être vérifié aisément dans les documents comptables ; il doit être accompagné
de commentaires explicitant sa méthode de construction et rappelant la question à laquelle il tend à apporter une
réponse ; enfin, un indicateur doit être validé par les instances associatives qui vérifieront notamment sa
cohérence avec les documents financiers et avec la stratégie de l’organisme.