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ENGIE
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ENGIE :
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Siège social : 1 Place Samuel de Champlain- 92400 Courbevoie Cedex
Monsieur Pierre Moscovici
Premier président
Service du Greffe de la Cour
13 rue Cambon
75100 PARIS CEDEX 01
Dossier suivi par : Jean-
Pierre Rodelgo
Réf
: S2021-
1733
Paris La Défense, le 2 décembre 2021
Objet : Observations définitives intitulées « La Compagnie nationale du Rhône, productrice
d’électricité – Exercices 2012 à 2020 » - Remarques de ENGIE
Monsieur le Premier Président,
Par courrier en date du 3 novembre 2021, vous m’adressiez en ma qualité de Président du Conseil
d’administration d’ENGIE SA les observations définitives intitulées «
La Compagnie nationale du Rhône,
productrice d’électricité – Exercises 2012 à 2020 » (les
Observations définitives
) et me demandiez de
faire connaître ma réponse dans un délai d’un mois et sous ma signature personnelle exclusivement.
Ces Observations définitives appellent de la part d’ENGIE les commentaires détaillés d
ans le présent
courrier.
ENGIE SA détient, via sa filiale détenue à 100% anciennement dénommée Electrabel France SA et
actuellement dénommée ENGIE Renouvelables SAS, 49,97% du capital de la Compagnie Nationale du
Rhône.
A titre liminaire, les Observations définitives font état de deux recommandations qui ont été depuis
prises en compte dans le dossier
de prolongation de la concession de la CNR.
En effet, concernant la recommandation nr 1, nous sommes favorables à la production d’un compte de
la concession conforme au cahier des charges générales, qui pourrait être produit par la CNR dès la fin
de l’exercice 2021, une fois son format confirmé.
Ensuite, concernant la recommandation nr 2, une clause de rendez-vous périodique a été introduite
dans le dossier de prolongation de la concession afin d’ajuster les paramètres de la concession en cas
de hausse significative du chiffre d’affaires. En outre, le dossier de prolongation contient également
d’autres mécanismes encadrant fortement les éventuelles surcompensations du concessionnaire :
redevance variable en fonction des prix de l’électricité au bénéfice du concédant, pénalités associées
au programme de travaux, réajustement des taux de la redevance en cas de non réalisation de l’ouvrage
de Saint-
Romain
-de-Jalionas, engagement de dépenses au titre des plans pluriannuels quinquennaux.
2
Les Observations définiti
ves mentionnent par ailleurs une forte rémunération du capital ces dernières
années au bénéfice des actionnaires.
En ce qui concerne la rémunération des actionnaires (à distinguer de la rémunération des capitaux dans
leur totalité, issue des actionnaires et des prêteurs bancaires), nos calculs (basés sur les éléments
mentionnés dans les Observations définitives et en reprenant l’ensemble des flux perçus par ENGIE et
en valorisant la trésorerie excédentaire) montrent que la rémunération historique des capitaux propres
d’ENGIE depuis sa prise de participation dans la CNR atteint un niveau inférieur à celle qui aurait été
attendue par un investisseur sur cette période pour ce profil de risque : risque sur le chiffre d’affaires
(exposition aux prix mais aussi aux volumes), et risques industriels (disponibilité des actifs, charges
opérationnelles) assortis d’obligations très encadrées.
Il nous parait également erroné d’indiquer en page 41 des Observations définitives qu’
«
On peut
comprendre qu’à ce niveau de rentabilité, ni ENGIE ni la Caisse des dépôts n’ont pas souhaité céder
leurs participations dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, comme cela avait été initialement
envisagé
» ; qui laisse à penser une volonté d’ENGIE dès l’origine de céder ses
titres CNR à l’atteinte
d’un certain niveau de valorisation financière. Nous nous inscrivons en faux contre cette interprétation :
la stratégie qui a présidé à l’entrée d’ENGIE au capital de CNR est celle d’un acteur industriel
de long
terme qui, à l’inverse d’une majorité des acteurs, a accepté de prendre un risque lors de l’ouverture du
capital de la CNR en 2003 sur la capacité de la CNR à
fonctionner de manière autonome, après avoir
été intégrée au sein d’EDF pendant 59 ans. L’histoire montre que la CNR
a pu prendre cette autonomie
avec succès mais, en 2003, ce n’était pas encore acquis, et c’est aussi cette incertitude légitime de
l’Etat qui a retardé la décision de prolongation de la concession qu’après une période d’observation de
dix ans, qui aurait pu être initiée dès 2003 comme souligné dans le rapport. Il est donc totalement erroné
d’affirmer que le pacte d’actionnaires envisageait une cession de sa participation dans la CNR par
ENGIE, puisque ce n’était en aucun cas l’intention d’ENGIE et qu’aucun élément du pacte d’actionnaires
ne peut être interprété en ce sens.
Il convient aussi de rappeler que la CNR ne distribue pas l’intégralité de ses résultats. La politique de
dividendes est décidée en assemblée générale de la CNR, à laquelle sont conviés et
peuvent voter
l’ensemble des actionnaires, en ce compris les collectivités locales. Ce n’est pas uniquement les
actionnaires ENGIE et CDC qui décident et qui reçoivent effectivement des dividendes.
En page 41 des Observations définitives, il est indiqué que le contrat de concession de la CNR va être
prolongé jusqu’en 2041 « à titre gratuit, sans versement d’un prix complémentaire ».
Rien n’est moins vrai
; dans le cadre de la gestion du fleuve dans toutes ses dimensions - infrastructures
de transport, réseau portuaire, gestion de la ressource, irrigation et usages agricoles, aménagements
des territoires - la prolongation s’accompagne d’un important programme d’investissements et
d’aménagements de plus de 500M€ ainsi que des plans d’actions dans le cadre
du schéma directeur
qui s’élèvent à 165M€ tous les 5 ans. En outre, l’exploitation de la concession comporte des risques
majeurs supportés intégralement par la CNR et ses actionnaires, notamment
:
-
risque prix : il nous parait important de rappeler que la volatilité de ceux-ci est très importante, et
que la capacité des forwards à prédire les prix futurs est faible. Ce risque est supporté entièrement
par le concessionnaire. Également, les prévisions de prix fournies par les analystes de marché ne
remettent pas en cause les références du modèle économique de la prolongation de la concession ;
-
risque volume : la production hydraulique est également fortement volatile, comme le montre
l’historique ci-dessous.
Par ailleurs, il est à noter que le débit du Rhône
pourrait chuter de 10 % à
40 % dans les 30 prochaines années sous l’effet du changement climatique, impliquant une érosion
de la production par rapport aux moyennes historiques. Ce risque est supporté entièrement par le
concessionnaire ;
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-
risques industriels : par exemple, la survenance de sinistres tels que des incendies ou autres
incidents entrainant des indisponibilités des actifs de production sur de longues durées, se chiffrant
en pertes de plusieurs dizaines de millions d’euros ;
-
risques liés au programme d’investissements et d’aménagements et des plans d’actions dans le
cadre du schéma directeur prévus dans le dossier de la prolongation : le risque financier lié à ces
programme et plans pèse à 100 % sur CNR et ses actionnaires
en cas de dépassement des
enveloppes de travaux (risques de décalage de calendrier et de développement et réalisation des
travaux, évolution des conditions de marché de la sous-traitance, évolution des prix des matières
premières, etc. …) ;
-
de manière générale, les conséquences liées à l’évolution des règlementations qui s’appliquent à
l’ensemble du périmètre et des activités gérées (production hydroélectrique, navigation, gestion de
l’eau).
Ensuite, en page 41 des Observations définitives, il est menti
onné que « les actionnaires peuvent puiser
à tout moment » dans «
une trésorerie abondante, actuellement de 475M€
». Il est nécessaire de
rappeler qu’une partie de cette trésorerie doit être mobilisée pour faire face aux engagements sociaux
postérieurs à l
’emploi, et de manière générale, au passif du bilan de la CNR, évalués à 241M€ au 31
décembre 2020 et qu’une autre partie permet de faire face aux variations des appels de marge et dépôts
de garanties obligatoires pour l’activité de vente et achats sur les marchés, qui peuvent être très volatils.
Il est donc absolument erroné d’affirmer que la trésorerie de la CNR peut faire l’objet à tout moment
d’un prélèvement par les actionnaires. Il convient même de souligner que les actionnaires peuvent
contribuer et
ont contribué à soutenir la CNR dans le cadre très exigeant et très risqué des appels de
marge.
Enfin, ENGIE conteste formellement en page 45 des Observations définitives la position exprimée par
l’AFIEG lors du débat public, ainsi que la partie des Observ
ations qui indique que «
[les sociétés
actionnaires] ont déjà bénéficié de revenus considérables générés par ladite concession, au point
d’avoir été remboursées de leur achat initial en moins d’une dizaine d’années comme il a été
précédemment exposé
». D’une part, comme exposé ci-dessus, il n’y pas eu de « revenus
considérables » pour les actionnaires. D’autre part, le dossier de prolongation est fondé sur une
neutralité financière et sur une absence d’aide d’état, au vu notamment des risques importants pris par
le concessionnaire et ses actionnaires et des mécanismes visant à encadrer toute surcompensation.
Le dossier de prolongation de la concession du Rhône a effectivement été construit pendant 7 ans,
avec le soutien de l’Etat, de la Commission Européen
ne et de toutes les parties prenantes du Rhône.
L’ensemble des paramètres économiques ont été justifiés, ainsi que les dispositifs encadrant les
éventuelles surcompensations du concessionnaire, au regard de l’objectif de neutralité financière de la
prolongation de la concession.
Pour conclure, les deux recommandations des Observations définitives ont bien été prises en
compte dans le dossier de prolongation, qui a été construit autour de la nécessaire neutralité
économique de la prolongation avec des mécanismes forts encadrant d’éventuelles
surcompensations. En outre, la rémunération de la concession, dans le passé et au regard de la
prolongation envisagée, ne peut se lire sans tenir compte des risques pris par les actionnaires
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lors de leur entrée au capital de la CNR et des risques passés et futurs importants liés à cet actif
très particulier et unique en France qu’est la concession du Rhône, avec son triple objet de
production d’électricité, de navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Président, à l’assurance de ma haute considération.
Jean-Pierre Clamadieu
Président du conseil d’administration d’ENGIE SA