ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE REVENU
DE SOLIDARITÉ
ACTIVE
Rapport public thématique
Évaluation d’une politique publique
Synthèse
Janvier 2022
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Les caractéristiques du RSA et son cadre général
7
2
Le RSA bénéficie-t-il effectivement aux personnes
auxquelles il est destiné ?
11
3
Dans quelle mesure le RSA permet-il
de sortir de la pauvreté ? .
13
4
Dans quelle mesure le RSA facilite-t-il l’accès à l’emploi ? . .17
5
L’accompagnement est-il réel et efficace ?
21
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25
Orientations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
27
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
5
Introduction
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’évaluation de politique publique relative au RSA poursuit et approfondit les
précédents travaux des juridictions financières en matière de lutte contre la
pauvreté et d’insertion, et notamment le référé de novembre 2015 consacré aux
minima sociaux, les observations de 2017 sur les prestations monétaires destinées
aux ménages modestes et le rapport public de novembre 2019 sur l’allocation
adulte handicapé . Associant une chambre de la Cour et dix chambres régionales des
comptes, les travaux d’évaluation, qui ont bénéficié des réactions régulières d’un
comité d’accompagnement, se sont appuyés sur des investigations nationales, ainsi
que sur des enquêtes territoriales dans neuf départements illustrant la diversité des
situations (Allier, Aude, Bas-Rhin, Gironde, Ille-et-Vilaine, Martinique, Pas-de-Calais,
La Réunion, Seine-Saint-Denis) .
Mis en place par la loi du 1
er
décembre 2008, le revenu de solidarité active (RSA)
s’est substitué au revenu minimum d’insertion (RMI) et à l’allocation parent isolé
(API) . Un peu plus de dix ans après sa généralisation sur le territoire métropolitain,
en 2009, puis outre-mer en 2011, les juridictions financières ont décidé de procéder
à son évaluation .
Le RSA constitue aujourd’hui le principal instrument de lutte contre la pauvreté,
pour une dépense annuelle de 15 Md€ . Il est attribué à près de deux millions de
foyers allocataires, au sein desquels vivent plus de quatre millions de personnes .
Malgré son importance en termes sociaux et financiers, le dispositif n’a pas été
évalué dans sa globalité depuis les travaux du comité national d’évaluation
spécialement constitué à cet effet par la loi de 2008, qui avait rendu son rapport
final en 2011 .
Compte tenu de la hausse tendancielle du nombre de bénéficiaires depuis la
création du RMI, qui s’est poursuivie après 2009 avec le RSA, ainsi que des risques
accrus de précarité liés à la crise de la covid 19, une nouvelle évaluation était
devenue indispensable . Elle doit aider à déterminer dans quelle mesure le RSA
répond à ses objectifs et comment ses résultats pourraient être améliorés
1
Dans
le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté
de septembre 2018, le gouvernement a par ailleurs annoncé plusieurs réformes
susceptibles de faire évoluer le dispositif dans les mois et les années qui viennent :
1
La démarche évaluative a pour particularité de s’intéresser aux résultats effectifs d’un dispositif
ou d’une politique . Contrairement à d’autres travaux des juridictions financières, il ne s’agit donc
pas ici d’examiner la performance de la gestion du RSA par les acteurs qui en sont chargés, mais
bien d’estimer dans quelle mesure le RSA répond aux objectifs qui lui sont assignés .
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
la présente évaluation entend contribuer à ces réformes .
Le RSA fait partie des dispositifs dits « d’activation » des dépenses sociales institués
dans de nombreux pays de l’OCDE à partir de la fin des années 1990 . Alors que
les allocations destinées à procurer un minimum de ressources aux personnes
en difficulté laissaient craindre des comportements de renoncement au travail
(les « trappes à inactivité »), il s’agissait pour les promoteurs du RSA de faire en
sorte que « le travail paye » en toute circonstance . L’ambition de la loi de 2008
était donc que le RSA, tout en garantissant un niveau minimal de ressources et un
accompagnement personnalisé comme le RMI, préserve davantage les incitations à
l’activité professionnelle . Cette préoccupation s’est traduite dans les trois objectifs
assignés au dispositif : « assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables
d’existence afin de lutter contre la pauvreté, encourager l’exercice ou le retour à
une activité professionnelle et aider à l’insertion sociale des bénéficiaires » .
Au regard de ces objectifs, les juridictions financières se sont efforcées d’apporter
des réponses à quatre questions qui structurent l’évaluation, au-delà de l’analyse
du cadre institutionnel et financier :
•Le RSA bénéficie-t-il effectivement aux personnes auxquelles il est destiné ?
•Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir de la pauvreté ?
•Dans quelle mesure le RSA facilite-t-il l’accès à l’emploi ?
•L’accompagnement est-il réel et efficace ?
La présente évaluation a été pilotée par une formation interjuridictions rassemblant
la Cour des comptes et dix chambres régionales et territoriales des comptes . En
plus des méthodes traditionnelles d’évaluation qui ont conduit à une analyse
approfondie dans neuf territoires
2
, un travail inédit d’exploitation de nombreuses
bases de données
3
a été réalisé afin de quantifier et d’apprécier les résultats du
RSA . Ce volet quantitatif a été complété par deux études ciblées, l’une sur les
aides connexes des collectivités territoriales et l’autre sous forme d’un sondage
auprès d’allocataires et d’anciens allocataires du RSA .
2
Un échantillon de neuf départements a été constitué, afin de rendre compte
des différences de situations entre territoires : Allier, Aude, Bas-Rhin, Gironde,
Ille-et-Vilaine, Pas-de-Calais, Seine-Saint-Denis, Martinique et La Réunion .
3
Ont notamment été utilisées, parfois pour la première fois, les données de gestion des caisses
d'allocations familiales (CAF) et des mutualités sociales agricoles (MSA), de Pôle emploi et des
départements .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La loi du 1
er
décembre 2008 a créé
le RSA avec l’ambition, selon les
termes de son exposé des motifs,
de faire des revenus du travail
« le principal rempart contre la
pauvreté » . À cette fin, elle a réformé les
deux composantes du RMI : l’allocation
destinée à garantir un montant minimum
de ressources et l’accompagnement
des bénéficiaires destiné à les aider à
s’insérer socialement et dans l’emploi .
Dans son volet d’allocation,la nouveauté
du RSA a consisté à ce qu’en cas
d’activité professionnelle, la personne
voit son allocation diminuer non plus
du total de ses revenus du travail, mais
seulement d’une partie . La fraction
de l’allocation maintenue malgré la
reprise d’emploi constituait à l’origine le
RSA-activité, qui venait s’ajouter au RSA
dit « socle » . En 2016, ce RSA-activité
a été intégré dans la prime d’activité,
laquelle a cependant un spectre plus
large puisqu’elle bénéficie aussi aux
« travailleurs pauvres » rémunérés
autour du SMIC .
Le volet d’accompagnement a lui
aussi été transformé suivant une
logique de « droits et devoirs » : en
contrepartie de l’aide monétaire et de
l’accompagnement reçu, le bénéficiaire
doit s’engager à réaliser des démarches
en vue de son insertion sociale et
professionnelle . Ces engagements
sont formalisés dans un contrat signé
par le bénéficiaire avec son organisme
d’accompagnement .
Le cadre institutionnel
La gestion et le financement du RSA
sont confiés aux départements, chefs
de file territoriaux de l’action sociale,
comme l’était le RMI depuis 2003 .
Mais cette décentralisation reste
incomplète : l’État définit le cadre légal
et réglementaire de ce qui demeure
un dispositif national de solidarité ;
les réseaux des caisses d’allocations
familiales (CAF) et de la mutualité
sociale agricole (MSA) sont chargés
de l’instruction des demandes, du
calcul des droits et du versement de
l’allocation ; l’accompagnement est
partagé entre de multiples organismes :
Pôle emploi et ses partenaires pour
l’accompagnement professionnel, le
département et ses délégataires pour
l’accompagnement social .
Les caractéristiques du RSA
et son cadre général
1
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les caractéristiques du RSA
et son cadre général
Cette dispersion des rôles pose des dif-
ficultés .
Elle soulève un problème de
compréhension pour les bénéficiaires
du RSA, confrontés à une juxtaposition
peu lisible de plusieurs guichets .
Pour
les acteurs eux-mêmes, la coordination
est complexe, ce qui aboutit à de réels
dysfonctionnements .
Le manque
d’harmonisation des systèmes d’infor-
mation en est un exemple caractérisé
qui compromet gravement la capacité
de piloter et de suivre les parcours
des bénéficiaires et de s’assurer qu’ils
répondent à leurs besoins .
Le cadre financier
L’augmentation quasi ininterrompue du
nombre de bénéficiaires du RSA depuis
sa création a rapidement fragilisé ce
cadre institutionnel mais également
son volet financier .
Entre 2008 et 2015,
le nombre d’allocataires est passé de
1,3 à 1,9 million, soit près de + 45 %,
avant de se stabiliser puis d’atteindre
un nouveau pic en novembre 2020
à 2,1 millions .
Cette augmentation,
couplée aux revalorisations des
montants versés, explique que la
dépense d’allocation a fortement
augmenté .
Elle a atteint 11,7 Md€
en 2019 et a dépassé les 12 Md€ en
2020 .
En ajoutant la prime d’activité,
les dépenses d’accompagnement
(2,3 Md€) et de gestion administrative,
la dépense publique annuelle totale
consacrée au RSA a représenté 15 Md€
en 2019 .
Shéma n°1 : sociogramme des acteurs du dispositif du RSA
Source : Juridictions financières
Financeurs / décideurs
Départements
Pôle emploi
Population générale
Allocataires et leurs foyers
Bénéficiaires directs
Bénéficiaires indirects
État :
Ministère des affaires sociales
Ministère chargé de l’emploi
Ministère de l’économie et des finances :
Opérateurs
Caisses d’Allocations
familiales
Caisses de la mutualité
sociale agricole
Centres communaux
d’action sociale
Prestataires du département
Prestataires de Pôle emploi
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les caractéristiques du RSA
et son cadre général
La fraction de la taxe intérieure sur
les produits pétroliers (TIPP), devenue
taxe intérieure de consommation sur
les produits énergétiques (TICPE),
affectée en 2003 aux départements
pour financer le RMI puis le RSA,
s’est rapidement révélée insuffi
sante .
Des mécanismes de financement
complémentaires venant de l’État ont
été progressivement empilés (cinq
fonds de péréquation ont ainsi été mis
en place entre 2006 et 2015), mais
ces dispositifs n’ont jamais rattrapé la
dynamique de la dépense .
Il en est résulté un effet de ciseau dû à
l’écart croissant depuis 2009 entre la
hausse des recettes (+ 20 %) et celle
des dépenses (+ 69 %) à la charge
des départements .
On relève ainsi
une multiplication par plus de quatre
et demi de l’écart entre les deux .
En
2019, la fraction transférée de TICPE
représentait ainsi 5,8 Md€ et les autres
fonds 1,1 Md€, soit 4,2 Md€ de moins
que les dépenses à financer .
Cet écart pèse très différemment en
fonction des départements .
Dans les
neuf territoires étudiés, il varie du simple
au quadruple ; il est particulièrement
important à La Réunion et en Seine-
Saint-Denis, deux départements dans
lesquels il a provoqué les décisions
de renationalisation de l’allocation,
engagée ou à venir, après Mayotte et
la Guyane .
Périmètre : France métropolitaine en 2009 et 2010 puis France entière.
Dépenses d’allocations (RSA, RMI, RSO et prime de Noël).
Sources : Drees – Dépenses d’allocations des minimas sociaux depuis 2009
et RSA et prime d’activité : données départementales
Graphique n° 1 : évolution des effectifs et des dépenses du RSA
Dépenses (en M€)
Effectifs
0
0
500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
2 500 000
3 000 000
3 500 000
4 000 000
4 500 000
5 000 000
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
Allocataires
Adultes bénéficiaires
Population couverte
Dépenses
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les caractéristiques du RSA
et son cadre général
Pour autant, la recentralisation
« à lacarte » du financement de
l’allocation à la charge de l’État ne
constitue pas une réponse globale
et soutenable à une difficulté qui
concerne tous les départements, alors
qu’elle affaiblit par ailleurs l’identité
« décideur = financeur », au cœur de la
décentralisation du RMI .
Graphique n° 2 : épargne brute, reste à charge RSA (hors DMTO)
et capacité de désendettement des départements depuis 2009
Source : Juridictions financières, d’après données DGCL
4,4
3,9
3,4
4,0
4,6
5,0
5,3
4,3
4,2
4,1
3,4
Reste à charge RSA (en M€)
Épargne brute (en M€)
Capacité de désendettement, en années (échelle de droite)
0 M€
0
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
1
2
3
4
5
6
1 000 M€
2 000 M€
3 000 M€
4 000 M€
5 000 M€
6 000 M€
7 000 M€
8 000 M€
9 000 M€
10 000 M€
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Cette première question évaluative
renvoie à deux interrogations
complémentaires : les personnes
pour lesquelles le RSA a été conçu
en bénéficient-elles effectivement
(question du non-recours) ? Et
symétriquement, existe-t-il des
bénéficiaires qui ne devraient pas l’être
(question du versement à bon droit) ?
Le public ciblé par le RSA
Alors que les autres minima sociaux
sont spécialisés, comme l’allocation
aux adultes handicapés (AAH) pour les
personnes handicapées ou l’allocation
de solidarité aux personnes âgées
(ASPA) pour les personnes retraitées,
le RSA, dispositif de droit commun,
s’adresse à l’ensemble de la population
en âge de travailler .
Outre la condition de nationalité,
qui exige des non-européens qu’ils
possèdent un titre de séjour régulier
depuis au moins cinq ans, la principale
restriction légale concerne l’âge
minimum, fixé à 25 ans . Comme le RMI,
le RSA est à cet égard en cohérence
avec l’idée selon laquelle jusqu’à cet
âge, c’est la solidarité familiale qui
doit s’exercer, avant que la solidarité
nationale ne prenne le relais . Pour
les jeunes rencontrant des difficultés
particulières, des dispositifs spécifiques
existent . Ils leur procurent des revenus
d’un montant proche du RSA, comme
la « Garantie jeunes » ou le « RSA
jeunes actifs », ce dernier apparaissant
toutefois largement inopérant en raison
de ses conditions restrictives puisqu’il
ne concernait que 734 bénéficiaires
en 2019 .
Dans le cadre de la présente évaluation,
les juridictions financières estiment
n’avoir pas réuni suffisamment
d’éléments probants pour arrêter une
position assurée sur l’extension du RSA
aux jeunes de moins de 25 ans . Une telle
extension relève d’un débat et d’une
décision politiques tant elle mobilise
des questions de valeurs . Il peut être
estimé qu’au-delà des jeunes déjà
éligibles à la « Garantie jeunes », le
nombre supplémentaire d’allocataires
potentiels serait compris entre 1,7 et
2,4 millions en cas d’ouverture du RSA
aux 18-24 ans .
Le RSA bénéficie-t-il
effectivement aux personnes
auxquelles il est destiné ?
2
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le RSA bénéficie-t-il effectivement
aux personnes auxquelles il est destiné ?
Le public ciblé est insuffisamment
atteint
Concernant l’allocation, la dernière
étude précise sur le non-recours, qui
date de 2011, estimait ce phénomène
à 30 % de la population cible . Aucune
étude récente ni aucune des rares
initiatives déployées au plan local pour
évaluer le non-recours n’amènent à
réviser aujourd’hui cette estimation,
qui fait consensus parmi les acteurs
du RSA . Il apparaît donc possible
d’estimer à 70 % le taux d’atteinte de
la population cible .
En sens inverse, la fraude n’a que
peu d’impact sur le nombre de
bénéficiaires légitimes
4
Ses effets
sur les montants sont en revanche
significatifs avec plus de 190 M€
détectés en 2019, aboutissant à une
estimation totale par la Cnaf d’environ
1 Md€ de fraude potentielle
5
L’essentiel
de cette fraude concerne en effet
bien plus les montants versés que
l’éligibilité effective des personnes au
dispositif du RSA . Ainsi, 70 % des cas de
fraude détectés relèvent d’omissions
ou d’erreurs de déclarations sur les
4
Comme indiqué précédemment, l’objet de la présente évaluation n’était pas de vérifier la bonne
application de la règle de droit et donc d’analyser la fraude mais d’estimer dans quelle mesure
le RSA répond aux objectifs qui lui sont assignés par la loi .
5
En effet, près de 12 % des sommes versées au titre du RSA, soit 1,4 Md€, l’auraient été à tort en
2019, principalement du fait de fraudes . Cf . La lutte contre les fraudes aux prestations sociales,
communication à la commission des affaires sociales du Sénat, septembre 2020 .
ressources . Un enjeu majeur porte
donc sur la sécurisation du versement
du RSA au regard de la situation réelle
des bénéficiaires, par une fiabilisation
accrue des données prises en compte
et la détection d’un plus grand nombre
d’erreurs .
En ce qui concerne l’accompagnement,
il peut être estimé que 60 % des
bénéficiaires soumis aux « droits
et devoirs » ne disposent pas de
contrat d’accompagnement . Même
si ce taux repose sur des données
imparfaites, il met en lumière un grave
dysfonctionnement de ce volet du RSA .
Ce mauvais résultat s’explique par le
fait que seuls huit allocataires sur dix
ont été effectivement orientés vers
un organisme d’accompagnement, et
que parmi eux, seule la moitié de ceux
orientés vers un accompagnement
social ont signé un contrat .
En réponse à la première question évalu-
ative, le RSA bénéficie insuffisamment
aux personnes auxquelles il est destiné,
avec des taux de couverture d’environ
70 % pour le volet allocation et de 40 %
pour le volet accompagnement .
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure
le RSA permet-il de sortir
de la pauvreté ?
3
Le premier objectif fixé par la loi au
RSA est « d’assurer à ses bénéficiaires
des moyens convenables d’existence,
afin de lutter contre la pauvreté » . Pour
évaluer l’efficacité du RSA sur ce plan,
il convient d’analyser sa contribution
à la réduction de la pauvreté, en
l’intégrant au paysage global des aides
et prestations sociales accessibles à ses
bénéficiaires .
Le RSA ne permet pas à lui seul
de sortir de la pauvreté
De manière constante depuis 2010,
65 % des bénéficiaires du RSA vivent
sous le seuil de pauvreté monétaire
6
,
une part 4,4 fois plus élevée que dans
la population générale, où cette part
est comprise entre 14 % et 15 % .
51 % des bénéficiaires du RSA sont en
outre considérés comme pauvres en
conditions de vie
7
, une part presque
cinq fois plus élevée que pour le reste
de la population .
Cette situation résulte directement des
montants garantis par l’allocation : pour
une personne seule, le montant du RSA
6
Le seuil de pauvreté fait l’objet d’une définition statistique normalisée au niveau européen . Il
correspond à 60 % du revenu médian, soit, en France, 1 063 € par mois pour une personne seule
en 2018, dernière année pour laquelle l’Insee l’a publié .
7
La « pauvreté en conditions de vie » est, avec le seuil de pauvreté, le deuxième indicateur
statistique le plus souvent utilisé . Il constitue un indicateur de privation en intégrant les personnes
privées de huits items sur une liste de 27 items liés à l’insuffisance de ressources .
est de 565 euros par mois (au 1
er
avril
2021), un niveau inférieur au seuil de
pauvreté monétaire (1 063 euros par
mois en 2018 selon l’Insee) . Elle reflète
le choix qui a présidé à la création du
RSA selon laquelle c’est l’exercice
d’une activité rémunérée qui doit
éloigner durablement les personnes
de la pauvreté, la solidarité nationale
ne jouant qu’un rôle de filet protecteur .
Le RSA protège en revanche
ses bénéficiaires de la très
grande pauvreté
Si 46 % des bénéficiaires du RSA vivent
encore sous le seuil de pauvreté à 50 %
du revenu médian, ils ne sont plus que
16 % à vivre avec moins de 40 % de
celui-ci . L’effet du RSA est encore plus
net sur l’intensité de la pauvreté :
alors que celle-ci est nettement plus
importante chez les bénéficiaires du
RSA au seuil de 60 %, la situation est
inversée au seuil de 40 % : l’intensité
de la pauvreté y est deux fois plus
importante pour les personnes non
bénéficiaires du RSA .
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir
de la pauvreté ?
Le RSA est ainsi le dispositif qui, au sein
de l’ensemble du système socio-fiscal,
contribue le plus à la diminution de
l’intensité de la pauvreté monétaire à
40 et 50 % du seuil, en assurant à lui seul
entre 35 et 40 % de cette baisse, soit
davantage que les autres prestations
monétaires (allocations logement, pres-
tations familiales, aides locales, etc .) .
Les bénéficiaires du RSA peuvent
également prétendre à un ensemble
d’aides connexes, mises en place par les
collectivités territoriales . Généralement
non prises en compte dans les études
car mal recensées, ces aides participent
pourtant à la réduction de la pauvreté :
l’étude Équinoxe effectuée par une
équipe de l’université Gustave Eiffel
en partenariat avec les juridictions
financières, dont les résultats sont
publiés parallèlement à la présente
évaluation, met en lumière que sur un
échantillon de 20 communes, ces aides
représentent entre 6,5 % et 12,7 % de
l’ensemble des ressources des ménages
ne disposant pas de revenus d’activité .
Ce rôle de protection contre la grande
pauvreté est perçu et confirmé par les
allocataires eux-mêmes . Interrogés par
sondage, 78 % estiment que le RSA leur
a « procuré un revenu minimum » et leur
a « évité de tomber dans la pauvreté » .
C’est la dimension de ce dispositif la
plus reconnue par ses bénéficiaires .
Champ : France métropolitaine, individus vivant dans un ménage dont le revenu déclaré
est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.
Source : Juridictions financières d’après ERFS 2018
Graphique n° 3 : taux de pauvreté des bénéficiaires du RSA
selon les profils types
73
71
67
55
70
49
54
70
51
42
30
51
40
49
54
49
12
23
18
19
17
11
18
20
0
20
40
60
80
Femme
seule avec
enfant
Étranger
Faible
niveau de
diplôme
Résidant
en zone
rurale
Résidant
en QPV
Jeune
de moins
de 25 ans
Jeune
entre 25
et 29 ans
Sénior
d’au moins
60 ans
Taux de pauvreté monétaire 60 %
Taux de pauvreté monétaire 50 %
Taux de pauvreté monétaire 40 %
Taux de pauvreté monétaire des BRSA 60 %
Taux de pauvreté monétaire des BRSA 50 %
Taux de pauvreté monétaire des BRSA 40 %
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir
de la pauvreté ?
La reprise d’activité reste
le moyen privilégié de sortir
de la pauvreté
Le choix du législateur de privilégier
l’activité comme moyen de sortir de
la pauvreté se vérifie en pratique .
Si la pauvreté monétaire au seuil
de 50 % touche presque tous les
allocataires dont les revenus sont
constitués en majorité du RSA, cette
part tombe à 20 % seulement pour
ceux dont l’allocation pèse pour moins
de 10 % dans les revenus . La reprise
d’activité, même à temps incomplet,
permet effectivement de franchir
le seuil de pauvreté dans la plupart
des configurations familiales et
professionnelles .
Les simulations sur barème montrent
que tel a été le cas dès la mise en place
du RSA, l’effet positif sur les revenus de
la reprise d’activité ayant ensuite été
amplifié avec la forte augmentation de
la prime d’activité en 2019 .
Graphique n° 4 : niveau de vie des ménages dont un membre est
en emploi à mi-temps au SMIC, en proportion du seuil de pauvreté
Source : France Stratégie, Dispositifs universels de soutien au revenu des ménages
modestes : protection contre la pauvreté et incitation à l’activité depuis 2000. Une analyse
sur cas type, 2019
60 %
65 %
70 %
75 %
80 %
85 %
90 %
95 %
100 %
105 %
110 %
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Personne seule
Isolé 1 enfant
Isolé 2 enfants
Isolé 3 enfants
Couple sans enfant
Couple 1 enfant
Couple 2 enfants
Couple 3 enfants
Ainsi, s’il ne permet pas de franchir
le seuil de pauvreté monétaire, le
RSA permet en revanche de réduire
nettement son intensité et il protège
efficacement contre la très grande
pauvreté, tout en incitant à l’activité
professionnelle dans presque toutes
les situations .
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
jeunes enfants ou les femmes en couple
souhaitant travailler à temps partiel .
D’autres études portant sur l’ensemble
des prestations nationales montrent le
rôle clé du RSA dans la baisse du taux de
prélèvement sur les bas salaires et, en
conséquence, sur l’incitation à l’emploi
et à l’augmentation du temps de travail .
Par ailleurs, l’étude Équinoxe précitée
montre que dans un échantillon de
20 communes, le RSA a inspiré une
reconfiguration des aides locales . Alors
que ces dernières créaient des effets de
seuil à la sortie du RMI et pénalisaient
le retour à l’emploi (il fallait travailler
13 heures de plus par semaine au
SMIC pour compenser la perte des
prestations locales en cas de reprise
d’activité), leur convergence avec le
barème du RSA a permis la disparition
quasi générale des trappes à inactivité .
Même si une certaine prudence doit
s’attacher à l’analyse de ces résultats,
qui ne portent que sur les barèmes des
prestations et n’intègrent pas certains
coûts attachés à la reprise d’emploi
(garde des enfants, transports, etc .),
le RSA a rempli l’objectif qui lui était
fixé, sauf dans certaines configurations
Cette question évaluative fait écho au
deuxième objectif fixé par la loi au RSA,
à savoir « encourager l’exercice ou le
retour à une activité professionnelle » .
Deux axes d’analyse en découlent : celui
des incitations à l’activité et celui de
l’accès effectif à l’emploi .
Les incitations monétaires
à l’activité sont désormais
assurées dans la plupart
des situations
L’innovation majeure du RSA consiste
dans son mécanisme d’intéressement :
en cas d’activité professionnelle, le
bénéficiaire du RSA voit son allocation
diminuer non plus du total de ses reve-
nus du travail, mais de 38 % seulement .
Les études réalisées depuis 2009
convergent toutes pour constater
que cette « activation » du minimum
social, repris et amplifié plus tard par la
prime d’activité, a augmenté le niveau
d’incitation monétaire à l’activité
professionnelle . Un effet positif a été
mesuré à la mise en place du RSA sur
le comportement de certains groupes
d’allocataires, comme les jeunes autour
de 25 ans, les mères isolées avec de
4
Dans quelle mesure le RSA
facilite-t-il l’accès à l’emploi ?
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure le RSA
facilite-t-il l’accès à l’emploi ?
du RSA ne sont que 56 % dans ce cas . La
sortie du RSA se fait souvent dans des
conditions chaotiques : dans les cinq
ans suivant leur sortie du RSA, si 30 %
des anciens allocataires ne connaissent
aucune transition professionnelle (soit
qu’ils restent en emploi, soit qu’ils
demeurent sans emploi), les deux tiers
changent de situation en moyenne
3,8 fois, ce qui équivaut à deux allers-
retours entre emploi et non-emploi en
cinq ans .
Cette instabilité, attendue compte
tenu de la tendance générale au
développement des alternances entre
chômage et emploi,est particulièrement
marquée pour les anciens allocataires,
qui sont 41 % à revenir au RSA après
en être sortis .
Au total, sept ans après l’entrée au
RSA d’une cohorte d’allocataires, seuls
34 % en sont sortis et sont en emploi
– et parmi ceux-ci, seul un tiers est en
emploi de façon stable . 24 % sont sortis
du RSA sans emploi, dont un quart (soit
6 % de la cohorte) bénéficie de l’AAH .
Enfin, 42 % sont encore au RSA . Cette
proportion correspond globalement à
celle du « halo » du RSA que l’évaluation
a permis d’identifier, c’est-à-dire les
personnes qui bénéficient du RSA de
façon continue sur longue période ou ne
font qu’en sortir transitoirement . Bien
que le RSA soit conçu pour être un filet
de sécurité temporaire facilitant l’accès
à l’activité, il ne joue ce rôle de manière
durable que pour un tiers environ de ses
bénéficiaires, ce qui pose la question de
son adaptation aux personnes les plus
durablement éloignées de l’emploi .
résiduelles concernant notamment les
jeunes étudiants et apprentis, la bi-
activité des couples ou certaines aides
locales . La capacité des bénéficiaires
à évaluer correctement et à anticiper
les gains attachés à la reprise d’emploi
demeure toutefois un enjeu, les
organismes d’accompagnement
éprouvant parfois eux-mêmes des
difficultés à évaluer les effets combinés
d’un salaire, de la prime d’activité et
du devenir des aides sociales après la
reprise d’un emploi .
L’accès à l’emploi reste difficile
pour les bénéficiaires du RSA
En revanche, en matière d’accès effectif
à l’emploi,les difficultés des bénéficiaires
du RSA restent très importantes . Leur
taux de retour à l’emploi, de 3,9 % par
mois en 2019, est non seulement très
inférieur à la moyenne des demandeurs
d’emploi (8,2 %), mais il l’est aussi à celui
de tous les autres publics bénéficiant
de dispositifs spécifiques (demandeurs
d’emploi de longue durée, résidents des
quartiers prioritaires de la politique
de la ville (QPV), personnes de plus
de 50 ans, etc .) . Seuls les travailleurs
handicapés connaissent un taux de
retour à l’emploi mensuel inférieur, mais
au demeurant assez proche, de 3,3 %
en moyenne .
Les sorties en emploi des bénéficiaires
du RSA sont de surcroît plus précaires .
En cas de reprise d’emploi, les non-
bénéficiaires du RSA sont 68 % à accéder
à un emploi durable (c’est-à-dire de plus
de six mois), alors que les bénéficiaires
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans quelle mesure le RSA
facilite-t-il l’accès à l’emploi ?
La réponse à la troisième question
évaluative est donc très contrastée :
qu’il n’existe aujourd’hui quasiment
plus de « trappes à inactivité » peut
être considéré comme la principale
réussite du RSA au regard des objectifs
fixés à sa création ; mais les difficultés
rencontrées par ses allocataires pour
accéder effectivement à l’emploi restent
très importantes . Cette situation pose
question dans un modèle où les revenus
du travail sont supposés constituer le
principal rempart contre la pauvreté :
la « promesse » du RSA n’est pas
tenue pour près des deux tiers de ses
bénéficiaires .
Ces difficultés expliquent probablement
que l’accès à l’emploi soit une dimension
secondaire dans la perception que les
bénéficiaires ont eux-mêmes du RSA . Ils
ne sont que 29 % à estimer que le RSA
leur permettra de trouver un CDD ou
un emploi en intérim et 21 % qu’il leur
permettra de trouver un CDI .Pour autant,
seuls 15 % des bénéficiaires interrogés
citent l’accès à l’emploi parmi les axes
d’amélioration du RSA qu’ils appellent
de leurs vœux . À rebours de l’idée de
palier vers l’emploi mise en avant lors
de sa création, le RSA est d’abord, et de
plus en plus, vu par ses bénéficiaires et
par ceux qui les accompagnent comme
un revenu minimum . C’est au regard
de cette réalité que l’effectivité des
droits et devoirs doit être appréciée .
Graphique n° 5 : suivi d’une cohorte d’entrants au RSA
Source : juridictions financières, d’après ENIACRAMS
1
2
3
4
5
6
7
0 %
50 %
100 %
81
19
51
44
40
38
36
34
10
12
10
17
8
11
15
22
24
24
23
24
17
17
19
19
17
11
11
14
8
8
8
8
RSA
Cumul RSA et PPA
PPA seule
Sortie RSA et PPa,
et en emploi
Sortie RSA et PPa,
et sans emploi
Années
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le troisième et dernier objectif du RSA
est l’insertion sociale et professionnelle
grâce à un accompagnement adapté,
conçu comme un droit et un devoir
pour le bénéficiaire comme pour son
organisme d’accompagnement . Deux
questions en découlent : premièrement,
quelle est la réalité de l’accompa-
gnement et quel est son contenu ?
La réponse à cette question est un
préalable nécessaire ; la suite de l’analyse
ne peut se déployer que si la consistance
de l’accompagnement est suffisante
pour en mesurer les effets . Une fois cette
réalité de l’accompagnement appréciée,
que peut-on dire de son efficacité,
c’est-à-dire de l’insertion sociale et
professionnelle de ses bénéficiaires ?
L’orientation vers
les organismes
d’accompagnement :
des dysfonctionnements
majeurs
Première étape des parcours individuels,
l’orientation vers un organisme
d’accompagnement n’est pas réalisée
pour 18 % des allocataires – proportion
qui se maintient à 12 % pour les
allocataires de plus de cinq années
d’ancienneté . Le délai d’orientation est
quant à lui très éloigné de l’objectif fixé
par la loi (deux mois) ainsi que par la
stratégie nationale de lutte contre la
pauvreté présentée en 2018 (un mois) :
il atteint 95 jours en moyenne .
La qualité de l’orientation est plus diffi-
cile à apprécier, mais des incohérences
notables apparaissent tant à l’échelle
nationale que départementale . Les
parts respectives de l’accompagnement
professionnel, réalisé par Pôle emploi,
ou de l’accompagnement social réalisé
par le Département et ses délégataires,
varient dans des proportions considé-
rables d’un territoire à l’autre, sans qu’il
soit possible d’expliquer cette hétérogé-
néité par la réalité économique et sociale
des départements ou par les difficultés
spécifiques des bénéficiaires . En 2019,
si en moyenne 41 % des personnes
bénéficiaires du RSA sont orientés vers
Pôle emploi, cette proportion varie de
0 % en Corrèze et 4 % dans la Marne et
dans le Var, à 65 % dans l’Allier et 71 %
à La Réunion .
L’accompagnement
est-il réel et efficace ?
5
22
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’accompagnement est-il réel et efficace ?
la dernière pour laquelle ces données
fines peuvent être exploitées de ma-
nière fiable .
Le cloisonnement entre
types d’accompagnement peut donc
contribuer à enfermer les personnes
pour de nombreuses années dans des
parcours peu adaptés à leurs besoins .
Les graves lacunes de
l’accompagnement social et
socio-professionnel
Alors que le contrat d’engagements
réciproques (CER) est supposé être
l’outil central de l’accompagnement
social et la condition de son suivi, seuls
50 % des bénéficiaires du RSA orientés
vers ce type de parcours en disposent
effectivement .
Si la signature initiale
intervient en 53 jours en moyenne, le
contrat est ensuite peu suivi puisque
seules 20 % des personnes disposent
d’un contrat en cours de validité .
En d’autres termes, en fonction de son
département de résidence, un même
bénéficiaire est susceptible d’être pris
en charge par Pôle emploi ou par des
organismes dont le cœur de métier
est différent .
Cette situation soulève
le problème de l’adéquation entre les
besoins des personnes et les réponses
apportées .
De fait, Pôle emploi constate
qu’une part significative des personnes
orientées vers ses agences n’est en
réalité pas préparée à l’emploi et jus-
tifierait plutôt d’un accompagnement
social .
Ces défaillances de l’orientation
initiale ne sont pas corrigées par
des réorientations ultérieures, car
celles-ci sont rares .
Seules 5 % des
personnes ont ainsi connu un chan-
gement de type d’accompagnement
(de « professionnel » vers « social »
ou l’inverse) au cours de l’année 2018,
Carte
n° 1 : part des personnes ayant Pôle emploi comme organisme référent unique
parmi les bénéficiaires du RSA orientés (fin 2018)
Source : Drees, OARSA 2018
Paris et petite couronne
Rhône
DROM et COM
Guadeloupe Saint-Barthélemy
Martinique
Saint-Martin
Guyane
Saint-Pierre-
et-Miquelon
La Réunion
Mayotte
En %
[53 ; 77]
[39 ; 53]
[29 ; 39]
[0 ; 29]
ND
23
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’accompagnement est-il réel et efficace ?
Ces constats, établis à partir de
l’analyse de plusieurs centaines de
contrats sélectionnés de manière
aléatoire dans les neuf départements
étudiés, suggèrent fortement que
le CER n’est aujourd’hui qu’une
formalité sans réelle portée . Cette
faiblesse de l’accompagnement social
apparaît en décalage avec le constat
du nombre important de bénéficiaires
bloqués dans le dispositif depuis de
longues années : pour ces personnes,
la pertinence même du cadre défini
autour de l’allocation RSA, et la notion
de droits et devoirs en particulier, est
remise en question .
De l’avis des bénéficiaires, l’accom-
pagnement est ainsi la première
composante du RSA qui doit être
améliorée : 35 % d’entre eux attendent
un meilleur suivi, contre seulement
12 % qui revendiquent une augmenta-
tion de l’allocation .
L’accompagnement
professionnel par Pôle emploi
Les premières étapes du parcours sont
plus structurées chez Pôle emploi que
dans les départements : réalisation
systématique d’un diagnostic
individuel dans un délai moyen de 21
jours après l’inscription ; signature
du projet personnalisé d’accès à
l’emploi (PPAE), tenant lieu de contrat
d’accompagnement, pour tous les
bénéficiaires du RSA ; distinction de
quatre types d’accompagnement à
l’intensité croissante, entre lesquels
les personnes sont réparties .
L’analyse du contenu des contrats révèle
part ailleurs un défaut de substance :
le nombre d’actions proposées est très
faible (souvent moins de deux actions
par contrat), celles-ci sont souvent peu
tangibles et peuvent se rapporter à de
simples préceptes comportementaux .
Enfin, 76 % des CER ne contiennent
aucune action orientée vers la
préparation à la recherche d’emploi .
Par ailleurs, même si la quantification
précise de l’accompagnement s’avère
difficile en raison de la carence des
systèmes d’information, un manque
d’intensité très net peut être constaté . Le
nombre de personnes suivies par chaque
travailleur social varie de 55 à 144 dans
les départements étudiés, et le RSA
n’est souvent qu’une priorité secondaire
en comparaison de la protection de
l’enfance ou des situations de violence
ou d’urgence que sont amenés à
connaître ceux des travailleurs sociaux
qui ne sont pas spécialisés . La fréquence
des entretiens d’accompagnement est
plus mal connue encore, mais elle est
quasi systématiquement inférieure à
trois par an, avec une moyenne de 1,4
dans l’un des départements étudiés .
Enfin, dans plusieurs départements et
dans le cadre des auditions organisées
par les juridictions financières, une
position parfois ambivalente des
travailleurs sociaux vis-à-vis de la
logique des droits et devoirs a été
signalée, ceux-ci émettant des réserves
quant à la nécessité de rendre compte du
contenu des contrats et de sanctionner
les manquements aux engagements
qui y figurent .
24
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’accompagnement est-il réel et efficace ?
(69 000 personnes fin 2019), il ne
bénéficie cependant qu’à 4 % des
allocataires du RSA avant sa montée
en puissance au cours de l’année 2021 .
Plus généralement, la limitation des
capacités d’accueil dans les types
d’accompagnement les plus intensifs
peut conduire à une forme de sélectivité
inverse, en en écartant les allocataires
les plus en difficulté . L’intensité de
l’accompagnement diminue ainsi avec
l’ancienneté au chômage, et pour un
nombre important de bénéficiaires du
RSA au chômage de très longue durée,
Pôle emploi n’a plus véritablement de
solution .
Ce dernier axe d’évaluation relatif à
l’accompagnement met en lumière les
défaillances les plus importantes du
RSA . En pratique, l’accompagnement
des bénéficiaires ne se distingue
quasiment pas de l’accompagnement de
droit commun, social ou professionnel,
susceptible d’être proposé à tous
et, lorsqu’il existe, il présente des
incohérences par rapport aux besoins dès
l’orientation, une faiblesse caractérisée
des actions d’accompagnement, une
contractualisation souvent de pure
forme et un suivi individuel des « droits
et devoirs » quasi inexistant .
Les résultats sont plus mitigés
concernant le contenu réel de l’ac-
compagnement, comme permet de
l’observer le système d’information
très développé de Pôle emploi . Malgré
leurs difficultés particulières, les
bénéficiaires du RSA bénéficient peu
de la différenciation des moyens mis en
place par l’opérateur : ils sont presque
70 % dans les types d’accompagnement
les moins intensifs (contre 77 % pour la
moyenne des demandeurs d’emploi),
tandis que les prestations et formations
sont rares, même en accompagnement
dit « renforcé », avec 0,6 prestation par
an en moyenne .Paradoxalement,au sein
d’un même type d’accompagnement,
les bénéficiaires du RSA ont moins
d’entretiens avec leur conseiller
référent que les autres demandeurs
d’emploi (-17 % à -24 %) . Les droits et
devoirs attachés au RSA ne sont pas
suivis, à la différence du contrôle de
la recherche d’emploi lié à l’assurance
chômage .
Seul l’accompagnement « global »,
mis en place en partenariat avec les
départements, permet réellement
de densifier l’accompagnement et
d’avoir un impact positif sur le retour
à l’emploi . Avec une capacité limitée
25
Conclusion
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Au terme des travaux effectués par les juridictions financières, les résultats du
RSA apparaissent contrastés . Deux succès importants peuvent être mis à son
actif : la protection des allocataires contre la grande pauvreté et la suppression
des trappes à inactivité . Trois faiblesses majeures sont en revanche relevées : une
atteinte insuffisante du public cible, qui laisse subsister des situations de précarité
et d’exclusion ; une faiblesse de l’accompagnement et de la contractualisation, qui
obère les perspectives d’insertion et prend à défaut la logique des droits et devoirs
voulue par le législateur ; et,
in fine
, un accès difficile à l’emploi, qui compromet la
promesse centrale du dispositif de faire des revenus du travail le principal rempart
contre la pauvreté .
À défaut d’un engagement fort de l’ensemble des acteurs, le RSA risque d’évoluer,
pour un nombre croissant de personnes, vers une simple allocation de survie,
marquant l’échec des ambitions affichées en 2008 lors de sa création .
27
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Au vu de ces constats, les juridictions
financières formulent dix-sept recom-
mandations précises qui procèdent de
trois orientations générales :
1.
L’augmentation de la couverture
de la population cible : au-delà de
l’amélioration utile et nécessaire
des outils actuels visant à faciliter le
versement de l’allocation, une étape
supplémentaire doit être franchie en
engageant une expérimentation pour
automatiser la notification d’éligibilité
au RSA . Les juridictions financières
estiment en effet que l’automatisation
du versement des droits eux-mêmes
ne serait plausible que si ceux-ci
étaient dissociés d’une obligation
d’accompagnement, ce qui n’est pas
la philosophie actuelle du RSA et
ne correspond pas aux orientations
proposées ici .
2.
La pleine application des droits et
devoirs réciproques : au cœur de la
logique du RSA mais actuellement
dévoyés, les droits et devoirs de
l’allocataire comme des organismes
d’accompagnement doivent retrouver
leur pleine signification, conformément
à ce qui est prévu par la loi . Ceci passe par
le renforcement des droits (amélioration
et sécurisation du versement de
l’allocation, meilleure adaptation de
l’accompagnement et de son intensité
aux difficultés individuelles) mais aussi
par un suivi réel des obligations . La
formalisation des engagements de
l’organisme d’accompagnement et du
bénéficiaire doit être systématique, tout
comme la sanction des manquements
avérés . Enfin, les parcours doivent être
mieux adaptés à l’évolution des besoins
des personnes, pour éviter l’ancrage
de longue durée dans le RSA et pour
mieux prendre en compte la situation
des allocataires qui y sont durablement
bloqués et éloignés de l’emploi .
3.
Une responsabilisation accrue des
départements et une réforme du
financement : si les départements, chefs
de file de l’action sociale, sont appelés
à demeurer les responsables du RSA et
de la politique d’insertion, des mesures
complémentaires doivent être prises
afin que les évolutions recommandées
ici soient possibles et convenablement
pilotées dans le respect du principe
« financeur = décideur » (échanges des
données entre acteurs, mise en place
d’un suivi statistique des parcours
individuels, coordination des partenaires
et réforme du financement du RSA) .
Orientations
29
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
Sur le versement de l’allocation
À destination de l’État, des
départements, de la Cnaf et de
la CCMSA
1.
Simplifier, accélérer et sécuriser
le versement de l’allocation en
améliorant l’ensemble des outils,
dont la téléprocédure, les simulations
et l’automatisation de la déclaration
trimestrielle, ainsi que les échanges
de données entre administrations et
opérateurs .
2.
Achever le chantier de la simpli-
fication et de l’harmonisation des
règlementations relatives au RSA et
aux autres prestations de solidarité,
s’agissant notamment des revenus pris
en compte dans le calcul des droits .
3.
Expérimenter l’automatisation de
l’information d’éligibilité probable à
l’allocation, afin d’en mesurer l’impact
sur le non-recours et la qualité de
service, et d’identifier les condi-
tions préalables d’une éventuelle
généralisation .
Sur l’accompagnement et les
parcours
À destination de l’État, des collectivités
territoriales, de Pôle emploi et de
l’ensemble des organismes référents
4.
Intégrer aux pactes territoriaux
d’insertion (PTI), prévus à l’article
L . 263-2 du code de l’action sociale
et des familles, la définition de
lignes directrices relatives au dispo-
sitif d’orientation des bénéficiaires,
comportant notamment les princi-
paux critères permettant de choisir
le parcours le mieux adapté à leurs
besoins .
5.
Réaliser un diagnostic précis et
complet de la situation des personnes
et de leurs besoins avant de les inscrire
dans des types d’accompagnement de
durée et d’intensité différentes .
6.
Tirer parti d’une plus grande
différenciation des modalités
d’accompagnement pour intensifier
le contenu du contrat et des actions
prescrites en direction des personnes
les plus en difficulté .
7.
Réexaminer le diagnostic et
l’orientation des personnes entre
organismes d’accompagnement à
chaque échéance de contrat (CER et
PPAE), afin de mieux répondre aux
besoins .
8.
Afin de prévenir une ancienneté
excessive et bloquante, proposer sys-
tématiquement l’inscription dans un
parcours de formation ou d’emploi au
plus tard deux ans après l’entrée dans
le dispositif, en mobilisant au besoin
toutes les formes d’emplois aidés .
9.
Supprimer les dernières configu-
rations de désincitation à l’activité
causées par les barèmes des aides .
10.
Améliorer la connaissance des
aides connexes locales afin d’identifier
l’existence d’éventuels effets
dissuasifs vis-à-vis de l’activité dans
les territoires .
30
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
Sur les droits et devoirs
À destination des départements,
de Pôle emploi et de l’ensemble
des organismes référents
11.
Contractualiser systématiquement
les engagements de l’organisme
d’accompagnement et du bénéficiaire,
sous la forme d’actions précises,
mesurables et opposables .
12.
Faire du contrat le véritable outil
de suivi des parcours en rendant
son contenu ainsi que le suivi de son
exécution accessible à tout moment
à l’allocataire et à l’ensemble des
acteurs institutionnels impliqués .
13.
Sanctionner systématiquement les
manquements avérés aux obligations
du contrat liant l’allocataire et son
organisme d’accompagnement .
Sur la gouvernance et le
financement du dispositif
À destination de l’État, des
départements, de Pôle emploi,
de la Cnaf et de la CCMSA
14.
Renforcer la coordination
sous l’autorité du département en
fusionnant PTI et plan départemental
d’insertion en un document unique de
pilotage et de programmation, et en y
associant au minimum l’État, la CAF,
la Région et Pôle emploi .
15.
Mettre en place une instance
départementale réunissant les
signataires de ce nouveau document
unique afin d’en assurer le suivi et
d’examiner son bilan annuel ainsi que
les résultats issus du suivi statistique
des parcours individuels .
16.
Poursuivre et étendre la mise en
place d’un suivi statistique des par-
cours individuels d’insertion grâce à
l’appariement des bases de données
de l’ensemble des acteurs, qui per-
mette de suivre de façon normalisée
les orientations et réorientations
individuelles, les types et actions
d’accompagnement mobilisés, les
résultats de l’accompagnement et
les ressources qui lui sont consacrées .
17.
Réformer le dispositif de
financement du RSA en privilégiant
le transfert aux départements
de ressources durables dont la
dynamique est cohérente avec celle
de la dépense .