5
Les grands aéroports français
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Les mesures sanitaires adoptées par les gouvernements en réponse à
l’épidémie de covid
19 ont eu de très fortes répercussions sur le trafic aérien
mondial.
En France, le premier confinement a presque mis à l’arrêt l’activité
aéroportuaire en avril et mai 2020. Les contraintes sur les voyages qui ont
accompagné le déconfinement et les restrictions de déplacement maintenues
avec de nombreux pays n’ont permis qu’une reprise très partielle de l’activité.
Les aéroports français comptant plus d’un million de pass
agers par an
–
dits
« millionnaires »
–
et caractérisés par une proportion significative de leurs
liaisons avec l’international et l’outre
-mer ont été très affectés. Il en est résulté
une forte baisse de leurs revenus et des pertes significatives. En réponse à ce
choc, les aéroports ont mis en œuvre des plans d’économies volontaristes et
ont pu bénéficier du soutien de l’État.
La sortie de crise pourrait être plus délicate que dans d’autres
secteurs, du fait de l’évolution des comportements et de la montée
en
puissance des préoccupations environnementales. Le modèle économique
des aéroports, fondé sur la forte croissance du trafic et d’importants
investissements, pourrait en être profondément affecté.
Le présent
chapitre est l’aboutissement d’une enquête
conduite entre
janvier et juin 2021 auprès de dix plateformes aéroportuaires millionnaires
367
.
La gestion de ces plateformes est assurée par des exploitants liés à l’
État par
un contrat de concession
368
. Une taxe est affectée à ces exploitants pour
l’exercice
de missions régaliennes qui leur sont déléguées.
Après l’analyse de l’impact de la crise sanitaire sur le trafic aérien
et de la réponse opérationnelle d’aéroports confrontés à des perspectives
de reprise incertaines (I), le présent chapitre examine la dégradation de la
situation financière des sociétés aéroportuaires (II) et les défis à relever à
court et moyen termes (III).
367
Aéroports de Paris (Roissy et Orly), Nice-Côte
d’Azur, Lyon, Toulouse
-Blagnac,
Montpellier-Méditerranée,
Bordeaux-Mérignac,
Strasbourg-Entzheim,
Marseille-
Provence, La Réunion-Roland Garros et La Guadeloupe-Pôle Caraïbes.
368
À l’exception d’Aéroports de Paris (ADP).
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COUR DES COMPTES
372
I -
Des aéroports durement éprouvés
par la crise
Les aéroports ont été confrontés à l’effondrement du trafic aérien
résultant
des
restrictions
imposées
par
les
gouvernements
aux
déplacements domestiques et internationaux.
A -
Une crise exceptionnelle pour le transport aérien
Après un début d’année 2020 encourageant (+ 3
% en janvier-février),
le premier confinement a marqué une rupture dans le trafic aérien.
1 -
L’effondrement du trafic
Le trafic passagers a été le plus affecté, seuls les vols sanitaires et de
rapatriements étant maintenus pendant les périodes de restrictions les plus
fortes. Entre 2019 et 2020, le trafic aérien de passagers a chuté de près de
70 %
369
en France (le nombre de passagers est passé de 179,6 millions en
2019 à 54,1 millions en 2020) et de 69
% en moyenne s’agissant des
dix
aéroports couverts par l’enquête. Cette évolution a résulté à la fois de la
diminution des deu
x tiers du nombre de vols commerciaux et d’une baisse
d’un tiers du taux de remplissage des avions. Le mois de mai 2020
correspond au point le plus bas du trafic, avec une baisse de 95 % du nombre
de vols et de 73 % de leur taux de remplissage par rapport à mai 2019.
Le fret a davantage résisté, avec un recul limité à 17 % au cours de
l’année 2020. Le transport de marchandises, principalement assuré en
temps normal dans les soutes des avions transportant des passagers, a dû
s’adapter face à l’effondrement d
u trafic voyageurs. Les opérateurs ont
davantage recouru aux vols cargo, dont la part dans le trafic total a
fortement progressé
370
.
369
Données DGAC, TendanCiel n° 88 de décembre 2020.
370
À
Roissy, où s’effectue 85
% du tonnage de fret de l’échantillon des aéroports de
l’enquête, les vols cargo ont représenté jusqu’à 48
% des vols en décembre 2020 (et
jusqu’à 70
% au printemps) contre 12 % en décembre 2019.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
373
Chaque levée partielle des restrictions, qui a accompagné la fin des
périodes de confinement
371
, a été marquée par une vive reprise du trafic
domestique, y compris vers l’outre
-mer. À
l’été 2020, le trafic est ainsi revenu
à près de 70 % de son niveau de 2019. Les déplacements européens et, plus
encore, internationaux sont en revanche demeurés en net repli, en raison à la
fois d’un manque de coordination et de visibilité sur les restrictions imposées
par les États et des incertitudes quant à la circulation du virus.
Ces évolutions contrastées ont eu un impact variable sur les aéroports
selon la structure de leur trafic. Ceux qui ont une part prépondérante de
liaisons internationales ont été particulièrement affectés. Ainsi, entre le
premier confinement et la fin de l’année 2020, le t
rafic de la plateforme de
Paris-
Charles de Gaulle (CDG) n’a pas dépas
sé 20 % de son niveau de 2019.
À
l’inverse, les aéroports de Montpellier et Strasbourg ont mieux résisté
grâce au poids plus important des vols domestiques dans leur trafic.
Graphique n° 1 :
comparaison mois par mois de l’évolution
du trafic 2020 par rapport à 2019 (base 100)
Source
: Cour des comptes d’après les données transmises par les 10 aéroports de l’échantillon
Durant les périodes de confinement, seules les compagnies régulières
ont continué à fonctionner, assurant ainsi la continuité du service public
aéroportuaire.
Les
compagnies
à
bas
coûts
ont
préféré
attendre
l’assouplissement des restrictions sur les déplac
ements pour reprendre leurs
vols. Il en est résulté une très grande volatilité de la part de marché de ces
dernières, qui a oscillé entre 3 % (en mai) et 49 % (en août) du trafic passagers
en 2020. Les aéroports dont le trafic domestique et vers l’outre
-mer est en
grande partie assuré par des compagnies à bas coûts (Bordeaux, Montpellier,
Orly, Nice) ont ainsi pu redémarrer plus vite à l’issue des confinements.
371
La France a connu trois périodes de confinement : de mi-mars à mi-mai 2020 puis à
l’automne 2020 et, enfin, en avril 2021.
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COUR DES COMPTES
374
Graphique n° 2 :
parts du trafic passagers des compagnies régulières
et des compagnies à bas coûts dans l’espace e
uropéen
Source
: Cour des comptes d’après les données transmises par les 10 aéroports de l’échantillon
2 -
L’instabilité des mesures par pays et la coordination limitée
au sein de l’Union
européenne (UE)
Les efforts de coordination des mesures sanitaires au
sein de l’UE
ont souvent été mis à mal par la propagation différenciée de l’épidémie,
conduisant à l’adoption de mesures spécifiques par les États, seuls
compétents en matière sanitaire. La liberté de voyager a été d’autant plus
entravée que les mesures ad
optées ont été marquées par l’instabilité des
règles d’entrée dans les pays
372
et des obligations de respecter des périodes
de « quarantaine », ou encore des dispositions imposant de justifier son
déplacement par un motif impérieux ou en fournissant des preuves
d’immunité (tests PCR négatifs).
L’absence d’accord européen sur l’application de ces restrictions et
sur leurs conditions de déclenchement (cartographie des pays par niveau
de risques) a freiné les projets de voyages et affaibli la dynamique de
reprise du trafic aérien, de même que les mesures de restrictions adoptées
par les États tiers.
À
l’automne 2020, l’UE a tenté à nouveau de coordonner les dispositifs
applicables en son sein en adoptant une classification commune des pays en
fonction du risque sanitaire (rouge, orange ou vert) et en défendant le principe
de l’absence de restriction à la circulation au sein d’une zone verte.
372
Par exemple, le 29 mars 2021, l’Allemagne et l’Espagne ont fermé unilatéralement
leurs frontières aux résidents français.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
375
Au premier semestre 2021, les pays européens ont également
élaboré un passeport sanitaire commun reposant sur trois critères
alternatifs
: la vaccination, le résultat négatif à un test ou l’immunisation
suite à la contraction de la covid. Ce passeport, entré en vigueur au
1
er
juillet 2021, a permis d’améliorer les parcours des passagers au départ
et à l’arrivée. Il répond au so
uci des aéroports de fluidifier les contrôles
pour contenir
l’augmentation des délais d’enregistrement (passés de
90 secondes en 2019 à 10 minutes en 2020 pour les vols internationaux au
départ de Roissy, en dépit de la chute du trafic).
3 -
Des perspectives de reprise incertaines
La date du retour du trafic à son niveau de 2019 est incertaine. La
reprise pourrait, en outre, ne pas être totale pour certains segments de
clientèle
comme
les
voyageurs
d’affaires,
compte
tenu
du
fort
développement du travail à distance. Après avoir anticipé une évolution du
trafic en V, comme lors de l’épidémie de SRAS de 2002
-2003 et de
l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll en 2010, le secteur aérien a évolué
selon une courbe en U. Mais la crise perdure et la courbe du trafic sera
peut-être en L.
La clarification des règles sanitaires applicables aux déplacements
va conditionner la reprise du trafic. Parallèlement, le renforcement des
contraintes environnementales pourrait la contrarier.
Le secteur aérien et la transition écologique
Le chapitre IV du titre IV de la loi du 22 août 2021 portant lutte
contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses
effets décline pour le transport aérien les objectifs de la stratégie nationale
bas carbone :
-
paiemen
t d’un prix du carbone suffisant à partir de 2025
;
-
suppression des liaisons aériennes nationales quand un autre moyen de
transport collectif permet d’assurer ce transport en moins de 2
heures 30
et que le trafic aérien en correspondance représente moins de la moitié des
déplacements ;
-
encadrement du développement des capacités aéroportuaires ;
-
obligation de compenser les émissions carbone des vols intérieurs
métropolitains (compensation intégrale en 2024).
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COUR DES COMPTES
376
Dans le même temps, les travaux de la Commission européenne sur
l’ensemble législatif «
Fit for 55
»
373
visent notamment à accélérer le
déploiement de carburants aéronautiques durables et à supprimer
l’exemption de taxe sur le carburant aérien.
Enfin, dans le cadre du programme « Destination 2050 », les acteurs
du transport aérien travaillent sur des projets d’innovation relatifs aux
technologies des moteurs, aux carburants et à l’optimisation des plans de
vols par l’interopérabilité des systèmes de navigation.
Dans ce contexte, Eurocontrol
374
propose trois scenarii de retour au
trafic de 2019, début 2023, fin 2023 ou après
2027 en fonction de l’évolution
de l’épidémie, de la vaccination, de la reprise économique et de la capacité
des États à se coordonner pour lever les restrictions à la circulation.
Graphique n° 3 :
scenarii de reprise du trafic en Europe
Source : Eurocontrol
–
prévisions de trafic établies en octobre 2021 (EUROCONTROL
2021-2027 forecast )
373
Proposition de la Commission pour tenir l’objectif de réductio
n des émissions de
gaz à effet de serre de 55 % au moins en 2030 par rapport à 1990.
374
Eurocontrol est une organisation intergouvernementale européenne de supervision
et d’harmonisation de la navigation aérienne.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
377
Dans chaque aéroport, la reprise sera également conditionnée par
la capacité à remobiliser les compétences nécessaires
375
et par la maîtrise
des évolutions tarifaires.
B -
Une gestion de crise en deux temps
Après la mise à l’isolement d’une partie de
la Chine fin 2019,
l’épidémie de covid
19 s’est propagée dans le monde et a affecté l’Europe.
1 -
Une poursuite des vols internationaux jusqu’à mi
-mars 2020
Avant le 17 mars 2020, en dépit des alertes (premiers rapatriements,
notamment de croisiéristes bloqués à la Guadeloupe, déclarations de
l’organisation mondiale de la santé (OMS) qui, le 30 janvier, a qualifié
l’épidémie d’
« urgence de santé publique de portée internationale »
après
avoir, le 14 janvier, pour la première fois évoqué la
« possibilité
d’une
transmission inter-humaine »
), les pouvoirs publics n’ont pas pris de mesures
ou, lorsqu’ils l’ont fait, s’en sont tenus à des mesures minimales. Ainsi, le
23 janvier 2020, la France a suspendu la liaison entre Paris et Wuhan mais
n’a adopté aucune mesure particulière à l’égard des passagers en provenance
d’autres villes chinoises. Le 1
er
février 2020, alors que les autres pays de
l’espace Schengen suspendaient leurs visas avec la Chine, la France s’est
bornée à renforcer les mesures d’information cib
lées puis le traçage et la
distribution de masques aux passagers en provenance de Chine.
Le plan ORSAN-REB
376
relatif à l’offre de soins a été déclenché par
le ministère de la santé le 14 février 2020. Il s’agit d’un plan sectoriel,
contrairement
au
plan
pandémie
grippale
qui
a
une
portée
interministérielle. Les préfectures et les agences régionales de santé (ARS)
ont alors accompagné les aéroports en organisant les rapatriements. Le
24
février 2020, l’OMS a recommandé aux pays confrontés à des cas
importés et/ou à des flambées épidémiques
«
d’activer immédiatement les
protocoles nationaux de gestion de la riposte au niveau le plus élevé pour
appliquer une approche associant l’ensemble des pouvoirs publics et de la
société nécessaire afin d’endiguer la covid 1
9 »
377
.
375
S’agissant des prestataires dans le domai
ne de la sûreté, les contraintes de formation
et de délivrance des agréments justifient une certaine vigilance des aéroports.
376
Plan d’organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires
exceptionnelles pour les risques épidémiques et biologiques. Il passera en phase 2
puis 3, respectivement le 29 février et le 14 mars 2020.
377
Cf.
Chronologie
de
l’action
de
l’OMS
face
à
la
covid
19 :
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
378
L’activité s’est néanmoins poursuivie presque normalement et le
contexte général a laissé la place à plusieurs initiatives individuelles. Fin
février, Easy Jet a ainsi suspendu ses vols entre l’Italie du
nord et la France.
Avant mi-mars, seuls les aéroports de La Réunion et ADP ont activé leur
plan de crise. Le 16 mars 2020, la France était l’un des seuls pays de l’UE
378
à n’avoir pas pris de mesures visant les liaisons aériennes avec la Chine.
L’État s’est pourtant doté d’un plan pandémie en 2011
379
, qui aurait
été particulièrement adapté au contexte. Il définit en effet quatre stades
correspondant à quatre objectifs de conduite de crise et aurait ainsi permis
d’apporter une réponse graduée, à laquelle les aéroports auraient été
associés dès le début à
travers la phase préliminaire d’alerte puis la mise
en œuvre de mesures de contrôle sanitaire aux frontières (informations,
désinfection, mises en quarantaine…).
2 -
Une forte flexibilité opérationnelle des aéroports
à compter du premier confinement
Le 16 mars 2020, alors que de nombreux États membres avaient pris
des mesures unilatérales, la Commission européenne a préconisé de
restreindre temporairement les déplacements non essentiels à destination
de l’UE afin de limiter la propagation du virus. Toute l’UE
a alors adopté
des mesures restreignant les déplacements internationaux de voyageurs et
s’est confinée autour de la mi
-mars (17 mars en France
380
). Le 17 mars, le
Gouvernement a activé la cellule interministérielle de crise et interdit les
déplacements
commerciaux
vers
les
départements
et
territoires
d’outre
-
mer. L’effet de ces restrictions sur le trafic aérien a été immédiat
et brutal (cf. graphique n° 1).
À
compter de cette date, les aéroports ont actualisé et mis en œuvre
leurs plans de continuité d’activ
ité (et parfois un plan de continuité
d’activité dégradé lorsque la réalité de la crise sanitaire s’est avérée plus
sévère que le pire scénario envisagé dans ces plans).
Ils se sont rapidement réorganisés dans le double souci de respecter
leurs obligations en matière de continuité du service public et de continuité
territoriale, tout en adaptant leur organisation à la chute du trafic. Des
terminaux ont été fermés et la gestion des espaces aéroportuaires a été
378
Comme le montrent les communiqués de presse successifs de Frontex.
379
Plan
national
de
prévention
et
de
lutte
« pandémie
grippale »,
n°850/SGDSN/PSE/PSN, octobre 2011.
380
La loi n° 2020-290
du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de
covid1
9 a instauré l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du
territoire national.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
379
modulée en fonction des planifications de vols. Les contrats de prestations
ont été renégociés pour être ajustés aux besoins (cf. partie II). L’agilité des
aéroports
était d’autant plus nécessaire
qu’afin d’éviter que les avions ne
volent à vide, l’UE a assoupli les règles de gestion des créneaux des
compagnies aériennes, qui planifient désormais leurs plans de vol sur trois
semaines, contre six mois en temps normal.
Le recours à l’activité partielle
381
et au télétravail, le cas échéant avec
distribution d’ordinateurs portables à ceux qui n’en étaient pas équipés, est
devenu la norme, sauf exceptions (par exemple pour les métiers en lien avec la
sûreté). La présence de quelques personnels détachés des chambres de
commerce et d’industrie (CCI), agents publics non éligibles au dispositif
d’activité partielle, a pu pénaliser les efforts d’optimisation de la gestion de
certains aéroports comme ceux de la Guadeloupe et de Strasbourg. Certaines
plateformes ont ré-
internalisé des tâches pour préserver l’emploi
et encouragé
la polyvalence afin de maintenir les liens avec leurs salariés. Ainsi, une
plateforme a choisi de confier à des salariés au chômage une mission de
désinfection renforcée. Si en 2020, les aéropo
rts ont préservé l’emploi de leurs
salariés, en revanche, les contrats précaires, intérims et stages, n’ont pas été
renouvelés sauf pour les métiers indispensables. Pour autant, fin 2020 et en
2021, face à la durée de la crise, des accords sociaux ont été négociés avec les
représentants du personnel : accord de performance collective pour réduire la
masse salariale, accord d’activité partielle de longue durée, accord de rupture
conventionnelle collective, dont celui d’Aéroports de Paris qui prévoit
1 150 départs volontaires (sur 6 200 salariés), dont 700 non remplacés. En cas
d’échec ou de nouvelle vague épidémique, des plans de sauvegarde de l’emploi
pourraient être mis en place.
À
moyen terme, la crise a été l’occasion pour les aéroports de revoir
leur fonctionnement pour gagner en
efficacité. Ainsi, plusieurs d’entre eux
ont mis en place ou renforcé leur poste de commandement centralisé
382
.
Sur le plan sanitaire, les aéroports ont respecté scrupuleusement les
mesures prescrites par les autorités. Certains disposaient de stocks de
masques pour leurs salariés
383
, stocks qui ont pu être réquisitionnés pour
les soignants. La crise a aussi incité les aéroports à innover pour renforcer
les mesures d’hygiène,
avec par exemple le recours aux UV pour le
nettoyage des
bannettes aux postes de sécurité ou pour la filtration de l’air,
ou encore le développement de services sans contact.
381
Jusqu
’à 80
% lors du premier confinement du printemps, puis autour de 46 % entre
avril et décembre 2020.
382
APOC ou
Airport Operations Center
, selon la terminologie Eurocontrol.
383
Et parfois pour l’ensemble des personnels travaillant au sein de l’aéroport.
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COUR DES COMPTES
380
La
communication
de
l’aéroport
avec
sa
communauté
aéroportuaire
384
s’est intensifiée tout au long de la crise
: communications
régulières des règles sanitaires applicables au sein des aérogares,
actualisation des plans de charges. Afin de permettre à ses deux prestataires
de sûreté de bénéficier du soutien de l’État, un aéroport a réparti entre eux
la charge de travail sur le seul terminal resté ouvert. Chacun a ainsi pu
repenser son fonctionnement et activer les dispositifs gouvernementaux
(prêts garantis par l’État, activité partielle). Une majorité d’aéroports a
également fait le choix d’un accompagnement financier de ses prestataires
et cli
ents. Les faillites ont ainsi pu être évitées jusqu’à l’été 2021, sauf rares
exceptions.
II -
Des plans d’économies exceptionnels
pour faire f
ace à l’effondrement
du chiffre d’affaires
Le modèle économique des aéroports, comme celui de tout
gestionnaire d’infr
astructures, se caractérise par une forte sensibilité à
l’évolution des recettes, les coûts de fonctionnement (entretien et
maintenance des installations) étant principalement fixes. En 2019, les
principales charges d’exploitation des aéroports de l’échant
illon étaient, en
moyenne, les suivantes : masse salariale (23 %), dépenses de sous-traitance
et de prestations externes (56 %) et dotations aux amortissements (21 %),
avec de fortes différences d’un aéroport à l’autre
385
.
Au cours des précédentes décennies, la croissance continue du trafic
aérien a assuré aux aéroports une rentabilité d’exploitation
386
relativement
élevée, autour de 20
% en 2019. Cette rentabilité s’est effondrée en 2020.
384
La communauté aéroportuaire au sens large peut compter jusqu’à dix fois l’effectif
de l’aéroport. Elle comprend principalement les agents d’escale, les représentants des
compagnies aériennes, les agents de sécurité et sûreté et les personnels des boutiques et
restaurants.
385
Le poids des dotations aux amortissements varie sensiblement d’un aéroport à l’autre
en fonction de leur cycle d’investissements. Les dotations aux amortissements
représentent ainsi entre 14 % et 32 % des charges des dix aéroports étudiés, les plus
petits étant les plus frugaux.
386
Rentabilité d’exploitation ici définie comme le ratio (résultat d’exploitation)
/
(chiffre d’affaires).
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
381
Graphique n° 4 :
évolution des taux de rentabilité d’exploitation
des dix aéroports de l
’enquête
: 2020 vs 2019
Source
: Cour des comptes d’après les données transmises par les 10 aéroports de
l’échantillon
A -
Un recul du chiffre d’affaires de 54
% en 2020
Le chiffre d’affaires des aéroports de l’échantillon s’élevait à
3,8
Md€ en 2019. Il est
composé à 46 % de recettes aéronautiques
(redevances perçues sur les mouvements d’avions et les passagers), à 35
%
de
recettes
extra-
aéronautiques
tirées
d’activités
domaniales
et
commerciales (redevances sur les boutiques, les restaurants, les espaces de
stationnement, l’affichage publicitaire
, etc.) et à 19 % du produit de la taxe
d’aéroport (qui sert à financer les dépenses de sécurité et sûreté
aéroportuaires, cf. III.A.2).
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382
Graphique n° 5 :
répartition du chiffre d’affaires en 2019 (3,8
Md€)
Source : Cour des comptes
d’après les données transmises par les 10 aéroports de l’échantillon
En 2020, ce chiffre d’affaires s’est effondré de 2,1
Md€, soit
- 54 %,
et a donc été limité à 1,7
Md€. Les aéroports de l’échantillon ont enregistré
une perte d’exploitation de près de 7
00
M€
, contre un bénéfice
d’exploitation de 1,1
Md€ l’année précédente.
Toutes les recettes ont reculé, mais dans des proportions
variables : - 63 % pour les redevances aéroportuaires, - 19 % pour les
recettes domaniales, - 61 % pour les recettes
provenant d’autres activités
commerciales et - 32 %
pour la taxe d’aéroport.
Les aéroports les plus internationalisés (notamment ADP) ont été les
plus touchés du fait de la disparition de la clientèle internationale à fort
pouvoir d’achat. Les aéroports d’outre
-mer ont limité la baisse de leur
chiffre d’affaires aéronautique à environ 44
% par rapport à 2019 grâce au
fret. Les recettes extra-aéronautiques ont pâti à la fois des fermetures
administratives des commerces dits non essentiels et de la baisse de la
fréquentation des aérogares.
Seules deux recettes ont affiché une relative résistance : la taxe
d’aéroport (du fait de l’intervention de l’État, cf. III.A.2) et les recettes
domaniales.
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383
B -
Des plans d’économies d’une ampleur
sans précédent
Face à la cri
se, les aéroports ont mis en œuvre des plans d’économies
inédits. Dès le premier confinement, les charges non essentielles ont été
suspendues, tout ou partie des infrastructures aéroportuaires ont été
fermées et les gestionnaires ont développé une forte modularité de leurs
installations afin d’ajuster le plus finement possible leurs capacités
d’accueil (déplacement des cloisons, relocalisation des compagnies).
Les dix aéroports examinés employaient 9 329 ETP
387
en 2019, dont
93 % en CDI. Fin 2020, cet effectif était en baisse de 5
%, ce qui s’explique
à hauteur de 75 % par le non-renouvellement des contrats temporaires
(CDD, intérim). La masse salariale a diminué de manière plus significative
(- 15
%) grâce au soutien de l’État
à l’activité partielle.
Le modè
le économique des aéroports s’appuie aussi sur un recours
important à la sous-traitance et aux prestations externes. La recherche
d’économies de fonctionnement les a donc conduits à renégocier leurs contrats
,
voire à ré-internaliser certaines missions, ce qui a permis, par ricochet, à ces
prestataires d’activer à leur tour le dispositif d’activité partielle.
L’ensemble de ces actions a permis de réduire de 27,5
% les dépenses
d’exploitation hors amortissements, soit plus de 660
M€ d’économies de
fonctionnement
au
total
pour
les
dix
aéroports
examinés
(cf. graphique n° 6 ci-dessous). Comparativement, les surcoûts liés aux
mesures de protection sanitaire (intensification du nettoyage, achats de gel
hydroalcoolique et de masques, dépenses de communication et d
’information,
adaptation des guichets d’accueil et d’enregistrement…) ont été marginaux.
387
Équivalents temps plein.
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384
Graphique n° 6 :
ventilation du plan d’économies en
%
Source
: Cour des comptes d’après les données transmises par les 10 aéroports de l’échantillon
Ces réductions de coûts ont permis de maintenir des excédents
d’exploitation en 2020 : le taux de marge brute d’exploitation des aéroports
(EBE
388
/CA) a certes diminué de 29 points en un an mais il est resté positif, à
14 %. Les aéroports de taille intermédiaire (entre 8 et 14 millions de passagers)
sont ceux qui ont le mieux résisté (perte limitée à 21 points). Ils ont pu fermer
des espaces aéroportuaires avec des effets mécaniques sur l’ensemble des
coûts associés, ce que n’ont pas pu faire les plus petits aéroports.
Parallèlement à ces é
conomies d’exploitation, les plans pluriannuels
d’investissement pour les années 2021
-2022 ont été revus, avec de
nombreux reports ou annulations
389
de projets (réduction de moitié pour
ADP, d’un peu moins des deux tiers pour Bordeaux). Ils sont en cours de
réexamen pour la période ultérieure.
Les aéroports ont donc réagi rapidement et su faire évoluer leur modèle
jusque-là porté à une expansion continue des dépenses dans un marché en
croissance. Parties prenantes d’industries de coûts fixes, ils ont fait pr
euve
d’une grande plasticité. Pour autant, les choix d’investissement passés ont pesé
sur les comptes : les dotations aux amortissements des aéroports de
l’échantillon ont augmenté de 48
% (soit 320 M€) en moyenne entre 2019 et
2020, progression essentiellement imputable à ADP. Les incertitudes sur la
reprise du trafic devraient conduire à une plus grande sélectivité concernant les
projets de développement futurs (cf.
III.B). C’est dans ce contexte de crise que
la privatisation d’ADP a été reportée
sine die
390
et que le projet de terminal T4
de l’aéroport de Roissy
-Charles de Gaulle a été arrêté.
388
Avant prise en compte des amortissements.
389
Quitte à verser des indemnités aux titulaires des marchés ou participants aux concours.
390
La crise sanitaire a eu un impact important sur la valorisation boursière des actifs
aéroportuaires, laquelle connaissait jusque-là une forte croissance. Entre le
3 janvier 2
020 et le niveau le plus bas atteint le 15 mai 2020, le cours de l’action ADP
est passé de 173,70
€ à 71,55
€, soit une baisse de 58,8
%.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
385
C -
L’indispensable sécurisation de la trésorerie
La mise en œuvre des plans d’économies avait en particulier pour
objectif de permettre aux aéroports de sécuriser leur trésorerie pour
prévenir une crise de liquidité. Les capacités d’emprunts négociées avant
la crise pour divers projets ont ainsi été mobilisées et de nouveaux
emprunts obligataires ou bancaires ont été souscrits, dont 160 M€ à fin
2020 dans le cadre de prêt
s garantis par l’État (PGE), auxquels sept des dix
aéroports de l’échantillon ont eu recours.
Les plans d’économies mis en œuvre ont permis de limiter les sorties
de trésorerie. L’endettement net agrégé des aéroports de l’échantillon à fin
2019 s’élevait à
4,8
Md€, soit près de quatre années de résultat
d’exploitation. Fin 2020, l’endettement net combiné des dix aéroports,
retraité d’une opération d’acquisition externe
391
, atteignait 5,5
Md€, en
hausse de 14 % par rapport à 2019.
Graphique n° 7 :
évolution
de l’endettement net de chaque aéroport
rapporté à son excédent brut d’exploitation de 2019
Source
: Cour des comptes d’après les données transmises par les 10 aéroports
de l’échantillon (l’endettement 2020 d’ADP est retraité d’une opération de
financem
ent d’une acquisition)
.
391
Ce retraitement concerne la société ADP dont une partie de la croissance de
l’endettement est imputable au financeme
nt de cette acquisition.
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386
L’endettement net des huit aéroports endettés à fin 2020 représentait
en moyenne un peu moins de 3,1 fois l’excédent brut de référence de 2019,
ce qui témoigne d’une certaine robustesse. Mais rapporté à leur
excédent
brut d’exploitation de 2020, l’endettement atteint désormais, pour
beaucoup d’entre eux, un niveau problématique. Leur solidité financière
pourrait ainsi être mise à mal si la crise perdurait et si les conditions
bancaires n’étaient pas ajustées au contexte exceptionne
l et à son impact
mécanique sur les agrégats financiers prévus aux contrats (clauses de
résiliation).
III -
Les défis à relever au sortir de la crise
La crise pandémique a mis un coup d’arrêt brutal à un demi
-siècle
de croissance presque continue du trafic aérien
392
. Exceptionnelle par son
ampleur et sa durée, elle contribue aux changements de comportements des
passagers. À court terme, le ralentissement conduit les aéroports à
demander à l’État des réponses rapides et adaptées aux effets spécifiques
de la crise sur leur secteur. Il met également en évidence les faiblesses du
modèle économique et du système de régulation, jusque-là occultées par la
croissance du trafic.
A -
À court terme, deux sujets de discussion
entre l’
État et les aéroports
Les sociétés aéroportuaire
s ont saisi l’État sur la mise en jeu de la
clause dite d’imprévision ou de force majeure prévue à l’article 74 du
cahier des charges des concessions. La crise les conduit aussi à reposer la
question, préexistante et largement débattue lors des Assises de
l’aérien de
2019, du financement des missions régaliennes de sûreté et de sécurité qui
leur sont déléguées. Des réponses qui seront apportées dépendra en partie
leur capacité à aborder la reprise dans de bonnes conditions.
392
Banque mondiale (Transport aérien, voyageurs transportés | Data (banquemondiale.org)).
Selon les statistiques de l’OACI, le t
rafic aérien mondial est passé de 310 millions de
passagers en 1970 à 4,4 milliards en 2019, soit une hausse de 5,5 % par an en moyenne
(+ 4,3 % en France et + 5,62 %
dans l’UE).
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387
1 -
La revendication par certains aér
oports d’une compensation
des baisses de recettes
Face à l’ampleur de la crise sanitaire et de l’impact des mesures
prises sur le trafic aérien, plusieurs aéroports
393
ont saisi la direction
générale de l’aviation civile (DGAC) au printemps 2020 d’une demand
e
de compensation des baisses de leurs recettes. Les discussions entre l’
État
et les aéroports se poursuivent en vue de déterminer si une compensation
est effectivement due. Conformément aux stipulations du cahier des
charges des concessions
394
, la question
se concentre sur l’existence d’un
bouleversement économique suite à un événement imprévu.
Le débat porte notamment sur la durée sur laquelle doit s’apprécier
un tel bouleversement. Il est en effet plus aisé d’amortir l’impact
économique d’une crise sur un
contrat de 30 ans ou plus que sur un contrat
de cinq ans, durée qui est celle des contrat de régulation économique
(CRE)
395
.
La question de l’existence d’un bouleversement économique s’est
déjà posée et avait par le passé conduit à la résiliation du CRE n°
3 d’ADP
pour la période 2016-2020. Il serait cependant difficile
d’en tirer une
conclusion pour les contrats de concession, dont la nature juridique est
différente d’un CRE. Il appartient aux aéroports de démontrer l’existence
d’un tel bouleversement économique de leur contrat.
Dans l’hypothèse où ce bouleversement ser
ait caractérisé, la
question des modalités et du montant des compensations à apporter se
poserait. Les pays qui se sont engagés sur la voie de mesures spécifiques
de soutien à leurs aéroports ont procédé soit par allongement de la durée
de concession
396
soit par subvention
397
. La détermination des montants de
compensation suppose, en outre, de distinguer les effets de la crise sanitaire
de ceux d’évolutions plus structurelles, indépendantes de celle
-ci, comme
le renforcement des exigences environnementales, de circonscrire la
dimension exceptionnelle de la crise et de veiller à préserver la pérennité
des aéroports, qui suppose le maintien de leur capacité de financement de
leurs investissements.
393
Au premier rang desquels ceux de Lyon, Nice et Toulouse.
394
Le contrat de
concession des aérodromes est le contrat par lequel l’
État, concédant, charge
un opérateur, concessionnaire, de la gestion, de l’entretien et du développement de la
plateforme aéroportuaire. Ces contrats ont des durées longues (plus de 30 ans).
395
Les contrats de régulation économique sont prévus par le code des transports
(art. L. 6325-2,
alinéa 1). Il s’agit de contrats pluriannuels d’une durée maximale de
cinq ans conclus entre l’
État et les exploitants afin de déterminer les conditions de
l’évolution des
tarifs des redevances aéroportuaires, en fonction des prévisions de coûts,
de recettes, d’investissements ainsi que d’objectifs de qualité des services rendus par
les exploitants. Ces contrats s’incorporent aux contrats de concession.
396
Cas de l’Italie et
de la Turquie.
397
Le Japon et les États-Unis ont opté pour des subventions.
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388
2 -
Les limites du financement des missions de sécurité et de sûreté
par la taxe d’aéroport
L’État a délégué aux exploitants l’exercice des missions régaliennes de
sécurité
398
et de sûreté
399
aéroportuaires, dans une large mesure sous-traitées à
des sociétés spécialisées. Pour couvrir les coûts qui en résultent, l’État recouvre
auprès des compagnies arériennes une taxe dont le produit est ensuite reversé
aux aéroports. Cette taxe
d’aéroport est assise sur le nombre de passagers et le
tonnage de fret transportés. Elle représentait près de 1
Md€ en 2019 (année pré
-
crise de référen
ce). Son produit est affecté à hauteur d’environ 80
% au
financement des prestations de sûreté et, pour le solde, aux dépenses de sécurité.
La crise sanitaire a mis en lumière la fragilité de ce dispositif, le recul
du trafic aérien frappant simultanément le recouvrement et le produit de la
taxe. Au niveau du recouvrement, des retards de paiement, résultant des
difficultés financières rencontrées par les compagnies aériennes, ont été
constatés et l’État a accordé des délais de paiement. Ce moratoire a eu po
ur
incidence de différer d’autant le paiement du produit de la taxe aux aéroports
alors que les charges de sécurité-sûreté continuaient de courir. Les aéroports
se sont, en conséquence, retrouvés en déficit de financement de ces missions
régaliennes et ont été contraints de mobiliser leur trésorerie
400
, ce qui peut
soulever une question au regard de l’annexe 17 de la
convention de Chicago,
qui stipule dans son article 3.1.10 que
« chaque État contractant veillera à
ce que l’autorité compétente prenne des disp
ositions pour que chaque
aéroport servant à l’aviation civile dispose des ressources et moyens
nécessaires aux services de sûreté de l’aviation
».
Face au déficit de couverture des dépenses de sécurité et sûreté par
la taxe d’aéroport, l’État a fait voter
fin juillet 2020
33
une « avance » de
300
M€ qui a été versée en novembre. Ce mécanisme d’avance a été
reconduit à hauteur de 250
M€ au titre de 2021
34
. Ces avances portent
intérêts et sont remboursables sur sept ans à compter de 2024 (soit sur la
période 2024-2030). En choisissant de couvrir ce déficit par une avance,
l’État reporte sur les futurs passagers la charge d’un service régalien qui a
été assuré pendant la crise et qui aurait habituellement été financé par les
passagers empruntant les aéroports durant cette période.
398
Les missions de sécurité englobent le sauvetage et la lutte contre l’incendie des
aéronefs, la prévention du péril animalier et les contrôles environnementaux, relatifs
principal
ement à la qualité de l’air et au bruit.
399
La sûreté vise à protéger l’aviation civile contre les actes volontaires malveillants.
400
À noter toutefois que les concessionnaires d’aéroport disposaient globalement d’un
excédent de trésorerie au titre de la
taxe d’aéroport de 120 M€ au début de l’exercice 2020.
33
Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
34
Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
389
La taxe additionnelle qui en résultera par passager à compter de
2024 a été estimée par la DGAC à près de 0,80
€
(soit une augmentation
de 5,7
% pour les taxes aéroportuaires perçues à l’aéroport de la
Guadeloupe et 14,2 % pour celui de Strasbourg). Ce calcul repose sur
l’hypothèse d’un retour au niveau de trafic enregistré en 2019 en 2024, puis
d’une stabilité à ce niveau jusqu’en 2030. Ce report de charge viendra
s’ajouter au financement par ces taxes de l’augmentation des coûts indu
ite
par l’entrée en vigueur des nouvelles normes européennes de filtrage des
bagages de soute
401
.
Le financement par des avances va peser sur la compétitivité des
aéroports dans les prochaines années et paraît difficilement prorogeable
sans nuire à leur capacité à aborder la reprise dans de bonnes conditions.
La Cour estime donc que l’État
devra rester attentif aux effets de ce
mécanisme et anticiper d’autres modalités à mettre en œuvre
.
B -
À moyen terme, un modèle économique fragilisé
par la crise
La crise pa
ndémique a mis en exergue les faiblesses d’un système
jusque-
là masquées par la croissance continue du trafic. Elle sollicite l’État,
souvent soumis à des injonctions contradictoires en raison de ses multiples
responsabilités
402
, et complexifie la mission du régulateur dans un contexte
de marges financières durablement réduites, tant pour les compagnies
aériennes que pour les plateformes aéroportuaires.
401
La date de l’entrée en vigueur de ces nouveaux dispositifs dits
« Standard 3 » a été
reportée, sans que soit remis en cause le principe de leur déploiement.
402
À la fois producteur de normes législatives et réglementaires, notamment en matière
environnementale, de sûreté et de sécurité, autorité concédante, actionnaire de sociétés
aéroportuaires mais aussi actionnaire d’Air France, premier client des aéroports
français. Cf. Cour des comptes,
L’État actionnaire
, rapport public thématique, janvier
2017.
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COUR DES COMPTES
390
1 -
Une régulation des tarifs aéroportuaires rendue
encore plus complexe par la crise
Le modèle des aéroports
prévoit une régulation des tarifs par l’Autorité
de régulation des transports (ART) pour les aéroports dont le trafic annuel a
dépassé cinq millions de passagers au cours de l’une des cinq dernières
années
403
et par la DGAC pour les autres. Cette régulation a pour objet de
prévenir les abus de position dominante lors de l’établissement des grilles
tarifaires appliquées aux compagnies aériennes pour financer le service public
aéroportuaire (SPA). Le risque d’abus de position dominante varie fortement
d’un aéroport à l’autre,
en
fonction notamment de l’attractivité du territoire
qu’il dessert et de la concurrence d’autres aéroports ou d’autres moyens de
transports collectifs. Les aéroports ont, en outre, de plus en plus tendance à être
mis en concurrence depuis
l’émergence des compagnies aériennes à bas coûts,
qui construisent leurs offres en prenant en compte les coûts de touchée
404
et
non uniquement les estimations de la demande potentielle. L’évolution des
redevances passagers depuis 2012 atteste des différences de stratégie tarifaire
des aéroports
405
.
Tableau n° 1 :
évolution des redevances passagers des dix aéroports
concernés par l’enquête
Depuis 2012
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
Vols
internationaux
8,0 % - 10,0 % 4,6 % 10,4 % - 27,6 %
2,9 % 14,4 % 10,3 % 8,2 % 19,1 %
Vols schengen
et domestiques
12,4 % - 10,0 % 4,6 %
9,6 %
- 26, 7 % 2,8 % 6,3 % 0,0 % 8,2 % 19,1 %
Source
: Cour des comptes d’après les données transmises par la DGAC
403
Directive 2009/12/CE et article L. 6327-1 du code des transports.
404
Le coût de touchée complet
pour une rotation d’un aéronef
peut se définir comme
l’ensemble des prestations facturées sous forme de taxes ou de redevances, à une
compagnie aérienne pour effectuer l’atterrissage, la circulation au sol, le stationnement et
le décollage de l’aéronef, ainsi que le débarquement et l’e
mbarquement des passagers.
405
Strasbourg et Bordeaux ont baissé leurs redevances passagers depuis 2012 ;
d’autres ont fait évoluer leur grille tarifaire de façon différenciée selon les segments
de marché
; d’autres encore ont augmenté leurs tarifs de façon
homogène (8 % dans
les aéroports d’outre
-
mer). L’aéroport de Nice
-
Côte d’Azur fait figure d’exception
depuis l’intervention du régulateur en 2019 qui s’est traduite par une baisse de ses
tarifs d’un tiers.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
391
Les principes de la régulation des tarifs aéroportuaires
La France est soumise à trois niveaux de réglementation : la
réglementation internationale de l’Organisation de l’aviation civile
internationale (OACI), qui pose quatre principes clés de l’établissement des
redevances (non-discrimination, relation avec les coûts, transparence et
consultation des usagers), la réglementation européenne (directive
2009/12/CE), qui définit un socle commun de régulation économique, et la
réglementation nationale, qui confie la régulation des aéroports de plus de
cinq millions de
passagers à l’Autorité de régulation des transports (ART),
autorité indépendante qui veille au respect :
-
de la juste rémunération des capitaux investis par l’exploitant, appréciée
au regard du coût moyen pondéré du capital ;
-
de la modération tarifaire ;
-
du principe selon lequel le produit global des redevances n’excède pas le
coût des services rendus ;
-
de la consultation des usagers sur les tarifs et la qualité de service
406
dans
le cadre de commissions consultatives économiques (CoCoEco).
Toutefois, la crise pandémique, par son impact financier sur les
aéroports, a mis à mal l’application des principes de régulation rappelés
dans l’encadré ci
-dessus.
La dégradation importante de la rentabilité des aéroports rend en
effet inaccessible l’objectif d’aligner
la rentabilité des capitaux investis sur
le coût moyen pondéré du capital, sauf à augmenter considérablement le
niveau des redevances pour compenser la baisse du trafic. Une telle
augmentation ne serait pas financièrement soutenable pour des compagnies
aériennes déjà très fortement fragilisées par la pandémie.
En outre, la couverture des coûts du service public aéroportuaire,
jusque-là assurée en partie par les revenus commerciaux des aéroports,
n’est plus possible. Les activités liées aux commerces étant
également en
perte, elles ne peuvent en effet plus contribuer au financement du SPA.
Des principes sur lesquels sont fondés la régulation du secteur, seul
celui
de
modération
tarifaire
demeure
théoriquement
applicable.
Cependant,
le fait qu’il ne soit pas
défini précisément donne lieu à de
nombreuses critiques de la part des sociétés aéroportuaires.
406
Article L. 6327-2 du code des transports.
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COUR DES COMPTES
392
Dans ce contexte, les décisions que doit prendre l’ART sur les
propositions d’évolutions tarifaires à venir sont complexes et délicates,
d’autant que des int
errogations sur le modèle de régulation aéroportuaire
pré-existaient à la crise.
Un mécanisme de régulation déjà contesté avant la crise
Deux modèles de caisse sont utilisés par les aéroports : le modèle de
double caisse, où le financement du service public aéroportuaire est assuré par
les seules redevances aéroportuaires, et le modèle de caisse unique, dans
lequel les recettes tirées des activités commerciales y contribuent également.
Les exploitants d’aéroports considèrent que leurs efforts de
développement commercial et de gestion ne sont ni valorisés ni encouragés
par le système de caisse unique. Ils regrettent également l’absence de visibilité
pluriannuelle sur la trajectoire des tarifs.
Les compagnies aériennes critiquent le caractère selon elles purement
formel des consultations des usagers en CoCoEco ainsi que le niveau des
redevances, en particulier lorsque les aéroports ont mis en œuvre des
programmes d’investissement qu’elles jugent excessifs ou non optimisés.
L’ART est soumise
à des délais d’instruction très contraints et souffre
de certaines limites de son champ d’action. Elle n’a
, notamment, pas
compétence sur le modèle de caisse, pourtant déterminant pour le calcul des
redevances. Elle n’a pas non plus de droit de regard sur
les projets
d’i
nvestissement des sociétés aéroportuaires. Or,
la recherche d’une modération
tarifaire suppose une certaine sélectivité en matière d’investissements.
2 -
Évoluer vers un modèle plus efficient pour préserver
des capacités d’investissement
L’impact de la crise
et l’interruption d’un cycle de croissance
continue du trafic vont remettre en exergue des réflexions préexistantes sur
une évolution du modèle aéroportuaire.
À
l’issue des Assises de l’aérien
de 2019, la DGAC avait entendu
ces critiques et étudié une réforme du modèle de régulation pour le rendre
plus pragmatique et inciter les aéroports à davantage de performance, tant
du SPA que des activités commerciales extra-aéronautiques. Ce projet
prévoyait une contribution des activités commerciales au financement du
SPA et reconnaissait ainsi formellement les apports du transport aérien à
l’économie des commerces aéroportuaires (apport de clientèle captive,
allongement du parcours passager dans l’aérogare) et la conséquence pour
les compagnies aériennes (diminution des ventes à bord des avions). Ce
projet est demeuré en suspens depuis fin 2019.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
393
La clarification des règles initiée par ce projet répondrait également
aux besoins de visibilité des aéroports pour planifier leurs investissements.
Les reports et les annulations de projets non essentiels ont certes permis de
limiter l’endettement dans un contexte d’urgence, mais une société
aéroportuaire est un gestionnaire d’infrastructures qui doit faire face à des
besoins de renouvellement et de mise aux normes de ses équipements. La
plateforme reste, en outre, une porte d’entrée sur un territoire et doit donc
pouvoir en accompagner le développement économique et touristique en
adaptant ses capacités d’accueil à la demande. Ces questions sont déjà
pendantes pour certains aéroports, comme celui de Marseille, qui étaient en
fin de cycle d’investissement au début de la crise.
À moyen terme, les exploitants aéroportuaires vont avoir besoin de
stabiliser
leurs
plans
d’affaires
pour
déterminer
leur
capacit
é
d’investissement. Pour les accompagner vers la reprise, l’État aurait intérêt
à clarifier ses attentes et à mettre l’accent sur l’efficience de la gestion et la
sobriété des investissements.
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COUR DES COMPTES
394
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Les acteurs du transport aérien font face à une crise mondiale sans
précédent et à des perspectives incertaines
, qu’il s’agisse du délai dans
lequel le trafic aérien retrouvera
son niveau d’avant
-crise ou de
l’évolution
qui sera ensuite la sienne. Parmi eux, les gestionnaires
d’infrastr
uctures aéroportuaires ont réagi à cette crise pandémique en
réorganisant profondément leur fonctionnement pour s’ajuster en
permanence au plus près de la demande et assurer leurs obligations de
service public.
Face aux risques financiers majeurs liés à
l’
effondrement du trafic
et des chiffres d’affaires, ils ont su mettre en place, dans l’urgence, des
plans d’économies d’ampleur sans précédent,
portant tant sur leurs
dépenses de fonctionnement que sur leurs investissements. La crise a ainsi
montré qu’une o
rganisation plus souple, modulaire et économe était
possible.
À long terme, la crise pandémique a néanmoins mis en lumière les
fragilités du modèle économique des aéroports, qui avaient été jusque-là
partiellement occultées par la croissance continue du trafic et les revenus
qui en étaient tirés. Dans un contexte de marges financières durablement
réduites, l’
É
tat et l’ART devront prendre des décisions difficiles. Sobriété
da
ns
les
projets
d’investissement
et
gains
d’efficience
seront
vraisemblablement prioritaires.
La Cour fera part de ses observations et recommandations sur la
régulation et sur le maillage aéroportuaire à l’issue de travaux
actuellement en cours. Pour l’heure et au vu du déclenchement tar
dif de la
gestion de crise dans le secteur aérien, elle invite à tirer les enseignements
de l’épisode pandémique et à adapter les dispositifs de gestion de crise.
Elle formule à cet effet deux recommandations :
1.
m
ieux définir les indicateurs d’alerte et l
es mesures graduées à mettre
en œuvre dans les aéroports ouverts à l’international en cas de
risque
sanitaire (DGAC, 2022) ;
2.
d
ans l’espace aérien européen, proposer le renforcement de la
coordination des dispositifs en cas de crise sanitaire (DGAC,
SGAE, 2022).
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Réponses
Réponse du Premier ministre
..................................................................
397
Réponse du président de l’Autorité de régulation des transports
............
398
Réponse du président-directeur général du Groupe ADP
.......................
400
Réponse du président du directoire de la société aéroport de Lyon
........
402
Réponse du président du directoire de la société aéroport
Marseille Provence
.................................................................................
403
Réponse du président du directoire de la société aéroport
de Toulouse-Blagnac
..............................................................................
405
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le président du directoire de la société aéroport de Bordeaux-
Mérignac
Monsieur le président du directoire de la société aéroportuaire Guadeloupe-
Pôle Caraïbes
Monsieur le président du directoire de la société aéroport de Monpellier-
Méditerranée
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsieur le président du directoire de la société Aéroport de La Réunion-
Roland Garros
Monsieur le président du directoire de la société Aéroport de la Côte-
d’Azur
Monsieur le président du directoire de la société Aéroport de Strasbourg-
Entzheim
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Par courrier du 29 octobre 2021, vous m'avez communiqué un
chapitre intitulé « Les conséquences de la crise sanitaire sur les grands
aéroports français » destiné à être intégré au rapport annuel 2022 de la
Cour.
Le rapport apporte un éclairage précis sur la gestion de la crise
sanitaire par la communauté aéroportuaire et sur l'adaptabilité dont ont
su faire preuve les grandes plateformes sur l'ensemble du territoire
national, en métropole comme dans les outre-mer, sur un plan
opérationnel et organisationnel.
Le diagnostic réalisé par la Cour, en particulier sur les
conséquences économiques de la crise sur les grands aéroports français,
est largement partagé par les services compétents de l'État ayant en charge
le suivi du secteur.
Malgré l'ampleur de cette crise, non seulement les exploitants ont
su globalement s'adapter pour faire face aux dépenses courantes mais ils
sont, en outre, parvenus à préserver une partie de leur marge brute
d'exploitation, preuve de l'agilité et de la résilience des principaux acteurs
du secteur aéroportuaire français ainsi que de la pertinence des mesures
d'accompagnement horizontales (chômage partiel, prêts garantis par
l'État) et sectorielles (avances pour faire face aux dépenses contraintes de
sûreté et sécurité) décidées par le Gouvernement dès le début de la crise et
régulièrement adaptées au fil du temps.
Concernant la question du modèle économique des aéroports, dont
la crise a pu mettre en évidence certaines fragilités inhérentes au
financement des grandes infrastructures, les réflexions lancées avant la
crise sanitaire notamment sur les modalités d'encadrement et de régulation
de la rémunération des exploitants constituent des chantiers à poursuivre.
Sur l'aspect environnemental, je puis vous assurer que le
Gouvernement poursuivra une ambition forte en termes de décarbonation du
secteur aérien, et en particulier des aéroports, dans le cadre des dispositions
en cours de négociation du paquet « Fit for 55 » proposé par la Commission
européenne le 14 juillet dernier, tout en veillant à ce que les mécanismes
introduits limitent au maximum les risques de fuite carbone qui se feraient
au détriment de l'environnement ainsi que de nos acteurs économiques.
Ainsi, et après examen de votre travail, je constate qu'il y a lieu de
se satisfaire du caractère factuel et pertinent qu'offre le rapport.
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COUR DES COMPTES
398
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’AUTOR
ITÉ DE RÉGULATION
DES TRANSPORTS
Par courrier du 29 octobre 2021, vous avez bien voulu me
transmettre le chapitre destiné à figurer dans le rapport public
annuel 2022 de la Cour des comptes intitulé « Les conséquences de la crise
sanitaire sur les grands aéroports français ». Je vous en remercie.
En conclusion de ce chapitre, la Cour indique que le régulateur
aurait intérêt à «
mettre l’accent sur l’efficience de la gestion et la sobriété
des investissements
» et qu’elle fera part de ses
observations et
recommandations sur la régulation à l’issue de travaux en cours.
La contribution à la mise en place d’un meilleur cadre de régulation
faisant partie des orientations stratégiques de l’Autorité dans le secteur
aéroportuaire, celle-ci ne peut que partager la proposition de la Cour
visant à faire évoluer le modèle aéroportuaire pour le rendre plus efficient
et préserver les capacités d’investissements des exploitants, notamment
(i) en clarifiant les règles envisagées dans le projet de réforme du modèle
de régulation initié par la direction générale de l’aviation civile (DGAC)
à l’issue des «
assises de l’aérien
» en 2019 et (ii) en mettant l’accent sur
l’efficience de la gestion et la sobriété des investissements.
Il me paraît toutefois utile
d’apporter, sur ces deux points, les
précisions suivantes.
En ce qui concerne le premier point, ainsi que la Cour le souligne,
l’Autorité ne dispose actuellement pas de compétence dans la détermination
du modèle de caisse des aéroports, pourtant essentiel dans le calcul des
redevances. Dans ces conditions, s’il appartient, en l’état actuel du droit,
au pouvoir réglementaire de fixer les systèmes de caisse, il paraît de bonne
administration que le régulateur économique sectoriel puisse intervenir
dans ce pr
ocessus, comme l’a d’ailleurs recommandé récemment le Forum
de Thessalonique
407
. Alors qu’une mission de suivi économique et financier
des aéroports relevant de son champ de compétence lui a été reconnue par
la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions
d’adaptation au droit de l’Union européenne (dite «
loi DDADUE »),
confier un rôle consultatif à l’Autorité en la matière permettrait d’éclairer
le choix entre les différents modèles de caisse par l’expertise du régulateur
et sa connaissance des principaux aéroports nationaux, sans priver le
pouvoir réglementaire de ses prérogatives
in fine
.
407
Dans sa publication de janvier 2021 relative aux systèmes de caisses aéroportuaires
et à l’allocation des coûts, le Forum de Thessalonique
a émis la recommandation
suivante, au point 3.7 : « the Forum recommends that the Member State empowers the
ISA to determine the till structure based on clear statutory duties and/or policy direction,
where relevant, as part of any broader system of economic regulation in place ».
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
399
Plus largement, comme cela est prévu dans les autres secteurs
qu’elle régule
408
, l’Autorité pourrait rendre un avis consultatif sur
l’ensemble des proje
ts de textes réglementaires relatifs à la régulation
aéroportuaire. Une telle disposition, qui avait été introduite par le Sénat
409
dans le cadre de l’examen du projet de loi DDADUE avant d’être
supprimée lors de l’examen en commission à l’Assemblée national
e,
permettrait en effet d’assurer la cohérence et la lisibilité du cadre de
régulation dans son ensemble, en mettant le régulateur en mesure d’alerter
le pouvoir réglementaire, en amont de l’adoption des textes, sur
d’éventuelles difficultés et, le cas éch
éant, de lui proposer des adaptations.
En ce qui concerne le second point, l’Autorité ne dispose d’aucun
droit de regard sur les projets d’investissements, ce qui, d’une part, limite
sa capacité à inciter les exploitants d’aéroports à plus d’efficience et
à une
meilleure sélectivité des investissements, et, d’autre part, prive, dans une
large mesure, la consultation des usagers d’effet utile. En effet, si le
programme d’investissements doit faire l’objet de discussions avec les
usagers en commission consultative économique (CoCoEco), le régulateur
ne dispose aujourd’hui d’aucune prérogative, que ce soit dans le cadre de
son examen des demandes d’homologations annuelles des tarifs des
redevances aéroportuaires, de ses avis portant sur les projets de contrats
de régulation économique (CRE) ou, a fortiori, lors de la conclusion des
contrats de concession, pour remettre en cause le niveau ou l’opportunité
des investissements retenus dans les projections tarifaires, quels que
soient, par ailleurs, les avis exprimés par les usagers lors de la CoCoEco.
Comme le relève la Cour, cette circonstance est source de frustration pour
les usagers, qui déplorent l’absence de prise en compte des observations
qu’ils peuvent formuler sur les programmes d’investissements, quand b
ien
même ces investissements seront ensuite à prendre en compte dans
l’appréciation portée par le régulateur sur le niveau des tarifs des
redevances aéroportuaires qui lui seront soumis, dans le cadre de la juste
rémunération du capital.
408
Voir les articles L. 2133-8 (secteur ferroviaire), L. 3111-25 et L. 3114-15 (secteur
du transport routier de voyageurs) du code des transports, ainsi que les
articles L. 122-1, L. 122-2 et L. 122-28 (secteur autoroutier concédé) du code de la
voirie routière.
409
Proposition de création d’un nouvel article L. 6327
-3-4 dans le code des transports,
aux termes duquel : «
L’Autorité de régulation des transports est consultée sur les
projets de dispositions à caractère réglementaire applicables aux aérodromes
mentionnés à l’article L. 6327
-1, pris en application des chapitres V et VII du présent
titre. Le
délai dont dispose l’autorité pour rendre son avis à compter de la transmission
d’un projet de texte, pouvant être réduit à titre exceptionnel et sur demande du Premier
ministre, est fi
xé par décret en Conseil d’État
».
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COUR DES COMPTES
400
Au-delà, il convie
nt de souligner que l’Autorité ne dispose, par
ailleurs, d’aucune prérogative sur le niveau d’efficacité atteint par les
exploitants aéroportuaires, notamment en lien avec la qualité du service
rendu, comme cela s’observe pourtant dans d’autres secteurs ré
gulés
relevant de son champ de compétence (ferroviaire / RATP) ou de celui
d’autres
régulateurs
économiques
sectoriels
(énergie,
postes,
communications électroniques). Une modification de la réglementation
serait nécessaire pour lui permettre de porter une appréciation sur
l’efficacité du service rendu par ces opérateurs.
Dans ces conditions, une évolution du cadre de régulation apparaît
indispensable pour permettre à l’Autorité d’assurer l’efficience de la
gestion et la sobriété des investissements des aéroports, comme la Cour
l’appelle de ses vœux. De ce point de vue, les observations dont la Cour
fera part à l’issue des travaux qu’elle mène actuellement revêtiront une
importance majeure pour contribuer au bon fonctionnement du système
aéroportuaire, au b
énéfice de l’ensemble de ses usagers, comme l’Autorité
y est tout particulièrement attachée.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DU GROUPE ADP
Le modèle économique du Groupe ADP, à Paris, repose sur un
système de "caisse aménagée", bien connu par la Cour des comptes. Il a
été évoqué pour la première fois dans le rapport thématique "Les aéroports
français face aux mutations du transport aérien", publié le 8 juillet 2008,
où il apparait comme un "système intermédiaire" entre la double et la
simple caisse qui devrait permettre de trouver un équilibre entre les
intérêts des compagnies aériennes et les exploitants d'aéroports.
Le système de "caisse aménagée" a permis à ADP de mettre en
œuvre une politique d'investissements ambitieuse au service des
territoires
et au bénéfice de l'ensemble des parties prenantes du transport aérien, tout
en assurant une évolution modérée des tarifs de redevances, qui se situent
dans la moyenne des principaux aéroports européens.
Le positionnement tarifaire d'ADP devrait par ailleurs encore
s'améliorer dans les années à venir, dans la mesure où plusieurs aéroports
européens augmenteront significativement leurs tarifs de redevances afin
de récupérer tout ou partie des pertes liées au service public aéroportuaire.
En France, le principe de modération tarifaire, inscrit dans la
réglementation nationale, mais pourtant nullement prévu par la directive
2009/12/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les
redevances aéroportuaires, interdit tout mécanisme équivalent. Cette
exception française apparaît en contradiction même avec le principe selon
lequel le produit des redevances permet la couverture du service rendu au
sujet des principes de la régulation des tarifs aéroportuaires.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
401
L'existence d'un socle commun de régulation économique au niveau
européen ne semble pas suffisamment explicite dans le rapport,
alors-même que des considérations sur le modèle économique des
aéroports, le niveau tarifaire ou les pouvoirs de l'Autorité de Régulation
des Transports (ART) sont évoqués. Aussi, il aurait pu être opportun
d'élargir l'échantillon d'aéroports au-delà de ceux concernés directement
par l'enquête (grands aéroports français) en incluant des aéroports
comparables au niveau européen, par exemple sur la question du
positionnement tarifaire. À cet effet, la publication "Observatoire des coûts
de touchée" réalisée par la DGAC, qui prend en compte le poids des
redevances aéroportuaires, de navigation aérienne et les
taxes
gouvernementales, pourrait être une bonne référence.
Par ailleurs, le rapport évoque un projet de la DGAC, demeuré en
suspens depuis fin 2019, concernant une "réforme du modèle de régulation
pour le rendre plus pragmatique [...] qui prévoyait une contribution des
activités commerciales au financement du service public aéroportuaire et
reconnaissait ainsi formellement les apports du transport aérien à
l'économie des commerces aéroportuaires (apport de clientèle captive,
allongement du parcours passager dans l'aérogare) et la conséquence
pour les compagnies aériennes (diminution des ventes à bord des avions)".
Même si Aéroports de Paris, dont par ailleurs le système de caisse
aménagée avait été élevé au niveau législatif en 2019 dans le cadre de la
loi PACTE
410
, n'était pas concerné par le projet évoqué dans le rapport, je
me permets de vous alerter sur la question des externalités croisées entre
les différentes activités d'un aéroport et sur la pertinence de la mise en
place d'une contribution des activités commerciales au financement du
service public aéroportuaire. Au-delà du fait que la littérature économique
confirme que les externalités positives des activités régulées sur la
demande des activités non régulées coexistent avec des externalités
positives des activités non régulées sur la demande des activités régulées,
une telle contribution soulèverait plusieurs difficultés,
En effet, cela reposerait sur le postulat que les compagnies
aériennes auraient un rôle d'apporteurs d'affaires vis-à-vis de l'aéroport,
alors même que la contribution réelle des compagnies dans la génération
du trafic de passagers doit être relativisée. Par ailleurs, tous les types de
trafic ne contribuent pas au même niveau à la demande des activités non
régulées : en termes de retombées commerciales, des disparités très fortes
410
La double caisse aménagée et la définition du périmètre d'activités régulé ont ainsi
déjà été votées par le Parlement (article 133 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019
relative à la croissance et la transformation des entreprises
–
loi PACTE), sans
qu'aucune contestation n'ait été élevée sur ce point. Cependant, l'entrée en vigueur de
ces dispositions a été différée au jour du transfert de propriété au secteur privé.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
402
sont observées entre les compagnies et entre les lignes. Un tel ajustement
serait donc en contradiction avec l'objectif d'équité, car il reviendrait à
rémunérer certaines compagnies pour une contribution inexistante, au
détriment de celles dont la contribution est significative. En outre, il est
déjà dans l'intérêt, et dans la pratique, des opérateurs aéroportuaires de
rétribuer cette contribution par des mécanismes incitatifs. En particulier,
Aéroports de Paris a mis en place divers mécanismes d'incitation, financés
par l'activité non régulée, visant à rétribuer les compagnies aériennes au
titre de leur contribution positive, lorsqu'elle existe.
La contribution d'Aéroports de Paris dans le cadre de la
consultation publique lancée par l'ART le 25 mai dernier à propos des
règles dallocation des produits, des actifs et des charges au périmètre
régulé des aéroports relevant de son champ de compétence, qui devrait
être rendue publique par l'ART, inclut notamment une analyse complète
des externalités dans l'aérien.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE
DE LA SOCIÉTÉ AÉROPORT DE LYON
Nous saluons le travail d’analyse complet présenté dans
le pré-
rapport, et notamment l’accent mis sur :
-
la brutalité et l’ampleur de la crise, ainsi que l’incertitude quant à la
dynamique de r
eprise et la date du retour au niveau d’activité du trafic
pré-crise ;
-
le caractère dommageable de l’instabilité des mesures instaurées par
les pays et du manque de coordination au niveau européen sur les
restrictions de circulation ;
-
la qualité de la réponse des aéroports français face à la crise : respect
des
obligations
de
continuité
de
service,
forte
flexibilité
opérationnelle, respect scrupuleux des mesures sanitaires, plans
d’économies sans précédents malgré une base de coûts fixes
importante, sécurisation des trésoreries ;
-
les limites du principe d’avances remboursables pour financer les
déficits liés aux missions régaliennes, le constat que ce montage va
peser sur la compétitivité des aéroports français et la nécessité
d’anticiper d’autres modalit
és de financement de ce déficit ;
-
la mise en concurrence croissante des aéroports par les compagnies
aériennes, laquelle réduit significativement le risque d’abus de
position
dominante
des
aéroports
vis-à-vis
des
compagnies
aériennes ;
Rapport public annuel 2022
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
403
-
les faiblesses du modèle actuel de régulation qui ne permet pas
d’assurer la rentabilité des investissements, n’incite pas à développer
les activités commerciales et ne valorise pas les efforts de gestion ;
-
le besoin de repenser la régulation, en particulier dans les directions
esquissées lors des assises du transport aérien en 2019 : séparation
des caisses et visibilité pour planifier les investissements nécessaires
aux aéroports dans leur rôle de développement économique de leur
territoire.
Le pré-
rapport n’évoque cependa
nt pas le sujet du niveau de
rentabilité des investissements aéroportuaires. L’Autorité de Régulation
des Transports définit aujourd’hui une fourchette pour le Coût Moyen
Pondéré du Capital (CMPC) entre 3 et 5 %, laquelle méconnaît gravement
le niveau de risque réel porté par les sociétés aéroportuaires, risque que
la crise pandémique a mis très nettement en exergue. La ré-évaluation du
CMPC est une piste de réflexion nécessaire pour assurer le bon niveau
d’investissement des sociétés aéroportuaires, et not
amment ceux liés à la
transition énergétique.
Par ailleurs, il nous semble qu’au
-delà des deux recommandations
faites dans le pré-rapport, uniquement liées aux aspects sanitaires,
d’autres recommandations pourraient utilement figurer, en vue que soit
apportée par les autorités compétentes une réponse aux faiblesses et aux
limites que le pré-rapport lui-même soulève :
-
la mise en œuvre d’un nouveau mécanisme de financement des déficits
des activités régaliennes qui ne grève pas la compétitivité des
aéroport
s et soit conforme à l’annexe 17 de la convention de Chicago;
-
la mise en œuvre rapide de nouveaux principes de régulation
aéroportuaire basés sur la séparation des caisses, une vision pluri-
annuelle
et le respect d’un niveau de rentabilité des investissements
compatible avec le contexte économique réel des aéroports.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE LA SOCIÉTÉ
AÉROPORT MARSEILLE PROVENCE
Nous vous remercions pour la transmission de ce rapport sur une
crise dont les conséquences continuent d'affecter gravement l'exploitation
de notre aéroport.
Nous en partageons bien sûr les constats :
-
Les aéroports sont durement éprouvés par la crise avec l'effondrement
de leur trafic aérien.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
404
-
Les aéroports ont mené des plans d'économie exceptionnels pour faire
face à l'effondrement de leur chiffre d'affaires.
-
Les aéroports devront résoudre, avec l'État, des défis économiques
pour sortir de la crise, et notamment la fragilité de leur modèle
économique actuel.
Sur ce dernier point, nous tenons à préciser nos constats, comme
nos positions.
1) Les mesures de soutien de l'État ont été précieuses dans l'urgence
de la pandémie pour le secteur aéroportuaire mais ne lui sont pas
spécifiques
La batterie de mesures générales proposées par l'État, PGE, APLD,
fonds de solidarité, abattement de 50 % sur les taux de taxe foncière, etc.
a aidé les aéroports à surmonter les 2 premières années de crise
pandémique. Toutefois, les 3 premières mesures n'ont qu'un effet
temporaire. La mise en place d'une aide aux coûts fixes conditionnée par
une perte d'excédent brut d'exploitation, au lieu d'une perte de résultat
d'exploitation comme autorisée par la Commission Européenne, exclut les
aéroports français du bénéfice de cette mesure : cette particularité
française est assez surprenante puisqu'elle revient à dissuader les
investissements productifs !
2) Le financement des missions réqaliennes de sûreté/sécurité en
aéroport pénalise doublement les aéroports français et le transport aérien
français en général
Les versements respectifs de 300
M€ en novembre 2020 et
de 250
M€ en septembre 2021 aux exploitants aéroportuaires français,
sont indument appelés « avances » alors qu'il s'agit de remboursements
partiels des déficits annuels de financement des années 2020 et 2021. Pour
AMP, le financement de ces missions régaliennes pour les années 2020
et 2021 aura engendré un déficit de trésorerie de 6 à 7 MC, financé par les
emprunts pour investissement ! De plus ces « avances » ne sont qu'une
mesure dilatoire qui reporte le problème à 2024, qui est en plus la première
année pleine d'exploitation des machines de contrôle bagages les plus
coûteuses en matière de sûreté (EDS standard 3). La France est déjà l'un
des rares pays européens à faire supporter au passager aérien l'intégralité
des coûts relatifs à sa sécurité (renchérissant d'ailleurs sur la
discrimination avec les transports terrestres) : la compétitivité des
aéroports français comme des compagnies aériennes opérant en France
en sera gravement affectée à compter de 2024.
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LES GRANDS AÉROPORTS FRANÇAIS
405
3) L'asymétrie de la régulation économique aéroportuaire
francaise, sans équivalent en Europe, crée un véritable risque pour les
aéroports francais : une refonte réqlementaire est indispensable.
La régulation économique française s'est révélée très déséquilibrée
ces 3 dernières années dans la mesure où, lorsque les résultats financiers
des aéroports atteignaient des ratios élevés, les baisses tarifaires annuelles
imposées ont pu être considérables ( jusqu'à - 33
% ), alors qu'au cœ
ur de
la crise en cours, et alors que les pertes financières auraient justifié des
hausses tarifaires annuelles de plus de 40 % (sommets auxquels les
aéroports ne prétendaient pas), l'argument contesté de la modération
tarifaire a conduit à des hausses n'excédant pas 3,2 %. La mécanique de
la caisse unique, sensée plus protectrice des intérêts des aéroports en
situation de crise, ne s'est en rien révélée plus favorable que la double
caisse (ADP) ou la caisse aménagée (ACA). Il convient donc rapidement
de
définir
de
nouvelles
modalités
de
régulation,
encourageant
financièrement les exploitants aéroportuaires à la sobriété.
Les nouvelles attentes de la société civile en matière de neutralité
carbone, d'arrêt de l'imperméabilisation des sols, etc. renchérissent déjà
sur les coûts et les investissements, aussi les réponses à ces 3 points
apparaissent-elles urgentes.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE LA SOCIÉTÉ
AÉROPORT DE TOULOUSE-BLAGNAC
Je vous prie donc de trouver ci-après mon commentaire sur la
partie III
—
B relative à l'évolution de notre modèle économique.
Dans le cadre des Assises du Transport Aérien, en 2018 et 2019, la
DGAC a initié des travaux préliminaires sur le cadre relatif à la régulation
tarifaire. Aux termes de ces Assises, l'État n'a pas pris de décision quant à
l'avenir du régime de caisse, mais les travaux se sont poursuivis.
ATB a activement participé à la poursuite de ces travaux, en coopérant
avec la DGAC et en lui fournissant en particulier plusieurs simulations
financières pour éclairer sur les conséquences des scenarii étudiés. La
DGAC avait atteint début 2020 un niveau de maturité suffisant dans le
projet d'évolution du cadre et avait lancé une consultation externe pour
recueillir l'avis des parties prenantes.
Depuis, la crise a frappé l'ensemble des acteurs concernés par ces
travaux et la DGAC a décidé d'arrêter provisoirement ses travaux.
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COUR DES COMPTES
406
Les conditions sont à nouveau réunies aujourd'hui pour relancer ces
travaux et conclure rapidement de manière à permettre aux acteurs de
disposer d'un cadre qui donne visibilité sur la durée, visibilité
indispensable pour notre capacité d'investissement et pour continuer
d'accompagner le développement du transport aérien et le développement
économique des territoires.
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