3
Le déploiement des prêts garantis
par l’État
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Une semaine après l’annonce du confinement, la loi de finances
rectificative du 23 mars 2020
477
a prévu un dispositif de prêts garantis par
l’État (PGE) dont les paramètres, définis dans un arrêté paru le même jour,
s’inscrivent dans le cadre de la communication de la Commission
européenne du 19 mars 2020 sur l’encadrement temporaire des aides
d’État. L
es premiers prêts ont été octroyés par les banques dans les jours
qui ont suivi et le démarrage du dispositif a été rapide
: sur les 143 Md€
de PGE ayant bénéficié à plus de 699 000 entreprises au 31 décembre
2021, 70 % avaient été octroyés dès juin 2020.
La Cour a engagé une évaluation des PGE, avec l’appui d’un comité
d’accompagnement associant des économistes, experts financiers et chefs
d’entreprise, qui sera publiée en 2022 et qui répondra à trois questions
:
-
La conception et le déploiement des PGE ont-ils permis de
répondre efficacement au besoin de liquidité des entreprises
compte tenu des autres outils existants ?
-
Dans quelle mesure le calibrage du dispositif a-t-il donné lieu à
un partage équilibré des risques et du coût entre les entreprises,
les banques et l’État
? Des mécanismes de prévention des fraudes
ont-ils été mis en place et ont-ils été efficaces ?
-
Ce dispositif de réponse à la crise a-t-il facilité la survie à
moyen-long
terme
des
entreprises
et
des
mécanismes
d’accompagnement pertinents ont
-ils été définis ? Dans quelle
mesure a-t-il profité à des entreprises non viables ?
Sans attendre les conclusions de cette évaluation, la Cour présente
ici des consta
ts sur la mise en œuvre du dispositif d’avril 2020 à fin 2021,
en s’appuyant notamment sur une enquête qualitative conduite auprès de
chefs d’entreprise et sur des comparaisons internationales.
477
Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.
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COUR DES COMPTES
576
Dispositif simple et souple, les prêts garantis par l’État
ont été très
rapidement mis en place dans un cadre européen négocié et en s’appuyant
sur une mobilisation conjointe des services de l’État et des banques (I).
Déployés massivement au printemps 2020, ils occupent une place centrale
dans le paysage des aides aux entreprises face à la crise (II). Si le soutien
ainsi apporté a permis de préserver les liquidités des entreprises à court
terme, son coût réel pour l’État est encore incertain et dépendra du
remboursement des prêts dans la durée (III).
I -
Un dispositif simple dans un contexte
de mise à l’arrêt de l’économie
La crise sanitaire a conduit à un effondrement généralisé de
l’activité
: le recul du PIB en France s’est établi à
- 7,9 % en 2020, un peu
inférieur à la décroissance de l’activité observée en Ital
ie (- 8,9 %), au
Royaume-Uni (- 9,8 %) et en Espagne (- 10,8 %), mais bien supérieur à
celle de l’Allemagne (
- 4,8 %), des Pays-Bas (- 3,8 %) ou encore du Japon
(- 4,8 %) et des États-Unis (- 3,5 %).
Cette chute brutale de la croissance a résulté d’une co
ntraction de la
demande interne, très hétérogène et très prononcée en particulier dans les
secteurs des services les plus touchés par les confinements successifs.
L’industrie a été davantage pénalisée par la contraction mondiale de
l’activité, compte tenu
de processus de production très internationalisés.
A -
La négociation rapide d’un cadre européen
Craignant
l’enclenchement
d’un
«
credit
crunch »
478
et
l’assèchement du crédit aux entreprises, les gouvernements européens ont
souhaité la mise en place rapide de « ponts de liq#uidités » en faveur des
entreprises, prenant la forme de prêts garantis par les États.
À cet effet, la Commission a, dès le 19 mars 2020, assoupli les règles
et procédures relatives aux aides d’État, en publiant un «
encadrement
temporaire d
es mesures d’aides d’État visant à soutenir l’économie dans
le contexte actuel de la flambée de covid 19
»
479
.
478
Réduction drastique de l’offre de crédit par les banques.
479
Ce cadre a été successivement révisé les 3 avril, 8 mai, 29 juin, 13 octobre 2020 et
les 28 janvier et 18 novembre 2021.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
577
L’article 3.2 du cadre temporaire prévoit ainsi la possibilité de
mettre en place des prêts garantis par les États. Il définit les critères que ces
derniers doivent respecter, notamment les plafonds applicables aux prêts :
les montants souscrits ne peuvent dépasser 25
% du chiffre d’affaires 2019,
ou deux fois la masse salariale 2019, ou encore le montant des besoins de
liquidités sur 18 mois pour les PME et sur 12 mois pour les plus grandes
entreprises. Les négociations ont été particulièrement intenses s’agissant
du
quantum
maximal des encours pouvant être garantis (90 %) et de la
durée de remboursement (six ans), dont la Commission souhaitait
initialement fixer la durée maximale à quatre ans.
Ces critères ont également porté sur des primes minimales de
garantie que les emprunteurs doivent verser aux États membres en
compensation de la garantie octroyée. Elles ont été fixées comme suit :
Tableau n° 1 :
montant des primes de garantie par année du prêt
En points de base
Prêt d’un an
de 2 à 3 ans
de 4 à 6 ans
TPE/PME
25
50
100
Grande entreprise*
50
100
200
Source : cadre temporaire de la Commission européenne.
*Entreprises de plus de 250 salariés ou réalisant
un chiffre d’affaires supérieur à 50 M€.
Les échanges se sont poursuivis au cours des années 2020 et 2021
pour assouplir encore le dispositif. Il a par exemple été possible d’octroyer
des PGE à des entreprises qui disposaient au 31 décembre 2019 de fonds
propres négatifs sans que les banques ne s’exposent à une éventuelle
annulation de la garantie de l’État pour ce seul motif. La durée des PGE peut
également être allongée, jusqu’à 10 ans, soit dans le cadre d’un redressement
judiciaire (arrêté du 8 juillet 2021), soit après accord du médiateur du crédit,
tel qu’annoncé par le ministre de l’économie le 4 janvier 2022.
B -
Le dispositif français
1 -
Le PGE, un dispositif simple et souple
Le dispositif français reprend les paramètres fixés par la
Commission européenne.
Les prêts sont ainsi plafonnés à trois mois de chiffre d’affaires 2019
ou deux années de masse salariale selon les entreprises. Dans un contexte
de prolongation de la crise sanitaire, le dispositif des PGE a été adapté. La
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COUR DES COMPTES
578
date limite de souscription des prêts a été reportée du 31 décembre 2020 au
31 décembre 2021 puis au 30 juin 2022 et leur plafond relevé pour certains
secteurs, donnant naissance à deux nouvelles catégories de prêts garantis :
le « PGE saison », pour le secteur des services les plus en difficulté et dont
le plafond correspond aux trois meilleurs mois de chiffre d’affaires de
l’année 2019, et le «
PGE aéro », ciblé sur les fournisseurs et les
plateformes de la filière aéronautique, pour lesquels le plafond d’emprunt
tient compte également du montant des stocks.
L’État apporte sa garantie à la banque, sur un pourcentage du
montant du capital, intérêts et accessoires restant dus de la créance. Aucune
autre sûreté supplémentaire ne peut être exigée afin que l’exposition au
risque des banques soit bien réelle et les incite à sélectionner des entreprises
susceptibles de rembourser leur prêt. La quotité garantie pour les plus
grandes entreprises est en théorie plus faible (70 % ou 80 % contre 90 %
pour la plupart des entreprises) mais, pour c
ertaines d’entre elles (Air
France et Renault), compte
tenu de l’urgence de la situation et des
négociations avec les banques, elle a été relevée ponctuellement à 90 % en
accord avec la Commission européenne.
Enfin, le coût de la garantie, compris entre 25 et 200 points de base
selon la taille de l’entreprise et la durée d’amortissement conformément
aux dispositions du cadre temporaire, croît avec le temps pour inciter les
bénéficiaires à rembourser rapidement leur PGE.
La prime de garantie au titre de la première année du prêt est versée
par les banques à l’État, avec un second paiement l’année suivante pour le
reste de la période garantie. Les entreprises remboursent quant à elles les
banques tout au long de l’amortissement du prêt.
Caractéristiques des PGE français
Les PGE sont ouverts à la quasi-totalité des entreprises françaises.
En
sont
exclues
notamment
les
entreprises
faisant
l’objet,
au
31 décembre
2019, d’une procédure de liquidation judiciaire ou de
rétablissement professionnel ou en période d’observation d’une procédure
de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Les montants empruntés ne peuvent représenter plus de trois mois de
chiffre d’affaires 2019 (soit 25
% du chiffre d’affaires annuel) ou deux
années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis
le 1
er
janvier 2019. La durée de remboursement des PGE est de six ans, avec
une première année de différé d’amortissement et, sur option, une seconde
année de différé. Le Gouvernement a annoncé début 2022 la possibilité de
prolonger la durée de différé de six mois supplémentaires.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
579
Pour la plupart des entreprises de moins de 5 000 salariés et dont le
chiffre d’affaires est inférieur à 1,5
Md€, la part garantie par l’État s’élève
à 90 %, aucune autre sûreté supplémentaire ne pouvant être exigée. Cette
quotité est abaissée à 80 % pour
les entreprises dont le chiffre d’affaires est
compris entre 1,5 Md€ et 5
Md€ et à 70 % pour celles dont le chiffre
d’affaires est supérieur à 5
Md€.
Enfin, au taux d’intérêt appliqué par les banques, s’ajoute le coût
d’une rémunération de la garantie versée à l’État. Pour les PME, cette
commission est de 0,25 % la première année, 0,5 % les deuxième et
troisième années et 1 % les quatrième et cinquième années. Pour les grandes
entreprises, le coût est deux fois plus élevé
: il s’établit à 0,5
% la première
année, 1 % les deuxième et troisième année et enfin 2 % les quatrième et
cinquième années.
2 -
La mise en œuvre opérationnelle a nécessité une forte
coordination de tous les acteurs
a)
Des prêts distribués par les banques
Les établissements bancaires ont été chargés de distribuer les PGE :
ils sélectionnent les entreprises bénéficiaires et sont tenus de tout mettre en
œuvre pour recouvrer le prêt d’une entreprise en défaut avant de se tourner
vers Bpifrance et de bénéficier de la garantie. Le dispositif doit concourir
à un alignement des intérêts entre l’État et les établissements financiers,
qui peuvent notamment espérer une sauvegarde de leurs meilleurs clients
et l’assurance de recouvrer ainsi d’autres créances qu’ils auraient vues
disparaître en cas de faillites massives.
Le maillage des réseaux bancaires, ainsi que la connaissance fine par
les établissements du tissu productif français et de la santé financière des
entreprises, devaient aussi permettre une distribution de masse et une sélection
pertinente des bénéficiaires de PGE, les banques portant au moins 10 % du
risque de crédit. La réussite du dispositif dépendait donc de l’action de milliers
de conseillers en télétravail, qui se trouvaient en relation à distance avec les
entreprises. Ces conditions exceptionnelles ont poussé la direction générale du
Trésor, la Fédération bancaire française et les principaux dirigeants des
banques à concevoir un produit simple et aisément compréhensible.
La délégation aux banques de l’instruction des demandes de prêt a
été facilitée par la bonne santé financière des banques, renforcée par les
mesures de politique monétaire et prudentielle.
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COUR DES COMPTES
580
Les banques françaises sont en effet entrées dans la crise avec des ratios
de fonds propres supérieurs aux minimas et dans une situation nettement plus
solide qu’en 2009, surtout en comparaison avec leurs homologues
européennes
480
. L’implication des établissements financiers dans la
distribution des PGE a été également facilitée par les mesures monétaires
prises par la Banque centrale européenne (BCE) pendant la crise et notamment
les opérations de refinancement TLTRO III
481
permettant aux banques
d’accéder aisément à de la ressource monétaire, ainsi que par des mesures
prudentielles spécifiques. La norme IFRS 9
482
, qui peut avoir des effets pro-
cycliques en incitant à provisionner massivement en période de crise, a aussi
été assouplie. Enfin, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
et la BCE ont autorisé les banques françaises à utiliser la garantie de l’État pour
réduire le risque de crédit sur les PGE octroyés, sous certaines conditions
483
.
Tous les acteurs interrogés par la Cour ont souligné l’excellent
travail réalisé en commun par les partenaires privés et publics, et la forte
mobilisation des banques pour prendre contact avec leurs clients et diffuser
les PGE. Une enquête menée à l’initiative de la Cour
484
auprès des
entreprises a confirmé que les premières discussions avec les banques
avaient été perçues comme facilitantes. Il en ressort que les banques ont
traité les demandes comme des prêts classiques, avec des dossiers simples
et un examen de la situation de l’entreprise. Les montants sollicités n’ont
pas systématiquement été obtenus et les entreprises présentant déjà un fort
taux d’endettement ont eu plus de difficultés.
Les entreprises interrogées
ont souligné le climat de coopération qui a marqué les échanges sur les
conditions d’amortissement et de différé, même si certaines ont regretté un
manque de visibilité sur les taux d’intérêt et leur décomposition.
480
Mc Kinsey,
Managing and monitoring credit risk after the Covid-19 pandemic
,
juillet 2020.
481
Targeted longer-term refinancing operations
: opérations ciblées de refinancement
de long terme.
482
Nouvelle norme comptable sur les instruments financiers applicable à partir de janvier 2018.
483
L’État s’est notamment engagé à verser une avance aux banques en cas d’appel en
garantie, pour couvrir une large partie des pertes potentielles qui seront
in fine
constatées par l’établissement financier.
484
Dans le cadre de cette enquête, 30 entretiens téléphoniques d’environ une heure ont
été réalisés par un prestataire du 12 mai au 5 juillet 2021, auprès
de chefs d’entreprise
ou de directeurs financiers.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
581
b)
La gestion des garanties par Bpifrance et le ministère
de l’économie et des finances
Bpifrance, qui gère les garanties pour le compte et au nom de l’État,
a été rapidement intégrée aux réflexions, notamment pour mettre en place
une plateforme permettant aux entreprises de demander une garantie et
d’obtenir une attestation à fournir aux banques pour justifier de leur
éligibilité au dispositif. En parallèle, la plateforme permet aux banques de
vérifier qu’il n’y a pas d’abus de la part de l’entreprise et notamment que
le
total des PGE demandés n’excède pas le plafond de 25
% de chiffre
d’affaires. À partir des données transmises par les banques lors de la mise en
place des PGE puis lors de leur amortissement, Bpifrance calcule la
commission due au titre de chaque prêt et la prélève directement auprès de
la banque pour le compte de l’État. Une seconde chaîne de traitement est
également en cours de déploiement, afin de traiter toutes les déclarations de
transformation et d’amortissement des PGE, d’automatiser le traitement
des
appels en garantie et d’assurer les contrôles définis par la direction générale
du Trésor, en permettant la sélection automatique des échantillons de
dossiers à contrôler dans le cadre de la mise en jeu de la garantie de l’État.
La mise en œuvre des PGE s’est ainsi appuyée sur un processus en
ligne fluide pour les entreprises et a bénéficié d’une modernisation jugée
nécessaire des échanges entre les banques et Bpifrance par rapport aux
circuits classiques de gestion des garanties. Cette modernisation devait
notamment permettre d’accroître la sécurité du dispositif, son suivi en temps
réel par l’État et la simplicité des processus en cas d’appel en garantie, les
banques souhaitant moins de lourdeur administrative que dans les dispositifs
préexistants. La
plateforme de Bpifrance a ensuite été élargie à d’autres
dispositifs comme les prêts participatifs. Les entreprises interrogées dans le
cadre de l’enquête de la Cour ont jugé l’intervention de Bpifrance
globalement très performante avec une mise à disposition rapide, dans les
48
heures, de l’attestation nécessaire pour obtenir le bénéfice des PGE.
La plateforme mise en place par Bpifrance
La plateforme permet à l’entreprise qui a obtenu un pré
-accord de sa
banque sur un montant de prêt, de demander une attestation, avec un numéro
unique (le «
token
»). Ce numéro unique, rattaché à chaque attestation de
chaque entreprise identifiée par son numéro Siren, permet ensuite de
s’assurer du respect du plafond de prêt qui dépend du chiffre d’affaires
déclaré.
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COUR DES COMPTES
582
Cet outil est également utile aux banques, qui ont accès aux attestations
déjà accordées par des établissements appartenant au même réseau bancaire et,
en cas de PGE octroyé par un pool de banques, aux montants accordés par les
autres contributeurs. Par ailleurs, comme la plateforme vérifie automatiquement
le respect du plafond réglementaire, la banque a la certitude que l’entreprise n’a
pas déjà souscrit par le passé auprès d’autres établissements des PGE massifs
entraînant un dépassement du plafond autorisé.
Pour autant, la banque est responsable du contrôle des éléments
déclarés par l’entreprise (chiffre d’affaires, masse salariale, nature de
l’entreprise, innovante ou non) sur la base des informations fournies par
l’entreprise et au regard de la définition e
uropéenne.
Dès le mois de mai 2020, Bpifrance a lancé une enquête de
satisfaction sur l’utilisation de cette plateforme
: la plupart des utilisateurs
ont été très positifs, avec un «
net promoter score
» (pourcentage de très
satisfaits
–
pourcentage de très peu satisfaits) de 70,18 %.
Les demandes de garantie des plus grandes entreprises (comptant plus
de 5
000 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 Md€) sont
soumises à l’accord du ministre de l’Économie et font l’objet d’un arrêté
ministériel. Elles sont étudiées par la direction générale du Trésor, sur la base
d’une première analyse financière établie par Bpifrance, en lien avec l’Agence
des participations de l’État (APE) pour les entreprises dans lesquelles l’État est
actionnaire et avec le Comité interministériel de restructuration industrielle
(CIRI) pour les entreprises se déclarant en difficulté.
Seules ces grandes entreprises doivent s’engager sur des conditions
d’utilisation des fonds mis à disposition dans le cadre des PGE
: délais de
paiement des fournisseurs, amélioration de la compétitivité, interdiction de
verser des dividendes l’année d’octroi des PGE…
Les autres entreprises (comptant moins de 5 000 salariés et réalisant
moins de 1,5
Md€ de chiffre d’affaires) se voient acco
rder le PGE sans
contrepartie, bien qu’il soit attendu de leur part une mobilisation des fonds
aux fins de préservation de l’activité et de l’emploi en France.
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RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
583
Schéma n° 1 :
processus de demande d’un PGE
Source : Cour des comptes
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COUR DES COMPTES
584
C -
La plupart des pays ont mis en place
des dispositifs comparables
La plupart des pays ont mis en place des mécanismes de prêts
garantis, soit nouveaux (Espagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni
485
,
États-Unis), soit renforçant des dispositifs existants (Pays-Bas et
Allemagne notamment, en plus de nouveaux dispositifs).
En général, les dispositifs correspondants s’appuient sur l’article 3.2
du cadre temporaire et prévoient de garantir des prêts d’une durée de
six
ans. C’est notamment le cas en Italie, au Danemark et, pour les pays
proposant plusieu
rs catégories de prêts garantis, d’au moins un des
dispositifs proposés (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique). Certains pays
offrent, souvent en parallèle, la possibilité de souscrire des prêts plus
courts, de trois à cinq ans (Pays-Bas, Royaume-Uni, Belgique), sur le
modèle de ce qui a été retenu aux États-Unis (maturité de deux ou
cinq ans).
Certains pays, comme l’Allemagne, l’Italie et le Royaume
-Uni ont
toutefois mis en place des prêts plus longs (jusqu’à dix ans), mais avec une
garantie couvrant 100 % des montants prêtés. Ces dispositifs alternatifs
sont fondés sur un autre article du cadre temporaire (l’article 3.1), qui
plafonne le montant total des aides à 1,8
M€ par entreprise et contraint donc
le montant du prêt. L’Allemagne a également fait référence,
pour certaines
de ses aides et sur certaines périodes de fermeture administrative, à d’autres
fondements juridiques du Traité
486
lui permettant de s’exonérer de ce
plafonnement en cas de cessation complète d’activité, alors assimilée à une
« calamité naturelle » sanitaire.
La part garantie par l’État et la rémunération de la garantie varient
souvent selon la taille de l’entreprise. Certains pays ont également introduit
des critères plus complexes d’éligibilité ou des plafonds d’aides selon la
nature de l’en
treprise.
La France propose un des systèmes les plus avantageux pour les
entreprises en termes de coût (intérêts auxquels s’ajoutent les primes de
garantie), avec un taux de 0,25
% la première année, qui s’inscrit les années
suivantes dans une échelle de 1 % à 2,5 %. Les autres pays utilisent
485
L’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume
-Uni
est entré en vigueur le 1
er
janvier 2021. Il prévoit qu’en contrepartie de l’accès au marché
unique, le Royaume-
Uni doit respecter les règles européennes en matière d’aides d’État.
486
A
rticle 107, paragraphe 2, point b) du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
585
généralement une option entre deux taux de référence selon que la garantie
est à 100
% (le taux s’élève alors à 2
% en Italie, 2,5 % au Royaume-Uni
et 3
% en Allemagne) ou non (l’Italie et le Royaume
-Uni utilisent dans ce
cas le taux de marché, tandis que l’Allemagne a défini une fourchette de
taux entre 1 % et 2,1 %).
Des dispositions ont par ailleurs été prises dans plusieurs pays pour
réserver les prêts aux entreprises viables (pas de crédit irrécouvrable par
exemple en Italie, entreprises ayant réalisé en moyenne un bénéfice sur
2017-
2019 en Allemagne, pas d’arriérés de paiement en Belgique). Dans
certains cas, enfin, des codes de bonne pratique ou de bonne conduite
(Espagne, Pays-Bas) visent à guider les banques dans la sélection des
entreprises.
Au
Royaume-Uni
et
aux
Pays-Bas,
des
garanties
complémentaires sont demandées pour certains prêts (garantie de la part
des actionnaires majoritaires ou garantie personnelle du dirigeant). La
France s’est quant à elle princip
alement appuyée sur la sélection par les
banques, renforcée par la mise en place d’un délai de carence de deux
mois
487
pendant lequel la garantie ne peut être appelée.
II -
Le déploiement rapide et massif des PGE
A -
Une place importante dans les aides aux entreprises
1 -
Une montée en charge rapide au printemps 2020
La France se caractérise par une distribution très rapide des prêts,
70 % des montants in fine souscrits ayant été octroyés entre mars et juin
2020, à l’instar de l’Italie et de l’Espagne particulièrement touchés par la
crise sanitaire. Dans les autres pays européens, notamment l’Allemagne, le
démarrage des dispositifs a été plus lent. Globalement,
le rythme d’octroi
des prêts s’est tari nettement dès la fin de l’été 2020, sauf en Italie où le
déploiement des prêts s’est poursuivi y compris en 2021.
487
La ga
rantie de l’État ne peut être appelée en cas de défaillance de l’entreprise dans
les deux premiers mois suivant la souscription du prêt.
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586
Graphique n° 1 :
prêts garantis rapportés à la valeur ajoutée
des sociétés non financières (2019)
Source : données
de l’ICO (Espagne), de la KfW (Allemagne), de la SACE et du ministère de l’économie
(Italie), data.gouv.fr (France), recensés dans l’étude «
covid
19 credit support programmes in Europe’s
five largest economies », Julia Andersen, Francesco Papadia, Nicolas Véron
Une partie du succès du dispositif français de PGE tient à la
communication massive dont il a fait l’objet. Elle lui a permis de s’imposer
très vite comme un dispositif majeur de gestion de la crise. Toutes les
entreprises interrogées dans le cadre
de l’enquête qualitative ont ainsi
indiqué avoir eu rapidement connaissance du dispositif, jugé lisible,
pertinent et identifié comme un soutien efficace de trésorerie, au côté des
autres aides publiques (activité partielle, report des cotisations sociales,
fonds de solidarité).
La plupart des PGE ont ainsi été souscrits en avril et mai 2020. Seules
quelques entreprises (sièges sociaux et
holdings
notamment) ont eu davantage
recours au dispositif pendant l’été 2020. En 2021, le rythme de souscription
s’est
nettement ralenti. Dès lors, la justification de la prolongation du dispositif
jusqu’au 30 juin 2022 apparaît encore, à ce stade, peu évidente.
Plusieurs grandes entreprises du secteur des transports ont bénéficié
d’importants montants de PGE, notamment Ai
r France-KLM (4
Md€) et
CMA-CGM (1,5
Md€). Au sein de l’industrie manufacturière, les PGE ont
été particulièrement importants à l’automne 2020, avec des financements
accordés successivement à Renault en septembre et décembre.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
587
Le dispositif a été particulièrement sollicité par les très petites
entreprises (qui avaient bénéficié de près de 88 % des prêts au 31 décembre
2021). En montant, la répartition est toutefois moins concentrée, avec
11,9 % des montants octroyés aux grandes entreprises, 11,1 % aux
entreprises de taille intermédiaire (ETI), 38 % aux PME et 37 % aux TPE.
Graphique n° 2 :
répartition des montants de PGE par taille
et secteur d’activité
(au 31 décembre 2021)
Source : économie.gouv.fr ; traitement Cour des comptes
2 -
Un dispositif qui a largement dominé les autres crédits,
publics et privés
Le contexte de crise sanitaire a poussé Bpifrance et les régions à
prendre plusieurs initiatives, avant même la mise en place des PGE.
Ces dispositifs ont permis de faire la jonction en attendant la mise
en place des premier
s PGE par l’État et les banques, mais les montants
accordés restent toutefois très réduits par rapport à l’enveloppe des PGE
distribués (120,8
Md€ de PGE au 31 décembre 2020)
: la totalité des aides
au financement hors PGE octroyées par Bpifrance en 2020 s
’élève à
10,4
Md€, dont 2,4
Md€ au titre des prêts Atout, 3,2
Md€ au titre de
dispositifs généralistes (contre 4,1
Md€ en 2019) et 2 Md€ au titre de
dispositifs sectoriels. L’enquête qualitative fait d’ailleurs état d’une
utilisation très ponctuelle des autres aides existantes, auxquelles ont
principalement eu recours des entreprises ayant déjà auparavant une
relation avec Bpifrance ou en complément de PGE : plus de 80 % des
entreprises ayant obtenu un prêt Atout ont également bénéficié d’un PGE.
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588
Les prêts Atout et Rebond
Le prêt Atout est un prêt de Bpifrance octroyé depuis février 2020
pour une durée de trois à cinq ans, avec un différé d’amortissement en
capital allant jusqu’à 12 mois. Son montant est plus modeste que celui des
PGE puisqu’il est plafonné à 5 M€ pour les
PME (alors que le PGE peut
s’élever jusqu’à 12,5 M€ puisque le chiffre d’affaires annuel maximal d’une
PME est de 50
M€), et à 30 M€ pour les ETI (alors que le PGE peut s’élever
jusqu’à 375 M€ puisque le chiffre d’affaires maximal d’une ETI est de
1,5
Md€)
.
Les prêts Rebond, distribués par Bpifrance sur des ressources provenant
des régions et du Feder et dont les paramètres varient selon les territoires,
peuvent être souscrits par les TPE et PME pour des montants de 10 000
€ à
300 000
€, avec un remboursement sur sept ans et un différé de deux ans.
Selon
Bpifrance, c
e dispositif a permis d’accorder prè
s de 0,5
Md€ de financement
s
en 2020.
La mise en place du dispositif des PGE, massif et attractif, a mis un
coup d’arrêt à la distribution des autres crédits bancaires, près de 15
%
inférieure en moyenne sur la période d’avril 2020 à mars 2021 par rapport
aux flux distribués entre avril 2019 et mars 2020.
Graphique n° 3 :
flux mensuels de crédits bancaires aux entreprises,
en milliard
s d’euros
Source : economie.gouv.fr et Banque de France ; traitement Cour des comptes
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
589
3 -
Un large recours aux reports d’échéances bancaires
Les entreprises ont eu massivement recours aux reports de leurs
échéances bancaires. Conformément aux préconisations des autorités
prudentielles et de supervision, les banques françaises leur ont en effet
accordé d’importants reports d’échéances sur leurs p
ropres crédits : il
s’agissait de moratoires automatiques sur six mois dans un premier temps,
puis renouvelables au cas par cas. Au 30 juin 2020, le soutien en trésorerie
résultant de ces moratoires pour les entreprises s’élevait à 20
Md€, à
comparer aux 87
Md€ de PGE distribués à cette même date.
4 -
La mobilisation du dispositif reflète la disparité des situations
économiques au niveau territorial
L’impact de la crise sanitaire a été inégalement réparti entre les
territoires, avec des zones particulièrement touchées dans les régions
Provence-Alpes-
Côte d’Azur, Île
-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes
488
.
Les travaux du Comité de suivi et d’évaluation des mesures de
soutien financier aux entrepris
es confrontées à l’épidémie de c
ovid 19 font
état d’une concentration du recours aux aides d’urgence dans ces régions.
En montants, le PGE a toutefois été essentiellement distribué en
Île-de-France, qui totalise 37 % des prêts mais représente 31 % de la valeur
ajoutée nationale en 2018, ainsi qu’en Provence
-Alpes-
Côte d’Azu
r (8,3 %
des PGE et 7,2 % de la valeur ajoutée) et en Corse (0,8 % des PGE et 0,4 %
de la valeur ajoutée).
L’intensité du recours au PGE en Île
-de-France, en montant,
s’explique principalement par la concentration des sièges sociaux dans
cette région : elle regroupe ainsi 54 % des prêts garantis distribués à des
grandes entreprises, dont notamment les 4
Md€ versés à Air France et les
4
Md€ souscrits par Renault.
488
Jean-Noël Barrot,
Accélérer le rebond économique des territoires
, rapport au
Premier ministre, juin 2021.
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COUR DES COMPTES
590
Carte n° 1 :
intensité du recours au PGE
Source : economie.gouv.fr; traitement Cour des comptes
Note :
l’intensité du recours se déduit en comparant le poids des PGE d’une région dans le total des
PGE distribués, au poids de la valeur ajoutée de cette région dans la valeur ajoutée nationale.
En neutralisant les montants versés à Renault, les PGE mobilisés par
l’industrie manufacturière sont en revanche uniformément répartis sur le
territoire.
Le secteur du commerce est, en montant, le principal bénéficiaire
des PGE, avec 34
Md€ de prêts sur les 143
Md€ distribués fin décembre
2021. Le commerce de détail non alimentaire a particulièrement souffert
de la crise sanitaire (son activité a chuté de 9,3 %)
489
et les ventes en gros
ont été pénalisées dans la plupart des secteurs sur l’ensemble du territoire,
si bien que la mobilisation des PGE y est homogène. L’Île
-de-France
mobilise 31 % des PGE de la branche commerce, un niveau proche de sa
part dans la valeur ajoutée commerciale nationale (34,8 %).
489
Insee,
Début 2021, l’activité s’améliore dan
s le commerce après avoir plongé en
2020
, Insee Première, juillet 2021.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
591
La situation du secteur hôtellerie, cafés, restauration (HCR) est plus
contrastée, avec des PGE particulièrement mobilisés en Corse, en
Île-de-France et en Provence-Alpes-
Côte d’Azur. En Île
-de-France, les
PGE du secteur HCR représentent 37 % du total des PGE, alors que la
région représente 30,4
% de la valeur ajoutée nationale de l’hébergement
et de la restauration. Ce c
onstat d’une sur
-sollicitation du dispositif dans la
région-
capitale résulte d’une forte sensibilité à la crise sanitaire
: les
entreprises de ce secteur en Île-de-France sont en effet spécialisées dans
l’évènementiel, ou bénéficient en temps normal d’une
clientèle étrangère
(42 % des palaces se trouvent en Île-de-France), à la différence des autres
régions qui concentrent davantage de petites structures éligibles au fonds
de solidarité lors de sa mise en place et qui ont pu profiter du rebond du
tourisme domestique.
Enfin, le recours aux PGE dans le secteur de la construction fait
également apparaître des disparités territoriales, mais moindres, avec une
mobilisation essentiellement dans le nord-est et dans le sud de la France.
B -
Des refus de PGE globalement limités, une activité
soutenue du médiateur du crédit
1 -
Des refus limités
Le succès du dispositif résulte aussi d’une certaine souplesse des
établissements financiers dans la distribution des prêts. Le taux de refus de
PGE est ainsi resté relativement sta
ble dans le temps. Le taux d’obtention
des PGE, après négociations préalables entre les entreprises et les banques
ayant par exemple conduit à baisser le montant du prêt, est ainsi de l’ordre
de 97
%, supérieur au taux d’obtention habituellement constaté p
our les
crédits de trésorerie (en moyenne 71,1 % pour les TPE, 82,2 % pour les
PME et 92,8 % pour les ETI en 2019), mais comparable au taux
d’obtention des crédits d’investissement (88,5
% pour les TPE, 96 % pour
les PME et 97,9 % pour les ETI en 2019).
Un rapport du Sénat
490
de mai 2021 souligne d’ailleurs que
l’introduction des PGE n’a pas modifié le profil des entreprises accédant
au crédit bancaire par rapport à 2019, si bien qu’il n’y aurait eu ni de
préférence dans les choix des banques en faveur d’ent
reprises bien cotées,
ni au contraire de phénomène d’anti
-sélection, avec des PGE accordés à
des entreprises en moins bonne santé financière.
490
Rapport d’information n° 583
(2020-2021) fait au nom de la commission des finances du
Sénat sur les prêts garantis par l
’État par M. Jean
-François Husson, sénateur, 12 mai 2021.
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COUR DES COMPTES
592
En définitive, les dossiers les plus compliqués pour l’octroi de PGE
ont concerné soit des entreprises très endettées, soit des entreprises non
bancarisées
491
.
2 -
Un médiateur du crédit fortement sollicité,
des alternatives au PGE peu utilisées
Lorsqu’elles refusent un PGE, les banques sont tenues de signaler
un recours possible auprès du médiateur du crédit, qui est un service de
proximité, gratuit et confidentiel, assuré par la Banque de France pour
faciliter le dialogue avec les banques. En pratique, ce dispositif, pas
toujours connu des entreprises, n’a pas été systématiquement sollicité. Sur
les 2,9 % de PGE refusés (soit, pour 700 000 prêts, environ 20 000 refus),
près des deux tiers ont fait l’objet d’un traitement par le médiateur. Celui
-
ci a été sollicité quatorze fois plus en 2020 qu’en 2019, avec
14 147
saisines essentiellement à la suite d’un refus initial d’octroi d’un
PGE. Le taux de réussite de la médiation s’élève à 50,2
% des dossiers.
L’activité du médiateur du crédit est concentrée sur les très petites
entreprises, qui représentent 84,1 % des demandes de médiation et, dans
une moindre mesure, les PME (15,3 % des demandes). Les secteurs qui ont
sollicité le médiateur sont les mêmes que les principaux bénéficiaires des
PGE. L’intervention de la médiation a été particulièrement marquée dans
le secteur du commerce (22,6
% des saisines), de l’hébergement et de l
a
restauration (17,8 %) et de la construction (11,5 %). En cohérence avec le
déploiement des PGE, le médiateur est particulièrement intervenu en
Île-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes et, dans une moindre mesure, en
Provence-Alpes-
Côte d’Azur, en Nouvelle
-Aquitaine et en Occitanie.
En cas d’échec des négociations, le médiateur a suggéré aux
entreprises de se tourner vers les autres dispositifs mis spécialement en place
dans le cadre de la crise pour proposer une solution aux entreprises s’étant
vu refuser un PGE : prêts du fonds de développement économique et social
(FDES) pour les entreprises de plus de 250 salariés, prêts bonifiés et avances
remboursables pour les PME et ETI, et enfin prêts exceptionnels pour les
petites entreprises (PEPE). Les montants distribués, très tardivement au
cours de l’année 2020, au titre de ces dispositifs sont modestes par rapport
aux PGE. À fin juillet 2021, près de 500
M€ de prêts FDES avaient été
distribués à 61 entreprises et un peu plus de 100
M€ de prêts bonifiés et
avances remboursables à 139 entreprises, tandis que 340 entreprises avaient
bénéficié de prêts PEPE pour un montant total de 12 M€.
491
Une étude de l’Institut des politiques publiques, commandée par la commission des
finances du Sénat pour son rapport précité, a également montré que les bénéficiaires
des PGE ont une position médiane en termes de situation financière et que les 10 %
d’entreprises ayant subi le choc le plus fort sur leurs ventes ont légèrement moins
bénéficié du dispositif.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
593
III -
Un soutien massif à la trésorerie
des entreprises, un coût réel encore incertain
pour l’État
A -
Une réponse aux besoins de court terme
des entreprises, des situations financières disparates
1 -
La préservation des liquidités et des faillites évitées
La mobilisation importante des acteurs publics comme privés a
permis au dispositif d’atteindre rapidement ses objectifs de court terme,
consistant à préserver les liquidités des entreprises et éviter tout
credit
crunch
dans une période de grande incertitude.
Depuis le début de la crise sanitaire, la remontée des indicateurs
macro-
économiques ne fait pas apparaître de baisse ou d’essouffle
ment de
la trésorerie des entreprises, qui s’est au contraire très fortement accrue au
deuxième trimestre 2020 sous l’effet de la distribution des PGE. L’enquête
qualitative menée par la Cour confirme d’ailleurs que plusieurs entreprises
ont souscrit un PGE pour simplement sécuriser des ressources dans un
contexte économique incertain. D’après une enquête menée par Bpifrance
à mi-2021
492
, 33 % des bénéficiaires déclaraient avoir peu ou pas du tout
mobilisé leur PGE et 24
% n’en ont dépensé qu’une faible part.
Le PGE a également pu avoir un impact sur les délais de paiement,
en permettant aux entreprises en difficulté de régler leurs fournisseurs et
d’éviter ainsi des répercussions en chaîne.
Les dispositifs de crise, et au premier chef les PGE, ont enfin permis
de contenir le nombre de défaillances d’entreprises, qui a reculé de 39
%
en 2020 (contre 21
% en moyenne entre 2019 et 2020 dans l’Union
européenne) et de 18 % en 2021.
Les prêts garantis par l’État ont en effet été principalement mobilisés
par des entreprises fortement affectées par le choc sanitaire. Ainsi, au plan
sectoriel, une étude de l’Institut des politiques publiques commandée par
la commission des finances du Sénat a montré que le taux de recours est
particulièrement élevé dans des secteurs très affectés par la crise sanitaire,
ceux de l’hôtellerie
-restauration et de la fabrication de matériels de
transport. Si le commerce, dont l’activité est également très touchée,
concentre des montants importants de PGE, qu’il s’agisse du commerce de
gros (9,5 % des encours de PGE octroyés à fin 2021) ou du commerce de
détail (7,6 % des encours de PGE octroyés à fin 2021), le taux de recours
en nombre d’entreprises y est toutefois plus réduit.
492
73
ème
enquête de conjoncture auprès des PME
, publiée en juillet 2021.
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COUR DES COMPTES
594
2 -
La situation financière contrastée des entreprises françaises
Les entreprises françaises se caractérisaient déjà, avant la crise
sanitaire, par un niveau d’endettement élevé par rapport à celles d’autres
pays de l’Union européenne. L’écart est particulièrement important sur les
crédits bancaires, dont l’encours est p
assé de 22 % de celui de la zone euro
pendant la crise financière à 27
% aujourd’hui
493
.
Or la hausse tendancielle de l’endettement observée au niveau
agrégé masque des évolutions très disparates entre les entreprises.
L’Insee
494
a ainsi montré que si le taux
d’endettement des très petites
entreprises (TPE) a reculé entre 2014 et 2018, d’importantes disparités
existaient entre secteurs (avec les secteurs les moins capitalisés de
l’hébergement
-
restauration, des services aux particuliers et l’immobilier)
;
une TPE sur cinq avait des fonds propres négatifs avec un taux de
défaillance nettement plus élevé dans ce cas. De même, si globalement, les
taux d’endettement nets et bruts (endettement net ou brut sur fonds propres)
des PME ont diminué tendanciellement entre 2011 et 2018, leur situation
financière est très hétérogène
495
.
La crise a exacerbé les fragilités préexistantes. Au niveau agrégé, la
trésorerie et notamment les dépôts bancaires mesurés par la Banque de
France ont progressé rapidement (+ 27 % pour les dépôts bancaires et une
hausse globale de la trésorerie de + 204
Md€) entre 2019 et 2020, mais en
parallèle, la dette financière des entreprises, qui comprend à la fois les
crédits bancaires et les financements obligatoires, a très fortement
augmenté, de 219 M
d€ selon la Banque de France. La dette nette des
sociétés non financières françaises est donc restée quasiment stable
(+ 15
Md€ entre 2019 et 2020) mais le niveau élevé de dette brute demeure
un élément de fragilité pour les entreprises.
La progression de la dette des entreprises et la très grande
hétérogénéité de leur situation financière impliquent de mieux détecter et
accompagner celles qui sont viables mais en difficulté. Dès le mois de juin
2021, la Banque de France a, à cet effet, publié une première analyse des
179 607 bilans reçus de PME qui correspondent à une partie des entreprises
cotées par la Banque
496
. Il en ressort que 39
% d’entre elles, soit un peu
plus de 70 000, ont contracté un PGE.
493
Source : comptes de patrimoine financier, Eurostat.
494
Noémie Morénillas, Gabriel Sklénard,
La faiblesse des fonds propres des TPE
accroît leur fragilité
, Insee Références, édition 2020.
495
La situation financière des entreprises : forces et faiblesses à la veille de la crise
sanitaire
, Bulletin de la Banque de France, janvier-février 2021.
496
Crise sanitaire
: quel impact sur l’endettement des PME
?
, Banque de France,
Bloc-notes Éco, billet n° 224, 23 juillet 2021.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
595
Au niveau agrégé, le ratio de dette nette sur fonds propres des
entreprises de l’échantillon diminue. Au niveau individuel toutefois, 54
%
des PME étudiées voient leur dette brute augmenter, et 10 % présentent en
parallèle une trésorerie en baisse. Parmi ces entreprises, la Banque de
France a indiqué à la Cour qu’elle avait identifié un peu plus de
7 700
entreprises devant faire l’objet d’un suivi attentif, dont un peu plus
de 2 800 bénéficiaires de PGE. La part des bénéficiaires des PGE jugés « à
risque »
dans le cadre de ces travaux est donc d’environ 4
%, un niveau
cohérent avec les estimations de taux de défaut des PGE (cf. ci-après).
B -
Un coût réel incertain pour l’État
1 -
Un coût prévisionnel réduit mais qui pourrait évoluer
En 2020 et 2021, l’État a bénéfi
cié des primes perçues au titre des
PGE, alors que les appels en garantie sont à ce stade restés limités. Le coût
pour l’État dépendra
in fine
du taux de défaut des bénéficiaires des PGE.
Les estimations disponibles à ce jour ne laissent pas présager un coût
massif.
La Banque de France et Bpifrance réalisent à échéances régulières
des estimations des taux de défaut des PGE, à partir des données sur la
situation financière des entreprises et en examinant par entreprise l’impact
du choc sur les données compt
ables et donc sur la probabilité d’un défaut.
L’Institut des politiques publiques a également procédé à des estimations
mais selon une logique un peu différente, en évaluant la valeur de la
garantie pour les banques. Tous ces travaux, établis sur des hypothèses
maximalistes en termes de maturité des PGE et de choix par les entreprises
d’un différé de deux ans, ont conduit initialement à estimer des taux de
défaut de l’ordre de 5
%.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, en tenant
compte du fait que près de 15 % des entreprises ont choisi de rembourser
leur PGE dès 2021 et qu’environ 50
% seulement ont opté pour un différé
de deux ans, le Gouvernement a révisé le taux de défaut à 3,78 %, en baisse
par rapport aux premières estimations.
Ces estimations sont entourées de nombreuses incertitudes tant au
plan macroéconomique, en fonction du rythme et de l’ampleur de la
reprise, qu’au plan microéconomique, avec une grande hétérogénéité des
situations individuelles.
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COUR DES COMPTES
596
L’enquête qualitative de la Cour a d’ailleurs révélé que certaines
entreprises, sans stratégie financière autre que celle d’une reprise de
l’activité, paraissaient assez peu préparées en juin 2021 à faire face à leurs
obligations de remboursement. Les plus petites d’entre elles semblent
d’ailleurs ignorer l’existence des dispositifs d’aides au rebond qu’elles
pourraient mobiliser. Enfin, certaines entreprises craignent d’être
asphyxiées dans leurs tentatives de redémarrage, compte tenu de la durée
courte des PGE (remboursements sur cinq ans) par rapport au montant
supplémentaire de dette qu’ils ont induit.
2 -
Le coût des PGE dépendra aussi des mécanismes
d’optimisation et de fraude
Face à des besoins massifs de liquidités, la conception et la
distribution des PGE se sont focalisées sur la réussite du déploiement des
prêts, sans qu’ait été mis en place en amont un contrôle approfondi visant
à limiter les risques d’optimisation.
En effet, bien qu’ait été instauré un délai de carence de deux mois et
que les banques soient supposées augmenter leur exposition sur les entreprises
bénéficiaires de PGE, aucun mécanisme spécifique n’est prévu pour vérifier
que les prêts octroyés ne se substituent pas à des dettes préexistantes.
De plus, il existe un risque que la créance que détient l’État devienne
moins prioritaire en cas de défaillance si de nouveaux prêts ont une maturité
plus courte, ou sont adossés à des actifs apportés en garantie,
ce qui n’est pas
le cas des PGE. Les levées de nouvelles dettes seraient une preuve de « l’effet
de levier » des PGE, facilitant l’accès à d’autres crédits classiques pour les
entreprises, mais ne doivent pas mettre en péril le remboursement des PGE.
Enfin, les banques apprécient la situation financière consolidée de leurs
clients lors de la distribution des PGE, mais il n’est pas possible de vérifier
quelle est la circulation de la créance de PGE et s’il existe des possibilités
d’optimisation au sein des
groupes au niveau français et étranger.
Le Gouvernement a toutefois pris des dispositions visant à prévenir
les comportements frauduleux. En particulier, l’implication des banques
dans le dispositif, en leur faisant porter une partie du risque de crédit et
donc en les associant étroitement à la sélection des entreprises souvent déjà
clientes et connues, devait prévenir les risques d’attribution d’un prêt à une
entreprise sans existence juridique ou activité réelle. La plateforme mise en
place par Bpifrance
a permis également de s’assurer de l’identité des
bénéficiaires et du respect des plafonds de prêt, sur la base des chiffres
d’affaires et de masse salariale déclarés par les entreprises, charge aux
banques d’en vérifier l’exactitude en les comparant avec
les données
comptables dont elles disposent.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
597
Le rapport d’activité de Tracfin publié en juillet 2021 fait état de
seulement six cas de fraude, avec un unique dossier signalé par les banques
relatif à un détournement de PGE en 2020 et cinq dossiers en 2021. Les
10 % de risques supportés par les banques semblent avoir été suffisamment
incitatifs pour qu’elles veillent à enrayer tout comportement illégal.
Ce n’est pas le cas dans de nombreux pays, en particulier dans ceux
ayant opté pour des taux de garantie de 100 %. Au Royaume-Uni, le
ministère des affaires, de l’énergie et de la stratégie industrielle (BEIS) a
estimé, à la suite d’un rapport du
National Audit Office
, que la fraude et les
pertes sur prêts dues à des défauts de paiement pourraient coûter aux
contribuables anglais jusqu’à 17 Md£, avec un taux de fraude estimé entre
7,5 % et 11 % des prêts. Les prêts garantis anglais, distribués largement par
les banques (plus de 47 Md£ ont été débloqués au profit de 1,5 million
d’entreprises de mai 2020 à septembre 2021), sont en effet assortis d’une
garantie gouvernementale à 100 %.
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COUR DES COMPTES
598
______________________ CONCLUSION ______________________
Conçus et mis en place très rapidement, les prêts garantis par l’État
ont été déployés auprès des entreprises grâce à une mobilisation forte et
concertée de l’État et des banques. Les choix effectués en faveur d’un
dispositif simple, diffusé par les banques à leurs clients et avec une
plateforme en ligne de demande de garantie, se sont avérés opérationnels,
ce qui a facilité la communication et une large diffusion de l’i
nformation
dans une situation d’urgence.
Le premier enseignement du déploiement des PGE est l’intérêt
d’avoir conçu un dispositif juridique simple, universel avec des paramètres
qui ont facilité la communication et la diffusion massive des prêts.
Même si
l’enveloppe de 300 Md€ est loin d’être atteinte, les prêts
ont répondu à l’objectif de créer un pont de liquidités et d’éviter toute crise
de l’accès au crédit dans une période d’incertitude. L’instruction des
demandes par les banques a permis de répondre aux besoins de court terme
de trésorerie des entreprises affectées par la crise avec un taux de refus
qui est resté limité. À moyen terme, les PGE accroissent cependant
l’endettement d’entreprises françaises qui étaient déjà caractérisées par
une situation financière plus dégradée. Si la hausse nette de leur
endettement reste globalement contenue, les situations sont très
contrastées et impliquent une détection et un suivi attentif des entreprises
les plus en difficultés. Le coût final pour les finances publiques,
difficilement estimable, dépendra en effet de la capacité des entreprises à
faire face au remboursement de leurs échéances. Le taux de défaut est
aujourd’hui estimé autour de 4
%, ce qui correspond à un coût net pour
l’État inférieur à 3
Md€.
Un second enseignement du déploiement des PGE est la nécessité
de disposer d’outils de suivi de la trésorerie des entreprises suffisamment
fins pour mesurer l’impact des mesures de soutien et les adapter.
Enfin, si les caractéristiques retenues en France pour les PGE ont
permis d’éviter des phénomènes de fraude massive rencontrés dans
d’autres pays, une attention devra être portée aux risques d’optimisation
et à l’amélioration des outils de pilotage financier.
L’évaluation complète du dispositif des PGE, à la
quelle procède
actuellement la Cour, doit permettre de préciser ces premiers constats, de
formuler des recommandations et de mesurer si, au-delà du « pont de
liquidités
» immédiat, les prêts garantis par l’État ont contribué à assurer
durablement la viabil
ité d’entreprises affectées par la crise sanitaire.
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Réponses
Réponse commune du ministre de
l’économie, des finances
et de la relance et du ministre au
près du ministre de l’économie,
des finances et de la relance, chargé des comptes publics
......................
601
Réponse du directeur de Bpifrance
.........................................................
604
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RÉPONSE COMMUNE DU MINISTRE DE
L’ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE LA RELANCE ET DU MINISTRE
AUPRÈS DU MINISTRE D
E L’ÉCONOMIE, DES FI
NANCES
ET DE LA RELANCE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS
Nous avons bien pris connaissance de l’extrait du rapport public
annuel de la Cour des comptes relatif à la mise en œuvre des prêts garantis
par l’État (PGE), qui vient compléter les premières observations réalisées
dans le cadre du ROP relatif aux PGE. Nous vous remercions pour cette
deuxième évaluation, qui dresse un bilan positif de ce dispositif de crise, et
de l’occasion qui nous est donnée de commenter ces observations.
Votre extrait souligne d’abord la rapidité de la mise en œuvre du
dispositif PGE ainsi que la simplicité de ses modalités, deux facteurs qui
ont contribué à sa large diffusion. Mis en place par la loi de finances
rectificative du 23 mars 2020 une semaine seulement après l’annonce du
premier confinement, avec des paramètres définis dans un arrêté paru le
même jour, les PGE ont effectivement connu un démarrage précoce. En
effet, les premiers prêts ont été octroyés dès la fin du mois de mars 2020 et
plus de 500 000 prêts ont été distribués dès juin 2020 pour un montant de
près de 110 milli
ards d’euros sur les 142 milliards d’euros octroyés au
total jusqu’à présent. Comme vous le soulignez, ce déploiement rapide a
été facilité par une communication massive autour des PGE, ainsi que par
la simplicité des paramètres retenus pour les caractéristiques du
produit lui-
même et pour ses conditions d’accès.
Vous notez également que le dispositif PGE est le moins coûteux
d’Europe pour les entreprises, en rappelant qu’il se distingue par des
primes de garantie progressives, inférieures à la fourchette de taux retenue
par l’Allemagne ou encore aux taux de marché utilisés en Italie et au
Royaume-
Uni, et par une assiette plus large d’entreprises en ne demandant
pas de garanties supplémentaires comme cela a été le cas dans certains
pays. Le Gouvernement a as
sumé dès l’origine la souplesse du dispositif et
le fort degré de protection qu’il comporte.
Au total, le dispositif a été particulièrement sollicité par les très
petites entreprises, qui représentent près de 88 % des bénéficiaires au
1
er
octobre 2021
497
. Le
taux de refus de la part des banques s’est quant à
lui stabilisé à un niveau très faible de l’ordre de 2,9
% du total de
demandes, soit environ 20 000 refus pour 700 000 demandes de prêts, ce
qui suggère qu’il n’y a eu ni discrimination par les banques dans l’octroi
des prêts ni phénomène d’anti
-sélection.
497
La répartition est moins concentrée en montant, avec 12 % des montants octroyés
aux grandes entreprises, 11 % aux entreprises de taille intermédiaire, 38 % aux PME
et 37 % aux TPE.
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COUR DES COMPTES
602
Vous soulignez ensuite que le succès du dispositif a mis en lumière
la réussite du partenariat public-
privé noué entre l’État, les banques et
Bpifrance. Nous partageons ce constat et saluons la qualité des
interactions entre nos services, les banques participantes et Bpifrance.
Comme vous le rappelez, il a été décidé de confier aux banques un rôle
central dans le programme, celles-ci étant à la fois chargées de distribuer
les prêts aux entreprises et d’or
ganiser le recouvrement en cas de défaut.
Pour l’État, le recours au réseau bancaire a été un choix nécessaire,
les banques étant les plus à même de procéder à la distribution rapide du
produit dans tout le pays, au contact des entreprises, et à l’analyse
du
profil du risque préalable à l’octroi. Pour que cette délégation au réseau
bancaire privé puisse être efficace, y compris pour les intérêts de l’État, il
a été nécessaire de l’assortir de garde
-
fous qui ont permis d’assurer un
bon alignement d’intérêts entre les banques et l’État garant. Ces garde
-
fous comprenaient en particulier le plafonnement de la garantie publique
à 90
%, le délai de carence de deux mois après l’octroi du prêt avant que
la garantie ne puisse être appelée, et une tarification à prix coûtant, ce qui
empêchait une sélection adverse des mauvais risques.
Ainsi, nous partageons votre commentaire relatif à la mobilisation
précieuse de Bpifrance qui est parvenu à constituer un point de passage
unique pour la déclaration d’un nombre considéra
ble de demandes et de
validations de prêts, et qui s’organise pour administrer les appels en
garantie le cas échéant.
Votre bilan de l’impact du dispositif sur la trésorerie des entreprises
est lui aussi favorable. Il nous semble clair que les dispositifs de crise mis
en place par l’État, au premier rang desquels les PGE, ont rempli leur
objectif en contenant le nombre de défaillances d’entreprises, qui a même
reculé de 39 % en 2020, tandis que la dette financière nette est restée
quasiment stable grâce à l
’utilisation parcimonieuse des PGE qui a été
faite par les entreprises.
Cependant, vous rappelez que cette dette nette stable masque des
disparités, pour partie préexistantes. Les analyses de bilans réalisées par la
Banque de France indiquent en effet que 54 % des petites et moyennes
entreprises étudiées voient leur dette brute augmenter, et 10 % présentent en
parallèle une trésorerie en baisse. Parmi ces entreprises, la Banque de France
a indiqué qu’elle identifiait un peu plus de 7
700 entreprises devant faire
l’objet d’un suivi attentif, dont un peu plus de 2
800 bénéficiaires de PGE
(environ 4 % du total). Nous partageons cette attention et nos services veillent
à ce que le PGE puisse contribuer pour sa juste part à la restructuration des
bilans des entreprises concernées lorsque cela est pertinent.
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LE DÉPLOIEMENT DES P
RÊTS GARANTIS PAR L’
ÉTAT
603
S’agissant du dernier point de votre rapport, qui concerne le coût
qui sera
in fine
supporté par l’État au titre des PGE, dont vous rappelez
qu’il est pour partie incertain, nous vous confirmons que le coût f
inal des
PGE pour les finances publiques dépendra en effet d’une variété de
paramètres qui nous sont inconnus à ce jour, puisqu’ils dépendront à la
fois de l’évolution des fondamentaux macroéconomiques et de la situation
de trésorerie propre à chaque entreprise. Néanmoins, nous insistons sur
les conclusions rassurantes des estimations préliminaires les plus récentes
qui permettent de relativiser l’impact du dispositif sur les finances
publiques.
Les estimations de coût pour l’État retenues dans le PLF 2022
tablent sur un taux de perte global de 3,78 %, contre 5,25 % lors
d’estimations précédentes, ce qui conduirait à un coût net pour l’État de
2,4
milliards d’euros, substantiellement plus faible que les pertes
anticipées dans d’autres pays (celles
-ci pourraient atteindre 26 milliards
de dollars au Royaume-Uni). Nos services poursuivent activement le
travail d’évaluation des coûts des PGE qui sera bientôt enrichi des chiffres
définitifs sur l’encours de prêts garantis.
Nous nous félicitons de l’appréciation fa
vorable que vous faites de
la maitrise des risques d’optimisation et de fraude. Comme vous le notez,
seuls six cas de fraudes étaient relevés par TRACFIN jusqu’en juillet
2021,
ce qui est le signe du bon fonctionnement des garde-fous mis en place dans
le dispositif. En effet, cette hausse très modérée des cas de fraudes en 2021
prouve que, contrairement à ce que certains pouvaient craindre, il n’y a
pas eu d’augmentation significative du nombre de fraudes en lien avec les
premiers remboursements à la fin de
l’année de franchise.
Votre dernière recommandation propose de développer des outils
de suivi de la trésorerie des entreprises suffisamment fins pour mesurer
l’impact des mesures de soutien, en vue de leur adaptation, et affiner
l’évaluation des risques d’optimisation. Si les caractéristiques des PGE,
dument réfléchis pour éviter les risques de fraude systémique ont
visiblement permis d’écarter ce risque rencontré dans d’autres pays, il
nous paraît utile de disposer d’outils supplémentaires pour mieux
com
prendre l’utilisation qui en a été faite. Nous partageons donc cette
recommandation et nos services étudieront sa faisabilité.
Enfin, nous nous félicitons de la conduite par la Cour d’une
évaluation des PGE. Bien entendu, nous nous tenons prêts, ainsi que nos
services, à apporter toutes les informations pouvant être utiles dans le
cadre de cette évaluation.
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604
RÉPONSE DU DIRECTEUR DE BPIFRANCE
Par votre courrier daté du 22 novembre 2021, vous avez bien voulu
m'adresser le chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2022 de
la Cour des Comptes sur le déploiement des prêts garantis par l'État (PGE).
Je vous remercie tout d'abord de la prise en compte de nos
remarques sur le relevé d'observations provisoires de la Cour sur la mise
en œuvre des prêts
garantis par l'État.
En complément, je souhaiterais apporter les quelques précisions
suivantes
-
En partie II-A-1 sur la préservation des liquidités et les faillites évitées, il
importe également de souligner l'impact positif de la mise en place des
PGE sur le maintien du crédit inter entreprise durant la période de
pandémie. En assurant un volant de trésorerie aux entreprises alors que
l'activité était en forte chute, le PGE a permis le règlement des factures
fournisseurs, le maintien du crédit interentreprise et ainsi éviter des
faillites en cascade.
-
En partie II-A-2, est mentionné le fait que Bpifrance et les Régions ont
pris plusieurs initiatives avant même la mise en place des PGE. La Cour
indique également que « les montants accordés par Bpifrance restent
toutefois très réduits par rapport à l'enveloppe des PGE distribués ».
Je souhaite souligner que pour Bpifrance, l'enjeu principal n'était
pas tant de déployer un volume important de prêts que de répondre aux
besoins des entrepreneurs dans une situation de crise aiguë. À cet égard,
avec le lancement des prêts Atout dès le 20 mars 2020, nous avons comblé
un manque ces prêts ont permis de faire la jonction en attendant la mise
en place des premiers PGE par l'État et les banques. Par ailleurs,
Bpifrance a également répondu aux besoins spécifiques des entreprises
innovantes et surtout des startups en phase de levée de fonds. Enfin grâce
aux partenariats étroits que nous entretenons avec les Régions, Bpifrance
a mis en place un prêt à taux 0 pour les petites entreprises, le prêt Rebond,
qui a permis d'accorder 497M€ de financement en 2020, notamment grâce
à la mise en place de plateformes digitales, à des entreprises souvent sans
autre solution.
Dans l'ensemble, ces « prêts COVID » de Bpifrance ont, le plus
souvent, été complémentaires des PGE, dont le montant est plafonné. Ils
ont, comme c'est toujours le cas en financement, contribué à faire levier
sur le crédit bancaire. Enfin, ils ont, dans nombre de cas, permis de
maintenir un accès des PME à la liquidité dans le contexte
–
très tendu
–
des premières semaines du confinement.
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