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S2021-1733
Deuxième chambre
Troisième section
OBSERVATIONS DEFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA COMPAGNIE NATIONALE
DU RHONE, PRODUCTRICE
D’ELECTRICITE
Exercices 2012 à 2020
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 23 juillet 2021.
En application de l’article L. 143-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
2
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
..............................................................................................
7
INTRODUCTION
.....................................................................................................
9
1
UNE ENTREPRISE COMMERCIALE CHARGEE DE MISSIONS
D’INTERET GENERAL
.....................................................................................
10
1.1
Une activité mixte, héritée de l’histoire
.........................................................
10
1.1.1 Un modèle historique original et sans équivalent en Europe
..........................
10
1.1.2 Un cahier des charges général de la concession atypique
...............................
11
1.1.3 Depuis 2001, un statut de producteur indépendant d’électricité
.....................
11
1.1.4 Un statut juridique
sui generis
........................................................................
12
1.1.4.1
Les textes applicables
...........................................................................................
12
1.1.4.2
Un statut unique en France
...................................................................................
13
1.2
La commercialisation de l’hydroélectricité
....................................................
14
1.2.1 Les contraintes pesant sur la production hydroélectrique
...............................
14
1.2.1.1
La variabilité annuelle
..........................................................................................
14
1.2.1.2
La variabilité infra-annuelle
.................................................................................
15
1.2.2 Les modalités de la vente de l’hydroélectricité
...............................................
15
1.2.2.1
Diminuer le risque de volatilité des prix par des opérations de couverture
..........
15
1.2.2.2
Prendre en compte le « risque volume » de production
........................................
16
1.2.2.3
L’optimisation infra-journalière
...........................................................................
16
1.2.3 Les achats/reventes d’énergie
..........................................................................
17
1.2.3.1
La part croissante des achats-reventes
..................................................................
17
1.2.3.2
L’activité d’intermédiaire
.....................................................................................
18
1.3
Les recettes accessoires hors hydroélectricité
................................................
19
1.3.1 Les produits annexes de la production hydroélectrique
..................................
19
1.3.1.1
La vente des certificats de garantie d’origine
.......................................................
19
1.3.1.2
Les garanties de capacités
....................................................................................
20
1.3.2 La production éolienne et photovoltaïque
.......................................................
20
2
LA RENTE HYDRO-ELECTRIQUE ET SON AFFECTATION
......................
23
2.1
Présentation synthétique des comptes sociaux
...............................................
23
2.1.1 Analyse du bilan
..............................................................................................
23
2.1.2 Analyse du compte de résultat
........................................................................
24
2.2
Les comptes de concession
............................................................................
26
2.2.1 Les insuffisances des comptes séparés
............................................................
26
2.2.2 La perte d’informations par multiplication des documents comptables
..........
27
2.3
L’utilisation des excédents d’exploitation
......................................................
28
2.3.1 L’existence d’une rente
...................................................................................
28
2.3.2 Le prélèvement par l’Etat d’une partie de la rente sous la forme d’une
redevance
.........................................................................................................
30
2.3.3 Les investissements
.........................................................................................
31
2.3.3.1
Les différentes catégories d’investissements
........................................................
31
2.3.3.2
Les investissements budgétés et réalisés
..............................................................
32
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
4
2.3.4 La rémunération du capital
..............................................................................
34
3
LA PROLONGATION DU CONTRAT DE CONCESSION
.............................
38
3.1
Les conditions de la prolongation
..................................................................
38
3.1.1 Les aspects juridiques de la prolongation
........................................................
38
3.1.1.1
Le calendrier d’adoption de la prolongation
.........................................................
38
3.1.1.2
Les modifications apportées au cahier des charges par avenant
...........................
39
3.1.1.3
La justification de la prolongation
........................................................................
39
3.1.1.4
Les positions exprimées dans le débat public
.......................................................
39
3.2
L’examen du scénario de la prolongation
......................................................
40
3.2.1 La méthode mise en œuvre
..............................................................................
40
3.2.1.1
La méthode de l’identité des flux de trésorerie actualisés
....................................
40
3.2.1.2
L’élaboration du scénario de référence
................................................................
41
3.2.2 La modification de l’équilibre investissements/redevance
..............................
42
3.2.2.1
L’augmentation des investissements :
..................................................................
42
3.2.2.2
La fixation d’un barème par tranches à taux progressif
.......................................
44
3.2.2.3
Le comportement du nouveau barème face aux variations de prix et de volume .44
3.3
La fragilité des hypothèses du plan d’affaires 2018-2041
.............................
46
3.3.1 Les hypothèses de prix
....................................................................................
46
3.3.2 Les hypothèses d’indexation des charges et des produits annexes
..................
48
3.3.3 L’hypothèse retenue pour le taux d’actualisation
............................................
49
3.4
La simulation d’un plan d’affaires sur vingt ans, une méthode inadaptée
.....
50
ANNEXES
....................................................................................................................
52
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
5
SYNTHÈSE
Une entreprise atypique dont le modèle a été préservé
La Compagnie nationale du Rhône (CNR), entreprise majoritairement détenue par des
personnes publiques, est concessionnaire de sites industriels de production d’hydroélectricité
appartenant à l’Etat, dont une partie des revenus permet de financer des missions d’intérêt
général pour la navigation, l’irrigation, l’environnement et le développement local. Ce modèle,
issu de la loi ayant créé cette société en 1933, est demeuré inchangé depuis le début de la
concession en 1948 et donne à la CNR une personnalité originale héritée de sa longue histoire
et de son implantation locale.
Il devrait perdurer jusqu’en 2041 du fait de la décision prise par le concédant de
prolonger la concession au-delà de 2023.
Des obligations d’investissement à concilier avec les intérêts des actionnaires
La cession en 2003, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du marché de
l’électricité, de presque la moitié (49,97%) du capital de la CNR à un opérateur privé de ce
secteur (Electrabel, filiale d’Engie), a conduit à mettre en place une régulation financière
différente de celle qui s’appliquait à EDF, le précédent exploitant des barrages hydroélectriques
concédés à la CNR. Elle s’est révélée excessivement favorable au concessionnaire au cours de
la période écoulée (2003-2020) en raison d’une mauvaise anticipation des effets de l’ouverture
du marché de l’électricité et du niveau des prix de vente.
Les usines hydroélectriques du Rhône produisent de l’électricité à un coût complet
moindre que la plupart des autres moyens de production exploités en France et dégagent des
surplus, qui bénéficiaient, avant l’ouverture du marché de l’électricité, à l’Etat et aux
collectivités locales riveraines, mais aussi aux consommateurs d’électricité en raison de
l’existence de tarifs réglementés qui reflétaient les coûts moyens de production d’EDF. Les
actionnaires publics ne recevaient pas de dividendes puisque la CNR ne commercialisait pas
elle-même sa production et équilibrait ses comptes avec des dotations d’EDF. La
commercialisation par la CNR de sa production aux prix du marché a fait apparaître, au cours
de la période 2003-2020, une rente infra marginale plus importante que ce qui avait été anticipé,
malgré deux années défavorables (2017-2018). La part majoritaire de la rente a été captée par
l’Etat, sous forme de redevance et d’impôt sur les sociétés, le solde a été conservé par la société
concessionnaire et ses actionnaires, de sorte que l’efficacité des barrages du Rhône ne bénéficie
plus aux consommateurs à travers des tarifs reflétant les coûts de production.
Cette situation de rente infra marginale, résultant de prix de marché très supérieurs, en
moyenne, à ses coûts de production, s’est traduite, dans les comptes de l’entreprise, par des
résultats élevés, une trésorerie abondante, un endettement quasi-nul et une distribution de
dividendes très importante. Depuis le début du contrat de concession, en 2003, le résultat net
après impôt a représenté une rémunération moyenne des capitaux engagés de 24 % et les
dividendes versés, une rémunération moyenne de 16 %.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
6
Dans le même temps, le montant des programmes d’investissements et leur taux
d’exécution se sont dégradés en fin de période au fur et à mesure que les résultats de l’entreprise
diminuaient du fait de la baisse des prix de gros de l’électricité en 2016.
Des modalités de prolongation de la concession de la CNR qui doivent être
assorties d’ajustements dans le temps
L’Etat a décidé de prolonger le contrat actuel avec la CNR sans soumettre la concession
à un appel d’offres.
Pour corriger les erreurs d’appréciation de la période antérieure, et pour prévenir la
reproduction d’effets d’aubaine en cas de hausse des prix de gros de l’électricité, il a prévu que
le calcul du taux de redevance sur le chiffre d’affaires serait modifié et que le volume des
investissements incombant au concessionnaire serait sensiblement augmenté.
Ces modifications vont dans le sens d’un indispensable rééquilibrage tout en restant
conformes à la mission de la CNR qui demeure statutairement une «
société d’intérêt général
»
chargée d’aménager le Rhône. Elles reposent toutefois sur une série d’hypothèses incertaines
et liées entre elles, notamment une indexation automatique des coûts, des prix, des volumes et
des chiffres d’affaires, qui seront impossibles à corriger en cas de dérive par rapport aux
prévisions.
L’équilibre de l’ensemble dépend d’un volume d’investissements très volontariste, mais
encore incertain, et qui ne sera connu qu’au fur et à mesure de sa réalisation, l’Etat pouvant en
outre renoncer à l’édification de l’ouvrage principal inscrit dans le contrat.
Face à ces incertitudes, le concédant a accepté une actualisation du coût du capital très
favorable au concessionnaire qui, appliqué sur vingt ans, donne une
sécurité financière aux
actionnaires et ouvre un risque
de voir la dérive de 2003-2020 se reproduire sur la période
2021-2041, d’autant que les premières années du scénario de prolongation (2019-2020-2021)
sont beaucoup plus favorables que la prévision du scénario élaboré en 2018 et que les dernières
prévisions de la CNR pour la période 2022-2026 sont également plus favorables que le plan
d’affaires arrêté en 2018.
De manière générale, en mettant en place un dispositif d’ajustement automatique, mais
fixé pour la totalité de la période de prolongation, l’Etat concédant se priverait de la possibilité
de corriger ses erreurs de prévision en cours d’exécution du contrat.
Il est donc nécessaire de prévoir une clause de revoyure permettant d’ajuster les
paramètres économiques et financiers du plan d’affaires et de garantir sa neutralité financière
effective sur la durée de la prolongation de la concession.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
7
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 (DGEC, CNR, 2022) :
Produire un compte de la concession conforme
au cahier des charges générales, en particulier pour l’établissement du chiffre d’affaires, en
appliquant une méthodologie approuvée par le comité d’audit de la CNR.
Recommandation n° 2
(
DGEC
,
CNR, 2022) :
Inscrire dans le projet de neuvième avenant au
contrat de concession une clause de revoyure permettant d’ajuster les paramètres économiques
et financiers du plan d’affaires et de garantir sa neutralité financière effective sur la durée de la
prolongation.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
8
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
9
INTRODUCTION
La Compagnie nationale du Rhône (CNR) est une entreprise commerciale dont le capital
est majoritairement détenu par des personnes publiques (à hauteur de 50,03 %). Elle gère en
concession des sites industriels appartenant à l’Etat et le contrat de concession l’oblige à assurer
des missions d’intérêt général relatives à l’énergie, la navigation, l’environnement et
l’irrigation. Cette détention majoritaire du capital par des personnes publiques fonde la
compétence de la Cour.
Le présent rapport, portant sur la période 2012-2020, est centré sur les activités de
production et de commercialisation de l’énergie produite par les biens en concession, qui
représentent la quasi-totalité de l’activité commerciale de l’entreprise et qui financent
l’ensemble des missions de la CNR. Les autres activités : navigation, irrigation et
environnement, ainsi que les opérations de diversification par le développement de filiales, ne
donnent pas lieu à des développements spécifiques qui dépasseraient le cadre d’un rapport
centré sur l’énergie.
Le précédent rapport de la Cour sur les comptes et la gestion de la CNR, également
centré sur l’hydroélectricité, portait sur la période 2004-2007
1
.
Malgré l’absence de contrôle spécifique de la Cour sur la période 2008-2011, les
données disponibles permettent de dresser un tableau cohérent de l’exécution du contrat de
concession jusqu’à aujourd’hui.
1
Cour des comptes, Rapport particulier, Examen des comptes et de la gestion de la société « Compagnie nationale
du Rhône », Exercices 2004-2007, 28 mai 2009.
Note sur le champ du contrôle
La concession du Rhône n’est pas une simple concession hydroélectrique mais porte sur
plusieurs
types
d’ouvrages
(barrages,
écluses,
usines
hydroélectriques,
ports,
aménagement des rives, irrigation), conformément au modèle historique fixé en 1933. On
peut ainsi, soit contrôler la société concessionnaire au périmètre du contrat de concession
en traitant de toutes ses missions, soit se limiter à la partie hydroélectrique qui fournit 95%
des recettes et finance les autres activités. Pour des raisons circonstancielles, la Cour a
jusqu’à présent choisi la seconde option : en 2007, pour faire le bilan de transformation de
la CNR en productrice d’électricité indépendante depuis 2003 et, en 2020, pour examiner
la question de la prolongation de la concession qui soulève essentiellement des questions
liées au marché de l’électricité.
A l’avenir, si les enjeux d’intérêt public l’exigent, la Cour pourrait adopter une démarche
transversale portant sur la gestion de la ressource en eau et traitant, dans un même rapport,
les questions de production électrique, de navigation, d’agriculture et d’environnement
relevant de la CNR.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
10
1
UNE ENTREPRISE COMMERCIALE CHARGEE DE
MISSIONS D’INTERET GENERAL
1.1
Une activité mixte, héritée de l’histoire
1.1.1
Un modèle historique original et sans équivalent en Europe
Parmi les nombreuses concessions d’ouvrages publics pour la gestion des sites de
production d’hydroélectricité, celle de la concession d’aménagement et d’exploitation du
Rhône, dont a toujours été titulaire la CNR depuis près d’un siècle, est particulièrement
originale et s’est maintenue au cours de l’histoire.
En effet, elle couvre trois missions historiques : (i) la production hydroélectrique, (ii) la
navigation et la gestion des ouvrages portuaires, (iii) l’irrigation et les autres usages agricoles.
Ces missions sont assurées sur un territoire géographique étendu en comparaison du périmètre
d’une concession classique puisqu’elles concernent plusieurs dizaines d’ouvrages, dont 18
centrales hydroélectriques d’une puissance totale de 3 GW et 19 écluses, répartis sur deux
régions et onze départements, une distance d’environ 500 km séparant le barrage historique de
Génissiat, en amont de Lyon, et les installations de Port-Saint-Louis-du- Rhône, l’ouvrage
portuaire situé le plus en aval.
Ce cumul de missions est conforme à la volonté des responsables politiques à l’origine
du projet qui ont choisi, en 1933, de confier l’aménagement du Rhône à un seul opérateur au
sein duquel toutes les collectivités riveraines seraient parties prenantes avec comme modèle
économique, l’utilisation des recettes issues de la vente d’hydroélectricité pour financer les
aménagements nécessaires afin de sécuriser la navigation sur le Rhône et irriguer les terres
agricoles qui le bordent. Il s’est maintenu au fil des textes successifs régissant la concession et
ses ouvrages :
o
La loi du 27 mai 1921
modifiée approuvant le programme de travaux
d’aménagement du Rhône de la frontière franco-suisse à la Méditerranée au
triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres
usages agricoles, et créant les ressources financières correspondantes.
o
La convention de concession générale passée le 20 décembre 1933
entre
l’Etat et la Compagnie Nationale du Rhône, déjà modifiée huit fois par avenants.
o
Le cahier des charges général
de la concession, constituant le huitième avenant
et annexé au décret n°2003-513 du 16 juin 2003.
o
Les 18 cahiers des charges spéciaux
des chutes aménagées.
o
Les 4 conventions passées entre l’Etat et la CNR
pour l’aménagement et
l’exploitation des ports de commerce et les
2 conventions
passées entre l’Etat et
CNR pour l’aménagement et l’exploitation des ports de plaisance.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
11
1.1.2
Un cahier des charges général de la concession atypique
Compte-tenu de la variété des missions d’intérêt public, le respect du cahier des charges
général (ci-après le CCG) fait l’objet de contrôles multiples par l’Etat, en tant qu’autorité
concédante. En application des dispositions de la loi de 1921 susvisée et de l’article R.521-1 du
code de l’énergie, la concession du Rhône relève de la compétence des ministres en charge de
l’énergie, des transports et de l’agriculture. D’un point de vue opérationnel, le contrôle de la
concession est exercé par le ministère de la transition écologique (DGEC pour le volet
hydroélectrique, DGITM pour le volet navigation, transport fluvial et les ports, et DGPR pour
le volet sûreté des ouvrages) avec le support local des DREAL concernées. Une
conséquence
de cette diversité des missions est que les activités de la CNR relèvent de plusieurs codes
:
le
code de l’énergie, le code des transports, le code de l’environnement, le code général de la
propriété des personnes publiques, le code de l’urbanisme, le code de la commande publique.
Depuis la réforme de Voies navigables de France (VNF) de 2014 qui a conduit à la
suppression du service de la navigation Rhône-Saône, la CNR assure cette mission pour le
compte de l’Etat, sous le contrôle des préfets de département en charge de la police de la
navigation. Elle assume aussi d’importantes responsabilités dans l’organisation des ports
fluviaux, par exemple la validation des sous-traités de concession entre la CNR et des tiers pour
l’exploitation de certaines zones portuaires (Article 49 du CCG).
Les ouvrages hydroélectriques de la concession du Rhône sont classés en catégorie A
(« grands barrages ») et en catégorie B (la grande majorité des endiguements) et doivent donc
faire l’objet d’études périodiques de danger conformément aux articles R. 214-129 à 132 du
code de l’environnement. L’étude de danger est réactualisée tous les 10 ans pour les ouvrages
de catégorie A et tous les 15 ans pour les ouvrages de catégorie B. L’Etat, via des inspections
annuelles programmées ou des visites inopinées des inspecteurs du contrôle des ouvrages,
s’assure de la bonne exécution du cahier des charges de la concession pour la partie
hydroélectricité.
Depuis 2018, en application de l’article L. 524-1 du code de l’énergie, un comité de
suivi de l’exécution de la concession a été mis en place. Ce comité est destiné à associer les
parties-prenantes dans le suivi et l’exécution de la concession du Rhône.
1.1.3
Depuis 2001, un statut de producteur indépendant d’électricité
Du fait de la nationalisation du secteur électrique en 1946 et jusqu’à la loi de
libéralisation du marché de l’électricité de 2000, les relations entre EDF et la CNR ont été régies
par un dispositif conventionnel qui prévoyait qu’EDF exploite les centrales hydroélectriques,
commercialise la production électrique et conserve les recettes, la CNR recevant un montant
forfaitaire négocié avec EDF de manière à être en mesure de financer ses missions, notamment,
mais non exclusivement, la construction des ouvrages du Rhône (19 centrales érigées entre
1948 et 1986).
Après la promulgation de la loi de libéralisation du marché de l’électricité, la CNR a
retrouvé en 2001 son statut d’avant-guerre de producteur d’électricité indépendant de plein
exercice, qui n’avait jamais été exercé faute d’ouvrages à exploiter. Un transfert de
compétences et de personnels d’EDF vers la CNR a été organisé entre 2002 et 2006 grâce à un
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
12
accord social et industriel qui a conduit plus de 300 agents d’EDF à intégrer la CNR le 1er
janvier 2006.
Cette indépendance de la CNR a été confortée, en 2003, par l’ouverture de son capital
avec une prise de participation minoritaire (49.97%) d’Electrabel, filiale du groupe Suez, un
autre bloc important (33.2%) étant détenu par la Caisse des dépôts et consignations (ci-après
CDC). Ce changement de l’actionnariat n’a toutefois pas modifié les obligations du
concessionnaire qui sont intégrées dans le cahier des charges depuis l’origine et ont notamment
pour objet de redistribuer aux territoires une partie de la richesse produite par l’exploitation des
ouvrages du Rhône, notamment à travers des actions pour la navigation, l’agriculture et
l’environnement.
Le développement d’autres activités commerciales sur les marchés de l’électricité, sans
lien avec le statut de concessionnaire, n’est pas sans conséquences. Cohabitent désormais dans
les comptes consolidés de la CNR des montants relatifs d’une part à une activité réglementée,
soumise à des redevances et à une obligation d’investissement, et d’autre part à des activités de
marché, comme le développement des sites de production EnR détenus en propre ou à travers
des filiales consolidées ou des activités de trading ou d’agrégation pour compte de tiers.
Son bilan consolidé est ainsi de plus en plus marqué par le poids de CN’Air, la principale
filiale dédiée aux EnR détenue à 100%, avec des immobilisations qui atteignent un montant
proche du milliard d’euros et un endettement de plus de 500 M€. Même si les recettes générées
par ces productions EnR hors concessions (1 TWh) sont encore limitées par rapport à la
production hydroélectrique, elles ne sont plus des activités marginales et leur dynamisme est
appelé à perdurer.
La cohabitation entre une logique d’intérêt général et une logique commerciale, n’ayant
pas été arbitrée en 2003 au moment de l’ouverture du capital à des capitaux privés, a été
maintenue dans une certaine confusion. La privatisation totale de l’entreprise et son intégration
au groupe Engie ayant été abandonnées en 2009, cette cohabitation est demeurée dans un entre-
deux que traduisent bien les statuts de l’entreprise.
1.1.4
Un statut juridique
sui generis
1.1.4.1
Les textes applicables
Les statuts de la société CNR sont fixés par décret. Cette particularité s’explique par un
régime, unique en France, de «
société anonyme d’intérêt général
». Cette appellation ne
correspond à aucun statut social prévu par le code de commerce. En droit, la CNR est donc une
société par actions, à conseil de surveillance et directoire, dont l’activité commerciale est de
droit commun depuis 2003 mais dont l’organisation est toujours régie par des textes
réglementaires. C’est donc par ses statuts, approuvés par décret, que le caractère «
d’intérêt
général
» de la CNR trouve une traduction juridique.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
13
Ainsi, les statuts actuellement en vigueur ont été approuvés par le décret n° 2003-512
du 16 juin 2003 qui confirme, à son article 2, le choix de 1933 (soulignements ajoutés) :
« La Compagnie nationale du Rhône est une société anonyme d'intérêt général soumise à un
régime particulier créée le 11 octobre 1932. Elle est régie par :
- la loi du 27 mai 1921, modifiée par les ordonnances n° 45-2623 du 2 novembre 1945 et n°
58-881 du 24 septembre 1958, par les décrets n° 59-770 du 26 juin 1959 et n° 93-851 du 11
juin 1993 et par les lois n° 80-3 du 4 janvier 1980, n° 92-1476 du 31 décembre 1992, n° 2000-
108 du 10 février 2000 et n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 et par la loi de finances pour
2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) ;
- le décret n° 59-771 du 26 juin 1959, tel que modifié par le décret n° 81-115 du 5 février 1981
et par le décret n° 99-1214 du 30 décembre 1999 et par le décret n° 2003-512 du 16 juin 2003 »
Le décret de 1959 susvisé (ci-après le décret statutaire), dispose, à son article 5, que :
« Le décret du 26 mai 1955 relatif au contrôle d'Etat sur les entreprises publiques nationales
est applicable à la Compagnie nationale du Rhône. Le contrôleur d'Etat assiste aux séances du
conseil de surveillance.
La Compagnie nationale du Rhône est soumise aux dispositions de
l'article 3 du décret n° 53-707 du 9 août 1953
. ». La mention du décret de 1953 modifié, conduit
à soumettre la rémunération des dirigeants de la CNR au plafond annuel de 450 000 € applicable
aux entreprises publiques.
Le décret statutaire prévoit, à son article 9, que
« Les deux conseillers représentant l'Etat
sont nommés par décret sur proposition des ministres chargés de l'énergie, des transports et de
l'économie. ».
Il prévoit aussi, à l’article 10, que
« Le président du directoire est nommé pour
cinq ans par décret pris sur le rapport des ministres chargés de l'énergie et des transports, sur
proposition du conseil de surveillance. ».
Enfin, l’article 11 dispose que
« Deux commissaires
du gouvernement auprès de la Compagnie nationale du Rhône sont nommés l'un par arrêté du
ministre chargé de l'énergie, l'autre par arrêté du ministre chargé des transports. ».
Traditionnellement, un représentant de la DGEC occupe le poste de commissaire du
gouvernement et les membres de droit représentant l’Etat sont un ingénieur du ministère chargé
des transports et un fonctionnaire de l’Agence des participations de l’Etat (APE).
De plus, la CNR présente des traits caractéristiques d’une société d’économie mixte
puisque l’article 6 des statuts de 2003 dispose que le capital social est majoritairement détenu
«
par des collectivités territoriales ainsi que par d'autres personnes morales de droit public ou
des entreprises appartenant au secteur public
». Le seul actionnaire privé, Engie, ne peut donc
augmenter sa participation au capital sans une modification préalable des statuts par décret,
voire sans une modification législative du dispositif dans son ensemble.
1.1.4.2
Un statut unique en France
Le précédent rapport de la Cour avait examiné, en 2007, l’hypothèse d’une cession des
titres CDC au groupe Suez accompagnée de la conclusion d’un pacte d’actionnaires afin de
réaliser la privatisation complète de la CNR. Interrogées sur ce point, CDC et Engie ont
confirmé que cette hypothèse n’était plus d’actualité, chacun de ces actionnaires souhaitant
conserver ses titres.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
14
Le dispositif de 2003 est ainsi devenu pérenne, de même, en conséquence, que le statut
si particulier d’entreprise d’intérêt général. En effet, une société commerciale dans laquelle
l’Etat dispose de deux sièges au conseil de surveillance, nomme un commissaire du
gouvernement qui assiste aux délibérations, exerce une surveillance par la présence d’un
contrôleur d’Etat, nomme le président du directoire par décret et limite l’ouverture de son
capital aux personnes privées alors même qu’il n’en n’est pas directement actionnaire est une
entreprise placée dans une situation pour le moins inhabituelle.
Les dirigeants de la société insistent sur le caractère « d’entreprise indépendante » de la
CNR bien que le groupe Engie soit son actionnaire principal. Cette revendication
d’indépendance amène à s’interroger sur la composition hétérogène du conseil de surveillance
qui conduit le directoire à rendre compte de sa gestion à des actionnaires dont les priorités sont
différentes : un groupe privé qui, dans une logique financière et patrimoniale, souhaite une
diversification des activités de la CNR en vue de constituer des actifs propres, un groupe public
minoritaire (la CDC) qui a choisi de conserver une participation rentable et des collectivités
locales riveraines soucieuses de préserver les montants consacrés aux missions d’intérêt
général. Les représentants de l’Etat sont dans une position ambigüe du fait que ce dernier ne
détient aucune participation au capital de l’entreprise.
L’examen des procès-verbaux du conseil de surveillance de la CNR montre en effet que
l’Etat concédant, pourtant représenté par des fonctionnaires de haut niveau hiérarchique et
régulièrement présents, est souvent absent des débats stratégiques estimant qu’il n’a pas de
légitimité suffisante pour s’exprimer sur ces sujets en raison de son absence de position
actionnariale. En outre, en tant que concédant, il a des intérêts parfois opposés à ceux du
concessionnaire.
La CNR reste donc partagée entre sa vocation d’entreprise « d’intérêt général » qui
exige qu’elle prenne avant tout en considération l’intérêt public et son statut d’opérateur
commercial qui peut s’appuyer sur son activité de concession pour se diversifier.
1.2
La commercialisation de l’hydroélectricité
1.2.1
Les contraintes pesant sur la production hydroélectrique
1.2.1.1
La variabilité annuelle
L’énergie productible du Rhône dépend de son débit et donc d’un phénomène naturel
sujets à des variations saisonnières, elles-mêmes variables d’une année sur l’autre. Le profil de
la saisonnalité est prévisible mais l’ampleur de ces variations et le niveau moyen de production
qui en résulte au cours de l’année ou d’une année sur l’autre sont peu prévisibles.
L’incertitude principale concerne la pluviométrie puisqu’on ne connaît ni son calendrier
ni son intensité.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
15
Au cours de la période contrôlée, la moyenne de production de 14,2 TWh n’a été
observée qu’une seule fois, en 2018, alors que les écarts d’une année sur l’autre ont été
importants : +20% en 2013 et -25% en 2017.
1.2.1.2
La variabilité infra-annuelle
La CNR procédant à des ventes anticipées de volumes d’énergie en ruban annuel ou
trimestriel, un, deux ou trois ans à l’avance, la gestion du volume d’énergie disponible pendant
l’année de livraison est cruciale afin d’éviter de devoir racheter sur le marché, dans des
conditions incertaines, les quantités qui n’auraient pas été produites. Même si la production
annuelle atteint le niveau attendu cela ne garantit pas que la production a été correctement
anticipée au niveau infra annuel.
A titre d’exemple, les seconds semestres de 2017 et 2018 ont eu des profils assez
proches, avec une production très faible, atteignant même les niveaux les plus bas jamais
rencontrés au mois d’octobre depuis trente ans, mais les premiers semestres sont très différents.
En 2018, la production annuelle atteint un niveau proche de la moyenne historique depuis 2003,
14,1 MWh, grâce à une production hivernale au-dessus de la moyenne suivie d’un printemps
très pluvieux, alors que 2017 connaît un hiver médiocre et le plus mauvais printemps de la
période avec un mois d’avril qui atteint le plus bas des niveaux constatés depuis trente ans.
Cette incertitude liée à la pluviométrie conduit donc la CNR à bâtir une politique
commerciale spécifique pour tenter de « sculpter » le profil de ses ventes d’énergie et le faire
coïncider le mieux possible avec la production qu’elle anticipe.
1.2.2
Les modalités de la vente de l’hydroélectricité
1.2.2.1
Diminuer le risque de volatilité des prix par des opérations de couverture
Le risque prix a deux composantes : le risque de hausse ou de baisse tendancielle des
prix de gros et le risque lié à la volatilité des prix à court terme sur les marchés spot. Le risque
à moyen terme ne peut pas être combattu sauf à accepter de spéculer en jouant contre le marché.
Cette spéculation est envisageable pour des traders qui peuvent acheter ou vendre selon les
opportunités qu’ils identifient mais elle est
de facto
interdite à la CNR qui est un producteur
d’électricité et doit donc impérativement écouler sa production, largement fatale, au moment
où elle est disponible sans pouvoir se soustraire aux évolutions tendancielles des prix du
marché.
La politique commerciale de la CNR consiste donc à refuser de spéculer sur les produits
calendaires ou trimestriels et à s’accommoder des évolutions à moyen terme des prix de gros.
En revanche, elle fait porter son effort sur la prévention du risque de volatilité du marché spot,
en plaçant l’essentiel de sa production sur les marchés des années N-3, N-2 et N-1 avant l’année
de livraison N.
Cette méthode s’est révélée favorable en période de baisse tendancielle des prix,
notamment entre 2010 et 2015 et a été défavorable à partir de 2016 puisque les volumes vendus
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
16
en période de prix bas n’ont pas profité de la remontée des cours en 2018. Cette alternance
d’effets favorables et défavorables est intrinsèquement liée à la méthode de couverture retenue
qui consiste à accepter de subir les variations tendancielles des prix de marché avec un décalage
d’un à deux ans. Sur le moyen terme, cette méthode est neutre et présente beaucoup d’avantages
puisqu’elle permet de maitriser en large partie le risque-prix de court terme alors que la CNR
doit aussi faire face à un risque volume.
1.2.2.2
Prendre en compte le « risque volume » de production
Comme le risque prix, le risque volume se présente sous deux aspects : un risque de
baisse du volume annuel et un risque de désajustement infra-annuel de la production réelle et
des ventes à terme. Le risque portant sur le volume annuel est nécessairement subi mais est
limité par l’alternance des bonnes et des mauvaises années. L’ajustement des ventes à la
production réelle relève de la responsabilité de la CNR qui, pour y parvenir, limite ses
engagements de couverture et les ajuste progressivement au profil de sa production dès qu’elle
peut être correctement anticipée.
La limite d’engagement est donc fixée pour répondre au caractère incertain de la
production annuelle qui, au cours de la période 2012-2019, a varié de 10,5 TWH à 17,4 TWh,
sans spéculer sur la possibilité d’une année exceptionnelle à fort volume.
1.2.2.3
L’optimisation infra-journalière
La CNR, qui gère une succession de 18 retenues sur le Rhône, dispose d’une capacité à
« déplacer de l’énergie » à l’intérieur de la journée en effectuant des marnages sur le fleuve,
opération qui consiste à faire varier de quelques dizaines de centimètres la hauteur du plan d’eau
formé entre deux ouvrages. En retenant de l’eau et en laissant monter le niveau, la production
diminue légèrement et, à l’inverse, en relâchant de l’eau à un autre moment dans les usines, le
plan d’eau s’abaisse et la production augmente.
Sur une journée, le volume d’eau turbiné est globalement inchangé mais la production
a été modulée pour être renforcée dans les moments où les prix spots sont plus élevés et
diminuée dans les moments où les prix baissent. Cette modulation se programme la veille pour
le lendemain en tenant compte des courbes de prix horaires, des apports en eau, et des
contraintes du plan d’eau sur l’ensemble du fleuve.
Cette situation permet de considérer que, si la production de la CNR est pour l’essentiel
« au fil de l’eau », l’entreprise dispose néanmoins d’une petite capacité de pilotage de sa
production journalière et peut donc optimiser au mieux sa production afin d’en tirer un bénéfice
non négligeable compris, selon les années, entre 10 et 15 M€, pour un surcoût d’exploitation
quasi nul.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
17
1.2.3
Les achats/reventes d’énergie
1.2.3.1
La part croissante des achats-reventes
Comme analysé ci-avant, la CNR place à terme l’énergie issue de sa production jusqu’à
trois ans à l’avance pour une production normative de 14 TWh
2
. Mais, selon les conditions
météorologiques le volume engagé à terme peut se révéler plus important que la production
réelle. La CNR est alors amenée à racheter de l’électricité, lorsqu’elle anticipe, quelques
semaines à l’avance, ou constate dans la semaine ou au jour J-1 précédant la livraison, que sa
production sera inférieure aux quantités déjà vendues. Ces volumes achats/reventes sont plus
importants lorsque la production s’écarte de la prévision ayant permis de fixer la limite
d’engagement des ventes à terme.
En sus de ces ajustements, la CNR peut procéder à des opérations de « trading » sur le
marché de l’énergie (achat/revente) afin de dégager une marge supplémentaire qui vient
s’ajouter au chiffre d’affaires issu de la vente de la production. Les volumes affectés à ces
opérations de trading, par nature risquées, sont encadrés par une décision du Directoire prise en
comité des risques.
Mais son activité hors concession la conduit à réaliser une part croissante d’opérations
de trading ces dernières années comme le montre le tableau ci-après :
2
Le « productible normatif » désigne la production annuelle moyenne en volume attendue à court et moyen terme.
Celle-ci est calculée à partir de l’historique des volumes de production passés mais cette notion ne repose pas sur
une définition précise et la profondeur de l’historique à prendre en compte peut varier. En l’espèce, la succession
rapprochée de deux très mauvaises années (2011 et 2017) ayant connu une production inférieure à 11 TWh, a
conduit CNR à retenir un productible normatif de 14 TWh/an, valeur comprise entre la moyenne des quinze
dernières années (2006-2020) de 14,2 TWh et celle des dix dernières années (2011-2020) de 13,8 TWh.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
18
Tableau n° 1 :
Ventes brutes et ventes nettes en valeur et en volume
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
CA ( en M€)
Ventes brutes
1 316
1 279
1 092
1 031
996
1 156
1 291
1 322
1076
Achats
477
424
418
417
407
713
766
784
469
Ventes nettes
839
855
674
614
589
443
525
538
607
Ratio brut/net
157%
150%
162%
168%
169%
261%
246%
246%
229%
Volumes (GWh)
Ventes brutes
24 205
26 062
24 919
23 459
23 496
27 699
33 234
32 822
24 884
Achats
8 774
8 675
10 010
10 024
9 100
17 052
19 041
19 325
11 277
Ventes nettes
15 431
17 387
14 909
13 435
14 396
10 647
14 193
13 497
13 608
Ratio brut/net
157%
150%
167%
175%
163%
260%
234%
243%
183%
Source CNR. Tableau Cour
La croissance des opérations de trading peut être illustrée par la comparaison de deux
années de production : en 2015, la CNR opère 10 TWh d’achat/revente pour une production
nette de 13,4 TWh alors qu’en 2019, une production nette quasi-identique de 13,5 TWh, est
accompagnée de 19,3 TWh d’achat/revente. Un tel changement d’échelle entre les ventes brutes
et les ventes nettes à production comparable n’est pas observé entre 2012 et 2014. C’est bien
avec l’année 2017, qui a connu une production historiquement basse au premier semestre, que
le phénomène a changé d’ampleur avant de retrouver un niveau plus bas en 2020.
Cette situation montre que le chiffre d’affaires des ventes brutes inscrit au compte de
résultat a désormais une nature hybride très marquée. Si la sincérité des comptes n’est pas en
cause, au sens de la réglementation, la lisibilité économique de l’activité de la CNR en est
brouillée, ce qui rend d’autant plus nécessaire la production d’un compte dissocié de la
concession parfaitement lisible, ce qui n’est malheureusement plus le cas depuis 2016 du fait
d’une nouvelle réglementation inadaptée à la situation particulière de cette entreprise (cf. infra).
1.2.3.2
L’activité d’intermédiaire
La CNR participe depuis quelques années aux appels d’offres lancés par les
gestionnaires de réseau pour la couverture de leurs pertes réseau. En fonction des appels
d’offres pour lesquels la CNR est retenue, le volume d’énergie acheté sur les marchés ou par le
mécanisme de l’ARENH et revendu aux opérateurs de réseau peut varier très significativement
d’une année sur l’autre.
Le développement de la commercialisation auprès de clients finals, en direct ou via des
intermédiaires, induit une augmentation des volumes achetés sur le marché. Ces opérations ne
peuvent pas être directement couvertes par l’énergie produite par la CNR, car le rythme des
ventes n’est pas corrélé à la production hydro-électrique et aux volumes disponibles au moment
de la livraison.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
19
On peut cependant relever la part majoritaire de ces opérations d’achat/revente avec de
grands clients offrant des garanties financières qui représentent à eux seuls environ 65% des
ventes brutes et 90% des achats d’électricité en 2019.
Par ailleurs, la CNR développe depuis 2012, mais de manière plus significative depuis
2016, une nouvelle activité de gestion d’énergie pour compte de tiers, dite « d’agrégation ».
Ces tiers sont généralement des petits producteurs qui n’ont pas les moyens d’intervenir
directement sur les marchés pour écouler leur production dans de bonnes conditions. Cela se
traduit par l’acquisition d’énergie à ces entreprises que la CNR gère et revend sur les marchés.
Depuis le changement de dispositif de soutien aux EnR au 1
er
janvier 2017, avec le passage de
l’obligation d’achat au système du complément de rémunération, ces petits producteurs
préfèrent passer par des agrégateurs plutôt que vendre eux-mêmes sur le marché.
Il n’en demeure pas moins que l’activité de négoce de la CNR est loin d’être négligeable
et que même si elle l’exerce dans des conditions qui en limitent significativement le risque,
celui-ci demeure présent compte tenu de la volatilité des prix. Cette activité doit donc faire
l’objet d’un examen et d’un suivi attentifs afin que soient clairement définis et mesurés tant le
niveau de risque accepté que la rentabilité attendue qui en est la contrepartie.
1.3
Les recettes accessoires hors hydroélectricité
1.3.1
Les produits annexes de la production hydroélectrique
1.3.1.1
La vente des certificats de garantie d’origine
Dans le cadre du décret n° 2012-62 du 20 janvier 2012, la CNR commercialise les
garanties d’origine adossées à sa production, aussi appelées « certificat vert ». La vente des
certificats (1 certificat pour 1 MWh injecté) peut être effectuée auprès d’autres que ceux qui
acquièrent l’énergie verte. C’est en particulier le cas pour la CNR qui vend sur le marché de
gros à des acteurs qui ne sont pas tous des fournisseurs sur le marché de détail. Or, ce sont ces
acheteurs tournés vers la consommation finale des clients qui demandent des certificats verts
pour construire leurs offres commerciales en tablant sur l’attractivité des « offres vertes »
auprès de certains consommateurs sur le marché de détail.
Pour des raisons commerciales, certains co-contractants (dénommés « contreparties »)
souhaitent que la commercialisation des garanties d’origine soit adossée à la fourniture d’un
même volume d’énergie verte. Pour répondre à cette demande, la CNR effectue au moment où
elle commercialise ses garanties d’origine un achat d’électricité sur le marché qu’elle revend
aussitôt à son acheteur d’énergie. Ainsi, la CNR a acheté en 2017, 2,6 TWh sur le marché pour
une revente immédiate. En 2018 et 2019, la couverture des ventes de garanties d’origine a
représenté un volume d’achat de l’ordre de 3 TWh.
Ces opérations sur des certificats qui offrent une garantie de verdissement de l’électricité
injectée sont avantageuses pour le vendeur car leur cours peut atteindre 5 €/MWh ou plus alors
que celui du certificat de base, sans énergie associée, s’échange autour de 20 cts/MWh. Bien
que minoritaires, ces nouveaux produits ont fait monter le prix moyen des certificats verts
vendus par la CNR.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
20
La CNR dispose d’un avantage sur ce marché des certificats verts car il est interdit aux
producteurs bénéficiant d’une aide d’Etat, ce qui est le cas de toutes les EnR récentes. Les
moyens de production hydroélectrique du Rhône, qui sont anciens, ne bénéficient d’aucune aide
d’Etat et sont donc en totalité éligibles à la vente des certificats verts. Ces recettes annexes
atteignent près de 10 M€/an et leur croissance est d’autant plus significative qu’elles ne
génèrent aucun coût et ne sont pas incluses dans l’assiette de la redevance proportionnelle au
chiffre d’affaires ;
l’article 45 du CCG ne mentionnant que les ventes issues de la production
d’energie, donc le prix du kWh.
Le chiffre d’affaires ainsi réalisé est ainsi équivalent à un bénéfice net entièrement dû à
l’héritage historique des ouvrages hydrauliques construits sous le régime du service public, ce
que le contrat de concession de 2003 ne pouvait prévoir.
1.3.1.2
Les garanties de capacités
En application du mécanisme de capacités mis en place à partir de 2017, RTE valide
chaque année les jours de pointe pour lesquels les producteurs disponibles seront rémunérés
s’ils participent à l’équilibrage du réseau. Là encore, la CNR dispose d’un avantage structurel
puisque, en France, ces jours de pointes sont situés en hiver à une période où les débits du
Rhône et la production hydroélectrique sont les plus élevés.
En pratique, la CNR est certifié par RTE depuis quatre ans pour une capacité moyenne
de 1,75 GW sur tous les jours de pointe. Ces garanties sont vendues de gré à gré ou aux
enchères, ce qui lui assure des revenus importants compte-tenu du cours croissant atteint par
ces instruments.
Le prix des capacités a été encore plus élevé sur les enchères de fin 2020 pour les années
suivantes (proche de 20 000 €/MW) ce qui assure un revenu complémentaire de plus de 30 M€
à la CNR. Comme pour les garanties d’origine, les garanties de capacité ne génèrent aucun coût
significatif et leurs recettes ne sont pas davantage incluses dans l’assiette de la redevance
proportionnelle au chiffre d’affaires.
L’effet d’aubaine lié à la nouvelle réglementation de 2017 est quatre fois plus élevé que
pour les certificats verts. Le dispositif étant récent, il est probable qu’il perdurera encore
plusieurs années abondant ainsi les recettes du concessionnaire sans prélèvement du concédant.
La Cour considère, pour ces raisons, que ces recettes, directement issues de la
production hydroélectrique de la concession, pourraient entrer dans l’assiette de la redevance.
1.3.2
La production éolienne et photovoltaïque
Les activités de diversification dans la production d’électricité d’origine éolienne et
potovoltaique sont opérées par des filiales, notamment la principale d’entre elles, CN’AIR,
détenue à 100%. La croissance de ces activités apparait dans les comptes consolidés de
l’entreprise.
La capacité de production des ENR (non hydrauliques) repose sur environ 800 MW de
puissance installée. Il s’agit pour l’essentiel d’un parc éolien, opéré par des filiales consolidées
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
21
par intégration globale, qui représente 90% de l’energie produite ; la production d’origine
photovoltaique (PV), n’en constitue que 10%.
Ces investissements dans des capacités éoliennes et photovoltaïques sont en croissance
régulière comme le montre les tableaux ci-dessous qui font apparaître, en ce qui concerne le
périmètre des actifs consolidés par intégration globale, un doublement de la puissance installée
du parc éolien et une multiplication par six du parc PV depuis 2012.
Le prix moyen de vente de l’électricité produite par les capacités éoliennes est appelé à
s’éroder, alors que celui de l’électricité produite par le parc PV décroit rapidement au fur et à
mesure que des installation plus récentes sont mises en production car leur tarif garanti est en
baisse régulière à chaque appel d’offres. Ces dispositifs sont encore largement sous le régime
de l’obligation d’achat à prix garantis mais le parc va, au fil du temps, basculer dans le système
du complément de prix, mis en place en 2017.
Le paradoxe de cette situation est que l’activité commerciale de CNR, hors concession
et hors missions d’intérêt général, bénéficie de prix administrés, alors que l’activité en
concession doit s’inscrire dans un contexte de marché instable, marqué par des baisses de prix
sans lien avec les coûts de revient du parc de production français.
----------------------------------------CONCLUSION INTERMEDIAIRE ---------------------------
La CNR est une entreprise concessionnaire d’ouvrages publics dont la quasi-totalité
des dépenses courantes et des investissements relève de missions d’intérêt général, y compris
la préservation ou l’amélioration de l’outil de production qui fournit l’essentiel des recettes.
En continuité avec le projet politique et industriel initial, maintenu pendant la longue
période de gestion conventionnelle avec EDF, l’Etat a fait le choix de conserver le modèle
historique d’entreprise d’intérêt général tout en autorisant, en 2003, la cession de presque la
moitié du capital de la société à un opérateur privé qui est un acteur important du secteur de
l’énergie en France.
Disposant d’une présence au sein des organes statutaires de la CNR et de pouvoirs
importants, comme la nomination des dirigeants et le contrôle de l’ouverture du capital, l’Etat,
autorité concédante mais non actionnaire, n’a jamais affiché de doctrine claire sur ce qui
devait la différencier d’une entreprise commerciale ordinaire, notamment en ce qui concerne
la régulation de la rémunération du capital au regard des risques.
Le risque portant sur le volume de la production lié aux conditions météorologiques ne
se fait sentir qu’à court terme, d’une année sur l’autre, même si une érosion tendancielle de
l’hydraulicité du Rhône est annoncée à l’horizon 2050. Dès lors que le concessionnaire dispose
d’un contrat long (initialement 20 ans, et 38 ans après la prolongation prévue de l’actuelle
concession), les variations des débits annuels se compensent sur la durée avec une alternance
de bonnes et de mauvaises années. Ainsi, la production moyenne a été de 14,1 TWh depuis le
début de la concession, malgré deux années historiquement basses (2011 et 2017) et de
14,2 TWh sur la période de contrôle, soit un niveau proche du productible normatif de 14 TWh
adopté récemment.
De même, le risque portant sur le prix de vente ne se fait sentir qu’à court terme alors
que les variations moyennes annuelles se compensent sur le moyen terme, d’autant qu’elles
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
22
sont lissées par les ventes de couverture. Ainsi, le prix moyen de vente est proche de 45€ /MWh
depuis le début de la concession et de 44€ /MWh sur la période contrôlée. Il n’a été
sensiblement inférieur à 40 €/MWh qu’en 2018. En outre, les prix actuels des produits
calendaires sur les marchés de gros ont retrouvé le niveau de 45€/MWh et aucun indice ne
laisse présager une baisse marquée à court ou moyen terme. Le scénario de prolongation
prévoit d’ailleurs une augmentation tendancielle de +2,5%/an.
La politique de couverture qui suit fidèlement les prix du marché de gros n’expose ainsi
la CNR à aucun risque particulier sur les prix à moyen terme. Au surplus, sa capacité de
pilotage infra journalière de la production lui permet d’optimiser au mieux une partie de ses
ventes.
Il ressort de ces constats que le risque d’exploitation de CNR ne diffère pas de celui
auquel fait classiquement face un opérateur hydro-électrique. Même dans les années
défavorables sur le plan hydraulique qu’elle a connues récemment (2017-2018), l’entreprise
est restée bénéficiaire. Autrement dit, le risque encouru en cas de circonstances défavorables
se limite à diminuer le résultat par rapport à une année moyenne sans que cette baisse de
rentabilité n’efface les bénéfices, beaucoup plus importants, réalisés pendant les années fastes.
Ce risque d’exploitation est également amoindri depuis que l’entreprise dispose de
revenus complémentaires significatifs et non soumis à redevance, sans que les raisons justifiant
cette exonération ne soient apparues à la Cour. La possibilité d’une intégration dans l’assiette
de la redevance de ces recettes nouvelles, qui sont directement adossées à la production
hydroélectrique de la concession, mériterait d’être examinée.
.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
23
2
LA RENTE HYDRO-ELECTRIQUE ET SON AFFECTATION
Le terme de rente est utilisé ici dans son sens économique, sans connotation péjorative.
Il s’agit d’une rente infra marginale, ou rente de rareté, qui apparait lorsqu’un opérateur dispose
de moyens de production dont les coûts complets sont inférieurs aux coûts des autres
producteurs dont l’apport est nécessaire pour équilibrer le marché. L’analyse ci-après a pour
objet d’évaluer l’importance de cette rente et d’apprécier la manière dont elle a été jusqu’à
présent partagée entre le concédant et le concessionnaire.
La quantification de cette rente ressort des différents documents comptables. La CNR
établit trois séries de comptes : des comptes sociaux, des comptes consolidés et des comptes
séparés de la concession. Ils sont très proches par certains aspects mais appellent des
observations particulières, notamment les comptes de la concession dont le format a changé au
milieu de la période de contrôle.
2.1
Présentation synthétique des comptes sociaux
2.1.1
Analyse du bilan
Tableau n° 2 :
Présentation simplifiée du bilan (2012-2019)
Source : comptes CNR
ACTIF
(en M€)
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Immobilisations
3699
3812
3868
3924
3962
4006
4053
4050
4150
Dont immo. concession
3657
3770
3319
3581
3632
3678
3716
3750
3729
Dont participations
223
224
224
223
227
223
224
224
224
Autres actifs
510
483
448
467
506
571
668
797
797
Dont trésorerie
297
295
269
261
281
211
214
430
475
Actif total
4209
4295
4316
4391
4468
4577
4721
4847
4938
PASSIF (en M€)
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Fonds propres
1785
1858
1801
1821
1852
1823
1862
1886
1909
Droits du concédant
1963
1996
2036
2083
2134
2197
2266
2342
2389
Provisions pour risques
202
180
246
244
254
254
250
256
269
Autres dettes
259
261
233
243
228
302
343
363
371
Dont emprunts bancaires
26
57
25
55
2
13
24
2
2
Passif total
4209
4295
4316
4391
4468
4577
4721
4847
4938
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
24
Peut être relevée, à l’actif, l’importance des immobilisations de la concession et une
trésorerie très abondante, qui représente entre six et huit mois de charges courantes
d’exploitation. Cette réserve de trésorerie est maintenue pour faire face à certaines opérations
de débouclages des positions sur les marchés boursiers de l’électricité.
Les participations sont essentiellement constituées du capital de la filiale CN’Air
détenue à 100% (208 M€, sur un total de participations atteignant le montant de 224 M€). Le
passif atteste de l’importance des fonds propres, le poids considérable des droits du concédant
et la quasi absence d’endettement bancaire. La situation patrimoniale est donc particulièrement
saine.
2.1.2
Analyse du compte de résultat
Tableau n° 3 :
Présentation simplifiée du compte de résultat (2012-2019)
Source : comptes sociaux CNR
De manière stable au cours de la période 2012-2020, les ventes d’électricité représentent
97% du chiffre d’affaires de la CNR et 94% de ses ressources totales. Même si elles sont en
croissance régulière depuis une douzaine d’années, les activités annexes électriques ou non
électriques demeurent très minoritaires, représentant entre 3% et 5% du total au cours de la
période. Autrement dit, l’équilibre financier de la CNR repose à 90% sur ses ventes
d’hydroélectricité.
Ces revenus sont affectés par la combinaison des deux facteurs de volatilité : la variation
des volumes due aux aléas climatiques, et donc hydrauliques, et la variation des prix de gros de
l’électricité sur les différents segments du marché (gré à gré, à terme, spot). Ces variations
peuvent parfois se compenser, comme en 2013 où une baisse des prix de gros a réduit les gains
apportés par une situation hydrologique très favorable, mais elles peuvent aussi se renforcer
pour réduire les recettes de la CNR comme en 2017.
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Produits d’exploitation
1424
1384
1185
1140
1090
1288
1423
1467
1203
Dont chiffre d'affaires
1386
1344
1157
1097
1055
1238
1383
1424
1170
Dont ventes d’électricité
1352
1310
1122
1061
1020
1205
1347
1389
1135
Charges d’exploitation
1075
1028
961
967
950
1240
1342
1372
1091
Dont achats d’électricité
476
424
418
417
407
713
766
784
482
Dont redevances diverses
195
206
156
148
141
118
131
136
138
Dont dot. Amortissements
27
18
52
55
71
73
74
93
96
Résultat d’exploitation
349
356
224
173
140
38
81
95
111
Marge d’exploitation
24,5 %
25,7 %
18,9 %
15,2 %
12,8 %
3 %
5,7 %
6,5 %
9,2%
Résultat net
217
211
139
105
93
30
56
59
75
Taux de marge nette
15,2%
15,2%
11,7%
9,2%
8,5%
2,3%
3,9%
4%
6,2%
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
25
Les charges d’exploitation sont constituées de quatre blocs de natures très différentes :
les achats d’électricité, les redevances versées à l’Etat, les dotations aux amortissements et les
charges courantes d’exploitation (coûts de personnels, prestations de service, etc…). Les
provisions pour amortissement de caducité des biens en concession augmentent rapidement en
fin de période, à l’approche de la date de restitution, ce qui explique une partie significative de
la dégradation du résultat à partir de 2016. D’une certaine manière, cette dégradation était
attendue, et donc acceptée, puisqu’elle aurait pu être évitée avec une politique de
provisionnement plus linéaire qui aurait imputé une partie de ces charges sur les exercices fastes
de la période précédente.
Les coûts d’exploitation étant essentiellement fixes, la marge d’exploitation et la marge
nette sont très liées au volume du chiffre d’affaires. Le taux de marge nette est supérieur à 10%
en début de période et se maintient encore de 8% en 2016. Il atteint un point bas à 2 % en 2017
avant de remonter à 6% en 2020.
Le tableau ci-dessus fait apparaitre une autre particularité du compte de
résultat, étonnante pour un opérateur appartenant à une industrie de coûts fixes : le résultat ne
suit pas la croissance du chiffre d’affaires. L’explication tient à l’importance des achats
d’électricité qui ont été supérieurs aux ventes nettes d’électricité de l’entreprise pendant trois
années, entre 2017 et 2019. La lecture des comptes est faussée puisqu’on croit pouvoir lire une
augmentation des ventes entre 2016 et 2019, alors que le chiffre d’affaires « réel », minoré de
ces achats, a baissé. On observe le phénomène inverse en 2020, le chiffre d’affaires brut baisse
de -18%, donnant l’impression d’une entreprise en difficulté sur le marché, alors que le chiffre
d’affaires « réel », net des achats d’électricité, augmente de +13% et que le bénéfice net
progresse de +27%, montrant au contraire une augmentation de la profitabilité.
Les variations des « achats-ventes » ont un effet de brouillage sur la physionomie des
comptes sociaux et des ratios de gestion puisque le niveau du chiffre d’affaire brut a tendance
à diminuer artificiellement la rentabilité. En prenant en compte les ventes nettes, le même
résultat net annuel ferait apparaître une moyenne du taux de marge nette de 14% sur la période
de contrôle, un point bas à 5,2 % en 2017 et une stabilisation entre 8,5% et 10% les années
suivantes, ce qui dissiperait l’effet apparent d’une baisse très marquée de la profitabilité de la
CNR en fin de période.
Enfin, ces taux de marge, net ou brut, ne permettent pas de comparer la rentabilité de la
CNR avec celle des entreprises du secteur hydro-électrique. En effet, ils intègrent une redevance
sur les ventes d’hydroélectricité dont l’objet est d’amputer les excédents dégagés par cette
activité afin que la profitabilité du concessionnaire ne soit pas excessive. Le taux de marge
d’exploitation hors redevance proportionnelle permet de mieux apprécier la rentabilité
industrielle de la CNR.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
26
Tableau n° 4 :
Taux de marge d’exploitation hors redevance de 24%
Source CNR ; calcul Cour
Ce tableau permet de constater que la marge est suffisante pour absorber les effets de la
redevance, même pendant les années défavorables (2017-2018). En calculant le taux marge sur
les ventes nettes (comme c’est également le cas dans le scénario du plan d’affaires élaboré dans
le cadre de la prolongation de la concession), la rentabilité avant redevance est encore plus
élevée, de l’ordre de 35 % au cours de la période.
Pour ces raisons, il est nécessaire de confectionner un compte séparé de la concession à
partir des ventes réelles en excluant les opérations d’achat/revente d’électricité et en faisant
ainsi apparaitre le chiffre d’affaires net de la concession.
2.2
Les comptes de concession
2.2.1
Les insuffisances des comptes séparés
La CNR doit tenir des comptes séparés pour ses activités de production adossées aux
ouvrages de la concession pour les distinguer de ses autres activités. Cette obligation, reprise à
l’article 4 du CCG, vise deux types de comptes : les comptes dissociés du producteur
d’électricité et les comptes de la concession proprement dits.
Les premiers répondent à une obligation de séparation comptable des activités
électriques prévue par la loi n°2000-108 du 10 février 2000 et sa bonne application est vérifiée
par la CRE pour tous les producteurs d’électricité.
Ces comptes dissociés apportent quelques
informations complémentaires tout en restant très proches des comptes sociaux.
Les seconds permettaient, jusqu’en 2015, de disposer d’une présentation analytique plus
fine des éléments comptables de la concession, en distinguant notamment la partie énergie, la
partie navigation et la partie domaine. Leur format avait été approuvé par le comité d’audit de
CNR en 2005. Mais à partir de 2016, une nouvelle réglementation a exigé que la CNR produise
un Rapport annuel d’exploitation de la concession (ci-après le RAEC).
Le choix d’un modèle de RAEC commun à tous les concessionnaires permet au
concédant d’avoir une vision globale du parc concédé et de disposer d’outils de comparaison
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
CA brut
1424
1384
1185
1140
1090
1288
1423
1467
1203
CA net (hors achat élec)
882
889
714
660
632
505
597
620
620
Redevances 24%
185
186
142
132
127
107
116
122
130
Résultat d’exploitation
hors redevance 24%
402
397
281
237
220
137
172
181
205
Marge hors redevance sur
CA brut
28,2 %
28,7 %
23,7 %
20,8 %
20,2 %
10,6 %
12,1 %
12,3 %
17 %
Marge hors redevance sur
CA net
45,6 %
44,7 %
39,4 %
35,9 %
34,8 %
27,1 %
28,8 %
29,2 %
30,8 %
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
27
entre les sites. Ce format national a donc son utilité d’autant que les RAEC contiennent nombre
d’informations, au-delà des seules données financières, et constituent donc une source très riche
de données pour connaître le fonctionnement des concessions, y compris la CNR.
Toutefois cet objectif de comparabilité ne prend pas en compte les différences majeures
entre la CNR et les autres concessions. Le RAEC est construit à partir d’un chiffre d’affaires
normatif, égal au volume d’énergie vendue multiplié par le prix spot du marché, car il est conçu
pour les concessions exploitées par EDF et la SHEM dont les ventes d’électricité ne sont pas
pilotées au niveau des sites de production mais au niveau de l’entreprise intégrée.
Ce schéma est inadapté pour la CNR qui connaît le chiffre d’affaires de ses ventes réelles
puisqu’elle vend elle-même sa production selon une politique de couverture qui lui est propre
et n’écoule qu’une faible part de sa production sur le marché spot. On comprend, dans ces
conditions, que le RAEC soit présenté en conseil de surveillance de la CNR comme un
«
rapport formel »
qui ne présente pas les vrais chiffres, ce qui est à l’évidence regrettable pour
un document censé éclairer le lecteur sur la gestion de la concession.
2.2.2
La perte d’informations par multiplication des documents comptables
La production de comptes séparés de la concession a pour but d’apporter de la clarté et
de mieux distinguer, d’une part, ce qui relève des activités propres du concessionnaire et ce qui
relève de la concession et, d’autre part, ce qui relève au sein de la concession de l’activité de
production électrique et ce qui relève des missions d’intérêt général que cette production permet
de financer. Or, en sus des comptes dissociés soumis à la CRE, existent deux autres comptes :
les comptes sociaux et les comptes de la concession dont l’élément principal, à savoir le chiffre
d’affaires, est différent.
Aggravant ce constat, les ventes nettes de l’électricité produite par les ouvrages de la
concession qui constituent l’assiette de la redevance ne figurent dans aucun des trois comptes
publiés et font l’objet d’un calcul
ad hoc
soumis à l’administration fiscale alors qu’elles sont
l’élément central de l’équilibre de la concession. Enfin, le plan d’affaires du scénario de
prolongation, document officiel rendu public, mentionne des ventes nettes d’électricité qui ne
figurent dans aucun document comptable.
En ajoutant à ces ventes nettes, les autres produits de la concession (redevances
portuaires, garanties de capacités, services, etc…) on obtient un chiffre d‘affaires net qui se
prête mal à un scénario d’évolution par indexation puisqu’il comprend des recettes dont la
dynamique n’est pas liée au fonctionnement de la concession (garanties de capacités,
prestations de service d’agrégation, etc…).
Ces différents comptes conduisent à des écarts significatifs, même si le passage des
ventes brutes aux ventes nettes ne soulève pas de difficultés notables.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
28
Tableau n° 5 :
Comparaison comptes sociaux / RAEC/ prolongation
(en M€)
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Chiffre d’affaires des comptes sociaux
(ventes brutes)
1424
1170
1238
1383
1424
1170
Chiffre d’affaires du scénario retenu
pour la prolongation (ventes nettes)
660
632
505
597
620
688
Chiffre d’affaires du RAEC (ventes
nettes)
583
546
548
730
621
501
Source : CNR, retraitement Cour des comptes ;
Sauf en 2019, les montants des ventes sont très différents, avec des écarts pouvant
dépasser 20% comme en 2018, ou 30% en 2020, d’ailleurs dans des sens opposés. Même
l’égalité observée en 2019 est trompeuse puisqu’elle relève du hasard : le RAEC atteint le
montant de 621 M€ en additionnant 554 M€ de ventes nettes d’électricité et 66 M€ d’autres
recettes, alors que le plan d’affaires de prolongation (tiré des comptes sociaux) parvient au
montant de 620 M€ en additionnant 546 M€ de ventes nettes d’électricité et 74 M€ d’autres
recettes.
L’article 45 du CCG prévoit que le concessionnaire règle à l’Etat une redevance assise
sur ses ventes réelles d’électricité «
égale à 24 % du produit du nombre de kilowattheures
générés par le prix moyen du kilowattheure, tel qu’il résulte des ventes d’électricité issues de
l’exploitation desdits ouvrages
. ». Il n’est donc pas conforme au texte de présenter un compte
de la concession construit autour d’une valeur des ventes fictive sur la base de prix spot sans
lien avec les ventes réelles de la CNR.
Si l’établissement de ce rapport, prévue par la réglementation, n’est pas ici mis en cause,
il est nécessaire de le compléter par un compte de la concession cohérent avec les comptes
sociaux et basé sur les ventes nettes d’hydroélectricité pour être comparable au RAEC. Le détail
de ce compte devrait être établi, comme cela était le cas jusqu’en 2016, en suivant une méthode
adaptée à la situation de la CNR après avis du comité d’audit. Le concédant et le
concessionnaire se sont déclarés favorables à la production d’un tel compte et il convient donc
de mettre en œuvre la recommandation ci-après dès l’exercice 2021.
Recommandation n° 1.
(CNR, DGEC, 2022) : Produire un compte de la concession
conforme au cahier des charges générales, en particulier pour l’établissement du chiffre
d’affaires, en appliquant une méthodologie approuvée par le comité d’audit de la CNR.
2.3
L’utilisation des excédents d’exploitation
2.3.1
L’existence d’une rente
La production hydroélectrique du Rhône mobilise essentiellement des coûts fixes,
souvent affectés à plusieurs activités (pour les deux-tiers, ce sont des charges de personnel et
des taxes). Ces coûts fixes, notamment de personnel, ne sont pas entièrement dédiés à la
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
29
production hydroélectrique et permettent à la CNR de dégager des recettes annexes liées à
l’activité électrique (garanties de capacités, certificats d’origine, agrégation des ventes EnR) ou
non électrique (activités portuaires, ingénierie). Faute d’isoler des coûts qui seraient spécifiques
à ces activités annexes, la CNR déduit leurs chiffres d’affaires des coûts de production
proprement dits, pour faire apparaitre des « charges nettes » relatives à la production.
Pour obtenir les coûts complets de production, il convient d’ajouter à ces charges nettes
les dotations aux amortissements et provisions liés aux ouvrages concédés, ainsi que le coût des
capitaux engagés. Ce dernier coût ne fait l’objet d’aucune réglementation et les instances
dirigeantes de la CNR ont-elles-mêmes fixé leur coût moyen pondéré du capital (CMPC) à 8%.
Une fois ces coûts complets établis pour la période 2012-2020, on peut évaluer la marge
sur le coût de revient du MWh par comparaison au prix du marché, sans considération à ce
stade de la redevance de 24% sur le chiffre d’affaires payée à l’Etat. En effet, cette redevance
n’est pas, à proprement parler, un coût de production mais un prélèvement dont le niveau
pertinent et les modalités de calcul font l’objet d’une négociation. Le montant de la redevance,
qui n’est donc pas un coût supporté dans le cadre de l’exploitation des ouvrages, est un
paramètre qu’il importe de déterminer, en dehors des charges d’exploitation, pour garantir
l’équilibre du contrat entre le concédant et le concessionnaire.
Les coûts complets de la CNR étant essentiellement des coûts fixes, le coût unitaire par
MWh dépend des volumes produits. Deux calculs sont possibles : le premier à partir de la
production annuelle réelle, ce qui a l’inconvénient d’afficher une variabilité en fonction des
aléas climatique de court terme ; le second à partir de la production normative, aujourd’hui
fixée à 14 TWh /an, méthode qui est complémentaire du premier mode de calcul car la
production normative est proche de la production moyenne annuelle réelle à moyen terme.
La marge sur production réelle, hors redevance, fluctue en fonction des variations des
prix et des volumes. Au cours de la période de contrôle, les bonnes et les mauvaises années
d’hydraulicité se compensent et les valeurs moyennes réelles sont proches des valeurs
moyennes normatives.
Si les facteurs climatiques et de marché sont les principaux paramètres explicatifs du
montant de la rente, la hausse des coûts par MWh et le niveau de la rente sont également
sensibles à la politique de provisions pour amortissements de caducité. A la différence des
amortissements des actifs matériels qui suivent des échéanciers validés par le commissaire aux
comptes selon la nature des immobilisations à amortir, il n’existe pas de règle comptable pour
provisionner des sommes correspondant à l’amortissement de caducité des biens de la
concession. La constitution de ces provisions peut ainsi être anticipée ou reportée sur les
dernières années du contrat. C’est cette seconde option qui a été retenue par la CNR. Ainsi, la
dotation annuelle pour amortissements de caducité passe de 18 M€ en 2013 à 109 M€ en 2020,
de telle sorte que la moitié des provisions passées sur la période de contrôle l’a été sur les trois
derniers exercices. Le choix de répartir de manière plus équilibrée ces charges sur la période de
la concession aurait atténué leurs effets sur les coûts complets et le niveau du résultat en fin de
période.
En définitive et malgré les variations annuelles, la photographie de la rente sur une
dizaine d’années est néanmoins assez claire et peut être résumée ainsi : depuis de nombreuses
années, la CNR produit en-dessous de 26 €/MWh et dégage, malgré les fluctuations des prix de
marché et des débits du Rhône, une rente supérieure à 15 €/MWh.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
30
2.3.2
Le prélèvement par l’Etat d’une partie de la rente sous la forme d’une
redevance
La situation qui vient d’être décrite justifie que l’autorité concédante capture une partie
de cette rente, comme elle le faisait d’ailleurs avant 2003 en taxant de 9 €/MWh la production
d’EDF, qui représentait de fait une redevance à 24% applicable à un coût du mix de production
d’EDF de 37 €/MWh.
Afin de mesurer les effets de ce changement de système, le tableau suivant présente une
simulation de redevance fictive à 9 €/MWh sur la période 2012-2020 en comparant son
rendement à celui de la redevance proportionnelle réellement appliquée :
Tableau n° 6 :
Comparaison du prélèvement de 9 €/MWH avec la redevance de 24% sur CA
Source : données CNR, calcul Cour.
* Les montants de redevance indiqués dans le tableau sont ceux réellement réglés par CNR. Le taux est
légèrement inférieur à 24%, environ 22,3%, car des réglementations fiscales ou environnementales appliquées
après 2003 ont conduit à imputer certains montants sur la redevance versée à l’Etat, qui apparaît donc en
montant net.
Les montants obtenus par les deux dispositifs sont équivalents lorsque la production est
proche de la production normative (14 TWh) et que le prix moyen de vente est proche de
40 €/MWh, comme en 2016 et 2019. En revanche, la rémunération assise sur le chiffre
d’affaires est plus avantageuse que le forfait lorsque les volumes vendus et les prix de vente
augmentent. Globalement, le nouveau système a été avantageux pour l’Etat jusqu’en 2015 et
devient globalement équivalent à partir de 2016.
Sur la période contrôlée (2012-2020), la comparaison des deux dispositifs, bien qu’assez
proches, fait apparaître que la redevance proportionnelle a permis de dégager en moyenne un
supplément de recettes pour l’Etat d’environ 11 millions d’euros par an
3
et que la diminution
de la redevance dû à la baisse des prix moyens de vente en fin de période a été de courte durée,
le mouvement s’inversant dès 2020.
3
L’efficacité de la redevance proportionnelle a été encore meilleure sur la période 2005-2020 pour laquelle le gain
a été de d’environ 14 M€ par an notamment grâce aux bonnes années 2007-2013.
Redevance 24%
versus 9€ /MWh
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Production réelle (TWh)
15,3
17,3
14,9
13,6
14,6
10,8
14,3
13,7
13,6
Prix moyen de vente €/MWh
53,1
48,7
44,6
44,9
40,1
41,1
36,9
39,7
44,8
Redevance fictive de 9 €/MWh (M€)
138
156
134
122
131
97
129
124
122
Redevance 24% sur CA (M€)*
185,2
188,8
141,9
132,6
127,3
107
115,7
122,4
138
Gain ou perte
+ 47,2
+32,8
+7,9
+12,6
-2,7
+10
-13,3
-1,6
+16
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
31
La redevance proportionnelle a donc eu pour effet d’associer le concédant aux bons
résultats du concessionnaire tout en l’exposant au risque de baisse des prix, alors que le forfait
de 9 €/MWh ne l’exposait qu’au risque de volume.
2.3.3
Les investissements
Les investissements du concessionnaire constituent un usage de la rente conforme aux
missions historiques de la CNR. Comme elle a fait le choix de ne pas s’endetter, c’est la rente
qui permet d’investir dans les biens concédés. Le volume des investissements est donc un
paramètre essentiel de l’équilibre de la concession.
2.3.3.1
Les différentes catégories d’investissements
Le CCG distingue deux types d’investissements. Le premier est géré par plans
quinquennaux successifs dont on peut contrôler l’exécution comme le prévoit le premier alinéa
de l’article 1
er
quater du CCG :
« le concessionnaire soumet à l’autorité concédante un
programme décrivant, pour une période de cinq ans, les actions et les travaux assortis d’une
évaluation de leurs avantages et de leurs coûts, tant d’investissement que d’exploitation, qu’il
entend réaliser en application des obligations du cahier des charges générales
». Le second
correspond aux investissements découlant des obligations générales du concessionnaire et
couvrent l’ensemble des charges d’exploitation, de maintenance et de modernisation des
ouvrages de la concession définis à l’article 2 du CCG.
Depuis 2003, la CNR traduit cette séparation par une distinction entre les
investissements relevant de ses «
missions d’intérêt général
» (ci-après MIG) inscrits dans une
programmation pluriannuelle imposée par le schéma directeur du CCG et les investissements
« non-MIG » dont la programmation relève d’une logique industrielle. Les « plans MIG » d’une
durée de cinq ans sont répartis en quatre volets : énergie, navigation, environnement, ancrage
local.
Comme l’explique la CNR,
« La terminologie « plan de Mission d’Intérêt Général (Plan
MIG) » a été utilisée par CNR à des fins de communication et de lisibilité à l’externe,
notamment vis-à-vis des parties prenantes. Il ne figure à aucun endroit dans le contrat de
concession. »
.
Le projet d’avenant en cours d’approbation ne retient d’ailleurs pas cette terminologie
« MIG » et préfère les dénommer « investissements du schéma directeur » (dits « capex SD »), qu’il
distingue des obligations du concessionnaire (dits « capex historiques ») auxquels s’ajoute des
investissements pour les ouvrages nouveaux (dits « capex de prolongation »).
Cette catégorisation des investissements ne constitue toutefois pas une frontière étanche.
A titre d’exemple, le plan MIG 2009-2013 prévoyait un investissement de 16 M€ pour
améliorer la fiabilité, la sécurité et la disponibilité des écluses dont la fiche technique précisait :
«
Fiabilisation et sécurisation des écluses : acquisition de pièces de rechange
». L’acquisition
de pièces de rechange est certes d’intérêt général mais relève aussi, et surtout, des obligations
contractuelles du concessionnaire.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
32
Inversement, la construction des passes à poisson qui fait partie des missions en faveur
de l’environnement et qui est souvent accompagnée de l’installation de petites centrales
hydroélectriques (PCH) pour turbiner ces débits dédiés, a été inscrite en MIG, au titre de
l’énergie et de l’environnement. Cependant, la construction des passes à poissons est, depuis
2006, une obligation du concessionnaire en application du code de l’environnement. Lors du
conseil de surveillance du 11 décembre 2018, le président de la région Rhône-Alpes-Auvergne
relevait que :
« les passes à poissons ne sont pas une mission d’intérêt général, CNR n’a pas le
choix. On recycle dans les MIG des actions imposées à la CNR, c’est une dénaturation. ».
Le
rapport d’activité de la concession de 2017 confirme d’ailleurs la nature de ces investissements :
«
Mise en conformité réglementaire, modernisation :
Passe à Poissons de Sauveterre ; Passe
à poissons de Logis-Neuf »
(RAEC 2017, page 10). Quant aux PCH, il s’agit d’une amélioration
du productible conforme aux obligations du concessionnaire, donc possiblement « non-MIG ».
D’ailleurs, la moitié des PCH du Rhône ont été construites avant 2003 sous le régime de la
convention CNR-EDF.
2.3.3.2
Les investissements budgétés et réalisés
L’ensemble des investissements sur la période de contrôle, en distinguant MIG et non
MIG, est présenté dans le tableau ci-après (en valeur brute avant subvention éventuelle).
Tableau n° 7 :
Investissements budgétés et réalisés (M€)
Exercice
Budgété (en M€)
Réalisé (en M€)
Non réalisé
(en M€)
TOTAL
MIG
Non
MIG
TOTAL
MIG
Non
MIG
TOTAL
MIG
Non
MIG
2012
86
30
56
72
22
50
-13
-8
-6
2013
85
30
55
76
28
48
-9
-2
-7
2014
82
35
47
71
25
46
-11
-10
-1
2015
81
34
47
72
28
44
-9
-6
-3
2016
73
24
49
58
18
40
-15
-6
-9
2017
67
21
46
52
19
33
-16
-2
-13
2018
71
17
54
50
14
36
-21
-3
-18
2019
72
19
53
44
8
36
-28
-11
-17
2020
66
14
52
48
11
36
-18
-3
-15
Moyenne
68,5
25,6
456
62
20,2
41,6
-15,2
-6
-9,2
Source : CNR
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
33
Graphique n° 1 :
Investissements budgétés et réalisés
Alors que le rythme annuel des investissements budgétés (80-85 M€) et réalisés
(70-75 M€) était assez stable jusqu’en 2015, avec un taux de réalisation de 85 %, une dizaine
de millions étant reportés sur l’exercice suivant, on observe un double décrochage à partir de
2016. Les montants budgétés baissent sensiblement et, malgré cette baisse d’environ -15%, les
montants effectivement engagés baissent encore plus rapidement, près de -20%, si bien que le
taux de réalisation n’est plus que de 60 % en fin de période.
La CNR explique la baisse des investissements par l’approche de la fin de la période de
concession, du fait du raccourcissement de la durée d’amortissement qui oblige à limiter les
investissements nouveaux. Cette explication qui vaut après 2019, n’explique pas le décrochage
de 2016, huit ans avant le terme d’une concession d’une durée totale de vingt ans.
Le schéma directeur de 2003 ne fixe pas de montant global d’investissements à atteindre
mais, une fois les plans adoptés, les montants programmés correspondent à des travaux que «
le
concessionnaire s’engage à réaliser pendant la durée de la concession.
» comme l’indique le
CCG. Ces plans d’investissements MIG sont donc à la fois « volontaires », au sens où ils sont
décidés par les instances dirigeantes de la CNR, et « obligatoires », au sens où leur adoption
par cycle de cinq ans est prévue au contrat et, qu’une fois adoptés, ils engagent le
concessionnaire. Toutefois, ils n’engagent le concessionnaire que vis-à-vis de lui-même et la
CNR peut à tout moment en abaisser le montant dans les mêmes conditions que celles dans
lesquelles ils ont été adoptés, comme cela a été le cas pour le MIG 3 (2014-2018) passé de
160 M€ à 145 M€.
La CNR a adopté successivement quatre plans quinquennaux de montants variables :
127 M€ pour le 1er plan (2003-2008), 159 M€ pour le 2
ème
(2009-2013), 160 M€ ramenés à
145 M€ pour le 3
ème
(2014-2018) et 90 M€ pour le 4
ème
(2018-2023). Ces montants sont
fortement corrélés aux résultats puisque, faute que la CNR accepte de s’endetter, ils reposent
entièrement sur sa capacité d’autofinancement de la société.
Même s’ils ne sont pas intégrés aux plans quinquennaux du schéma directeur, les
investissements « historiques » doivent être programmés et le sont effectivement, parfois même
sur des durées supérieures à cinq ans. En effet, les opérations de maintenance découlent
d’obligations légales de sécurité ou s’inscrivent dans des plans de modernisation ou de
Investissements (en M€)
Budget
(en M€)
Réalisé
(en M€)
Ecart
non
réalisé
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
34
remplacement de pièces anciennes. Ils sont donc nécessaires et doivent être anticipés pour
maintenir en bon état de fonctionnement les moyens de production.
Lors d’avaries majeures la perte de productible peut être significative et leur cumul peut
atteindre 0,2 ou 0,3 TWh sur l’année. En cas d’accidents graves, comme l’incendie de l’usine
de Caderousse frappée par la foudre en octobre 2016, les pertes de productibles peuvent
dépasser 0,5 TWh sur une année, cela a également été le cas en 2018.
L’étalement des travaux dans le temps et leur programmation permet d’éviter qu’ils ne
pèsent exagérément sur la production d’électricité. Cet étalement correspond aussi à la bonne
utilisation des moyens humains de la CNR qui ne dispose pas d’un effectif extensible pour gérer
des travaux erratiques ou concentrés sur des périodes trop courtes.
Il apparaît ainsi que la baisse des prix de gros en 2015 et 2016, dont la répercussion a
été ressentie jusqu’en 2018, et la perspective d’une réduction des bénéfices qui y était attachée,
est un facteur explicatif complémentaire déterminant le volume des investissements qui atteste
donc du fait que ces derniers ont constitué en partie une variable d’ajustement quand bien même
ils demeuraient programmés.
Si l’on peut comprendre que le rythme des investissements s’adapte en partie aux
résultats financiers, cette situation n’en reste pas moins critiquable pour trois raisons :
-
S’il est vrai que les bénéfices nets ont fortement baissé sur la période 2017- 2019, ils sont
demeurés positifs, dégageant 145 M€ d’excédents, ce qui a permis de verser 95 M€ de
dividendes alors même que 66 M€ d’investissements programmés n’étaient pas réalisés.
-
Les investissements budgétés et non réalisés sont pour partie ceux des plans d’action
quinquennaux et correspondent donc à un engagement de la CNR au titre du schéma
directeur dont le respect fait partie intégrante de l’équilibre financier de la concession.
-
Une partie importante de la baisse des résultats s’explique par l’augmentation des dotations
aux provisions pour amortissement de caducité en fin de période car leur niveau était
demeuré très faible en début de période. Si ces provisions avaient été étalées, les marges
pour investir auraient été plus importantes en fin de période.
2.3.4
La rémunération du capital
La rémunération du capital de la CNR est le troisième usage de la rente après la
redevance versée au concédant et les investissements dans les biens en concession. Faute de
taux contractuel encadrant cette rémunération, on peut calculer le taux moyen de rémunération
d’une base d’actifs égale à la valeur nette comptable (VNC) des actifs au 1er janvier de l’année
considérée (valeur de clôture au bilan N-1). Cette méthode est très comparable à celle d’un
régulateur lorsqu’il applique un CMPC à une base d’actifs régulés.
En l’espèce, la VNC prise en compte est égale à la somme de toutes les immobilisations
nettes corporelles et incorporelles de laquelle on soustrait trois éléments du passif : les écarts
de réévaluation des biens en concession, les subventions d’investissement et les provisions pour
amortissements de caducité des biens en concession.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
35
Tableau n° 8 :
Calcul de la base d’actifs rémunérés
Source : CNR
Ce sont les variations des immobilisations corporelles et des provisions pour
amortissement de caducité des biens concédés qui sont les composantes les plus importantes en
valeur. Elles ont des effets significatifs. Ces deux grandeurs, l’une à l’actif, l’autre au passif,
sont corrélées puisqu’il faut amortir les nouvelles immobilisations de la concession au fur et à
mesure de leur constitution, si bien que leurs mouvements, sans se compenser, évoluent de
façon inverse, ce qui explique que la base d’actifs nets à rémunérer conserve le même ordre de
grandeur, entre 400 M€ et 500 M€, sur toute la période.
Au cours de la période 2012-2020, la valeur moyenne de la VNC atteint le montant de
480 M€ et sa valeur annuelle décroit régulièrement depuis son maximum de 521 M€ en 2016.
Sur la période récente, la rémunération moyenne des capitaux engagés de la CNR est
très variable mais reste en moyenne élevée comme le montre le tableau ci-après :
Tableau n° 9 :
Rémunération réelle des capitaux engagés
Source : données CNR, calcul Cour
A l’exception de l’année 2017, pour laquelle la rémunération des capitaux engagés a été
de 6%, les taux ont été systématiquement très supérieurs à ceux du secteur puisque la moyenne
sur la période atteint 24%. Le point bas de l’exercice 2017 n’est pas significatif, ni représentatif
d’une tendance, puisqu’il est dû à une hydraulicité historiquement faible en période de baisse
des prix alors même que le flux des provisions pour amortissements de caducité augmentait à
l’approche de la fin de la concession. Cet évènement a été rapidement effacé et la situation qui
prévalait en 2016 a été retrouvée dès 2020.
On peut également relever que les résultats élevés de la période 2012-2016 ne
constituent pas un « rattrapage » après des années de « vaches maigres » puisque, au cours de
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Immos.
incorporelles
14,7
19,1
25,0
26,4
30,1
31,4
30,2
30,4
31,6
Immos. corporelles
3434
3499
3812
3561
3621
3667
3709
3748
3776
Ecarts de réévaluation
-801
-801
-801
-801
-801
-801
-801
-801
-801
Subventions investissement
-228
-233
-236
-240
-245
-251
-252
-255
-256
Provisions pour caducité
-1937
-1963
-1996
-2036
-2083
-2134
-2197
-2266
-2342
VNC des actifs rémunérés
420
455
490
509
521
512
488
456
408
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
VNC rémunérée
420
455
490
509
521
512
488
456
408
Résultat net
217
211
139
105
93
30
56
59
75
Rémunération
52%
46%
28%
21%
18%
6%
11%
13%
18%
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
36
la période précédente entre 2005 et 2011, la rémunération du capital, calculée par la méthode
de la rémunération de la VNC, dépassait 100%.
Une partie importante des flux de trésorerie dégagés demeure dans l’entreprise qui a
toujours disposé d’une trésorerie abondante, mais la majorité de ceux-ci est versée aux
actionnaires sous forme de dividendes. La politique de distribution décidée par les actionnaires
principaux, Engie et CDC, et appliquée de manière constante sur la période de concession, a
consisté à verser aux actionnaires 67% du résultat net. Les collectivités locales riveraines,
actionnaires historiques de la CNR, ne demandent pas explicitement un niveau donné de
dividendes lors des conseils de surveillance car leur présence au capital répond à un objectif
politique qui dépasse leur seul intérêt financier ; toutefois les principales détentrices de titres
s’accommodent de ce niveau élevé qui leur est favorable. Le taux de distribution à hauteur de
67% du résultat net n’a, jusqu’à présent, jamais été remis en cause.
Les versements de dividendes ainsi que leur cumul, tous actionnaires confondus (y
compris les 16,8% des collectivités locales), sont présentés dans le tableau ci-dessous :
Tableau n° 10 :
Dividendes distribués et cumul des dividendes depuis 2012
Source : CNR
Les deux principaux actionnaires, qui détiennent ensemble 83% de la CNR pour un
montant d’acquisition de 750 M€ inscrit à leurs bilans respectifs, ont reçu 1230 M€ de
dividendes en seize ans. A ce montant, il convient d’ajouter 206 M€ de capitaux propres de la
filiale CN’Air entièrement financés par sa maison mère et 475 M€ de trésorerie qui peuvent
encore être distribués.
On peut comprendre que compte tenu de ce niveau de rentabilité, ni Engie ni la Caisse
des dépôts n’ont souhaité céder leurs participations dans le cadre d’un pacte d’actionnaires,
comme cela avait été initialement envisagé.
Cette appréciation n’est pas modifiée si on atténue ces montants en les actualisant car
les dividendes ont été exceptionnellement élevés en début de période, et jusqu’en 2013. Si on
retient un taux d’actualisation de 5% ou 6%, les actionnaires ont été remboursés de leur achat
en une dizaine d’années ; si on retient un taux de 7% ou 8%, ils l’ont été en une douzaine
d’années. Mais ce calcul ne porte que sur les dividendes. Si on prend en compte les 230 M€ de
trésorerie disponible au 31 décembre 2010 et la somme des dividendes versés, avec un taux
d’actualisation de 8%, c’est en sept ans que ce remboursement a été réalisé.
Les actionnaires qui n’étaient pas déjà détenteurs de titres CNR avant la privatisation
partielle et qui en ont fait l’acquisition en 2003 ont donc récupéré leur investissement entre
2010 et 2013, selon le mode de calcul retenu, alors que le contrat de concession ne devait
s’achever qu’en 2023 et qu’il est prévu qu’il soit prolongé jusqu’à 2041 à titre gratuit, sans
paiement d’un prix complémentaire.
Aujourd’hui, même en se plaçant dans l’hypothèse d’un contrat de concession allant à
son terme de 2023 sans être prolongé, la valeur résiduelle de la CNR serait très substantielle
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Dividendes versés
141
137
90
68
60
20
36
38
49
Dividendes cumulés
1031
1168
1258
1326
1386
1406
1442
1480
1529
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
37
pour ses actionnaires puisque la société dispose en propre d’actifs importants constitués pendant
la période de concession : une trésorerie abondante, actuellement de 475 M€, dans laquelle les
actionnaires peuvent puiser en votant la distribution d’un dividende exceptionnel, et environ un
milliard d’euros d’actifs industriels, principalement dans la production éolienne et
photovoltaïque. Ces actifs, détenus par des filiales capitalisées par la CNR avec les excédents
de la concession, constituent une source de revenus garantis au-delà de 2023.
----------------------------------------CONCLUSION INTERMEDIAIRE ------------------------
Malgré la fluctuation des prix de ventes, la production d’électricité au fil de l’eau sur
le Rhône dégage une rente qui ne peut être abandonnée au seul concessionnaire et doit être
partagée de manière équitable avec le concédant.
L’Etat a fait le choix d’équilibrer le contrat de concession, dont les données
économiques varient chaque année, avec deux instruments : le niveau de la redevance et le
montant des investissements d’intérêt général à réaliser. Ces instruments ne sont pas adaptés
à une régulation fine et ne permettent pas d’atteindre un résultat optimal sur une durée de vingt
années. Le contrat de concession s’est ainsi révélé particulièrement favorable au
concessionnaire depuis 2003 sans que le concédant puisse le corriger en cours d’exécution.
La redevance proportionnelle a certes permis d’associer le concédant aux effets
d’aubaine dont bénéficiait le concessionnaire en période de prix élevés, c’est-à-dire
sensiblement supérieurs à 40 €/MWh, ce qui a été très fréquemment le cas, mais a été
insuffisante pour les faire disparaitre. Cet équilibre a de plus été érodé par l’apparition de
revenus adossés à la production électrique et jusqu’ici non soumis à redevance, comme les
certificats d’origine et les garanties de capacité, dont le montant a triplé entre 2016 et 2019,
passant de 13 M€ à 39 M€.
Quant aux investissements, l’absence de tout moyen d’intervention efficace du
concédant pour en assurer le niveau a conduit à en faire en partie une variable d’ajustement
du résultat en fin de période.
Même si ses résultats ont été affectés ces dernières années par la baisse des prix de
marché qui s’est produite en 2016 et même si elle a dû provisionner des amortissements de
caducité plus élevés à l’approche du terme de la concession, la CNR est demeurée une
entreprise particulièrement rentable pour ses actionnaires qui ont reçu plus de 1,5 milliard
d’euros de dividendes depuis 2003. L’Etat a pour sa part reçu près de 2,3 milliards d’euros de
redevance sur la même période.
Dans le même temps, la compétitivité de l’énergie du Rhône n’est plus reflétée dans les
prix de l’électricité à hauteur de la part qu’elle représente dans le mix électrique national et
ne profite donc plus aux consommateurs.
Par ailleurs, la lisibilité des documents comptables doit être améliorée par la
production d’un véritable compte de la concession, cohérent avec les comptes sociaux et basé
sur les ventes nettes d’hydroélectricité.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
38
3
LA PROLONGATION DU CONTRAT DE CONCESSION
3.1
Les conditions de la prolongation
La concession initiale, prévue pour une durée de 75 ans à compter du premier janvier
suivant la date de mise en service du premier ouvrage exploité par la CNR, à savoir le barrage
de Génissiat en 1948, se terminera le 31 décembre 2023. La demande de prolongation de la
CNR, dont le principe a été accepté par l’Etat en 2014, ne consiste pas en un renouvellement
de la concession du Rhône, qui devrait alors être mise en concurrence, mais en une prolongation
de 18 années de la convention initiale dont le terme, fixé au 31 décembre 2023, serait ainsi
repoussé au 31 décembre 2041. Cette prolongation se traduirait par un 9
ème
avenant à la
convention initiale de la concession du Rhône de 1933.
3.1.1
Les aspects juridiques de la prolongation
3.1.1.1
Le calendrier d’adoption de la prolongation
Les négociations avec la Commission Européenne sur la compatibilité de la
prolongation avec le droit des concessions et l’examen d’une éventuelle aide d’Etat se sont
tenues à partir de 2018 sur la base d’un projet de plan d’affaires élaboré conjointement par la
CNR et la DGEC. Ces préparatifs ont permis d’engager la procédure formelle de notification
du dossier et d’approbation de l’avenant à la concession avec les étapes suivantes :
13 juillet 2018 :
notification à la Commission de l’opération pour justifier l’absence
d’aide d’Etat à la CNR
De juillet 2018 à décembre 2019 :
échanges de questions / réponses avec la DG
COMP et, en parallèle, préparation du projet d’avenant au CCG.
Décembre 2018 :
saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) qui
remet son bilan de la concertation achevée, en
juillet 2019
.
22 octobre 2019 :
arrêté du ministre de la transition écologique soumettant le projet de
neuvième avenant à la convention de concession à évaluation environnementale.
8 juillet 2020 :
avis de l’Autorité Environnementale sur le plan stratégique de la
prolongation de la concession.
Février 2021 :
mise en consultation publique du projet d’avenant au CCG pour un mois
et demi. La fin de procédure est prévue pour le 22 mars 2021.
L’examen par le Conseil d’Etat du projet de décret validant les conditions, notamment
financières, de la prolongation de la concession, n’a pas abouti à sa publication avant la fin de
l’année 2021 comme il était envisagé au moment de l’instruction. Une délibération législative
est en cours au moment de la publication du présent rapport. En tout état de cause, il apparaît
ainsi que la procédure a pris du retard et que le scénario 2018, réputé s’appliquer en 2019, ne
s’appliquera pas avant 2022 ce qui le rend en partie obsolète avant même qu’il puisse être mis
en œuvre.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
39
3.1.1.2
Les modifications apportées au cahier des charges par avenant
Outre la date d’échéance repoussée en 2041, les principales modifications envisagées
sont une extension du périmètre de la concession pour intégrer de nouveaux tronçons, ainsi que
des travaux sur les ouvrages existants et un nouvel aménagement hydroélectrique, dépenses
compensées par une modification des modalités de calcul de la redevance proportionnelle au
chiffre d’affaires. Plus précisément, les principales dispositions sont les suivantes :
Le projet d’avenant prévoit une intégration dans la concession du Rhône de 80 km du
domaine public fluvial principalement en amont de Lyon dans le département de Savoie
et dans le delta du Rhône ainsi que dans la zone d’Avignon (voir carte en annexe 1).
Ce transfert a pour objet de permettre à la CNR d’assurer une gestion intégrée et
cohérente de la voie d'eau tout le long de l'axe et d’optimiser la navigation fluviale.
Des travaux sur les ouvrages de la concession pour un montant prévisionnel de 500 M€,
dont la réalisation d’un nouveau barrage hydroélectrique à Saint-Romain-de-Jalionas,
en amont du confluent de l’Ain. En outre, le projet de schéma directeur de la concession
prévoit une programmation pluriannuelle d’investissements d’intérêt général (énergie,
navigation, environnement, agriculture, ancrage local) de 160 M€ par tranche de cinq
ans (soit 32 M€/an) dont l’exécution sera obligatoire, à la différence de la situation
actuelle.
La redevance proportionnelle aux recettes résultant de la vente d’électricité, versée à
l’Etat par la CNR, est fixée actuellement, en application de l’article 45 du CCG, au taux
fixe de 24 %. Le projet d’avenant prévoit que cette redevance sera calculée à partir d’un
taux variant en fonction du prix de l’électricité. Ce taux calculé
ex post
en fonction du
prix moyens des ventes sera fixé à partir de tranches croissantes avec le prix (10%, 34%,
60% et 80%). Ce dispositif vise à permettre à l’Etat de capter la rente en cas de hausse
des prix de marché tout en lui évitant un effet de ciseau sur le résultat de la CNR en cas
de baisse des prix sur les marchés de gros de l’électricité.
3.1.1.3
La justification de la prolongation
Pour justifier ce choix d’une prolongation plutôt que d’une mise en concurrence, la CNR
et l’Etat s’appuient sur l’article L. 3135-1 du code de la commande publique qui autorise les
modifications du contrat rendues nécessaires
« par des circonstances imprévisibles »
. En
l’espèce, la nationalisation du secteur de l’électricité en 1946, qui a privé la CNR, pendant
plusieurs décennies, du droit d’exploiter les ouvrages de production d’hydroélectricité qu’elle
a aménagés sur le Rhône, serait une circonstance imprévisible.
Ce choix de la prolongation par avenant plutôt que d’une mise en concurrence ne semble
pas avoir été contesté au niveau européen.
3.1.1.4
Les positions exprimées dans le débat public
La consultation publique de 2018 sur le projet de prolongation a suscité de très
nombreuses réponses, la grande majorité a porté sur les aspects environnementaux ou,
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
40
s’agissant des syndicats de salariés, sur la préservation du modèle historique de la CNR.
Toutefois, EDF et l’Association française indépendantes de l’électricité et du gaz (AFIEG) qui
regroupe les opérateurs alternatifs du secteur de l’énergie, ont répondu sur des sujets industriels.
EDF est essentiellement préoccupé par la prise en compte de ses besoins pour
l’exploitation de ses centrales nucléaires dans la vallée du Rhône. Ce sujet qui pourrait soulever
une difficulté pour le projet de barrage de Saint-Romain, à l’aval de la centrale du Bugey, met
en lumière un aspect « systémique » des débits du Rhône pour plusieurs opérateurs.
L’AFIEG déplore l’absence de mise en concurrence pour la concession à laquelle
plusieurs de ses adhérents auraient pu se porter candidats et conteste l’argument de
l’imprévisibilité qu’elle juge tardif. Elle apporte également un argument nouveau sur la
question de l’aide d’Etat en considérant qu’il faudrait se préoccuper des avantages accordés aux
actionnaires privés actifs sur le marché de l’électricité, et au premier chef Engie qui est le
deuxième acteur français du secteur. L’AFIEG considère que «
La prolongation donne un
avantage indu économique important à l’actionnaire opérateur pour les 18 années
d’exploitation supplémentaires, que ce soit pour la partie recette d’exploitation et de maitre
d’ouvrage/maitre d’œuvre, que pour les travaux et investissements attendus de 500 M€. Elle
pourrait être analysée comme relevant d’une aide d’état bénéficiant à une société anonyme
située dans un domaine concurrentiel français et européen.
»
(
Réponse de l’AFIEG au débat
public. Cahier d’acteurs n°5 juin 2019).
Effectivement, pour entrer au capital d’une entreprise dont le principal actif, en termes
de flux de trésorerie, était un contrat de concession d’une durée résiduelle de 20 ans, Engie et
CDC ont payé un prix déterminé sur la base d’une valeur calculée en 2003 et sans garantie de
prolongation au titre des circonstances imprévisibles. Si l’assurance d’un contrat allant jusqu’en
2041 avait été donnée à l’époque, la valeur aurait été calculée à partir d’une durée totale de
concession de trente-huit années. Du fait de cette prolongation, les sociétés actionnaires
bénéficieraient donc d’une durée de contrat multipliée quasiment par deux alors même que,
durant la période 2003-2019, ils ont déjà bénéficié de revenus importants générés par ladite
concession, au point d’avoir été remboursées de leur achat initial en moins d’une dizaine
d’années comme il a été précédemment exposé.
3.2
L’examen du scénario de la prolongation
3.2.1
La méthode mise en œuvre
3.2.1.1
La méthode de l’identité des flux de trésorerie actualisés
L’Etat a notifié à la Commission européenne son projet de prolongation de la concession
du Rhône le 12 juillet 2018 en considérant que cette dernière ne constituait pas une aide d’Etat
au motif que la situation financière de la CNR ne serait pas améliorée par l’allongement de la
durée de la concession en raison des modifications introduites dans le contrat (redevance à taux
variable et programme de travaux supplémentaires) en appliquant la méthode de la valeur
actualisée nette.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
41
Pour retenir cette méthode, la DGEC s’est appuyée sur la décision de la Commission
relative à la prolongation des concessions hydroélectriques au Portugal qui considérait qu’il
était nécessaire que le droit d’utilisation des actifs et ressources ayant une valeur économique,
et procurant un avantage à l’un des opérateurs sur le marché, tel qu’EDP en l’espèce, soit
attribué en contrepartie d’un prix cohérent, justifiable et non arbitraire.
4
La méthode d’évaluation du précédent portugais a donc été utilisée pour démontrer la
possibilité d’une prolongation de la concession de la CNR à prix nul compte-tenu de
l’ajustement de la redevance et des nouveaux investissements. L’Etat a ainsi examiné les flux
financiers susceptibles d’être générés par la concession résiduelle (2018-2023) et a vérifié que,
dans un scénario de référence, ils ne seraient pas modifiés sur la période de prolongation (2018-
2041).
La DGEC a fait valoir à la Cour que la valeur économique de la prolongation repose
sur «
l’évaluation du chiffre d’affaires qui sera réalisé en cas de prolongation, l’évaluation des
dépenses de la CNR dans l’hypothèse de la prolongation et des hypothèses macroéconomiques,
notamment en ce qui concerne le taux d’inflation.
». (Voir annexe 4). Autrement dit, l’examen
se fonde sur une série d’hypothèses destinées non pas à fixer un prix mais à garantir une
neutralité des flux actualisés de trésorerie dans un environnement de marché incertain. Aucun
mécanisme capable de garantir un résultat vérifiable
ex post
sur une période de vingt années
n’est envisagé.
3.2.1.2
L’élaboration du scénario de référence
Le document transmis à la Commission a donné lieu à négociations entre le
concessionnaire et le concédant. Saisie par le ministre chargé de l’énergie en décembre 2017
d’un premier projet de scénario central sur la période 2017-2041, le CGEDD a critiqué le test
de la « neutralité des flux de trésorerie », dans son rapport de février 2018
5
, et a jugé le scénario
2017 défavorable à l’Etat. Il a demandé de relever la première tranche de redevance, de baisser
la rémunération du capital autour de 6% et de mieux encadrer les programmes
d’investissements en clarifiant le mode de compensation pour l’Etat en cas de non-respect des
budgets votés.
L’esprit de ces recommandations a globalement été suivi dans le scénario 2018-2041
modifié, notamment pour le barème de la redevance, mais le taux d’actualisation et le
paramétrage de l’ensemble sont demeurés inchangés du fait d’une série d’indexations des
données économiques.
4
Le cas portugais est cependant différent de la présente affaire puisque EDP avait versé à l’Etat concédant, en
2007, un montant de 759 M€ pour obtenir une prolongation moyenne des différentes concessions concernées de
25 ans et la procédure d’aide d’Etat portait sur la validité des différentes évaluations de ce prix par les experts,
notamment deux banques portugaises (Décision de la Commission 2017/1592 du 15 mai 2017, JO de l’UE du 21
septembre 2017), alors qu’aucun montant n’est en discussion dans le cas de la CNR.
5
Rapport 011991-01du Conseil général de l’environnement et du développement durable, février 2018
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
42
Au-delà des critiques émises par le CGEDD, on peut s’interroger sur la fiabilité d’un
test de neutralité sur une période de 23 ans (2018-2041) qui oblige à intégrer des hypothèses,
toutes discutables, en ce qui concerne la durée effective de fonctionnement des ouvrages du
Rhône, la rémunération des capitaux engagés pour chacun des ouvrages, la valeur des
investissements non amortis à la date de la prolongation, le détail des redevances payées,
l’impact économique des extensions géographiques, le coût effectif des investissements
programmés, les coûts associés et des recettes éventuelles, sans compter tous les aléas sur les
prix des marchés de l’électricité et les débits du Rhône.
A la lecture du dossier de prolongation, notamment des feuilles de calcul de simulation
des revenus de la CNR, on constate que le scénario de référence est un scénario
ad hoc
qui
présume ce qu’il faudrait démontrer et ajuste les paramètres économiques et financiers en
conséquence.
En outre cette recherche de la neutralité de la prolongation empêche de porter un regard
rétrospectif critique sur la régulation de la période antérieure et d’en relever les défauts. Les
raisons pour lesquelles la rentabilité de la CNR a été beaucoup plus importante que ce qu’elle
aurait dû être, notamment les effets très favorables des hausses de prix, n’ont pas été
suffisamment prises en compte. De même, aucun enseignement n’a été tiré de l’incapacité du
concédant à apporter, en cours de contrat, des correctifs à un dispositif financier trop favorable
au concessionnaire. La méthode de la « neutralité » n’apporte donc aucune garantie sur la
prévention des risques de réitération des erreurs du passé.
La méthode retenue oblige donc à comparer deux situations, avec et sans prolongation,
et à construire ce scénario suffisamment tôt avant le terme de la concession en cours pour que
la comparaison avec et sans prolongation ait un sens, faute de quoi la période sans prolongation
se réduit chaque année à mesure que s’accumulent les retards et qu’il n’y a plus rien à comparer.
Les développements ci-après montrent que le décalage de trois à quatre ans par rapport au
calendrier initialement envisagé n’a pas permis d’éviter cet écueil.
3.2.2
La modification de l’équilibre investissements/redevance
Comme cela a été exposé précédement, le projet ne prévoit aucun mécanisme régulateur,
ni aucune « corde de rappel » en cas de dérive des bénéfices du concessionnaire. Il est
entièrement construit autour d’un nouveau paramétrage des dispositifs existants qui consiste à
augmenter le montant des investissements et à compenser cette hausse par une baisse de la
redevance de l’Etat.
3.2.2.1
L’augmentation des investissements :
L’augmentation du niveau des investissements porte sur trois catégories de travaux dont
les montants prévisionnels s’étalent sur vingt-quatre ans (2018-2041) :
-
Les investissements du schéma directeur (Capex SD et Opex SD dans le scénario) sont
fixés au départ à 165 M€ pour le premier programme quinquennal et les montants annuels
sont indexés sur l’inflation (+1,8%). Ce plan applicable sur la durée de la prolongation
atteint, en euros courants, 577 M€ en capex et 352 M€ en subventions d’investissement
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
43
versées à des aménageurs publics. Ce total
de 930 M€
en euros courants constitue une
dépense obligatoire.
-
Les investissements liés aux travaux prévus au projet d’avenant (Capex prolongation dans
le scénario) sont d’un montant prévisionnel de 455 M€ auquel s’ajoute une enveloppe pour
aléas de 45 M€ ce qui conduit au total de 500 M€ mentionné dans le scénario central. Les
décaissements annuels sont indexés et l’enveloppe atteint
564 M€,
en euros courants, avec
un achèvement de tous les chantiers en en 2031, soit un montant annuel d’investissement
en euros courants de 43 M€ entre 2020 et 2031.
-
Les investissements pour l’entretien et la modernisation des biens de la concession (capex
historiques dans le scénario) ne sont inscrits dans aucune enveloppe et sont calculés à partir
d’un montant initial de 50 M€/an et d’une hypothèse d’augmentation de +2% par an pour
tenir compte du vieillissement des équipements, auquel s’ajoute le taux d’inflation de
1,8%, soit une hausse de +3,8% par an. Ce sont eux qui représentent la charge la plus
lourde,
1 720 M€,
en euros courants.
Ces montants prévisionnels appellent les observations suivantes.
Le seul montant fixé en valeur, le total de 930 M€ du schéma directeur qui se traduit par
une dépense annuelle de 33 M€ en début de période, représente une contrainte qui doit être
relativisée. Le montant moyen annuel est certes plus élevé en euros courants que les montants
des plans MIG précédents mais en reste très proche en valeur réelle puisque CNR a programmé
des montants de 28 M€ à 30 M€ entre 2009 et 2016 qui, s’ils avaient été indexés, auraient
conduit à un total de 860 M€ en 2041. Le changement d’échelle n’est donc pas majeur sur une
période de vingt-quatre ans.
Le montant de 455 M€ des « capex de prolongation », auxquels s’ajoute une provision
de 45 M€ pour aléas, n’est qu’indicatif. Le concessionnaire, qui construira les ouvrages à ses
risques et périls, devra supporter les surcoûts éventuels. Toutefois, ce risque n’est pas uniforme
sur la totalité de l’enveloppe car une partie de la somme correspond à une dizaine de chantiers,
de montant unitaire limité, pour lesquels la CNR a une expérience reconnue (PAP, PCH, VLH,
turbines, écluses, etc..). Des chantiers équivalents (par exemple la PAP-PCH de Sauveterre pour
le plus récent) ont été exécutés sans difficultés majeures dans le cadre des plans MIG actuels.
Le risque principal, qui justifie une provision pour aléa de 45 M€, est donc lié au nouveau
barrage de Saint-Romain dont la construction est encore incertaine.
Enfin, s’agissant des investissements historiques, la CNR explique sa prévision de la
manière suivante : «
Pour les CAPEX, le volume réalisé annuellement peut varier de manière
importante d’une année sur l’autre en fonction des schémas pluriannuels de travaux. Dans ces
conditions, à l’inverse des OPEX, le CAPEX 2017 ne représente pas forcément la valeur
normative du volume de CAPEX. Ainsi, à compter de 2019, le « CAPEX historique » est calculé
sur la base de la moyenne inflatée des CAPEX des sept dernières années (2012 à 2018), afin
de lisser les volumes annuels ».
Le montant initial de 50 M€ ainsi calculé est ensuite indexé au
rythme de +3,8% par an. L’indexation supplémentaire de +2% pour vieillissement représente
un surcoût de 350 M€ sur la prolongation par rapport au rythme antérieur de travaux de
maintenance, soit un supplément de dépenses moyen d’environ quinze million d’euros par an.
Toutefois, ces montants ne sont ni inscrits ni estimés dans le projet de contrat. Les
montants annuels effectivement engagés seront donc ajustables par la CNR sans que l’Etat
puisse les rectifier ou même les contester puisqu’ils relèvent de la pleine responsabilité du
concessionnaire. On ne peut donc exclure que les besoins de rénovation soient moindres que
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
44
prévus ou qu’ils puissent être étalés dans le temps, comme cela a déjà été le cas au cours de la
période passée où l’on constate de manière récurrente un écart d’une dizaine de millions par an
entre le montant des investissements budgété et le montant réalisé.
En conclusion, les hypothèses retenues conduisent à ajuster la redevance pour prendre
en compte un supplément de dépenses d’investissements, en euros courants, de 90 M€ au titre
du schéma directeur, de 564 M€ au titre des équipements à construire et de 350 M€ au titre de
l’entretien des équipements historiques, soit un total voisin d’un milliard d’euros. C’est ce
supplément étalé sur 26 ans qu’il est prévu de compenser par un ajustement de la redevance.
3.2.2.2
La fixation d’un barème par tranches à taux progressif
La loi de 1921 prévoit que la CNR est soumise à une redevance fixe (article 43 du CCG)
et à deux redevances proportionnelles, l’une proportionnelle au nombre de kWh produits
(article 44 du CCG), qui est de faible montant unitaire (une douzaine de centimes par MWh) et
rapporte en moyenne 1,8 M€ par an, et l’autre proportionnelle aux recettes résultant des ventes
d’électricité (article 45 du CCG) qui est la principale source de recettes pour l’Etat et a rapporté,
sur la période passée, en moyenne 140 M€ par an. C’est cette dernière redevance que l’Etat
concédant a accepté de baisser pour compenser les investissements supplémentaires
susmentionnés.
Pour la prolongation, l’Etat a conservé une redevance au kWh faible et une redevance
proportionnelle au chiffre d‘affaires élevée mais en modulant son taux en fonction du prix de
l’électricité. Ce choix conduit à atténuer le risque de la CNR lorsque les prix de marchés sont
orientés à la baisse et à écrêter ses gains lorsque les prix sont orientés à la hausse.
Le projet de
cahier des charges prévoit le barème suivant :
« • 10% pour la fraction strictement inférieure à 26,5 €/MWh,
• 34% pour la fraction supérieure à 26,5€/MWh et strictement inférieure à 50 €/MWh,
• 60% pour la fraction supérieure à 50 €/MWh et strictement inférieure à 80 €/MWh,
• 80% pour la fraction supérieure à 80 €/MWh. »
De plus, l
es tranches du barème sont réévaluées comme l’inflation de 1,8% par an, afin
de suivre la hausse prévue des prix de l’électricité
. Dans la simulation du scénario 2018, le taux
moyen résultant de ce barème part de 18% en 2021 et finit à 20,4 % en 2041, avec une moyenne de
19,3%, l’Etat diminuant son prélèvement de 780 M€. Le milliard d’investissements supplémentaires
est donc financé tout en laissant à la charge de la CNR un reliquat de 10 M€/an en euros courants
qui permet de réaliser une légère correction, par rapport à la période antérieure.
3.2.2.3
Le comportement du nouveau barème face aux variations de prix et de volume
Les tranches du barème sont l’élément qui a été le plus modifié après les critiques du
rapport du CGEDD remis au ministre en 2018. Sa structure évolutive dans le temps ne permet
pas de savoir si l’avantage accordé à la CNR en cas de baisse de prix sera équivalent au surplus
de redevance prélevée par l’Etat en cas de prix élevés. Tout dépendra des moments où ces effets
favorables et défavorables se produiront et de leurs durées. La compensation des deux effets est
d’autant plus difficile à simuler que le scénario ne prend pas en compte une volatilité réelle
mais se base sur une évolution linéaire des prix de gros de l’électricité.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
45
Le profil de la simulation (augmentation des prix de 2,5% par an et érosion linéaire des
débits de 0,43 % par an) conduit ainsi à une évolution linéaire du chiffre d’affaires qui n’a
jamais été observée par le passé. Sa variabilité est d’ailleurs le principal argument de la CNR
pour justifier qu’elle subit des risques d’exploitation importants.
Dans le nouveau barème, le taux de la redevance dépend du prix moyen de vente mais
pas du volume des ventes.
Il est indépendant du chiffre d’affaires et ne fonctionne donc pas comme
un impôt progressif sur le revenu. Son
fonctionnement est illustré par une simulation sur la
période 2012-2020, représentative d’une situation réelle en prix comme en volumes. Les
tranches initiales sont appliquées en 2012 puis indexée de +1,8% jusqu’en 2020 :
Tableau n° 11 :
Simulation du nouveau barème sur une période passée
Source : CNR, calcul cour ; *entre 2014 et 2018 la redevance est affectée d’ajustements transitoires ; le taux
effectif est plutôt de 22% ou 23% que 24%.
Cette simulation montre deux effets du changement de barème.
En premier lieu, l’effet amortisseur du taux variable en cas de baisse de prix joue à plein,
comme on le voit sur la période 2016-2019 où l’Etat rend plus 30 M€ de redevance par an à son
concessionnaire pour préserver ses revenus. L’effet d’érosion lié à l’indexation des tranches est
également sensible : entre 2015 et 2020, années quasiment identiques en termes de production
et de prix, on perd 10 M€ de redevance du fait du relèvement des tranches du barème.
En second lieu, le taux progressif n’est pas efficace pour capter l’excédent de revenus.
En 2013, les revenus augmentent de 30 M€ par rapport à 2012, mais la redevance baisse de
10 M€ car l’effet volume n’est pas pris en compte dans la hausse du taux de prélèvement qui
subit, en outre, l’érosion des tranches du barème par l’effet de l’indexation.
Cette simulation, qui n’a qu’une valeur illustrative, est instructive car la période
examinée (2012-2020) a connu une grande volatilité des prix et des volumes avec différentes
combinaisons (prix bas et volume haut, prix haut et volume bas, etc…). Elle est construite à
partir de situations réelles et constitue donc un contrefactuel éclairant par rapport à un scénario
de prolongation où toutes les grandeurs, prix, volumes et tranches du barème, évoluent
ensemble par simple indexation.
Le fait que le barème soit trop favorable en cas de prix élevés est d’autant plus notable
que les prix réels des années 2019-2020 et probablement 2021-2023 compte-tenu des ventes
déjà réalisées, sont et seront probablement supérieurs aux prix prévisionnels des premières
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Production réelle (TWh)
15,3
17,3
14,9
13,6
14,6
10,8
14,3
13,7
13,6
Prix moyen de vente €/MWh
53,1
48,7
44,6
44,9
40,1
41,1
36,9
39,7
44,8
Ventes nettes (M€)
811,9
841,9
664,0
611,2
584,2
443,4
530,0
546,0
609,9
Redevance réellement payée (M€)*
185
189
142
133
127
107
116
122
138
Taux progressif simulé (en %)
23,5
21,5
19,5
19,1
17,1
17,1
14,8
15,9
17,6
Redevance taux progressif (M€)
191
181
129
117
100
76
78
87
107
Gain ou perte
+6
-8
-13
-16
-27
-31
-38
-35
-31
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
46
années du scénario de prolongation. Si la variation linéaire des prix était un scénario réaliste,
c’est toute la simulation qui serait d’ores et déjà obsolète.
3.3
La fragilité des hypothèses du plan d’affaires 2018-2041
Il ne s’agit pas ici de proposer des hypothèses alternatives pour établir un scénario de
prolongation plus convaincant que celui qui a été retenu en 2018 mais de montrer que
l’indexation de différentes grandeurs à partir d’hypothèses de départ rapidement contredites par
les faits, sans prévoir de clause de sauvegarde, est une méthode fragile et inadaptée à la situation
de la CNR. Il convient donc d’examiner la sensibilité du scénario d’équilibre aux principales
hypothèses retenues.
Les développements ci-après sont obtenus par simples modifications de la feuille de
calcul du scénario de référence 2018-2041 de la DGEC et de la CNR qui a servi à l’élaboration
du plan d’affaires rendu public en 2021.
3.3.1
Les hypothèses de prix
Les hypothèses de prix de vente de l’électricité ont été faites en 2017 au moment où la
baisse exceptionnelle constatée entre la fin 2015 et le premier semestre 2017 a pénalisé les
ventes de la CNR pour trois années du fait de l’étalement pluriannuel de sa politique de
couverture. L’indexation de + 2,5% par an du prix de vente a donc été calé à partir d’un prix de
départ historiquement très bas qui ne marquait ni une moyenne historique, ni une tendance
lourde, comme le montre le graphique des variations du produit calendaire français Y+1 en base
entre 2008 et 2019.
(Cf. annexe 5).
Cette baisse conjoncturelle de 18 mois n’a pas durablement affecté le marché de gros
de l’électricité et, dès le dernier trimestre 20017, les produits calendaires utilisés par la CNR
pour ses ventes de couverture avaient repassé la barre des 40 €/MWh et même la barre des
45 €/MWh comme on le voit sur le graphique ci-après :
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
47
Graphique n° 2 :
Evolutions des prix des produits calendaires 2017-2019
Source CRE, EEX
Cette remontée des prix des produits calendaires en base Y+1, Y+2 et Y+3 n’a pas été
prise en compte en 2018 alors que ces derniers ont un effet directeur sur les prix moyens de
vente de la CNR. Ils étaient revenus à 42 €/MWh début 2018 avant d’atteindre un pic à
60 €/MWh fin 2018, pour se stabiliser entre 45 €/MWh et 50 €/MWh pendant l’année 2019. Ce
corridor d’évolution est confirmé pour l’année 2020 par la CRE qui observe, dans sa
délibération de février 2021, que «
le prix de l’énergie
[électrique]
est passé de 42 €/MWh début
novembre à 51 €/MWh fin décembre »
.
La fin de l’année 2021 a connu une augmentation encore plus spectaculaire des prix, à
un niveau jamais connu depuis l’ouverture du marché, et aucun signe de baisse susceptible de
ramener le marché dans son corridor historique n’est à ce jour décelable, les prix spot et les prix
à terme pour 2023 et 2024 étant stabilisés au-dessus de 100 €/MWh depuis plusieurs mois.
En toute hypothèse, le plan d’affaires prévisionnel de la CNR le plus récent, dénommé
«
Tendances 2021-2026
», présenté au comité d’audit le 6 octobre 2020, confirme les écarts
sensibles avec le scénario de prolongation, les recettes de vente d’électricité et de produits
annexes (ventes de certificats de capacités notamment) étant plus élevées. Ce document prévoit
également un niveau de chiffre d’affaires et d’EBITDA plus élevé jusqu’en 2023 que celui
inscrit dans le scénario de prolongation.
Les hypothèses de prix retenues dans le scenario 2018 présenté dans le cadre de la
prolongation pour les années 2018-2019-2020 sont donc trop basses à partir de 2019, de 5 €
pour 2020 et probablement de plus de 10 € pour 2021 et 2022. En outre, l’augmentation des
prix de gros, entamée en 2019, confirmée en 2020 puis accentuée en 2021 et 2022, se fera
encore sentir jusqu’en 2023, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la concession actuelle. Les propres
prévisions actualisées de la CNR montrent que tous les prix retenus pour les premières années
du scénario de prolongation sont largement sous-estimés et ceux des années suivantes le seront
également, d’autant que depuis 2020 les prix des produits calendaires ont encore augmenté ce
qui renforce la caducité du scénario central élaboré en 2018.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
48
Il n’est donc pas possible de retenir une prévision de prix de vente de l’hydroélectricité
par simple indexation de +2,5%/an à partir d’un prix initial de 39,1 €/MWh en 2019, comme le
fait le scénario central, et de soutenir que la prolongation sera neutre.
3.3.2
Les hypothèses d’indexation des charges et des produits annexes
Le projet de prolongation considère que toutes les dépenses de fonctionnement courant
vont augmenter de +2,8% par an et les charges de personnel de +2,5% par an, à un rythme plus
élevé que l’inflation, fixée à +1,8% par an.
On fait ainsi l’hypothèse implicite que les coûts de fonctionnement sont actuellement
calculés au plus juste, sans possibilité de gains de productivité, alors que la CNR a connu pendant
quinze ans une aisance financière peu propice aux économies.
La dérive des charges de personnel de 3,5 M€ à 4 M€ par an est la poursuite de celle de ces
dernières années, qui étaient en partie dues à des effets de structure. Si l’effectif n’a augmenté que
de 3% entre 2012 et 2020, sa composition a changé puisque le personnel d’exécution a perdu 50
postes pendant que le collège cadre en gagnait 110, dont 70 entre 2017 et 2020. L’augmentation
des charges de personnel n’est donc pas seulement liée à l’augmentation des salaires mais tient aussi
au profil des recrutements.
L’extension du domaine de la concession et le programme de travaux de CNR vont conduire
à l’embauche de cadres et d’agents de maintenance, déjà engagée, mais l’augmentation des coûts
de personnel pourrait aussi, comme par le passé, répondre à des besoins liés aux activités de marché
ou de diversification comme l’indique la CNR : «
En ce qui concerne la progression du collège
cadre, elle s’explique par la stratégie de CNR qui se traduit par un renforcement de
directions existantes: nouvelles énergies, transition énergétique, valorisation de l’énergie mais
également par la création de nouvelles directions : gestion d’actifs, coordination exploitation et
sûreté qui nécessitent des compétences spécialisées
. ».
Les orientations stratégiques présentées en conseil de surveillance en 2019 prévoient de
faire passer la production EnR hors concession de 1 TWh à 4 TWh d’ici 2030, ce qui demandera
soit des recrutements soit une forte mobilisation des cadres de l’entreprise, sachant que la filiale
CN’AIR qui sert de véhicule comptable pour porter les actifs de diversification est hébergée dans
les locaux de CNR et n’a pas de personnel en propre.
Ces questions de frontières de la concession, non explicitées dans le scénario de
prolongation, concernent aussi les revenus annexes, dont certains, comme les revenus de trading ou
d’agrégation, sont difficiles à mesurer car ils ne sont pas détaillés dans le compte de résultat bien
qu’ils mobilisent du personnel.
Enfin, on constate un écart important entre la prévision de recettes annexes du scénario qui
part d’un montant de 60 M€ en 2018 puis évolue par indexation sur l’inflation pour les années
suivantes, et les recettes effectives. La simulation inscrit ainsi une prévision de 67 M€ en 2018, puis
73,8 M€ en 2019 et 78,5 M€ en 2020 soit un total prévisionnel de 183 M€ pour ces trois exercices,
alors que le montant réel est de 219 M€. Rien n’indique que ces recettes, tirées par la vente des
certificats d’origine et des garanties de capacité, vont baisser. On a, au contraire, toute raison de
penser qu’elles vont se maintenir pendant quelques années encore et pourraient même augmenter
(voir annexe 6). Ces montants n’ont pas été corrigés dans le scénario de référence.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
49
3.3.3
L’hypothèse retenue pour le taux d’actualisation
L’hypothèse retenue pour le taux d’actualisation est particulièrement importante compte
tenu de la sensibilité des résultats du modèle à ce facteur. Le scénario arbitré retient le taux de
7,4%. Les conséquences de ce choix pour le test de neutralité sont importantes puisque le total
de 1317 M€ des flux de trésorerie libres dégagés jusqu’à 2041, selon le scénario central, doit
être ramené à 438 M€ en valeur actualisée 2018 pour parvenir à l’équilibre, ce qui est
précisément le cas si on actualise ces flux au taux de 7,4 %. Le flux de trésorerie attendu après
2023 serait très substantiellement réduit si on appliquait un taux d’actualisation plus faible.
Il convient de relever que, dans l’hypothèse où la CNR choisirait d’emprunter pour
financer des travaux exceptionnels (par exemple le barrage de Saint-Romain), elle bénéficierait
de conditions d’emprunt très inférieures à 7,4%. Aujourd’hui, les comptes consolidés de la
CNR comportent 572 M€ de dettes, très majoritairement d’une maturité de 15 ans, à des taux
moyens inférieurs à 2% Et la tendance est même à la baisse en 2018 et en 2019 avec des taux
inférieurs à 1%.
Le choix du taux d’actualisation soulève donc la question de la politique
d’endettement du groupe. Pour financer ses actifs commerciaux détenus en propre, la CNR fait
valoir la solidité de la maison mère (zéro dette, situation nette florissante, 475 M€ de trésorerie)
et offre sa garantie pour que les banques prêtent à ses filiales à des taux inférieurs à 2%.
S’agissant enfin des risques d’exploitation des usines hydroélectriques, jugés élevés par
la CNR et justifiant le taux d’actualisation cible, il importe de relever que les conditions de la
prolongation ont précisément pour objet de les réduire par rapport aux conditions actuelles :
-
Le risque volume est largement atténué puisqu’on a inscrit dans le scénario une
décroissance linéaire du productible de référence, qui passe, hors installations
nouvelles, de 14 TWh en 2020 à 13,3 TWh en 2030 et à 12,8 TWh en 2040. Un
risque volume résiduel n’apparaitrait donc qu’au-delà de la baisse déjà anticipée.
-
Le risque prix est couvert par le taux de redevance variable et par l’indexation des
tranches du barème sur l’inflation. Ces deux mécanismes garantissent un taux de
redevance quasiment constant sur la durée de la prolongation et qui sera même
rapidement inférieur à 19% en cas de stagnation des prix.
-
Le risque sur les coûts est atténué par les indexation multiples qui ne prennent pas
en compte les gains de productivité.
-
Le risque d’investissement n’est significatif que sur le projet de barrage de
Saint-Romain, les autres travaux étant des opérations classiques de modernisation
ou d’amélioration du productible. Les montants prévus sont de 20 M€ à 30 M€ par
an au plus fort du projet, ce qui maintient le risque dans un périmètre limité au regard
des moyens financiers de l’entreprise, notamment sa trésorerie actuelle et ses
capacités d’emprunt à un taux avantageux.
Il résulte des ces éléments que le risque résiduel invoqué n’est pas de nature à mettre en
difficulté l’entreprise en cas d’écart défavorable des données réelles par rapport au scénario
prévisionnel retenu en vue de la prolongation.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
50
3.4
La simulation d’un plan d’affaires sur vingt ans, une méthode
inadaptée
L’exercice de prévision effectué en 2018 a seulement permis de donner une apparente
cohérence financière au plan d’affaires pour guider les négociations entre la CNR et l’Etat, mais
son paramétrage final relève d’une démarche auto réalisatrice puisque les hypothèses retenues
résultent d’un calcul visant à produire un scénario conforme au résultat recherché (la
« neutralité des flux de cash-flows actualisés »).
Par ailleurs, le projet de nouveau barrage de Saint-Romain est un élément essentiel de
l’équilibre du scénario mais aussi le plus incertain. Seul l’Etat a la possibilité d’abandonner ce
projet. La décision de construire ne sera prise qu’une fois que la CNR aura achevé les études et
que les autorisations seront obtenues après un débat public. Le démarrage des travaux pourrait
alors intervenir à une date non connue mais entre 2024 et 2026.
En cas d’abandon, l’article 45.II du projet de cahier des charges prévoit que l’autorité
concédante
« notifie au concessionnaire son choix quant aux modalités de réaffectation des
sommes jusqu’à l’échéance de la concession. Cette réaffectation pourra se faire totalement ou
partiellement au profit des programmes pluriannuels quinquennaux et des travaux
supplémentaires, non prévus par le présent cahier des charges soumis par la concessionnaire
à l’approbation préalable de l’autorité concédante, proposés par le concessionnaire à
l’approbation de l’autorité concédante. ».
Si ces investissements alternatifs ne sont pas réalisés,
l’Etat récupérera des sommes équivalentes sous forme d’augmentation de la redevance. Celle-
ci n’est pas d’un montant fixé dans le contrat, mais résulte de calculs complexes qui produiront
un total variable selon les prix de marché et la pluviométrie.
Il eût été plus simple de ne rendre obligatoire dans le contrat que les études préalables
du projet de barrage, d’ajuster le niveau de la redevance à cet investissement limité, d’une
vingtaine de millions d’euros, et de prévoir un plan de financement ad hoc, éventuellement
financé par des ristournes de redevance
6
, une fois le projet engagé.
Sur le plan des principes, il est essentiel que le scénario sur lequel se sont mis d’accord,
la concédant et le concessionnaire soit exécuté conformément à ce qui a été prévu. Prendre la
position contraire en faisant l’impasse sur le respect du plan d’affaires, signifierait que
l’administration considère que la prévention des aides d’Etat, mise en avant pour élaborer le
scénario, n’est qu’une apparence et que la réalité des gains que pourrait réaliser la CNR pendant
la prolongation lui est indifférente. Si tel était le cas, c’est le principe même de la prolongation
de la concession sans mise en concurrence qui deviendrait contestable.
Il importe donc aux yeux de la Cour d’assoir la prolongation de la concession en
prévoyant une clause de revoyure afin de prévenir les dérives par rapport au scénario retenu.
Ce choix serait cohérent avec la programmation quinquennale des investissements du schéma
directeur et avec la pratique actuelle de la CNR de présenter chaque année un plan d’affaires
6
Il existe des précédents de rabais sur la redevance en cours de contrat pour compenser des charges nouvelles.
Entre 2006 et 2018, l’Etat a ainsi imputé sur le montant de la redevance proportionnelle, le coût du dispositif
TARTAM ou celui de dispositifs fiscaux sur les dividendes. Le taux de 24% a alors été ramené entre 22% et 23%
selon les montants à compenser. Rien n’empêcherait de faire la même chose pour des travaux supplémentaires.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
51
prévisionnel glissant sur cinq ans pour actualiser les données économiques, notamment en ce
qui concerne les prix et les programmes d’investissements.
Par ailleurs, au cours des dix prochaines années, le marché de l’électricité français
connaitra des modifications majeures : réforme ou suppression de l’ARENH, arbitrage sur le
nucléaire, évolution du mix de production électrique, intégration des marchés européens, etc…
L’évolution des prix de gros et la variation des débits du Rhône seront mieux connus. Enfin la
période 2032-2041, sera marquée par la perspective du renouvellement de la concession dont
les délais de préparation sont longs. Une clause de rendez-vous permettrait d’éclairer le
concessionnaire sur ses perspectives et d’ajuster au mieux les paramètres de la concession en
fin de période.
En conclusion, dès lors que l’objectif revendiqué par le concédant est de réguler les
revenus d’un concessionnaire qui évolue dans un environnement de marché relativement
imprévisible, une méthode de recalage périodique des paramètres économiques et financiers de
la concession serait beaucoup plus adaptée que celle d’un scénario prévisionnel entièrement
déterminé par des indexations automatiques sur une durée de vingt ans.
Recommandation n° 2.
(DGEC, CNR, 2022)
:
Inscrire dans le projet de neuvième
avenant au contrat de concession une clause de revoyure permettant d’ajuster les
paramètres économiques et financiers du plan d’affaires et de garantir sa neutralité
financière effective sur la durée de la prolongation.
----------------------------------------CONCLUSION INTERMEDIAIRE ---------------------------
Les pouvoirs publics ont fait le choix de la prolongation de la concession de la CNR en
conservant le modèle retenu en 2003, lui-même élaboré en continuité avec le projet historique
d’aménagement du Rhône.
Toutefois, la méthode utilisée pour mener la procédure de prolongation présente des
fragilités, notamment dans la mesure où on ne peut simuler correctement le marché et le climat
sur 20 ans. La réalité sera différente du scénario de référence de 2018, comme elle l’a déjà été
depuis trois ans.
Il convient donc, sans raccourcir la durée de la concession qui a besoin de se déployer
sur le moyen terme pour être efficace, de disposer d’un dispositif de recalage des termes
économiques et financiers du contrat, pour corriger les écarts de trajectoires, qu’ils soient
préjudiciables au concédant ou au concessionnaire.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
52
ANNEXES
Annexe n° 1. Carte de la concession
.....................................................................................
53
Annexe n° 2. Conditions de prolongation de la concession (modifications du périmètre et
travaux)
...........................................................................................................
54
Annexe n° 3. Les ressources humaines
.................................................................................
55
Annexe n° 4. Hypothèses du scénario de prolongation
.........................................................
57
Annexe n° 5. Historique des prix de marché depuis 2007
....................................................
59
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
53
Annexe n° 1.
Carte de la concession
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
54
Annexe n° 2.
Conditions de prolongation de la concession
(modifications du périmètre et travaux)
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
55
Annexe n° 3.
Les ressources humaines
a)
Les charges de personnel :
Source : comptes sociaux CNR
b)
Les effectifs par directions :
Effectif au 31.12.N
2017
2018
2019
2020
DIR. ACHATS ET SERVICES LOGISTIQUES
49
51
48
53
DIR. COORDINATION DES OPERATIONS ET SURETE
158
159
162
167
DIR. FINANCE ET CONTROLE DE GESTION
47
48
47
51
DIR. GESTION D’ACTIFS ET CONCESSION
27
30
33
28
DIR. TERRITORIALE HAUT RHONE
123
120
119
124
DIR. INGENIERIE ET GRANDS PROJETS
98
101
102
109
DIR. JURIDIQUE ET ASSURANCES
12
16
15
16
DIR. MAINTENANCE
221
226
230
241
DIR. NOUVELLES ENERGIES
40
39
40
46
DIR. STRATEGIE ENVIRONNEMENTAL MARKETING
3
1
3
3
DIR. RESSOURCES HUMAINES ET SECURITE
80
79
76
76
DIR. TERRITORIALE RHONE ISERE
152
151
149
151
DIR. TERRITORIALE RHONE MEDITERRANEE
164
165
158
158
DIR. TERRITORIALE RHONE SAONE
144
138
138
138
DIR. SYSTEMES INFORMATION ET NUMERIQUE
53
53
54
55
DIR. TRANSITION ENERGETIQUE ET INNOVATION
13
16
17
16
DIR. VALORISATION DE L’ENERGIE
41
41
42
42
DIR. VALORISATION PORTUAIRE - MIG
35
32
32
33
DIRECTION COMMUNICATION ET RSE
12
13
14
15
DIRECTION GENERALE
8
8
9
5
PRESIDENCE
13
13
13
17
Total
1493
1500
1501
1544
Source CNR
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Salaires
73,2
76,2
76,3
82,4
82
83,9
89,7
90
91
Charges sociales
45
45,1
47,7
45,5
46,9
51,1
53,7
52,9
53,6
Charges de personnel
118,2
121,3
124
127,9
128,9
135
143,4*
142,9
144,6
Progression
/
+2,6%
+2,2%
+3,1%
+0,8%
+4,7%
+7,2%
-0,4%
+1,2%
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
56
c)
Les effectifs moyens en année pleine et les salaires
Effectifs moyens
Cadres
Maîtrise
Exécution
Total
2012
494
732
246
1472
2013
496
718
251
1465
2014
505
712
249
1467
2015
522
715
247
1484
2016
530
721
235
1486
2017
534
720
224
1478
2018
554
725
214
1493
2019
578
721
199
1498
2020
604
718
194
1516
Variations 2012-2020
+22 %
-
2 %
-21 %
+ 3 %
Salaires moyens
Cadres
Maîtrise
Exécution
Total
2012
4 534
2 813
2 081
3 280
2013
4 678
2 900
2 076
3 365
2014
4 746
2 956
2 086
3 428
2015
4 839
2 979
2 126
3 496
2016
4 871
2 929
2 060
3 484
2017
4 911
2 945
2 063
3 522
2018
4 981
2 954
2 040
3 575
2019
4 894
2 914
2 068
3 564
2020
4 901
2 936
2 178
3 640
Variations
2012-2020
+ 8 %
+ 4,3 %
+ 4,7 %
+ 11 %
Source : CNR, salaires en net fiscal ; * l’augmentation des charges de personnel en 2018
est en large partie due à des éléments non récurrents, le montant hors évènements est de
l’ordre de 139,5 M€.
Les cadres qui représentaient un tiers de l’effectif en 2012 en représentent 40% en 2020.
Cette tendance s’explique par la stratégie de diversification de la CNR dans la transition
énergétique, mais également par la création de nouvelles directions en 2017 : gestion d’actifs,
coordination exploitation et sûreté qui nécessitent des compétences spécialisées. Il y a de moins
en moins de personnels d’exécution car les tâches à faible valeur ajoutée sont externalisées et
une partie des activités, dites d’exécution, ont été absorbées par des évolutions technologiques.
Dans les directions opérationnelles (ingénierie, maintenance et exploitation), les emplois
d’exécution ont été conservés et même renforcés.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
57
Annexe n° 4.
Hypothèses du scénario de prolongation
1)
Les recettes de la CNR
La production hydraulique du Rhône
a été évaluée jusqu’au 31 décembre 2041 en
prenant en compte les éléments suivants :
la production moyenne des dix dernières années (de 2008 à 2017)
les dispositions de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006
sur l’eau et les milieux
aquatiques
qui conduit à une baisse de la production
d’environ 300 GWh/an
la production moyenne des petites centrales hydrauliques (
PCH
) du Rhône (Motz,
Lavours et Rochemaure et Le Pouzin), qui peut être évaluée à 170 GWh par an
la production complémentaire de la PCH de Vallabrègues qui sera mise en service en
2021
la production complémentaire qui sera réalisée suite aux travaux réalisés au cours de la
période de prolongation. A ce stade, il est prévu que le programme de travaux soit réalisé
entre 2019 et 2031, avec une augmentation progressive de la production. Une fois tous
les travaux terminés, ce programme devrait permettre de générer une production
complémentaire d’environ 441 GWh/an.
Les impacts du changement climatique qui se traduiront par une diminution estimée du
productible de 0.43%/an
L’évaluation
des prix du marché de l’électricité
est basée sur les prix
forward
. Afin
de limiter la volatilité des prix
forward
d’un jour sur l’autre, les prix retenus pour la période de
2019 à 2021 sont les prix
forward
moyens des douze derniers mois. Au-delà de cette date, un
taux d’inflation de 2.5% par an a été appliqué aux prix
forward
moyens de l’année précédente.
Il convient de souligner que le taux de 2.5% qui a été retenu est supérieur au taux d’inflation
résultant des prévisions du Fonds Monétaire International (
FMI
) pour la France. En effet, selon
les prévisions du FMI, le taux d’inflation devrait croître progressivement pour atteindre environ
1.8% en 2022. Le taux retenu est également supérieur à l’objectif d’inflation proche de 2% fixé
par la Banque centrale européenne (
BCE
) pour la zone euro.
L’évaluation tient également compte du décalage entre les prix
forward
et les prix
spot
moyens
réellement obtenus par la CNR pour la valorisation de la production du Rhône (ce décalage est
appelé
market factor
). En effet, le prix
spot
moyen obtenu par la CNR peut varier compte tenu
de la modulation de la production par le concessionnaire entre heures creuses et heures pleines.
Une étude des prix
spot
moyens annuels obtenus par la CNR pendant les dix dernières années
met en évidence un décalage (
market factor
) de
101.13%
. Cette valeur a été prise en compte
pour calculer les prix de marché jusqu’à 2041.
2)
Les dépenses de la CNR
L’évaluation des dépenses d’exploitation repose sur une évolution des valeurs normatives des
dépenses d’exploitation, comme dans le calcul de flux sans prolongation, en tenant compte de
flux supplémentaires liées :
-
Aux dépenses induites par les nouveaux ouvrages réalisés par la CNR dans le cadre du
programme travaux
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
58
-
Aux dépenses supplémentaires liées à l’intégration dans le périmètre de la concession
des tronçons du domaine navigable du Rhône et de certains ouvrages du Rhône
actuellement gérés par VNF
-
A l’accroissement des dépenses du concessionnaire suite au vieillissement des
aménagements de la concession du Rhône
Au-delà du dernier seuil, la valeur économique dégagée par le concessionnaire devrait être
essentiellement restituée à l’Etat.
3)
Les hypothèses macroéconomiques
L’évaluation de la valeur économique de la concession du Rhône est basée sur des
hypothèses macroéconomiques d’inflation retenue selon les dernières prévisions du FMI pour
la France publiées en avril 2017, selon lesquelles le taux d’inflation devrait croître
progressivement pour atteindre environ 1.8% en 2022.
Jusqu’à l’année 2022, l’évaluation se fonde sur les taux prévus par le FMI. Au-delà de
l’année 2022, c’est la valeur de 1.8% qui a été prise en compte. Ce taux apparaît cohérent par
rapport à l’objectif d’inflation proche de 2% fixé par la BCE.
Par ailleurs, les trois paramètres suivants évoluent plus rapidement que l’inflation :
-
le prix de l’électricité, pour lequel l’hypothèse retenue prévoit une variation annuelle
de 2.5% entre 2021 et 2041 ;
-
les dépenses d’exploitation liées à la maintenance des aménagements de la
concession évoluent plus vite que l’inflation (de 2%) en raison du vieillissement des
aménagements compte tenu de l’âge avancé des ouvrages;
-
enfin, le coût de la masse salariale évolue également plus rapidement que l’inflation,
en raison (
i
) du glissement vieillesse-technicité et (
ii
) de l’assujettissement de
l’ensemble du personnel de CNR au statut des industries électriques et gazières. Sur
les cinq dernières années (2012-2017), le taux d’augmentation annuelle de la masse
salariale était légèrement supérieur à 2.5%. Le taux d’inflation de la masse salariale
pour la durée de la prolongation a donc été évalué à 2.5%.
L’évaluation de la somme des flux de trésorerie disponibles futurs actualisés repose sur une
hypothèse de
taux d’actualisation
nominal après impôts de 7.4% par an. Ce taux reflète les
aléas propres au secteur de l’électricité hydraulique français, auxquels est exposée la CNR :
d’une part, l’hydraulicité (les apports hydrauliques, lesquels peuvent varier de façon importante
d’une année à l’autre, à titre d’exemple moins 30% en 2017) et, d’autre part, le niveau des prix
du marché de gros de l’électricité.
LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, PRODUCTRICE D’ELECTRICITE
59
Annexe n° 5.
Historique des prix de marché depuis 2007
Afin d’apprécier les projections du prix moyen de vente de la CNR faites sur la période
prolongation, on peut considérer l’historique de la cotation du produit calendaire français Y+1
en base qui a un effet directeur pour la CNR. Le prix moyen de ce produit sur 2008-2019 est
d’environ 48,4 €/MWh avec un maximum de 74,1 €/MWh sur 2008 et un minimum de
33,3 €/MWh sur 2016. La moyenne sur l’année en 2019 est d’environ 50,9 €/MWh.
On voit sur le graphique ci-dessous que la période de référence du scénario de
prolongation est celle qui a été la plus perturbée.
Graphique n° 3 :
Historique du prix du produit calendaire français Y+1 base
Source CRE, EEX
En 2010 et 2011, au moment de l’instauration de l’ARENH, dont les effets n’ont été
sensibles qu’en 2013, le prix moyen du produit calendaire Y+1 base est voisin de 50 €/MWh.
Pendant la période initiale d’ARENH non rationné, 2012-2015, le prix de marché s’est
rapproché du prix de l’ARENH à 42 €/MWh jusqu’au décrochage de 2016. Dans son
observatoire des marchés de gros, la CRE explique cette baisse «
par la baisse importante des
prix des combustibles pour la production d’électricité qui a eu lieu à la fin de l’année 2015 et
au début de l’année 2016 (…) Le prix du produit Calendaire 2017 est remonté au second
trimestre 2016 suivant notamment la hausse importante des cours du charbon »
. Les aléas de
début de 2017 sont, selon la CRE, dus à des incertitudes sur la disponibilité du parc nucléaire.
L’épisode de 2016-2017 ne marque donc pas une tendance lourde. De plus, à partir de
2018, le plafond de l’ARENH est dépassé et la demande adressée au marché augmente. Les
prix retrouvent d’ailleurs un niveau proche de la période « sans ARENH » et fluctuent à
nouveau autour de 50 €/MWh.