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4
Les mesures fiscales de soutien
aux entreprises
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Comme dans la plupart des pays de l’OCDE, des mesures de nature
fiscale ont été prises en France pour soutenir les entreprises face à la crise
sanitaire. Du fait de l’effondrement de l’activité économique à la suite du premier
confinement, ce
rtaines d’entre elles ont très vite rencontré des problèmes de
trésorerie et des difficultés à s’acquitter de leurs obligations fiscales.
Trois types de mesures fiscales ont ainsi contribué, en plus des
autres dispositifs d’urgence, au soutien des entreprises. D’une part, les
mesures de trésorerie ont visé à soutenir la liquidité des entreprises dès
mars 2020. D’autre part, des baisses exceptionnelles d’impôt décidées par
le Parlement ont soutenu les secteurs particulièrement affectés par la crise.
Enfin, des aménagements, dits de « bienveillance » fiscale, ont permis de
prendre en compte les difficultés rencontrées par les entreprises pour
déposer leurs déclarations d’impôt ou répondre aux demandes de
l’administration dans les délais habituels. Au même titre, l’engagement de
nouveaux contrôles fiscaux a été suspendu.
La direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction
générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ont ainsi réagi très
rapidement dans un contexte sanitaire contraignant. Elles ont modulé ces
mesures au plus près des évolutions de la situation sanitaire, avant de les
clôturer progressivement au premier semestre de 2021. Certaines diminutions
temporaires d’impôt concernent en revanche les exercices 2020 à 2023.
Si les mesures de trésorerie ont apporté aux entreprises un soutien
appréciable, quoique d’une ampleur modeste comparé aux autres mesures
dont elles ont bénéficié, certains facteurs ont contraint la gestion de ces
mesures et affecté la qualité de leur suivi (I). Par ailleurs, des baisses
d’impôt temporaires et ciblées, d’un montant de près de 4 Md€, ont été
mises en place (II). Enfin, si l’administration a su s’adapter pour rendre
les aménagements de la gestion des impôts accessibles à tous les
redevables concernés, elle doit renforcer le contrôle du respect des
conditions qui, dans certains cas, permettaient d’en bénéficier (III).
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606
Schéma n° 1 :
chronologie des principales mesures fiscales de soutien
aux entreprises touchées par la crise en 2020
Source
: Cour des comptes d’après données DGFiP et DGDDI
.
IS : impôt sur les sociétés, TVA : taxe sur la valeur ajoutée, TICPE : taxe intérieure de consommation sur les
produits énergétiques, CFE : cotisation foncière des entreprises.
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LES MESURES FISCALES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
607
I -
Les mesures de soutien à la trésorerie
des entreprises : une mise en place rapide,
un suivi insuffisant
A -
Un calendrier fiscal aménagé avec réactivité
pour soutenir la trésorerie des entreprises
Dès le 4 mars 2020, la DGFiP a mobilisé les marges de manœuvre
dont elle dispose sans modification législative ou réglementaire pour
soutenir la trésorerie des entreprises confrontées aux conséquences de
l’épidémie de covid
19. Elle a ainsi autorisé le report du paiement de leurs
impôts directs ou de leurs dettes fiscales sur simple demande et pris des
mesures pour accélérer le remboursement des créances fiscales qui leur
étaient dues. Des mesures d’accélération des remboursements ont aussi été
mises en œuvre par la DGDDI.
1 -
Des reports de paiement accordés à droit constant et modulés
selon l’évolution de la situation sanitaire
Les paiements des impôts directs des entreprises s’échelonnent tout
au long de l’année. L’impôt sur les sociétés (IS) est ainsi payé en cinq
versements, tandis que la taxe foncière (TF) est mensualisée ou acquittée en
un seul versement le 15 octobre. La cotisation foncière et la cotisation sur la
valeur ajoutée des entreprises (CFE et CVAE) font l’objet d’acomptes versés
en cours d’année et d’une régularisation ultérieure de leur solde.
Au cours d’une année donnée, l’administration peut, de son propre
chef, décaler ces dates de paiement. La DGFiP a mis en œuvre ces reports de
paiement d’impôts directs dans des délais très brefs
: les reports de paiement
d’impôts directs et de dettes fiscales ont été les premières
mesures mises en
œuvre dès le 4 mars 2020, soit avant le premier confinement, pour les
entreprises en faisant spontanément la demande, avant qu’un communiqué
de presse et l’envoi d’un courriel à l’ensemble des redevables professionnels
ne donnent plus d’am
pleur au dispositif le 13 mars.
La DGFiP a ensuite adapté ces reports au plus près de l’évolution de
la situation sanitaire et économique. Les premiers reports concernant
l’impôt sur les société (IS), la taxe sur les salaires et la contribution à
l’audiovi
suel public des professionnels ont été consentis pour une durée de
trois mois et leur paiement a été régularisé en juin 2020. Les échéances de
juin ont alors pu être reportées vers le mois de septembre (IS, CFE, taxe
sur les salaires). Par la suite, et en
cohérence avec la reprise de l’activité
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608
économique durant l’été 2020, la DGFiP n’a pas prévu de report des
échéances de septembre. Enfin, face à une nouvelle dégradation de la
situation sanitaire à l’automne 2020, elle a annoncé la possibilité de
reporter de trois mois le paiement de la taxe foncière et celui de la CFE.
En 2021, la DGFiP n’a plus proposé aux entreprises de report
d’échéances, mais a continué d’accorder des facilités de paiement, au cas
par cas, aux redevables qui en ont sollicité le bénéfice.
2 -
Jusqu’à 2,3
Md€ de paiements d’impôts reportés
sur une durée de trois à neuf mois
Les données de recouvrement des impôts permettent d’estimer les
montants d’impôts reportés et leur répartition au cours de l’année 2020.
Schéma n° 2 :
estimation et temporalité des principaux paiements des
principaux paiements
d’impôt
s reportés par les entreprises en 2020
Source
: Cour des Comptes d’après données DGFiP
.
Note
: L’estimation de l’aide en trésorerie pour une période donnée s’obtient en additionnant les paiements
repor
tés pour chaque impôt durant cette période. Par exemple, en novembre 2020, l’encours des reports
d’impôts est estimé à 1,32
Md€, dont 720
M€ au titre de la CFE et 600
M€ au titre de la taxe foncière.
Entre 830
M€ et 2
Md€ ont ainsi été reportés de mars à
juin 2020.
Les montants ensuite reportés de juin à septembre ont été compris entre
1,52
Md€ (800
M€ au titre de l’IS et 720
M€ au titre de la CFE) et
2,22
Md€ (1,5
Md€ au titre de l’IS et 720
M€ au titre de la CFE). L’encours
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LES MESURES FISCALES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
609
des reports de paiement a atteint son maximum (2,32
Md€) entre le 15 juin
et le 15 juillet 2020, en retenant une hypothèse haute concernant l’IS
(1,5
Md€ au titre de l’IS, 720
M€ au titre de la CFE et 100
M€ concernant
la taxe sur les salaires).
Ces estimations offrent un ordre de gra
ndeur de l’effet des mesures
de report. Elles ne résultent pas d’un dispositif de suivi précis mais reposent
sur des hypothèses de recouvrement conventionnelles.
La quasi-totalité des reports a été régularisée par les entreprises à la
date convenue avec l
a DGFiP. En effet, celles qui n’étaient pas en mesure
d’acquitter les versements dus à l’issue du report ont pu demander leur
étalement sur des durées allant jusqu’à 36 mois dans le cadre des plans de
règlement des dettes fiscales. Ces plans ont toutefois porté sur un montant
total limité à 63,1
M€ en 2020, dont 48,5
% ont été remboursés avant
juillet 2021.
3 -
Des mesures d’accélération des remboursements de créances
fiscales nombreuses mais pas toujours quantifiables
En complément des reports de paiement, l’
administration fiscale
s’est efforcée d’accélérer le remboursement des créances qu’elle devait aux
entreprises.
En mobilisant les marges dont elles disposent à droit constant, la
DGFiP et la DGDDI ont réduit leurs délais de remboursement des crédits
de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de taxe intérieure sur la
consommation sur les produits énergétiques (TICPE), en dépit des
contraintes importantes que l’épidémie a fait peser sur leur organisation au
printemps 2020
498
.
La part des remboursements de crédits de TVA traités en moins
de 30 jours est ainsi passée de 89 % en 2019 à 92,7 % en 2020. Cette
accélération était d’autant plus nécessaire que le ralentissement brutal de
l’activité économique a eu pour conséquence une hausse des créances de
TVA détenues par certaines entreprises. En effet ces dernières, ayant
acquitté une TVA déductible sur leurs fournitures avant la crise, ont ensuite
collecté une TVA inférieure sur leurs ventes, du fait du ralentissement ou
de l’arrêt de leur activité. Au total, les remb
oursements de TVA accordés
ont crû de 5,7
Md€ (+
18,9 %) au premier semestre de 2020 par rapport
aux six premiers mois de l’année 2019.
498
Cf. chapitre du présent rapport,
Les administrations fiscales et douanières
.
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COUR DES COMPTES
610
De même, les remboursements aux transporteurs routiers, en raison
du tarif réduit de TICPE dont ils bénéficient sur leurs carburants, ont vu
leur traitement accéléré par rapport à 2019. La DGDDI a réalisé ces
remboursements dans un délai moyen de 11 à 12 jours en 2020, contre 12
à 16 jours en 2019 et 31 jours en 2018. Cette réduction des délais est liée à
la dématérialisation des demandes et au regroupement des services chargés
de leur traitement, qui ont été amorcés en 2015. Recommandé par la
Cour
499
, ce regroupement restait cependant inachevé avant la crise et doit
être poursuivi.
Par ailleurs, l’administration fiscale a proposé puis mis en œuvre des
dispositifs adoptés en loi de finances ou par décret contribuant à accélérer
le versement de créances aux entreprises.
La DGDDI a ainsi ramené à trois mois la fréquence des
remboursements de crédits de TICPE aux transporteurs routiers (contre une
fréquence semestrielle auparavant). Si le décret instaurant ce nouveau
calendrier a été adopté le 2 juin 2020, les transporteurs ont pu adresser des
demandes en ce sens dès la seconde quinzaine de mai, permettant à la
DGDDI d’en anticiper le traitement. Depuis 2020, les transporteurs routiers
perçoivent ainsi quatre remboursements de TICPE contre deux auparavant.
Pour sa part, com
me l’y a autorisé la troisième loi de finances
rectificative (LFR 3) pour 2020
500
, la DGFiP a accéléré le remboursement
des créances de report en arrière de déficits
501
. Ces créances naissent
lorsqu’une entreprise reporte son déficit d’une année sur le résulta
t qui
avait servi à établir son impôt sur les sociétés de l’année précédente. Elle
génère ainsi une créance d’impôt qui est habituellement remboursée sous
la forme d’une déduction de l’IS à payer au cours des cinq années
suivantes. Pour permettre une mobilisation plus rapide de ces créances, la
LFR 3 pour 2020 a offert aux entreprises la possibilité de demander le
remboursement immédiat, par virement bancaire, de celles qu’elles
détenaient au titre des exercices clos depuis 2015.
Les montants remboursés aux entreprises au titre des reports en
arrière de déficit ont atteint 106,3
M€ en 2020 (+
12,2
%) et s’établissaient
à 1,15
Md€ à fin septembre 2021
502
.
499
Cour des comptes,
La direction générale des douanes et droits indirects, un
recentrage nécessaire
, rapport public thématique, septembre 2020 et Rapport public
annuel 2014,
Les missions fiscales de la Douane : un rôle et une organisation à
repenser
, février 2014.
500
Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020
article 5.
501
Dispositif dit de «
carry back
».
502
Dont 780
M€ relatifs à une seule opération concernant un établissement bancaire.
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LES MESURES FISCALES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
611
En l’absence de données exhaustives, l’effet de l’ensemble des
mesures d’accélération des remboursements s
ur la trésorerie des
entreprises ne peut être évalué précisément. Cependant, la forte progression
des demandes de remboursement montre que nombre d’entreprises
concernées ont recouru à ces mesures.
B -
Une gestion des reports complexe
et un suivi insuffisant
1 -
Des applications informatiques qui ont pesé sur la gestion
des reports de paiement
Le système d’information de la DGFiP a globalement permis de
faire face à la crise sanitaire. Cependant, celle-ci a à nouveau mis en
exergue des limites déjà soulignées par la Cour concernant la rigidité de
certaines applications
503
.
Ainsi, les pénalités de retard étant habituellement calculées lors de
la liquidation du solde final d’IS, l’application de gestion (ACIS) ne permet
pas de modifier, avant cette étape, la date d’éch
éance et les montants des
acomptes
504
dus par les entreprises.
En conséquence, lorsqu’ils ont accordé des reports de paiement aux
entreprises, les services locaux de la DGFiP n’ont pas pu modifier les dates
limites de paiement dans l’application de gestion de l’IS. Celle
-ci a
continué à calculer les pénalités selon le calendrier habituel et les agents
ont dû supprimer manuellement chaque pénalité calculée à tort par
l’application. De même, les reports de paiement concernant l’acompte de
CFE ne pouvaient pas
être traités individuellement dans l’application de
gestion. Ils ont donc pris la forme d’une annulation automatique des
pénalités de retard pour toutes les entreprises des secteurs fragilisés par la
crise.
La mise en œuvre de ces mesures aurait été plus
efficiente
concernant l’IS et plus ciblée concernant la CFE, si elle avait été gérée
directement dans les applications de gestion de ces deux impôts.
503
Cour des comptes,
Les systèmes d’information de la DGFiP et de la DGDDI
,
communication
à la commission des finances de l’Assemblée nationale, avril 2019.
504
Seule la m
odulation exceptionnelle des acomptes d’IS selon le résultat prévisionnel
des entreprises a pu être intégrée à l’application de gestion, à partir de 2021.
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612
2 -
Des données de suivi insuffisantes par rapport aux enjeux
de pilotage et de communication
Faute de pouvoir
instruire les reports de paiement d’impôts directs
dans leurs applications de gestion, les agents de la DGFiP les ont
enregistrés dans des fichiers tenus à jour manuellement.
Ces tableaux visaient à recenser les entreprises bénéficiaires de ces
mesures, e
n précisant l’impôt concerné et le type de mesure sollicitée pour
chaque décision. Ces enregistrements ont été de qualité très inégale et n’ont
pas permis de conserver le niveau de précision initialement souhaité lors
de la consolidation nationale des données.
De plus, la méthode de comptabilisation des services locaux n’a pas
été parfaitement homogène, qu’il s’agisse de l’accélération des
remboursements ou du cumul de montants reportés à plusieurs reprises.
Enfin, les flux enregistrés dans ces fichiers n’
ont pas pris en compte le
report de l’acompte de CFE du mois de juin.
Il résulte de ce suivi interne imparfait une incertitude sur le montant
cumulé de reports de 3,6
Md€ indiqué par l’administration, qui agrège des
reports de durées variables, ainsi que sur sa décomposition par impôts. Une
même incertitude affecte le montant des remboursements accélérés de
crédits d’impôt, qui s’établissaient à 18,6
Md€ fin 2020 et à 27,8
Md€ au
1
er
juillet fin 2021 selon la DGFiP. Au demeurant, ce chiffrage additionne
les montants figurant dans les demandes adressées par les entreprises, et
non les montants effectivement remboursés plus rapidement. Par ailleurs,
le
Rapport économique, social et financier
annexé au PLF pour 2021
estimait à 14
Md€ le montant des crédits d’impôt ayant fait l’objet d’un
remboursement anticipé en 2020
505
, en se fondant sur l’écart entre la
trajectoire des remboursements prévue pour 2020 avant la crise et leur
rythme réellement observé au cours de l’année.
La Cour regrette la fiabilité et la précision insuffisantes de ces
données de suivi eu égard aux enjeux. De plus, ces données ont été
présentées par le Gouvernement sans être assorties des réserves suffisantes
sur leur fiabilité et leur signification.
La DGFiP devrait donc s’assurer de disposer
des outils de suivi
permettant d’obtenir des informations fiables et précises sur les dispositifs
mis en œuvre, même en période de crise.
505
Rapport économique, social et financier
annexé au PLF pour 2021, p.17.
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613
C -
Une contribution limitée des mesures fiscales
de trésorerie à l’ensemble des dispositifs de crise
En comparaison avec les autres mesures prises en faveur de la
trésorerie des entreprises (140 Md
de prêts garantis par l’État
506
,
21,4 Md
de cotisations sociales reportées
507
), l’ampleur des reports
d’échéances fiscales reste modeste
: leur encours était compris entre
0,8
Md€ et 2,3
Md€ entre mars 2020 et mars 2021
selon la Cour. Leur
montant cumulé s’établissait à 3,6
Md€ au 1
er
juillet 2021 selon la DGFiP.
Des études économiques montrent que les reports de charges
fiscales relatives à l’IS et aux impôts de production
ont permis de préserver
environ 0,4 % des petites et moyennes entreprises françaises de difficultés
de liquidité face à la crise
508
, soit entre 10 et 15 000 entreprises.
C’est donc un nombre relativement restreint d’entreprises qui ont
été effectivement soutenues dans leurs besoins de liquidité par les mesures
fiscales de crise. La raison peut en être l’appui offert par les autres
dispositifs mais aussi la volonté des entreprises de ne pas accumuler de
dettes fiscales à régler ultérieurement alors qu’elles é
taient en mesure de
payer au moment de l’échéance.
L’effet des mesures fiscales de trésorerie a ainsi pu être relativement
marginal, d’autant qu’elles ne s’adressaient qu’aux seules entreprises
payant des impôts. Toutefois, ces mesures mises en
œuvre
rapidement ont
permis de répondre immédiatement aux éventuelles difficultés de trésorerie
des entreprises, créant un pont de liquidité le temps que soient mis en place
les dispositifs nécessitant une modification législative ou réglementaire.
506
Toutefois, la logique des
prêts garantis par l’État diffère dans la mesure où ce dernier
n’avance pas directement de liquidités aux entreprises dans le cadre des PGE.
507
Prêt garanti par l'État - Tableau de bord interactif | economie.gouv.fr et
Rapport final
du comité de suivi et d’évaluation des mesures
de soutien financiers aux entreprises
confrontées à l’épidémie de covid
19,
juillet 2021.
508
Gourinchas
et al
. (2020, rev.2021),
COVID-19 and SME failures, NBER Working
Paper Series
, n° 27877, National Bureau of Economic Research, septembre 2021.
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COUR DES COMPTES
614
II -
Des baisses temp
oraires d’impôts
de près de 4 Md€
A -
Des baisses de taxes de plus de 1,6 Md€
sur les produits destinés à la lutte contre l’épidémie
Dès le 20 mars 2020, la DGDDI a saisi la Commission européenne
pour mettre en œuvre une franchise des droits de douane et de TVA
concernant les importations de produits médicaux et sanitaires permettant
de lutter contre l’épidémie (masques, gants, visières
, gel hydroalcoolique,
vaccins, seringues notamment). Saisie par d’autres États membres, la
Commission européenne a autorisé cette exonération le 3 avril 2020
509
.
La DGDDI estime que ces mesures ont permis aux importateurs
concernés d’économiser entre 277 et
448
M€ pour leurs opérations
réalisées entre le 30 janvier 2020 et le 1
er
juillet 2021. Par ailleurs, Santé
publique France estime avoir économisé 1,3
Md€ (dont 0,5 Md€ au titre
des masques de protection et 0,6
Md€ au titre des vaccins). Au total, cette
mesure a donc diminué de plus de 1,6
Md€ les coûts supportés par les
importateurs des produits destinés à la lutte contre l’épidémie en 2020 et
au premier semestre de 2021.
De plus, un taux réduit de TVA à 5,5 % a été instauré en avril 2020
jusqu’au 31 décembre 2021 pour l’achat de masques et de produits
d’hygiène adaptés à la lutte contre la covid
19
510
. Cette mesure n’est pas
considérée par le Gouvernement comme une dépense fiscale et son effet
sur les recettes de TVA n’est pas mentionné dans les documents
accompagnant les projets de loi de finances
511
. En effet, ce taux réduit de
TVA n’a pas un caractère incitatif, mais fait partie des mesures destinées à
garantir l’accès de tous aux produits de première nécessité.
Par ailleurs, le maintien du taux de TVA de droit commun sur ces
produits aurait renchéri les coûts supportés principalement par les
établissements de soins et par Santé publique France.
509
Décision UE/2020/491 du 3 avril 2020, prise sur le fondement des articles 51 et
suivants de la directive 2009/132/CE du 19 octobre 2009.
510
Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020
articles 5 et 6.
511
Fascicule
Voies et moyens
annexé au projet de loi de finances pour 2021, tome II, p. 10.
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615
B -
Une prolongation de dépense fiscale de l’ordre
de 1,7
Md€, une information du Parlement limitée
Certaines entreprises, principalement dans le secteur du bâtiment et
des travaux publics (BTP), acquittent un taux réduit de TICPE sur le gazole
qu’elles consomment pour leurs en
gins de chantier (gazole dit
« non-routier », GNR). La loi de finances initiale pour 2020 avait prévu la
suppression progressive de cette dépense fiscale considérée comme «
non
vertueuse sur le plan environnemental dès lors qu’elle conduit à minorer
le coût d’énergies fossiles émettrices de dioxyde de carbone
»
512
. Le tarif
de TICPE acquitté pour le GNR consommé par ce secteur devait ainsi
augmenter en trois étapes pour rejoindre le tarif de droit commun au
1
er
janvier 2021, le premier jalon étant prévu le 1
er
juillet 2020.
Dans le contexte de la crise sanitaire et sur proposition du
Gouvernement, le Parlement a adopté un report de la hausse de TICPE
prévue le 1
er
juillet 2020, et son alignement au tarif de droit commun en
une seule étape le 1
er
juillet 2021. En juillet 2021, le Gouvernement a de
nouveau proposé le report de cette hausse, en prévoyant un alignement sur
le tarif de droit commun en une seule étape le 1
er
janvier 2023.
Au cours de son audition par la commission des finances de
l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du PLFR pour 2021, le
ministre de l’Économie, des finances et d
e la relance a indiqué que le maintien
d’une dépense fiscale défavorable à l’environnement posait «
une difficulté de
principe
»
513
, mais a souligné les effets négatifs de la crise sanitaire sur la
situation du secteur du BTP. Le Gouvernement a aussi justifié le second report
par un refus d’augmenter
« en une seule fois »
514
le tarif du GNR. Pourtant, le
Gouvernement est lui-
même à l’origine de cette trajectoire de hausse non
-
progressive, dont il a maintenu le principe dans le cadre du second report.
L’information présentée au Parlement lors de l’adoption de ces
mesures
est
demeurée
limitée.
Introduits
par
amendements
du
Gouvernement, ces reports n’ont pas fait l’objet de l’étude d’impact qui les
aurait accompagnés s’ils avaient été inclus dans un projet de loi
de
finances. Le coût net de ces mesures est évalué à 1,7 Md€ par la DLF.
Cependant, l’information fournie au Parlement dans les fascicules
Voies et
moyens
et dans le
Rapport économique, social et financier
annexés aux
PLF pour 2021 et 2022 ne permet pas de le reconstituer
515
.
512
Projet de loi de finances pour 2
020, exposé des motifs de l’article
16, p. 106.
513
Laurent Saint-Martin, rapport (n° 4215) fait au nom de la commission des finances,
de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances
rectificative pour 2021, déposé le 10 juin 2021, p. 56.
514
Idem
.
515
Ces documents ne présen
tent pas l’effet budgétaire de ces mesures sur l’exercice
2023 ni leur coût cumulé pour le budget de l’État.
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616
C -
Un dégrèvement et des crédits d’impôt spécifiques
dont les montants demeurent limités
La possibilité pour les collectivités d’accorder un dégr
èvement des
deux-tiers de la cotisation foncière des entreprises (CFE) appartenant aux
secteurs les plus fragilisés par la crise, a aussi constitué une mesure de
diminution temporaire d’impôt en lien avec la crise. Adopté en LFR
3
516
pour 2020, ce dégrèvement concerne les entreprises dont le chiffre
d’affaires est inférieur à 150
M€, et son coût pour les collectivités est pris
en charge par l’État à 50
%.
Cette mesure a été appliquée par 34,2 % des EPCI, soit 432 des
1 260 EPCI percevant 92,3 % du produit de la CFE, et par 188 communes.
Afin qu’il so
it déduit des paiements de CFE en décembre 2020, ce
dégrèvement, présenté par le Gouvernement le 10 juin, devait être adopté
avant le 31 juillet par les collectivités qui le souhaitaient. Ce délai restreint
contribue à expliquer que le recours à ce dispositif soit resté limité, malgré
la prise en charge de son coût à hauteur de 50
% par l’État.
Dans la plupart des cas, son montant a été déduit du solde de CFE à
payer en décembre 2020. Au titre de ce dégrèvement, la baisse de CFE a
été de 125
M€, répartie su
r environ 125 000 entreprises (pour un produit
total de CFE de 8,3
Md€ en 2020).
Par ailleurs, la LFI pour 2021 a instauré un crédit d’impôt au titre
des abandons définitifs des loyers d’entreprises au titre du mois de
novembre 2020. Ce dispositif visait à inciter les bailleurs à abandonner le
loyer du mois de novembre pour les entreprises locataires remplissant
certaines conditions (appartenance à un secteur en difficulté du fait de la
crise, effectifs de moins de 5 000 salariés notamment)
517
. Ces abandons
p
ouvaient être consentis jusqu’au 31
décembre 2021. Le coût de ce
dispositif est estimé à 75
M€ en 2021.
Enfin, un nouvel assouplissement temporaire des reports en arrière
de déficits fiscaux a été adopté en LFR 1 pour 2021
518
, afin de permettre
aux entreprises de constituer une créance fiscale plus importante dans le
cas où elles auraient constaté un déficit au cours de la crise sanitaire et
économique. Cette mesure devrait conduire à une augmentation des
créances imputables à l’IS, et diminuer d’autant le r
endement de cet impôt
au cours des cinq prochains exercices. Selon l’estimation communiquée au
Parlement, le coût de cette mesure serait de l’ordre de 400
M€.
516
Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020
article 11.
517
Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021
article 20.
518
Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021
article 1
er
.
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LES MESURES FISCALES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
617
III -
Des aménagements de la relation avec les
entreprises, des contrôles à accentuer désormais
A -
Des mesures dites « de bienveillance » ont complété
les mesures fiscales de crise
1 -
Une suspension temporaire des contrôles fiscaux conduisant à
une baisse significative des contrôles et des droits rappelés en 2020
L’engagement de nouveaux contrôles fiscaux a été
suspendu
pendant le premier confinement par l’ordonnance du 25 mars 2020
519
.
Au-
delà des difficultés concrètes liées à l’organisation des contrôles sur
place dans un contexte de recours important au télétravail, cette décision
se justifiait par la volonté de
l’administration de laisser les entreprises se
focaliser sur leur organisation face à la crise sanitaire et sur la recherche
des différentes possibilités de soutien. Elle a également permis à
l’administration de dégager du temps, des effectifs et du matér
iel
informatique au profit des missions considérées comme prioritaires (les
agents du contrôle étant mobiles pour une part importante d’entre eux, ils
disposaient du matériel de télétravail).
À partir de juin 2020, les contrôles sur place ont progressivement
repris, dans un premier temps seulement sur les procédures déjà engagées
avant le confinement, et sans débuter de nouveaux contrôles avant
septembre, sauf cas manifeste de fraude. Avec la poursuite de la crise
sanitaire, la reprise des contrôles s’est
faite progressivement, en ciblant plutôt
les entreprises relevant de secteurs n’ayant pas trop durement pâti de la crise.
Au total, 365 200 contrôles ont été menés en 2020, ce qui représente
une baisse de 17 % par rapport à 2019. Le nombre de contrôles sur place a
fortement baissé
: les contrôles sur place ayant abouti à un rappel d’IS ont
par exemple été divisés par deux (passant de 13 000 contrôles clos en 2019
à un peu plus de 6 000 en 2020). En parallèle, les contrôles sur pièces, qui
peuvent être réalisés à distance, ont diminué de 5 % en 2020 par rapport
à
2019 et ont porté en priorité sur l’IS, qui représente les volumes rappelés
les plus importants. Le montant des droits rappelés au titre des impôts
directs des entreprises de 2020 a ainsi diminué de 1,3
Md€ par rapport à
l’année 2019, passant de 3,8 à 2,5
Md
, soit une baisse de 34 %.
519
Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus
pendant la période d
urgence sanitaire et à l
adaptation des procédures pendant cette
même période.
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COUR DES COMPTES
618
2 -
La suspension des pénalités de retard, un périmètre plus large
qu’initialement souhaité à cause de rigidités informatiques
Afin de laisser aux entreprises le temps de s’adapter à l’épidémie,
l’administration fiscale avait souhaité suspendre les pénalités en cas de
retard de paiement des impôts directs. Or
l’application informatique qui
traite ces opérations ne permet pas de suspendre les pénalités selon un
traitement différencié pour chaque impôt.
Le 16 mars 2020, le traitement des pénalisations a été suspendu pour
toutes les natures d’imposition. Les pénalités concernant la TVA ont donc
été annulées, alors que les impôts indirects devaient être exclus du champ
des mesures de bienveillance, puisqu’il s’agit d’impôts collectés par les
entreprises pour le compte de l’
État. Les rigidités du système informatique
ont ainsi conduit l’administration à accorder des remises de pénalité
s
contraires aux orientations retenues.
3 -
Une communication ciblée sur les impôts directs,
un champ d’action de fait plus large
Si la DGFiP a concentré sur les impôts directs ses mesures de
souplesse et sa communication envers les entreprises, elle a en fait élargi
son intervention aux impôts indirects, mais par des voies différentes. Ainsi,
elle a pu inclure les impôts indirects dans les plans de règlement étendus
ou dans le champ de la suppression des pénalités de retard.
La TVA, si elle est exclue des mesures de report, est ainsi incluse
dans les possibilités de remboursement accéléré de crédits ou créances. Elle
a également fait l’objet, pendant le confinement de 2020, de l’établissement
d’acomptes forfaitaires ou d’évaluations approximatives. Les entrep
rises
dont le chiffre d'affaires avait été affecté par la crise sanitaire pouvaient par
exemple recourir à un acompte forfaitaire de 80 % du dernier mois
« normal », voire de 50 % pour les entreprises très fortement touchées
(mesures de fermeture totale notamment).
B -
Une volonté d’adaptation de l’administration fiscale
reconnue par les usagers
1 -
Une souplesse accrue
L’administration fiscale a, dès le début de la crise, allégé certaines
contraintes formelles afin de faciliter l’accès aux mesures fiscales
excep
tionnelles pour toutes les entreprises susceptibles d’en bénéficier.
Alors que, lors de la mise en place de ces mesures, les entreprises devaient
remplir un formulaire spécifique pour bénéficier d’un report, le formalisme
a été très rapidement allégé : dès le printemps 2020, un simple courriel
suffisait par exemple aux entreprises pour adresser leurs demandes de
reports d’échéances fiscales.
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619
Par ailleurs, l’administration a fait preuve de souplesse en reportant
les dates limites de dépôt de certaines décla
rations d’impôt (liasse fiscale
pour le calcul de l’IS, déclarations de TVA, formulaire de solde de CVAE),
en réponse aux difficultés rencontrées par certaines entreprises pour réunir
les informations nécessaires à ces déclarations au printemps 2020.
Pour
garantir l’accélération des remboursements de créances
fiscales (TVA ou IS), elle a aussi modifié dès le 18 mars les niveaux
d’habilitation pour augmenter la part des dossiers traités de façon
automatisée et permettre aux services locaux de prendre en compte des
demandes relevant normalement de l’administration centrale.
2 -
Des efforts notables de communication interne et externe
L’administration fiscale a renforcé ses canaux de communication
externe afin de s’assurer que l’existence des mesures fiscales de
bienveillance soit portée à la connaissance des usagers.
En plus des communiqués de presse, la DGFiP a tenté d’atteindre
directement le maximum d’entreprises par l’envoi généralisé de messages
électroniques («
massmails
») aux adresses référencées par les professionnels.
Cet envoi a été complété de divers autres canaux directs (foire aux questions à
destination des entreprises, numéro d’appel spécifique).
Au-
delà de ces instruments d’information et d’orientation, un
dialogue nourri et fréquent avec les différents acteurs privés a également
été mis en place. L’effort de pédagogie et de sensibilisation a aussi
concerné les acteurs publics locaux (préfectures, chambres de commerce et
d’industrie, Banque de France, etc.). Les échanges avec les acteurs publics
comme privés ont eu lieu à un rythme hebdomadaire au printemps 2020.
En interne, l’administration centrale a assuré une circulation de
l’information technique la plus utilisable possible
via
l’instauration d’une
foire aux questions interne, régulièrement alimentée et très opérationnelle.
Elle s’est également appuyée sur des espaces d’échanges communautaires
professionnels, les Wifip. Ces «
chats
» internes, spécialisés par impôt et
intégrant de façon large à la fois des agents de l’administration centrale et
du réseau, ont permis une communication directe entre agents et à
l’administration centrale de prendre en compte très rapidement les
interrogations formulées par les services locaux concernant l’application
de certaines mesures.
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620
3 -
Un souci d’ouverture vers l
es entreprises,
reconnu par ces dernières
L’action et la communication de l’administration fiscale ont été
organisées autour du maître-mot de bienveillance, réaffirmé à de multiples
reprises dans les communications internes, directement ou indirectement.
L
a foire aux questions interne précise par exemple qu’«
il convient
d'informer le contribuable de la suspension des délais afin de ne pas le
priver de ses garanties
».
Une
consultation
réalisée
auprès
d’entreprises
via
leurs
représentations professionnelles a permis de dresser un bilan positif de
l’action de l’administration quant aux mesures fiscales exceptionnelles.
L’administration a en effet été jugée réactive, efficace et soucieuse des
difficultés rencontrées par les entreprises.
Ces avis favorables se reflètent dans les bons résultats des
indicateurs de qualité et de délai de la DGFiP, tels que la part des
remboursements de créances de TVA effectuée en moins de 30 jours
(cf.
supra
, le point I.A.3). Sur l’IS, l’amélioration est encore plus nette
puisque la proportion des demandes de remboursement traitées dans un
délai de 30 jours est passée de 82,9 % en 2019 à 90,8 % en 2020.
C -
Des contrôles à accentuer en sortie de crise
Dès la mise en place des mesures, l’administration fiscale a cherché
à limiter les
effets d’aubaine éventuels et les possibilités de fraudes.
Ainsi, la communication de la DGFiP sur certaines mesures a été
ajustée pour limiter les risques d’effet d’aubaine pour les entreprises. Par
exemple, aucune communication n’a été réalisée concern
ant la suspension
des pénalités de retard pour éviter que certaines entreprises ne soient
tentées de profiter de façon inappropriée de cette suspension. De même, les
modulations possibles de l’IS au printemps 2021 ont été ciblées sur les
entreprises en dif
ficulté. Pour ne pas encourager les entreprises n’en
n’ayant pas besoin à chercher à les utiliser, l’administration n’a pas
souhaité communiquer largement sur cette possibilité, s’orientant plutôt
vers des réponses aux sollicitations des entreprises.
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621
De
plus, l’administration fiscale s’est concentrée, lors de la reprise
des contrôles, sur les potentiels cas de fraude. Si, à la DGFiP, les contrôles
sur place ont été suspendus pendant le premier confinement, des règles
spécifiques ont été mises en place à la reprise des contrôles en juin 2020 :
la consigne était de ne pas engager de nouveaux contrôles avant septembre
2020 mais seulement de reprendre les contrôles existants, sauf en cas de
fraude. Il était en effet possible d’engager, dès le 1
er
juin 2020, des
contrôles sur les dossiers frauduleux justifiant d’intervenir sans délai.
Enfin, une conditionnalité avait aussi été établie, dès le printemps
2020, pour les grandes entreprises et les grands groupes (comptant plus
de 5 000 salariés ou réalisant un chif
fre d’affaires supérieur à 1,5
Md€). En
effet, une grande entreprise demandant un report d’échéances fiscales et
sociales ou un prêt garanti par l’État devait s’engager à ne pas verser de
dividendes en 2020 à ses actionnaires en France ou à l’étranger, à n
e pas
procéder à des rachats d’actions au cours de l’année 2020 et à ne pas avoir
son siège fiscal ou de filiale sans substance économique dans un État ou
territoire non-coopératif en matière fiscale. En cas de non-respect de ces
« engagements de responsabilité »
, les échéances fiscales reportées
doivent être remboursées avec application de pénalités de retard
520
.
Toutefois, les modalités de contrôle de ces engagements de
responsabilité apparaissent insuffisamment définies. Il importe que
l’administration fi
scale suive la liste des entreprises liées par ces
engagements, ce qui n’est pas le cas pour le moment, et prévoie de
contrôler spécifiquement le respect de ces derniers.
520
S’agissant des prêts garantis par l’
État, les contrats prévoient une clause de
remboursement anticipé obligatoire sanctionnant l’inobservation de ces engagements
de responsabilité. Leur contrôle relève des banques prêteuses.
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COUR DES COMPTES
622
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Les mesures fiscales ont fait partie des premières aides mises en
place à destination des entreprises pour leur permettre de faire face à la
crise sanitaire. Leur ampleur est cependant demeurée inférieure à celle
d’autres dispositifs de soutien à la trésorerie
comme les prêts garantis par
l’
État (140 Md
de prêts accordés) et le report des charges sociales
(21,4 Md
entre mars 2020 en juin 2021), ou des mesures de soutien direct
comme l’activité partielle (18
Md
) et le fonds de solidarité (plus de
36 Md
sur l’ensemble de la période
521
).
En autorisant le report de paiement de certains impôts directs,
l’administration a permis aux entreprises de conserver en trésorerie un
montant compris entre 0,8 et 2,3
Md€ de mars 2020 à mars 2021.
À ces
mesures qui ne présentent pas de coût budgétaire se sont ajoutées des
diminutions d’impôt d’un montant total de près de 4
Md€. Au sein de ce
montant, la prolongation de la dépense fiscale concernant le gazole
non-routier présente un coût net de 1,7
Md€ pour le budget de l’État sur
la période de 2020 à 2023. En revanche, l’e
xonération et le taux réduit de
TVA concernant les produits sanitaires ont eu un effet plus modéré sur les
finances publiques. En effet, si elles ont occasionné une perte de recette
fiscale d’au moins 1,6
Md€, elles ont essentiellement bénéficié à des
opér
ateurs publics (tels que Santé publique France). En l’absence d’une
TVA réduite, la majeure partie des surcoûts aurait donc été portée par le
budget de l’
É
tat et celui de l’assurance maladie.
Enfin, la suspension temporaire des contrôles fiscaux a accentué en
2020 la diminution des droits rappelés observable depuis 2018 concernant
les impôts directs des entreprises. Ceux-ci se sont contractés de 1,3
Md€
en 2020 (contre des diminutions de 0,8 Md€ en 2019 et 0,3 Md€ en 2018).
Environ 0,4 % des petites et moyennes entreprises, soit entre 10 000
et 15
000 entités, auraient bénéficié de ces reports d’échéances d’IS et
d’impôts de production. Si elles n’ont pas fait l’objet d’un fort recours des
entreprises par rapport à d’autres dispositifs, ces mesures fiscales
exceptionnelles ont permis de sécuriser la trésorerie des entreprises dès le
début de la crise jusqu’à la mise en place des dispositifs plus massifs
nécessitant des modifications réglementaires ou législatives. Concernant
l’ensemble des mesures fiscales (reports, plans d
e règlement, accélération
des remboursements), la DGFiP a enregistré près de 115 000 demandes
formulées par les entreprises entre mars 2020 et juillet 2021.
521
Source : fonds de solidarité (entreprises.data.gouv.fr).
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LES MESURES FISCALES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
623
Même si elles ont été mises en place de manière efficace, ces
mesures exceptionnelles révèlent cer
taines rigidités de l’administration
fiscale
liées notamment aux systèmes d’informations –
qui ont alourdi
leur gestion et handicapé leur suivi. La DGFiP a piloté de façon
globalement cohérente les reports de paiement des entreprises, mais leur
gestion hors des applications informatiques a accru le travail des agents
et amoindri la qualité des informations nécessaires à leur pilotage et à leur
suivi. L’administration fiscale n’a pas été ainsi en capacité de suivre
finement l’évolution des mesures de repor
t et a dû ajuster leur périmètre
en cours de crise sans s’appuyer sur des informations précises et fiables.
Par ailleurs, l’information présentée au Parlement concernant les
reports de hausse de TICPE est restée limitée et ne permet pas d’en saisir
le coût net complet.
À partir de septembre 2020, la DGFiP a progressivement mis fin
aux mesures générales de bienveillance et de trésorerie, tout en restant
réceptive aux demandes des entreprises encore en difficulté. Même si
certaines mesures de crise sont enco
re en cours d’exécution et produiront
des effets jusqu’en 2022, voire 2023, leur caractère exceptionnel implique
a priori
une durée limitée. Elles ont donc, par défaut, vocation à s’éteindre
avec la normalisation de la situation sanitaire et économique. Deux ans
après le début de la crise, il importe aussi d’accentuer le contrôle par
l’administration fiscale de la bonne utilisation de ces mesures et des
conditionnalités qui y sont liées.
Au terme de son enquête, la Cour adresse à l’État les
recommandations suivantes :
1.
s
’assurer de disposer des outils de suivi permettant d’obtenir des
informations fiables et précises sur les dispositifs mis en œuvre, même
en période de crise (DGFiP) ;
2.
vérifier le respect des engagements de responsabilité conditionnant le
rep
ort d’échéances fiscales pour certaines entreprises et en tirer les
conséquences en cas de non-respect (DGFiP).
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Réponse
Réponse commune du minis
tre de l’économie, des finances
et de la relance et du ministre auprès
du ministre de l’économie,
des finances et de la relance, chargé des comptes publics
......................
627
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RÉPONSE COMMUNE DU M
INISTRE DE L’ÉCONOMI
E,
DES FINANCES ET DE LA RELANCE ET DU MINISTRE
AUPRÈS DU MINISTRE D
E L’ÉCONOMIE, DES FI
NANCES
ET DE LA RELANCE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS
Vous nous avez transmis par courrier en date du 22 novembre 2021
le chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2022 intitulé « Les
mesures fiscales de soutien aux entreprises : une gestion diligente, un suivi
et des contrôles à renforcer » et nous vous en remercions.
Nous souhaitons tout d’abord souligner l’ampleur des mesures
fiscales qui ont été prises, très rapidement, pour répondre à la crise
sanitaire et préservant, avec d’autres mesures d’aides, notre tissu
économique. Nous nous félicitons que la Cour souligne, dans le projet de
rapport public, l’efficacité et la pertinence de ces mesures qui ont permis
de répondre promptement aux besoins en trésorerie de nos entreprises. En
outre, nous relevons avec satisfaction le bilan très favorable que vous
dressez de la mobilisation et de l’adaptation remarquablement rapide des
administrations pendant la crise et de leur soutien à l’égard des entreprises
en grande difficulté.
Vous formulez par ailleurs deux recommandations portant sur le
suivi des mesures et leur contrôle.
En ce qui concerne la première, relative au caractère perfectible du
suivi des mesures de crise, nous rappelons que, si elle est en effet
indispensable et constitue bien une préoccupation de notre administration,
elle se heurte toutefois à la complexité des différentes mesures de soutien
des
entreprises
qui
relèvent,
dans
la
majorité
des
cas,
d’un
accompagnement au cas par cas. Elles ont par ailleurs été mises en place
avec diligence, plus vite que certains développements informatiques. Nous
l’assumons pleinement.
Pour ce qui concerne la direction générale des Douanes et Droits
indirects, l’analyse des enseignements de la crise sanitaire, ajoutée
aux réflexions déjà engagées, conduit à inscrire la digitalisation des
procédures tournées vers
l’utilisateur, le développement sur la logique de
l’interlocuteur unique et celle du guichet
unique parmi les principaux axes
stratégiques du contrat d’objectifs et de moyens 2022
-2025 signé le
1er décembre 2021. Ces mesures permettront de donner à la douane les
moyens d’améliorer les conditions d’exercice de ses missions.
S’agissant de la seconde recommandation sur le contrôle, nous vous
confirmons qu’à l'instar d'autres dispositifs d'aides publiques, les
engagements de responsabilité pris par les entreprises pour obtenir des
reports d’échéance fiscale seront contrôlés par les services de la direction
générale des Finances publiques.
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COUR DES COMPTES
628
Enfin, nous souhaitons formuler quelques observations plus
détaillées sur le projet de rapport.
Si, comme vous le soulignez, la majorité des mesures de soutien
n’ont pas nécessité de modification législative ou réglementaire, celle
relative à l’accélération des délais de traitement des remboursements de
crédit de TVA a fait l’objet d’un ajustement réglementaire.
S
’agissant des reports de paiement accordés à droit constant et
modulés selon l’évolution de la situation sanitaire, nous souhaitons
rappeler les facultés de paiement et de modulation des acomptes accordés
pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En effet,
le premier acompte, normalement égal à 50 % de la CVAE N-1, a pu être
payé jusqu'au 30 juin 2020 au lieu du 15 juin 2020, afin que l'entreprise
connaisse parfaitement son résultat 2019 déposé au 30 juin 2020 et puisse
ainsi calculer son acompte selon les règles légales. De plus, le premier
acompte a pu être modulé avec une marge d’erreur augmentée à 30 % au
lieu des 10 % légaux.
De même, la contribution à l’audiovisuel public des professionnels
a fait l'objet d’un report de trois moi
s de déclaration et de paiement
en 2020 et 2021. Cette mesure de trésorerie a bénéficié, notamment, aux
secteurs des cafés-hôtels-restaurants, discothèques et salles de sport,
fortement touchés par la crise.
S’agissant des mesures d’accélération des rembou
rsements de
créances fiscales, le dispositif de report en arrière des déficits entraîne la
constatation d’une créance d’impôt, et non d’un crédit d’impôt comme
mentionné dans le projet de rapport. Par ailleurs, la créance d’impôt peut
être utilisée pour le
paiement de l’impôt sur les sociétés, dû au titre des
exercices clos, au cours des cinq années suivant celle de la clôture de
l’exercice au titre duquel l’option pour le report en arrière a été exercée.
Pour le régime temporaire de remboursement immédiat des
créances nées du report en arrière des déficits antérieurs, et en application
de l’article 5 de la loi n° 2020
-935 du 30 juillet 2020 de finances
rectificative pour 2020, les entreprises ont eu la possibilité de demander le
remboursement immédiat de leur stock de créances, qui ont pu en pratique
être constituées à compter du report en arrière du déficit constaté au titre
de l’exercice clos en 2015.
Dans le projet de rapport, la Cour relève la rigidité de l’application
de gestion de l’impôt sur les socié
tés et la nécessité pour les services
territoriaux d’appliquer manuellement les mesures de bienveillance. Sur
ce point, nous attirons votre attention sur l’impossibilité d’adapter le
traitement de liquidation et d’intégrer les différents ajustements interv
enus
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LES MESURES FISCALES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
629
au cours de l’année 2020, dans la mesure où des règles différentes
trouvaient à s’appliquer en fonction du secteur d’activité de l’entreprise,
de ses difficultés financières ou matérielles. En revanche, l’application a
été aménagée pour gérer la modulation des acomptes en fonction du
résultat prévisionnel.
Quant aux reports de paiement concernant l'acompte de cotisation
foncière des entreprises (CFE), des sanctions individuelles dans
l’application de gestion étaient possibles manuellement pour les repo
rts
indus. Toutefois, il n’est pas possible de paramétrer dans l’application les
secteurs d’activité précisément ciblés par le Gouvernement.
Le rapport indique par ailleurs que l’information fournie au
Parlement au titre du report de la hausse de la taxe intérieure de
consommation sur les produits énergétiques sur le gaz non-routier (GNR)
ne permettrait pas de reconstituer son coût estimé à 1,7
milliard d’euros.
Or, le tableau des principales mesures nouvelles en prélèvements
obligatoires, présenté en annexe du rapport économique, social et
financier pour 2022, présente clairement les deux mesures nouvelles de
report sur la période 2020-2022. De plus, le bénéfice du report au 1er
janvier 2023 de la hausse du tarif applicable au GNR, ne se limite pas au
seul secteur du BTP, comme le suggère le projet de rapport, et bénéficie à
d’autres secteurs tel que l’extraction de granulats.
Concernant l’assouplissement des conditions de report en arrière
des déficits, il doit être rappelé que celui-
ci n’est que temporaire
, et ne
s’applique qu’au déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire
clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu'au 30 juin 2021. En conséquence,
il conviendrait de mentionner, au singulier, le déficit constaté au cours de
la crise sanitaire et économique.
Par ailleurs, s’agissant du dégrèvement de CFE, il convient de
relever que ce dispositif a été particulièrement suivi, si l'on tient compte
des délais très courts prévus par l'article 11 de la troisième loi de finances
rectificative
pour
2020
pour
permettre
aux
communes
et
aux
établissements publics de coopération intercommunale d'adopter des
délibérations.
Enfin, s’agissant des contrôles fiscaux, les données chiffrées
mentionnées dans le projet de rapport portent sur le seul périmètre des
impôts
directs des entreprises et non sur l’ensemble des impôts des
professionnels.
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