2
Les administrations fiscales
et douanières
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La direction générale des finances publiques (DGFiP) et la
direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) constituent les
deux principales directions à réseau territorial du ministère de l’économie,
des finances et de la relance, à la fois par leurs effectifs (près de
100 000 agents pour la DGFiP, 17 000 pour la DGDDI, dont 90 %
travaillent au sein du réseau local) et par leur présence sur tout le
territoire national.
Les grandes missions de la DGFiP et de la DGDDI
Outre la tenue des comptes, la DGFiP exerce essentiellement des
missions fiscales (assiette et recouvrement des impôts, taxes et autres
recettes publiques) et de gestion publique (contrôle et paiement des
dépenses de l’État, des collectivités territoriales et des hôpitaux). La
DGDDI a des missions de protection du territoire et des citoyens (lutte
contre la fraude, les contrefaçons et les trafics), de régulation, de suivi et
d’accompagnement des flux du commerce international ainsi que de
perception des droits de douane et de certains impôts.
Ces deux administrations ont été fortement mobilisées en 2020 pour
soutenir
l’économie
française,
tant
au
titre
de
leurs
missions
traditionnelles que de missions nouvelles directement liées à la crise
sanitaire, telles que
le versement d’aides aux entreprises (fonds de
solidarité) et l’approvisionn
ement du pays en équipements de protection
individuelle (dont les masques de protection) et en matériel médical.
Elles ont dû adapter très rapidement leurs organisations pour
remplir ces missions, notamment lors des différentes phases aiguës de la
crise : du 17 mars au 11 mai et du 30 octobre au 15 décembre 2020, puis
du 3 avril au 3 mai 2021.
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COUR DES COMPTES
276
Au terme de son enquête, la Cour constate que les deux grandes
directions à réseau de Bercy n’étaient pas préparées à une crise aussi
brutale (I). Elles ont cependant
su s’adapter pour assurer leurs missions
prioritaires et mettre en œuvre des dispositifs exceptionnels créés pour
faire face à la crise (II).
I -
Des directions insuffisamment préparées
à une crise d’une telle ampleur
En mars 2020, les dispositifs de gestion de crise des deux directions
se sont avérés incomplets. Leurs outils numériques étaient insuffisants pour
organiser le travail à distance. Une très forte baisse d’activité des deux
directions a été constatée entre mars et mai 2020.
A -
Des dispositifs de gestion de crise incomplets
1 -
Des plans de continuité d’activité non actualisés
et des cellules de crise pas toujours opérationnelles
Début 2020, le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du
ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR), do
nt la
fonction est assurée par la secrétaire générale, avait demandé aux directions
de finaliser leur plan de continuité d’activité (PCA) pour la fin de l’année
2021. Au moment de l’entrée dans la crise, matérialisée par l’annonce par
le Gouvernement du premier confinement à compter du 17 mars 2020, les
travaux étaient en cours dans les deux directions.
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
277
Les plans de continuité d’activité
: un outil de gestion de crise
260
Les plans de continuité d’activité (PCA) sont des documents de
planification destinés
à anticiper les risques d’interruption, de cessation
d’activité ou de troubles ayant des conséquences sur le fonctionnement
normal d’un service ou d’une entité. Un PCA doit comprendre
: les objectifs
et obligations de l’organisation ; une liste hiérarchisé
e des risques en
fonction de la probabilité de leur occurrence et de la gravité de leur
incidence potentielle ; la stratégie de continuité d’activité précisant, pour
chaque activité essentielle, les niveaux de service retenus et les durées
d’interruption
m
aximales
admissibles ;
les
ressources,
notamment
humaines, et la stratégie à adopter vis-à-vis des partenaires.
En mars 2020, la DGFiP disposait d’un plan de prévention et de lutte
contre une épidémie grippale pour ses services centraux, élaboré en 2009
et actualisé pour partie en 2016. Elle avait défini en 2009 le fonctionnement
de deux cellules en cas de crise, mais celles-
ci n’avaient pas été
officiellement créées. Néanmoins, elle s’était dotée en 2018 d’un réseau de
correspondants de veille et gestion d
e crise qui s’était réuni pour la dernière
fois en février 2020. La DGDDI, quant à elle, avait depuis 2016 mis en
place, à la suite des attentats de 2015, une cellule de crise destinée à faire
face à tout type d’événement majeur.
2 -
Une préparation limitée à la gestion de crise
La DGFiP avait organisé son dernier exercice de crise en 2016, qui
portait sur une crue de la Seine. Pour sa part, la DGDDI avait participé à
des exercices de crise plus récents, qui avaient pour objectif de tester la
réponse collective des administrations face à une attaque terroriste ou à des
tueries de masse. Les exercices de crise impliquant les services
opérationnels étaient toutefois insuffisants dans les deux directions.
Le dernier exercice organisé en novembre 2019 au niveau
interministériel par le secrétariat général de la défense et de la sécurité
nationale (SGDSN)
261
portait sur la propagation d’une épidémie de variole,
mais il n’a pas donné lieu à des plans d’action spécifiques au sein des deux
directions.
260
Cour des comptes,
Le plan de continuité d'activité des juridictions judiciaires
pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid 19
, communication à la commission
des finances
de l’Assemblée n
ationale, mai 2021.
261
Rattaché au Premier ministre, le SGDSN veille à ce que
l’État soit en mesure de
faire face aux différentes menaces.
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COUR DES COMPTES
278
3 -
En mars 2020, des pla
ns de continuité d’activité
bâtis dans l’urgence
Les deux directions ont dû élaborer des plans de continuité d’activité
dans l’urgence à la mi
-mars 2020, de manière à définir celles de leurs
activités qui devaient être maintenues en priorité. Leur déclinaison locale
s’est révélée hétérogène.
À la DGFiP, les missions considérées comme prioritaires étaient
alors les suivantes :
-
s’agissant du fonctionnement de l’État et des administrations
publiques : le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA),
l’
établissement des impôts locaux (dont la mise à jour des bases
locales), l’encaissement des recettes du secteur public local et
hospitalier, le versement des paies des fonctionnaires et des pensions
des retraités de la fonction publique
262
;
-
au titre du sout
ien de l’économie en période de crise
: les « mesures
de bienveillance » vis-à-vis des entreprises
263
, le versement des crédits
au secteur hospitalier et le paiement des dépenses de l’État.
Le contrôle fiscal, l’audit interne et la mise à jour des bases fonc
ières
ont en revanche été suspendus jusqu’à la mi
-mai 2020, et des procédures
de contrôle ont été allégées concernant les dépenses de l’État
264
.
À la DGDDI, les activités prioritaires étaient les suivantes :
-
pour les brigades de surveillance : la tenue des points de passage
frontaliers, la supervision de la sûreté du fret aérien, la contribution à
la lutte contre le terrorisme, la garde de sites sensibles, l’activité des
centres opérationnels douaniers terrestres et l’intervention des garde
-
côtes ;
-
pour les bureaux de douane : le dédouanement des marchandises et les
contrôles physiques portant exclusivement sur la protection du citoyen
et du consommateur, et la contribution à la lutte contre le terrorisme ;
-
concernant les relations avec les opérateurs économiques : les
« mesures de bienveillance » vis-à-vis des entreprises.
262
La campagne de l’impôt sur le revenu a été inscrite dans le troisième plan de
continuité d’activité daté du 15 avril 2020.
263
Notamment, le remboursement accéléré des crédits d’impôts profession
nels (dont la
TVA) et des excédents de versement d’impôt sur les sociétés.
264
Parallèlement, les comptables publics ont bénéficié d’une très large exonération de
leur responsabilité pour les opérations intervenues entre le 12 mars et le 10 août 2020,
du fait de circonstances de force majeure (ordonnances n° 2020-326 du 25 mars 2020
et n° 2020-560 du 13 mai 2020).
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
279
Ces PCA sont demeurés le support de l’activité des deux directions
jusqu’à la mi
-mai 2020, date à laquelle des plans de reprise ont intégré des
activités jusqu’alors non
-prioritaires.
B -
Des outils numériques initialement peu adaptés
1 -
Un faible niveau de télétravail avant la crise
Durant la crise sanitaire, le travail à distance est devenu l’outil
privilégié de mobilisation de la force de travail, garantissant au mieux la
protection des agents face à la pandémie.
Un décret du Premier ministre du 11 février 2016
265
définissait et
établissait les conditions permettant la mise en œuvre du télétravail pour
les trois fonctions publiques. À la Douane, le télétravail a été mis en place
à partir du 1
er
juillet 2017. Dans cette direction, de nombreuses activités
comme celles liées à la surveillance, ne sont pas éligibles au télétravail.
À la DGFiP, le recours au télétravail n’a été possible qu’à partir de
décembre 2018 et il était contraint jusqu’en octo
bre 2019 par un quota
maximal de 10 % de télétravailleurs par service ou direction.
Avant la crise de 2020, le télétravail était donc peu développé à la
DGFiP et à la DGDDI : il concernait moins de 3,5 % des effectifs contre
7
% dans l’ensemble du secteur
public et dans le privé. À titre de
comparaison, il était nettement plus développé dans les pays du nord de
l’Europe (14,1 % aux Pays
-Bas)
266
.
Tableau n° 1 :
agents autorisés à télétravailler au sein du MEFR
par direction en 2019
DGFiP
DGDDI
Global
MEFR*
Nombre d’agents
autorisés
3 539
481
5 422
Effectif total
101 555
17 398
135 360
Pourcentage
3,5 %
2,8 %
4,1 %
Source : Bilan social des ministères économiques et financiers 2019 * Hors DGCCRF
265
Décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise
en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature.
266
« Employed persons working from home as a percentage of the total employment »
,
Eurostat, 2 juin 2021.
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COUR DES COMPTES
280
2 -
Un équipement insuffisant pour le travail à distance
Dans ce contexte, les agents de la DGFiP et de la DGDDI étaient
insuffisamment équipés pour travailler hors site lors des restrictions de
déplacement imposées par la crise sanitaire. Avec un équipement adéquat,
nombre de missions non prioritaires auraient pu être traitées, à côté des
missions prioritaires.
À titre d’exemple de ce qui a été possible dans d’autres
administrations, Pôle emploi avait lancé en 2019 le programme « un agent,
un portable » qui visait à équiper ses 55
000 employés d’un ordinateur
po
rtable avant la fin de l’année
2020. Ainsi, au début du confinement, en
mars 2020, 60
% des collaborateurs de l’opérateur étaient équipés. À la
même date, le taux d’équipement en ordinateurs portables était de 27
% à
la DGDDI (hors prise en compte des agents de la branche surveillance) et
de 17 % à la DGFiP.
À la DGFiP, au moment du premier confinement, une faible part des
effectifs nécessaires à la mise en œuvre du PCA était équipée d’un
ordinateur portable. Pour pallier ces difficultés, des équipements ont été
redéployés. 3 000 ordinateurs portables ont ainsi été mis à disposition par
l’école nationale des finances publiques et les équipements des agents
mobiles (audit et contrôle fiscal) et des télétravailleurs sur des missions non
prioritaires ont été redistribués aux agents chargés des missions
prioritaires. Par ailleurs, 3 200 ordinateurs portables ont été livrés entre le
20 mars et le 19 mai 2020.
Les agents ont aussi été amenés à utiliser leur équipement personnel,
alors qu’ils pouvaient être condui
ts à traiter des données sensibles et que
les cyberattaques ont fortement augmenté pendant la crise
267
. Une enquête
réalisée par le secrétariat général du MEFR au mois de juin 2020 sur le
télétravail durant le premier confinement a montré qu’à cette période,
26 %
des agents de la Douane utilisaient leur ordinateur personnel portable ou
fixe pour le travail à distance, ce taux s’élevant à 10
% à la DGFiP
268
.
267
Selon l’
A
gence nationale de la sécurité des systèmes d’information
(ANSSI), les
attaques informatiques ont été multipliées par quatre entre 2019 et 2020.
268
Enquête réalisée par le secrétariat
général du ministère de l’économie
, des finances
et de la relance du 9 au 24 juin,
portant sur le télétravail au sein du MEFR durant l’état
d’urgence.
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
281
3 -
Des processus encore trop peu dématérialisés
L
’absence de dématérialisation de certains processus
a pénalisé
l
’activité des deux directions durant la crise. Tel est par exemple le cas des
éléments variables de paye et, pour la DGFiP, des activités de la sphère de
l’enregistrement
269
.
Comme cela a été souligné dans un récent rapport de la Cour
270
, la
Douane demeure en retrait par rapport à la DGFiP en matière d’obligations
de télédéclaration et de télépaiement. Par exemple, les déclarations
électroniques relatives aux taxes intérieures de consommation sur
l’électricité et le gaz naturel (TICGN et
TICFE) ne sont pas obligatoires.
Le dédouanement n’est pas non plus encore complètement dématérialisé.
Ainsi, les conventions passées avec les opérateurs doivent être signées de
façon manuscrite. 86 % des personnels de la Douane ayant des
responsabilités de gestion interrogés par un cabinet de conseil en juin
2020 souhaitaient voir accélérer la dématérialisation des procédures
internes et les échanges avec les partenaires extérieurs. À la DGFiP, la
numérisation des pièces justificatives des dépenses de l’Ét
at (hors
rémunération) a été mise en place de manière dérogatoire pendant la
crise
271
.
4 -
Un retard technique persistant
des systèmes d’information de la DGFiP
La DGFiP utilise un système d’information vieillissant
272
qui a
pénalisé son activité pendant la crise, même si les moyens avaient été
récemment renforcés en vue de combler ce retard
273
. En effet, plusieurs
applications fonctionnant avec d’anciennes technologies ne sont pas
accessibles à distance. C’est notamment le cas des applications comptables.
269
Enregistrement des actes des notaires (successions), des particuliers (donations) ou
des entreprises (actes de société).
270
Cour des comptes,
La direction générale des douanes et droits indirects
, Rapport
public thématique, septembre 2020.
271
Mes
ure généralisée dans le droit commun par l’arrêté du 27 juillet 2020 modifiant
la nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’
État.
272
Cour des comptes,
Les systèmes d’information de la DGFiP et de la DGDDI
,
c
ommunication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, avril 2019.
273
Augmentation de 40
% des crédits pour les systèmes d’information entre 2019 et
2020.
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COUR DES COMPTES
282
Par aill
eurs, alors que l’ensemble des administrations devaient avoir
migré sous Windows 10 avant le 14 janvier 2020, la DGFiP n’avait pas
encore terminé cette opération à la mi-mars 2020 et de nombreux
ordinateurs fonctionnaient encore sous Windows 7
274
. Ce système
d’exploitation moins sécurisé a obligé la DGFiP à mettre en place un
dispositif permettant l’accès du poste à domicile
via
un renvoi au poste de
travail du bureau resté connecté sur le réseau de la DGFiP. Il nécessite deux
postes de travail, un poste maît
re sur le lieu de travail et l’autre à distance.
Du fait de la sensibilité et de la relative fragilité de cette solution,
des opérations habituellement réalisées sur le poste de travail ont été
temporairement interrompues. Il s’agit notamment des mises à j
our du
système d’exploitation Windows, des anti
-virus et des mots de passe de
messagerie. Cette absence de mise à jour des éléments de sécurité a
nettement augmenté les risques pour la DGFiP d’être victime de
cyberattaques. Selon les informations communiquées par la DGFiP, celle-
ci n’a toutefois pas été victime d’une attaque informatique portant
préjudice à ses activités.
C -
Une très forte baisse d’activité des directions
lors du premier confinement
1 -
Un recours massif aux autorisations spéciales d’absence
au printemps 2020
Les effets directs ou indirects de la pandémie, la diminution de
certaines activités (pour les douaniers de la branche « surveillance » dans
les aéroports par exemple) et le faible niveau d’équipement des agents en
ordinateurs portables au début de la crise, particulièrement à la DGFiP,
expliquent qu’une proportion importante d’agents a été placée en
autorisation spéciale d’absence (ASA) au printemps 2020.
Dans une note du 27 février 2020, la direction générale de
l’administration et de la fonc
tion publique a indiqué que, de même que les
personnes vulnérables, les agents devant garder leurs enfants à domicile et
les agents cas-contact ou ayant des symptômes de covid 19, les agents pour
lesquels la solution du télétravail était impraticable devaient être placés en
ASA. Cette position administrative autorise l’agent à ne pas occuper
temporairement son poste de travail, tout en étant considéré comme se
trouvant en activité. Il conserve ainsi sa rémunération et ses droits, sauf
l’attribution de jours
de réduction du temps de travail (RTT).
274
Microsoft a
cessé d’assurer la maintenance de Windows 7 à compter du 14 janvier 2020.
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
283
Graphique n° 1 :
évolution du nombre d’agents
en autorisation spéciale d’absence «
Covid » à la DGFiP
Source : DGFiP. Données DGDDI indisponibles.
2 -
Un très fort taux d’agents absents entre mars et mai 2020
En conséquence, la part
d’agents présents sur place ou en télétravail
s’est établie à moins de la moitié du personnel en mars et avril 2020, dans
les deux directions, compte tenu de ceux absents pour d’autres raisons
(arrêt maladie, congés ou autres types d’absences).
Graphique n° 2 :
évolution de la part des agents travaillant (présentiel
et télétravail) à la DGFiP et à la DGDDI, entre mars et juillet 2020
Source
: Cour des comptes d’après les données du secrétariat général du MEFR
Notes : (1) Moyenne de l'ensemble des données disponibles pour les jours du mois concerné.
(2) Absence de données DGDDI pour le mois de mars 2020.
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COUR DES COMPTES
284
La baisse d’activité constatée entre mars et mai 2020 a été supérieure
à celle intervenue dans d’autres administrations comparables. La DGFiP a
ainsi été classée parmi les cinq administrations fiscales (sur 32) de
l’OCDE
275
pour lesquelles le nombre d’agents ne pouvant pas télétravailler
ou n’étant pas redéployés allait jusqu’à 50 %. Seuls trois pays ont affiché
un taux encore supérieur.
En France, à titre de comparaison, dans les services des Urssaf
276
,
chargés du recouvrement des prélèvements sociaux, activité très proche de
celle des services des impôts, les dispenses d’activité se sont limitées
à 6,3 % en mars 2020, 4,7 % en avril et 3 % en mai.
En conséquence, certaines activités considérées comme non
prioritaires n’ont pas pu être réalisées
ou ont fortement diminué à la DGFiP
et à la DGDDI pendant la période allant de mars à mai 2020.
À la DGFiP, la mise en service de plusieurs projets informatiques a
été repoussée. C’est le
cas de deux projets dans le domaine de la publicité
foncière (accès des notaires au fichier immobilier
–
ANF
–
et Foncier
Innovant), qui ont été reportés de 2022 à 2023.
Le ralentissement de l’activité des services de la publicité foncière,
consécutive à la fermeture de 30
% d’entre eux
277
sur la période du 18 au
29 mars 2020, a allongé les délais de mise à jour du fichier immobilier et
augmenté le nombre des contentieux d’attribution en matière de taxe
foncière. Le délai moyen de mise à jour du fichier immobilier est ainsi
passé de 130 jours en 2019 à 142 jours en 2020
278
.
Le nombre des contrôles internes et d’audits a connu une baisse de
l’ordre de 40 % par rapport à 2019
279
. En effet, l’activité des auditeurs au niveau
déconcentré a en grande partie été
suspendue. La plupart d’entre eux ont été mis
à disposition des directeurs régionaux et départementaux des finances publiques
pour assurer les activités essentielles prévues dans le PCA
280
.
La DGDDI a pour sa part été confrontée à une baisse d’activité de
s
a branche surveillance du fait de l’effondrement du trafic des voyageurs
et d’une organisation en unités spécialisées attachées à un seul vecteur de
transport (brigades routières, ferroviaires et aéroportuaires). Au tout début
de la crise, 79 % des agents de la direction interrégionale de Paris-
Aéroports ont ainsi été placés en autorisation spéciale d’absence, avant
d’être mobilisés pour le dédouanement des équipements de protection
individuelle (cf. ci-après).
275
OCDE, «
Administrations fiscales : la résilience numérique dans le contexte du
Covid-19
», 21 avril 2021.
276
Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales.
277
97 sur 325 services de publicité foncière.
278
Cour des comptes,
N
ote d’exécution budgétaire 2020, «
Mission Remboursements
et dégrèvements »
, avril 2021.
279
DGFiP, circulaire
« Orientations risques et audit pour 2021 »
du 10 décembre 2020.
280
Cour des comptes,
Certification des comptes de l’État –
exercice 2020,
avril 2021.
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
285
En effet, en raison de la baisse de l’activité
aérienne (les flux de
voyageurs, presque intégralement interrompus pendant les périodes de
confinement, ont diminué de 50 % entre 2019 et 2020), qui a conduit à la
fermeture de plusieurs terminaux des aéroports parisiens, des procédures
de redéploiement t
emporaire d’une partie des agents de la direction
interrégionale de Paris-Aéroports ont été engagées par la DGDDI. Près de
200 agents ont ainsi contribué à d’autres missions de surveillance, sur
l’ensemble du territoire.
La DGFiP et la Douane ont néanmoins réussi à augmenter leur
capacité de travail de mars à juin 2020. La baisse d’activité des directions
n’a pas été aussi sensible sur les périodes suivantes de confinement
(automne 2020 et printemps 2021), même si, pour la DGDDI, la reprise du
trafic aérien
s’est avérée progressive.
Graphique n° 3 :
évolution de la force de travail disponible
à la DGFiP entre août 2020 et mai 2021
Source
: Cour des comptes d’après les données de la DGFiP
Note : les données mensuelles sont celles généralement de la dernière journée du mois, issues
d’un décompte manuel.
Lors de la crise, afin d’augmenter la force de travail disponible, les
deux directions ont adapté l’équipement mis à la disposition de leurs agents
en mobilisant des crédits pour atteindre l’objectif fixé
, le 5 février 2021,
par le comité interministériel de la transformation publique d’équiper
100
% des télétravailleurs d’ici la fin de l’année 2021. La DGFiP a ainsi pu
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COUR DES COMPTES
286
acquérir plus de 54 000 ordinateurs portables entre mars 2020 et juin 2021,
ce qui a permis de porter son ta
ux d’équipement de 17
% en mars 2020 à
81 % en juin 2021.
À la Douane, dans le prolongement des constats de la Cour, le
contrat d’objectifs et de moyens signé le 1
er
décembre 2021 fait du
renforcement
de
l’équipement
numérique
des
agents
et
de
l’approfondi
ssement de la dématérialisation des processus deux des axes
prioritaires d’action sur la période 2022 à 2025.
II -
Deux directions ayant fait preuve
d’importantes capacités d’adaptation
Malgré leur manque de préparation pour affronter une telle crise, la
DGDDI
et la DGFiP ont fait preuve de réactivité pour mettre en œuvre dans
un temps très court au printemps 2020 des missions exceptionnelles,
comme le dédouanement des masques de protection (pour la Douane) et le
versement d’aides aux entreprises les plus touché
es par la crise
via
le fonds
de solidarité (pour la DGFiP). De plus, elles ont pu absorber dans de
meilleures conditions les périodes de confinement suivantes et ont
globalement assuré leurs missions sur l’année 2020.
A -
Des dispositifs nouveaux mis en place avec efficacité
1 -
Une organisation de la Douane réactive
sur le dédouanement des masques
Entre la fin mars et la fin juin 2020, la DGDDI a assuré le
dédouanement de 2,6 milliards de masques de protection sur la plate-forme
aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle, dans des conditions rendues
difficiles par :
-
la pression sur l’activité de dédouanement résultant de la pénurie
mondiale de masques
;
- le volume exceptionnel de masques à traiter ;
-
l’apparition de nouveaux opérateurs non familiers des procédu
res
de dédouanement (collectivités territoriales de tous niveaux, centres
hospitalo-
universitaires, établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes, etc.) ;
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
287
- la complexité des équivalences de normes, pour homologuer en
France l’utilisation d’équipements fabriqués à l’étranger (masques produits
en Chine, par exemple).
Pour faire face à la fois au volume de masques à dédouaner et aux
nombreuses demandes de renseignements sur l’état des commandes et pour
expliquer la procédure aux intervenants nouveaux, une cellule
ad hoc
a été
créée début avril 2020
à l’aéroport Roissy
-Charles de Gaulle. Elle a traité
2 000 dossiers et 17 000 courriels en neuf semaines, permettant ainsi de
rendre le processus plus fluide. La cellule a été supprimée en juin 2020.
La DGDDI s’est aussi impliquée pour favoriser l’homologation de
normes techniques étrangères, la Commission européenne ayant dans un
premier temps délégué cette fonction aux États membres, compte tenu de
l’urgence. Néanmoins, la coordination interministérielle a pu connaître des
difficultés. Une tension a notamment émergé entre l’o
bjectif de fluidité de
l’approvisionnement et celui de la protection sanitaire de différentes
catégories de destinataires des masques (grand public, professionnels,
agents de l’administration, personnels soignants). Ces difficultés ont
allongé les délais de rédaction des textes réglementaires, malgré la
mobilisation de la Douane.
2 -
Le fonds de solidarité, un dispositif de soutien massif
mis en œuvre avec succès par la DGFiP
,
mais insuffisamment contrôlé
Très peu de temps après l’annonce du premier confinemen
t, la
DGFiP a mis en place le fonds de solidarité, destiné à soutenir les
entreprises affectées par une perte de chiffre d’affaires suite aux mesures
sanitaires. Contrairement à d’autres administrations ou organismes de la
sphère sociale, la DGFiP n’est pa
s chargée habituellement de verser des
aides directes à un très grand nombre de bénéficiaires. Elle a dû en
conséquence adapter très rapidement une application informatique. Ainsi,
les premiers paiements, intervenus sur la base des demandes déposées à
compter du 31 mars 2020 par les entreprises, ont été effectués dès le 6 avril,
et visibles sur les comptes bancaires des usagers le lendemain
281
.
Si le périmètre des entreprises éligibles et le niveau des aides ont
évolué au fil du temps, la DGFiP a su mettre en place une organisation pour
verser au plus vite les aides aux entreprises, tout en développant et en
enrichissant progressivement ses procédures de contrôle
a priori
.
281
Cour des comptes,
Le fonds de solidarité à destination des entreprises : une mise en
œuvre rapide dans un c
ontexte instable
, (Le rapport public annuel 2021, mars 2021).
Rapport public annuel 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
288
Fin décembre
2021, la DGFiP avait versé 10,8 millions d’aides pour
un montant de 38,7 Md
€ au titre du fonds de solidarité.
Graphique n° 4 :
aides du fonds de solidarité payées
entre avril 2020 et décembre
2021 (en M€)
Source
: Cour des comptes d’après DGFiP
En juillet 2020, la DGFiP a mis en place un premier contrôle
a posteriori
, qui a fait ressortir que 91 740 aides versées entre mars et
juin 2020 pouvaient être douteuses. Début juin 2021, sur ce périmètre,
60 488
demandes ayant abouti au versement d’aides d’un montant total
de 99,7
M€ avaient été identifiées comme irrégulières. Néanmoins, à cette
même date, seuls 29
800 titres de reversement d’indus avaient été émis par
les services déconcentrés, pour un montant de 40,6
M€. Plus d’un an après
leur détection, des sommes indûment perçues n’avaient donc toujours pas
fait l’objet d’une demande de rembours
ement.
Rapport public annuel 2022
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
289
D’autres dossiers identifiés comme présentant des anomalies par
l’administration centrale n’avaient pas encore été communiqués aux
services déconcentrés, dans l’attente du traitement des dossiers déjà
transmis. Des mesures fiscales exceptionnelles ont aussi été mises en place
avec succès par les deux directions (report des échéances, remboursement
de crédits d’impôt notamment)
,
qui ont fait l’objet d’une enquête
complémentaire de la Cour
282
.
B -
Une gestion des ressources humaines qui s’est
adaptée au temps de la crise
1 -
Une forte augmentation des comptes épargne-temps en 2020
La gestion des congés des agents en temps de crise sanitaire a
nécessité des adaptations et une pédagogie autour de la réglementation
interministérielle, notamment pour ce qui concerne les congés imposés
pendant certaines périodes de l’année. En particulier, les agents ne
pouvaient pas aisément prendre de congés de mars à mai 2020, du fait du
confinement.
L’ordonnance du 15 avril 2020
283
obligeait ainsi les employeurs à
imposer, de manière rétroactive à compter du 16 mars 2020, aux agents
publics placés en ASA de prendre 10 jours de réduction du temps de travail
(RTT) et/ou de congés annuels pendant la période d’état d’urgence
sanitaire (initialement du 17 mars au 23 mai 2020). Elle permettait aussi
d’imposer aux télétravailleurs la prise de
cinq jours de « RTT » ou de
congés annuels à compter du 17 avril et jusqu’à la fin de l’état d’urgence
sanitaire.
À la DGDDI, 14 766 jours de congés ou RTT ont ainsi été imposés
entre le 16 mars et le 31 mai 2020, alors que seuls 10 395 jours ont été pris
volontairement sur la même période. Comme indiqué ci-dessus, 44 % des
17 000 agents de la Douane étaient effectivement présents ou en télétravail
en avril 2020 et 58 % en mai 2020, soit environ 7 500 agents en avril et
9 900 en mai.
282
Chapitre du présent rapport,
Les mesures fiscales de soutien aux entreprises
.
283
Ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction
du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l'État et la fonction
publique territoriale au titre de la période d'urgence sanitaire.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
290
Le caractère rétroactif de la mesure sur la période allant du 16 mars
au 15 avril a suscité des discussions avec les représentants du personnel,
ainsi qu’un lourd travail d’interprétation et d’application des textes.
Malgré cette disposition obligeant les agents à prendre des congés
sur cette période, l’année 2020 a été marquée par une nette augmentation
du nombre de jours versés sur les comptes épargne temps (CET). Les
abondements correspondants sont ainsi passés, à la DGFiP, de
365 674 jours en 2019 à 401 265 en 2020 (+ 10 %) et, à la DGDDI, de
88 360 jours en 2019 à 132 010 en 2020 (+ 49 %), ce qui constitue une
augmentation particulièrement forte.
2 -
La « prime Covid »
: des critères d’attribution larges,
un versement dès juillet 2020 à plus de la moitié des agents
présents ou en télétravail
Un décret du 14 mai 2020
284
a institué une prime exceptionnelle au
profit des agents civils et militaires de l’État et des collectivités territoriales qui,
«
en raison des sujétions exceptionnelles auxquelles ils ont été soumis pour
assurer la continuité du fonctionnement des services
», ont fait face «
à un
surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail ou assimilé
», lors
de la première période de confinement (mars-mai 2020). Cette prime non
reconductible était exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.
Trois montants forfaitaires était prévus
: 330 €, 660 € et 1
000 €.
Au sein du ministère de l’économie, des finances et de la relance,
31 608 agents, essentiellement issus de la DGFiP (25 208 agents) et de la
DGDDI (4 957 agents), avaient reçu cette prime au 30 septembre 2020,
pour un montant total de 16,3 M€. Le MEFR se classait ainsi parmi les
ministères les plus rapides pour en assurer le versement.
Dans les deux directions générales, les critères d’attribution de la
prime ont occasionné un travail d’interprétation de la notion de
« surcroît d’activité » prévue par le décret. Le respect des plafonds fixés
pour chaque direction a également suscité des échanges entre les
administrations centrales et les directions locales, pour définir des critères
partagés
de
répartition
des
bénéficiaires
(cadres/non-cadres,
hommes/femmes, nombre de bénéficiaires par service).
284
Décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d
’
une prime exceptionnelle
à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l
’
État et de la fonction
publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité
des services publics dans le cadre de l
’
état d
’
urgence sanitaire déclaré pour faire face à
l
’épidémie de covid
19.
Rapport public annuel 2022
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
291
Tableau n° 4 :
répartition de la « prime Covid » par catégorie
de bénéficiaires
Catégorie A
Catégorie B
Catégorie C
Contractuels
Total
DGFiP
31 %
45 %
23 %
1 %
100 %
DGDDI
41 %
40 %
19 %
-
100 %
Source : DGFiP, DGDDI
En prenant en compte la forte proportion d’agents placés en ASA au
début de la crise, qui ne pouvaient pas bénéficier de cette prime, les
bénéficiaires représentent environ 55 % des agents de la DGFiP et 64 %
des agents de la DGDDI effectivement présents sur site ou en télétravail.
Le montant moyen versé par agent atteint 515
€ à la DGFiP et 605
€ à la
DGDDI. Par comparaison, il s’élève à 586
€ pour les 171
704 agents civils
de l’État qui en ont bénéficié.
3 -
Une nette diminution de la formation qui appelle
un plan de rattrapage
La crise sanitaire a eu un impact important sur la formation des
agents, tant à la DGFiP qu’à la DGDDI. Le développement de formations
à distance dans les deux directions générales n’a pas suffi à compenser le
repli de la formation sur place.
À la DGFiP, la formation initiale des inspecteurs, contrôleurs et
agents des promotions 2019/2020 et 2020/2021 a ainsi dû être adaptée à
plusieurs reprises et la formation continue a connu en 2020 une forte baisse,
de 60 %, par rapport à 2019. Mêm
e si, aujourd’hui, les deux tiers des
formations sont proposées à distance, le retard constaté en 2020 ne pourra
être rattrapé que de manière progressive.
À la DGDDI, certaines formations jugées prioritaires ont pu être
maintenues à distance, par exemple l
a session d’intégration des agents de
constatation (225 agents), prévue le 23 mars 2020. Toutefois, certaines
formations nécessitant la présence des stagiaires (tir, interventions,
contrôle des armes, produits stupéfiants) ont dû être reportées.
Tableau n° 5 :
nombre de jours de formation à la DGDDI
2019
2020
Formation statutaire (initiale)
115 361
80 772
Formation continue
118 543
78 146
Source : DGDDI (bilan social)
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COUR DES COMPTES
292
Il convient dès lors de renforcer les plans de formation de la DGFiP
et de la DGDDI, en développant la formation à distance, même si des
formations sur place demeurent nécessaires. Une attention particulière doit
être portée aux agents recrutés en 2020, qui n’ont pas pu suivre un parcours
de formation classique.
C -
Des missions globalement remplies en 2020
Malgré leur faible degré de préparation, les deux directions ont
assuré leurs missions principales pendant l’année 2020. Les objectifs fixés
dans les plans de continuité d’activité ont été atteints et les missions non
prioritaires ont été progressivement assurées au moment de la reprise de
l’activité. Par ailleurs, plusieurs enquêtes montrent la satisfaction des
usagers et des agents de ces deux directions pendant cette crise.
1 -
Des objectifs pour l’essentiel atteints sur l’ann
ée 2020
Malgré la baisse d’activité constatée au printemps 2020, les deux
directions ont rempli leurs missions essentielles en 2020. Ainsi, la DGFiP
a encaissé les recettes publiques, payé les dépenses et tenu les comptes
publics. À titre d’illustration, 2
13
Md€ de TVA ont été encaissés en 2020
contre 217
Md€ en 2019, 98
Md€ d’impôt sur le revenu contre 88
Md€
en 2019
285
, et 66
Md€ d’impôt sur les sociétés contre 69
Md€ en 2019.
La paie des agents publics a aussi été assurée, certes avec une
reconduction à l’
identique de la paie de mars en avril 2020, prenant
toutefois
en
compte
certaines
modifications
prioritaires
(agents
nouvellement recrutés par exemple). Un retour à la normale a été engagé à
partir de mai et, surtout, de juin 2020.
La campagne de l’impôt sur le revenu de 2020 s’est déroulée de
manière satisfaisante, notamment grâce au renfort de certains auditeurs ou
contrôleurs fiscaux et au développement de l’accueil téléphonique.
Le taux
de déclarations dématérialisées ou automatiques a atteint 84 % en 2020,
soit la cible fixée pour 2022.
De son côté, la Douane a globalement rempli ses objectifs de lutte
contre les trafics sur le territoire et aux frontières, ainsi que de protection
du consommateur, en adaptant la réalisation de ses missions au contexte
s
anitaire. Ainsi, les saisies de contrefaçons ont augmenté d’environ 20 %
en 2020. Les saisies de stupéfiants ont également été légèrement
supérieures en 2020 (près de 89 tonnes) à celles opérées en 2019
(87,5 tonnes).
285
Du fait du passage au prélèvement à la source, les encaissements de 2019 concernent
une période de 11 mois, contre 12 en 2020.
Rapport public annuel 2022
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
293
Enfin, la mise en œuvre du
Brexit
, au 1
er
janvier 2021, date de la
sortie effective du Royaume-
Uni de l’Union européenne, a été effectuée
grâce à la préparation en amont, avec la mise à jour des applications de
dédouanement et la mise en place du dispositif innovant de « frontière
intelligente
286
» d’une part, et l’accompagnement des opérateurs d’autre
part. Par ailleurs, le transfert à la DGFiP du recouvrement de certains
impôts et taxes auparavant effectué par la Douane s’est poursuivi.
2 -
Une satisfaction des usagers qui progresse,
des agents davantage valorisés
Les enquêtes récurrentes menées sur la perception des services
publics montrent en 2020 une forte satisfaction des usagers vis-à-vis des
services de la DGFiP, en dépit d’un contexte sanitaire particulièrement
difficile. Ainsi, selon le baromètre 2020 de la DGFiP, la satisfaction
globale des usagers, tous modes de contacts confondus, est de 93 % pour
les particuliers (+ 5 points par rapport à 2019) et de 94 % pour les
entreprises (+ 4 points par rapport à 2017). La DGFiP est également bien
positionnée dans une étude portant sur l’ensemble des services publics
:
elle y enregistre le meilleur taux de satisfaction avec 84
% d’avis
favorables, contre une moyenne de 76
% pour l’ensemble des services
publics.
De la même façon, l’enquête de satisfa
ction annuelle menée en 2020
a montré que 89,7 % des professionnels et 80,3 % des particuliers étaient
satisfaits des services de la Douane.
Par ailleurs, d’après l’enquête lancée chaque année par le secrétariat
général auprès des agents du MEFR, la satisf
action et le sentiment d’être
reconnus des agents se sont améliorés à l’occasion de la crise sanitaire,
passant de 29 % en 2019 à 36 % en 2020 à la DGFiP, et de 36 % à 40 % à
la DGDDI. Les résultats de la DGFiP et de la DGDDI restent cependant
en-deçà de ceux obtenus dans les autres directions du MEFR.
286
Dispositif fondé sur un système d’information particulier, «
SI
Brexit
», permettant
de n’arrêter
sur les infrastructures (tunnel trans-Manche ou ports) que les moyens de
transport qui le nécessitent et dont les marchandises transportées doivent faire l
’objet
d’une formalité
ou d’un contrôle douanie
r spécifiques.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
294
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La direction générale des finances publiques et la direction
générale des douanes et droits indirects étaient insuffisamment préparées
à la survenance d’une crise d’une telle ampleur. Ce manque d’anticipation
s’est traduit par une faible disponibilité des agents et une forte baisse
d’activité sur la période du premier confinement (mars à mai 2020).
Toutefois, les deux directions ont su s’adapter tout au long de cette crise,
ce qui leur a permis de mieux absorber les conséquences des périodes
suivantes de confinement. En définitive, les missions de la direction
générale des finances publiques et celles de la Douane ont été globalement
remplies sur l’année 2020.
La DGFiP et la DGDDI ont en effet fait preuve de réactivité, tant
au niveau central que local, avec un fort engagement des agents et de
l’encadrement. En particulier, l’importance des missions exercées par ces
deux directions a été fortement ressentie par leurs agents, dans le contexte
exceptionnel du ralentissement, voire de l’arrêt complet de l’activité
économique dans certains secteurs, et du soutien attendu par la population
de la part des administrations publiques. Des dispositifs exceptionnels
(dédouanement des masques, fonds de solidarité pour les entreprises) ont
été mis en œuvre dans des délais très brefs et sous une forte pression, avec
des attentes particulièrement fortes de la part de l’opinion publique.
2,6 milliards de masques de protection ont été dédouanés entre la
fin mars et la fin juin 2020 sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-
Charles de Gaulle. Concernant le fonds de solidarité, fin décembre 2021,
la DGFiP avait versé 10,8
millions d’aides pour un montant de
38,7
Md€.
Même si les contrôles
a priori
ont été renforcés progressivement, les
contrôles
a posteriori
restent à mettre en œuvre complètement. En effet,
plus d’un an après leur détection, des sommes indûment perçues n’ont
toujours pas fait l’objet d’une demande de remboursement.
La première leçon à tirer de cette période par les deux directions
générales concerne le nécessaire renforcement de la culture de gestion de
crise. À ce titre elles devraient actualiser tous les ans leur plan de
continuité d’activité et organiser régulièrement des exercices d
e crise, au
niveau central et au niveau local, de leur propre initiative, en impliquant
la hiérarchie, de manière à tester les procédures et la réactivité des
équipes.
Rapport public annuel 2022
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
295
Un autre enseignement concerne les capacités de travail à distance,
que les deux direc
tions ont pu augmenter progressivement sur l’année
2020, notamment grâce à l’achat d’ordinateurs portables. Cependant, il
appartient aux deux directions de développer l’équipement bureautique, la
dématérialisation
des
processus,
la
mise
à
disposition
d’out
ils
collaboratifs, de visioconférence et d’espaces partagés. Il importe
également de garantir un niveau de sécurité informatique approprié, pour
être en mesure de faire face à de nouvelles crises imposant des restrictions
de déplacement ou l’inaccessibilit
é aux bâtiments par exemple.
La Cour formule à cet effet les recommandations suivantes :
1.
a
ctualiser une fois par an les plans de continuité d’activité, réaliser un
exercice de crise impliquant les services opérationnels
a minima
tous
les deux ans dans chaque direction et en tirer un ret
our d’expérience
(DGFiP, DGDDI) ;
2.
a
fin d’assurer la continuité des activités, développer les capacités de
travail à distance tout en garantissant un niveau de sécurité
approprié (DGFiP, DGDDI).
La
Cour renouvelle par ailleurs la recommandation qu’elle a déjà
formulée dans le rapport public annuel 2021
287
et dans le rapport réalisé
à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur
les dépenses publiques pendant la crise
288
:
3.
mettre
en œuvre effe
ctivement des plans de contrôle
a posteriori
sur les
aides du fonds de solidarité versées depuis mars 2020 ; en cas de
versement à tort, engager les mesures de récupération des indus et, le
cas échéant, des poursuites pénales (DGFiP).
287
Cour des comptes,
Le fonds de solidarité à destination des entreprises : une mise en
œuvre rapide dans un contexte instable
, (Le rapport public annuel 2021, mars 2021).
288
Cour des comptes,
Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel
de leur utilisation
,
c
ommunication à la Commission des finances
de l’Assemblée
nationale, juillet 2021.
Rapport public annuel 2022
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Rapport public annuel 2022
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Réponse
Réponse commune du Ministre de l’économie, des finances
et de la
relance et du Ministre auprès du Ministre de l’économie,
des finances et de la relance, chargé des comptes publics
......................
298
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
298
RÉPONSE COMMUNE DU M
INISTRE DE L’ÉCONOMI
E,
DES FINANCES ET DE LA RELANCE ET DU MINISTRE
AUPRÈS DU MINISTRE D
E L’ÉCONOMIE, DES FI
NANCES
ET DE LA RELANCE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS
Nous avons pris connaissance du chapitre destiné à figurer dans le
rapport public annuel 2022 intitulé « Face à la crise, des administrations
fiscales et douanières réactives, malgré un manque de préparation ».
Nous notons avec satisfaction la tonalité générale de ce projet qui
souligne la capacité de résilience de la direction générale des Finances
publiques (DGFiP) et la direction générale des Douanes et Droits indirects
(DGDDI), qui ont su réagir avec rapidité et professionnalisme. Nous avons
pu observer que, confrontées à une crise d’une ampleur quasi sans
précédent pour l’ensemble des organisations publiques et privée
s, elles ont
su capitaliser leurs atouts organisationnels pour assurer leurs missions
mais aussi concevoir et mettre en œuvre, dans l’urgence, des dispositifs de
soutien à l’économie
289
avec une efficacité unanimement reconnue. La
DGFiP et la DGDDI ont également pris les mesures nécessaires pour
assurer la protection de leurs agents, qui ont bénéficié de dispositifs de
prévention au plus haut niveau, dans le cadre de la prévention ministérielle
organisée par le Secrétariat général des ministères économiques et
financiers, et audités par un cabinet spécialisé dès l’été 2020.
Par ailleurs, il nous paraît important de souligner l’effort
d’équipement sans précédent en outils de nomadisme effectué par le
ministère dont la part d’agents équipés
en ordinateurs portables est passée
de 42 % en 2020 à 74 % en 2021. Ainsi le taux d’équipement des agents
susceptibles de télétravailler, qui au 1er juillet 2021 était déjà de 81 %
pour la DGFiP et de 83 % pour la DGDDI, doit atteindre 100 % fin 2021.
La
résilience du ministère et de ses réseaux est donc renforcée. C’est
également le sens des travaux de retour d’expérience engagés par le
service du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité, visant à renforcer
le plan de continuité d’activité ministériel
comme ceux des directions et
plus globalement, la culture de la gestion de crise de nos ministères.
289
Prêts garantis par l’État : 139,3 Md€ validés au 26/11/
21
–
Fonds de solidarité :
37,9
Md€ versés au 25/11/21.
Au 7 octobre 2021 : 408 083 entreprises ont bénéficié de mesures de soutien auprès
d’un se
rvice de la DGFIP pour un montant total des impôts concernés (toutes mesures
confondues) de 50 Md€ (67,8 % conc
ernent des reports et délais -
9,14 M€ de remises
accordées).
Rapport public annuel 2022
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LES ADMINISTRATIONS FISCALES ET DOUANIÈRES
299
S’agissant des remarques plus spécifiques à la DGDDI nous
souhaitons apporter des compléments à la suite de la signature, le
1
er
décembre 2021, du contrat
d’objectifs et de moyens 2022
-2025 de cette
direction générale dont les mesures s’inscrivent dans la nouvelle démarche
stratégique de la douane qui, tirant les enseignements de la gestion de la
crise sanitaire, prévoit de se donner les moyens d’améliorer l
es conditions
d’exercice de ses missions, en mettant les ressources humaines, les
conditions de travail, les outils, les méthodes et les procédures de la
douane à l’état de l’art.
Ainsi l’axe stratégique du contrat d’objectifs et de moyens de la
DGDDI « Développer des outils et méthodes de travail modernes pour être
davantage en situation opérationnelle
» vise à renforcer l’environnement
de travail numérique des agents, à doter les équipes opérationnelles de
terminaux électroniques légers pour renforcer la mobilité des contrôles ou
encore à refondre l’intranet douanier. Il consolide la réponse apportée à
la recommandation relative au développement des outils collaboratifs en
interne et vis-à-
vis de l’extérieur.
Par ailleurs, les mesures prévues à l’axe « Con
solider
l’accompagnement
des
entreprises
et
sécuriser
leurs
opérations
douanières » contribueront à approfondir la dématérialisation des
processus sur laquelle la Cour porte une attention particulière. Ainsi, des
travaux seront notamment conduits sur la digitalisation des procédures
tournées vers l’utilisateur, sur le développement de la logique de
l’interlocuteur unique et celle du guichet unique.
Enfin, la mention de deux éléments d’information technique figurant
dans le projet ne nous paraît pas indispensable à la bonne information du
public. Il s’agit d’une part des détails portant sur l’absence de mises à jour
et sur l’obsolescence de composants de systèmes d’exploitation
informatique de la DGFiP et, d’autre part, de l’énumération relative aux
formation
s n’ayant pu se dérouler à la DGDDI du fait de l’absence
physique des stagiaires.
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