6
Les transports collectifs
en Île-de-France
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
L’Île
-de-
France est l’une des régions françaises qui, dès le début de
2020, a été atteinte le plus brutalement par la crise sanitaire. Son système
de transports collectifs, qui assure 22 % de tous les déplacements
franciliens selon l’Observa
toire de la mobilité en Île-de-France (Omnil), a
été fortement touché par cette crise du fait de ses caractéristiques
particulières.
En effet, il se distingue en premier lieu par un flux massif de
déplacements (9,4 millions par jour selon l’Omnil), réalisés à 85 % en
mode ferré (RER, métro, tramway) et 15 % en bus. Ce flux représente les
trois quarts des déplacements en transports collectifs urbains en France.
Il répond à un besoin d’autant plus impérieux que 68 % des emplois sont
concentrés sur 6 % du territoire régional et que le réseau routier francilien
est largement saturé. Une part importante des actifs dépend donc des
transports en commun pour leurs déplacements.
En deuxième lieu, l’organisation des transports collectifs en
Île-de-France est singulière au regard du reste du territoire national parce
qu’elle est placée sous la compétence d’une autorité unique qui, depuis 2006,
n’est plus sous tutelle de l’État
: Île-de-France Mobilités (IDFM). Cet
établissement public local dépend principalement de la région Île-de-France
même si, en matière d’investissement, il doit se coordonner avec l’
État dans le
cadre des contrats de plan État-Région (CPER) et avec la Société du Grand
Paris (SGP) chargée du projet du Grand Paris Express (GPE). De surcroît,
les deux principaux exploitants des transports, la SNCF et la RATP, sont des
opérateurs de l’É
tat, encore en situation de quasi-monopole.
Enfin, l’originalit
é du système francilien tient aussi au fait que les
recettes tarifaires, issues aux deux-tiers des abonnements, constituent à peine
plus du tiers des ressources de fonctionnement d’IDFM (10,9
Md€ en 2019)
alors que les entreprises en financent plus de la moitié
via
le versement
mobilité (4,7
Md€) et la prise en charge de 35 % des abonnements (1
Md€).
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
408
La crise sanitaire est survenue alors que des investissements massifs
étaient engagés pour moderniser et étendre le réseau au travers du Grand
Paris Express et
d’autres opérations conduites par IDFM et financées dans
le cadre du CPER : création de neuf nouvelles lignes de métro automatique
(lignes 15 à 18) et de tramway (lignes 9 à 13) ; prolongement de neuf lignes
de RER (ligne E), métro (lignes 1, 4, 11, 12 et 14) et tramway (lignes 1, 3b
et 4) ; mise en place de 120 nouvelles dessertes de bus. L’ensemble
représente une extension du réseau (métro, RER) de près de 20 %, dont la
moitié pour le GPE, et près de 150 gares et stations supplémentaires.
Issue d’une enq
uête réalisée conjointement par la Cour des comptes
et la chambre régionale des comptes Île-de-France, la présente synthèse
examine d’abord la gestion opérationnelle de la crise (I). Elle analyse
ensuite son impact financier en 2020 et 2021 (II), puis évalue ses
conséquences à moyen et long terme sur l’évolution du systè
me de
transports collectifs en Île-de-France (III). Les projections financières
réalisées à ce dernier titre ont été arrêtées en décembre 2021 sur la base
des dernières données disponibles, datant de juin 2021.
I -
Une activité brutalement réduite qui n’a pas
retrouvé son niveau d’avant la crise
A -
Un ajustement fin de l’offre de transport
à l’évolution de la fréquentation
Lors du premier confinement, les restrictions décidées par le
Gouvernement ont obligé IDFM et les opérateurs à ajuster rapidement et
finement les plans de transport avec l’aide de la préfecture de région. Entre le
17 mars et le 11 mai 2020, alors que la fréquentation avait chuté de façon
spectaculaire (elle ne représentait plus que 5 % du trafic habituel à la mi-avril),
la priorité a été donnée au maintien d’une offre de transport représentant en
moyenne 30 % de celle de 2019, moyennant toutefois des disparités entre les
dessertes. L’objectif était triple : maintenir une offre suff
isante pour garantir la
distanciation entre voyageurs, ne pas accentuer les inégalités entre usagers
selon leur dépendance aux transports collectifs et limiter le report modal vers
la voiture. L’offre a donc été adaptée ligne par ligne pour préserver l’acc
ès des
soignants aux hôpitaux, répondre aux besoins des salariés de la « deuxième
ligne » et tenir compte de la saturation de certaines lignes, en particulier la ligne
13 du métro et les lignes B et E du RER.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
409
Graphique n° 1 :
comparaison de l’offre et de la fréquentation
Source
: Cour des comptes, d’après les données IDFM
À la sortie du premier confinement, IDFM et l’État ont affiché
l’option stratégique, quoique complexe à mettre en œuvre, de rétablir
l’offre à un niveau élevé malgré un trafic atone. Concrètement, pour l
a
période du 11 mai au 2 juin 2020, l’objectif a été fixé à 60/70 % pour la
RATP et la SNCF et à 80/90 % pour le réseau de bus de moyenne et grande
couronnes, exploité par les sociétés regroupées au sein de l’association
Optile. Au second semestre de 2020, alors que la fréquentation atteignait
60 % du niveau habituel tous modes confondus, il a été demandé aux
opérateurs de revenir à une offre presque normale. Des évolutions
similaires ont été observées à Londres, Bruxelles et Berlin.
Les pratiques de mobilité des Franciliens ont été plus ou moins
affectées par la crise sanitaire. Les déplacements liés au travail et ceux
entre Paris et la banlieue ont été les plus touchés. Les lignes desservant la
Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis, davantage fréquentées par des
usagers occupant des emplois peu ou pas « télétravaillables », ont connu
une reprise du trafic plus rapide.
De décembre 2020 à fin 2021, l’offre a représenté environ 90 % de
son niveau de référence, pour une fréquentation moyenne sur les neuf
premiers mois de 66 %, mais qui atteignait en septembre 2021, hors
périodes de restrictions sanitaires, près de 85 %. Les offres de certaines
lignes ont été modulées au-delà de cette moyenne, en fonction du niveau
de leur saturation.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
410
Ainsi, à toutes les étapes de la crise, IDFM a fait le choix, en lien
avec la préfecture de région, de ne pas aligner l’offre sur la fréquentation
mais de la calibrer au-delà des besoins. Ce parti pris a répondu au souhait
des opérateurs de stabiliser le plan de transports pour éviter des ajustements
trop fréquents et offrir de la lisibilité aux usagers.
B -
Des mesures sanitaires adaptées aux risques
Après le choc du premier confinement, IDFM et les opérateurs se
sont efforcés de concilier protection sanitaire et transport de masse en
prévoyant, pour le déconfinement, des mesures allant au-delà des
prescriptions, déjà exigeantes, fixées par le décret n° 2020-663 du
31 mai 2020 (désinfection quotidienne des véhicules et des gares,
séparation du conducteur et des voyageurs, interdiction de monter par
l’avant et de la vente à bord des bus). Cela s’est traduit par l’installation de
distributeurs de gel hydro-alcoolique, la condamnation de la moitié des
sièges, la possibilité d’acheter des tickets de bus par SMS et la désinfection
des gares, trains et tramways deux fois par jour.
Par la suite, l’amélioration de la situation sanitaire et, partant,
l’allègement
des restrictions de circulation, ont conduit à adapter ces
mesures. Le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 en a maintenu
certaines (obligation de port du masque pour tous les passagers de plus de
11 ans, information des voyageurs, mise à disposition de gel hydro-
alcoolique). IDFM a décidé de maintenir, autant que possible, les mesures
sanitaires à un niveau élevé, puis de les réduire un peu à partir d’avril 2021.
L’enjeu considérable du rétablissement de la confiance des usagers
a aussi motivé la réalis
ation de campagnes de communication sur l’état des
risques de contamination dans les transports en commun.
C -
Une maintenance préservée, des chantiers
et des livraisons affectés par des retards en cascade
La maintenance, essentielle au service, a été réorientée en priorité sur
les
opérations courantes et préventives qui ont continué d’être assurées en
2020 à 96 % par SNCF Réseau et à 87 % par Transilien. Elles se sont
contractées pour tous les opérateurs dans des proportions comparables à la
réduction de
l’offre, moyennant de nombreux ajustements liés à la
perturbation des approvisionnements et à la diminution des effectifs
disponibles. À la SNCF, le taux de réception de rames neuves n’a été que
de 60 % entre janvier 2020 et octobre 2021, comparativement à 2019, alors
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
411
que
la
maintenance
patrimoniale
du
réseau
(renouvellement
et
régénération) a été totalement assurée, notamment grâce au plan de relance.
Par ailleurs, plusieurs opérateurs privés de bus ont dû interrompre leurs
investissements de renouvellement du matériel roulant,
a priori
pour
quelques années, au moment où les nouveaux contrats prévoyaient
d’abaisser l’âge moyen et de « verdir » le parc.
Les travaux d’extension et de modernisation des réseaux ont été
davantage affectés. Sur le plan contractuel, la SNCF et la SGP ont pris la
décision d’interrompre les chantiers dès le début du premier confinement,
alors que la RATP et IDFM ont laissé l’initiative aux entreprises en les
incitant à limiter la période d’interruption. En pratique, tous les chantier
s
ont été arrêtés durant quatre à sept semaines en raison du défaut de visibilité
des mesures sanitaires à mettre en œ
uvre, notamment en situation de
co-
activité, de l’indisponibilité du personnel technique ou de difficultés
d’approvisionnement. Les retards constatés sont d’autant plus difficiles à
rattraper que les chantiers sont complexes, interdépendants et se déroulent
dans des environnements urbains peu propices au travail posté. Ils ne
peuvent parfois être effectués qu’à certains moments de l’année.
Pour IDFM, les retards pris sur la programmation des travaux sont
d’environ quatre à six mois, variables selon l’avancement des projets et leur
complexité. Pour la SGP, ils s’inscrivent dans une fourchette de trois à huit
mois. Sur certaines lignes, comme celles prévues pour les Jeux olympiques et
paralympiques de 2024, la crise a amplifié des retards déjà constatés.
D -
Une gouvernance de crise complexe mais efficace
Fin 2019 et début 2020, les grèves avaient nécessité des efforts de
coordination pour maintenir une offre minimale de transport. La crise
sanitaire, quant à elle, a imposé une gouvernance inédite.
Au début, celle-ci a semblé quelque peu éclatée entre de multiples
enceintes de coordination mises en place par le secrétariat d’État aux
transports (SET), la préfecture de police, la préfecture de région, IDFM et
les opérateurs. Elle s’est toutefois rapidement structurée en fonction des
besoins. Les services centraux de l’État ont joué un rôle prépondérant lors
du confinement. La préparation du déconfinement a ensuite été marquée
par la montée en puissance d’IDFM qui, en liaison étroite avec le préfet de
région, a joué un rôle croissant de coordination pour assurer la reprise du
trafic puis l’adaptation quotidienne de l’offre.
À la SGP, la crise a été gérée
par les instances de gouvernance, directoire et conseil de surveillance.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
412
Ce dispositif évolutif a globalement fonctionné avec fluidité et
efficacité malgré quelques retards dans la publication de textes
réglementaires et protocoles sanitaires ainsi que des décalages avec les
besoins du terrain. Ces quelques réserves n’occultent pas l’appréciation
globalement positive portée par l’ensemble des acteurs sur la gestion de la
crise par les services de l’État et IDFM. Outre les initiatives prises par la
préfecture de région, notamment pour convaincre les entreprises de
recourir au télétravail, les opérateurs saluent le rôle d’IDFM dans
l’adaptation progressive et concertée de l’offre de transport, qui a contribué
à renforcer sa légitimité et sa crédibilité.
E -
Une gestion des ressources humaines
qui s’est adaptée
La crise s’est traduite au printemps 2020 par l’augmentation
spectaculaire des absences au travail. Tous motifs confondus (maladie, cas
contacts, gardes d’enfants, personnes à risques, chômage partiel), le
taux
d’absentéisme des agents a atteint 37 % chez Transilien et 44 % à la RATP
en avril 2020, avant de refluer dès la fin du mois de juin (14 % à la RATP
au lieu de 7 % en 2019). Toutefois, les conséquences opérationnelles sont
restées
mesurées
puisque,
co
ncomitamment,
l’offre
globale
était
comprimée. Ainsi, les opérateurs Optile, qui ont réalisé autant de
kilomètres pour IDFM en 2020 qu’en 2019, ont atténué l’impact des
absences en redéployant des conducteurs des lignes privées qui étaient,
quant à elles,
quasiment à l’arrêt.
Pendant toute la période, les opérateurs ont exercé un suivi
particulier de la situation des salariés malades, déclarés positifs, empêchés
de travailler pour gardes d'enfants ou connaissant une situation à risque.
Ils ont largement utilisé le télétravail et ont eu recours au chômage
partiel,
auquel l’ordonnance n°
2020-346 du 27 mars 2020 les a rendus
éligibles. Chez Transilien, le chômage partiel a concerné 35 % de l’effectif
dans la semaine du 10 mai, puis est devenu marginal dès la fin du mois de
juin. Les opérateurs Optile y ont eu recours pendant le premier confinement
mais presque plus ensuite.
Les rémunérations ont été uniquement affectées par l’activité
partielle et l’ajustement des éléments variables. Enfin, si des plans de
recrutement ont été décalés, la formation continue a été préservée, avec des
taux de réalisation ou de prévision respectifs à SNCF Réseau et à la RATP
de 80 % et 75 % des sessions prévues en 2020 et de 100 % et 90 % en 2021.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
413
L’accompagnement quotidien des emp
loyés a été assuré par trois
leviers : la communication interne, des réunions fréquentes des instances
élues du personnel (à la RATP, 24 comités sociaux et économiques
centraux ont été convoqués en 2020) et la concertation renforcée avec les
organisations syndicales.
Selon les opérateurs de transports, en dépit de ses conséquences
humaines et économiques, la crise a été un facteur de cohésion interne.
Elle aura aussi été pour eux un accélérateur de mutations
technologiques, notamment en matière de télétravail ou de billettique, à
l’instar de la systématisation du paiement des titres par SMS au sein du
réseau Optile.
II -
Des
pertes d’exploitation compensées
par l’État et un rythme d’investissement
maintenu
La crise sanitaire a eu un effet massif sur le financement des
transports collectifs franciliens, qui mobilisent des moyens très importants.
En 2019, ann
ée de référence d’avant
-crise, IDFM disposait de près de
10,9
Md€ de ressources de fonctionnement, dont plus de 4
Md€ de recettes
tarifaires et 4,7
Md€ de rece
ttes fiscales. Cette même année, les
investissements réalisés par IDFM, les opérateurs et la SGP ont atteint près
de 5,3
Md€.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
414
Schéma n° 1 :
recettes de fonctionnement d’IDFM et dépenses
d’investissements d’IDFM, des opérateurs et de la SGP en 2019
Source
: Cour des comptes, d’après les données d’IDFM et de la SGP
* Les données de 2019 sont utilisées comme référentiel d’avant
-crise
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
415
A -
De lourdes pertes de recettes
1 -
Un impact financier important quoique partiellement amorti
En 2020, la chute des flux de voyageurs et les répercussions
économiques des mesures sanitaires ont entraîné d’importantes pertes de
recettes. Ces pertes ont résulté de la forte baisse des ventes de titres de
transport (- 1,29
Md€) et, dans une moindre mesure, de la réduction d’autres
recettes, notamment fiscales. Les surcoûts liés aux mesures sanitaires et les
économies dues à la baisse de l’offre se sont globalement compensés.
Graphique n° 2 :
impact de la crise sur le financement
du fonctionnement des transports en commun franciliens
Source
: Cour des comptes, d’après les données d’IDFM et des opérateurs
Au total, avant aides de l’État, l’exploitation des transports
franciliens a supporté une perte nette de 1,42
Md€ par rapport à l’exécution
de 2019 du fait de la crise sanitaire, soit 13 % des ressources qui y sont
affectées. Cette perte est restée relativement modérée en raison des
nombreux amortisseurs dont bénéficie le financement des transports
collectifs en Île-de-France.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
416
Ainsi, les contributions des collectivités territoriales membres
d’IDFM, qui représentaient avant la crise 17
% des recettes, ont continué à
croître à un rythme proche de 1 % par an en 2020 et 2021. Elles ont apporté
23,59
M€ de recettes annuelles complémentaires.
De plus, les recettes t
arifaires ont fait preuve d’une certaine inertie
car elles sont largement composées d’abonnements que nombre d’usagers
ont préféré conserver. Ainsi, alors qu’en 2020 la fréquentation était en
baisse de 46 % par rapport à 2019, les recettes n’ont diminué qu
e de 38 %
sur la même période. En Île-de-France, les transports en commun sont
d’ailleurs moins exposés aux baisses de recettes tarifaires que dans d’autres
métropoles à l’étranger. En effet, ces recettes ne représentent que 37
% des
ressources de fonctionnement contre 80 % pour le réseau du Grand
Londres, par exemple.
Enfin, le fonctionnement des transports collectifs franciliens est
financé à 44 % par des recettes fiscales, principalement le versement
mobilité prélevé sur la masse salariale des entrepris
es, qui s’est révélé
presque insensible à la crise (- 0,5 % en 2020 par rapport à 2019). La
croissance de la masse salariale du secteur public (+ 2,1 %) a, en effet,
compensé une partie de la baisse de celle du secteur privé (- 5 %).
Au vu des prévisions budgétaires d’IDFM et des opérateurs, la crise
devrait entraîner en 2021 un manque à gagner net moins important. Selon
IDFM, la perte de recettes tarifaires, par
rapport aux estimations d’avant
-
crise pour 2021, s’élèverait à 1,2
Md€ TT
C, dont 1
Md€ HT à sa charge
après application de la clause de partage des risques. Comparée à 2019,
avant partage du risque, la perte d’IDFM et des opérateurs serait, selon
l’autorité organisatrice, de l’ordre de 1
Md€ HT si l’on neutralise l’effet
des grèves, de 970
M€ HT dans le cas contraire. De son côté, la RATP
évalue ces pertes à 950
M€ HT. Le produit du versement mobilité
dépasserait de 58
M€ (+
1,2 %) celui de 2019.
2 -
D’importants besoins de trésorerie couverts sans difficulté
Pour atténuer ses difficultés de trésorerie liées à la chute des recettes
tarifaires, IDFM n’a pas versé les contributions de juillet et d’août 2020 à la
RATP et à la SNCF, qui ont dû supporter un décalage de trésorerie de
740
M€ au total, couvert grâce à l’émission de dettes à
court et à long terme.
Ces émissions de dette ont été surabondantes et une partie des besoins de
court terme a été couverte par des financements de long terme. Cette situation
n’est pas injustifiée dès lors que ce schéma a été mis en œuvre à un moment
où des incertitudes pesaient sur la gestion de 2020 et les surcoûts associés
peuvent être relativisés. En effet, les titres négociables à court terme, assortis
de taux négatifs, ont généré des produits financiers couvrant les charges
d’intérêts correspondant
aux emprunts à plus longue échéance.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
417
B -
La prise en charge par IDFM d’une grande partie
des pertes des opérateurs
Les contrats conclus de gré à gré entre IDFM et les opérateurs de
transport fixent l’offre de transport et les conditions de son financement.
Ceux en vigueur au début de la crise prévoyaient des règles de partage des
risques de recettes tarifaires relativement protectrices pour les opérateurs en
cas de pertes majeures. En particulier, pour la RATP et Transilien, le partage
avec IDFM ne s’opérait
à parité que dans la limite d’une «
bande passante »
de plus ou moins 3 % autour de l’objectif fixé par le contrat.
Au-delà, 10 %
des pertes étaient supportées par l’opérateur et 90 % par IDFM.
Ces règles exposaient les opérateurs de façon inégale. Ainsi, les
contrats avec les membres d’Optile prévoyaient un partage à parité et sans
bande passante. De plus, les clefs de partage des recettes tarifaires entre
opérateurs reflètent davantage le nombre de voyages réalisés que la réalité
des kilomètres parcourus et des coûts par mode de transport, qui peuvent
varier de un à dix. Elles rendaient la marge de la RATP plus sensible que
celle de la SNCF et la favorisaient en cas de hausse du trafic mais la
pénalisaient en cas de baisse. En outre, les objectifs de recettes étaient
différents selon les opérateurs.
Anticipant des pertes de recettes importantes, chaque acteur a
cherché dès mars 2020 à activer les clauses contractuelles les plus
protectrices de ses intérêts. Alors qu’IDFM considérait être dans le cas d’un
b
ouleversement de l’économie du contrat justifiant sa renégociation, la
RATP a invoqué la force majeure, prévue au contrat, pour demander
l’exonération des pénalités contractuelles et la stricte application des
clauses relatives au partage des risques. Une même logique a animé les
échanges avec la SNCF, toutefois plus informels, son contrat avec IDFM
ayant expiré en 2019.
IDFM a alors fait pression sur l’
État en interrompant ses versements
aux opérateurs (cf.
infra
,
II.C). Grâce aux marges de manœuvre procu
rées
par les aides de l’
État, les clauses de partage des risques ont été appliquées
selon les règles prévues au contrat en vigueur pour la RATP et au contrat
2016-2019 pour la SNCF. En revanche, des ajustements ont été opérés dans
le but d’harmoniser les r
ègles de partage des risques au profit des
opérateurs Optile qui, en raison de clauses moins favorables, auraient été
placés en situation délicate. Au total, IDFM a compensé 89 % des pertes
de recettes des opérateurs, soit 1,14
Md€ HT sur un total de 1,29
Md€ HT.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
418
C’est dans ce contexte qu’ont été négociés puis signés les nouveaux
contrats avec la SNCF et la RATP. Celui avec la SNCF, expiré fin 2019,
était encore en négociation lorsque la crise a éclaté. Il n’a été renouvelé que
le 9 décembre 2020. Celui avec la RATP, expiré fin 2020, a été signé le
16 juin 2021. Ces nouveaux contrats apparaissent plus exigeants en termes
d’incitations opérationnelles
, mais aussi plus protecteurs en cas de pertes
de recettes importantes.
Enfin, en ce qui concerne la mise
en concurrence de l’exploitation
des bus en grande couronne, prévue de 2020 à 2022, les plus petits
opérateurs ont souligné que l’accélération du calendrier pour rattraper le
retard dû à la crise sanitaire risquait de les pénaliser dans leurs réponses
aux
appels d’offres lancés par IDFM.
C -
L’intervention massive et inconditionnelle de l’État
Dès la fin du mois d’avril
2020, IDFM a demandé avec insistance
au Gouvernement une compensation intégrale de la baisse de ses recettes
fiscales et tarifaires due, selon
elle, aux décisions prises par l’État pendant
la crise. IDFM estimait les pertes par rapport à son budget de 2020 à
2,6
Md€, dont 1
Md€ au titre du versement mobilité (pour 4,91
Md€
inscrits dans le budget) et 1,6
Md€ au titre des recettes tarifaires (à
rapporter à 4,16
Md€). Leur ampleur (25
% du total de ses recettes) rendait
problématique la perspective de leur prise en charge par IDFM seule.
La crise s’est dénouée avec la conclusion, le 8
septembre 2020, d’un
protocole d’accord prenant acte de l’attri
bution à IDFM, par la loi de
finances rectificative du 30 juillet 2020 (LFR
3), d’une dotation visant à
compenser les pertes de versement mobilité au moyen d’un versement de
425
M€ en septembre, et prévoyant la couverture transitoire de ses autres
pertes par une avance remboursable sans intérêts entre 2023 et 2036, dont
la LFR 4 du 30 novembre 2020 a fixé le montant à 1,175
Md€. L’accord
comporte par ailleurs une clause de revoyure pour «
les pertes relatives aux
exercices 2021 et 2022 imputables à la situation sanitaire
».
In fine
, l’aide de l’État a dépassé d’environ 280
M€ le montant total
des pertes de recettes resté à la charge d’IDFM. Cet excédent est dû, pour
moitié environ, à la compensation des pertes de versement mobilité par
rapport aux prévisions en hausse du budget de 2020 et non aux montants
effectivement perçus en 2019. Pour l’autre moitié, il résulte du fait que les
remboursements d’abonnements décidés par IDFM n’ont pas été déduits
de l’avance remboursable. Aussi, la capacité d’autofinancemen
t brute
d’IDFM a progressé en 2020 de
217
M€ par rapport à 2019.
Les nouvelles
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
419
aides que l’État a prévu d’allouer à IDFM en 2021 devraie
nt être calibrées
en tenant compte de la compensation versée en 2020, conforme au
protocole du 8 septembre, mais qui a e
xcédé les pertes nettes d’IDFM
constatées cette même année.
Au total, l’État a consenti à IDFM un traitement qui a pu paraître
a priori
plus protecteur que celui accordé aux autorités organisatrices de
mobilité de province, dont les pertes de versement mobilité et de recettes
tarifaires ont principalement fait l’objet d’une couverture par des avances
remboursables représentant au maximum 8 % des produits de versement
mobilité et 35 % des recettes tarifaires perçus en 2019, à rembourser avant
fin 2031, sans clause de revoyure. Toutefois, le soutien apporté à IDFM
s’est finalement établi au
-dessous de ces plafonds : le montant définitif de
la dotation de compensation (151
M€) ajouté à l’avance remboursable
(1 157
M€) ont représenté respectivement 3
% et 31 % des montants
atteints en 2019 par le versement mobilité et les recettes tarifaires.
Les opérateurs, quant à eux, ont bénéficié de deux mécanismes. Les
clauses de partage des risques leur ont permis de ne supporter que 11 %
environ des pertes de recettes tarifaires. Ils ont également réalisé 102
M€
d’économies grâce aux aides de l’État au titre du chômage partiel. En
définitive, ils ont vu leurs résultats se détériorer d’environ 330
M€ en 2020,
cette dégradation concernant principalement la RATP.
L’accord d
u 8 septembre 2020 ne prévoit pas de contrepartie ni
même la possibilité, au sortir de la crise sanitaire, d’une hausse des tarifs
ou d’un ajustement de l’offre pour rétablir l’équilibre financier du service.
Ce constat traduit la capacité limitée de l’Éta
t à peser dans ses rapports
avec IDFM,
alors qu’il reste pourtant un acteur important au travers des
CPER et des opérateurs publics de transports. Il contraste avec les
exemples étrangers où les aides ont souvent été assorties de contreparties.
À Londres,
leur versement a été soumis à un plan d’économies et à un
travail commun avec le ministère des transports sur le montant du péage
urbain, le niveau de service et d’investissement, le système de retraites et
la promotion immobilière. De même, la
Deutsche Bahn
devait adopter un
plan d’économies sur ses charges salariales en contrepartie de l’aide reçue.
En septembre 2021, IDFM a une nouvelle fois suspendu le versement
de ses contributions à la RATP et à la SNCF et a réclamé à l’
État une aide de
1,3
Md€. En o
ctobre 2021, indépendamment de la compensation des pertes de
versement mobilité constatées en 2021, l’
État lui a consenti une avance
remboursable de 800
M€.
En outre, le remboursement du trop-perçu au titre
de la compensation du versement mobilité en 2020, soit 274
M€, ne sera
effectué qu’en 2022.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
420
Au total, la crise sanitaire fait apparaître l’État comme l’assureur en
dernier ressort pour la quasi-totalité des pertes subies par le système des
transports collectifs en Île-de-France, dont la gestion est pourtant
décentralisée et le financement de l’exploitation censé reposer sur des
ressources exclusivement franciliennes.
D -
La poursuite de la hausse des investissements
En dépit de la crise sanitaire, les dépenses d’investissement d’IDFM se
sont élevées à 1,89 M
d€ en 2020, en progression de 30
% par rapport à 2019
(hors investissements sur fonds propres des opérateurs de transport). Les taux
de consommation des crédits de paiement sont passés de 88 % à 91 %. De
même, sous l’effet de l’accélération des travaux sur
les lignes 14 Sud, 15 Sud
et 16, la consommation de crédits de paiement de la SGP est passée de
2,36
Md€ en 2019 à 2,61
Md€ en 2020. Les taux de consommation ont
augmenté de 80 % à 85 %. En cohérence avec leurs programmes
d’investissemen
t, la SGP et IDFM avaie
nt prévu d’augmenter encore en 2021
le niveau de leurs dépenses, de 14 % pour la SGP et de 85 % pour IDFM.
Graphique n° 3 :
comparaison des dépenses d’inv
estissement
de la SGP et d’IDFM
Source
: Cour des comptes, d’après les données IDFM et SGP
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
421
Le volet du plan de relance relatif aux transports, lancé en septembre
2020, a contribué à cette accélération. Outre la recapitalisation de SNCF Réseau
à hauteur de 4,05
Md€, 678
M€ sont destinés au financement d’opérations sur
des réseaux strictement franciliens (notammen
t le RER E à l’ouest, le tronçon
central des RER B et D, la poursuite des tramways T3 et T1, etc.).
L’impact financier de la crise sur les chantiers d’extension et de
modernisation des réseaux devrait peser au-delà de 2020 et 2021 en raison
des indemnisations demandées par les entreprises concernées. Fin 2020, la
SGP estimait que les différents effets de la crise pourraient majorer le coût
à terminaison du GPE de 1
Md€, soit 3 % des dépenses restant à réaliser de
2021 à 2036 (33,5
Md€ courants).
E -
La forte croissance de la dette
La crise est survenue alors que les deux principaux acteurs de
l’investissement dans les transports collectifs en
Île-de-France étaient déjà
soumis à de fortes contraintes financières.
La loi de finances pour 2019 a créé un dispositif de surveillance de
l’évolution de la dette de la SGP, plafonnée à 35
Md€, en fonction de la
dernière estimation du coût à terminaison du GPE (35,6
Md€
2012
), auquel
s’ajoutent les contributions de la SGP au financement de projets connexes
(3,5
Md€
2012
). La dette de la SGP, de 6
Md€ fin 2019, devrait atteindre
24,5
Md€ fin 2021, pour un plafond fixé à 27
Md€ pour cette même année,
en raison de la décision prise par le conseil de surveillance en avril 2020,
au plus fort de la crise, de profiter de taux d’in
térêts bas pour financer sans
attendre, par des emprunts, la quasi-totalité du coût prévisionnel du GPE.
Graphique n° 4 :
encours de la dette d’IDFM et de la SGP
(en M€)
Source : Cour des comptes, d’après les données IDFM et SGP
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
422
Comme l’a montré un rapport publié en juin
2020 par la chambre
régionale des comptes d’
Île-de-France
411
, la capacité d’autofinancement
d’IDFM est insuffisante pour assurer, sans recours excessif à l’emprunt, le
financement des investissements très importants qu’elle a programmés sur la
période de 2021 à 2030
(25,6 Md€ dont 18,5 Md€ pour l’acquisition, la
rénovation et le renouvellement des matériels roulants), comprenant les
investissements désormais financés directement par IDFM et qui donnaient
lieu auparavant à des contributions de fonctionnement à la SNCF et la RATP.
De fait, la dette d’IDFM devrait atteindre 7
626
M€ fin 2021, compte tenu
des avances remboursables consenties par l’État en 2020 et 2021.
III -
La nécessité de conforter le financement
régional des transports collectifs
A -
Des incertitudes s
ur l’évolution
des comportements de mobilité
Si les voyageurs les plus « captifs » au regard de la localisation de
leur emploi et de leur lieu de résidence tendent à reprendre les transports
en commun, le comportement des autres est plus incertain.
Alors que les motifs liés au travail représentaient 45 % des
déplacements en transports collectifs avant la crise, la plupart des
professionnels et experts du secteur tablent sur une part de télétravail plus
élevée qu’avant la crise. Le phénomène concerne princi
palement les cadres et
professions intellectuelles supérieures (31 % de la population active régionale)
qui le pratiquent davantage que les autres catégories socioprofessionnelles : au
début de 2021, 43
% d’entre eux étaient en télétravail contre 13
% des
employés et 3 % des ouvriers. Le recours au télétravail pourrait être accentué
par l’opportunité offerte aux employeurs de réduire leurs surfaces de bureaux.
Au minimum, le maintien d’un niveau élevé de télétravail
pourrait
favoriser le lissage des pointes
: selon l’Institut Paris Région, la généralisation
de deux jours de télétravail par semaine réduirait de 2 à 15 %, selon les jours
de la semaine, les déplacements ferrés aux heures de pointe. Cela légitime la
poursuite de
l’ajustement de l’offre sur
certaines lignes.
411
Contrôle des comptes et de la gestion du Syndicat des transports d'Île-de-France
(STIF) - Île-de-France Mobilités, juin 2020.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
423
L’essor du télétravail est également anticipé à Bruxelles et Berlin,
avec une réduction potentielle des trajets domicile-travail de 20 à 25 %
selon le
Mobility Institute
de Berlin.
Sont aussi à prendre en compte les déplacements des étudiants, selon
que l’enseignement à distance reste plus ou moins pratiqué, ceux des touristes
ainsi que des consommateurs au vu du développement du e-commerce.
De plus, l’évolution des comportements de mobilité va dépendre du
retour de la confiance des usagers dans les transports collectifs, lié aux
mesures prises par les opérateurs pour les rassurer. Cette confiance dépend
aussi de l’amélioration de la qualité de service en matière de saturation des
lignes, de ponctualité et d’information voyageurs.
L’impac
t à moyen et long terme de la crise sera également fonction
des modifications de la répartition géographique de l’habitat. Le télétravail,
perçu comme un moyen de limiter les déplacements domicile-travail mais
aussi de mieux concilier vies professionnelle et personnelle, peut favoriser
la relocalisation du domicile en grande couronne, voire hors de l’
Île-de-
France, et contribuer paradoxalement à accroître la demande de transport.
Enfin, il faut tenir compte de l’impact du développement des modes
de déplacements doux qui, au début de 2021, constituaient 52,4 % des
déplacements dans la région au lieu de 43,7 % avant la crise. Les
déplacements à vélo ont augmenté, mais leur part est restée marginale
même si, selon l’Omnil, elle est passée de 1,8
% en 2018 à 2,7 % en
septembre 2020. L’usage du vélo est concentré sur les courtes distances, à
Paris et dans la petite couronne. En revanche, la part modale de la marche
s’est accrue
: elle est passée de 40 % en 2018 à 49 % au début de 2021.
Graphique n° 5 :
répartition des modes de déplacement avant / après
la crise sanitaire (en %)
Source : Cour des comptes, d’après des données Omnil
Note
: les données 2020 correspondent à celles de l’automne, hors restrictions
sanitaires.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
424
Les conséquences de ces évolutions peuvent être contradictoires. Si
le télétravail semble entraîner un tassement de l’usage des transports
collectifs, l’accroissement des déplacements de loisirs et de proximité,
auquel contribue le temps libre gagné grâce au télétravail, pourrait
compenser l’érosion des dépl
acements professionnels. Par ailleurs,
l’importante extension du réseau devrait susciter un supplément de trafic,
comme l’a montré l’exemple récent du prolongement de la ligne 14. De
même, la fréquentation des liaisons radiales ou internes à la grande
cour
onne pourrait être stimulée par l’étalement de l’habitat.
Dans ce contexte très complexe, les opérateurs et IDFM anticipent
le développement du télétravail et la baisse à court et moyen termes du
recours aux transports en commun. Sur la base de scenarii médians, à
contexte inchangé, la baisse constatée à l’horizon 2023
-2024 par rapport à
2019 serait de l’ordre de 10
% pour la RATP et entre 2 et 6 % pour IDFM.
Concentrée sur Paris et les liaisons radiales, elle serait variable selon les
lignes. Au-delà, la plupart des prévisions tablent sur une reprise de la
croissance à un taux équivalent à celui observé entre 2010 et 2018, soit
environ 1,8 % par an, la RATP se montrant toutefois plus prudente. Au
total, la crise se traduirait par un retard de croissance de cinq à six ans,
aggravant sensiblement les difficultés de financement des transports
collectifs en Île-de-France, déjà patents à la veille de la crise.
B -
L’aggravation des menaces sur la
soutenabilité
du modèle économique des transports publics franciliens
U
n rapport sur l’évaluation des coûts et recettes d’exploitation du
GPE, produit par l’IGF
412
et le CGEDD
413
en février 2021, a montré
qu’avant prise en compte des impacts de la crise sanitaire mais en
considérant l’avance versée par l’État en 2020, le ratio de désendettement
d’IDFM dépasserait 15 ans à partir de 2026 (durée que les contrats de prêts
souscrits auprès de la BEI
414
lui interdisent de dépasser deux années de
suite) et atteindrait 23,2 ans en 2031.
Les projections réalisées dans le cadre de la présente enquête sur la
base des dernières données disponibles en décembre 2021, datant de juin
de la même année, aboutissent à des résultats plus préoccupants. Sur la base
de scenarii
ont été élaborés à partir du modèle précité utilisé par l’IGF et le
CGEDD.
Ils
combinent
diverses
hypothèses
d’étalement
des
investissements, de réduction de l’offre de transport,
de hausse des tarifs et
d’augmentation des contributions des collectivités membres d’IDFM.
412
IGF : Inspection générale des finances.
413
CGEDD :
Conseil général de l’e
nvironnement et du développement durable.
414
BEI
: Banque européenne d’investissement.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
425
Le premier scénario montre qu’IDFM pourrait maintenir sa capacité
de désendettement en deçà de 15
années jusqu’en 2026, tout en permettant
à l’État de réduire ses a
ides puis de les supprimer après 2023, à condition
d’actionner les leviers à sa disposition et sous réserve d’un décalage moyen
du GPE de deux ans. En revanche, dans le second scénario, plus proche du
calendrier initial des acteurs, le soutien de l’
État devrait se prolonger
au-delà de 2023.
Ces projections montrent que l’équilibre financier du système
francilien des transports est particulièrement sensible à l’évolution des
recettes tarifaires, au rythme de réalisation des investissements et aux dates
de mise en service des nouvelles lignes. Il en ressort aussi que, quel que
soit le scénario, la soutenabilité de la dette d’IDFM au
-delà de 2026 ne
pourra être assurée sans recettes supplémentaires. Les projections réalisées
à cet horizon étant toutefois empreintes de fortes incertitudes, une
actualisation du modèle à la lumière du budget exécuté d’IDFM en 2022 et
2023 permettrait de préciser l’ampleur de ce besoin.
Tableau n° 1 :
hypothèses des deux scenarii prospectifs
sur les recettes et dépenses d’IDFM
Source : Cour des comptes
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
426
Des mesures doivent donc être prises, en dépenses et en recettes,
pour rétablir à court terme l’équilibre financier du modèle économique des
transports publics franciliens, puis le stabiliser à moyen et long terme.
C -
Des marges de manœuvre limitées
sur le volume
des investissements
1 -
Un projet de Grand Paris Express devenu intangible
La dernière évaluation de l’impact socioéconomique du Grand Paris
Express produite au printemps 2021 par la SGP et une étude récente de
l’Institut Paris Région ont montré
que ses effets étaient potentiellement
importants en termes de gains environnementaux, de créations d’emplois,
particulièrement en grande couronne, et de maîtrise de l’étalement urbain.
En toute hypothèse, les possibilités de révision à la baisse du
programme du GPE présentent désormais un caractère théorique. La feuille
de route arrêtée en février 2018 par le Gouvernement prévoyait que le
projet sera intégralement réalisé. En juillet 2021, le conseil de surveillance
de la SGP a présenté un calendrier actualisé en fonction des effets de la
crise sanitaire et des autres retards techniques des chantiers. L’horizon
global de mise en service est maintenu à 2030. L’objectif d’une mise en
service de toutes les « lignes JO », déjà compromis début 2020, est devenu
inaccessible. Quelques tronçons seront achevés en 2024 (lignes 14 au sud
et au nord), 2025 (ligne 15 au sud) et 2026 (premiers tronçons des lignes
16 et 17, tronçon central de la ligne 18).
Modifier ce nouveau calendrier serait d’un intérêt financier limi
té
pour la SGP puisque, fin 2021, elle avait contracté les emprunts couvrant
l’essentiel de son programme
. Les deux lots restants de génie civil,
afférents à la ligne 18, seront notifiés d’ici le début de 2023. La même
année devraient être attribués les quatre lots de conception-réalisation des
lignes 15 Est et 15 Ouest.
2 -
Un ajustement des investissements d’IDFM souhaitable
mais limité
La majeure partie des investissements programmés par IDFM sur la
période 2021-2025, pour un montant total de 15,6
Md€, ne pe
ut pas être
remise en cause, soit parce que les projets correspondants résultent
d’obligations législatives ou réglementaires, soit parce qu’ils ont fait l’objet
de contrats ou de conventions de financement. De plus, beaucoup de ces
investissements de modernisation du réseau et du matériel roulant ont déjà
fait l’objet de reports. Ainsi, Transilien envisage un taux de réalisation de ses
investissements contractuels de 89 % sur la période 2020-2023, après 87 %
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
427
en 2020. La RATP, qui a réalisé 99 % des investissements prévus sur la
période 2016-2020 (dont le prolongement vers le sud de la ligne 14), prévoit
d’assurer 99 % de ses engagements contractuels d’ici 2024.
Un lissage des investissements d’IDFM pourrait être recherché à la
marge de 2022 à 2024 (où sont surtout programmés des renouvellements de
rames) et plus sûrement de 2026 à 2030 (10
Md€ d’
investissements prévus
dont 8,5
Md€ en matériels roulants).
Au total, la crise se traduirait par un
retard de croissance de cinq à six ans, ce qui aggraverait sensiblement les
difficultés de financement des transports collectifs en Île-de-France
préexistantes.
D -
Vers une r
es
ponsabilisation accrue des acteurs
Les retards imputables à la crise devraient conduire à un étalement
des dépenses d’investissement. Ils aur
ont surtout pour effet de décaler la
montée en charge des dépenses d’exploitation des lignes nouvelles ou
prolongées, mises en service entre 2022 et 2030. Mais ces effets
mécaniques, limités de surcroît, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les
acteurs doivent donc agir sur une gamme de leviers à leur disposition, les
contraintes financières actuelles et à venir justifiant vraisemblablement
d’en mobiliser plusieurs.
1 -
L’ajustement fin de l’offre et l’amélioration de la productivité
:
une démarche indispensable mais un impact insuffisant
Les efforts de maîtrise des dépenses d’exploitation doivent être
poursuivis. L’ajustement de l’offre, concerté entre IDFM et les opérateurs
au vu de la fréquentation effective de chacune des lignes, tout en préservant
la qualité du service, est déjà engagé mais doit être amplifié, une réduction
globale de l’offre n’empêchant pas son augmentation sur certaines lignes.
Par ailleurs, aux termes des nouveaux contrats conclus avec IDFM,
les opérateurs de transports doivent accentuer leurs efforts de productivité :
pour la RATP, l’objectif contractuel est désormais fixé à 1 % net par an
, au
lieu d’environ 0,3
% net par an précédemment. Pour SNCF Transilien, le
nouvel objectif est de 2,5 % bruts par an. Ces efforts de productivité
s’imposent au regard de l’aide financière apportée par l’
État. Les rapports
publiés en novembre 2019 et janvier 2021 par la Cour des comptes à la
suite de contrôles de la gestion des ressources humaines de la SNCF
415
et
de la RATP
416
ont en effet montré que les deux entreprises disposaient à
cet égard d’importantes marges d’amélioration de leurs performances.
415
Cour des comptes,
La gestion des ressources humaines de la SNCF
, novembre 2019.
416
Cour des comptes
, La gestion des ressources humaines de la RATP
, janvier 2021.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
428
2 -
Deux pistes prioritaires : agir sur les recettes tarifaires
et les contributions des collectivités membres d’IDFM
La crise a eu pour conséquence de modifier sensiblement la répartition
des ressources d’IDFM. L’État, qui était un financeur marginal avant la crise,
lui a procuré près de 15 % de ses recettes d’exploitation en 2020.
Graphique n° 6 :
évolution du poids relatif des financeurs d’IDFM
pour ses recettes d’exploitation
Source
: Cour des comptes, d’après les comptes de déplacement IDFM
Note de lecture : l
es données 2021 sont prévisionnelles et issues du budget voté d’IDFM pour 2021
.
Comme l’ont montré les projections précitées, les outils les plus
efficaces pour rétablir à moyen terme l’équilibre du financement de
l’exploitation des transports collectifs en
Île-de-France sont le levier
tarifaire puis la participation accrue des collec
tivités membres d’IDFM (la
ville de Paris, la région et les sept départements de l’
Île-de-France).
Les extensions substantielles du réseau, en cours et à venir, et
l’amélioration corrélative de la qualité de service,
justifient une hausse des
tarifs qui permettrait
a minima
de rétablir l’équilibre du panier de
ressources d’avant
-crise. Les choix de politique tarifaire conditionnent la
résilience du modèle économique. Les abonnements ont ainsi servi
d’amortisseurs pendant la crise. Une tarification adaptée à
l’usage ou à la
distance, parfois envisagée, pourrait fragiliser un équilibre menacé par
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
429
l’extension coûteuse du réseau. Inchangé depuis la mise en place de la zone
unique, le tarif du pass Navigo pourrait néanmoins être augmenté, le cas
échéant moyennant une tarification sociale prenant en compte le critère des
revenus. En outre, rien n’interdit de cibler certains usagers, notamment les
touristes qui bénéficient aujourd’hui d’un traitement privilégié au regard
d’autres grandes métropoles.
Par ailleurs, le
s collectivités membres d’IDFM pourraient également
assumer une augmentation, le cas échéant différenciée, de leurs
contributions. Depuis 2014, ces dernières ont progressé de 1,1 % par an en
moyenne et seulement de 0,7 % en 2021. Cette évolution contraste avec les
décisions de ces collectivités en faveur d’une croissance soutenue des
investissements (+ 4,1
% par an), qui ont eu pour effet d’accroître l’offre.
Graphique n° 7 :
évolution des ressources et des contributions
des collectivités membres d’IDFM
(en M€)
Source :
Cour des comptes, d’après les comptes de gestion
des collectivités et les données IDFM
En revanche, les capacités contributives des entreprises apparaissent
plus limitées. Les taux du versement mobilité se situent au niveau des
plafonds prévus par la loi.
Leur augmentation n’apparaît pas souhaitable
dès lors que les recettes correspondantes représentent déjà 45 % de
l’ensemble des ressources d’IDFM et que, par le canal du remboursement
partiel des abonnements aux salariés, elles prendraient en charge une partie
de la hausse des recettes tarifaires préconisée.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
430
3 -
La nécessité de mobiliser de nouvelles recettes franciliennes
Il ressort des projections effectuées pour l’enquête que d’autres
ressources devront être mobilisées afin qu’en rythme de croisière, les
transports collectifs en Île-de-France soient exclusivement financés par des
recettes régionales.
En premier lieu, il p
araît indispensable d’amplifier encore les
mesures incitant à l’usage des transports en commun, dont la fréquentation
accrue génèrera de nouvelles recettes tout en contribuant à la préservation
de l’environnement. Cela passe par l’amélioration de la qualit
é de service
et
le
développement
des
équipements
et
dispositifs
favorisant
l’intermodalité, à l’instar des voies dédiées aux bus ou des stationnements
sécurisés pour les vélos, notamment aux abords des gares ou des stations.
Du côté des recettes, deux pis
tes méritent d’être explorées. La
première consisterait à faire contribuer les automobilistes franciliens au
financement du système selon des modalités permettant de concilier des
objectifs de rendement, environnementaux, économiques et sociaux
(péage urbain, éco-contribution, TICPE
417
). Par ailleurs, il serait légitime
de faire profiter IDFM de la valorisation d’une partie de la plus
-value
immobilière que les collectivités territoriales et les entreprises tirent de la
mise en service des gares et stations des nouvelles lignes de RER, métro
et tramway. Plusieurs leviers, notamment fiscaux, sont envisageables,
comme par exemple les taxes foncières, les droits de mutation,
l’imposition des plus
-values, etc. De telles mesures ont déjà été
préconisées
418
mais, eu égard à leur complexité technique et leur forte
sensibilité, leur mise en œuvre devrait être précédée d’une phase de
concertation et d’expérimentation.
417
TICPE : taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques.
418
Notamment dans le rapport de M. Gilles Carrez, député, sur les
Ressources de la
Société du Grand Paris
, juillet 2018.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
431
______________________ CONCLUSION ______________________
Alors que les évolutions des comportements des usagers et les effets
économiques de la crise sanitaire sont encore difficiles à mesurer, la
formulation de perspectives d’évolution des transports collectifs en
Île-de-France se heurte à de nombreuses incertitudes. Les choix effectués par
les autorités et les opérateurs, notamment pour accompagner, voire
encourager ces nouveaux comportements, seront décisifs. Quoi qu’il en soit,
la crise renforce les interrogations sur la soutenabilité du financement des
transports en commun franciliens.
Cette dernière ne pourra être confortée que si les acteurs assument la
responsabilité de mobiliser la palette d’outils qui sont à leur disposition.
L’enquête a montré que le financemen
t des transports collectifs en Île-de-
France pourrait être assuré sans intervention pérenne de l’État. Pour ce faire,
eu égard à l’offr
e supplémentaire et plus qualitative qui va être proposée aux
usagers, IDFM dispose d'un levier principal, celui des tarifs. Parallèlement,
les collectivités territoriales
membres d’IDFM, dont les territoires vont être
valorisés par l’extension et la moder
nisation des réseaux, pourraient consentir
un effort financier supplémentaire. Concomitamment, même si la marge de
manœuvre est limitée, IDFM pourrait lisser certains de ses
investissements,
ce qui serait facilité par les retards inhérents à la crise.
Cependant, rétablir un financement exclusivement régional de
l’exploitatio
n des transports collectifs en Île-de-France, démarche
cohérente puisqu’il s’agit d’une compétence décentralisée, ne dispense pas
de rechercher des outils et des ressources complémentaires pour conforter
le système à moyen et long terme sans solliciter les entreprises déjà
fortement contributrices.
La crise offre à cet égard l’occasion d’effectuer des choix
stratégiques,
guidés
par
des
objectifs
économiques
mais
aussi
environnementaux et sociaux. Trois pistes de travail doivent être
privilégiées. Tout d’abord, la fréquentation pourrait être accrue grâce à
l’amplification des mesures favorisant les déplacements en transports
collectifs en dissuadant l’utilisation de la voiture. Ensuite, ID
FM pourrait
bénéficier de nouvelles ressources moyennant, d’une part, la captation
d’une partie de la valorisation foncière induite par la densification du
réseau et, d’autre part, la participation des usagers des routes
franciliennes au financement des transports collectifs de la région.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Réponses
Réponse du Premier Ministre
.................................................................
435
Réponse de la pr
ésidente du Conseil régional d’Î
le de France
...............
439
Réponse du président du Conseil départemental de
l’Essonne
...............
441
Réponse du président du Conseil départemental des Hauts-de seine
......
442
Réponse du président du Conseil départemental de Seine-et-Marne
......
443
Réponse du président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis .. 446
Réponse du président du Conseil départemental du Val-de-Marne
........
449
Réponse du président du Conseil départemental des Yvelines
...............
451
Réponse de la présidente-directrice générale de la Régie autonome
des transports parisiens (RATP)
.............................................................
453
Réponse du directeur général d’Île
-de-France Mobilités
........................
455
Réponse du président du directoire de la société du Grand Paris
...........
458
Destinataires n’ayant pas d’observation
Madame la présidente du conseil départemental du Val d’Oise
Monsieur le président-directeur général de la Société nationale des chemins
de fer français (SNCF)
Monsieur le président-directeur général de SNCF Réseau
Monsieur le président-directeur général de SNCF Voyageurs
Madame la directrice générale de SNCF Gares & Connexions
Monsieur le directeur général de l’association Optile
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
434
Destinataires n’ayant pas répondu
Madame la Maire de Paris
Monsieur le directeur adjoint du groupe Transdev France
Monsieur le directeur du groupe Lacroix
Monsieur le directeur général du groupe Savac
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Je souhaite vous faire part des observations suivantes sur ce chapitre.
1. La gestion opérationnelle de la crise
La Cour et la c
hambre régionale des comptes d’Île
-de-France portent
un regard positif sur la gestion opérationnelle de la crise sanitaire, avec une
gouvernance globalement fluide et adaptée à la situation exceptionnelle.
Les services de l’État se sont fortement mobilisés dès le début de la
crise afin de contribuer à l’élaboration d’une doctrine nationale pour la
protection des usagers des transports publics et pour publier dans les
meilleurs délais les textes réglementaires.
La Cour note cependant que certaines dispositions figurant dans ces
textes ont pu être jugées en décalage avec les besoins exprimés par les
acteurs du terrain.
Dès le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a donné la
priorité à la protection de la population, tout en permettant aux secteurs
économiques essentiels de poursuivre leur activité. Il convient en outre de
souligner que les services de l’État ont c
oncerté avec les acteurs du
secteur : Île-de-France Mobilités (IdFM), la SNCF, la RATP, les
opérateurs du réseau Optile ainsi que les fédérations pour l’élaboration et
l’application des règles et protocoles sanitaires. Des audioconférences
étaient organisé
es à un rythme hebdomadaire afin de s’assurer de
l’adéquation de la doctrine et des textes réglementaires avec la situation
sur le terrain. Des séances spécifiques associaient les représentants des
syndicats des transports urbains et des transports routiers de voyageurs.
Ces audioconférences hebdomadaires ont également permis de
préparer te déconfinement en veillant à restaurer la confiance des
voyageurs dans les transports collectifs, avec une montée en puissance
progressive de l’offre de transport et un l
issage des heures de pointe.
Durant le confinement, les réunions téléphoniques ont constitué un
canal efficace de remontée d’informations, permettant de partager les
bonnes pratiques, d’expliquer les mesures réglementaires prises et de
diffuser des recomma
ndations. D’un point de vue plus opérationnel, elles
ont été un espace privilégié de discussions sur l’adaptation de l’offre de
transport, en particulier concernant la desserte des centres hospitaliers et
le renfort d’offre sur les lignes les plus fréquent
ées.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
436
2. L’impact financier en 2020 et 2021
La Cour constate que la crise sanitaire a entraîné une baisse sans
précédent de la fréquentation des transports collectifs franciliens, générant
selon ses estimations une perte de recettes de l’ordre de 1,42 Md€
pour
l’exercice 2020, dont 1,29 Md€ pour les seules recettes tarifaires.
Face à l’impact de cette crise sur les transports publics de la région
Île-de-
France et le risque d’une profonde fragilisation de son modèle
économique et plus particulièrement de la
trajectoire financière d’IdFM,
le Gouvernement a apporté un important soutien financier à l’autorité
organisatrice de la mobilité (AOM) francilienne.
La Cour mentionne une intervention « massive et inconditionnelle »
de l’État. Je tiens à nuancer cette deuxième partie de l’assertion : il convient
en effet de rappeler que le protocole entre l’État et IdFM portant sur le
financement des pertes du système de transport francilien liées à la crise de
la covid
19 organise la prise en charge des pertes par l’État
grâce à la
combinaison d’un dispositif de subvention et d’un mécanisme de prêt. Un
acompte de 425 M€ a été versé à IdFM au titre de la baisse du produit du
versement mobilité et une avance remboursable à taux zéro d’un montant de
1,175 Md€ lui a été attri
buée au titre des pertes de recettes tarifaires.
Ce double dispositif a permis de résoudre les difficultés budgétaires
pesant sur le financement d’IdFM pour l’exercice 2020. Par ailleurs, le
protocole d’accord mentionné cidessus prévoyait qu’IdFM reprenne
à
compter du 8 septembre 2020 le versement des contributions mensuelles à
la SNCF et à la RATP et procède, dès perception de l’avance
remboursable, à la régularisation du paiement des contributions non
versées aux mois de juillet et août 2020. Il a donc aussi contribué à
restaurer la trésorerie des opérateurs RATP et SNCF en charge de
l’exploitation des services de transport collectif.
Compte tenu du moindre impact de la crise sanitaire sur les recettes
tarifaires d’IdFM, le montant de l’avance remboursable
finalement versée
à l’autorité organisatrice de la mobilité francilienne au titre de 2020
s’élève à 1,157 Md€.
La Cour indique que « l’aide de l’État a dépassé d’environ 280 M€
le montant total des pertes de recettes restées à la charge d’IdFM. Cet
excédent est dû, pour moitié environ, à la compensation des pertes de
versement mobilité par rapport aux prévisions en hausse du budget 2020,
et non aux montants effectivement perçus en 2019. Pour l’autre moitié, il
résulte du fait que les remboursements d’abonn
ements décidés par IdFM
n’ont pas été déduits de l’avance remboursable. »
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
437
Je tiens à rappeler qu’un mécanisme de régularisation prévoit le
reversement par IdFM à l’État d’un éventuel trop perçu en fonction de
l’état définitif des recettes de l’AOM en 2020.
La bonne tenue du versement
mobilité en 2020 a conduit à une surcompensation des pertes y afférentes.
En conséquence, j’ai demandé à la présidente d’IdFM de procéder au
remboursement, début 2022, du trop-
perçu, qui s’élève à 274 M€. Le
montant de la subve
ntion au titre des pertes de versement mobilité s’élève
in fine
pour 2020 à 151 M€.
Sur le second point, la quatrième loi de finances rectificative du
30
novembre 2020 dispose en son article 10 que « Pour l’application du
neuvième alinéa du présent V, ne peuvent être prises en compte les
décisions prises en matière de tarification des services de mobilité par les
autorités organisatrices de la mobilité bénéficiaires, notamment en cas de
baisse de tarifs ou de gratuité ». Le chapitre gagnerait à préciser ces
éléments.
Au total, le soutien financier de l’État s’est élevé, pour 2020,
à 1,308
Md€.
La Cour estime le montant des pertes pour 2021 à 1,19 Md€,
dont 1,1
Md€ de perte de recettes tarifaires. Sur la base de la règle définie
en 2020 pour évaluer les compensations accordées aux AOM, les
estimations établies par IdFM et les services de l’État e
n septembre 2021
révèlent une progression du versement mobilité de 172 M€ en 2021 par
rapport à la moyenne des produits perçus pour les exercices 2017 à 2019
et une diminution des recettes tarifaires imputable à la crise sanitaire
de
773 M€ par rapport au
montant moyen de la même période.
Pour 2021, le Gouvernement a décidé d’attribuer à IdFM une
avance remboursable à taux zéro d’un montant de 800 M€ pour l’aider à
supporter les effets financiers de la crise sanitaire et ainsi contribuer à
assurer le fonctionnement pérenne du système de transport francilien. Le
montant de 274
M€ qualifié d’aide de trésorerie par la Cour consiste
uniquement en un report de 2021 à début 2022 du remboursement du trop-
perçu évoqué ci-dessus.
3. Conséquences à moyen et long termes sur le système de
transport collectif francilien
Malgré un trafic qui remonte progressivement, la fréquentation
reste à un niveau inférieur à celui de 2019 (de l’ordre de 70
-80 % du niveau
d’avant
-
crise et jusqu’à 90 % le weekend sur le réseau de surface
).
À
périmètre constant, la crise sanitaire est susceptible d’avoir un
impact plus structurel sur la fréquentation des transports collectifs. La
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
438
Cour rappelle que les conséquences des nouveaux comportements des
Franciliens en matière de mobilité restent à ce stade très difficiles à
évaluer, alors même que ta situation sanitaire n’est pas complètement
stabilisée. Dans ces conditions, restaurer la confiance des voyageurs et
améliorer la qualité de service constitue un enjeu central.
Comme le souligne la Cour,
les marges de manœuvre sur les
investissements prévus par IdFM sont possibles mais limitées, en
particulier sur la période 2021-2025. Le nouveau calendrier de réalisation
du réseau du Grand Paris Express, notamment sous l’effet des
conséquences de la cris
e sanitaire, conduit de fait à un lissage d’une partie
des investissements. Ces ajustements ne seront toutefois pas suffisants pour
assurer la soutenabilité du modèle économique du système des transports
collectifs franciliens, au regard notamment de la programmation
ambitieuse d’investissements dès avant la crise sanitaire. D’autres leviers
devront dès lors être actionnés.
L’ampleur des conséquences économiques de la crise sanitaire a
conduit l’État à apporter son soutien financier à IdFM en 2020 et 2021.
Cette
contribution n’a toutefois pas vocation à s’inscrire dans la durée. La Cour
indique par ailleurs qu’IdFM pourrait assurer seule jusqu’en 2026
1’équilibre financier des transports collectifs en Île
-de-France, tout en
conservant une capacité de désende
ttement de 15 ans, par l’activation de trois
leviers à sa main : tout d’abord, par une revalorisation tarifaire, en lien avec
l’accroissement historique de l’offre et de la qualité de transport, ensuite par
une augmentation des contributions des collectivi
tés membres d’IdFM, et
enfin par des mesures incitatives de nature à accroître la fréquentation des
transports collectifs et par conséquent les recettes tarifaires.
Il appartient à IdFM, dans l’exercice d’une compétence qui lui est
dévolue, d’explorer les leviers, aussi bien en recettes qu’en dépenses, pour
tendre vers l’équilibre financier du système de transports collectifs franciliens.
La Cour propose par ailleurs la création de nouvelles taxes
affectées au financement des transports franciliens. Une hausse des
contributions des automobilistes franciliens irait à l’opposé de l’action du
Gouvernement en matière de baisse des prélèvements obligatoires, et de
telles mesures viendraient inévitablement augmenter la fragmentation des
finances publiques critiquée par ailleurs par la Cour. Enfin, la proposition
de captation d’une partie de la valorisation immobilière tirée de la mise en
service des nouvelles lignes et prolongements de RER, de métro et tramway
soulève, comme le suggère d’ailleurs la Cour, d’importa
ntes difficultés
juridiques et pratiques.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
439
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL RÉGIONAL
D’
ÎLE-DE-FRANCE
J’ai reçu le vendredi 29 octobre 2021 le chapitre (intitulé « La crise
sanitaire aggrave les déséquilibres financiers des transports collectifs en
Île-de-France ») destiné à figurer dans le rapport public annuel 2022 de
la Cour des comptes.
Conformément à
l’article R. 143
-13 du code des juridictions
financières, vous trouverez ci-dessous ma réponse concernant ce chapitre.
En tant que Présidente de la région Île-de-France, je suis en effet
concernée par plusieurs des recommandations qui y sont formulées.
D
ans un courrier du 10 septembre 2021, j’avais déjà apporté des
observations et remarques au relevé d’observations provisoires qui est à
l’origine du présent chapitre. Je constate que certaines d’entre elles ont
été prises en compte et je vous en remercie. Je pense notamment à la
proposition initiale de reporter des projets, proposition qui allait à rebours
de l’impératif de transition écologique et des objectifs de développement
économique et de réduction des fractures, tant sociales que territoriales,
qui fondent ces projets.
En revanche, je regrette que le chapitre suggère toujours d’augmenter
la contribution des collectivités territoriales au financement d’Île
-de-France
mobilités (IdFM) avec une hypothèse déraisonnable de 5 % de hausse par an.
En ce qui concerne la collectivité que je préside, je me permets de vous
signaler que nos marges de manœuvre ont été considérablement réduites par
des dépenses imprévues dues à la crise sanitaire. Elles sont par ailleurs
particulièrement quasi inexistantes sur le plan fiscal. En effet, sur quatre des
cinq recettes fiscales affectées aux transports, nous sommes au niveau plafond
fixé par les textes. Seule la taxe régionale sur les cartes grises n’est pas au
maximum du fait d’une exonération sur les véhicules propres vi
sant à verdir
le parc automobile francilien.
Au regard des enjeux évoqués plus haut, vous comprendrez que la
hausse de la fiscalité ne peut constituer un levier suffisant et enverrait par
ailleurs un message assez contradictoire avec la politique résolue menée
par les pouvoirs publics pour encourager à l’usage des véhicules
électriques. Du fait de l’obligation de voter et d’exécuter le budget en
équilibre réel, la région ne peut par ailleurs pas recourir à l’emprunt pour
financer des charges de fonctionnement, catégorie dans laquelle entrerait
toute contribution d’équilibre versée à
Île-de-France Mobilités. En outre,
les contraintes fortes qui pèsent déjà sur les dépenses de fonctionnement
des collectivités pourraient s’accentuer, comme le préconise le rappo
rt de
la Commission pour l’avenir des finances publiques de mars 2021, avec le
retour à un encadrement de leur évolution dans une version revisitée des
contrats dits de « Cahors » de 2017.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
440
Je tiens également à rappeler que la région Île-de-France subit
depuis
2013
un
dispositif
de
péréquation
financière
régionale
particulièrement défavorable auquel nous sommes fortement opposés.
Nous contribuons à hauteur de 97 % à la totalité des fonds reversés aux
autres régions. Cette année, ce sont ainsi 863
M€ qui sont
à déduire de nos
ressources fiscales (soit 1/5
e
des recettes de fonctionnement). Alors que la
région Île-de-France a le ratio de recettes par habitant le plus faible des
régions et qu’elle supporte des charges de centralité, liées notamment à
des problématiques de densité, elle est de très loin la première
contributrice à cette péréquation régionale. Le projet de loi de finances
pour 2022 prévoit en outre de renforcer les dispositifs de péréquation
régionale, ce qui aura un impact négatif supplémentaire sur les recettes de
la région Île-de-France (+51 M
€ dès 2022).
Par ailleurs, il faut souligner qu’Île
-de-France Mobilités, en
responsabilité, a augmenté chaque année les contributions des collectivités
membres, même en période de crise. Une hausse exceptionnelle de ces
contributions ne serait possible qu’avec l’accord de l’ensemble des
collectivités représentées au conseil d’administration et il est irréaliste que
la ville de Paris et les départements franciliens y consentent, ces derniers
étant également particulièrement contraints dans leurs dépenses de
fonctionnement.
Enfin, le chapitre compare l’évolution des contributions des
collectivités membres à Île-de-
France Mobilités avec l’évolution des
investissements des collectivités. L’évolution plus marquée du deuxième
indicateur suggérerait, d’après le document, la nécessité d’une hausse plus
significative de la contribution des collectivités. Je me permets cependant
de vous rappeler que nos investissements portent également en grande
partie sur la modernisation du réseau, et notamment l’adaptation des
infr
astructures pour accueillir du matériel roulant, dont le rythme s’est
considérablement accéléré ces dernières années, ce qui limite grandement
la pertinence de la comparaison présentée.
L’objet du chapitre que vous m’avez soumis est d’identifier des
pistes permettant de résorber les déséquilibres financiers des transports
collectifs en Île-de-
France, et je ne peux qu’y souscrire. Toutefois, plutôt
que d’envisager une augmentation des contributions des collectivités
territoriales, il conviendrait d’offrir à
Île-de-France Mobilités de nouvelles
ressources fiscales pour financer l’exploitation des projets en cours de
réalisation et à venir, notamment le Grand Paris Express, comme le
Premier Ministre s’y était engagé dans un courrier du 21 janvier 2020.
C’est la
seule voie vers un modèle de financement des transports
franciliens pérenne et équilibré.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
441
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE
L’ESSONNE
Par courrier en date du 29 octobre 2021, vous m’avez communiqué
le chapitre du rapport public annuel 2022 de votre Cour, intitulé « La crise
sanitaire aggrave les déséquilibres financiers des transports collectifs en
Île-de-France ». Je souhaite vous apporter les observations suivantes.
Ce rapport fait suite au relevé d’observations provisoires (ROP)
établi p
ar votre chambre régionale le 22 juillet, auquel j’ai répondu par
courrier du 10 septembre 2021. II en reprend la plupart des conclusions.
Vous relevez d’abord la nécessité d’un maintien de l’offre de
transports en commun, malgré les baisses de fréquentation, afin de continuer
à offrir une lisibilité du service et favoriser le retour des usagers vers les
transports en commun. Je partage cet enjeu de maintien, voire de
développement de l’offre, qui reste indispensable à l’attractivité des
transports collectifs, notamment pour les usagers de grande couronne dont
les temps de parcours sont souvent importants. Les incertitudes sur les
comportements de mobilité doivent également pousser la puissance publique
à la prudence par rapport aux évolutions d’offres de tr
ansports collectifs.
Vous reconnaissez ensuite que les investissements programmés par
Île-de-France Mobilités (IdFM) et la Société du Grand Paris (SGP) ne
peuvent être remis en cause, soit parce qu’ils sont déjà lancés, ou subissent
déjà des reports
importants, soit parce qu’ils représentent des
investissements à coût limité et à fort impact sur la fréquentation. Je suis
très satisfait que votre position ait évolué sur ce point. Les usagers de
grande couronne et les Essonniens en particulier pâtissent du
vieillissement structurel du réseau ferré régional, qui connaît de nombreux
dysfonctionnements, avec des temps de parcours qui continuent de
s’allonger, tandis que les indices de ponctualité restent bien en
-deçà des
objectifs contractuels des opérateurs de transport. Il est indispensable de
maintenir, voire d’accélérer les investissements concourant à une
meilleure offre de service sur le réseau ferré et, en particulier, les RER B
et D pour lesquels des investissements importants sont d’ores et déjà
programmés dans les prochaines années.
En revanche, je ne peux pas partager l’idée que vous maintenez,
d’une contribution plus importante des usagers et des départements au
financement du réseau de transport en Île-de-
France. D’une part, il
n’appartient pas aux usagers de porter les conséquences financières d’une
crise sanitaire qui impacte déjà leurs emplois, et leur pouvoir d’achat.
D’autre part, je vous rappelle à nouveau que bien qu’il ne possède pas la
compétence transport, le département participe au fin
ancement d’IdFM à
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
442
hauteur d’environ 13
M€ pour les charges d’exploitation des services de
transport, et prend également part aux grands projets d'infrastructures de
transports réalisés sur le territoire essonnien, à hauteur de 10 à 50 % du
coût d’investiss
ement représentant, en 2021, un budget de 14
M€.
Au regard de ces efforts financiers conséquents du département, je
ne partage donc pas votre proposition, qui apparaît dans tous vos scenarii
financiers, d’augmenter de 5
% par an jusqu’en 2026, puis de 1,69
%
jusqu’en 2031, la contribution des collectivités membres d’IdFM. Par
ailleurs, la ponction des ressources actuellement perçues par les
départements comme les droits de mutation, que vous remettez également
en avant, ne peut être une solution réaliste, compte-tenu de la baisse
continue ces dernières années des rentrées fiscales.
Enfin, je vous confirme à nouveau qu’une réflexion approfondie
devrait certainement être engagée sur les leviers à activer afin de mieux
internaliser les externalités négatives du transport routier, dans une
logique d’équité territoriale et de qualité environnementale.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DES HAUTS-DE SEINE
Vous avez sollicité l’avis du département des Hauts
-de-Seine sur un
chapitre destiné à figurer dans le rapport annuel 2022 et relatif aux
conséquences de la crise sanitaire sur les transports collectifs en Île-de-
France.
Le document insiste à plusieurs reprises sur les menaces qui pèsent
sur la soutenabilité du modèle de financement des transports publics
franciliens, et évoque la perspective d’une augmentation, « le cas échéant
différenciée », des contributio
ns des Collectivités membres d’Î
le-de-
France Mobilités (IdFM).
Pour rappel, ces contributions sont aujourd’hui réparties entre la
région et les autres collectivités membres selon les quotités suivantes
(R.-1241-46 du code des transports)
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
443
Région
%
Paris
30,380 %
Hauts-de-Seine
7,742 %
Seine-Saint-Denis
3,749 %
Val-de-Marne
3,014 %
Yvelines
1,593 %
Essonne
0,980 %
Val d’Oise
0,907 %
Seine et Marne
0,637 %
Ces quotités ont été fixées par le décret de 2005 portant statut du
Syndicat des Transports d’Î
le-de-France. Cela représente pour notre
collectivité, une dépense de fonctionnement extrêmement significative de
101738 M€ en 2021 et 103,163 M€ en 2022.
Comme vous pouvez le constater, le département des Hauts-de-
Seine est de loin le premier contributeur parmi les départements de petite
et grande couronne alors même que cette répartition ne reflète pas de
différence d’usage ou d’offre entre les
différents départements.
Je souhaite aussi rappeler qu’en application de la loi n°2015
-991
du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République
dite Loi NOTRe, les ressources départementales ont été amputées de la
dynamique de CVAE au profit de la région depuis 2017 et ce afin de
financer les transports en Île-de-France. À ce titre les départements ont
déjà accru leur contribution au modèle de financement des transports en
commun d’Î
le-de-France.
En conclusion, je tiens à vous faire part de mon désaccord avec la
proposition visant à augmenter la contribution du département des Hauts-
de-Seine.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE SEINE-ET-MARNE
Par courrier en date du 29 octobre 2021, vous avez bien voulu me
communiquer le chapitre du rapport public annuel 2022 de votre Cour,
relatif à « La crise sanitaire aggrave les déséquilibres financiers des
transports collectifs en Île-de-
France ». Vous m’invitez à faire part des
remarques du département de Seine-et-Marne.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
444
Ce rapport f
ait suite au relevé d’observations provisoires (ROP) établi
par la chambre régionale le 22 juillet, auquel j’ai répondu par courrier du
8 septembre.
Votre rapport reprend les observations de ce ROP de façon
synthétique, et je partage le constat d’une crise
gérée au mieux par les
différents acteurs, dont Île-de-France Mobilités (IdFM) compte tenu de son
caractère inédit.
J’ai bien noté que vous reconnaissiez l’absolue nécessité du maintien
d’une offre nominale, condition sine
qua non du retour des usagers dans
les transports publics. L’impact du télétravail est difficilement mesurable
et son lissage sur la semaine n’est pas encore connu, nécessitant le
maintien d’une offre adaptée en heures de pointe, surtout sur le réseau
ferré, déjà sujet à de nombreux a
léas d’exploitation.
Cet enjeu de maintien, voire de développement de l’offre, doit perdurer
au-
delà de 2021 et se traduire par une aide efficace de l’
État, non pas par
des avances de trésorerie alourdissant l’endettement d’Île
-de-France
Mobilités, mais par une véritable politique de subvention.
En effet, les transports publics d’Île
-de-France tirent la dynamique
économique du pays vers le haut, en permettant de contribuer à quasiment
1/3 du PIB de la France, pour une surface de 2 % du territoire national.
Je partage l’idée de maintenir des investissements absolument
indispensables au bon fonctionnement des transports, comme le
renouvellement du matériel roulant des lignes B, D et E, qui supportent le
plus d’usagers captifs des transports en commun.
De même, un décalage de la programmation du Grand Paris Express ne
génèrerait pas d’économies réelles, alors que le bouclage des lignes est au
contraire indispensable pour contribuer à résoudre la crise économique, en
rapprochant les populations éloignées de l’emploi ou des lieux d’études.
Je souligne l’incohérence de la position de l’État, se reconnaissant
« assureur final » des deux transporteurs que sont la RATP et la SNCF via
IdFM, tout en constatant avec vos services que l’amélioration de la
productivité de ce
s entreprises publiques serait un facteur d’économies
non négligeables.
À
nouveau, je vous confirme qu’il n’appartient pas aux usagers de
subir les conséquences financières de la crise sanitaire sur les transports.
Ainsi, une hausse de la tarification des
Franciliens risque d’en éloigner les
usagers, alors que l’objectif est de rétablir et d’amplifier l’usage des
transports collectifs en Île-de-
France. Je conçois néanmoins, qu’une
contribution plus appuyée des touristes puisse être une mesure à réfléchir,
sous réserve des contraintes juridiques et organisationnelles.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
445
La Cour maintient l’idée d’une contribution institutionnelle plus
importante des collectivités. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, le
département de Seine-et-Marne participe au financement de façon très
significative sur ses fonds propres à de nombreux projets d’infrastructures
indispensables de transports : le Tzen 2 entre Sénart et la gare de Melun,
l’électrification de la branche Provins de la ligne P, l’aménagement autour
de la gare de Noisy-Champs, un probable appui important à la gare SNCF
d’interconnexion de Bry
-VilliersChampigny, ainsi que des participations
au fonctionnement des lignes Seine et Marne Express ou au Transport à la
Demande.
Par ailleurs, les dépenses sociales du département augmentent du fait
notamment du RSA, dont les bénéficiaires sont toujours plus nombreux sur
notre territoire.
Aussi, je ne saurai souscrire à votre proposition d’augmenter la
contribution statutaire des départements au financement d’IdFM
.
Vous indiquez
par ailleurs qu’une partie des droits de mutation
pourraient bénéficier à IdFM compte tenu de l’essor démographique
autour des gares : or ce phénomène génère des besoins en collèges
supplémentaires, en infrastructures routières relevant de la seule
compéte
nce du département et représentant des volumes d’investissements
importants qui ne sont absorbables que grâce à des DMTO maintenus sur
la durée. Par ailleurs, je constate déjà une forte contribution des Seine-et-
Marnais qui sont soumis à la taxe spéciale d
’équipement en n’ayant à
terme que trois nouvelles gares en limite Nord-Ouest du département et en
ne disposant encore d’aucune certitude sur la réalisation des
interconnexions
(Le
Vert-de-Maison
et
Bry-Villiers-Champigny)
absolument nécessaires au Seine-et-marnais.
Enfin, vous proposez de faire participer les automobilistes au
financement des transports. Du fait de la taille et de la spécificité rurale de
la Seine-et-
Marne, une grande majorité de ses habitants n’a d’autre choix
pour se déplacer au sein du territoire que la voiture, une augmentation de
l’offre en transports en commun ne pouvant satisfaire qu’une frange de la
population. Une taxation supplémentaire, si elle n’est pas modulée par des
critères géographiques ou sociaux peut faire craindre la résurgence de
mouvements populaires, facteurs de désordres et contreproductifs à
l’économie francilienne, encore fragile dans sa reprise.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
446
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE SEINE-SAINT-DENIS
J’ai bien reçu votre courrier en date du 29 octobre 2021 dans lequel
vous me transmettez le chapitre à paraître dans le rapport annuel de la
Cour des Comptes 2022, portant sur les conséquences de la crise sanitaire
sur les transports collectifs en Île-de-France.
La Cour fait le constat du très fort impact de la crise sanitaire sur
le financement des transports collectifs franciliens, lié aux pertes de
recettes tarifaires importantes pour Île-de-France Mobilités (IdFM), à la
prise en charge par IdFM d
’une grande partie des pertes des opérateurs
et au maintien d’un fort niveau d’investissement dans le développement des
infrastructures de transport franciliens. Comme vous le rappelez, l’
État est
intervenu fortement pour compenser les pertes d’IdFM, comme
il a pu le
faire dans différents secteurs publics et privés très impactés par la crise, et
ce soutien s’est avéré bienvenu.
Si je partage avec la Cour un certain nombre de constats, il me
semble toutefois que le raisonnement du rapport souffre de deux
pré
supposés un peu rapides, qui n’ont que l’apparence de l’évidence.
Par le premier présupposé, la Cour semble considérer que, depuis
le transfert de cette compétence, l’État n’a plus de rôle à jouer dans le
financement des transports collectifs régionaux aut
re que celui d’assureur
en temps de crise. Je regrette que cette idée d’un « financement
exclusivement régional » ne soit justifiée que de manière allusive. En 2019,
les transports représentaient 31 % des émissions nationales de gaz à effet
de serre, soit le premier poste de dépenses carbone du pays. Le transport
routier est responsable de 94 % de ces émissions, soit la quasi-totalité.
Leur réduction, urgente et nécessaire, ne pourra être atteinte sans
développement massif du réseau public de transports en commun. Or,
comme le souligne à raison votre rapport, les investissements sont
prépondérants parmi les dépenses d’IdFM et constituent autant
d’adaptations du réseau indispensables dès aujourd’hui pour anticiper la
décennie à venir, a fortiori dans un contexte régional de croissance
démographique. Ces investissements dans les transports en commun du
quotidien sont donc d’intérêt national, et leur limitation aux seules
capacités de financement régionales, comme le suggère la Cour, risquerait
d’être très insuf
fisant par rapport aux enjeux climatiques
—
et partant
quelque peu anachronique.
Par une deuxième implicite, le rapport fait curieusement l’impasse
sur l’augmentation de la contribution des employeurs, jugeant que leurs
capacités contributives sont « plus limitées », dès lors que les recettes
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
447
correspondantes « représentent déjà 45 % » du total. Je ne peux que
m’étonner du caractère lapidaire de cette argumentation. Rien n’empêche
le législateur d’augmenter les plafonds du taux de versement mobilité, dès
lors que ceux-
ci s’avèrent insuffisants. Le caractère structurant du réseau
public de transports en commun pour les déplacements domicile-travail,
pour l’accès des employeurs à des salariés effectifs ou potentiels ainsi que,
en général, pour la bonne santé économique de la région, me semble tout
à fait justifier que les employeurs franciliens
–
parmi lesquels les services
publics et collectivités territoriales
–
soient les plus larges contributeurs à
un réseau dont leur bon fonctionnement dépend directement.
Enfin, plusieurs des propositions de la Cour visent à dégager des
marges de manœuvre financières pour le financement, au niveau régional,
des transports en communs locaux. Notamment du fait des impasses
susmentionnées et sous couvert de « responsabilisation des acteurs », il me
semble que les pistes évoquées manquent d’imagination, et je tiens à
signifier mon désaccord avec trois d’entre elles
En premier lieu, le rapport qualifie la tarification des transports en
communs de « levier principal » de financement, ce me semble
problématique. Dans un contexte de difficultés sociales accrues par la
crise sanitaire, la mise en avant d’une telle mesure par la Cour des
comptes m’apparaît dangereuse socialement et contreproductive du
point de vue environnemental. Je considère pour ma part que la part
relativement faible du financement des transports en Île-de-France par
les usagers est un des atouts majeurs de l’offre francilienne. La piste de
l’augmentation des tarifs apparaît en outre assez nettement en
contradiction par rapport aux nombreux passages dans lesquels la Cour
appelle
–
pour des raisons sociales, climatiques et financières que je
partage
–
à accroître la fréquentation des transports en commun, que ce
soit en incitant à leur usage ou en dissuadant l’utilis
ation de la voiture
individuelle. Enfin, au regard de la répartition des pôles économiques et
des lieux d’habitats en
Île-de-France, encore très déséquilibrée entre
l’Ouest et l’Est, l’augmentation tarifaire des transports en commun
pénaliserait encore davantage les populations les plus éloignées de
l’emploi dans leur accès à celui
-ci.
En second lieu, le rapport évoque la piste d’une hausse des contributions
des collectivités membres d’IdFM. Il convient de rappeler que les
contributions des collectivités su
ivent d’ores et déjà une courbe annuelle
à la hausse -
le rapport le souligne d’ailleurs apportant près de 24
M€
de recettes complémentaires en 2020. La Seine-Saint-Denis contribue
chaque année de près de 50
M€ au budget d’IdFM. La Cour ne
mentionne par ailleurs pas, et cela me semble problématique, le
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
448
considérable effort porté par les collectivités pour financer la réalisation
des projets de transport au travers du « bloc/local » du CPER, quelle que
soit d’ailleurs leur propre situation financière et, depu
is 2016, sans
qu’aucune mesure de péréquation ne vienne les aider à soutenir cet effort.
Ainsi, sur les seuls prolongements de métros en Seine-Saint-Denis, le
département s’est engagé sur plus de 150
M€, en plus des nombreuses
études qu’il finance directem
ent, et ce alors même que les transports en
commun ne font pas partie de ses compétences obligatoires. Une hausse
supplémentaire menacerait de faire peser le développement des transports
de manière importante sur les autres investissements des collectivités, et
ce au détriment des dépenses sociales, d’adaptation de la voirie ou encore
de construction et de rénovation des établissements scolaires.
Enfin, le rapport conclut que « IdFM et la SGP gagneraient à moduler
le rythme de leurs investissements » de manière assez peu cohérente, me
semble-t-il, avec le reste du raisonnement qui y est tenu. Ainsi la Cour
souligne-t-
elle à juste titre l’importance de ne pas reporter une fois le
plus le calendrier de mise en service de nouvelles lignes de transport
qui, vou
s le rappelez, ont d’ores et déjà accumulé un retard conséquent.
De même, vous rappelez la nécessité de continuer à investir dans le
renouvellement des matériels roulants. À défaut, le confort des usagers
et la régularité de ces lignes, au matériel parfois très ancien, risquerait
de pâtir directement d’un sous
-investissement, et ce avec des impacts
prévisibles sur la fréquentation et le développement de l’intermodalité.
Au total, de nouveaux reports d’investissements entraîneraient des
conséquences importantes sur le développement économique des
territoires, notamment du Nord et de l’Est francilien, pour un impact
faible voire contre-
productif sur la santé financière d’IdFM. À ce titre,
les négociations sur le volet transport du prochain CPER seront
déterminantes.
Je ne peux que souscrire à l’objectif général de soutenabilité
financière du modèle de développement des transports régionaux proposé
par les juridictions financières. Développer cet objectif au détriment des
enjeux sociaux et écologiques massifs de nos territoires, et en particulier de
la Seine-Saint-Denis, me semble en revanche dangereux et contreproductif.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
449
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DU VAL-DE-MARNE
Par courrier en date du 29 octobre 2021, vous sollicitez mon avis
concernant le chapitre relatif aux conséquences de la crise sanitaire sur le
financement des transports collectifs en Île-de France, qui doit figurer
dans le rapport annuel 2022 de la Cour des comptes.
Le rapport émet plusieurs recommandations pour rétablir un
financ
ement exclusivement régional de l’exploitation.
Je partage bien évidemment cet objectif à moyen terme. Cependant,
et comme l’ont déjà rappelé la Présidente de la région
Île-de-France et les
administrateurs d’
Île-de-France Mobilités, il ne peut pas y avoir de sortie
de la crise de la covid 19 en Île-de-France sans compensation des pertes
financières sur les transports en commun, comme cela s’est fait partout
ailleurs dans le monde.
Depuis 20 mois et le début de la crise de la covid 19, Île-de-France-
Mobilités a maintenu un niveau élevé d’offre de transports en commun et
s’est engagé pour poursuivre sa mission de service public dans les
meilleures conditions sanitaires possibles. Cette ambition perdure. Elle est
par ailleurs tout à fait nécessaire sur le long terme pour répondre aux
préoccupations écologiques que nous partageons tous. Aujourd’hui, le
niveau de fréquentation atteint près de 8 596 de son niveau de 2019 pour
un niveau d’offre de transports quasiment égale. Certaines lignes ont
d’ailleurs retrouvé leur niveau de saturation avant
-crise.
C’est ainsi que
le Conseil d’administration d’Î
le-de-France
Mobilités, réuni le 14 septembre dernier, a demandé à l’
État
de s’engager
en faveur des transports en commun franciliens à hauteur de 1
Md€ afin de
compenser les pertes financières du système de transport francilien.
Après qu’IdFM ait été contraint de suspendre ses paiements aux
opérateurs de transport, l’État a annoncé qu’il lui a accordé une avance
remboursable de 800 M€, assortie d’une aide de trésorerie de 274 M€.
Cette aide a permis de reprendre les versements aux opérateurs mais reste
très inférieure aux besoins exprimés. La crise sanitaire n’étant pas
terminée, la même question se posera sans doute en 2022 voire au-delà.
Face à la si
tuation financière d’IdFM, le rapport s’interroge sur le
maintien
d’un haut niveau d’investissement. Je reste réservé sur la
possibilité d’éventuels lissages (même à la marge) des opérations
d’investissements d’IdFM. À titre d’exemple, le renouvellement du
matériel
roulant est indispensable, notamment pour les RER B, D et E, au regard de
leur vétusté actuelle. Déjà, les premières rames du RER NG (RER E et D)
ont vu leur mise en service retardée de décembre 2021 à mi-2023.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
450
Je me félicite que la Cour des compte juge que le projet de Grand
Paris Express est « devenu intangible » en relevant ses effets importants en
termes d’environnement et de création d’emplois. Ce projet est
particulièrement attendu par nos concitoyens obligés aujourd’hui de
repasser par Pari
s pour leurs trajets de banlieue à banlieue. Il s’agit donc
d’une des réponses nécessaires à la perte de confiance des usagers dans les
transports collectifs. Nous notons cependant que, si la ligne 14 sud tient
toujours son calendrier initial d’ouverture en 2024, il n’en est pas de même
pour la ligne 15 sud dont la mise en service est à ce jour retardée à fin 2025.
Par ailleurs, la Cour s’interroge à juste titre sur la baisse de
fréquentation des transports notamment au regard de l’essor du
télétravail. Il
convient d’être prudent sur cette question car nous ne
disposons pas d’un recul suffisant pour bien en évaluer l’impact, d’autant
que la croissance démographique se poursuit en Île-de-France. Si le
télétravail peut aider à écrêter la fréquentation d’heur
e de pointe
normalement saturée, un rebond pour d’autres motifs que le domicile
travail est déjà observé.
Pour rétablir un financement exclusivement régional des transports,
il est préconisé dans le rapport un ajustement de l’offre, une augmentation
tarifaire des titres de transports, une augmentation de la contribution des
collectivités territoriales
ainsi que des pistes d’ordre fiscal.
Concernant l’offre de transport, je note que la baisse d’offre
entérinée en octobre par IdFM
jusqu’à fin 2021 n’entraine que de faibles
économies et commence à poser question au regard de la forte hausse de
fréquentation déjà constatée. À l’heure où les pouvoirs publics dans leur
globalité s’attèlent à développer des politiques publiques qui vise
nt à
réduire nos émissions de gaz à effet de serre et la pollution, il serait
incohérent de stopper le développement de l’amélioration de l’offre de
transport, condition première pour que les franciliens puissent envisager
de laisser leurs voitures pour leurs déplacements quotidiens.
S’agissant de l’augmentation du titre de transport, le département
du Val-de-Marne ne saurait souscrire à cette recommandation. Nous
considérons en effet qu’il n’appartient pas aux usagers de subir les
conséquences financières de la crise sanitaire. Par ailleurs, sur le long
terme, cette augmentation aurait des conséquences négatives sur notre
objectif commun d’augmenter l’utilisation des transports en commun.
Enfin s’agissant de la hausse des contributions des collectivités
membres, envisagée dans le rapport à hauteur de 596 de 2022 à 2026, là
encore, je n’y suis pas favorable, quand bien même considérant la faible
hausse de celle-ci depuis 2014. En 2021, la contribution du département
du Val-de-
Marne s’élève à 39,6 M€. Alors que les marges de manœuvre
financières des départements ne cessent de diminuer (suppression de tout
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
451
levier fiscal, baisse des dotations, augmentation constante du reste à
charge face aux dépenses de RSA, etc.
), l’augmentation de nos
contributions ne saurait être envisagée.
Je rappelle que le département du Val-de-
Marne, comme d’autres
collectivités, investit également sur ses fonds propres dans d’autres projets
de transports structurants pour le territoire (tramway T9, Téléval, Altival,
etc.) dans le cadre du Contrat de Plan État-Région.
Le département investit également dans le développement des
mobilités actives. Il consacre en effet, 4 à 5 M€ par an à la mise en œuvre
d’infrastructures
lourdes
(
passerelles,
pistes
cyclables,
etc.)
ou
d’aménagements plus l
égers comme les pistes cyclables sanitaires pendant
le confinement.
Parmi les mesures nécessaires pour sécuriser le financement des
transports collectifs, il nous paraît tout d’abord indispensable que l’État
transforme ses avances remboursables en subvent
ions pures et qu’il
compense les pertes de recettes en totalité pour 2021 et si besoin pour les
années suivantes
À travers son pouvoir législatif et réglementaire, l’
État pourrait aussi,
comme vous le proposez, affecter aux recettes d’IdFM une partie des
valorisations foncières et immobilières issues de la création des projets de
transports. La participation des usagers des routes franciliennes reste quant à
elle conditionnée au développement d’une véritable alternative en transport
collectifs, en particulier pour les territoires les plus éloignés du centre urbain.
Enfin, l’État doit aussi contribuer au volet transport du Contrat de
Plan État-
Région à la hauteur des enjeux d’investissements relevés dans
votre rapport. Sur ce point, j’ajoute que nous attendo
ns aussi de la part de
l’État qu’il prenne ses responsabilités sur les dépassements financiers
d’une ampleur inédite (1,7
Md€) sur les travaux d’extension d’EOLE à
l’ouest et annoncés par SNCF
-
réseau maitre d’ouvrage de cette opération.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DES YVELINES
Vous avez sollicité l’avis du Conseil départemental des Yvelines
concernant le chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2022
de la Cour des comptes intitulé : « La crise sanitaire aggrave les
déséquilibres financiers des transports collectifs en Île-de-France ».
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
452
Ce document présente une analyse du manque à gagner lié à la crise
sanitaire pour Île-de-
France Mobilités (IdFM) et de l’état de la dette
d’IdFM. Il pose comme hypothèse que la pérennité du
modèle de
financement d’IdFM est compromise sous l’effet conjugué d’une réduction
durable de la fréquentation des transports en commun en Île-de-France et
du maintien d’un niveau d’investissement élevé.
Les rapporteurs de la Cour préconisent en conclusion que le
financement des transports se traduise par une augmentation des tarifs
pour les usagers ainsi que par une contribution accrue des collectivités
territoriales d’
Île-de-France.
Ce constat et ces propositions appellent de ma part deux
remarques.
Cette question fait l’objet depuis plusieurs années du développement
d’une doctrine selon laquelle les Franciliens devraient financer leurs
infrastructures de transport. Cette approche, qui inspire visiblement vos
rapporteurs, est à mes yeux hautement contestable compte tenu de la
place centrale de l’Î
le-de-
France dans l’économie nationale et des
contraintes disproportionnées que le rôle de région capitale, à la fois
moteur économique et porte d’entrée touristique, implique en matière
d’infrastructures de t
ransport.
J
e souhaite également souligner qu’au
-delà du financement directement
apporté à IdFM, les départements franciliens financent le système de
transports publics franciliens depuis 2016 et le transfert sans
contrepartie d’une ressource fiscale, la dy
namique de la contribution
sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAF), à la région Île-de-France.
Ainsi, les départements franciliens ont déjà contribué au
renforcement des transports collectifs à hauteur de 503 M€, sur la période
2017-2020, via la dynamique fiscale supplémentaire perçue par la région.
Avant d’envisager de nouvelles contributions des départements, il me
semblerait utile de vérifier l’affectation effective de cette recette au
financement des investissements dans les transports voire de l’a
ffecter
directement à IdFM.
Par ailleurs, je souhaite signaler que le département des Yvelines
apporte un soutien financier particulièrement volontariste au développement
des transports en commun sur son territoire, avec une enveloppe de
financement à haut
eur d’environ 230 M€ pour la prolongation du RER
EOLE ainsi qu’une participation à hauteur de 30 %, qui devrait avoisiner
les 200
M€, pour les phases 1 et 2 du Tram 13 Express.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
453
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE
DE LA RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS
(RATP)
Je vous remercie pour votre courrier en date du 29 octobre 2021,
par lequel vous m’avez transmis le chapitre destiné à figurer dans le
rapport public annuel de la Cour des comptes, relatif aux conséquences de
la crise sanitaire sur les transports collectifs en Île-de France.
La RATP partage dans l’ensemble les analyses et les conclusions de
ce rapport relatif aux impacts de de l’épidémie de la covid 19 sur la
situation et les perspectives financières à moyen terme du transport public
en Île-de-France.
Le rapport dresse une analyse précise et objective de la gestion
opérationnelle de la crise sanitaire et de ses impacts financiers, qui ont été
massifs pour les acteurs du système de transports francilien.
Durant cette période, malgré les difficultés opérationnelles
considérables générées par la pandémie et ses conséquences (absentéisme
des salariés, mesures de protection sanitaire des voyageurs et des agents
à mettre en œuvre dans des délais resserrés à la demande du
gouvernement), et malgré le déficit de financement lié à la forte chute des
recettes et à l’interruption des paiements de l’autorité organisatrice
pendant l’été 2020, l’entreprise a assuré sans rupture la continuité de ses
missions de service public au bénéfice des Franciliens, grâce à une très
forte mobilisation de ses personnels et de son encadrement.
La RATP a à la fois maintenu une offre de transport cohérente avec
les besoins de déplacement des Franciliens, complétée par des offres
spécifiques
destinées
aux
personnels
de
sant
é,
en
l’adaptant
progressivement à l’évolution de la situation sanitaire, et poursuivi
activement son programme d’investissements en
Île-de-France pour
développer et moderniser le réseau, avec le soutien d’
Île-de-France
Mobilités : malgré le ralentissement des chantiers imposé par le contexte
sanitaire, les investissements de la RATP en Île-de-France ont atteint un
niveau historique de 2,2
Md€ en 2020 (en intégrant les investissements sur
la ligne 14 Sud réalisés pour le compte de la Société du Grand Paris), soit
une croissance de 3,4 % par rapport à 2019. Sur la période du contrat
d’exploitation
2016
-2020,
la
RATP
a
ainsi
réalisé
8,4
Md€
d’investissements,
soit
l’intégralité
du
plan
d’investissements
contractualisé avec IdFM.
Dans ce contexte, la RATP a vu ses résultats se dégrader fortement
en 2020 du fait de la crise sanitaire, avec des pertes considérables de
recettes voyageurs et de recettes annexes (publicité, commerces,
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
454
Orlyval, etc.), et des surcoûts importants liés aux mesures sanitaires, qui
ont pu être compensés par les économies réalisées sur la période et les
indemnisations reçues au titre du chômage partiel. La poursuite de la crise
en 2021 devrait conduire à un impact négatif cumulé de
l’ordre de 320
M€
sur deux ans, malgré la prise en charge, conformément aux dispositions
contractuelles en vigueur, d’une part importante des pertes de recettes
voyageurs par Île-de-France Mobilités (soit 90 % au-delà de la bande
passante de +/- 3
% autour de l’objectif contractuel en 2020).
De fait, comme le souligne le rapport de la Cour, face à une crise
d’une ampleur sans précédent, réduisant de façon massive les ressources
de l’autorité organisatrice, le soutien financier de l’État a été déterminant
en Île-de-France
–
comme dans les autres régions
–
pour assurer le bon
fonctionnement du système de transports, en apportant les financements
complémentaires nécessaires à la continuité du service public.
En ce qui concerne les perspectives financières du système de
transports franciliens, la RATP partage l’analyse
de la Cour sur la
nécessité de rechercher dès à présent des solutions aux déséquilibres
projetés à l’horizon 2030. La crise sanitaire, à travers ses impacts
immédiats sur le trafic et ses impacts probables, bien qu’incertains, à
moyen terme sur l’évolution
des comportements de mobilité et de la
demande de transports collectifs (développement du télétravail, du
commerce en ligne, des mobilités douces, etc.), a joué comme un
accélérateur et un amplificateur de déséquilibres financiers qui étaient
déjà anticipés avant celle-
ci. Les investissements majeurs d’extension du
réseau (prolongement en cours de 4 lignes de métro existantes, de lignes
de tramways, et surtout mise en service des 4 lignes du Grand Paris
Express à partir de 2025) vont en effet générer des besoins de financement
récurrents majeurs, incompatibles avec le niveau actuel des ressources,
qu’il s’agisse des recettes tarifaires ou des recettes fiscales.
L’effort de productivité des opérateurs pourra évidemment y
contribuer, mais ne pourra à lui seul combler le déficit de financement
(1
% de productivité représentant pour la RATP une baisse de 36 M€ de
ses charges opérationnelles). À cet égard, la RATP s’est engagée, dans le
cadre du contrat 2021-2024 conclu avec Île-de-France Mobilités, à
renforcer très sensiblement sa performance économique, avec une
productivité nette de 196 par an. Cet effort permet de réduire de 140 M€
en euros constants le niveau annuel des rémunérations d’exploitation (RI)
qui seront versées par IdFM entre 2020 et 2024, soit une économie en
cumul de plus de 360 M€ sur la période 2021
-
2024. L’effort de productivité
brute nécessaire pour réaliser cette performance sera sensiblement
supérieur à 1 % par an, car une partie des gains de productivité réalisés
sont réinvestis dans des charges supplémentaires (hausse des coûts de
maintenance associés à la croissance de la base d’actifs ou au cycle de vie
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
455
des matériels roulants, actions d’amélioration de la qualité de service pour
les voyageurs, programmes de transformation et de modernisation de
l’entreprise, innovation, etc
.).
Sur la période 2016-2020, la RATP était engagée à réaliser entre
0,5 % et 0,7
%
de productivité brute par an, et un réinvestissement de cet
effort était prévu dans la maquette du contrat pour financer des dépenses
supplémentaires prévisibles, de sorte que la productivité nette devait
représenter en moyenne 0,1
%
par an. En pratique, la RATP a dépassé les
objectifs contractuels en réalisant une productivité brute de 1
%
par an en
2016-2020, mais a aussi dû faire face à des dépenses supplémentaires
au-delà de celles prévues dans la maquette (notamment une évolution de
ses charges fiscales et sociales), de sorte que la productivité nette a atteint
en moyenne 0,3
%
par an.
D’autres ressources devront donc être dégagées par les pouvoirs
publics (collectivités territoriales et État) pour assurer la soutenabilité du
système de transports franciliens. Un des leviers clé, comme le souligne la
Cour, résidera dans les politiques publiques visant à inciter au maximum
à l’usage des transports en commun, en améliorant leur attractivité et en
incitant au report modal.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL
D’ÎLE
-DE-FRANCE MOBILITÉS
Par lettre du 29 octobre, vous me communiquiez le chapitre intitulé
« La crise sanitaire aggrave les déséquilibres financiers des transports
collectifs en Île-de-France » destiné à figurer dans le rapport public annuel
2022 de la Cour des Comptes.
Je tiens à remercier et à saluer le travail réalisé par la Cour des
Comptes et la chambre régionale des c
omptes d’Île
-de-France. Il révèle
toute sa pertinence dans le contexte de crise sanitaire et économique que
nous continuons collectivement de traverser et qui affectera dans la durée
le système de transport public francilien.
C’est donc
avec grand intérêt
que j’ai pris connaissanc
e des analyses
de la Cour. Ces dernières
appellent deux séries d’observations,
sur la
gestion et l’impact de la crise, d’une
part, et sur la soutenabilité financière
à moyen terme du système de transport en commun francilien
, d’autre part
.
En ce qui concerne la gestion et l’impact de la crise,
il convient de
rappeler, à titre liminaire, le rôle essentiel qu
’ont joué les transports en
commun franciliens au cœur de la
crise en permettant aux soignants et aux
professionnels des secteurs essentiels de poursuivre leur activité afin de
lutter contre l’épidémie
et de garantir, outre la sécurité économique du
pays,
l’accès pour tous les Franciliens aux biens de première nécessité.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
456
La Cour souligne notamment l’efficacité de la gouvernance de crise
et l’intervention d’Île
-de-France Mobilités qui a pleinement assumé son
rôle d’autorité organisatrice. En effet, la cellule de crise d’Île
-de-France
Mobilités a été activée dès l’annonce du premier
confinement, le 16 mars
2020, et elle a constitué le cadre de décision des adaptations
d’offre, en
étroite coopération avec les opérateurs de transport.
Pour autant, son financement a été lourdement affecté par la crise
avec 1,3 Md€
hors taxes
de pertes de ressources en 2020 et 1,3 Md€
également projeté en 2021 alors que les
dépenses ne s’ajustaient qu’à la
marge, compte tenu de la nécessité de poursuivre une exploitation
régulière du réseau. L’État est venu compenser ces pertes en totalité en
2020 et partiellement
–
à hauteur de 800 M€ –
en 2021. La Cour estime
que ce soutien est plus favorable que celui apporté à nos homologues
internationaux, ce qui ne me semble pas exact, dans la mesure où la
compensation pour 2020 et 2021 s’est effectuée à plus de 90
% sous la
forme d’une avance que l’AOM francilienne devra
in fine
rembourser. Il
convient de rappeler que le maintien d’un niveau d’offre très substantiel
ainsi que la poursuite des investissements constituent des contreparties en
tant que telles et que nombre de leviers activés vis-à-vis de Transport for
London ou de la Deutsche Bahn, telles les retraites ou la politique
salariale, ne sont pas à la main d’Î
le-de-France Mobilités.
Aujourd’hui, le système de transport
en Île-de-France est un des
vecteurs de la relance de
l’économie nationale
avec plus de 30
Md€
d’investissements prévisionnels dans
les dix prochaines années. Or, la
crise affectera encore pendant quelques années son
financement. D’une
part, les pertes constatées de recettes tant tarifaires que fiscales ne
constituent pas un simple «
trou d’air
» et le rétablissement au niveau
projeté avant
l’émergence de la crise devrait prendre encore
a minima
deux ans. La Cour rejoint ce constat en fondant ses scenarii prospectifs sur
l’octroi d’une aide de l’État en 2022 et 2023. D’autre part,
les aides
accor
dées par l’
État
en 2020 et en 2021 l’ont été principalement sous
forme d’avances dont le remboursement pèsera sur les finances d’Île
-de-
France Mobilités dès 2023 et
a minima
jusqu’en 2036.
C’est dans cette temporalité qu’interviendra la mise en service
complète du réseau du
Grand Paris Express et dont les coûts d’exploitation
ne sont pas encore couverts qu
and bien même l’État, par voie d’un courrier
du Premier ministre en date du 21 janvier 2020,
convient qu’il est justifié
qu’une partie de ces coûts soit supportée par des financements
supplémentaires ou par transfert de fiscalité.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
457
En ce qui concerne la soutenabilité financière à moyen terme du
système de transport en commun francilien,
la Cour insiste sur le fait que
tout scénario prospectif
est dépendant de l’évolution des comportements de
mobilité.
En particulier, l’effet du télétravail, dont nous estimons l’impact
sur les déplacements entre - 2 et - 6 %, reste à confirmer et à affiner.
La Cour propose deux scenarii prospectifs et quelles que soient les
hypothèses prises (dynamisme des recettes, décalage de la mise en exploitation
du Grand Paris Express, ralentissement des investissements, diminution
d’offre, etc.), la limite de soutenabilité,
jugée au travers du dépassement du
seuil de 15 ans de capacité de désendettement, est atteinte en 2026. Les
simulations conduites par Île-de-France Mobilités sont plus pessimistes avec
un franchissement de la limite dès 2022, hors mesures de redressement.
Cet état des lieux nécessite d’examiner les marges de manœuvre à
la disposition de l’ensemble des acteurs
pour rétablir l’équilibre financier,
ce que la Cour réalise. Je rejoins globalement son analyse et les
conclusions qu’elle en tire.
En effet, du point de vue des dépenses, la
réduction ou le lissage des investissements n’est pas à la maille des impacts
financiers recherchés et constitue un frein au développement de
l’intermodalité. L’ajustement de l’offre est nécessaire mais vise avant tout
à l’adapte
r à la fréquentation effective
plutôt qu’à réaliser des économies
d’ampleur, les coûts fixes étant important
s.
S’agissant des recettes, leur
augmentation constitue selon la Cour une piste prioritaire. Il convient
néanmoins de rappeler que les contributions des collectivités membres
augmentent chaque année au niveau de l’inflation et que le levier tarifaire
ne saurait être activé à très court terme, tant que le niveau de fréquentation
des transports en commun
ne s’est pas rétabli à son niveau d’avant
la crise.
La Cour préconise donc d’explorer deux pistes, outre l
es mesures
d
’incitation au recours
aux transports en commun. La première
consisterait en la mise à contribution des automobilistes et la seconde en
la captation d’une partie de la
valorisation foncière. La première piste
mérite à mon sens d’être poursuivie en recherchant deux finalités
: le
report modal, quand cela est possible, et la pérennité des ressources
additionnelles. S’agissant du prélèvement d’une fraction des plus
-values
immobilières au béné
fice d’Île
-de-France
Mobilités, il s’agit d’une piste
prometteuse que j’appelle de mes vœux. Il est en effet
légitime que la plus-
value d’un bien induite par l’amélioration de la desserte en transports
en
commun permette pour partie de financer le système de transport collectif.
Un rapport
de juridiction, d’inspection ou de parlementaire
s constituerait
une base d’échange solide
car partagée en vue d’une mise en œuvre
prochaine.
Cela permettrait, comme l’indique la
Cour, de désacraliser un
sujet complexe et éminemment technique.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
458
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE LA SOCIÉTÉ
DU GRAND PARIS
Je vous remercie pour la transmission du chapitre du rapport public
2022 consacré aux conséquences de la crise sanitaire sur les transports
collectifs d’Î
le-de-France.
Je partage les constats et grandes orientations établis par la Cour dans
ce document, et tiens à souligner la qualité et la rigueur des échanges nourris
entre la SGP et les équipes d’enquête des juridictions financières. Il est
naturellement très ambitieux de tenter de mesurer dès à présent les impacts de
cette crise sanitaire sans précédent sur les transports en Île-de-France, mais
il me semble que ce défi a été autant relevé qu’il était possible, à date.
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes