6
Les réserves des caisses de retraite
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La Cour a examiné la façon dont les réserves des caisses de
retraite ont été utilisées pour faire face aux conséquences de la crise
sanitaire sur les régimes obligatoires. Le code de la sécurité sociale définit
les réserves de manière assez succincte comme
«
l’actif des organismes qui
n’est pas directement nécessaire à la gestion administrative des régimes
».
Comptablement, elles correspondent à des actifs (actions, obligations,
immobilier, etc.) détenus par les caisses gérant un ou plusieurs régimes de
retraite obligatoires. Historiquement, elles ont été constituées par des
caisses de taille réduite avant de s’imposer comme un instrument de
pilotage financier dans les grands régimes interprofessionnels.
La crise sanitaire a eu pour conséquence un large recours à
l’activité partielle et l’octroi de délais pour le versement des cotisations.
Ces mesures ont eu des répercussions sur les ressources des régimes,
tandis que les marchés financiers ont été soumis en 2020 à de fortes
variations. Ces deux effets ont entraîné une mobilisation contrastée des
réserves, tout en illustrant leur utilité. Avant même la survenance de cette
crise, les niveaux de réserves des régimes étaient très hétérogènes, selon
l’équilibre démographique entre cotisants et pensionnés notammen
t, et les
objectifs divers que ces régimes s’étaient fixés. Les caisses n’avaient pas
toutes défini de stratégie d’emploi de leurs réserves.
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COUR DES COMPTES
664
La Cour a examiné la situation de 23 organismes
566
dont le total
des réserves représentait fin 2020 un montant de 164,3
Md€ en valeur nette
comptable
567
. Après un rappel de la diversité des objectifs et des niveaux des
réserves en fonction des régimes (I), l’enquête a montré que si les effets de
la crise sanitaire sur le montant global des réserves sont restés limités en
2020, ils ont été plus ou moins importants selon les régimes. Elle a également
mis en évidence la nécessité de faire évoluer la réglementation pour
améliorer le cadre de gestion des réserves. Par ailleurs, les réserves du
Fonds de réserve pour les retraites ayant été consommées ou gagées de
manière anticipée pour des fins autres que celles initialement prévues, ses
missions doivent être redéfinies (II).
566
Fonds de réserve pour les retraites (FRR), Agirc-Arrco, Institution de retraite
complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collect
ivités publiques
(Ircantec), Banque de France, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés
de notaires (CRPCEN), Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de
l’aéronautique civile (CRPNPAC), Régime additionnel de retraite des en
seignants du
privé, Régime additionnel de la fonction publique (Rafp), Régime complémentaire des
indépendants (RCI), Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales
(CNAVPL), Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels (Cavom
), Caisse
autonome de retraite des médecins de France (CARMF), Caisse autonome de retraite
des chirurgiens-dentistes et des sages-
femmes (CARCDSF), Caisse d’assurance
vieillesse des pharmaciens (CAVP), Caisse des infirmiers, kinésithérapeutes et autres
paramédicaux (Carpimko), Caisse autonome de retraite et de prévoyance des
vétérinaires (CARPV), Caisse des agents généraux d’assurance (Cavamac), Caisse
d’assurance vieillesse des experts comptables (Cavec), Caisse des architectes et autres
professions libérales (Cipav), Caisse de retraite des notaires (CRN), Caisse nationale
des barreaux français (CNBF), Caisse des artistes auteurs d’œuvres originales (Ircec),
Régime d’allocation viagère des gérants de débits de tabac (RAVGDT).
La Cour n’a pas procédé au cont
rôle des comptes et de la gestion de chacun de ces
organismes et ses constats ne portent que sur l’évolution globale des réserves.
567
La valeur nette comptable présente la valeur des actifs à leur date d’acquisition,
déduction faite des amortissements, et ne comprend pas les plus-values latentes. Le
montant indiqué ne comprend pas les actifs confiés en gestion au FRR (23,1
Md€).
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
665
I -
Des réserves aux objectifs variés et d’inégale
importance selon les régimes à la veille
de la crise sanitaire
A -
Des objectifs justifiant la constitution de réserves
1 -
Dans les régimes en capitalisation, la contrepartie
des engagements individuels vis-à-vis des affiliés
Un grand nombre de pays développés ont mis en place, en
complément du système public de base obligatoire par répartition, un
système d’assurance vieillesse obligatoire par capitalisation au niveau des
entreprises
(États-Unis,
Royaume-Uni,
etc.)
ou
des
branches
professionnelles (Pays-Bas, etc.). Dans ces systèmes par capitalisation, les
dépenses futures sont provisionnées et le montant des cotisations est investi
dans des actifs
–
financiers ou immobiliers
–
gérés par des organismes
d’assurance ou des organi
smes dédiés appelés « fonds de pension ».
Ces actifs représentent en moyenne 64 % du produit intérieur brut
(PIB) des pays de l’OCDE
568
, avec de grandes disparités selon les pays :
ils représentent un montant proche ou supérieur à celui du PIB aux États-
Unis, au Royaume-Uni, au Canada et aux Pays-Bas. À
l’inverse, dans les
pays européens continentaux (France, Allemagne, Italie, Espagne, Suède),
les actifs investis des régimes par capitalisation représentent moins de 10 %
du PIB, en raison de la prépondérance des régimes publics en répartition.
En France, la place des régimes par capitalisation est limitée dans
le système de retraite. En relèvent notamment les plans d’épargne retraite
collective mis en place par certaines entreprises suite à leur création par la
loi du 21 août 2003
569
et deux régimes publics obligatoires, le régime
additionnel de la fonction publique (Rafp) et le régime complémentaire par
capitalisation des pharmaciens. Les actifs de ces deux régimes s’élevaient
à 36,3
Md€ fin 2020, dont 80
% gérés par le Rafp.
Ces actifs, constitués au moyen des cotisations, sont la contrepartie
des engagements individualisés de ces régimes envers leurs affiliés, et sont
destinés exclusivement au service de leurs rentes viagères. Ils ne peuvent
donc être assimilés aux réserves des régimes de retraites obligatoires
fonctionnant en répartition.
568
OCDE,
Pension funds in figures
, 2021.
569
Ces instruments, qui ont été transformés par la loi PACTE du 22 mai 2019 en plans
d’épargne retraite entreprise (Percol), se situent
en dehors du champ de
l’
enquête dont
est issu le présent chapitre. Le montant de leurs actifs avoisinait 20
Md€ en
2020.
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666
2 -
Dans les régimes en répartition, différents objectifs
selon l’horizon considéré
En théorie, un régime fonctionnant en répartition ne nécessite pas
d’accumuler des rés
erves : les cotisations financent les prestations et le
réglage des paramètres du régime doit permettre d’équilibrer les cotisations
et les prestations, année après année. En pratique, divers motifs à court,
moyen ou long terme peuvent toutefois justifier la constitution et la gestion
de réserves
570
.
La trésorerie, nécessaire pour faire face au décalage entre les
encaissements et les décaissements des régimes à très court terme, est
constituée de liquidités et placements de court terme et correspond à
quelques semaines de prestations. Ces disponibilités ne constituent pas
stricto sensu
des réserves et ne sont pas prises en compte ici.
Des réserves de précaution ont pour objectif de couvrir des besoins
de financement en cas d’événements non anticipés comme un r
alentissement
conjoncturel, lequel a été particulièrement fort dans le contexte de la crise
sanitaire, ou une modification soudaine des décisions de départ à la retraite.
Ces réserves sont en général pérennes et représentent quelques mois de
prestations. Ainsi, en Allemagne, le fonds
Nachhaltigkeitsrücklage
571
détient
des actifs représentant 1,1
% du PIB, soit l’équivalent de six semaines de
prestations. Son montant doit être compris entre 20 % (limite minimale) et
150 % (limite maximale) des prestations mensuelles du régime de retraite de
base allemand par répartition.
Dans certains cas, les réserves résultant de l’accumulation
d’excédents annuels peuvent être conservées et placées, en vue de produire
des ressources qui complèteront les cotisations perçues chaque année pour
financer les retraites. Pour que les produits financiers issus de la gestion de
ces réserves financent une part significative des prestations, il est alors
nécessaire que ces réserves, que l’on peut qualifier de «
réserves de
rendement », représentent plusieurs années de prestations.
570
Conseil d’orientation des retraites (COR)
,
Panorama des systèmes de retraite en
France et à l’étranger
, décembre 2020.
571
Le nom de ce fonds créé en 1972 peut être traduit par « réserve de durabilité ».
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
667
Un objectif de rendement dans certains pays : les cas du Canada,
du Japon et de la Suède
L’office d’investissement du régime de pension du Canada (OIRPC)
,
créé en 1999, gère les excédents générés par le doublement du taux de
cotisation au système public par répartition (RPC) décidé cette année-là
dans le but de constituer un fonds de réserves destiné à en garantir la
soutenabilité. Ses actifs s’élevaient à 334
Md€ fin 2020, soit près de 30
%
du PIB canadien. Sa
mission est d’obtenir un rendement élevé de la gestion
de ces actifs en vue de contribuer au service des pensions sur une très longue
durée. En 2021, la garantie actuarielle des pensions servies par le système
de retraite de base canadien est évaluée à plus de 75 ans.
Créé en 2006, le
Government Pension Investment Fund
(GPIF)
japonais a constitué des réserves atteignant 1 500
Md€ fin 2020 en valeur
de marché
572
, soit l’équivalent d’un tiers du PIB japonais. Sa mission est de
contribuer au financement du déficit du système national de retraite par
répartition, structurellement déficitaire à hauteur de 0,3 point de PIB, dans
ce pays où plus de 25 % de la population a plus de 65 ans.
Créés en 2001, les quatre fonds
Första AP-fonden
gèrent le
placement des réserves du système suédois de retraite par répartition,
alimentées par ses excédents. Chacun de ces fonds reçoit un quart des
excédents du système et doit en financer un quart des décaissements. La
conséquence de ce mécanisme est que la revalorisation des pensions dépend
des performances de gestion financière de ces fonds. Fin 2020, la valeur des
actifs gérés par les
Första AP-fonden
s’élevait à 157
Md€, soit 33
% du PIB
suédois. Elle représente 15 % du total des engagements actuariels du
système de retraite par répartition suédois.
Enfin, des réserves peuvent être constituées lorsque la situation
démographique des régimes est favorable (c’est
-à-
dire lorsqu’il y a
nettement plus de cotisants que de pensionnés), afin d’atténuer l’impact des
augmentations de cotisations des générations futures, au moment où la
situation démographique sera dégradée. Par nature, ces réserves de
« lissage démographique » ont vocation à être consommées.
572
Valeur liquidative des actifs à une date donnée, appréciée au 31 décembre de
l’exercice dans la présente enquête.
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COUR DES COMPTES
668
À sa conception, en 1999, le Fonds de réserve pour les retraites (FRR)
était un
fonds de lissage. L’objectif était d’atteindre un montant de réserves de
1 000 milliards de francs (environ 150
Md€) en 2020, puis de les utiliser pour
concourir au service des pensions entre 2020 et 2040, dans le but de lisser
l’effet sur les cotisations
de l’augmentation du nombre de retraités prévue sur
cette période. Entre 1999 et 2010, le FRR a ainsi reçu 31,4
Md€ de dotations
et a
effectué ses placements sur la base d’une hypothèse de
21 décaissements annuels entre 2020 et 2040. Cet objectif a été modifié en
2010, lorsque les produits de la gestion des actifs du fonds ont été affectés
au financement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
La modification des objectifs assignés au FRR
La réforme des retraites de 2010 a repoussé de deu
x ans l’âge
minimum légal de départ à la retraite (à 62 ans), et fixé un objectif
d’équilibre du régime général en 2018. Dans ce cadre, l’intervention du FRR
a semblé devenir moins nécessaire pour couvrir les déficits à venir. Ses
recettes ont été réaffectées à la Cades en 2011, et il a été décidé que le Fonds
verserait chaque année 2,1
Md€ à cette caisse afin de participer à
l’amortissement des déficits antérieurs de la Cnav et du FSV. Selon la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2011, les versements à la Cades
devaient s’achever en 2024. Les réserves du FRR adossées au
remboursement du passif de la Cades ne sont plus libres d’emploi et ne sont
donc pas des réserves du système de retraite.
B -
Un contexte de constitution et d’accumulation
différent
d’un régime à l’autre
En France, les régimes en répartition qui accumulent des réserves le
font le plus souvent sans en définir les objectifs, et parfois sans les intégrer
dans le pilotage général du régime. Plusieurs profils se distinguent, selon que
les réserves résultent de
l’accumulation d’excédents sans avoir de fonction
définie ou qu’elles constituent un instrument de pilotage des régimes.
1 -
Une accumulatio
n d’excédents techniques permis
par la démographie favorable de certains régimes
Certaines caisses ont constitué des r
éserves du fait d’une
démographie favorable, sans que ces réserves participent explicitement du
pilotage du régime, ni que leur gestion suive une véritable stratégie.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
669
Le nombre de cotisants à la CNAVPL, qui gère le régime de base
des indépendants exerçant sous forme libérale (hors avocats), a quasiment
doublé entre 2005 et 2020. Cette rente démographique, complétée par des
augmentations de taux de cotisation décidées par l’État par parallélisme
avec le régime général, a conduit la caisse à enregistrer des excédents
techniques
573
répétés (plus de 2,3
Md€ au total entre 2010 et 2020).
Cette situation explique en partie celle de la Cipav, un régime
complémentaire qui affilie près de la moitié des professionnels libéraux
cotisants à la CNAVPL, et qui a connu un afflux important de cotisants
(+ 112
% de 2005 à 2020) grâce à l’affiliation de nouvelles professions
(notamment les autoentrepreneurs). De ce fait, les réserves de la Cipav
(6,4
Md€ fin 2020) ont crû rapidement
; elles représentent 25 % des
réserves des régimes de professions libérales.
De même, fin 2020, les réserves du régime complémentaire de la
caisse des auxiliaires médicaux (Carpimko), dont le nombre de cotisants a
augmenté de 57
% entre 2010 et 2020, s’élevaient à 3,1
Md€.
La Caisse nationale des barreaux français (CNBF), dont le nombre
de cotisants a augmenté de 36 % entre 2010 et 2020, se trouve dans une
situation comparable et dispose également de réserves importantes
(2,1
Md€ fin 2020 pour son régime de base et son régime complémentaire).
Ces réserves peuvent être considérées comme des réserves de
lissage, puisqu’elles résultent de l’excédent temporaire des cotisations des
affiliés découlant d’une démographie favorable
; l’objectif de lissage est
toutefois implicite, ces régimes n’ayant pas défini
de stratégie d’utilisation
de leurs réserves.
2 -
Des dépenses futures partiellement provisionnées
Le régime complémentaire du personnel navigant professionnel de
l’aéronautique civile a été parmi les premiers à constituer des réserves et à en
organiser la g
estion financière, avec la création d’une commission des
placements dès 1953. Bien que ce régime soit en déficit technique depuis 1993,
son résultat net demeure positif grâce aux produits financiers générés par la
gestion de ses réserves, qui étaient proches de 4
Md€ fin 2020. Le conseil
d’administration examine chaque année le taux de couverture des prestations
par les cotisations futures sur 30 ans et doit augmenter le taux d’appel
574
si les
réserves représentent moins de cinq années de prestations à cet horizon.
573
Correspondant à la différence entre les cotisations et les prestations.
574
Lorsqu’il est supérieur à 100 %, le taux d’appel permet
de recouvrer les cotisations
à un niveau plus élevé que le taux nominal fixé pour le régime, le surcroît de cotisations
n’ouvrant aucun droit supplémentaire aux cotisants.
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COUR DES COMPTES
670
Plusieurs régimes complémentaires gérés par des caisses de
professions libérales ont également mis en place un pilotage fondé sur une
approche dite de « répartition provisionnée »
575
. Ainsi, pour la CAVP, les
réserves (dont le montant atteignait 1,2 M
d€ fin 2020) résultent d’un effort
de cotisations supplémentaires demandé aux pharmaciens dès les années
1960. La caisse des agents d’assurance (Cavamac), en déficit technique
depuis 2018 et dont le ratio démographique est très dégradé, a anticipé cette
situation depuis près de 30 ans
: un taux d’appel porté à 127,5
% en 1997
a permis au régime d’accumuler des réserves (870
M€ fin 2020).
Le régime spécial de la Banque de France a, quant à lui, été
provisionné à 100 %
576
. Cette couverture des engagements de retraite a été
assurée par les cotisations sociales (36 %), le rendement des placements
(25 %) et un apport additionnel (39 %) supporté par les finances publiques
en contrepartie d’un engagement de gestion rigoureuse que la Banque
indique avoir tenu. Le montant total de ces provisio
ns s’élevait à 12,4
Md€
en valeur comptable au 31 décembre 2020
577
.
Le provisionnement du régime spécial de la Banque de France
En 2006, l’État, unique actionnaire de la Banque de France, l’a
autorisée à conserver chaque année 25 % de son résultat distribuable (30 %
à compter de 2014) afin de le placer dans un fonds de réserves des pensions
du régime spécial.
En 2019, lorsque le provisionnement a atteint 100 %, conformément
aux textes régissant sa caisse de retraite, la Banque de France a cessé le
paiement direct des pensions. L'allègement de charges correspondant s'élève
à environ 500
M€ par an et vient accroître la base du résultat distribuable.
Un reversement à l'État des éventuels excédents de couverture est prévu
(690
M€ rev
ersés en 2020).
L’ampleur
de
cette
opération
–
consistant
à
provisionner
intégralement
les
engagements
d’un
régime
fonctionnant
par
répartition
–
aurait justifié un débat parlementaire pour en examiner
l’opportunité et les implications en termes d’équité.
575
Tout en demeurant dans un système dans lequel les cotisations de l’année ont pour
fonction de payer les prestations de l’année (principe de répartition), cette technique
vise à constituer des réserves (principe de provisionnement) en vue de limiter les
évolutions à la hausse ou à la baisse des cotisations ou des prestations sur le long terme.
576
L
’intégralité des prestations versées dans l’avenir par le régime
pourrait être financée
uniquement par les réserves augmentées de leurs produits financiers.
577
Soit près de 15
Md€ en valeur de marché.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
671
Selon les cas, ces réserves constituent des réserves de précaution
et/ou des réserves de rendement. Elles participent au pilotage du régime,
mais leur utilisation demeure le plus souvent à clarifier, de nombreux
régimes n’ayant pas explicité leur stratégi
e en la matière.
3 -
Des règles prudentielles récemment introduites
dans les régimes interprofessionnels
La constitution de réserves est plus récente dans les régimes
interprofessionnels. Leur taille (nombre de cotisants et de pensionnés) étant par
définition plus importante que celle des régimes professionnels, ils sont moins
exposés à des variations importantes de leur effectif cotisant, susceptibles
d’affecter leur pérennité. Cette caractéristique limite l’intérêt de constituer un
niveau de réserves élevé. En outre, ces régimes ont adopté des règles
prudentielles qui conduisent à constituer des réserves de précaution plutôt que
des réserves de rendement. Leurs montants sont donc moins élevés.
Le régime géré par l’Ircantec, dont l’équilibre financier à long
terme était compromis, a été réformé en 2008
578
. Ses règles de gestion
prudentielles consistent, d’une part, à disposer à tout moment d’une réserve
de précaution représentant au moins un an et demi de prestations et, d’autre
part, à veiller à ce que le versement des pensions soit assuré pour une durée
de 30 ans par les cotisations futures anticipées. Ces réserves font l’objet de
placements, selon une allocation d’actifs définie par période de quatre
années, en lien avec les paramètres techniques de la même période. Selon
des projections réalisées fin 2020, le régime entrerait en déficit technique
en 2034 et ses réserves seraient épuisées en 2053.
Le pilotage du RCI, qui s’est substitué en 2013 aux deux régimes
complémentaires des artisans et des commerçants, s’
appuie également sur
deux règles de gestion. D’une part, le délai prévisionnel d’épuisement des
réserves doit être au moins égal à l’espérance de vie résiduelle de la
génération atteignant l’âge légal de la retraite (soit 2049 pour la génération
née en 1958 et ayant 62
ans en 2020). D’autre part, le taux de couverture
des engagements liés aux cotisations annuelles par ces mêmes cotisations
doit permettre de s’assurer que le régime ne crée pas de droits qu’il ne
pourrait honorer plus tard. En 2019, le régime a encaissé 2,4
Md€ de
cotisations et versé 2
Md€ de prestations. Fin 2019, ses réserves s’élevaient
à 15,3
Md€ et représentaient un peu plus de neuf années de prestations. Le
taux de couverture s’élevait à 100
% dans l’hypothèse de rendements
financiers de 2,25 % hors inflation. Selon des travaux réalisés fin 2020, un
solde technique négatif est attendu dès 2025, les réserves étant épuisées à
partir de 2063 dans l’hypothèse la plus prudente.
578
Arrêté du 23 septembre 2008 modifiant l’arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux
modalités de fonctionnement du régime de retraites complémentaire des assurances sociales.
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COUR DES COMPTES
672
Pour l’Agirc
-Arrco, un accord quadriennal adopté le 10 mai 2019
en application de l’accord national interprofessionnel de 2015 oblige à
respecter un seuil minimal de réserves représentant six mois de prestations
à l’horizon de 15 ans. Avant la crise sanitaire, les projections prévoyaient
un solde technique proche de l’
équilibre pour les dix années suivantes
579
.
C -
Des montants de réserves très disparates
Les réserves des régimes de retraite de base ne représentent que
1,6
% de l’ensemble des réserves des régimes en répartition. En effet, ils
bénéficient d’un mécanisme de compensation qui les prémunit en partie
contre l’impact des évolutions démographiques
: les régimes qui bénéficient
temporairement d’une démographie favorable reversent annuellement un
montant aux régimes dont la démographie est moins favorable.
En conséquence, les réserves du système de retraite obligatoire
sont essentiellement constituées au sein des régimes complémentaires, qui
ne bénéficient pas de ce mécanisme de compensation.
Graphique n° 1 :
répartition des réserves entre les différents types
de régimes obligatoires
580
fin 2020 (en valeur nette comptable)
Source
: Cour des comptes d’après les données
transmises par les régimes
579
+ 0,6 Md€ en 2020,
-
0,6 Md€ en 2025 et
-
1,3 Md€ en 2030
.
580
La catégorie des régimes spéciaux (autrement appelés « régimes intégrés » car ils ne
distinguent pas retraite de base et retraite complémentaire) disposant de réserves est
limitée aux régimes spéciaux des employés de la Banque de France et des clercs de
notaires (CRPCEN).
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
673
Ces réserves s’élèvent à 124,9 Md€ en valeur nette comptable, en
excluant les actifs des régimes en capitalisation et du FRR qui, comme
indiqué plus haut, sont la contrepartie de passifs.
Les réserves de l’Agirc
-Arrco (52,9
Md€
fin 2020) représentent près
de 50 % des réserves des régimes complémentaires. Les autres réserves
sont réparties dans une quinzaine de régimes, interprofessionnels pour plus
de 80 % du montant total
: l’Ircantec pour les agents contractuels
(10,4
Md€, soi
t 9,5 %), le RCI pour les indépendants (13,4
Md€, soit
12,2 %) et la Cipav pour les professionnels libéraux (6,5
Md€, soit 5,9
%).
L’importance relative des réserves dépend de leur finalité. Les réserves
de précaution de l’Agirc
-Arrco représentaient 7,7 mois de service des
prestations du régime fin 2020. À
l’inverse, les deux régimes complémentaires
des notaires (CPRN), dont les dépenses futures sont fortement provisionnées,
disposent de 144 mois de réserves, soit près de 12 ans de prestations.
Le ratio de réserves par affilié varie fortement pour les mêmes
raisons. Les réserves de précaution de l’Agirc
-Arrco représentent 1 658
€
par affilié, celles de l’Ircantec 2
047
€, du RCI 4
016
€ et de la Cipav
10 228
€. Des caisses de taille réduite, dont les réser
ves sont déjà
mobilisées pour le financement des prestations ou ont vocation à l’être dans
le futur, disposent d’un montant de réserves par affilié bien plus élevé
:
elles atteignent 152 000
€ à la CPRN (18
000 affiliés), 97 000
€ à la Cavom
(8 200 affiliés), 80 000
€ à la CRPNPAC (55
000 affiliés) et 63 500
€ au
régime complémentaire en répartition de la CAVP (42 500 affiliés).
Graphique n° 2 :
montant des réserves des régimes complémentaires
par cotisant, par retraité de droit direct et par affilié
en décembre 2019, en euros
Source
: Cour des comptes d’après les don
nées transmises par les régimes
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COUR DES COMPTES
674
Le montant de réserves par affilié le plus élevé revient au régime
spécial de la Banque de France (481 375
€)
581
. Ce niveau, que l’on peut
qualifier d’atypique, est le résultat d
u choix susmentionné de provisionner
l’intégralité des engagements de ce régime.
Des éléments de cadrage commun à mettre en place
La Cour a relevé d’importantes différences de méthode de
comptabilisation des actifs entre caisses et, pour certaines caisses, une
variabilité de ces méthodes dans le temps. Ces divergences et changements
compliquent le suivi de la situation financière des caisses par leur conseil
d’administration et rendent délicates les comparaisons entre caisses. Selon
les cas, les titres détenus sont par exemple enregistrés en actifs financiers
ou en valeurs mobilières de placement. La part des réserves détenues en
liquidités n’est pas non plus retracée de manière homogène. Il paraît donc
nécessaire que la réglementation donne une définition comptable uniforme
et stable dans le temps des actifs admis en représentation des réserves
(AARR), à l’instar du code des assurances.
Par ailleurs, la performance financière est tantôt calculée par le conseil
financier de la caisse, tantôt renseignée par les gestionnaires en charge de ses
actifs. Sa définition n’est pas non plus homogène, ce qui entretient un flou sur
l’exactitude et la
lisibilité des éléments communiqués aux conseils
d’administration. Lorsque la gestion des actifs financiers est déléguée, ni la
liste des actifs détenus, ni le montant exact des frais de gestion ne sont
documentés de manière détaillée et fiable. Lorsque la
gestion d’actifs est
internalisée, son coût n’est pas toujours lisible. Une définition harmonisée du
mode de calcul de la performance et des coûts de la gestion financière des
actifs permettrait en outre de comparer les choix de gestion et les rendements
financiers obtenus, à la fois dans le temps et entre les régimes.
II -
Les effets contrastés de la crise sanitaire
La crise a eu des effets limités sur le montant total des réserves des
caisses. Toutefois, plusieurs régimes ont été contraints d’en mobiliser un
e
fraction significative du fait de son impact sur la masse salariale (qui
constitue l’assiette des cotisations sociales), de mesures d’aides à leurs
affiliés ou encore de pertes exceptionnelles sur les marchés financiers.
581
Les
réserves de ce régime s’élèvent à 1 455 436 € par cotisant, le nombre de cotisants
(environ 8 700) étant moitié moindre que celui des retraités.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
675
A -
Un effet global limité en 2020
La crise sanitaire a eu pour conséquence une diminution limitée du
montant des réserves des régimes de retraites en répartition, qui est passé
de 130,4
Md€ fin 2019 à 124,9 Md€ fin 2020 en valeur comptable
582
(- 5,5
Md€). Leur montant en valeur de marché a dim
inué dans des
proportions similaires : il est passé de 156,6
Md€ fin 2019 à 151,7
Md€ fin
2020, soit - 4,9
Md€.
Dans la plupart des caisses professionnelles, les effets de la crise
ont été très circonscrits. Certaines caisses ont limité les reports de
coti
sations au printemps 2020 et les ont recouvrés avant la fin de l’exercice.
D’autres ont mobilisé les réserves de leur fonds d’action sociale ou de leur
régime d’invalidité
-décès sans recourir aux réserves de leur régime de
retraite. Tous les effets n’étaie
nt pas non plus visibles à la fin de 2020 : par
exemple, les cotisations définitives au titre d’une année des travailleurs
non-
salariés étant régularisées l’année suivante, les effets sur le RCI ne
seront bien établis qu’en 2022, au vu de l’arrêté des comp
tes 2021 du
CPSTI
583
.
Tableau n° 1 :
évolution des réserves les plus importantes
entre fin 2019 et fin 2020 par caisse en valeur de marché (hors FRR)
En Md€
Fin 2019
Fin 2020
Variation
Agirc-Arrco
66,7
62,6
- 6,1 %
RCI
18,8
17,1
- 8,8 %
Banque de France
14,7
14,9
+ 1,2 %
Ircantec
12,6
12,9
+ 2,2 %
Cipav
6,7
7,2
+ 7,2 %
Carmf
6,5
6,4
- 1,5 %
CRPNPAC
5,5
5,2
- 5,8 %
Source : Cour des comptes,
d’après les données des caisses
582
La valeur nette comptable correspond à la valeur d’achat des actifs diminuée de leur
amortissement ; elle est retracée dans les comptes annuels. La valeur de marché est la
valeur liquidative des actifs à une date donnée ; elle est généralement estimée par les
gestionnaires d’actifs.
583
Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) a été créé
en 2018, à la suite de l’intégration du RSI dans le régime général. Il est notamment
chargé de piloter le RCI et
la gestion des capitaux destinés à la mise en œuvre de ces
régimes.
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COUR DES COMPTES
676
Enfin, les caisses ont bénéficié de manière inégale du rebond des
marchés financiers en fonction de leur stratégie de placement. Le
rendement comptable
584
de leurs réserves a été positif en 2020 (+ 1,93 %),
bien qu’en repli par rapport à 2019 (+
5,89 %) et à la moyenne décennale
(+ 3,09 % par an). Certaines stratégies ont néanmoins été sources de
difficulté.
Un résultat financier de 2020 de l’Ircantec dégradé par le recours
à un instrument financier de gestion du risque
Dans le cadre d’un mandat confié à une société d’investissement,
l’Ircantec a mis en place, en 2018, un fonds dit de «
gestion dynamique du
risque », comportant des instruments financiers dérivés qui avaient vocation
à protéger la valeur de son portefeuille de réserves en cas de baisse des
marchés. Un mécanisme d’ajustement de ces instruments de couverture en
fonction de la baisse du cours des actions était prévu.
Cependant, ce mécanisme sophistiqué, dont les paramètres étaient
mal ajustés, n’a pas produit les résultats escomptés. Après avoir affecté la
performance du portefeuille de l’Ircantec en 2019, il s’est avéré très
pénalisant en 2020 dans la mesure où il a conduit à réduire automatiquement
l’exposition du portefeuille au marché actions, dans la phase de baisse, ce
qui n’a pas permis au portefeuille de bénéficier de l’important rebond des
marchés au second semestre. De ce fait, le régime a réalisé une
contre-
performance sur l’année 2020 (
- 3,49 % de rendement comptable).
Une provision pour dépréciation a réduit son résultat financier 2020 à
hauteur de 427
M€.
Cette perte enregistrée par l’Ircantec illustre les difficultés qu
e
peuvent rencontrer les caisses à faire coïncider une stratégie de détention
d’actifs à long terme cohérente avec l’horizon de mobilisation de leurs
réserves, et le souhait de se prémunir contre une baisse immédiate de la
valeur de leur portefeuille de titres, à des fins notamment de communication
externe.
584
Les rendements comptables sont calculés de la manière suivante : résultat financier
de l’année n divisé par l
es AARR
de l’année n
-1 en valeur nette comptable.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
677
B -
Le rôle clef des réserves de précaution dans la crise
sanitaire
: le cas de l’Agirc
-Arrco
Dès le début de la crise sanitaire, le déploiement massif de
l’activité partielle dans les entreprises
585
et les délais accordés pour le
paiement de leurs cotisations ont eu comme conséquence une diminution
importante du volume des cotisations encaissées par le régime
Agirc-Arrco : seulement 87 % du montant des cotisations attendues sur
2020 ont été versées. Le tota
l des cotisations s’est élevé à 75,8
Md€ en
2020, en diminution de 4,7 % par rapport à 2019 (79,6
Md€). Cette baisse
historique s’explique par une diminution de 5,3
% de la masse salariale des
salariés du secteur privé
586
.
Le montant des allocations versées est passé de 81,2
Md€ en 2019
à 82,8
Md€ en 2020 (+
1,93 %). La valeur de service du point de retraite a
été maintenue inchangée au 1
er
novembre 2020.
Le contexte de marché était jugé inadapté pour procéder à des
ventes
immédiates
d’actifs
financiers,
qui
auraient
occasionné
d’importantes moins
-values. La fédération Agirc-Arrco a donc rapidement
mis en place des solutions pour pallier les difficultés de financement des
échéances de prestations. Elle a mobilisé des actifs de court terme de sa
réserve, transféré des liquidités des institutions de retraite complémentaire
(IRC) vers la fédération pour un montant total de 3,7
Md€, et procédé à des
opérations de cession de parts de fonds pour un montant total de 1,9
Md€.
Au total, le régime a terminé l’exercice 2
020 avec un déficit
technique de 5,3
Md€ (contre un excédent de 237
M€ en 2019). Les produits
financiers issus de la gestion des réserves, d’un montant de 1,2
Md€, ont
toutefois permis de contenir le déficit total à 4,1
Md€. En conséquence, les
réserves du
régime ont diminué d’un montant équivalent (elles sont passées
de 74,1
Md€ en 2019 à 70
Md€ en 2020 en valeur comptable).
Ces résultats ont eu un effet sur le pilotage du régime, dont l’accord
de 2019 prévoit que les réserves doivent demeurer supérieures à six mois de
prestations à un horizon de 15 ans
587
. Comme cet objectif était remis en
585
L’activité partielle a eu pour conséquence de réduire la masse salariale sur laquelle
sont assises les cotisations sociales des régimes de retraite.
586
Dont - 0,9 % sur les effectifs en emploi et
, compte tenu de l’activité partielle,
- 4,4 %
sur le salaire moyen par tête.
587
La Cour a analysé les évolutions récentes du régime dans son rapport public annuel
pour 2020 :
La retraite complémentaire Agirc-Arrco : des efforts de redressement et de
rationalisation à poursuivre
.
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COUR DES COMPTES
678
cause
588
, le conseil d’administration a, conformément aux statuts du régime,
exercé son devoir d’alerte auprès des partenaires sociaux. Ceux
-ci se sont
réunis à l’été 2021 a
fin de rechercher des mesures permettant de replacer le
régime sur une trajectoire d’équilibre et de garantir sa pérennité. L’accord
trouvé a confirmé la règle selon laquelle les réserves doivent représenter au
moins six mois de prestations et, pour la respecter, autorisé le conseil
d’administration à minorer la revalorisation des pensions jusqu’à 0,5 point
de moins que l’inflation en novembre 2021 et 2022.
La fédération Agirc-
Arrco ne gère directement qu’une partie de
l’encours de réserves, la gestion fina
ncière du solde étant confiée aux
différents groupes de protection sociale (GPS) qui la composent. À cet
égard, la Cour a recommandé dans son rapport public annuel pour 2020 de
renforcer le rôle d’arbitrage de la fédération
pour l’ensemble du
portefeuille des réserves, entre niveau de risque accepté, rendement
financier et frais de gestion.
C -
Des mesures de soutien à l’activité pour atténuer
l’impact de la crise sanitaire
1 -
La CRPNPAC : des mesures d’avance de trésorerie
La forte réduction de l’activité du tr
ansport aérien en 2020 a
justifié la mise en place d’un dispositif de report de cotisations patronales
afin de soulager la trésorerie des compagnies aériennes. Le versement de
ces cotisations a été reporté jusqu’en 2024, pour un montant de 126
M€
enregistré en créances dans les comptes de la caisse au 31 décembre 2020,
auquel s’ajouteront 667
M€ de reports estimés de 2021 à 2023.
Sous l’effet de plans de départs en fin d’année, les prestations
versées par la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de
l’aéronautique civile en 2020 ont augmenté de 33,3
M€, pour atteindre
674,7
M€, tandis que les cotisations ont chuté de 182,4
M€ et
représentaient 371,3
M€. En conséquence, le déficit
technique de la caisse
avoisinait 50
% des dépenses pour l’exe
rcice 2020. La réalisation de
produits financiers et exceptionnels à hauteur d’environ 250
M€ en 2020 a
permis de limiter le déficit total à 66
M€. Les réserves de la caisse ont
diminué d’environ 300
M€ en valeur nette comptable (passant de 4,34
Md€
fin 2019 à 4,08
Md€ fin 2020).
588
Les projections établies à l’automne 2020
faisaient apparaître un résultat technique
négatif sur toute la période de 2020 à 2033, et un niveau de réserves inférieur à six mois
de prestations dès 2026, qui ne représenterait plus que trois mois de prestations en 2033.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
679
Les réserves, en partie réorientées vers des placements monétaires
qui seront mobilisés pour faire face aux dépenses jusqu’en 2024, sont ainsi
utilisées pour contribuer au financement des prestations. En complément,
une hausse du
taux d’appel des cotisations, porté à 111
% en 2024, permettra
d’augmenter les ressources. La crise sanitaire et ses conséquences à moyen,
voire long terme sur le secteur du transport aérien ont sérieusement affecté
les équilibres actuariels du régime, qui
reposaient sur l’hypothèse d’une
croissance élevée des effectifs et du salaire moyen des personnels navigants.
La Cour estime que des mesures ambitieuses de rétablissement de ces
équilibres devront être rapidement discutées et mises en œuvre.
2 -
Le RCI : un prélèvement pour financer des aides ponctuelles
À
l’occasion de la crise sanitaire, le régime complémentaire des
indépendants a mis en place plusieurs mesures exceptionnelles au profit de
ses affiliés
: réduction de cotisations, plans d’apurement et remis
es de
dettes
589
. Du fait des aides exceptionnelles, de la réduction des cotisations
et de l’augmentation nette des provisions pour dépréciations d’actifs, le
montant des réserves en valeur comptable a été ramené de 15,3
Md€ fin
2019 à 13,6
Md€ fin 2020.
Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants a
enfin décidé une aide exceptionnelle aux indépendants dont l’activité avait
été affectée au printemps 2020. Cette aide, financée par un prélèvement sur
les réserves, a représenté une dépense totale de 974
M€. L’emploi de
réserves à d’autres fins que le financement des prestations de retraite a été
circonscrit à ce seul régime.
Pour mesurer complètement l’impact de la crise sanitaire sur le
RCI, il conviendra de tenir compte des mesures ayant conduit à réduire en
pratique de moitié l’assiette des cotisations provisionnelles payées en 2020,
non mesurables au moment de la présente enquête.
D -
L’inadaptation persistante du cadre réglementaire
Les caisses ont traversé la crise sanitaire avec un cadre
règlementaire daté en ce qui concerne le placement de leurs actifs.
589
Mesures prises en application des articles 65 et 67 de la loi n° 2020-935 du
30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
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COUR DES COMPTES
680
Le décret du 25 octobre 2002
590
prévoit que les caisses doivent se
doter d’un règlement financier, comprenant un document décrivant les
objectifs et modalités de placement des réserves, les conditions de recours
à un gestionnaire et les obligations d’information à la charge de ce dernier.
Il prévoit également que le conseil d’administration des caisses approuve
chaque année les orientations générales de la politique de placement ainsi
que la liste des actifs pouvant être détenus
591
.
Cependant, il a été considéré que l’actualisation des règles de
gestion des réserves, prévue par le décret du 9 mai 2017
592
, avait été
invalidée par le Conseil d’État
593
. Celui-
ci a en effet jugé qu’en imposant
aux caisses des placements dégageant des «
liquidités sûres et garanties
pour chacune des dix premières années suivant l’entrée en vigueur du
décret
» et en interdisant toute détention de positions ne contribuant pas à
cet objectif, le pouvoir réglementaire faisait peser sur les caisses des
contraintes manifestement excessives. Nonobstant des avancées en matière
de déontologie, de transparence des portefeuilles, de formation des
administrateurs et de formalisation du pilotage, le décret de 2017 n’a donc
pas pu entrer en vigueur dans sa totalité.
Des dispositions trop contraignantes
: l’exemple de la Carmf
En 2017, la Caisse autonome de retraite des médecins de France
détenait environ 6 Md€ de réserves constituées à partir de 1996 dans le but
de couvrir les déficits prévisionnels du régime à partir de 2016. Une
obligation d’adossement sur dix ans aurait obligé la caisse à réorienter la
majorité de ses investissements vers des actifs obligataires au moment
même où les taux d’intérêt étaient à leur plus bas niveau histor
ique, voire
négatifs. D’après les calculs de la caisse, le d
ifférentiel de rendement sur
10 ans aurait atteint 1,8
Md€. Les réserves auraient été épuisées dès 2033,
alors que la caisse prévoyait qu’elles restent positives jusqu’en 2038.
590
Décret n° 2002-1314 du 25 octobre 2002 relatif à l
’
organisation financière des
régimes d
’
assurance vieillesse des travailleurs non-salariés des professions non
agricoles et de certains régimes spéciaux et modifiant le code de la sécurité sociale et
le code de l
’
aviation civile.
591
Seuils ou plafon
ds par classe d’actifs, dont 34
% d’obligations au moins, 5
%
d’actions de sociétés à capital variable non cotées et parts de FCP à risque au plus, 10
%
de prêts et dépôts au plus, 20
% d’immob
ilier au plus.
592
Décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l
’
organisation financière de certains
régimes de sécurité sociale.
593
Conseil d’État, arrêt
n° 412177 et autres du 26 novembre 2018.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
681
Ainsi, dix ans après la crise financière de 2008-2010, les caisses
ne disposaient pas d’un dispositif rénové pour faire face à cette nouvelle
crise venant perturber le financement de la sécurité sociale
594
.
La nécessaire rénovation du cadre réglementaire des régimes en
répartition devrait amener leur gouvernance à expliciter la stratégie à
moyen et long terme et à définir une doctrine d’emploi des réserves dans
son document relatif à la politique de pilotage du régime. L’enquête de la
Cour a montré que les caisses ayant défini
une stratégie claire d’emploi des
réserves veillaient à une gestion financière cohérente avec celle-ci.
La règlementation devrait insister sur la mise en cohérence du
montant des réserves et de l’allocation des actifs correspondants avec les
prévisions de solde technique des régimes, de sorte que la recherche de
rendements puisse être optimisée. Les caisses dont les réserves ont pour
objet de financer des déficits techniques prévisionnels à échéance longue
doivent pouvoir y consacrer des actifs gérés sur une durée comparable avec
une prise de risques mesurée.
La fixation de proportions uniformes d’actifs par classe (actions,
obligations, immobilier, etc.) pour la gestion financière des réserves
s’avère peu pertinente. Plutôt que de réglementer dans le déta
il les supports
d’investissement des caisses, il serait préférable de leur ouvrir la possibilité
de recourir à l’ensemble des placements autorisés par les articles R.
332-2
et suivants du code des assurances.
D’une manière générale, il apparaît nécessaire de construire une
capacité d’expertise extérieure aux caisses de retraite afin d’apprécier la
solvabilité à long terme des régimes, la performance de leur gestion
financière et les risques associés. Cette expertise pourrait se déployer au
sein des administrations de tutelle ou être confiée à un organisme
indépendant.
La période récente illustre en outre l’inadaptation de l’instrument
réglementaire à la rapidité des évolutions de marché. Il a en effet fallu un
décret spécifique pour autoriser la CRPNPAC à déroger au décret du
25 octobre 2002 pour la répartition de ses actifs. Il pourrait être pertinent
de confier la mission d’accorder ces dérogations à un organisme externe.
594
La reprise des dispositions du décret du 9 mai 2017 dans le décret n° 2019-718 du
5 juillet 2019 procédant au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du
code de la sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants, aux articles
R. 139-1 et suivants de ce code, introduit en outre une incertitude sur les effets
juridiques des dispositions par ailleurs invalidées par le Conseil d’État.
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COUR DES COMPTES
682
Enfin,
cette réglementation n’est ac
tuellement applicable ni à
l’Ircantec, ni au Régime d’allocation viagère des gérants de débits de tabac
(qui n’a d’ailleurs pas de conseil d’administration), ni à l’Agirc
-Arrco (bien
que
ce
régime
détienne
la
moitié
des
réserves
des
régimes
complémentaires
). L’autonomie de gestion des partenaires sociaux a
justifié dans le passé cette restriction de son champ d’application.
Cependant le fait que les régimes complémentaires des salariés du secteur
privé soient financés par des prélèvements obligatoires pourrait justifier
une solution différente, si un nouveau texte adaptait les règles d’allocation
d’actifs en donnant une plus grande latitude aux conseils d’administration.
E -
Une mobilisation de la quasi-totalité des réserves
du
FRR à l’issue de la crise sanitair
e
1 -
Un reversement à la Cnav dans un calendrier défavorable
La loi prévoyait un reversement à la Cnav à partir de 2020 de la
fraction de la soulte IEG
595
gérée depuis 2005 par le FRR. Le montant de
cette soulte, augmentée de ses produits financiers (au total 5
Md€), a été
versé le 29
juillet 2020. L’opération a nécessité la vente par le FRR de
1,65
Md€ d’actions et de 2,78
Md€ d’obligations, le solde provenant de
liquidités du fonds.
La liquidation de ces actifs en vue d’un versement unique s’est
effectuée de manière sous-optimale. En effet, de fortes tensions sur la
trésorerie de l’Acoss découlant de la crise sanitaire et les difficultés de
l’établissement à prévoir ses besoins au jour le jour ont conduit à précipiter
les cessions, qui sont intervenues à une valeur de marché inférieure à celle
de l’exercice précédent (5,43
Md€ fin 2019). Cet épisode témoigne des
risques financiers liés à la mobilisation hâtive de réserves lorsque les
instruments dans lesquels elles sont investies ne les destinent pas à un usage
de court terme.
595
L’adossement du régime spécial des industries électriques et gazières (IEG) au
régime général en 2005 nécessitait une soulte pour couvrir la différence entre les
cotisations recouvrées et versées dans l’avenir par le régime général. Une part
représentant 40 % de la soulte a été confiée en 2005 au FRR,
chargé d’en assurer
la
gestion pour le compte de la Cnav.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
683
2 -
Une affectation des réserves résiduelles du FRR
au financement des dettes sociales
Fin 2020, les réserves du FRR s’élevaient à 23,1
Md€ en valeur
nette comptable (26,1 Md€ en valeur de marché). Parallèlement, 136
Md€
de dettes liées aux déficits de la sécurité sociale ont été transférées à la
Cades en 2020. Au-
delà des affectations prévues jusqu’en 2024, pour un
montant total de 10,5
Md€ sur la période 2020
-2024, les réserves
résiduelles du FRR sont désormais orientées vers le remboursement de
cette nouvelle dette, «
dans la limite des réserves du fonds
»
596
, sous la
forme de contributions supplémentaires annuelles
597
à partir de 2025 pour
un montant global estimé à ce stade à 13,05
Md€. De ce fait, la quasi
-
totalité
598
de l’actif du FRR est dés
ormais engagée en faveur de la Cades.
Le maintien de la dénomination historique du fonds entretient
donc la confusion : à l’heure actuelle, le FRR ne détient plus de réserves
destinées à financer des pensions de retraite dans le futur ; il est utilisé pour
financer les déficits des différentes branches de la sécurité sociale.
Au regard des besoins de financement du régime général, il est peu
probable que des recettes fiscales et sociales puissent contribuer à
reconstituer ce fonds de réserves. En tout cas
, l’objectif consistant à
constituer des réserves d’environ 150
Md€ en 2020, jugé nécessaire lors de
la création du Fonds pour lisser la hausse des cotisations au régime général,
n’a pas été atteint et ne semble plus susceptible de l’être.
Plusieurs évolutions sont envisageables. La suppression du FRR
et le transfert d’un éventuel surplus
599
à la Cades pourraient être envisagés,
au regard de l’inadaptation de ses moyens actuels à ses objectifs initiaux.
Une alternative consisterait à confier au FRR la gestion de réserves de
précaution de la Cnav, sous réserve que soit restauré l’équilibre structurel
du régime général. Le fonds aurait dans ce cas pour objectif d’absorber les
impacts financiers liés à la conjoncture économique, selon une règle
prudentielle
comp
arable
à
celles
de
l’Agirc
-Arrco
ou
du
Nachhaltigkeitsrücklage.
L’élargissement de cette mission de lissage des
impacts conjoncturels à l’ensemble des branches de la sécurité sociale
pourrait aussi être envisagé.
596
Loi n° 2020-
992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie
.
597
Selon la loi, la contribution supplémentaire sera de 1,45
Md€
par an.
598
L’écart entre la valeur de marché de l’actif et la valeur actuelle du passif s’élevait
entre 6,1 Md€ et 6,6 Md€ au
second semestre de 2021.
599
Cf. note de bas de page n° 598.
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COUR DES COMPTES
684
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’existenc
e de réserves est un atout pour les régimes de retraite
par répartition. Elle permet de lisser dans le temps l’évolution des
paramètres, voire de préserver leur équilibre en dépit d’un solde technique
négatif. La mobilisation des réserves à des fins de tré
sorerie ou d’aides
financières, comme cela a été le cas en 2020 en raison de la crise sanitaire,
témoigne de leur utilité dans un cadre plus ponctuel.
Les réserves ont le plus souvent été constituées sans en définir les
objectifs et parfois sans les prendre en compte dans le pilotage du régime,
ce qui invite à engager une réflexion stratégique sur leur rôle à l’avenir.
La crise a en effet montré que la mobilisation de réserves de moyen-long
terme dans l’urgence, dans un contexte de marché dégradé, n’était
pas
optimale.
Des éléments de cadrage harmonisé devraient être recherchés en
ce qui concerne les normes comptables applicables aux réserves,
notamment afin d’améliorer la mesure de la performance et la
transparence des frais de gestion. Le cadre règlementaire doit être
assoupli pour amener les régimes à élaborer des stratégies de constitution
et d’emploi des réserves cohérentes avec leurs horizons de pilotage. Face
à la volatilité des marchés financiers, qui a atteint un niveau inédit en
2020, l’instrument
réglementaire ne paraît plus adapté pour autoriser les
caisses à déroger aux normes de répartition des actifs. Plus généralement,
la capacité d’expertise extérieure aux caisses de retraite –
au sein des
tutelles ou d’un organisme indépendant –
et destinée à apprécier la
solvabilité à long terme des régimes et la cohérence de leur gestion
financière, doit être renforcée. Enfin, il est indispensable de redéfinir la
nature et les missions du Fonds de réserves pour les retraites.
En conséquence, la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
harmoniser la définition comptable des actifs admis en représentation
des réserves, des produits financiers et des frais de gestion sous l’égide
de l’Autorité des normes comptable
s, afin de permettre le suivi et la
comparabilité des données financières (DSS, DB, DG Trésor) ;
2.
actualiser le cadre réglementaire de la gestion des réserves des caisses
de retraite, en recherchant la mise en cohérence de leur gestion
financière avec leurs projections de moyen et long terme (DSS, DB,
DG Trésor) ;
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
685
3.
construire
une capacité d’expertise –
au sein des administrations de
tutelle ou d’un organisme indépendant –
destinée à apprécier la
solvabilité à long terme des régimes, la cohérence de leur gestion
financière et les risques associés, et à établir un parangonnage des
résultats de ces gestions (DSS, DB, DG Trésor) ;
4.
t
ransférer l’actif résiduel du Fonds de réserve pour les retraites à la
Caisse d’amortissement de la dette sociale, ou redéfinir sa nature et
ses missions (DSS, DB, DG Trésor).
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Réponses
Réponse du Premier Ministre
.................................................................
689
Réponse du Gouverneur de la Banque de France
...................................
692
Réponse du président directoire du Fonds de réserve pour les retraites . 693
Reponse du directeur
général du GIE
Agirc-Arrco
...............................
696
Réponse du directeur de la Caisse autonome de retraite des médecins
de France (CARMF)
...............................................................................
697
Réponse du directeur de la Caisse d’assurance vieillesse des experts
-
comptables et commissaires aux comptes (
Cavec
)
.................................
698
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations
Monsieur le directeur du Conseil de la protection sociale des travailleurs
indépendants (CPSTI)
Monsieur le directeur de la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-
dentistes et des sages-femmes (CARCDSF)
Madame la directrice de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance
des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues,
orthophonistes et orthoptistes (
Carpimko
)
Monsieur le directeur de la Caisse d’assurance vieillesse complémentaire
et d’invalidité
-décès des agents généraux et des mandataires non salariés
de l’assurance et de la capitalisation (
Cavamac
)
Monsieur le directeur de la Caisse d’assurance
vieillesse
des pharmaciens (CAVP)
Monsieur le directeur de la Caisse d’assurance vieillesse des officiers
ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires (
Cavom
)
Monsieur le directeur de Caisse nationale des Barreaux français (CNBF)
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COUR DES COMPTES
688
Monsieur le directeur général de la Caisse de prévoyance et de retraite des
notaires (CPRN)
Monsieur le directeur général de la Caisse de retraite du personnel
navigant professionnel de l’aviation civile (CRPNPAC)
Monsieur le directeur de l’Établissement
de retraite additionnelle de la
fonction publique (ERAFP)
Monsieur le président de l’Institution de retraite complémentaire de
l’enseignement et de la création (IRCEC)
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Par courrier en date du 15 novembre 2021, vous m’avez transmis
un chapitre r
elatif au réserves des caisses de retraite dont j’ai pris
connaissance avec grand intérêt.
La typologie établie par la Cour à partir des pratiques et de la
situation des différents régimes rappelle les objectifs multiples de
constitution des réserves et analyse la manière dont elles ont été affectées
ou utilisées pendant la période de crise que nous connaissons actuellement.
La Cour esquisse des propositions ou perspectives d'évolution qui
appellent plusieurs remarques.
À titre liminaire, le rôle des réserves des régimes de retraite se pose
dans un contexte singulier compte tenu de la dégradation de la situation
financière. Cette analyse ne peut rester que partielle tant que la situation
sanitaire, avec ses impacts économiques, n'est pas pleinement normalisée.
Cette question ne peut par ailleurs pas être dissociée des évolutions plus
structurelles qui pourraient intervenir à l'occasion d'une réforme des
retraites, et soulever des interrogations plus générales quant aux
orientations relatives tant à l'organisation et la gouvernance du système
de retraite qu'à sa trajectoire financière.
En premier lieu, la Cour met en exergue l'hétérogénéité des usages
et du pilotage des réserves des différentes caisses de retraite, gérant à la
fois des régimes de retraite par répartition et par capitalisation. La
constitution de réserves ne s'impose pas
a priori
dans la situation des
régimes par répartition et ne procède pas en France, à la différence
d'autres pays, d'une logique d'ensemble poursuivant un objectif unique et
clairement défini (rendement, équilibrage à court ou moyen terme du cycle
économique, lissage d'effets démographiques de long terme). Au contraire,
les régimes ont constitué des réserves selon des objectifs qui leur sont
propres. Cette fragmentation a incité les régimes à constituer des réserves
pour assurer leur sécurité financière et leur pérennité, et a aussi rendu
possible l'accumulation d'excédents par ceux favorisés par leur
démographie et leur base contributive.
L'existence de ces réserves, dont le niveau total demeure relativement
limité en comparaison des dépenses de retraite, jour un rôle marginal sur le
pilotage financier du système, notamment au sein des régimes de base.
Comme la Cour le montre, ces réserves n'ont ainsi pas eu, à l'occasion de la
crise sanitaire, un effet décisif sur la soutenabilité des régimes ni leur
capacité à mobiliser des fonds dans un contexte de réduction imprévue de
leurs ressources. Les réserves constituées se sont avérées faiblement
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COUR DES COMPTES
690
mobilisables pour faire face à des besoins de trésorerie à court terme,
notamment dans un contexte de marché où les ventes d'actifs se traduiraient
par d'importantes moins-values. Si les réserves d'une des caisses
particulièrement affectée par la crise (la CRPNPAC) ont permis de faire face
à ses besoins de trésorerie, d'autres régimes ont employé une partie de leurs
fonds sans rapport direct avec la gestion des retraites
–
comme le versement
d'aides aux cotisants par les caisses de travailleurs indépendants.
Concernant l'objectif de « rendement » poursuivi par certaines
caisses, il convient néanmoins de reconnaitre que les réserves constituées
dans le cadre d'un régime par répartition peuvent, pour certains régimes
dont l'assise démographique et financière est limitée, compenser des chocs
de court terme (lissage de trésorerie), de moyen terme (lissage
macroéconomique) ou de long terme (lissage démographique)
–
Ces
réserves ne sauraient donc être constituées à des seules fins de rendement,
dont le produit viendrait se substituer de manière pérenne à un ajustement
des cotisations ou des prestations.
Par ailleurs, la recherche de performance financière induit des
stratégies de placement plus risquées pouvant surexposer certaines caisses
au regard des horizons d'investissement pertinents et des exigences de
passif les concernant. Si le rendement des réserves reflète en partie le
degré de qualité de gestion de ces fonds et la pertinence des choix de
placement, il correspond également au choix d'allocation effectué par les
caisses selon leurs besoins de financements à plus ou moins long terme. Ce
choix n'est pas toujours explicité par les caisses : à cet égard, il
conviendrait, comme la Cour le propose, de formaliser ce choix dans un
cadre stratégique défini par les instances dirigeantes des caisses, sous le
contrôle des tutelles. De la même manière, il conviendrait de formaliser
les analyses et les informations produites sur les réserves en harmonisant
notamment les définitions comptables.
S'il apparaît nécessaire de rénover le cadre réglementaire de la
gestion des réserves dans les régimes par répartition, les règles concernant
la politique de placements des réserves ne peuvent toutefois reprendre à
l'identique celles en vigueur dans le secteur assurantiel, en particulier
parce que l'affiliation à ces régimes est obligatoire et induit donc un
modèle économique et financier différent de celui des produits d'assurance
dont la souscription est facultative. Par ailleurs, les différents régimes ont
des
modalités
de
fonctionnement
qui
reflètent
les
évolutions
démographiques propres à la population qu'ils couvrent : les caisses
doivent en tenir compte dans leur politique de placement.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
691
L'encadrement réglementaire actuel des réserves des caisses reste
perfectible, notamment depuis l'annulation par le Conseil d'État du décret
n
o
2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains
régimes de sécurité sociale. Ce décret comportait d'ailleurs des avancées
en matière de déontologie, de transparence des portefeuilles, de formation
des administrateurs et de formalisation du pilotage des réserves par les
caisses. Les remarques de la Cour pour la fixation d'un cadre commun sont
pertinentes tout comme l'analyse selon laquelle la « réglementation devrait
insister sur la mise en cohérence du montant des réserves et de l'allocation
des actifs correspondants avec les prévisions de solde technique des
régimes ». Le cadre réglementaire devrait davantage organiser le dialogue
entre les organismes et les tutelles sur les conditions d'élaboration et de
validation de la stratégie d'investissement, sa mise en œuvre et son
évolution en fonction des circonstances, dans l'objectif d'une exposition
appropriée au risque. Les services ministériels disposent d'une capacité
d'évaluation de la soutenabilité des régimes et de la pertinence stratégique
de leurs placements. Celle-ci pourrait être utilement renforcée car cette
fonction est au cœur de la mission confiée aux tutelles de protection des
intérêts des régimes et de leurs affiliés.
Enfin, les constats et recommandations de la Cour sur l'avenir du
fonds de réserve pour les retraites (FRR) touchent aux modalités plus
globales du pilotage financier de la sécurité sociale.
La vocation initiale du FRR, qui était d'accompagner le financement
du système des retraites et de lisser la transition démographique, a en effet
été élargie, comme le rappelle la Cour, puisque ses ressources ont été
utilisées par le législateur dès 201 1 afin d'amortir une dette sociale qui
n'avait pas pour seule cause le champ de la retraite, dans un contexte où
le financement des retraites a avant tout reposé sur les mesures
d'ajustements prises dans le cadre des différentes réformes.
En raison d'importants déficits de la branche retraite et du FSV, la
loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a par ailleurs
prévu de prolonger les versements annuels à la CADES jusqu'à 2033. Le
niveau des réserves du fonds s'en trouve de nouveau réduit : 9,7 Md€ d'ici
2033 dans le scénario médian. Ce « surplus », qui représente la différence
entre la valeur de marché de l'actif et la valeur actuelle du passif, permet
de concilier le paiement du passif exigible et l'investissement avec des
perspectives de rendement positives dans la durée, grâce à la recherche
d'un équilibre rendement risque optimal. Toute réflexion sur le rôle futur
du FRR doit tenir compte de la nécessité d'une bonne gestion à long terme
des actifs qu'il gère. En tout état de cause, ce surplus s'avère sans commune
mesure avec les enjeux d'équilibre des retraites d'une part et apparaît
relativement insuffisant pour viser un objectif de rendement significatif
d'autre part.
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COUR DES COMPTES
692
Aussi, confier au FRR un rôle de gestion des réserves de précaution
de la CNAV afin d'assurer une mission de lissage des impacts
conjoncturels sur la gestion de trésorerie du régime, n'apparaît pas
nécessaire dès lors que les besoins de trésorerie sont actuellement gérés
par l'ACOSS.
RÉPONSE DU GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE
Vous m'avez adressé le 15 novembre dernier un chapitre « Les
réserves des caisses de retraite à l'épreuve de la crise sanitaire », destiné
à figurer dans le rapport public 2022 de la Cour des comptes, auquel vous
m'invitez à répondre.
Ce courrier fait suite à l'envoi le 10 septembre dernier du relevé
d'observations provisoires établi à l'issue d'une enquête de la Cour des
comptes sur les réserves des caisses de retraite auquel j'ai répondu par un
courrier daté du 11 octobre adressé à Monsieur Denis Morin, Président de
la sixième chambre.
Je constate avec satisfaction que nombre des commentaires que j'ai
formulés ont été pris en compte et j'en remercie la Cour des comptes.
Toutefois, je déplore le maintien d'un
encart spécifique à la Banque
de France ; certes, sa rédaction a été amendée si bien que la présentation de
son régime de retraite me parait davantage équilibrée : je note en particulier
l'ajout d'un point absolument essentiel à savoir que l'engagement de l'État a
été consenti en contrepartie d'un engagement de gestion rigoureuse de la
Banque de France qui a été tenu.
Je rappelle que l'effectif de la Banque de France a été ramené de
13 972 ETP à 9 535 ETP entre fin 2005 et fin 2020 dont, sur le seul plan
stratégique 2016-2020, une baisse des effectifs de 22 % et une réduction des
dépenses nettes des activités de 13 % en euros constants, soit une économie
annuelle récurrente de 137
M€ venant conforter le résultat distribuable.
Ces évolutions, fruit d'un effort collectif des femmes et des
hommes de la Banque de France, montrent que la réforme publique est
possible mais elle doit être mieux valorisée publiquement.
Par ailleurs, je suis surpris de lire que « L 'ampleur de cette
opération
–
consistant à provisionner intégralement les engagements d'un
régime fonctionnant par répartition
–
aurait
justifié un débat
parlementaire pour en examiner l'opportunité et les implications en termes
d 'équité ». D'une part, le régime ne peut être comparé à un régime par
répartition pur et simple puisque par sa conception, les engagements futurs
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
693
ne sont pas couverts année après année, mais provisionnés pour leur
entièreté. D'autre part, il n'y a pas lieu à un débat parlementaire s'il devait
se substituer à la gouvernance comptable et financière de la Banque de
France : les engagements futurs sont audités et certifiés par les
Commissaires aux comptes de l'institution et les provisionnements
nécessaires validés par son Conseil général avec en son sein plusieurs
membres désignés par les présidents des deux Assemblées, et un
représentant de l'État actionnaire. Aussi, je suggère la suppression de ce
commentaire.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTOIRE DU FONDS
DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES
Le chapitre au rapport public annuel 2022 de la Cour des comptes,
intitulé « Les réserves des caisses de retraite à l'épreuve de la crise
sanitaire appelle de ma part les observations suivantes.
Prenant appui sur le fait que les missions actuelles du FRR (apport
de recettes à la CADES afin d'amortir la dette sociale) diffèrent de ses
missions initiales (contribuer au financement des retraites à compter de
2020), la Cour évoque dans son rapport, parmi les évolutions
envisageables, l'hypothèse d'une suppression du FRR.
Cette perspective ne saurait recueillir mon assentiment, notamment
parce qu'elle occulte l'apport du FRR au financement de notre système de
protection sociale et de notre économie.
En conclusion de ses recommandations, la Cour suggère de
transférer « l'actif résiduel » du FRR, également appelé « surplus à la
CADES ou de redéfinir sa nature et ses missions.
5.
La performance du FRR, investisseur responsable de long terme, est
supérieure au coût de la dette publique et créatrice de valeur nette
pour les finances sociales
Dans la perspective de recherche d'un équilibre rendement-risque
raisonnable, le surplus constaté à un instant donné (un peu plus de 6
Md€
aujourd'hui), n'est pas un « actif résiduel » mais un indicateur (différence
entre la valeur de marché de l'actif et la valeur actuelle du passif) qui
traduit la gestion prudente des actifs. Il permet, grâce à la sécurité qu'il
apporte, de payer le passif exigible et de continuer à investir avec des
perspectives de rendement positives dans la durée.
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COUR DES COMPTES
694
Une autre manière de traduire le degré de sécurité du paiement du
passif est le ratio de financement (rapport entre la valeur de marché de
l'actif et la valeur actuelle du passif) qui est aujourd'hui d'un peu plus
de 130 0/0.
Ces deux indicateurs de risque expriment une seule et même réalité
et renvoient à une logique de pilotage des actifs à moyen et long terme.
En supposant qu'il existerait un « actif résiduel l'apport à la CADES
envisagé par la Cour ne prend pas suffisamment en compte la nécessité,
quelles que soient les missions futures du FRR, de lui laisser un horizon de
gestion assez long pour optimiser son rendement financier dans l'intérêt
des finances publiques.
En outre, dans un contexte marqué par des taux d'intérêt bas, voire
négatifs, un investisseur de long terme ne peut atteindre cet objectif qu'en
investissant, de façon maîtrisée, dans des actifs plus volatils et beaucoup
plus diversifiés que les obligations considérées comme les plus sûres mais
qui entrainent un risque élevé du fait des taux d'intérêt qu'elles portent
(obligations gouvernementales ou d'entreprises très bien notées).
Ainsi, grâce à une grande diversification de ses actifs, le FRR a
enregistré, depuis 2011, une performance nette de frais de +4, 7 0/0 par
an, soit un rendement notablement supérieur au coût de la dette de la
CADES pendant la même période. Cela a permis de créer une valeur
financière nette pour les finances publiques évaluée aujourd'hui à 14
Md€.
6.
Le FRR contribue au financement de l'économie et, ainsi, au
financement du système de retraite
Au-delà de cette création de valeur financière nette, le FRR est
porteur d'externalités positives également précieuses pour la collectivité.
Il contribue naturellement, par ses investissements dans les
entreprises françaises, au financement de l'économie, de la relance, de
l'innovation et de la transition énergétique. Ce faisant, il soutient la
croissance durable de l'économie et de l'emploi, variables essentielles pour
assurer le financement de notre système de retraite.
C'est pourquoi la réflexion sur le futur rôle du FRR doit privilégier
à la fois une bonne gestion à long terme des actifs actuellement gérés par
le FRR et l'ajout, le moment venu, de nouvelles missions permettant de faire
bénéficier la collectivité de l'expertise reconnue et acquise au fil des ans
par cet établissement public et ses équipes.
Rapport public annuel 2022
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
695
7.
À chaque étape de l'évolution de ses missions, le législateur a
toujours entendu inscrire la politique financière du FRR dans une
perspective de long terme
La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie s'est
bien inscrite dans cet esprit en fixant au FRR un passif à l'horizon 2033.
En outre, le projet de loi instituant un système universel de retraite,
adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 3 mars 2020, a
également pris en compte cette expertise acquise et reconnue en ouvrant
au Fonds de réserve universel la faculté d' « assurer la gestion financière
des actifs qui lui sont confiés par tout organisme public ou privé en vertu
d'une disposition législative ou réglementaire ou d'une convention ».
8.
Le Conseil de surveillance du FRR est très attaché à la notion
d'investissement de long terme et à la promotion d'une finance
responsable
Plus récemment, les échanges que j'ai eus avec le Conseil de
surveillance et sa Présidente se sont conclus par un vœu exprimé par cette
instance dans sa réunion du 2 décembre der
nier. Dans ce vœu, le Conseil
constate tout d'abord que le FRR est créateur de valeur pour la sphère
sociale et pour l'économie. Il estime que les compétences du FRR, en
matière de conception d'allocations d'actifs et de sélection de prestataires
de services financiers, à travers des procédures d'appels d'offres ou
d'analyse
de
fonds
d'investissement
destinés
à
une
clientèle
professionnelle, font de lui un outil susceptible d'offrir des services à
d'autres organismes.
A ces deux compétences de base s'ajoute une expertise avérée en
matière d'investissement responsable (intégration de critères ESG dans la
gestion des actifs). Elle constitue, dans un contexte de transformation de
notre modèle énergétique et de croissance, un atout supplémentaire pour
gérer les risques financiers et un cadre pour appréhender le caractère
global des mutations en cours et les opportunités d'investissement qui en
résultent.
Pour toutes ces raisons, le Conseil de surveillance considère que les
perspectives de suppression du FRR ou du transfert de son surplus à la
CADES seraient inappropriées et déséquilibreraient profondément un
modèle de gestion d'actifs efficace qui, pour le demeurer, doit s'inscrire
dans la durée.
Au bout du compte, quelles que soient les caractéristiques de la
prochaine réforme des retraites, la capacité technique du FRR d'élargir le
champ de ses missions, autre hypothèse envisagée par la Cour, demeure
pleine et entière.
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COUR DES COMPTES
696
RÉPONSE DU DIRECTEUR
GÉNÉRAL DU GIE AGIRC-ARRCO
Par courrier du 15 novembre 2021, vous nous invitez à formuler nos
remarques sur un chapitre appelé à figurer dans le rapport public annuel
2022 de la Cour.
Nous avons pris connaissance, avec la plus grande attention, de ce
chapitre intitulé «
Les réserves des caisses de retraite à l’épreuve de la
crise sanitaire ».
Vous relevez que le pilotage pluriannuel de l’Agirc
-Arrco intègre
l’enjeu de préservation de réserves et soulignez combien ces réserves ont
effectivement joué un rôle clé dans le contexte de crise, permettant de faire
face à une baisse historique des cotisations en 2020.
Les réserves de l’Agirc
-Arrco ont effectivement permis « de lisser
dans le temps l’évolution des paramètres du régime et de préserver
l’équilibre en dépit d’un solde technique négatif. La mobilisation des
réserves à des f
ins de trésorerie ou d’aides financières, comme cela a été
le cas en 2020 en raison de la crise sanitaire, témoigne de leur utilité dans
un cadre plus ponctuel ».
Face à une situation inédite et compliquée liée à la crise sanitaire,
l’Agirc
-Arrco est ainsi restée au rendez-vous de ses objectifs tout en
continuant à préparer l’avenir. Le pilotage technique, solide, prudent,
prospectif et robuste mis en œuvre par les partenaires sociaux, associé à
une gestion solide des réserves pendant la crise, ont permis
à l’Agirc
-Arrco
d’assurer la continuité des activités fondamentales du régime tout en
contribuant de façon significative au financement de l’économie, par le
soutien aux entreprises, aux actifs et retraités fragilisés.
En 2015 et 2017, le choix des partenaires sociaux, de mettre en
place un pilotage stratégique basé sur un ratio de sécurité exigeant le
maintien d’un niveau de réserves représentant l’équivalent d’au moins six
mois d’allocations annuelles, et ce, sur un horizon de quinze ans, est donc,
au-de
là d’un simple enjeu de « réserve de précaution », une garantie de
pérennité et en même temps un gage de confiance dans la retraite
complémentaire.
En effet, le pilotage du régime implique la détention, au-delà d'une
réserve de fonds de roulement, d'un niveau de réserve technique qui doit
être en adéquation avec les rôles de celle-ci, en termes de sécurité,
d’élément de gestion pluriannuelle et de régulation, sans oublier le rôle
important joué par le montant élevé des réserves du régime Agirc-Arrco
sur le
financement de l’économie française.
Rapport public annuel 2022
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
697
C’est également une modalité d’exercice de la responsabilité des
partenaires sociaux qui doivent disposer de l’ensemble des leviers
nécessaires. C’est cette complète responsabilité de gestion des partenaires
sociaux, sans aucun recours à la dette, qui justifie leur autonomie tant sur
le pilotage que sur la gestion de ces réserves. Les partenaires sociaux ont
ainsi toujours su prendre les mesures nécessaires pour garantir la
pérennité et la stabilité du régime. La Cour des comptes avait dressé, dans
son rapport de 2014 sur le pilotage des régimes Agirc et Arrco, un bilan
favorable de la gouvernance paritaire tant dans sa méthode que dans ses
résultats.
La qualité de ce pilotage et de cette gestion suppose la maitrise de
l’ensemble des leviers et une parfaite maitrise qui pourrait être perturbée
par la mise en place d’un cadre d’harmonisation ou de contrôle uniforme
à tous les régimes.
L’Agirc
-Arrco demeure cependant attachée à rendre compte de son
action et de ses résultats de manière totalement transparente.
RÉPONSE DU DIRECTEUR DE LA CAISSE AUTONOME
DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF)
Le chapitre au rapport public annuel 2022 de la Cour des comptes,
intitulé « Les réserves des caisses de retraite à l'épreuve de la crise
sanitaire appelle de ma part l’observation suivante
:.
Dans le chapitre, il pourrait être signalé que la CARMF a entamé
une approche de répartition provisionnée dès 1996. Cette dernière a
d’ailleurs conduit à une très forte augmentation des réser
ves du régime
complémentaire passant, après affectation du résultat de l’exercice, de
496
M€ à fin 1995 à 5
682
M€ à fin 2020. Ces réserves sont destinées à
financer les déficits techniques jusqu’en 2038.
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COUR DES COMPTES
698
RÉPONSE DU DIRECTEUR
DE LA CAISSE D’ASSUR
ANCE
VIEILLESSE DES EXPERTS-COMPTABLES ET COMMISSAIRES
AUX COMPTES (CAVEC)
À titre liminaire votre demande du 15 novembre s'adresse au
directeur de la CAVEC, or l'article R 121-2 du code de la sécurité sociale
dispose : « les organismes sont représentés de plein droit et dans tous les
actes de la vie civile par leur Président qui peut déléguer ses pouvoirs au
directeur par mandat spécial ou général ». En conséquence, cette réponse
a été rédigée conjointement par le Président et le Directeur.
A la lecture du chapitre devant figurer dans le rapport public annuel
2022 de la Cour, la CAVEC comprend que ce rapport se limiterait à la
synthèse et à l'éclairage particulier lié à la crise sanitaire et ne reprendrait
pas l'ensemble des éléments du relevé d'observations provisoires relatifs
aux « réserves des caisses de retraite » adressé le 10 septembre dernier.
Cette synthèse est naturellement mais malheureusement à la fois
réductrice et lacunaire. Nous tenons à rappeler que nous faisions état dans
notre précédente réponse du 11 octobre 2021 de la qualité de l'analyse
adossée à de très nombreuses informations fournies par les caisses de
retraite de ce rapport provisoire. En raison de la confidentialité de ce
document, nous limiterons nos observations au chapitre : « les réserves
des caisses de retraite à l'épreuve de la crise sanitaire ».
Nous notons avec satisfaction que vous relevez que « l'existence de
réserves est un atout pour les régimes de retraite par répartition. Elle
permet de lisser dans le temps l'évolution des paramètres, voire de
préserver leur équilibre en dépit d'un solde technique négatif ». La CAVEC
a décidé très tôt la mise en œuvre de ce modèle de financement dit de
répartition provisionnée de son régime complémentaire au prix d'une « sur
cotisation » des affiliés au cours des périodes économiques fastes, effort de
cotisations permettant aujourd'hui aux régimes de présenter des
perspectives de viabilité à long terme (10 ans de prestation).
Ces réserves constituent un élément fondamental de solidarité
intergénérationnelle.
Toutefois, dans le présent rapport, vous relevez dans votre
conclusion que « Les réserves ont le plus souvent été constituées sans en
définir les objectifs et parfois sans les prendre en compte dans le pilotage
du régime, ce qui invite à engager une réflexion stratégique sur leur rôle à
l'avenir ».
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
699
Nous considérons que nous ne sommes pas concernés par cette
affirmation. En effet, le dispositif de répartition provisionnée mis en place
par la CAVEC est accompagné d'un pilotage annuel du régime, ce pilotage
qui s'inscrit dans l'équilibre à long terme permet d'ajuster les paramètres
lorsque cela est nécessaire.
Une commission dite « prospective » analyse en détail, avec l'appui
d'actuaires
indépendants,
l'ensemble
des
paramètres
susceptibles
d'impacter les réserves de la CAVEC : nombre d'entrants et de sortants,
rémunération à l'entrée, rapport entre le nombre de diplômés et le nombre
d'inscrits à la CAVEC, nombre d'inscriptions respectives en statut salarié
et indépendant, rendement des placements mobiliers et immobiliers, etc. À
partir de ces multiples données incluses dans une cartographie des risques,
elle réalise des simulations, établit des scenarii qui aboutissent à la
formulation de propositions pour la valeur des points d'achat et de service.
Concernant vos recommandations : Bien qu'elles s'adressent à
I'État, elles appellent de notre part certaines observations.
La première
Les administrateurs de la CAVEC tous Experts-comptables et
Commissaires aux comptes ne peuvent que souscrire à la première
recommandation concernant « l'harmonisation de la définition comptable
des actifs admis en représentation des réserves et des frais de gestion sous
l'égide de l'Autorité des normes comptables, afin de permettre le suivi et la
comparabilité des données financières ». Il serait d'ailleurs souhaitable
que cette harmonisation du PCUOSS avec le plan comptable général soit
globale et proche.
La deuxième
« Actualiser le cadre réglementaire de la gestion des réserves des
caisses de retraite, en recherchant la mise en cohérence de leur gestion
financière avec leurs projections de moyens et long terme ».
Ce point concerne le paragraphe intitulé « l'inadaptation persistante
du cadre réglementaire ». La Cour relève l'invalidation par le Conseil
d'État du décret du 9 mai 2017. Bien qu'invalidé, ce texte est publié sur
Légifrance et les codes privés (Dalloz, Litec, etc.) alors que la
réglementation de 2002, en vigueur a disparu. De plus nous nous
permettons de faire remarquer que l'arrêté prévu le concernant n'a jamais
été publié. Cet état de fait crée une « incertitude ». Nous apprécions à sa
juste valeur ce qualificatif.
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COUR DES COMPTES
700
Par ailleurs, la CAVEC n'avait pas attendu pour mettre en œuvre
certains
dispositifs
:
déontologie,
formation
des
administrateurs,
formalisation du pilotage au moyen d'un rapport annuel dit EIRSIP élaboré
par la commission prospective (voir ci-dessus) et tout récemment une
démarche de transparisation des placements intégrant une démarche ISR.
Nous relevons le souhait de la Cour d'abroger le cadre actuel en
donnant une plus grande latitude aux conseils d'administration de recourir
à l'ensemble des placements autorisés par le code des assurances.
Cependant nous souhaitons rappeler que la directive européenne
solvability 2 n'est pas applicable aux régimes de retraite et que l'État se
refuse à toute sur-transposition.
En conséquence, nous comprenons mal la mise en cohérence
proposée dans la recommandation car d'une part elle contredit
l'affirmation précédente et d'autre part elle fait fi de l'histoire et du sens
des responsabilités des gestionnaires des régimes ayant constitué des
réserves dans ce rapport.
Si une réglementation devait exister, elle devrait plutôt concerner
les régimes tant complémentaires que de base ou spéciaux aux réserves
absentes ou insuffisantes.
La troisième
Construire une capacité d'expertise -au sein des administrations de
tutelle ou d'un organisme indépendant destinée à apprécier la solvabilité
à long terme des régimes, la cohérence de leur gestion financière et les
risques associés, et à établir un parangonnage des résultats de ces gestions
Sur ce point également seul l'État est interpellé. Néanmoins nous
tenons à faire un certain nombre d'observations.
La CAVEC comme d'autres régimes complémentaires a constitué
volontairement des réserves sans pour autant y être contrainte tant par une
quelconque obligation légale que réglementaire démontrant ainsi sa
capacité d'initiative et l'intérêt d'une gestion autonome et responsable.
De plus, la logique d'un système de répartition excluait
théoriquement la constitution de réserves.
Concernant le parangonnage, nous regrettons l'absence de
publication des annexes qui comparait les informations des différents
régimes sur les 10 dernières années. De plus, nos placements sont
systématiquement rapprochés des informations publiques, le CAC 40 par
exemple.
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LES RÉSERVES DES CAISSES DE RETRAITE
701
Il nous semble utile de rappeler les dispositifs existants :
Le cadre des décisions
s'exerce conformément au règlement financier
prévu par la réglementation 2002. Le Conseil d'administration désigne
une commission des placements qui arbitre, assisté par un consultant
indépendant, et décide
in fine
sur les propositions de cette commission
de l'allocation stratégique.
La nature des placements
: La CAVEC gère ses placements auprès de
fonds. Ces fonds sont conformes à une notice validée par l'autorité des
marchés financiers, le respect de cette notice étant certifiée par un
Commissaire aux comptes.
Les contrôles privés internes et externes
: Outre les contrôles exercés
par le directeur et le directeur comptable et financier de la CAVEC et
d'un comité d'audit. Les contrôles externes constitués d'un dispositif de
co-commissariat et d'un dépositaire indépendant.
Les contrôles publics externes
: Toutes les décisions de placement sont
transmises à la Direction de la Sécurité Sociale qui dispose du pouvoir
d'en suspendre l'exécution jusqu'à décision du Ministre chargé de la
Sécurité Sociale. De même lui sont transmis les états financiers annuels
mettant entre-autre en évidence tant les éventuelles provisions que les
plus-values latentes.
Les contrôles occasionnels
: la Cour des comptes ou l'inspection
générale des affaires sociales (IGAS) Le dernier contrôle de l'IGAS
ayant été réalisé il y a moins de 3 ans.
Nous considérons cette recommandation comme superflus eu égard
au dispositif existant.
Un des termes de l'alternative de confier une telle mission à la
tutelle ne nous semble pas être pertinent eu égard aux exemples moult fois
mis en exergue par la Cour dans ses différents rapports.
L'autre terme de l'alternative consistant à créer une structure ad'
hoc mériterait une étude d'impact sur les coûts et avantages. La création
d'une telle structure nous semble contraire aux diverses observations de la
Cour sur la profusion de structures indépendantes.
Nous affirmons qu'une telle disposition est en outre contraire aux
dispositions du Code de la Sécurité sociale qui a consacré l'existence des
régimes autonomes de retraite professionnels. Elle est susceptible de
remettre en cause la gouvernance de ses institutions et les droits reconnus
par la loi aux élus de ces institutions et affiliés, à une gestion autonome de
leur régime de retraite.
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COUR DES COMPTES
702
Concernant la crise sanitaire
Les décisions prises par le Conseil d'Administration de la CAVEC
lors de cette crise sanitaire représente un exemple de bonne maîtrise de la
gestion des réserves. En effet, les positions prises l'ont toujours été à la vue
de critères objectifs : préserver l'équilibre financier de la caisse tout en
répondant de la manière la plus efficace possible aux affiliés de la caisse
dans le besoin en cette période de pandémie.
Ainsi, le Conseil d'Administration de la CAVEC a pris dès le
23/03/2020 des mesures d'aides significatives à destination des affiliés
directement concernés par la crise en ciblant les situations individuelles
plutôt que de procéder à une distribution généralisée :
Les affiliés atteints du covid 19, exclus du dispositif des IJ CNAM
Les affiliés dont l'exercice professionnel a été fortement perturbé par la
période de pandémie.
Les affiliés cotisants individuels et employeurs par des mesures
d'aménagement de règlement des cotisations.
La quatrième
« Transférer l'actif résiduel du Fonds de réserve pour les retraites
à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, ou redéfinir sa nature et
ses missions »
Cette recommandation est le dur constat d'échec d'un dispositif de
lissage intergénérationnel géré par l'État. Sa mise en place en 1999 pour
atteindre 150Md€ en 2020 pour concourir au service des pensions du
papyboom
de 2020 à 2040 n'a résisté ni à la dérivation de ses ressources
ni aux besoins budgétaires court-termistes pour servir au financement
d'autres déficits sociaux, le dernier avatar étant constitué par la
liquidation hâtive et inopportune de la fraction de la soulte IEG ;
liquidation qualifiée par la Cour de « sous-optimale ».
Le constat de la Cour justifie sa proposition de liquidation par
transfert définitif des fonds à la CADES chargée du portage des déficits
cumulés de l'ensemble des régimes sociaux.
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