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Rapport d’observations définitives
de la Cour des comptes
sur la qualité de l’information financière communiquée aux
donateurs par les organismes faisant appel à la générosité
publique
octobre 2007
TABLE DES MATIÈRES
I
Pages
Synthèse des observations de la Cour
..................................................
1
Introduction
...........................................................................................
5
Chapitre I : Les règles comptables et leur mise en oeuvre par
les organismes faisant appel à la générosité publique
........................
9
I -
Les règles relatives à l’élaboration des comptes
.............................
9
II -
Les pratiques constatées
.................................................................
15
Chapitre II : La rubrique des « missions sociales »
..........................
23
I -
Missions sociales : Le concept
.......................................................
24
II -
Missions sociales : La technique
....................................................
25
III - Missions sociales : les recommandations
.......................................
28
Chapitre III : Le suivi des sommes collectées mais non utilisées
......
33
I -
Les raisons d’un suivi partiel des ressources non utilisées
.............
34
II -
Les améliorations possibles
............................................................
37
Chapitre IV : De l’analyse à la communication financière
...............
43
I -
La communication financière par les indicateurs : état des lieux ...
44
II -
Des pistes de réflexion
....................................................................
47
Réponse du Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer
et des collectivités territoriales……….………………………………
57
Réponse du Ministre de l’économie, des finances et de l’emploi……
60
Réponse du Ministre du travail, des relations sociales
et de la solidarité………………………………………………………
60
Réponse du Ministre du budget, des comptes publics
et de la fonction publique……………………………………………
61
Liste des rapports publiés par la Cour des comptes concernant
les contrôles des comptes d’emploi des organismes faisant appel à
la générosité publique
...........................................................................
63
Les contrôles dont ce rapport constitue la synthèse ont été effectués
par :
M Marc Breyton, conseiller maître ;
MM. Axel Urgin et Robert de Nicolay, Mmes Marie Pittet et Sylvie
Toraille, M. Thierry Savy, conseillers référendaires ;
Mme Annick Guerber Le Gall, rapporteure ;
Mmes Françoise Louvel et Claude Gérin-Roze, assistantes.
Les contre-rapporteurs en ont été : M. Bernard Menasseyre, président
de chambre maintenu en activité, Mme Marie-Thérèse Cornette, conseiller
maître (au moment de l’enquête), M. Georges Capdeboscq, conseiller maître.
L’équipe de synthèse était constituée de MM. Georges Capdeboscq,
conseiller-maître, et Thierry Savy, conseiller référendaire.
Ce projet de rapport avait été délibéré par la 5
ème
chambre de la Cour
le 31 janvier 2007 sous la présidence de Mme Marie-Thérèse Cornette,
présidente de chambre, en présence de M. Bernard Menasseyre, président de
chambre
maintenu
en
activité,
MM.
Jean-Louis
Chartier,
Georges
Capdeboscq, Jean-Michel de Mourgues, Jean-Pierre Bayle, Jean Hernandez,
Jean-Benoît Frèches, Claude Thélot, Claude Mollard, Jacques Ténier,
Jacques Oudin, Marc Breyton, Patrice Corbin, conseillers maîtres, Jean-Yves
Audouin et François Lemasson, conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ce projet a ensuite été arrêté par le Comité du rapport public et des
programmes présidé par M. Philippe Séguin, premier président, le 3 mai 2007
avant d’être communiqué aux administrations concernées.
Synthèse des observations de la Cour
La loi du 7 août 1991 fait obligation aux organismes qui font appel
à la générosité du public dans le cadre de campagnes nationales d’établir
un « compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public,
qui précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses ». Elle
donne mission à la Cour des comptes de le contrôler « afin de vérifier la
conformité des dépenses engagées par les organismes aux objectifs
poursuivis par l’appel à la générosité publique ».
Après avoir constaté, lors de ses contrôles successifs, que la
construction des comptes d’emploi obéissait à des règles parfois
divergentes, la Cour a mené une enquête sur la qualité de l’information
financière ainsi communiquée aux donateurs et au public.
Les organismes qui font appel à la générosité publique sont soumis
à une réglementation comptable désormais précise et détaillée pour établir
leurs comptes annuels et à une réglementation spécifique, assez succincte,
pour établir le compte d’emploi. L’ordonnance du 28 juillet 2005, qui fait
du compte d’emploi un élément de l’annexe des comptes annuels,
renforce le lien entre la comptabilité générale et le compte d’emploi.
Il reste à mettre au point un référentiel qui permette aux
commissaires aux comptes de vérifier et de certifier le compte d’emploi.
De plus, le modèle de compte d’emploi couramment utilisé par la plupart
des organismes ne rend qu’imparfaitement compte de l’utilisation des
fonds qu’ils ont reçus des donateurs.
La rubrique sans doute la plus importante du compte d’emploi est
celle des « missions sociales », que la loi de 1991 ne définit pas mais dont
on peut considérer qu’elle regroupe les dépenses qui tendent à la
réalisation des causes mises en avant dans les campagnes d’appel à la
générosité publique. Les pratiques de répartition analytique des charges,
extrêmement variables d’un organisme à l’autre en fonction des méthodes
retenues, peuvent parfois conduire à en fausser la présentation.
COUR DES COMPTES
2
Il conviendrait au minimum que les organismes respectent
quelques
principes
fondamentaux :
l'information
des
instances
associatives sur les méthodes analytiques retenues, la permanence de
celles-ci, la traçabilité des charges du compte de résultat aux emplois du
compte d’emploi et inversement, la continuité de la chaîne de traitement
pour l’enregistrement des charges, l’information des donateurs et
l’indivisibilité de l’information financière qui devrait être toujours
accompagnée des commentaires indispensables.
Tout lecteur du compte d’emploi devrait pouvoir connaître aussi le
montant des dons collectés non dépensés les années précédentes, qui
seraient repris chaque année au compte d’emploi jusqu’à leur épuisement
complet, comme le prévoit l’arrêté du 30 juillet 1993 sur le compte
d’emploi. Cette information lui permettrait de vérifier que l’organisme
parvient à utiliser l’argent collecté dans un délai raisonnable. L’enquête a
montré pourtant que les comptes d’emploi établis par la plupart des
organismes ne permettent pas de disposer de cette information. Le suivi
pluriannuel des ressources issues de la générosité publique est, de ce fait,
très partiel.
De plus, le mécanisme des « fonds dédiés » institué par le
règlement comptable du 16 février 1999 pour le suivi des ressources
affectées, qui pourrait pallier cette insuffisance, est peu employé pour les
sommes apportées par la générosité du public. La Cour constate qu’il
ressort des précautions mêmes prises par les organismes dans la rédaction
des bulletins de don que le message de sollicitation crée un engagement
d’affecter les dons conformément à l’objet de l’appel à la générosité du
public. C’est pourquoi il lui paraît indispensable que la procédure des
fonds dédiés soit mise en oeuvre dans tous les cas où l’objet de l’appel est
plus restreint que l’objet social de l’organisme et qu’elle soit élargie aux
fonds affectés par les instances associatives.
La plupart des organismes qui font appel à la générosité publique
utilisent des ratios dans leur communication. En effet, la présentation
d’un indicateur sous la forme d’un pourcentage simple ou d’un
diagramme circulaire rend l’information immédiatement accessible. La
liberté est totale en ce domaine. Or, compte tenu de la diversité des
organismes, de leurs activités et des événements auxquels ils sont
confrontés, ces indicateurs ont une signification très différente d’un
organisme à l’autre.
De plus, les méthodes de construction des mêmes indicateurs
peuvent varier sensiblement d’un organisme à l’autre, ou d’une année à
l’autre pour un même organisme. Enfin, le souci des organismes de
présenter des indicateurs avantageux peut les conduire à un certain
nombre de pratiques contestables.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
3
Il n’appartient pas à la Cour d’imposer des indicateurs ni une
méthodologie. Mais l’expérience acquise dans les contrôles d’organismes
faisant appel à la générosité du public la conduit à souligner que quelques
principes fondamentaux doivent être respectés : un indicateur n’est pas
comparable sans précaution d’un organisme à l’autre ; il doit pouvoir être
vérifié aisément dans les documents comptables ; il doit être accompagné
de commentaires explicitant sa méthode de construction et rappelant la
question à laquelle il tend à apporter une réponse ; enfin, un indicateur
doit être validé par les instances associatives qui vérifieront notamment sa
cohérence avec les documents financiers et avec la stratégie de
l’organisme.
La Cour portera dans ses futurs contrôles une attention particulière
à la qualité de l’information financière communiquée aux donateurs et
elle en tiendra compte dans le cadre de sa mission de contrôle des
comptes d’emploi.
***
Introduction
La loi du 7 août 1991 a confié à la Cour des comptes la mission de
vérifier l’usage fait par les organismes caritatifs des fonds collectés auprès
du public. Une mission comparable a ensuite été assignée dans leurs
domaines de compétence respectifs à l’inspection générale des affaires
sociales et à l’inspection générale de l’administration de l’éducation
nationale et de la recherche,.
La loi de 1991 dispose en son article 4 que les organismes qui font
appel à la générosité publique dans le cadre de campagnes nationales sont
tenus d’établir un « compte d’emploi annuel des ressources collectées
auprès du public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de
dépenses ». La Cour est habilitée à contrôler ce compte d’emploi « afin de
vérifier la conformité des dépenses engagées par les organismes aux
objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique »
1
.
Depuis lors, la Cour a mené des enquêtes auprès d’une vingtaine
d’organismes. À deux reprises, en 1998 et 2002, elle a, dans son rapport
public annuel, présenté un bilan des constatations qu’elle avait faites sur la
présentation du compte d’emploi à l’occasion de ces contrôles. En 1998,
elle a notamment fait observer : « L'arrêté du 30 juillet 1993 prévoit que les
dépenses du compte d'emploi doivent être regroupées en trois rubriques :
dépenses opérationnelles ou missions sociales, coûts directs d'appel à la
générosité publique, frais de fonctionnement de l'organisme, y compris les
frais financiers. Une telle présentation constitue un gage de transparence
vis-à-vis des donateurs. Les contrôles effectués ont montré pourtant que
certains comptes d'emploi, tels qu'ils étaient établis, ne rendaient pas
exactement compte de l'affectation des ressources. Des frais d'appel à la
1) Article 5 de la loi du 7 août 1991 codifié à l’article L. 111-8 du code des
juridictions financières.
COUR DES COMPTES
6
générosité publique ou des dépenses de gestion ou d'administration avaient
ainsi été indûment agrégés aux dépenses opérationnelles. »
2
En 2002, la
Cour complétait ce premier constat : « L’obligation d’établir un compte
d’emploi répondait à un souci d’information des donateurs : plus de 10 ans
après la promulgation de la loi du 7 août 1991, force est de constater que cet
objectif n’est encore que
très imparfaitement atteint. Les comptes d’emploi,
tels qu’ils peuvent être consultés par les donateurs, ne contiennent que des
informations incomplètes, particulièrement en ce qui concerne l’utilisation
des sommes collectées. »
3
Dans son rapport public annuel de février 2006, la Cour annonçait,
après avoir dressé la liste de ses publications traitant de la générosité
publique, qu’elle ferait connaître « les résultats d’une enquête portant sur
l’appréciation de la qualité de l’information financière communiquée par
les organismes à leurs donateurs ». C’est l’objet du présent rapport.
Le compte d’emploi a été conçu dès l’origine pour être à la fois un
moyen d’information des donateurs et un instrument de contrôle de la Cour
dans le domaine de la générosité publique. Aujourd’hui, les comptes
d’emploi sont de plus en plus utilisés par les organismes pour communiquer
en dirction du grand public (et pas seulement de leurs donateurs) sur
l’emploi des fonds qu’ils ont collectés, cette communication s’appuyant
souvent sur des indicateurs élaborés à partir des données issues de ces
comptes.
Après avoir constaté, lors de ses contrôles successifs, que la
construction des comptes d’emploi obéissait à des règles parfois
divergentes, la Cour a mené une enquête sur la qualité de l’information
financière ainsi communiquée aux donateurs et au public.
Cette enquête a été réalisée par l’examen – en application de l’article
L. 111-8 du code des juridictions financières - du compte d’emploi des
ressources de dix organismes faisant appel à la générosité publique,
associations et fondations de taille et d’objets variés. Les interrogations
qu’ont fait naître ces contrôles sont apparues suffisamment exemplaires
pour justifier la rédaction d’un rapport de synthèse.
La Cour a entendu les représentants du ministère de l’intérieur. Elle a
en outre sollicité les avis de la Compagnie nationale des commissaires aux
comptes et du Comité de la charte du don en confiance. Une réunion de
travail a été tenue aussi avec l’inspection générale des affaires sociales.
2) Rapport public 1998, p. 58.
3) Rapport public 2002, p. 621.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
7
À l’issue de cette procédure, la Cour des comptes a arrêté ses
observations et décidé de les rendre publiques, en application des articles
L. 135-2 et R. 136-2 du code des juridictions financières. Les observations
du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, du
ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, du ministre du travail,
des relations sociales et de la solidarité et du ministre du budget, des
comptes publics et de la fonction publique, sont jointes au rapport qui est
adressé aux ministres précités et au ministre de l'éducation nationale, au
ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de la
santé, de la jeunesse et des sports, ainsi qu'aux présidents de la commission
des finances de l'Assemblée et du Sénat.
Un premier chapitre présente le cadre comptable applicable et les
problèmes soulevés par sa mise en oeuvre. Le deuxième chapitre analyse les
difficultés liées à la notion de missions sociales, dont le contenu varie
sensiblement d’un organisme à l’autre. Le troisième chapitre souligne
l’insuffisance du suivi des ressources non utilisées. Enfin, le dernier
chapitre indique des pistes pour une information financière exhaustive et
transparente.
À l’exception du premier qui dresse un état des lieux, chaque
chapitre
se
conclut
par
la
présentation
de
recommandations
qui
permettraient
d’améliorer
la
qualité
de
l’information
financière
communiquée aux donateurs.
Chapitre I
Les règles comptables qui s’appliquent
aux organismes faisant appel à la
générosité publique et leur mise en
oeuvre
I
-
Les règles relatives à l’élaboration des comptes
A - Le compte d’emploi : la loi de 1991
et l’arrêté de 1993
La loi du 7 août 1991 a confié à la Cour des comptes le soin de
vérifier l’usage fait par les organismes caritatifs des fonds collectés
auprès du public. L’article 4 de la loi dispose que les organismes
concernés doivent établir « un compte d'emploi annuel des ressources
collectées auprès du public, qui précise notamment l'affectation des dons
par type de dépenses »
et qui
est « déposé au siège social de l'organisme,
[où] il peut être consulté par tout adhérent ou donateur qui en fait la
demande ».
COUR DES COMPTES
10
L’objectif du législateur était double : d’une part, donner aux
adhérents ou donateurs la possibilité de s’informer sur l’affectation des
dons ; d’autre part, permettre à la Cour de « vérifier la conformité des
dépenses engagées par les organismes aux objectifs poursuivis par l’appel
à la générosité publique ».
Le compte d’emploi était ainsi prévu dès l’origine pour être un
instrument privilégié de communication des organismes caritatifs vers les
donateurs, « qu’ils soient identifiables ou indifférenciés
4
», et plus
largement vers le grand public.
Les modalités de présentation du compte d’emploi annuel des
ressources collectées auprès du public ont été fixées par un arrêté du
Premier ministre en date du 30 juillet 1993. Cet arrêté énumère la « liste
des rubriques devant obligatoirement figurer au compte d’emploi des
ressources ». Le tableau qui suit présente cette liste :
Tableau 1 : Structure du compte d'emploi selon l’arrêté de 1993
Emplois
Ressources
Dépenses opérationnelles
ou missions sociales
Dons manuels
Legs, autres libéralités
Produits de la vente des dons en nature
Coûts directs d’appel à la
générosité publique
Frais de fonctionnement
Produits financiers
Autres produits liés à l’appel à la
générosité publique
Ressources restant à
affecter
Report des ressources non utilisées des
campagnes antérieures
Source : Cour des comptes à partir de l’arrêté de 1993
Le nombre des rubriques du compte d’emploi prévu par l’arrêté est
assez réduit. Quant à la signification de leurs intitulés et au détail de leur
contenu, ils ne sont pas définis par le texte qui apporte assez peu de
précisions
5
. Mais l’objectif de l’arrêté est clair : faire apparaître ce qui,
dans l’utilisation des ressources collectées grâce aux campagnes menées
auprès du public, a servi directement la cause défendue ou soutenue par
l’organisme au moment de l’appel (les « missions sociales »), par
opposition aux autres frais (les « coûts directs d’appel à la générosité
publique » et les « frais de fonctionnement ») et aux ressources réservées
pour une utilisation ultérieure (les « ressources restant à affecter »).
4) Décision du Conseil constitutionnel du 2 août 1991
5) On peut néanmoins noter que, dans le compte d’emploi des ressources, les legs et
autres libéralités doivent être « comptabilisés à la valeur portée dans l’acte de
libéralité ».
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
11
L’arrêté précise que le compte d’emploi est établi
«
sur la base des
documents comptables de l’organisme
»
, soulignant ainsi le lien qui
existe entre le compte d’emploi et la comptabilité générale, tout en
demeurant assez imprécis sur les modalités du rapprochement.
Le compte d’emploi doit par ailleurs être complété par des
annexes, qui « sont obligatoires, mais ne sont renseignées que s’il y a
lieu ». Ces annexes comprennent notamment :
-
une note présentant les modalités de répartition du financement
des emplois entre les ressources collectées auprès du public et
les autres produits de l’organisme, étant précisé que, pour les
organismes qui sont soumis à des obligations comptables, les
différentes rubriques des emplois et des ressources devront être
renseignées selon les rubriques de leur plan comptable ;
-
la nature et la quantité des ressources en nature ;
-
l’état des effectifs bénévoles s’il y a appel public au bénévolat ;
-
des indications sur la valeur des immobilisations, des stocks de
produits à distribuer et des titres de placement.
Dans ses contrôles précédents, la Cour a constaté que ces annexes,
pourtant susceptibles d’éclairer et de préciser le compte d’emploi,
n’étaient que rarement remplies
6
.
B - Les comptes annuels : le règlement comptable
du 16 février 1999
Depuis 2000, les associations et fondations auxquelles les
dispositions législatives ou réglementaires font obligation d’établir des
comptes annuels doivent établir ces comptes en respectant le règlement
n° 99-01 du comité de la réglementation comptable du 16 février 1999,
homologué par arrêté du 8 avril 1999
7
.
Ce règlement adapte aux associations et fondations le plan
comptable général, notamment pour le traitement des legs ou libéralités
8
et pour celui des subventions d’investissement ou d’équipement.
6) Rapport public 2002, « La mise en oeuvre de la loi du 7 août 1991 », p. 619 et 620.
7) Le Conseil national de la vie associative (CNVA) en a établi un guide pratique (La
Documentation française).
8) Lors de la réalisation effective et définitive d’un bien, le compte de produits
correspondant est crédité du montant exact et définitif de la vente, net des charges
d’acquisition (les phases antérieures ne font intervenir qu’un compte d’attente du
bilan). Voir la note 5 pour la différence avec l’enregistrement au compte d’emploi.
COUR DES COMPTES
12
Il innove, en revanche, en créant des rubriques de « fonds dédiés
»,
qui n’existent pas dans le plan comptable général
9
.
Les fonds dédiés décrivent les ressources affectées par des tiers
financeurs à des projets définis mais qui ne peuvent être entièrement
consommées dans un exercice comptable. Ce mécanisme donne la
possibilité d’étaler la réalisation des projets sur plusieurs années sans que
les sommes non consommées dans l’exercice viennent abonder le résultat
et soient ensuite incorporées aux réserves.
Sur le plan de la technique comptable, l’organisme inscrit ces
fonds en produits au moment de leur perception. En fin d’exercice, il
inscrit en charges
10
les ressources affectées et non utilisées, et reprend
cette somme dans un compte de passif intitulé « fonds dédiés ».
L’utilisation lors des exercices suivants de ces fonds engendre alors un
produit
11
qui s’accompagne d’une diminution au passif du montant des
fonds dédiés. La procédure des fonds dédiés a été jusqu’à présent surtout
utilisée pour le traitement de subventions provenant de collectivités
publiques et versées tard au cours de l’année civile. Il faut noter toutefois
que la plupart des organismes caritatifs ayant reçu des fonds pour les
victimes du tsunami du 26 décembre 2004 ont utilisé cette procédure pour
en étaler l’emploi sur plusieurs exercices
12
.
C - Le lien renforcé entre le compte d’emploi et les
comptes annuels : l’ordonnance de 2005
L’ordonnance du 28 juillet 2005, portant simplification du régime
des libéralités consenties aux associations, fondations et congrégations,
de certaines déclarations administratives incombant aux associations, et
modification des obligations des associations et fondations relatives à
leurs comptes annuels, a modifié l’article 4 de la loi du 7 août 1991 qui
comporte désormais un alinéa rédigé ainsi : « Lorsque ces organismes
(faisant appel à la générosité publique) ont le statut d’association ou de
fondation, ils doivent en outre établir des comptes annuels comprenant un
bilan, un compte de résultat et une annexe. Dans ce cas, l’annexe
comporte le compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du
public prévu au premier alinéa. Le compte d’emploi est accompagné des
informations relatives à son élaboration. »
9) Voir chapitre III.
10) Compte de classe 6 d’engagements à réaliser sur ressources affectées.
11) Compte de classe 7 de report de ressources non utilisées sur ressources affectées.
12) Voir le rapport public thématique de décembre 2006 sur « l’aide financière aux
victimes du tsunami du 26 décembre 2004 », fascicule sur « les conditions
d’intervention des services de l’Etat et de 32 organismes caritatifs », p. 107-109.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
13
Ce texte confirme la cohérence déjà imposée par l’arrêté de 1993
entre le compte d’emploi et les autres documents comptables. Tous les
organismes faisant appel à la générosité publique sont tenus désormais de
disposer de documents comptables complets et homogènes. Le compte
d’emploi, qui avait auparavant un statut extra comptable, est maintenant
inclus dans l’annexe des comptes annuels.
Ce texte répond au voeu formulé par la Cour des comptes. Celle-ci
constatait en effet dans son rapport public 1998 qu’un « certain flou
affectait la lisibilité même du compte d’emploi » dans un contexte
associatif marqué alors « par l’absence d’un plan comptable spécifique »
et qu’un « rapprochement précis avec les comptes de la comptabilité
générale [était] donc nécessaire pour s’assurer de la pertinence de la
répartition des dépenses » entre les rubriques prévues par l’arrêté de
1993. Dans sa réponse à de nouvelles observations au rapport public
2002, le ministère de l’intérieur notait que « la notion de compte d’emploi
des ressources, telle qu’elle a été retenue par l’arrêté du 30 juillet 1993,
devrait s’adapter désormais aux conditions définies par le règlement
comptable du 16 février 1999 [...], en considérant que, pour les
organismes tenus de produire un bilan, un compte de résultat et une
annexe conformes au nouveau plan comptable, le compte d’emploi des
ressources constitue une partie intégrante de ces documents. Cela
implique l’utilisation, par les organismes concernés du référentiel
comptable commun permettant une lisibilité correcte des ressources
provenant de la générosité publique et de leur affectation ou de leur mise
en réserve à travers les fonds dédiés ». Le ministère soulignait la nécessité
d’une réflexion globale, dont l’aboutissement a été l’ordonnance de 2005.
Depuis la parution de ce texte, il n’est plus possible d’ignorer la
stricte articulation entre la comptabilité générale et le compte d’emploi.
Les conséquences de l’ordonnance en termes de contrôle sont
doubles :
1 -
Le contrôle par la Cour des comptes
Le législateur a donné compétence à la Cour pour contrôler le
compte d’emploi des ressources des organismes faisant appel à la
générosité publique. Néanmoins, l’exigence de concordance entre le
compte d’emploi et les comptes, qui découle de la loi de 1991 et
qu’organise l’arrêté, a toujours conduit la Cour à se reporter aux
documents comptables, bilan et compte de résultat, faute desquels elle
n’aurait pas été à même de se prononcer sur la fiabilité du compte
d’emploi lui-même. D’ailleurs, l’arrêté de 1993 prévoit explicitement
qu’une annexe présente la valeur des immobilisations, des stocks de
COUR DES COMPTES
14
produits à distribuer et des titres de placement.
L’ordonnance de 2005, en
faisant du compte d’emploi un élément de l’annexe des comptes annuels,
établit clairement que les documents comptables forment un « tout » ce
qui conforte la Cour dans son exigence de communication de l’ensemble
des documents comptables.
2 -
La certification par les commissaires aux comptes
Dans un certain nombre de cas prévus par le législateur
13
, les
associations et fondations doivent nommer un commissaire aux comptes,
dont la mission légale est de certifier que « les comptes sont réguliers,
sincères et ils donnent une image fidèle du résultat des opérations de
l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de
l’entité à la fin de cet exercice »
14
. Pour ce faire, il doit contrôler la
conformité de la comptabilité aux règles en vigueur.
En ce qui concerne le compte d’emploi, jusqu’à l’ordonnance de
2005, le commissaire aux comptes devait simplement « vérifier la
cohérence et la concordance de l’information présentée avec les
documents comptables de l’organisme, audités dans le cadre de la mission
légale de contrôle des comptes, rappeler toute réserve formulée sur les
comptes annuels qui a une incidence sur les informations présentées et
mentionner, sous forme d’observation, toute anomalie le conduisant à
considérer que les informations mentionnées n’ont pas été établies sur la
base des documents comptables de l’association »
15
. Il n’y avait pas
d’audit du compte d’emploi. Le guide de contrôle de la CNCC précisait :
« Le commissaire doit : s’assurer que le compte d’emploi
comprend les rubriques de ressources et d’emplois et les annexes
obligatoires prévues par l’arrêté du 30 juillet 1993 ; vérifier que
l’organisation comptable de l’organisme permet de disposer des
informations demandées et que les procédures de contrôle interne mises
en place permettent d’en assurer la fiabilité ; vérifier la cohérence des
informations données dans les documents comptables avec celles du
compte d’emploi et l’annexe jointe à ce dernier, notamment les tableaux
de regroupement et de répartition préparés pour l’établissement du
compte d’emploi ; s’assurer de la conformité des modalités de répartition
du financement décrites dans les notes annexes avec la réalité (ressources
du public/autres ressources). »
13) Notamment financement par subvention publique ou par dons ouvrant droit à
avantage fiscal, quand le montant excède un seuil (153 000 €).
14) Article L. 823-9 du Code du commerce, livre VIII, titre II.
15) Bulletin n° 94 de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC).
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
15
Avec l’ordonnance de 2005, les commissaires aux comptes doivent
certifier le compte d’emploi au même titre que les autres éléments de
l’annexe.
En
l’absence
d’un
référentiel
applicable
et
opposable, la
Compagnie nationale des commissaires aux comptes considère que les
règles de construction du compte d’emploi sont trop incertaines et trop
dépendantes de la volonté des associations pour qu’une certification soit
possible. Ses représentants ont notamment exposé à la Cour qu’en l’état
de la réglementation, ils auraient beaucoup de mal à certifier une annexe
comportant un compte d’emploi des ressources.
Des
développements
qui
précèdent
il
ressort
que
les
organismes faisant appel à la générosité publique sont soumis à des
réglementations
différentes :
une
réglementation
comptable
désormais précise et détaillée pour établir leurs comptes annuels et
une réglementation plus spécifique, assez succincte, pour établir le
compte d’emploi. Ces deux dispositifs n’ont pas la même finalité,
mais l’arrêté de 1993 prévoit que les documents comptables servent à
établir le compte d’emploi et l’ordonnance de 2005 fait du compte
d’emploi un élément de l’annexe des comptes annuels, ce qui renforce
encore le lien entre la comptabilité générale et le compte d’emploi.
Cette réforme reste toutefois à compléter par la mise au point d’un
référentiel qui permette aux commissaires aux comptes d’auditer et
de certifier le compte d’emploi prévu par la loi du 7 août 1991 et
l’arrêté du 30 juillet 1993.
II
-
Les pratiques constatées
A - Les recommandations du Comité de la charte
Le « Comité de la charte de déontologie des organisations sociales
et humanitaires faisant appel à la générosité du public » (devenu en 2005
le « Comité de la charte du don en confiance ») qui regroupe, sur la base
du volontariat, une cinquantaine d’organismes caritatifs
16
a adopté en
1997 un texte, modifié en 2005, qui retient une définition du contenu des
rubriques du compte d’emploi.
16) La Cour a recensé en 2005 126 organismes faisant appel à la générosité publique
par le biais d'une campagne nationale et se soumettant à l’obligation qui leur est
imposée par la loi de 1991 de faire une déclaration préalable en préfecture, et 151 en
2006.
COUR DES COMPTES
16
En signant ce texte, les membres du comité s’engagent à établir le
compte d’emploi des ressources à partir du compte de résultat. Ainsi, le
total des ressources du compte d’emploi doit correspondre à celui des
produits du compte de résultat et celui des emplois au total des charges.
Schématiquement, les rubriques du compte d’emploi préconisé par le
comité sont les suivantes :
en emplois : missions sociales, frais de recherche de fonds,
frais
de
fonctionnement
et
autres
charges
(dont
frais
d’information et de communication), ressources restant à
utiliser
17
et excédent de l’exercice ;
en ressources : produits de la générosité publique, autres fonds
privés, subventions et autres concours publics, autres produits
d’exploitation, autres produits dont produits financiers, report
des ressources non encore utilisées
18
et déficit de l’exercice.
Les différences, très importantes, entre le compte d’emploi prévu
par l’arrêté de 1993 et celui que préconise le comité sont liées
directement à la logique de recouvrement entre le compte d’emploi et le
compte de résultat. Elles ont trois conséquences :
une prise en compte de l’ensemble des ressources de
l’organisme : alors que les rubriques prévues par l’arrêté de
1993 permettent de suivre l’utilisation des ressources issues de
la générosité publique, le compte d’emploi préconisé par le
comité ne se limite pas à la présentation de ces seules
ressources mais reprend l’intégralité des ressources dont
bénéficie l’organisme. Cette différence est fondamentale : son
incidence est limitée lorsque les organismes tirent l’essentiel
de leurs ressources de la générosité publique, mais elle peut
modifier complètement le périmètre du compte d’emploi
lorsqu’il s’agit d’organismes ou d’institutions qui disposent de
ressources autres
19
. Dans tous les cas, le fait de faire une masse
de l’ensemble des ressources ne permet pas de savoir quelle a
été exactement l’utilisation des fonds de la générosité publique,
alors que c’était pourtant l’objectif de la loi du 7 août 1991
20
;
17) Identifiées au « montant des fonds dédiés comptabilisés conformément au plan
comptable ».
18) Identifié à la « part des fonds dédiés antérieurs utilisée au cours de l’exercice ».
19) Subventions publiques, prix de journée, dotations globales, taxe d’apprentissage,
etc.
20) Voir les observations présentées par la Cour en 2003 sur un organisme faisant
appel à la générosité du public mais dont les prix de journée formaient une partie
appréciable des ressources totales (rapport public thématique sur « la vie avec un
handicap », annexe 5, juin 2003).
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
17
l’absence de prise en compte de l’intégralité des sommes
perçues et non utilisées, pourtant prévue par l’arrêté de 1993 :
seules les ressources affectées sont suivies, en ressources pour
la part consommée dans l’exercice et en emplois pour le
reliquat non consommé de l’exercice. De la même façon, les
fonds affectés à des immobilisations (ou incorporés à une
dotation dans le cas des fondations) ne sont pas suivis ;
l’introduction de rubriques de comptabilité générale, non
prévues par l’arrêté de 1993, dans les rubriques d’emplois du
compte d’emploi : « autres produits d’exploitation », « déficit
ou excédent de l’exercice », « dotation aux amortissements » et
« dotation aux provisions ».
B - La pratique dans les organismes examinés
au cours de l’enquête
Qu’ils soient ou non adhérents du Comité de la charte, la plupart
des organismes construisent leur compte d’emploi des ressources à partir
d’un retraitement analytique de leur compte de résultat. En conséquence,
le total des emplois correspond en principe au total des charges du
compte de résultat et celui des ressources à celui des produits. Ce choix
de présentation, qui n’est pas imposé par la réglementation (cf. supra), est
une facilité pour les associations qui, en utilisant un système
d’information
unique,
peuvent
à
partir
de
l’enregistrement
des
mouvements comptables à la fois respecter leurs obligations en matière
de comptabilité générale et construire leur compte d’emploi des
ressources.
Les comptes d’emploi des ressources des organismes examinés
présentent la structure suivante (par grandes rubriques) :
COUR DES COMPTES
18
Tableau 2 : Structure des comptes d’emploi
des ressources examinés
Emplois
Ressources
Missions sociales
Ressources générosité publique
Autres ressources privées
Frais de collecte
Ressources institutionnelles
Frais de fonctionnement
Ressources issues des activités
liées aux missions sociales
Autres charges
Autres ressources
Ressources
affectées
non
utilisées de l’exercice
Consommation des ressources
affectées
non
utilisées
des
exercices précédents
Résultat (excédent)
Résultat (déficit)
Total
Total
Source : Cour des comptes à partir des données fournies par les organismes
Les ressources
:
Les ressources ne se limitent pas aux seules ressources issues de la
générosité publique. En effet, les organismes considèrent que les actions
réalisées sont toujours financées à partir de l’ensemble des ressources. Il
serait donc, selon eux, artificiel de vouloir isoler une ressource
particulière pour en analyser l’emploi.
Les ressources issues de la recherche de fonds :
les ressources apportées par la générosité publique, dons et
libéralités ;
les autres ressources privées (dons des entreprises,
contributions
des
sections
partenaires
du
même
mouvement, etc.) ;
les ressources institutionnelles
Les ressources procurées par des activités liées aux missions
sociales (ventes de produits par exemple) ;
Les autres ressources : les produits d’exploitation, les produits
financiers, les produits exceptionnels ;
La consommation des ressources affectées non utilisées des
exercices antérieurs ; il s’agit de la part des ressources
affectées, reçues et non utilisées au cours des années
précédentes, qui est utilisée dans l’exercice courant ;
Le déficit de l’exercice.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
19
Les emplois
:
Les missions sociales :
Selon les organismes, les missions sociales sont plus ou
moins détaillées mais schématiquement deux systèmes prévalent :
celui qui distingue les missions opérationnelles stricto
sensu du support de ces opérations,
celui qui distingue les missions sociales par activités.
Les frais de collecte :
Cette catégorie regroupe les coûts directs d’appel à la
générosité publique ainsi que les dépenses liées à la recherche de
legs, de fonds privés et de fonds institutionnels publics. On y
trouve parfois
une
partie
des
frais
d’information et de
communication.
Les frais de fonctionnement :
Cette
catégorie
regroupe
les
dépenses
liées
au
fonctionnement du siège (parfois des délégations ou antennes
locales) de l’association.
Autres charges :
Cette rubrique permet de faire apparaître des charges qui
figurent au compte de résultat mais que les associations ne
veulent pas imputer aux rubriques précédentes, par exemple les
charges exceptionnelles ou les dotations aux amortissements et
aux provisions.
Frais d’information et de communication :
Ces frais sont individualisés dans une rubrique spécifique
par plusieurs organismes examinés. Quand ils ne le sont pas, ils
figurent dans une sous-rubrique des frais de collecte ou des
missions sociales.
Les ressources affectées non utilisées de l’exercice :
Les ressources que l’organisme considère comme affectées
et qui ne sont pas utilisées au cours de l’exercice figurent comme
des emplois à cette rubrique. Les autres ressources non utilisées
sont reprises dans l’excédent et sont ensuite affectées à un compte
de réserve au passif du bilan. Leur utilisation ultérieure ne sera
jamais retracée au compte de résultat, ni par conséquent au
compte d’emploi.
L’excédent de l’exercice.
COUR DES COMPTES
20
Un certain nombre d’organismes constituent de véritables
« groupes » composés de l’association (ou fondation) centrale et de
différentes entités satellites, à la personnalité juridique distincte mais dont
l’activité est étroitement liée à celle de l’association. Ceci les conduit
parfois à présenter un « compte d’emploi combiné » qui reprend les
opérations de toutes les entités du groupe. Le compte d’emploi combiné
doit respecter les règles applicables au compte d’emploi.
C - Une illustration des problèmes posés par l’identité
compte d’emploi / compte de résultat : le cas des
investissements
Certains organismes font appel à la générosité publique en vue de
réaliser des investissements : il peut s’agir par exemple de réaliser des
projets immobiliers pour accueillir des personnes en difficulté ou en
situation de handicap, ou d’acheter des matériels pour des opérations sur
le terrain. Les fonds collectés à cette fin constituent bien des produits de
la générosité publique ; il doit donc être rendu compte aux donateurs de
leur utilisation. La loi de 1991 et l’arrêté de 1993 ne font d’ailleurs pas de
distinction entre les investissements et les autres utilisations.
Or, comme les associations font le choix d’établir leur compte
d’emploi à partir du compte de résultat, le compte d’emploi ne peut pas
rendre compte de ces opérations, qui sont retracées au bilan. Pour
contourner cette difficulté et informer tout de même sur les dépenses
d’investissement effectuées au titre des missions sociales, les organismes
ont mis au point différentes solutions :
la première consiste à faire figurer les dons affectés aux
investissements dans une rubrique particulière du bilan intitulée
« fonds dédiés à l’investissement ». Lorsque les investissements
prévus sont réalisés, la valeur correspondante reste au passif du
bilan mais quitte la rubrique des fonds dédiés pour apparaître à la
rubrique des fonds associatifs en « dons et subventions affectés à
l’investissement », en contrepartie des investissements réalisés
qui figurent à l’actif. L’amortissement de ces investissements
permettra, les exercices suivants, de suivre les dépenses réalisées
au compte de résultat et au compte d’emploi ;
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
21
la deuxième solution consiste à opérer des retraitements
comptables entre le compte de résultat et le compte d’emploi
pour faire apparaître au compte d’emploi le montant de la
subvention reçue et celui de l’investissement réalisé ;
enfin, la dernière solution consiste à annexer au compte d’emploi
un document qui retrace les dépenses d’investissement réalisées,
en distinguant les dépenses de missions sociales des autres
dépenses,
et
qui
fait
figurer
en
regard
les
recettes
correspondantes.
Les analyses précédentes montrent que le système d’un compte
d’emploi reflétant exactement le compte de résultat ne permet pas
d’atteindre les objectifs d’information du donateur fixés par la loi du 7
août 1991.
Le modèle de compte d’emploi couramment utilisé par la plupart des
organismes ne respecte pas le cadre législatif et réglementaire qui
s’applique aux organismes faisant appel à la générosité publique.
Ceux qui l’adoptent se trouvent ainsi dans une situation difficile : en
faisant le choix du recouvrement compte d’emploi / compte de
résultat, ils ne rendent qu’imparfaitement compte de l’utilisation des
fonds qu’ils ont reçus des donateurs. Cette pratique les éloigne de
l’esprit et de la lettre de la loi de 1991 qui visait à garantir la
transparence de l’utilisation des fonds issus de la générosité publique.
Chapitre II
La rubrique des « missions sociales »
La loi du 7 août 1991 impose aux organismes d’établir « un
compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public, qui
précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses ».
De ce fait, les rubriques de l’arrêté du 30 juillet 1993 ne
distinguent pas les emplois par nature de charges mais en fonction de leur
destination ; l’établissement du compte d’emploi nécessite donc la mise
en place d’une comptabilité analytique qui respecte les quatre rubriques
fixées par l’arrêté : dépenses opérationnelles ou missions sociales, coûts
directs d’appel à la générosité publique, frais de fonctionnement,
ressources restant à affecter.
Le problème ne se pose pas du tout de la même façon en ce qui
concerne les ressources ; l’arrêté distingue, en effet, les ressources issues
de la générosité du public selon leur nature : dons, legs, produits de la
vente des dons en nature, produits financiers, autres produits liés à l’appel
à la générosité publique. Le « report des ressources non utilisées des
campagnes antérieures » pose des questions spécifiques (voir infra).
COUR DES COMPTES
24
I
-
Missions sociales : le concept
La notion de « missions sociales » apparaît dans l’arrêté de 1993
mais ni la loi de 1991 ni l’arrêté de 1993 ne la définissent.
1 -
Missions sociales et objet
social
L’adjectif employé pourrait inciter à se référer à l’objet social de
l’organisme pour savoir ce que sont ses « missions sociales ». Il s’agirait
alors de toutes celles qui s’inscrivent dans l’objet social, qu’elles soient
ou non réalisées à la suite de campagnes d’appel. Mais une définition
aussi large qui finirait par confondre « missions sociales » et objet social
ne serait pas sans poser des difficultés dans la communication financière.
En réalité, si l’on se réfère à la loi de 1991, on peut déduire de la
rédaction de son article 3 à la fois l’objet des missions sociales
21
et le lien
nécessaire entre l’appel à la générosité publique et la cause soutenue :
la
rubrique « missions sociales » regroupe les dépenses qui tendent à la
réalisation des causes mises en avant dans les campagnes d’appel à la
générosité publique.
2 -
Missions sociales et autres emplois
Les « missions sociales » sont clairement au centre de l’arrêté du
30 juillet 1993, dont l’objectif est d’informer le donateur sur la part des
dons utilisée pour leur réalisation. Les autres rubriques correspondent en
effet à des dépenses techniquement nécessaires mais qui n’étaient pas la
priorité du donateur quand il a répondu à la campagne d’appel.
L’arrêté
assimile
les
« missions
sociales »
aux
dépenses
opérationnelles mais ne précise que les axes selon lesquels elles peuvent
être ventilées :
ventilation par type d’action ou par pays,
ventilation entre achats de biens et services, distribution directe
de secours et subventions,
21) « Soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique,
éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement ».
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
25
et les autres types d’emplois dont elles se distinguent :
-
coûts directs d’appel à la générosité publique (publicité,
publication, frais postaux), y compris les frais de traitement
des dons ;
-
frais de fonctionnement de l’organisme, y compris les frais
financiers.
II
-
Missions sociales : la technique
A - Choix de comptabilité analytique et respect de
l’arrêté de 1993
Une lecture immédiate de l’arrêté semble indiquer que doivent être
imputés à la rubrique « missions sociales », comme à la rubrique « frais
de collecte », les seuls coûts directs des actions, à l’exception même des
coûts de personnel.
Néanmoins les choix de comptabilité analytique effectués par les
organismes traduisent souvent une conception de la rubrique « missions
sociales » plus extensive.
Certains imputent aux missions sociales l’intégralité de leurs coûts
directs, coûts de personnel compris.
D’autres appliquent des méthodes analytiques qui permettent
d’adjoindre aux charges directes des différentes missions, une partie des
charges indirectes, partie qui dépend largement du degré de sophistication
de l’analyse de leurs coûts.
Ceux qui disposent des systèmes analytiques les plus poussés
utilisent des méthodes qui s’apparentent aux « coûts complets », ce qui
peut conduire à imputer l’intégralité des charges sur les actions. Une
application complète de cette méthode par les organismes faisant appel à
la générosité publique ferait disparaître les frais de fonctionnement et
même les frais de collecte, si la collecte était considérée comme un
élément de coût devant être imputé aux activités principales, ici les
missions sociales. La notion de « coût complet » n’est donc pas
compatible avec les dispositions de l’arrêt de 1993 qui prévoit que le
compte d’emploi doit retracer les frais de fonctionnement et de collecte.
COUR DES COMPTES
26
Mais entre les deux situations extrêmes, inscription en missions
sociales des seules charges directes et présentation de coûts complets, il
existe toute une gamme de possibilités. Les exemples qui suivent
illustrent les conséquences des choix de comptabilité analytique sur la
consistance des missions sociales.
B -
La diversité des pratiques
1 -
Les diverses méthodes de répartition des charges de personnel
et des frais généraux
a)
L’imputation des dépenses de personnel
La répartition des charges de personnel dans les différentes
rubriques du compte d’emploi des ressources peut se faire en fonction de
l’activité principale des personnes concernées ou en fonction d’une
répartition secondaire basée sur la déclaration par chaque salarié de son
activité. Le choix de la méthode influe directement sur la présentation des
missions sociales.
b)
Le traitement des frais généraux
Les frais généraux qui profitent à tous les services
22
peuvent être
imputés en totalité sur des codes analytiques de frais de fonctionnement
ou bien faire l’objet de répartitions secondaires en fonction des surfaces
utilisées ou des effectifs recensés dans chaque service. Dans ce dernier
cas, les méthodes analytiques retenues ont pour effet de majorer le
montant des missions sociales.
22) Dépenses informatiques, fournitures de bureau, matériel de bureau, fluides,
téléphone, frais de nettoyage, etc.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
27
2 -
Deux exemples de pratiques contestables
a)
L’affectation ex post des charges
Un des organismes examinés distingue les charges qui sont
directement et immédiatement imputables à une action de celles qui ne
sont pas directement affectables et qui font l’objet d’une répartition
secondaire en fonction d’une clé de répartition fondée sur le temps passé
par chaque salarié aux différentes actions. L’imputation des charges se
fait à partir du critère de la finalité du travail ou de l’action et non de la
nature de la charge. Celui qui prescrit la dépense décide, en fonction de la
finalité qu’il perçoit de la dépense, si celle-ci doit être directement
rattachée aux missions sociales, aux frais de collecte ou aux frais de
fonctionnement ou si, cette finalité étant imprécise, la charge doit être
traitée comme une charge indirecte. En conséquence, deux charges
strictement identiques pourront être imputées en fonction de la conception
du décideur soit aux missions sociales, soit à une autre rubrique sans que
l’on puisse être assuré de la cohérence des choix effectués.
b)
Un changement de méthode analytique au travers de la répartition
des frais d’entretien de bâtiments
Les frais d’entretien d’un bâtiment utilisé par un organisme sont
dans un premier temps intégralement imputés en frais de fonctionnement.
Mais les instances associatives décident pour l’exercice suivant de mettre
en place une sous-répartition qui ventile les frais au prorata des effectifs
entre les différentes missions de l’organisme. Le changement des
méthodes analytiques a pour conséquence de transférer une partie du coût
total de l’entretien du bâtiment, des frais de gestion aux missions sociales.
Le compte d’emploi des ressources a pour objectif premier
l’information des donateurs sur l’utilisation concrète des sommes
collectées. Si les textes ont défini les rubriques qui doivent être
utilisées, les pratiques de répartition analytique des charges,
extrêmement variables d’un organisme à l’autre en fonction des
méthodes analytiques retenues, peuvent parfois conduire à fausser la
présentation des « missions sociales ».
COUR DES COMPTES
28
III
-
Missions sociales : les recommandations
A - Limites à la liberté de choix des organismes en
matière de comptabilité analytique
1 -
Les limites à l’imputation de coûts indirects aux actions
L’arrêté de 1993 assimile dépenses opérationnelles et missions
sociales. Son application rigoureuse imposerait aux organismes de définir
un centre de coût par mission sociale et un pour le service « collecte », de
n’imputer à chacun de ces centres de coût que ses charges directes
23
, et de
laisser les charges indirectes dans la rubrique des frais de fonctionnement.
En pratique, les charges indirectes sont souvent ventilées entre les
actions par l’intermédiaire de centres d’analyse distinguant les « centres
opérationnels » des « centres administratifs », les premiers directement
liés aux missions de l’organisme, les seconds (direction des ressources
humaines, direction des affaires financières, services généraux, etc.)
communs à toutes les organisations. L’ensemble des coûts des structures
opérationnelles peut alors être comptabilisé au compte d’emploi en
missions sociales ou en frais de collecte, les coûts des structures
administratives en frais de fonctionnement. Encore faut-il que les
organismes aient défini des centres d’analyse cohérents. Il est donc
nécessaire pour eux de mener en amont un travail de réflexion sur leurs
activités pour pouvoir ensuite procéder à un découpage de celles-ci.
Le compte d’emploi devrait comporter en annexe des informations
sur les centres d’analyse retenus, sur la ventilation des charges indirectes
entre eux, enfin sur leur déversement dans telle ou telle rubrique du
compte d’emploi.
Il existe nécessairement des limites à l’imputation de coûts
indirects aux actions :
Le respect de l’arrêté de 1993 n’est pas compatible avec la
pratique des coûts complets (voir supra).
23) Les rubriques de l’arrêté de 1993 semblent même ne pas inclure les charges
directes de personnel.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
29
Dans certains cas, des limites sont fixées par des bailleurs de
fonds : les conventions de la Communauté européenne pour des
opérations d’aide humanitaire considèrent ainsi comme éligibles les coûts
directs des actions augmentés, au titre des « coûts de soutien », d’une
fraction des coûts indirects (plafonnée à 7 % des coûts directs).
Certains organismes ont d’ailleurs adopté cette méthode qui
implique de distinguer dans les missions sociales les coûts directs et les
coûts de soutien, dépenses de fonctionnement indispensables à la
réalisation des missions sociales. Le donateur peut alors mesurer, à la
lecture du compte d’emploi, le poids des dépenses de soutien dans le total
des missions sociales.
2 -
Des dépenses qu’il convient d’exclure du périmètre des
missions sociales
Même si les organismes disposent d’une certaine liberté dans la
définition de leurs dépenses opérationnelles, l’inscription de certains
types de charges en missions sociales est très discutable.
Sans dresser une
liste exhaustive de ces charges, la Cour retient les exemples suivants.
C’est le cas, sans aucun doute possible, des dotations aux
provisions que l’organisme peut être conduit à constituer et des frais
financiers. Une dotation aux provisions ne doit jamais figurer en missions
sociales, quel que soit l’objet sur lequel elle porte, afin d’éviter une
double comptabilisation, dans la même rubrique du compte d’emploi, de
la charge calculée l’année de sa constitution, puis de la charge réelle
l’année de l’éventuelle constatation de la perte.
Quant aux frais financiers, l’arrêté de 1993 est sans ambiguïté
puisqu’il
prévoit
explicitement
leur
rattachement
aux
frais
de
fonctionnement.
C’est le cas également de certaines charges qui tiennent au train
de vie de l’organisme : les charges relatives aux dirigeants et aux
instances dirigeantes telles que les dépenses du véhicule du président ou
les primes d’assurance des administrateurs.
Les frais de communication institutionnelle doivent de même être
rattachés aux frais de fonctionnement.
COUR DES COMPTES
30
3 -
Le cas particulier des dépenses de personnel
Il conviendrait que les trois rubriques principales du compte
d’emploi des ressources fassent explicitement apparaître les dépenses de
personnel qui leur sont rattachées.
Cela pourrait se faire par exemple
sous la forme d’une mention du type « Missions sociales : 100 dont 20 en
dépenses de personnel ».
Plus largement, il serait souhaitable de donner le détail par nature
de charges des dépenses inscrites en missions sociales.
B - Principes généraux à respecter
La Cour a constaté que les instances délibérantes des organismes
ne sont que rarement appelées à se prononcer sur les questions tenant à la
construction du compte d’emploi, réputées très techniques. Les règles
analytiques changent souvent sans que les raisons des modifications
soient explicitées. La plupart des organismes communiquent peu, voire
pas du tout, sur leur système de comptabilité analytique qui conditionne
pourtant largement la présentation de leur compte d’emploi.
Il conviendrait au minimum que les organismes respectent les
principes fondamentaux suivants :
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
31
1.
L’information
des
instances
associatives
:
toutes
les
questions concernant les méthodes analytiques pourraient faire
l’objet de résolutions prises par les instances associatives qui
seraient ainsi dûment informées des conséquences que ces
méthodes peuvent avoir sur l’image donnée par l’association.
2. La permanence des méthodes
: les méthodes analytiques ne
devraient pas changer d’un exercice à l’autre. Cela ne priverait
pas l’organisme de la possibilité de procéder de temps en
temps à une refonte de ces méthodes, mais il faudrait alors
qu’il respecte les autres principes.
3.
La
traçabilité
:
les
méthodes
analytiques
devraient
permettre de retrouver aisément les charges du compte de
résultat dans les emplois du compte d’emploi et inversement.
Pour ce faire, un tableau présentant de manière simplifiée le
passage du compte de résultat au compte d’emploi devrait être
annexé à celui-ci, un tableau détaillé étant tenu à la disposition
des administrateurs et des auditeurs ou contrôleurs externes.
4. Une chaîne de traitement continue
: l’enregistrement des
charges devrait limiter les retraitements manuels a posteriori
des données comptables, notamment en fin d’année.
5. L’information des donateurs
: l’annexe au compte d’emploi
devrait présenter de manière suffisamment explicite et
compréhensible les méthodes analytiques choisies et les
incidences de leurs éventuels changements sur la présentation
des missions sociales. L’ordonnance du 28 juillet 2005 précise
d’ailleurs que « le compte d’emploi est accompagné des
informations relatives à son élaboration ».
6. L’indivisibilité de l’information
: l’information financière ne
devrait pas être présentée par extraits ; elle forme un tout ce
qui signifie que toute présentation de données chiffrées devrait
être accompagnée des commentaires indispensables.
Chapitre III
Le suivi des sommes collectées mais non
utilisées
L’arrêté du 30 juillet 1993 prévoit que soit inscrit en ressources du
compte d’emploi le « report des ressources non utilisées des campagnes
antérieures ». Si l’arrêté était respecté, le lecteur du compte d’emploi
pourrait connaître le montant des dons collectés non dépensés les années
précédentes, puisqu’ils seraient repris chaque année au compte d’emploi
jusqu’à leur épuisement complet. Cette information lui permettrait de
vérifier que l’organisme ne thésaurise pas l’argent collecté et parvient à le
dépenser dans un délai raisonnable.
L’enquête a montré que les comptes d’emploi établis par les
organismes ne permettent pas de disposer de cette information et que le
suivi pluriannuel des ressources issues de la générosité publique est, de ce
fait, très partiel.
COUR DES COMPTES
34
I
-
Les raisons d’un suivi seulement partiel des
ressources non utilisées
Le choix fait par les organismes d’un compte d’emploi qui reflète
exactement le compte de résultat fait « disparaître » les ressources non
utilisées dans l’exercice des comptes d’emploi suivants ; de plus, les
organismes utilisent peu le mécanisme des « fonds dédiés » qui pourrait
compenser en partie le non-respect de l’arrêté de 1993.
A - Un compte d’emploi directement tiré du compte de
résultat
Si l’arrêté de 1993 était appliqué, le compte d’emploi de l’année N
devrait faire apparaître :
en ressources, le report des ressources non utilisées des
campagnes
antérieures,
sans
distinguer
les
ressources
affectées des ressources non affectées ;
en emplois, les ressources de l’année N (report des
campagnes antérieures compris) non utilisées dans l’année.
Mais la plupart des organismes, suivant les recommandations du
Comité de la charte, ne font apparaître dans leur compte d’emploi que ce
qui provient du compte de résultat.
1 -
Le cas général
En règle générale, les ressources collectées non utilisées dans
l’exercice sont considérées comme excédentaires et entrent directement
dans la constitution du résultat comptable ; elles seront ensuite portées
dans les différentes rubriques de fonds propres ouvertes au passif du
bilan.
Les années suivantes, les sommes ainsi inscrites en réserves ne
seront pas reprises au compte de résultat ni, par voie de conséquence,
retracées au compte d’emploi. De plus, leur consommation ultérieure,
qu’elle résulte d’immobilisations ou d’un déficit d’exploitation, ne sera
pas retracée au compte de résultat et en conséquence, ne figurera pas au
compte d’emploi.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
35
2 -
Le cas particulier des ressources affectées
Le règlement comptable du 16 février 1999 (99-01) a prévu un
dispositif particulier pour le suivi des ressources
affectées
, que ces
ressources soient issues de financements institutionnels ou de la
générosité du public sollicité « pour la réalisation de projets définis
préalablement à l’appel par les instances statutairement compétentes » : la
partie des ressources, affectées par des tiers financeurs à des projets
définis, qui n’a pu encore être utilisée conformément à l’engagement pris
à leur égard, doit être enregistrée en « fonds dédiés » au passif du
bilan
.
On distingue trois sous-comptes :
les fonds dédiés sur subventions de fonctionnement ;
les fonds dédiés sur dons manuels affectés ;
les fonds dédiés sur legs et donations affectés.
Outre cette traduction au bilan, une information est donnée dans
l’annexe
par projet ou catégorie de projet, précisant :
les sommes inscrites à l’ouverture et à la clôture de l’exercice
en " fonds dédiés " ;
les fonds dédiés inscrits au bilan à la clôture de l’exercice
précédent, provenant de la générosité du public, et utilisés au
cours de l’exercice ;
les dépenses restant à engager financées par des dons reçus au
titre de projets particuliers et inscrites au cours de l’exercice
en " engagements à réaliser sur dons manuels affectés " ;
les " fonds dédiés " correspondant à des projets pour lesquels
aucune dépense significative n’a été enregistrée au cours des
deux derniers exercices.
Mais, si la totalité des fonds affectés non utilisés est ainsi visible
au bilan et dans l’annexe, seule une partie apparaît dans le
compte de
résultat
: l’application du règlement 99-01 conduit à inscrire en produits
la part consommée dans l’exercice des fonds affectés et non utilisés des
exercices antérieurs et en charges le montant correspondant aux
ressources de l’exercice affectées et non utilisées.
Le
compte d’emploi
de la plupart des organismes étant bâti à
partir du compte de résultat, le suivi des ressources affectées sera lui aussi
partiel : seules les ressources affectées préalablement et consommées
dans l’exercice seront reprises.
COUR DES COMPTES
36
B - Des ressources rarement considérées
comme affectées
Le suivi comptable des fonds non utilisés est moins précis – donc
moins contraignant – pour les fonds non affectés que pour les fonds
affectés. Cette différence de traitement peut inciter les organismes à
interpréter la notion de fonds dédiés dans un sens restrictif.
De fait, les organismes affectent peu les dons reçus, même
lorsqu’ils sont collectés dans le cadre de campagnes ciblées.
Pourtant, le courrier d’appel que reçoit le donateur est souvent
ciblé et explique à quoi le don va servir avec des illustrations susceptibles
de le sensibiliser ; le bon de soutien joint au courrier l’invite à soutenir
par un don l’action présentée. Au bas du coupon, une phrase écrite en
petits caractères précise toutefois que si le montant du don excède les
besoins de l’organisme pour réaliser l’action prévue, il sera possible
d’affecter le don à d’autres actions. Cette formule permet à l’organisme
d’échapper à l’affectation (et, au-delà de l’exercice, à la comptabilisation
en fonds dédiés). Ne sont alors considérés comme fonds affectés que les
legs affectés, les parrainages ou les dons pour lesquels le donateur a
clairement manifesté son intention
24
.
En pratiquant ainsi, les organismes s’affranchissent en partie de
l’engagement pris dans le courrier sollicitant les donateurs : utiliser leurs
dons pour les objectifs définis dans l’appel. Les sommes non affectées qui
n’ont pas été utilisées dans l’année n’ont pas à être inscrites en « fonds
dédiés », elles passent en excédent puis en réserves.
L’analyse des bilans des organismes compris dans le périmètre de
l’enquête a permis de constater que les fonds dédiés sont de montants
plus de dix fois plus faibles en moyenne que les fonds propres, qui
intègrent les fonds non affectés mis en réserves.
24) Par exemple en rayant la mention particulière figurant sur le bon.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
37
Les organismes faisant appel à la générosité publique n’ont pas
vocation à constituer des réserves sauf si cela s’inscrit dans leurs
missions sociales (cas des fondations). S’ils ne dépensent pas l’argent
collecté, il faut que le donateur en soit informé.
L’outil qui devrait permettre de donner cette information est le
compte d’emploi des ressources prévu par la loi de 1991 et l’arrêté de
1993. Mais le compte d’emploi établi par la plupart des organismes
ne respecte pas l’arrêté, et le mécanisme comptable des fonds dédiés
(qui pourrait permettre en partie de pallier cette insuffisance) est peu
employé pour la générosité publique.
Le donateur et le public ne peuvent donc savoir, à la lecture
des documents publiés, comment ont été utilisées les sommes qui
n’ont pas été immédiatement dépensées.
II
-
Les améliorations possibles
A - Retenir une interprétation large des fonds dédiés
La notion de fonds dédiés est une création du règlement comptable
de 1999. Si le texte décrit dans le détail le traitement comptable dont font
l’objet les ressources affectées à un projet défini et non utilisées, il ne
précise pas ce qu’est un « projet défini ».
Le guide des associations et fondations publié en décembre 2000
par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et l’Ordre des
experts comptables a proposé des critères qui permettent de cerner la
notion de « fonds dédiés ». Schématiquement, le guide prévoit trois
situations :
-
si le projet est suffisamment défini dans le message d’appel à
la générosité publique, la notion de fonds dédiés doit être
appliquée ;
-
si le projet n’est pas suffisamment défini mais si son
« autonomie est suffisante », les fonds non consommés en fin
d’année peuvent être traités en fonds dédiés, leur affectation
formelle intervenant au plus tard au moment de l’approbation
du budget de l’année suivante ;
-
si l’objet de l’appel se confond avec l’objet social de
l’association, les sommes ne peuvent pas être inscrites en
fonds dédiés.
COUR DES COMPTES
38
Pour sa part, la Cour constate qu’il ressort des précautions
mêmes prises par les organismes dans la rédaction des bulletins de
don que le message de sollicitation crée bien un engagement
d’affecter les dons conformément à l’objet de l’appel à la générosité
du public sollicité.
C’est pourquoi il est indispensable :
- que la procédure des fonds dédiés soit mise en oeuvre dans tous les
cas où l’objet de l’appel est plus restreint que l’objet social de
l’organisme qui procède à l’appel ;
- qu’elle soit élargie aux fonds non affectés initialement mais affectés
ensuite par les instances associatives.
Cependant, le fonctionnement des organismes ne doit pas être
bloqué par une affectation trop précise des sommes collectées. Il est tout à
fait normal de pouvoir disposer de fonds mutualisés qui apportent de la
souplesse et une certaine liberté d’action. Les deux objectifs ne sont pas
contradictoires. Il suffirait, en effet, que les organismes définissent des
procédures de réaffectation des ressources comme celles qui ont été mises
en oeuvre pour les sommes recueillies après le tsunami du 26 décembre
2004. La Cour a noté à ce propos qu’ « une association qui rend compte
au donateur des résultats de la collecte, qui lui explique la situation, qui
obtient son accord pour un autre emploi des fonds, adopte une démarche
respectueuse de son intention »
25
. Demander aux donateurs leur
autorisation pour mutualiser ou réaffecter leurs dons est une procédure
qui n’est pas techniquement compliquée et qui apporte des garanties de
transparence.
25) Rapport public thématique déjà cité, décembre 2006, page 184.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
39
B - Mieux informer le donateur sur les fonds dédiés
L’enquête a montré que, même pour les ressources affectées, le
suivi des ressources non utilisées au compte d’emploi est le plus souvent
partiel, limité à la consommation de celles-ci pendant l’exercice. Mais
certains organismes contrôlés ont déjà adopté des pratiques plus
transparentes qui pourraient avantageusement être généralisées.
1 -
Communiquer au donateur les informations de l’annexe
L’information
qui
figure
dans
l’annexe
des
comptes
des
organismes (voir supra I-A-2) sur les ressources affectées, devrait être
intégrée dans les documents destinés aux donateurs et présentée sur les
sites Internet.
2 -
Suivre au compte d’emploi la totalité des fonds
affectés non utilisés
Une association contrôlée dans le cadre de cette enquête se
rapproche de l’esprit de l’arrêté de 1993 en effectuant un retraitement
entre son compte de résultat et son compte d’emploi pour faire apparaître
dans ce dernier, en ressources de début d’exercice, la totalité des fonds
affectés collectés les années précédentes et non encore utilisés, et en
emplois en fin d’exercice, le reliquat de ces mêmes fonds qui n’ont
toujours pas été utilisés augmenté des ressources affectées de l’année qui
n’ont pas été dépensées.
Grâce à ce retraitement, le lecteur du compte d’emploi a une
connaissance précise de l’évolution des ressources affectées de
l’association.
COUR DES COMPTES
40
C - Trouver les outils permettant le suivi des ressources
non affectées
Il est indispensable, dans tous les cas, de satisfaire à l’obligation
d’information du donateur sur les ressources non encore utilisées.
1 -
Suivi au bilan
La part du résultat identifiée comme provenant des ressources de
la générosité publique non affectées et non utilisées pourrait être imputée
dans un premier temps dans un compte de transition au passif, qui
servirait de sas avant une nouvelle affectation.
Plusieurs solutions sont imaginables, parmi lesquelles :
-
Celle que préconisait le guide des associations, publié en
décembre 2000
par
la
Compagnie
nationale
des
commissaires
aux
comptes
et
l’Ordre
des
experts
comptables : « les excédents non utilisés qui ne peuvent être
classés
en
fonds
dédiés
doivent
faire
l’objet
d’une
identification particulière au passif par l’affectation par
l’assemblée
générale
en
«
réserves
pour
projets
associatifs
26
» ;
-
Celle qui consiste à ouvrir, au sein du poste « report à
nouveau », une ligne particulière pour le suivi des fonds
issus de la générosité publique.
L’objectif est de suivre dans une rubrique précise des fonds
clairement individualisés.
Ensuite, en fonction des décisions prises par les instances
dirigeantes, plusieurs cas de figure pourraient se présenter parmi
lesquels :
-
la conservation dans ce compte de transition des fonds en
attente du financement de projets à l’étude ;
-
l’affectation des fonds sur une autre ligne des « réserves pour
projets associatifs » lorsque la réalisation d’actions, de
programmes ou d’opérations identifiés a été décidée ;
-
l’affectation des fonds aux réserves statutaires.
26) Le plan comptable des associations et fondations comporte un compte 1068
« autres réserves (dont réserves pour projet associatif) ».
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
41
Une telle procédure aurait l’avantage de la transparence puisque
toute décision d’affectation prise par le conseil d’administration ou
l’assemblée générale laisse une trace écrite. Les organismes pourraient
présenter en outre des tableaux retraçant les mouvements ayant affecté les
lignes issues de la générosité publique dans les différents postes des fonds
propres.
2 -
Suivi au compte d’emploi
L’application de l’arrêté de 1993 aurait pour conséquence la
reprise en compte d’emploi de l’exercice du montant des réserves pour
projets associatifs figurant au bilan de l’exercice précédent et
l’inscription en emplois du montant des réserves pour projets associatifs
figurant au bilan de clôture.
Cette mise en oeuvre, délicate pour des organismes qui tiennent un
compte d’emploi à partir de leur compte de résultat, est pourtant la seule
qui leur permette de respecter les obligations qui découlent pour eux de la
loi et du règlement.
Que les ressources soient ou non affectées, les comptes annuels
ainsi complétés, donneraient aux donateurs les informations sur les
ressources non utilisées qui avaient été prévues par l’arrêté de 1993
mais que la pratique des organismes a fini par occulter largement.
Chapitre IV
De l’analyse à la communication
financière
La plupart des organismes qui font appel à la générosité publique
utilisent des ratios dans leur communication à destination du grand
public, sur leur site Internet ou dans les publipostages d’appel aux dons. Il
s’agit donc d’un outil essentiel dans leur politique de prospection, de
fidélisation des donateurs et de compte rendu. En effet, la lecture des
documents comptables d’un organisme (compte d’emploi ou bilan) exige
du lecteur un minimum de connaissances techniques, alors que la
présentation d’un indicateur sous la forme d’un pourcentage simple ou
d’un diagramme circulaire rend l’information immédiatement accessible.
La réglementation n’impose nullement aux organismes de tenir et
de présenter ces indicateurs. La liberté est donc totale en ce domaine. Or
compte tenu de la diversité des organismes, de leurs activités et des
événements auxquels ils sont confrontés, ces indicateurs ont une
signification très différente d’un organisme à l’autre.
COUR DES COMPTES
44
I
-
La communication financière par les
indicateurs : état des lieux
Dans le cadre de la présente enquête, la Cour a fait un certain
nombre
de
constats
sur
la
qualité
de
l’information
financière
communiquée par l’intermédiaire des ratios, qui complètent les
appréciations formulées à l’occasion de contrôles antérieurs.
A - Les points communs aux différents indicateurs
utilisés par les organismes examinés
Il y a une grande diversité en ce domaine comme l’illustrent les
quelques exemples qui suivent :
-
indicateur présentant la répartition des dépenses, souvent
accompagné de la phrase suivante : « pour 100 euros, nous
avons employé
x
euros en missions sociales,
y
euros en frais
de collecte et
z
euros en frais de gestion » ;
-
indicateur présentant l’utilisation des ressources, qui montre
comment 100 euros reçus ont été dépensés et fait ressortir la
part des missions sociales dans ces 100 euros ;
-
indicateur affichant la part des ressources qui provient de la
générosité du public ;
-
indicateur du coût de la collecte de fonds.
Les différences méthodologiques entre deux organismes qui
paraissent utiliser le même indicateur sont parfois telles qu’elles
faussent toute tentative d’analyse comparée.
L’indicateur, représentation simplifiée de données financières
tirées du compte d’emploi, dépend des méthodes analytiques
retenues par l’organisme. Celui qui utilise une méthode proche
de celle des coûts complets aura un « meilleur » indicateur de
missions sociales que celui qui limite la répartition de ses charges
indirectes.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
45
B - Une illustration des pratiques parfois contestables
constatées
Au-delà de ces constats, la Cour a relevé parfois des pratiques
contestables dans la construction des indicateurs qui n’apportent pas alors
une information conforme à leur intitulé ou aux commentaires qui les
accompagnent.
Les exemples qui suivent illustrent ce constat à partir d’un triple
ratio couramment utilisé et qui intéresse au premier chef le donateur : la
part des dépenses consacrée respectivement aux missions sociales, aux
frais de collecte et aux frais de fonctionnement.
Ce ratio reprend au numérateur l’une de ces trois rubriques du
compte d’emploi (missions sociales, frais de collecte, frais de
fonctionnement), et au dénominateur le total des emplois de l’exercice
hors résultat, la répartition souvent considérée comme optimale étant, en
ordre de grandeur, la suivante : 80 % de dépenses en missions sociales et
10 % pour chacune des deux autres rubriques.
27
La méthode de construction de l’indicateur est en apparence simple
mais certains organismes faussent la valeur de l’indicateur pour le calcul
du ratio « missions sociales », en ajoutant au total de la rubrique
« missions sociales » du compte d’emploi le montant des ressources
affectées mais non utilisées de l’exercice. Cette méthode de calcul appelle
deux critiques :
-
en procédant ainsi, les associations ne respectent pas la règle de
rattachement à l’exercice qui, appliquée au cas d’espèce, signifie
que ne peuvent pas figurer en missions sociales de l’exercice les
dépenses qui seront éventuellement réalisées lors des exercices
ultérieurs ;
-
l’addition des fonds utilisés et des fonds affectés non utilisés
entraîne une double comptabilisation de la charge. En effet, ces
emplois « potentiels » sont pris en compte dans l’indicateur
l’année de leur collecte en tant que fonds affectés à reporter, mais
ils le seront à nouveau comme emplois définitifs l’année de
l’utilisation effective des fonds. Le ratio « missions sociales »
affiché est ainsi indûment majoré.
27) Voir toutefois les observations de la Cour sur la structure des emplois dans son
rapport sur la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés (juin 2006),
p. 73-75
COUR DES COMPTES
46
D’autres pratiques se rencontrent pour ce ratio opérationnel. Ainsi,
un organisme examiné présente un ratio opérationnel plus avantageux
dans sa communication à destination des donateurs que dans son rapport
financier. Le numérateur est identique mais au dénominateur de la version
« grand public », l’excédent est soustrait
du total des emplois, ce qui
améliore la valeur de l’indicateur. Un autre décrit l’emploi des dons en
omettant de signaler la part de ceux-ci qui n’a pas été dépensée alors que
cela pouvait constituer une information intéressante pour le donateur.
Enfin, tous les organismes assurent aux donateurs qu’ils leur
montrent l’utilisation de leurs dons alors que la présentation du compte
d’emploi la plus fréquemment utilisée ne permet pas de suivre la part des
missions sociales financée par la générosité publique : les ratios
opérationnels décrivent en fait l’utilisation de l’ensemble des ressources,
en laissant entendre que le pourcentage général s’applique aussi pour les
seuls dons de la générosité publique, ce qui est souvent inexact.
Les exemples qui précèdent conduisent aux constats suivants :
- les organismes ne tiennent pas les mêmes indicateurs ;
- les méthodes de construction des mêmes indicateurs peuvent
varier sensiblement d’un organisme à l’autre ;
- pour un même organisme, la méthode de construction d’un
même indicateur peut évoluer d’une année à l’autre ;
- la variété des méthodes analytiques fausse l’appréciation que
le donateur peut se former à la lecture des informations financières
communiquées ;
- le souci des organismes de présenter des indicateurs
avantageux peut les conduire à un certain nombre de pratiques
contestables.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
47
II
-
Des pistes de réflexion
Il n’appartient pas à la Cour d’imposer des indicateurs ni une
méthodologie. Mais l’expérience acquise dans les contrôles d’organismes
faisant appel à la générosité du public permet de dégager des pistes de
réflexion.
Il convient tout d’abord de rappeler que toute comparaison entre
organismes exige de grandes précautions, compte tenu de la variété des
missions, des modes d’organisation et des choix comptables des
organismes.
L’idée principale est qu’à tout indicateur doit correspondre un
objectif d’information précis : l’indicateur doit répondre à une
interrogation. Or l’enquête a montré que le triptyque « objectif, question,
indicateur » fait très souvent défaut.
La Cour a donc examiné comment ces principes pourraient être
mis en oeuvre. À partir d’un exemple simplifié de compte d’emploi des
ressources
28
, elle a construit des indicateurs qui lui semblent pouvoir
rendre compte de l’activité des organismes. Il ne s’agit pas d’énoncer des
indicateurs que la Cour recommanderait d’établir mais d’illustrer une
méthode. En outre, pour les besoins de la démonstration, les indicateurs
sont établis pour une année donnée alors que c’est leur évolution sur
plusieurs exercices qu’une analyse financière pertinente doit prendre en
compte.
28) Établi comme le font la plupart des organismes, donc non conforme à l’arrêté de
1993.
COUR DES COMPTES
48
Tableau 4 : Le compte d’emploi annuel utilisé
Emplois
Ressources
Missions sociales
dont financées sur ressources n-1
900
250
Ressources générosité
publique
1000
Frais de collecte
150
Frais de fonctionnement
180
Autres charges
30
Autres ressources
250
Ressources affectées non
utilisées
120
Reprise sur ressources
affectées non utilisées
des exercices
précédents
250
Excédent
120
Total
1500
Total
1500
A - Pour analyser l’utilisation des fonds
1 -
Indicateur d’utilisation dans l’année des ressources
disponibles de l’année
L’objectif serait d’informer sur l’emploi pendant l’année des
ressources de la générosité publique disponibles dans l’année.
La question à laquelle l’indicateur doit répondre pourrait être
formulée ainsi :
qu’est-ce que l’organisme a fait pendant l’année des
dons dont il disposait dans l’année ?
La construction actuelle du compte d’emploi par les organismes ne
permet pas de répondre à cette question : la générosité publique est
parfaitement isolée du côté des ressources mais n’est pas individualisée
au sein des missions sociales (cf. chapitre I). Comme toutes les ressources
finançent tous les emplois, il faut modifier en conséquence la question :
qu’est-ce que l’organisme a fait pendant l’année des ressources dont
il disposait dans l’année ?
L’indicateur ne serait alors qu’une présentation simplifiée mais
facile à comprendre du compte d’emploi puisqu’il partirait des ressources
totales pour en montrer les différentes utilisations ou l’absence
d’utilisation en reprenant des données comptables incontestables comme
les fonds dédiés.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
49
Il se subdiviserait en plusieurs sous-indicateurs qui comporteraient
le
même
dénominateur
mais
des
numérateurs
différents.
Il
se
composerait :
au numérateur : du montant des missions sociales ou des frais de
collecte ou des frais de fonctionnement (auxquels seraient ajoutés
les frais divers et exceptionnels) ou des sommes non utilisées (y
compris l’excédent) ;
au dénominateur : des ressources totales de l’exercice telles
qu’elles apparaissent en pied de colonne du compte d’emploi,
c'est-à-dire des ressources reçues pendant l’année augmentées
d’un montant équivalent à la consommation pendant l’année des
ressources non utilisées des exercices précédents et des
ressources
exceptionnelles (reprises de provisions).
Tableau 5 : Taux d’utilisation des ressources
disponibles de l’année
Missions
sociales
Frais de
collecte
Frais de
fonctionnement
et autres
charges
Total fonds
utilisés
Fonds non
utilisés
900
150
210
1260
240
Ressources
disponibles
1500 (dont 250 de reprise d’excédents)
Répartition
des emplois
60 %
10 %
14 %
84 %
16 %
Cette présentation fait apparaître que l’association n’a dépensé
qu’une part de ses ressources et qu’une partie non négligeable de celles-ci
n’a pas pu être utilisée. Une telle présentation des indicateurs apporte
donc des informations précieuses sur l’utilisation réelle des fonds, et aussi
sur l’effet de levier qu’exerce la reprise des ressources non utilisées
antérieurement.
Il est indéniable que la présentation retenue par les organismes, qui
ne reprennent dans leur compte d’emploi que les ressources des années
antérieures effectivement consommées pendant l’année limite la portée de
cet indicateur, qui pourrait, si l’arrêté de 1993 était respecté, et si
l’ensemble des ressources collectées et non utilisées figuraient au compte
d’emploi, donner une vision plus complète de la consommation des
ressources.
COUR DES COMPTES
50
2 -
Indicateur d’utilisation dans l’année des ressources
reçues dans l’année
L’objectif serait d’informer le donateur sur l’utilisation dans
l’année des dons reçus dans l’année.
La
question
pourrait
être
formulée
ainsi :
qu’est-ce
que
l’organisme a fait cette année des dons qui lui ont été versés cette
année ?
La question doit être modifiée pour tenir compte de l’absence de
suivi de l’utilisation des fonds issus de la générosité publique :
qu’est-ce
que l’organisme a fait cette année de toutes les ressources qu’il a
reçues cette année ?
L’indicateur se subdiviserait en plusieurs sous-indicateurs qui
comporteraient le même dénominateur mais des numérateurs différents. Il
se composerait :
au numérateur : du montant des missions sociales réalisées sur
ressources de l’année ou des frais de collecte ou des frais de
fonctionnement auxquels seraient ajoutés les frais divers et
exceptionnels
ou
des
sommes
non
utilisées
(y
compris
l’excédent) ;
au dénominateur : des ressources reçues durant l’exercice, à
l’exclusion de la consommation pendant l’année des ressources
non utilisées des exercices précédents.
L’indicateur pose un problème particulier : au sein des missions
sociales, la part financée sur les ressources reçues dans l’année doit être
séparée de celle financée sur les ressources des exercices précédents.
Cette part est par définition égale au montant des ressources affectées des
exercices précédents consommées pendant l’année
29
.
29) On considère, par convention, que les frais de collecte et de fonctionnement sont
imputés aux rentrées de l’année.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
51
Tableau 6 : Taux d’utilisation des ressources reçues dans l’année
Missions
sociales sur
ressources de
l’année
Frais de
collecte
Frais de
fonctionnement
et autres
charges
Fonds
utilisés
Fonds non
utilisés
650
150
210
1010
240
Ressources
reçues
1250
Répartition
des emplois
52 %
12 %
16,8 %
80,8 %
19,2 %
La comparaison de cet indicateur et du précédent montre bien qu’à
partir d’un intitulé d’indicateur presque identique, les résultats peuvent
être différents. Ainsi, pour les dépenses de missions sociales, qui sont
celles qui intéressent le plus le donateur, le taux d’utilisation des
ressources de l’année est toujours inférieur au taux d’utilisation des
ressources disponibles de l’année, il l’est d’autant plus que le financement
des activités opérationnelles par des ressources des années précédentes est
important.
En outre, des organismes qui recevraient leurs fonds en fin
d’exercice présenteraient un indicateur d’utilisation des ressources reçues
dans l’année particulièrement faible, ce qui montre que l’indicateur ne
serait pas nécessairement approprié à tous les organismes et confirme le
caractère non universel de la pertinence des indicateurs.
La part des fonds reçus qui n’ont pas été dépensés dans l’année
justifierait un indicateur répondant à une question de même nature, mais
plus globale :
qu’est-ce que l’organisme a fait sur plusieurs années de
toutes les ressources qu’il a reçues cette année ?
L’objectif serait alors
de suivre sur plusieurs années la consommation des ressources collectées
l’année n. L’indicateur ne pourrait être établi qu’a posteriori ; il
nécessiterait en outre un suivi parfaitement individualisé de la
consommation des fonds collectés, ce qui est loin d’être la pratique
actuelle dans les organismes examinés (voir chapitre III).
COUR DES COMPTES
52
3 -
Indicateur de répartition des emplois
L’objectif serait d’informer le donateur sur la répartition des
dépenses réalisées pendant l’année.
La question pourrait être posée ainsi :
comment l’organisme a-t-il
dépensé cette année l’argent qu’il a utilisé ?
Contrairement aux
commentaires qui accompagnent parfois cet indicateur, il ne devrait pas y
avoir de référence au montant des dons reçus puisque l’indicateur ne
reprend que des données qui figurent du côté des emplois du compte
d’emploi des ressources.
L’indicateur se composerait :
-
au numérateur : du montant des missions sociales ou des
frais de collecte ou des frais de fonctionnement auxquels
seraient ajoutés les frais divers ;
-
au dénominateur : du montant des dépenses effectuées, c’est-
à-dire du total des trois numérateurs.
Tableau 7 : Taux de répartition des dépenses
Missions
sociales
Frais de collecte
Frais de
fonctionnement et
autres charges
900
150
210
Dépenses réalisées
1260
Taux de répartition
des dépenses
71,4 %
11,9 %
16,7 %
La lecture de l’indicateur montre que 71,4 % des dépenses ont été
des dépenses de missions sociales. Les organismes exposent souvent que
« 71,4 % des fonds ont été dépensés pour les missions sociales » ; la
différence est notable : 60 % des fonds ont en réalité été dépensés pour
les missions sociales (cf.
supra tableau n°5
).
En résumé, les indicateurs présentés ci-dessus semblent à première
vue fournir le même type d’information financière, mais l’analyse montre
qu’ils répondent à des questions très différentes du donateur.
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
53
B - Pour mesurer le niveau et l’évolution des réserves
L’objectif serait d’informer le donateur sur la capacité de
l’association à employer l’argent collecté. Les organismes faisant appel à
la générosité publique n’ont pas vocation, en effet, à constituer des
réserves, sauf lorsque celles-ci sont indispensables à l’exercice même de
leur activité.
La question pourrait être posée ainsi :
grâce à ses réserves, de
combien de mois d’activité l’organisme dispose-t-il ?
L’indicateur se composerait :
-
au numérateur : du montant des réserves pour projets associatifs,
du report à nouveau, du résultat et des fonds dédiés ;
-
au dénominateur : du montant mensuel moyen des emplois
effectifs constatés dans l’année, c'est-à-dire du douzième du total
des missions sociales, des frais de collecte et des frais de
fonctionnement.
Cet indicateur exprimerait les réserves en nombre de mois
d’activité.
Il devrait être accompagné de commentaires expliquant la politique
de l’organisme au sujet de ses réserves : projets envisagés, sécurité par
rapport aux financeurs, besoins d’urgence, etc.
Dans l’exemple envisagé, la dépense mensuelle moyenne de
l’exercice est de 1260/12, soit 105. Si le total des réserves, du report à
nouveau, du résultat et des fonds dédiés est de 1000, l’organisme peut
faire face, grâce à ses réserves, à près de 10 mois d’activité.
COUR DES COMPTES
54
C - Pour refléter le coût de la collecte
L’objectif serait d’informer le donateur sur l’importance des
moyens consacrés par l’organisme à sa collecte de fonds.
La question pourrait être posée ainsi :
combien l’organisme a-t-il
dépensé pour obtenir 100 euros de la générosité du public ?
Il se composerait :
-
au numérateur : des coûts d’appel à la générosité publique
incluant les frais de collecte et les frais de traitement des dons
et des legs ;
-
au dénominateur : des ressources issues de la générosité
publique reçues dans l’année, c'est-à-dire les dons et libéralités.
La tenue de l’indicateur implique de pouvoir isoler les coûts
d’appel à la générosité publique de l’ensemble des coûts de collecte, ce
que la plupart des organismes examinés savent faire.
Tableau 8 : Taux du coût de la collecte
Coûts d’appel
150
Ressources collectées
1000
Taux du coût de
collecte
15 %
L’organisme a dû dépenser 15 euros pour en recueillir 100. Cet
indicateur est particulièrement intéressant quand il est analysé sur
plusieurs exercices successifs : la politique de collecte est, en effet, un
élément important de la stratégie des organismes faisant appel à la
générosité du public.
***
L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUÉE AUX DONATEURS
55
Ces quelques indicateurs ne sont pas limitatifs et les organismes
peuvent souhaiter construire une batterie d’indicateurs qui corresponde
mieux à leur activité et à l’analyse qu’ils veulent faire de leur
performance. Par exemple, un indicateur présentant la part des fonds issus
de la générosité publique dans l’ensemble des ressources permet de
mesurer le degré d’indépendance à l’égard des financeurs institutionnels.
Quelques principes à respecter pour l’utilisation des
indicateurs
Les développements qui précèdent relatifs à la méthodologie de
construction des indicateurs fournissent des pistes d’amélioration de
la communication fondée sur ces outils. Mais ils supposent que
quelques principes fondamentaux
soient respectés :
- un indicateur n’est pas comparable sans précaution d’un
organisme à l’autre ;
- un indicateur doit pouvoir être vérifié aisément dans les
documents comptables ;
- l’intitulé d’un indicateur doit être cohérent avec les données
qu’il reprend ;
- un indicateur ne s’apprécie pas seul : il doit être accompagné
de commentaires explicitant sa méthode de construction, et
comportant au minimum un rappel de l’objectif visé et de la question
à laquelle il tend à apporter une réponse ;
- les règles de construction d’un indicateur doivent être stables
dans le temps, comme les méthodes analytiques (cf. chapitre II), et ne
pas varier d’une année à l’autre, d’un rapport à l’autre ou d’un
public à l’autre, de manière à permettre une analyse sur plusieurs
années ;
- un indicateur ne doit pas être analysé isolément : il convient
de préférer une démarche englobant l’ensemble des indicateurs ;
- un indicateur est un outil de communication ; il doit donc être
validé par les instances associatives qui vérifieront notamment sa
cohérence avec les documents financiers et avec la stratégie de
l’organisme.
RÉPONSES DES MINISTRES
57
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DE L’OUTRE-MER
ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
On notera que la réflexion de la Cour porte exclusivement sur la
notion de compte d’emploi des ressources, document exigé par l’article 4 de
la loi du 7 août 1991 qui indique que « les organismes visés à l’article 3 de
la présente loi établissent un compte d’emploi annuel des ressources
collectées auprès du public, qui précise notamment l’affectation des dons par
type de dépenses ».
Or, il convient tout d’abord de rappeler que le rapport public annuel
2003 de la Cour des comptes, dans sa partie concernant « la mise en oeuvre
de la loi du 7 août 1991 relative au contrôle des organismes faisant appel à
la générosité publique », avait annexé la réponse du ministre de l’intérieur,
qui insistait en particulier sur ce point en indiquant la nécessité de prendre
un certain nombre de mesures de simplification relatives à la transparence
financière et aux obligations comptables des associations et fondations sur la
base de quelques principes généraux :
respect du cadre comptable unique défini par le règlement
n° 99-01 du 16 février 1999 du comité de la réglementation comptable
relatif aux modalités d’établissement des comptes annuels des
associations et fondations ;
publicité des comptes, au dessus d’un certain seuil et selon des
modalités à fixer par décret (notamment en les rendant consultables et
téléchargeables sur un site Internet), de toute association ou fondation
recevant ou gérant des fonds publics, bénéficiant d’avantages fiscaux
ou faisant appel à la générosité publique ;
production régulière des annexes prévues par l’arrêté du 30 juillet
1993 et permettant la suppression de la multiplicité des documents
financiers actuellement exigés et irrégulièrement produits ;
pour les organismes tenus de produire un bilan, un compte de résultat
et des annexes, intégration du compte d’emploi des ressources dans
ces derniers documents ;
mise en oeuvre de ces simplifications en liaison avec le monde
associatif et le concours actif de l’ordre national des experts
comptables et de la compagnie des commissaires aux comptes, avec
pour objectif partagé de préciser, grâce à la définition d’un référentiel
comptable commun, des critères de qualité et de lisibilité des
documents comptables soumis à certification permettant d’éclairer les
donateurs sans complexifier la gestion des organismes concernés ;
saisine du Conseil national de la comptabilité de ces questions
.
58
COUR DES COMPTES
Les mesures préconisées sont en cours de réalisation. En effet,
l’ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 a notamment modifié et
harmonisé les obligations des associations et fondations relatives à leurs
comptes annuels.
Cette ordonnance précise que les associations et fondations ayant reçu
un montant global annuel de subventions ou de dons qui excède un seuil fixé
par décret seront tenues d’établir des comptes annuels et d’assurer la
publicité de ceux-ci et du rapport général du commissaire aux comptes dans
des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat. L’article D. 612-5
du code de commerce pour les subventions et le décret n° 2007-644 du 30
avril 2007 pour les dons fixent ce seuil à 153 000 €. Le décret relatif aux
conditions de publicité des comptes, qui sera assurée sur le site Internet des
Journaux Officiels, est en cours d’élaboration.
L’article 8 de l’ordonnance a également intégré le compte d’emploi
annuel des ressources dans l’annexe comptable pour les associations et
fondations entrant dans le champ d’application de la loi du 7 août 1991, le
soumettant à ce titre aux règles de publication et de contrôle légal des
comptes, au même titre que le bilan et le compte de résultat pour les
associations et fondations soumises à ces obligations.
Dans la perspective d’application de ces nouvelles dispositions, le
Conseil national de la vie associative (CNVA) a saisi le Conseil national de
la comptabilité (CNC) pour déterminer les modalités d’établissement du
compte d’emploi annuel des ressources. Un groupe de travail a été constitué,
composé des membres de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des
affaires sociales (IGAS), des représentants désignés par le CNVA, le Comité
de la Charte, les ministères de la justice, de l’intérieur, de la santé, de la
jeunesse et des sports, la Compagnie nationale des commissaires aux
comptes (CNCC) et le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.
Les travaux de ce groupe devraient conduire à la publication d’un avis du
CNC relatif à l’élaboration et la présentation du compte d’emploi annuel des
ressources des associations et fondations faisant appel à la générosité
publique.
Sans entrer dans le détail de la discussion d’ordre technique qui a
animé les séances du groupe de travail susvisé, il apparaît désormais
indispensable d’aboutir à un consensus sur le contenu d’un document
obligatoire qui pourrait se fonder sur les principes suivants :
proposer un cadre général de définition des missions sociales pour
la présentation du compte d’emploi annuel des ressources, auquel
pourraient se référer toutes les associations ou fondations, quels
que soient leur objet, leur taille, leur zone géographique
d’intervention, leur structure ;
RÉPONSES DES MINISTRES
59
imposer un explication des règles d’affectation ou de répartition
des
coûts
directs
ou
indirects
(adoption
des
règles
de
plafonnement de la communauté européenne) aux missions
sociales ;
considérer que le compte d’emploi annuel des ressources doit
donner une image fidèle et transparente de l’information
financière selon des bases communes et comparables à toutes les
associations et fondations, quelles que soient leurs modalités et
conditions de financement ;
poser la règle que le compte d’emploi annuel des ressources est
établi en adéquation avec le compte de résultat pour donner une
information globale de l’ensemble des ressources et des emplois,
d’une part, et l’affectation par emplois des seules ressources
collectées auprès du public,d’autre part.
Il semble utile enfin de rappeler que la question de la sanction pour
non application de la loi du 7 août 1991 reste posée. En effet aucun dispositif
législatif n’est prévu pour sanctionner un appel à la générosité publique qui
n’entrerait pas dans le cadre de l’article 3 de la loi ou un organisme qui ne
se serait pas soumis aux obligations de déclaration préalable et de tenue
d’un compte d’emploi des ressources. Il serait certainement opportun de
modifier en ce sens la loi de 1991 et de saisir cette occasion pour préciser la
notion de dons (dons manuels et libéralités) et soumettre à l’obligation de
publication de leurs comptes, telle qu’elle est prévue par l’ordonnance
susvisée du 28 juillet 2005, tous les organismes faisant appel à la générosité
publique.
Une prise de position définitive et consensuelle sur la définition du
contenu et de la présentation du compte d’emploi des ressources reste la
condition préalable à la rédaction d’une nouvelle circulaire aux préfets
complétant la circulaire n° INTA9900225C du 16 novembre 1999 relative à
l’application de la loi du 7 août 1991.
60
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE L’EMPLOI
L’importance de ce rapport, du sujet qu’il concerne et des
recommandations de la Cour est manifeste. Il couvre différents aspects qui
relèvent des différents ministères que vous avez saisis.
S’agissant des questions comptables, j’ai transmis ce rapport au
Conseil national de la comptabilité et me suis assurée qu’un groupe de
travail réunissant les divers ministères concernés, différents professionnels
du secteur associatif et de la profession comptable et naturellement des
membres de la Cour avait été constitué afin d’aborder les sujets soulevés par
le rapport.
Je tenais à vous répondre dans les délais prescrits pour vous indiquer
que les travaux n’ont pas encore débouché sur des conclusions définitives et
sont donc encore en cours. Je vous informerai des conclusions de ces
travaux.
RÉPONSE DU MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES
ET DE LA SOLIDARITÉ
Je partage globalement l’analyse de la Cour et sa proposition
d’indicateurs pouvant être utilisés par les OFAG pour informer leurs
donateurs.
Je partage aussi la formalisation à l’intention des OFAG du contenu
et du mode de constitution souhaitable de certains indicateurs, aux fins de
clarifier des points couramment négligés ou traités de façon floue dans
l’information aux donateurs, et de favoriser ainsi la constitution d’une
méthodologie moins dispersée. Je marque en outre mon accord avec les
développements concernant les fonds dédiés ou l’approche annualisée des
ressources.
J’observe enfin que les échanges entre l’IGAS et la cinquième
chambre de la Cour des comptes ont permis de clarifier un certain nombre
de formulations susceptibles d’interprétations erronées de la part de celles
des associations qui s’affranchissent du cadre normatif en matière
d’informations des donateurs.
RÉPONSES DES MINISTRES
61
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
Je tiens à saluer la qualité de ce rapport, dont je partage largement
les constats et les recommandations. Il me paraît essentiel d’améliorer
encore la qualité de l’information légitimement due aux donateurs. Je
relèverais, pour ma part, trois points d’attention particuliers.
Le premier a trait au respect des exigences formulées par l’arrêté du
30 juillet 1993 portant fixation des modalités de présentation du compte
d’emploi des ressources collectées auprès du public. Comme le relève la
Cour, des progrès doivent encore être réalisés pour que le donateur puisse
s’assurer de la destination des sommes collectées par les organismes.
Le second, plus transversal, concerne les différences de pratiques
d’un organisme à l’autre. La mise en place de standards, notamment dans la
définition et le périmètre des charges liées aux « missions sociales »
permettrait d’éviter de fausser leur présentation.
A cet égard, je partage la recommandation de la Cour de mieux
encadrer les choix que font les organismes en matière de comptabilité
analytique, en excluant, par exemple, du périmètre des charges liées « aux
missions sociales » les frais financiers ou des charges relatives aux
dirigeants et en identifiant mieux les dépenses de personnel.
En troisième lieu, il conviendrait de rechercher, dans le même esprit,
une plus grande homogénéité des ratios utilisés par les organismes pour
communiquer sur l’affectation des dons. Dans ce domaine également, la
liberté est de mise et les pratiques divergent largement. Outre les biais
susceptibles d’affecter les comparaisons entre organismes, cette liberté trop
large peut conduire à des pratiques contestables dans la présentation de la
part des dons consacrée aux « missions sociales ».
La Cour dégage un certain nombre d’indicateurs tout à fait
pertinents, qui pourraient être utilement repris par les organismes.
Pour conclure, je partage la proposition de la Cour de construire un
cadre homogène, qui permette d’harmoniser les pratiques et de faciliter le
contrôle du compte d’emploi par les commissaires aux comptes.
Ce cadre pourrait s’appuyer sur la définition d’un référentiel
comptable, opposable, dont la validation associerait un organisme habilité à
cet effet (comité des normes ou conseil national de la comptabilité par
exemple).
Mes service sont naturellement disposés à apporter leur concours à ce
travail, afin d’améliorer les relations entre les organismes faisant appel à la
générosité du public et la communauté des donateurs.
Liste des rapports publiés par la Cour des comptes
concernant les contrôles des comptes d’emploi des organismes
faisant appel à la générosité publique
2007
Association Le Secours Catholique
2007
Fondation Aide à Toute détresse
- ATD Quart Monde
2006
Association France Alzheimer et maladies apparentées
2006
Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés
2005
Association pour le Recherche sur le Cancer (ARC)
2004
Comité français pour l’UNICEF
2004
Association
Française contre les Myopathies (AFM)
2003
Les Restaurants du Coeur – Les Relais du Coeur
2002
Société Protectrice des Animaux (SPA)
2002
Fondation de France
2001
Médecins du Monde
2000
Les Fonds Sidaction
1999
Ligue Nationale contre le Cancer
1998
Médecins Sans Frontières (MSF)
1996
Association Française sur les Myopathies (AFM)
1996
Association pour la Recherche sur le Cancer (ARC)