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DEUXIEME CHAMBRE
S2021-1718
TROISIEME SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LA POLITIQUE DE
DÉVELOPPEMENT DES
BIOCARBURANTS
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 21 juillet 2021.
En application de l’article L. 143
-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
2
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
LISTE DES RECOMMANDATIONS
........................................................................
9
INTRODUCTION
...................................................................................................
11
1
LES BIOCARBURANTS CO
NVENTIONNELS, JUSQU’
A PRESENT
PREMIERE ENERGIE RENOUVELABLE DANS LES TRANSPORTS
........
14
1.1
Une politique presque entièrement centrée sur une augmentation continue des
taux d’incorporation de biocarburants
............................................................
14
1.1.1 Une politique allant au-
delà des objectifs européens d’énergie renouvelable
dans les transports
...........................................................................................
14
1.1.2
Des carburants plus nombreux et à taux d’incorporation de plus en plus
élevé
................................................................................................................
17
1.1.3
Une part d’énergie renouvelable dans les transports en augmentation
...........
19
1.1.4 Les autres choix de politiques retenus dans le reste du monde
.......................
21
1.2
Un bilan économique insatisfaisant en France
...............................................
24
1.2.1 Une concurrence avec la production alimentaire maîtrisée en Europe
...........
24
1.2.2 Une stratégie plus favorable aux agro-
industries qu’aux agriculteurs
............
26
1.2.3
Des infrastructures qui doivent s’adapter à une large gamme de carburants
routiers
.............................................................................................................
31
1.2.4 Un solde extérieur des échanges en biocarburants désormais négatif
.............
32
1.3
Un bilan environnemental globalement négatif
.............................................
34
1.3.1
Des atteintes à la biodiversité et à la qualité des sols, de l’eau et de l’air
.......
34
1.3.2 Des impacts à mieux étayer
.............................................................................
36
1.4
Un bilan climatique décevant
.........................................................................
38
1.4.1 Une politique française sans effet suffisant pour lutter contre le changement
climatique
........................................................................................................
38
1.4.2 Des émissions de GES non négligeables mais encore mal évaluées
...............
39
1.4.3 De nouveaux objectifs de réduction des émissions de CO2 pénalisants pour
les biocarburants
..............................................................................................
46
2
UNE STRATEGIE A CLARIFIER, DES OUTILS A ADAPTER
.....................
49
2.1
Des outils manquant de cohérence
.................................................................
49
2.1.1 Une gouvernance éclatée et une concertation à mieux organiser
....................
49
2.1.2
Des objectifs d’incorporation de biocarburants dans les transports atteints
grâce à la taxe incitative à l’incorporation de biocarburants
...........................
51
2.1.3 Des modalités contestables de modulation de la TICPE pour favoriser
l’augmentation des taux d’incorporation des biocarburants
............................
56
2.2
Un contrôle de la durabilité des biocarburants à renforcer
............................
61
2.2.1
Une traçabilité jusqu’alors mal assurée pour les États
....................................
61
2.2.2 De nouveaux moyens restant encore à déployer
.............................................
63
2.3
La difficile transition vers les biocarburants avancés
....................................
64
2.3.1 Des investissements mondiaux et un effort de recherche en baisse
................
64
2.3.2 Des perspectives industrielles incertaines
.......................................................
67
2.3.3 De possibles débouchés en biocarburants dans le secteur aérien
....................
70
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
4
2.4
Des incertitudes à lever, des objectifs à mettre en cohérence
........................
73
2.4.1 Une fin des véhicules neufs légers utilisant des carburants fossiles à
anticiper
...........................................................................................................
73
2.4.2 Un mix énergétique futur incertain et une sobriété primordiale en transport .. 74
2.4.3
La nécessité économique d’éclairer et d’orienter rapidement la transition
.....
76
ANNEXES
...................................................................................................................
81
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
5
SYNTHÈSE
Les biocarburants, aussi appelés agrocarburants, sont des substituts aux carburants
fossiles (essence ou gazole) auxquels ils sont incorporés. Tous les carburants liquides distribués
en France en contiennent
aujourd’hui
. Ils sont produits à partir de végétaux ou dans une moindre
mesure,
de graisses animales ou d’huiles usées
. Les biocarburants conventionnels (ou de
première génération) sont produits à partir de matières premières destinées à la consommation
alimentaire avec laquelle ils entrent en concurrence
1
; c’est pourquoi la prochaine génération
de biocarburants, dits avancés, est développée à partir de biomasse
non destinée à l’aliment
ation
humaine
2
.
Après une première évaluation de la politique de développement des biocarburants,
publiée en 2012 et actualisée en 2016
3
, le présent rapport
4
rend compte des évolutions
intervenues depuis ces communications, en analyse les avantages, les inconvénients et les
contradictions, notamment
au regard de l’enjeu de
la réduction des émissions de gaz à effet de
serre, devenu majeur au sein
de l’Union européenne
, dans le cadre de nos engagements
internationaux et des objectifs de développement durable
adoptés par l’Organisation des
Nations Unies en 2015.
Une politique
fortement incitative à l’incorporation
de
biocarburants, essentiellement conventionnels, dans les transports
routiers
Dans le cadre de la politique européenne favorisant le recours aux énergies
renouvelables dans les transports, la France a choisi d’encourager l’incorporation
de
biocarburants dans des proportions de plus en plus élevées dans les carburants fossiles routiers
et non routiers
5
, en
s’appu
yant sur trois principaux instruments :
une règlementation autorisant des taux d’incorporation de biocarburants croissants dans les
carburants essence et diesel ;
une taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB), dont les objectifs ne
sont pas exprimés en termes environnementaux mais qui pénalise les opérateurs n’atteignant
pas un taux cible d’incorporation progressivement augmenté
; en 2022, cette taxe deviendra
la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT)
pour favoriser également l’utilisation d’électricité renouvelable
;
des réductions de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)
pour certains carburants à fort taux d’incorporation.
1
Par exemple : le blé, la betterave, le colza.
2
Il peut s’agir de déchets de bois ou des parties ligno
-cellulosiques de certains végétaux, par exemple :
la bagasse ou les drêches de certaines céréales (blé, maïs), même si ces dernières peuvent aussi être employées
pour l’alimentation animale.
3
Rapport public thématique :
Les politiques d’aide aux biocarburants
(janvier 2012). Insertion au
rapport public annuel :
Les biocarburants, des résultats en progrès, des adaptations nécessaires
(février 2016).
4
Le présent rapport ne traite que des carburants liquides en excluant les carburants gazeux, comme par
exemple le biométhane.
5
Les carburants non routiers sont ceux dont la consommation est réservée à certains véhicules spéciaux,
notamment les engins agricoles, forestiers, fluviaux ou de travaux publics.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
6
Cette politique a eu des effets significatifs
: le taux d’énergie renouvelable dans les
transports a connu une augmentation régulière, pour atteindre 9,25 % en 2019, soit un
pourcentage proche de la cible de 10 % en 2020 et comparativement élevé au sein
de l’Union
européenne. Toutefois, les biocarburants
n’
entraînent
qu’
une réduction limitée à 4,5 % des
émissions de gaz à effet de serre (GES)
par rapport à l’usage de carburants uniquement fossi
les.
Ce résultat est encore éloigné de
l’objectif européen de 6% en 2020.
Cette stratégie n’est pas sans inconvénients.
La fiscalité est le principal outil mis en
œuvre par l’État pour favoriser la consommation de biocarburants.
Les réductions des tarifs de
TICPE
pour les carburants à fort taux d’incorporation
sont ainsi appliquées sans aucune
rationalité à certains d’entre eux et sans tenir compte des surcoûts de production imputables aux
biocarburants incorporés. Elles conduisent
à une surcompensation de ces surcoûts, ce qui n’est
pas conforme à la règlementation européenne sur la taxation des produits énergétiques.
Des bénéfices plus limités pour les agriculteurs que pour les agro-
industriels, une dépendance extérieure
qui s’aggr
ave
L’utilisation de productions agricoles pour la fabrication de biocarburants ne fait pas
consensus, notamment en raison du prélèvement qui en résulte sur les ressources vivrières
disponibles. Cette question fait débat dans de nombreuses régions du monde. Elle est tranchée
par la règlementation européenne, qui a plafonné à 7 % la part d'énergie des biocarburants
conventionnels, fabriqués à partir de céréales et d'autres plantes riches en amidon, sucrières et
oléagineuses produites sur des terres agricoles (blé, betterave, colza, etc.). Certaines mesures
mises en œuvre en France, avec l’accord de la Commission européenne, tendent toutefois à
dépasser ce plafond pour le porter en 2022 à 8
%, en utilisant les marges d’interprétation entre
les notions de produits, de coproduits et de résidus.
Cette politique a favorisé dans la décennie 2000 un développement agro-industriel.
Actuellement, la France est le premier producteur européen de biodiesel et le deuxième
producteur
d’éthanol. La filière
française des biocarburants représente 13 500 emplois au sein
des exploitations agricoles et 18 600 emplois et au sein des agro-industries. Cependant, les
productions plafonnent depuis une dizaine d’années
dans notre pays et les groupes industriels
connaissent des difficultés liées à une concurrence plus forte et à la fin des quotas sucriers.
Cette tendance devrait aller croissant pour la filière biodiesel, compte tenu de la baisse des
ventes de véhicules gazole.
En matière agricole, les biocarburants constituent un marché complémentaire important
pour les oléo-protéagineux, les plantes sucrières et les céréales. Ils mobilisent en France plus
des trois quarts de la production de colza, environ 10 % des betteraves et 4,5 % du blé et du
maïs produits, sur environ 3,6% de la surface agricole utile nette (hors coproduits qui reviennent
à l’alimentation du bétail
, la production de colza contribuant
à l’indépendance protéique pour
l’alimentation animale
). L
’intérêt des bi
ocarburants est cependant plus nuancé pour les
agriculteurs spécialisés en oléo-protéagineux, plantes sucrières et céréales qui, malgré ce
soutien, ont vu leurs revenus agricoles par exploitation devenir inférieurs à la moyenne (avant
la pandémie et la jaunisse de la betterave de 2020).
Enfin, le solde global des échanges commerciaux en biocarburants est déficitaire depuis
2016, principalement du fait d’
acquisitions intra-européennes, et continue à se creuser. En
2019, avant la crise sanitaire, le déficit atteignait
472 M€.
En effet, au sein des carburants mis
à la consommation sur le territoire, la part des biocarburants produits dans des usines de
transformation en France diminue : elle était de 68
% en 2014 et n’est plus que de 48
% en
2019. Dans le même temps, la part en volume de matières premières françaises utilisées a chuté
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
7
de deux tiers à un peu plus d’un tiers
, avec un bilan contrasté : le biodiesel emploie un quart de
matières premières françaises seulement (principalement du colza), alors que les biocarburants
essence en utilisent deux tiers (betteraves et céréales).
Comme la Cour l’avait déjà observé dans son rapport public de
janvier 2012, la politique
de développement des biocarburants ne répond donc qu’imparfaitement à ses deux objectifs
historiques : compenser pour les agriculteurs les effets du gel des terres, issu de la réforme de
la politique agricole commune de 1992, et diminuer la dépendance aux importations de
carburants fossiles.
Un bilan environnemental négatif et un bilan climatique décevant
Le troisième objectif de la politique de développement des biocarburants est
environnemental et climatique. Malgré une grande complexité méthodologique, de nombreuses
études scientifiques soulignent le bilan environnemental défavorable des biocarburants
conventionnels et mettent en évidence leurs multiples atteintes à la biodiversité, à la qualité de
l’eau, de l’air et des sols
. En particulier, la combustion des biocarburants entraîne des émissions
de polluants atmosphériques comparables à celles
de l’essence ou du gazole.
Le bilan climatique des biocarburants conventionnels est également décevant. Même si
leur combustion entraîne des émissions de gaz à effet de serre (GES) équivalentes à celles des
carburants fossiles, il a longtemps été considéré que les GES issus de cette combustion ayant
été préalablement absorbés par les végétaux utilisés pour leur fabrication, leurs émissions nettes
étaient inférieures à celles
de ces derniers. Cependant, les évaluations des gains d’émissions de
gaz à effet de serre (GES) dus aux biocarburants sont perfectibles
. D’une part,
les effets de
changement d’affectation des sols
sont à prendre en compte plus systématiquement.
D’autre
part,
le dispositif de soutien et d’incitation
est fondé en France sur la seule part d
’énergie
renouvelable incorporée (objectif intermédiaire) et non, comme en Allemagne et en Suède, sur
un mécanisme incitatif de réduction des émissions de CO
2
(objectif final). De ce fait, les
biocarburants ayant les meilleures performances en termes de réduction des émissions de GES
sont attirés vers ces pays, qui les valorise davantage.
Par ailleurs, les forfaits d
émission de GES utilisés
pour évaluer l’intérêt des
biocarburants dans le cadre de la directive européenne sur les énergies renouvelables (EnR) ne
sont pas totalement satisfaisants, notamment ceux spécifiques au transport et à la distribution :
indépendants de la provenance du biocarburant ou de ses matières premières et avec certaines
valeurs basses (notamment pour le colza), ils avantagent les producteurs extra-européens et
posent de ce fait un problè
me de cohérence avec l’objectif poursuivi
de baisse des émissions de
GES du secteur des transports.
Enfin, le contrôle du respect des critères européens de durabilité est assuré par un
système de certification, dont les auditeurs rendent compte à la Commission européenne. Ce
dispositif de traçabilité
et d’évaluation
manquait de supervision européenne et était peu
transparent pour les États. La Commission européenne a pris de récentes sanctions pour les
rares fraudes détectées (une seule en France). Le projet de base de données européenne, anticipé
par la France sous la forme d’une plate
-forme interactive et les nouvelles possibilités de la
directive EnR2, qui permettent notamment aux États
d’interroger les opérateurs, constituent des
avancées. I
l convient de s’
en emparer, de mener à bien le développement des outils
correspondants et de les exploiter.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
8
Une stratégie à clarifier pour l’avenir
La politique en faveur des biocarburants est au confluent de plusieurs politiques
majeures et évolutives
: des objectifs agricoles ont initialement donné l’impulsion, puis
l’objectif d’indépendance énergétique a prévalu, avant la prise en compte du poids croissant
des objectifs climatiques et environnementaux, au regard desquels les biocarburants
conventionnels ont un effet plutôt défavorable. Elle est également liée aux objectifs fixés en
matière de biodiversité, de transports (terrestre, aérien et maritime) et de qual
ité de l’air
, ainsi
qu
’aux
stratégies
d’utilisation de la
biomasse et
de l’
énergie, qui dépassent le cadre national :
son pilotage est dès lors complexe et de fait insuffisant.
Tandis que le développement des biocarburants conventionnels a atteint son plafond,
les incitations au recours aux biocarburants avancés s
ont, pour l’heure,
insuffisantes et de peu
d’effet. La production de
biocarburants avancés à base de résidus ligno-cellulosiques
commence à se développer dans le monde, tout en restant faible. En
France, elle n’en est qu’
au
stade de démonstrateurs ne permettant
d’en garantir que la faisabilité technique. Les efforts de
recherche sont en baisse. Les coûts de fabrication élevés rendent encore difficile une utilisation
à une large échelle des biocarburants avancés dans le transport routier. Ces biocarburants sont
pour le moment surtout considérés comme une source de décarbonation du transport aérien à
court ou moyen terme, qui reste encore à confirmer. À ce stade, seuls les biocarburants produits
à partir de résidus viniques, d’huiles usagées et de graisses animales font l’objet d’une
production industrielle. Toutefois, les ressources de ces matières premières sont limitées.
L’insuffisance de l’effort de recherche et des investissement
s privés pour les
biocarburants avancés est une conséquence de
l’
incertitude quant à la stratégie française.
L’annonce de l’i
nterdiction des véhicules thermiques neufs à partir de 2035
6
rend d’autant plus
nécessaire une clarification de cette stratégie, en anticipant la baisse de consommation de
biocarburants conventionnels qui en résultera, ainsi que, par ailleurs, une hausse potentielle des
besoins en biocarburants avancés (biojet
dans l’aviation
).
Les éléments disponibles à ce stade convergent vers un mix de solutions pour atteindre
la neutralité carbone dans les
transports, comme dans d’autres secteurs d’activité
. Par rapport à
la moyenne européenne, la France dispose de matières premières pouvant constituer des
biocarburants et biojets de deuxième et éventuellement troisième générations (paille, résidus de
bois, algues, etc.). Leur apport au mix énergétique des transports doit rester mesuré pour éviter
les effets de concurrence avec la biodiversité et
l’alimentation
animale. Leur déploiement
nécessite cependant un effort de recherche et développement, ainsi que des investissements
d’industrialisation substantiels, qui ont besoin de visibilité sur la
trajectoire de transition et les
moyens associés. La Cour recommande donc
d’élaborer une stratégie pour l’avenir des
biocarburants avancés, en particulier aériens, et des biocarburants conventionnels dans la
perspective de
l’
abandon programmé de la motorisation thermique routière.
6
Paquet climat « Fit for 55 » publié par la Commission Européenne le 14 juillet 2021.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
9
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1 :
(DGPE, DGEC, DGALN, 2022)
: Produire un rapport d’évaluation
des impacts environnementaux et agronomiques des matières premières utilisées pour la
production de biocarburants et les expérimentations de cultures énergétiques, en prenant en
compte leurs origines géographiques.
Recommandation n°
2 :
(DGEC, 2022)
: Porter auprès de l’Union européenne une demande
de
modulation selon l’origine géographique des forfaits d’émissions de GES pour le transport
et la distribution des biocarburants et de leurs matières premières (en particulier les esters
méthyliques d’huiles végétales de colza, l’éthanol de blé et les huiles
usagées).
Recommandation n°
3 :
(DGFIP, DGEC, 2022) : Proposer de fonder les réductions de tarif
de TICPE accordées pour la mise à la consommation de carburants SP95 E10, E85, ED 95 et
gazole B100 sur des données fiables et objectives de surcoûts.
Recommandation n°
4 :
(DGEC, FranceAgriMer, 2022) : Achever de déployer la base de
données interactive biocarburants en 2021 et renforcer les moyens d’observation, d’analyse
, si
nécessaire de contrôle ainsi que leur coordination.
Recommandation n°
5 :
(DGEC, DGE, DGPE, 2022) : Définir une stratégie de transition
pour préciser l’évolution
à long terme respectivement des biocarburants conventionnels
d’une
part et avancés
d’autre part,
dans le mix énergétique des transports.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
10
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
11
INTRODUCTION
L
a politique menée à l’égard
des biocarburants qui a été examinée
à l’occasion de la
présente enquête peut contribuer à la poursuite des objectifs de développement durable n° 7.2
(d’ici à 2030, accroître nettement la part de l’énergie renouvelable dans le
bouquet énergétique
mondial) et 13.2 (incorporer des mesures relatives aux changements climatiques dans les
politiques, les stratégies et la planification nationales) adoptés par l’Organisation des Nations
Unies en 2015, qui font l’objet d’indicateurs de suivi au niveau de l’Union européenne et de la
France.
D’une façon plus générale, ces sujets relèvent de stratégies, plans, règlements et
directives de l’Union européenne, qui, d’application directe ou transposés en droit français et
complétés par des textes nationaux en tant que de besoin, constituent le cadre juridiquement
contraignant des politiques publiques concernées. Un biocarburant
terme usuel couramment
employé en lieu et place de celui d’«
agrocarburant » qui serait tout aussi adapté pour un produit
énergétique fabriqué en quasi-totalité à partir de céréales, de plantes sucrières ou
d’oléagineux
est un combustible liquide ou gazeux
7
issu de la matière organique végétale ou
dans certains cas animale ou usée, destiné à alimenter des moteurs thermiques pour en
transformer l’énergie chimique en énergie mécanique, au même titre qu’un carburant fossile
issu principalement de la distillation du pétrole et dont il est un substitut. Ce carburant est
renouvelable et dénommé biocarburant au motif que, à la différence des carburants fossiles, la
production de gaz à effet de serre (GES) qui résulte de sa combustion est en partie compensée
par l’absorption de GES intervenue lors de la croissance du végétal.
L’utilisation de la biomasse pour la production d’éner
gie, longtemps abandonnée au
profit du pétrole, est progressivement réapparue dès la crise pétrolière des années soixante-dix :
notamment au Brésil, qui a développé une importante filière de production d’éthanol à partir de
la canne à sucre. En 1998, par une première directive
8
, l’Europe a autorisé les États membres à
incorporer des biocarburants dans les carburants fossiles. En juillet 2004, le plan climat de la
France a fixé l’objectif d’une
utilisation renforcée des biocarburants, inscrit pour la première
fois dans la loi POPE du 13 juillet
2005. Progressivement, l’objectif d’incorporation a
augmenté et les dispositifs d’incitation ont été renforcés.
L’utilisation de biocarburants dans les transports
cherchait à répondre à trois
préoccupations : compenser pour les agriculteurs les effets du gel des terres qui a résulté de la
réforme de la politique agricole commune de 1992, diminuer la dépendance aux importations
de carburants fossiles et contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). La
Cour a eu à connaître de la politique de développement des biocarburants dans les transports à
plusieurs reprises, notamment dans un rapport public en janvier 2012 qui concluait à la
réalisation contrastée pour le premier objectif mentionné, faible pour les deux autres.
L’objet
du présent rapport est de rendre compte des évolutions intervenues depuis lors dans cette
politique (I) et d’appeler à une clarification de la stratégie (II).
7
Le présent rapport ne prend pas en compte les carburants renouvelables non liquides, notamment les biogaz,
principalement composés de méthane.
8
Directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la qualité de l’essence et des carburants diesels
et modifiant la directive 93/12/CEE du Conseil.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
12
Présentation simplifiée des biocarburants
Il existe deux filières de biocarburants liquides
9
: celle des alcools pour les moteurs à
essence, celle des huiles pour les moteurs diesel. La filière des alcools produit des éthanols à
partir du sucre ou de l’amidon de certaines cultures (betteraves, canne à sucre, blé, maïs
notam
ment). La filière des huiles produit des esters méthyliques fabriqués à partir d’huiles
végétales (esters méthyliques d’huiles végétales
-
EMHV) extraites d’oléagineux (colza, soja,
palmier à huile), de graisses animales (EMHA) ou d’huiles usées (EMHU). Le
s EMHV, EMHA
et EMHU sont généralement réunis sous la dénomination commune d’esters méthyliques
d’acides gras (EMAG).
On distingue habituellement trois générations de biocarburants fabriqués à partir de
végétaux. La première (1G), dite « conventionnelle » est produite à partir de plantes
couramment utilisées pour la production agroalimentaire, avec laquelle elle entre donc en
concurrence. La deuxième (2G), dite « avancée », est encore généralement issue de la
production agricole mais n’utilise que la partie
ligno-cellulosique des plantes (la paille, la
bagasse, etc.) inutilisable pour l’alimentation humaine. Elle n’est pas encore parvenue au stade
industriel
en France mais se développe en Europe de l’Est, en Inde, en Amérique du Nord
. La
troisième génération (3G) pourrait utiliser des ressources ne provenant pas de productions
agricoles, par exemple des algues. Elle demeure au stade de l’hypothèse.
Les biocarburants de type éthanol ou EMHV/EMHA/EMHU ne peuvent pas être utilisés
purs dans les moteurs thermiques, ils sont incorporés dans des proportions limitées et
règlementées dans les carburants routiers mis à la consommation, dont la liste est précisée au
tableau n° 1 ci-
après. Ils présentent la particularité d’avoir un contenu énergétique inférieur à
celui d
es carburants fossiles, ce qui a pour effet d’augmenter leur consommation dans une
proportion inverse de leur moindre contenu énergétique par rapport aux carburants fossiles (voir
tableau).
Des procédés plus innovants, mais plus coûteux, aujourd’hui parven
us au stade
industriel permettent de produire des biocarburants dits HVO, proches des carburants fossiles
notamment par leur contenu énergétique, et substituables pour être directement brûlés dans les
moteurs thermiques. Le procédé HVO peut être utilisé pour la fabrication de carburants fossiles
comme de biocarburants conventionnels ou avancés. Il consiste principalement à supprimer les
molécules d’oxygène contenues dans les produits énergétiques par un traitement en présence
d’hydrogène.
9
Voir en Annexe n° 4 une présentation plus complète des différents types de biocarburants.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
13
Liste des carburants autorisés à la mise à la consommation en France
Carburant
Biocarburant
incorporé
Teneur maximum en
biocarburant (en
volume
10
)
Contenu
énergétique
en MJ/litre
11
Moindre contenu énergétique
par rapport à un carburant
entièrement fossile
Carburants destinés aux moteurs essence
SP98
Éthanol
7,5 %
31,2
-2,50 %
SP95
Éthanol
7,2 %
31,2
-2,50 %
SP95E10
Éthanol
10,2 %
30,9
-3,44 %
E85
Éthanol
Entre 60 % et 85 %
22,7 à 24,9
Entre -22,19 % et -29,06 %
Carburants destinés aux moteurs diesel
B0
EMAG
0,0 %
36,0
-0,00 %
B7
EMAG
7,0 % (maxi)
35,8 (mini)
-0,56 %
GNR
EMAG
7,0 % (maxi)
35,8 (mini)
-0,83 %
B10
EMAG
10,0 % (maxi)
35,7 (mini)
Entre -1,94 % et -2,50 %
B30
EMAG
Entre 24 %t 30 %
35,1 à 35,3
-8,33 %
B100
EMAG
96,5 % (mini)
33,0
-34,38 %
ED95
12
Éthanol
100,0 %
21,0
-41,67 %
Source : Cour des comptes
Note de lecture : Si un automobiliste effectue un parcours de 100 km en consommant sept litres de carburant SP95
(soit 6,50 litres d’essence et 0,50 litres d’éthanol), sa consommation d’énergie sera de 218,4 MJ (31,2 MJ/litre).
S’il utilise le carburant E85 (23,8 MJ par litre en moyenne), sa consommation pour effectuer le même parcours sera
de 9,17 litres (7 l x 31,2 MJ / 23,8 MJ), soit 2,29 litres d’essence et 6,88 litres d’éthanol.
Si un transporteur routier effectue un parcours de 1 000 km avec un ensemble articulé consommant 34,2 litres pour
100 km et utilise du gazole B7, sa consommation sera de 342 litres de carburant, dont 318 litres de gazole et 24
litres d’EMAG. Sa consommation d’énergie sera de 12 244 MJ (35,8 MJ/litre). S’il utilise du gazole B100 (33,0 MJ
par litre), sa consommation pour effectuer le même parcours sera de 371 litres (342 l x 35,8 MJ / 33,0 MJ), sans
aucun carburant fossile.
10
Sauf pour le carburant B100 dont le plafond d’incorporation d’EMAG est exprimé en pourcentage massique.
11
MJ = mégajoule. Règlementairement, ce contenu énergétique peut var
ier selon les taux d’incorporation réellement
appliqué par les opérateurs. Les données ici prises en compte résulte
nt des pratiques couramment mises en œuvre par ces
derniers.
12
Carburant destiné à certains moteurs diesel.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
14
1
LES
BIOCARBURANTS
CONVENTIONNELS,
JUSQU’A
PRESENT PREMIERE ENERGIE RENOUVELABLE DANS LES
TRANSPORTS
Cette partie résume les objectifs et résultats de la politique de développement des
biocarburants. Elle souligne le caractère décevant du bilan économique, environnemental et
climatique des biocarburants de première génération.
1.1
Une politique presque entièrement centrée sur une augmentation
continue des taux d’incorporation de biocarburants
1.1.1
Une politique allant au-delà des objectifs européens
d’énergie renouvelable
dans les transports
Des
objectifs partagés au sein de l’UE
La
réglementation commune pour l’utilisation des énergies renouvelables dans l’
Union
européenne
13
, destinée à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et promouvoir des
transports moins polluants, a fixé en 2009 puis en 2018 des objectifs nationaux contraignants
pour tous les pays de l’UE avec l’ambition générale d’atteindre
:
20 % en 2020 puis 32 % en 2030
d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans
la consommation totale d’énergie de l’Union europ
éenne en 2020,
10 % en 2020 puis 14 % en 2030
d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie
finale dans le secteur des transports (routier, maritime, aérien).
Ces parts d’énergie provenant de sources renouvelables sont calculées en termes de
consom
mation finale brute d’énergie. Est réputée renouvelable une énergie produite à partir de
sources non fossiles renouvelables soit
: l’énergie éolienne, solaire (thermique ou
photovoltaïque), géothermique, l’énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotr
ice et
d'autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz
des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz
14.
En 2019, dans l
’objectif de faire du continent européen le premier à atteindre la
neutralité carbone en 2050, la Commission européenne a présenté un « pacte vert pour
l’Europe
» pour 2019-2024, qui comporte un nouvel objectif intermédiaire de réduction de 55%
des émissions de GES d’ici 2030 (base 1990
). Pour
l’atteindre
, des mesures devront être prises
dans tous les secteurs (énergie, transports, agriculture, environnement, biodiversité, qualité de
l’air, industries…)
. Le transport routier
qui représente aujourd’hui un cinquième des émissions
de GES de l’UE et dont les émissions ont augmenté de plus d’un
quart depuis 1990, constitue
un défi. La Commission souligne donc l’enjeu important de la décarbonation de ce secteur.
13
Soit successivement les directives 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009
et 2018/2001/UE du 11 décembre 2018, couramment dénommées EnR 1 et 2.
14
Définition donnée dans la directive 2018/2001/UE du 11 décembre 2018.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
15
Des objectifs actuels plus élevés en France
Pour répondre aux objectifs des directives ENR,
l’ordonnance n° 2011
-1105 du
14 septembre 2011 puis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte ont
prévu que l’État crée les conditions pour que la part de l'énergie produite à
partir de sources renouvelables dans tous les modes de transport soit égale au moins à 10 % de
la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports en 2020, puis 15 % en 2030
15
.
Ces objectifs sont déclinés dans les décrets du
27 octobre 2016
et du
21 avril 2020
relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui fixent plusieurs objectifs visant la
réduction de la consommation d’énergie fossile, le développement des é
nergies renouvelables
dans la production d’électricité, de chaleur et de froid, par l’électromobilité et le recours à des
carburants liquides ou gazeux d’origine renouvelable.
Ils se traduisent également dans la Stratégie nationale bas carbone (
SNBC
), qui définit,
pour chacun des secteurs d’activité (dont les transports), une trajectoire de réduction des
émissions de GES jusqu’en 2050, associée à des «
budgets carbone » annuels. Suite à la
publication du rapport du GIEC de 2018, la trajectoire est plus ambitieuse à partir de 2019.
Les enjeux
des biocarburants dans l’EnR et la réduction des GES des
transports
Les transports sont le premier secteur émetteur de GES en France, avec 136 Mt de CO
2
équivalent émis en 2019
16
, soit 31 % du total national (à comparer à une part moyenne 2017 de
21.9 % en Europe, derrière celle de
l’industrie de l’énergie
de 27.3 %, plus limitée en France
du fait de
la production électrique d’origine nucléa
ire conséquente)
. Or, si l’ensemble des
émissions de GES françaises ont baissé globalement de 15 % entre 1990 et 2019, les émissions
de GES des transports ont cru de leur côté de 13 % et sont le seul secteur en augmentation (les
émissions des bâtiments résidentiels et tertiaires présentent un niveau similaire à celui de 1990).
Graphique n° 1 :
Émissions françaises selon la stratégie Nationale Bas Carbone (Mt CO
2
eq)
Source : Évolution des émissions de la France entre 1990 et 2025 pour atteindre la neutralité carbone.
Données du Projet Stratégie Nationale Bas carbone, version décembre 2018, analyse et calculs Carbone 4
Cette hausse des émissions de GES en transports diffère selon les catégories de
véhicules : de 8 % pour les voitures particulières qui représentent la moitié des émissions à
42 % pour les véhicules utilitaires légers qui émettent 20 % des GES, en passant par les poids
lourds (y compris les bus) qui émettent 9 %
de GES de plus qu’en 1990, soit 22
% des GES.
15
Voir l’article L. 100
-
4 du code de l’énergie (CDE).
16
Source : Chiffres clés du climat,
SDES
. Voir également
l’observatoire climat
-énergie
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
16
L’augmentation
est corrélée au niveau de la circulation depuis 1990. En effet, entre 1990
et 2017 le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules routiers a cru de 42 % et le nombre
de kilomètres parcourus par voyageur en véhicules particuliers a augmenté de 26 % sur la
période (avec une moindre hausse que celle de 39 % des transports collectifs). Par ailleurs, la
quantité des marchandises transportées, en tonnes.kilomètre, a cru de 30 %
17
.
Comme l’illustre la décomposition ci
-après des facteurs explicatifs des émissions des
transports des véhicules particuliers, une pluralité de leviers
est mise en œuvre
pour atteindre
la neutralité carbone, avec des résultats à plus ou moins long terme :
la limitation du contenu en CO
2
des carburants sur le parc de véhicules existants génère
actuellement 4,5 % de réduction des émissions de CO
2
des véhicules particuliers ;
l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules est
très progressive, car elle passe par
un renouvellement du parc, que ce soit pour des véhicules thermiques plus performants ou
pour une
mutation vers d’autres
motorisations
. Elle fait l’objet de
réglementations croissantes
pour les véhicules thermiques et relève également de la performance industrielle (moteur,
aérodynamique, carburant, poids…)
et des choix des consommateurs ;
le troisième moyen consistant à réduire la demande par personne, encourager les reports
modaux vers les transports collectifs ou doux et augmenter le taux de remplissage des
véhicules reste à développer, car la demande
continue d’
augmenter et explique 9 % de la
haus
se des émissions des transports particuliers. Ce moyen d’action relève d’une évolution
des comportements, qui nécessite un temps long. Il est sensible au facteur coût notamment,
qui présente des limites d’acceptabilité
;
enfin, le quatrième levier corresp
ond à l’évolution de la population.
Graphique n° 2 :
Facteurs explicatifs de l’évolution des émissions de CO2 des véhicules particuliers
Source CITEPA, inventaire Namea-air et consommation d'énergie au format namea, 2018 ; INSEE, RGP 2018 ;
SDES, rapport à la commission des comptes des transports de la Nation 2018
Dans ce contexte, pour atteindre les objectifs européens de 10
% d’EnR dans les
transports en 2020 et français de 15
% d’ici 2030, l’incorporation de biocarburants, est
actuellement, autant en France que dans le monde,
l’outil le plus efficace à court terme
, du fait
qu’il peut être mis en œuvre
sur le parc de véhicules existants. Il est également le principal
moyen, compte tenu de la part d’énergie produite par des moteurs
thermiques dans les
transports. Les dépl
acements électriques, en particulier ferroviaires, du fait de l’électricité pour
partie renouvelable, y contribuent à hauteur de 9%
18
.
17
Par convention internationale, les transports maritimes et aériens internationaux sont exclus des émissions nationales
18
Soit 3,2 TWh contre 37,2 TWh pour les biocarburants (
Chiffres clés de l’énergie 2020, CGDD
)
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
17
1.1.2
Des carburants plus nombreux et à taux d’incorporation de plus en plus élevé
Les règles d’incorporation en vigueur en Fra
nce
Les spécifications des carburants mis à la consommation dans l’Union européenne sont
encadrées par la
directive 98/70/CE du 13 octobre 1998
concernant la qualité de l’essence et
des carburants diesel, qui a interdit à compter du 1
er
janvier 2000 la commercialisation en
Europe de l’essence plombée et garantit la comptabilité des carburants mis à la consommation
dans les États membres avec les moteurs de tous les véhicules homologués en Europe. Elle
précise les spécifications environnementales applicables aux carburants et encadrent
notamment les règles d’incorporation de biocarburants dans les essences et les gazoles.
Un
arrêté interministériel du 19 janvier 2016
détermine la liste des carburants dont la
mise à la consommation est autorisée en France. Les spécifications de ces carburants routiers
et non routiers sont précisées dans des arrêtés interministériels et autorisent l’incorporation
d’une part variable de biocarburants, dans les limites autorisées par la règlementation
européenne. On dénombre ainsi 11 types de carburants routiers et non routiers autorisés en
France, dont la liste est précisée dans le tableau n° 1 en introduction du rapport.
Quatre carburants sont mis à la disposition de tous les automobilistes pour alimenter les
moteurs
fonctionnant à l’essence
: SP95, SP98, SP95 E10 et E85. Ces carburants contiennent
une part variable d’éthanol (pur ou incorporé dans l’ETBE
19
) et sont plus ou moins adaptés
selon l’âge et les caractéristiques des véhicules.
S’y ajoute le carburant ED95, mis à la consommation depuis 2016, qui est par
exception
destiné à l’alimentation des moteurs
diesel
. Ce carburant ne contenant pas d’hydrocarbures est
constitué d’un mélange d'éthanol, d'eau et d'additifs favorisant l'auto
-inflammation et la
lubrification. L’éthanol constitue donc la totalité de son
contenu énergétique. Il est réservé aux
flottes professionnelles disposant d'une logistique d'approvisionnement spécifique et de leurs
propres capacités de stockage et de distribution.
Trois carburants destinés aux moteurs diesel sont mis à la disposition de tous les
consommateurs : ils sont dénommés B0, B7 ou B10 selon leur contenu maximal en
biocarburant
20
. S’y ajoute le gazole non routier (GNR) dont les caractéristiques sont identiques
à celles du B7 mais qui est coloré en rouge pour bénéficier d’un régi
me fiscal spécifique.
Le gazole B30 ne peut être utilisé que dans des flottes professionnelles disposant d'une
logistique d'approvisionnement spécifique. Il en va de même du carburant B100 qui ne contient
pas d’hydrocarbures fossiles, les EMAG représentant
la totalité de son contenu énergétique.
Dans tous les cas, le contenu en énergie des carburants contenant des biocarburants est
inférieur dans des proportions variables à celui d’un carburant qui ne contiendrait que de
l’essence ou du gazole
: le contenu
énergétique de l’éthanol (21
MJ/litre) est inférieur de 34 %
à celui de l’essence (32
MJ/litre) et celui des EMAG (33 MJ/litre) de 8,3 % par rapport à celui
du gazole (36 MJ/litre).
Une augmentation des ventes de carburants contenant les plus fortes proportions de
biocarburants incorporés
La consommation totale de carburants routiers tend à se stabiliser depuis le début de la
décennie 2000. Elle demeure principalement composée de carburants gazole, qui sont devenus
19
Voir glossaire.
20
Les biocarburants en cause sont des EMAG (voir supra et glossaire en annexe).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
18
majoritaires à partir de 1990. Cependant, la part de marché des carburants essence tend depuis
2015 à augmenter au détriment de celle des gazoles, même si elle demeure moins élevée.
Graphique n° 3 :
Évolution des ventes de carburants routiers (biocarburants inclus) en Mt
Source : SDES bilan énergétique de la France
L’augmentation de la consommation des carburants contenant de l’éthanol
Entre 2015 et 2019, le volume des mises à la consommation des carburants destinés à
l’alimentation des moteurs à allumage commandé (véhicules essence) a augmenté de près de
19 %.
Mises à la consommation de carburants pour véhicules à allumage commandé
En millions d'hectolitres
2015
2016
2017
2018
2019
Tendance
SP95 E10
32,0
34,7
39,3
45,0
53,7
SP95
42,3
40,3
37,5
34,6
31,4
SP98
19,8
21,5
23,2
23,5
24,3
E85
0,9
1,0
1,2
1,8
3,4
Total essences
94,9
97,5
101,2
105,0
112,7
Source : Douane
À ces consommations s’ajoute celle du carburant ED95
destiné à certains moteurs à
allumage par compression
21
, apparu en 2016, dont les volumes restent très faibles : 254 hl en
2016, 412 en 2017, 1 143 en 2018 et 5 414 en 2019.
Dans ce cadre global, la période récente est marquée par une augmentation plus rapide
des carburants à plus fort taux d’incorporation de biocarburants
(éthanols), soit le SP95 E10
(+68 %) et le E85 dont le volume de consommation a été multiplié par un facteur de 3,8, au
détriment des carburants dont le taux d’incorporation est moins élevé
, notamment le SP95 E5
(-26 %).
La baisse de la consommation des gazoles
À l’inverse des carburants e
ssence, la mise à la consommation des gazoles a diminué de
20
millions d’hectolitres entre 2015 et 2019, soit une baisse de 4
%.
21
Carburant principalement composé d’éthanol, susceptible d’être utilisé par les exploitants de flottes
professionnelles disposant d'une logistique d'approvisionnement spécifique et de leurs propres capacités de stockage et de
distribution.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
19
Mises à la consommation de carburants pour véhicules à allumage par compression
En millions d'hectolitres
2015
2016
2017
2018
2019
Tendance
Gazole non routier (GNR)
51,2
49,8
51,3
51,1
51,7
B0 & Biogazole XTL
1,4
1,5
0,9
0,5
0,4
B7
406,3
406,2
405,9
392,2
385,2
B10
0,00
0,00
0,00
0,37
1,27
B30
0,34
0,27
0,37
0,49
0,40
B100
0,00
0,04
Total gazoles
459,2
457,8
458,5
444,7
439,0
Source : Douane
Dans cet ensemble, la tendance est également à une augmentation relative de la
consommation des gazoles à plus fort taux d’incorporation de biocarburants
(EMAG). La
gazole B10 contenant
jusqu’à 10
%
d’EMAG et mis à la consommation à partir de 2018, a
connu une augmentation de consommation significative (avec un multiplicateur de quatre entre
2018 et 2019) quand la consommation du B7, carburant de référence de ce marché, a baissé de
5 %.
1.1.3
U
ne part d’énergie renouvelable dans les transports en augmentation
L’énergie consommée dans les transports provient en quasi
-totalité des carburants
liquides, fossiles ou renouvelables, qui représentent 97,1 % en moyenne entre 2007 et 2018 de
l’énergie con
sommée dans les transports, au lieu de 1 % pour les carburants gazeux et 1,7 %
pour l’électricité
22
. En dépit des progrès de la motorisation électrique routière, les parts de
l’électricité et des combustibles gazeux n’ont progressé respectivement que de 0,1
% et 0,3 %
entre 2007 et 2018.
En Europe, la part de l’électricité a peu évolué
entre 2007 (5,25 Mtep) et 2018
(5,50 Metp), celle des carburants gazeux a augmenté de 36 % (31 % pour les carburants gazeux
fossiles) et la consommation de carburants liquides a diminué de 3 %, même si elle représente
encore plus de 97 % du total de la consommation finale. Parmi les carburants liquides, les
fossiles ont diminué de 6 % (de 321 à 303 Mtep) quand les renouvelables ont augmenté de
241 % (de 6,89 à 16,65 Mtep
). Le taux d’incorporation des carburants renouvelables dans les
carburants liquides est passé pendant cette période de 2,1 à 5,2 %.
En France, la
part de l’électricité
est demeurée inchangée entre 2007 et 2018 et est
comparable à celle constatée en Europe (2 %), alors que celle des carburants gazeux,
exclusivement fossiles, est significativement plus faible (0,3 %) même après avoir été
multipliée par 5,8 entre 2007 et 2018 (de 0,02 à 0,14 Mtep). La consommation de carburants
liquides est revenue en 2011 à son niveau de 2007, sans évolution sensible depuis. Elle était de
44,26 Mtep en 2018, soit 98
% de la consommation finale d’énergie dans les transports.
22
Données
Eurostat
en moyenne pour 2007 à 2018 détaillées par type de carburant, soit
: gazoles fossiles,
essences fossiles, biodiesels mélangés, carburéacteurs type kérosène fossile, gaz de pétrole liquéfié, électricité, gaz naturel,
bioessence mélangée, fioul, biodiesels purs, biogaz, bioessence pure, autres biocarburants liquides.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
20
Graphique n° 4 :
Consommation finale d’énergie
comparée (UE 28 et France) dans les transports
par type de carburant (en Mtep)
Consommation finale d’énergie
comparée (UE 28 et
Source
: Présentation Cour des comptes d’après données
Eurostat
Dans le transport routier, le taux d’incorporation de biocarburants dans les carburants
fossiles en France a significativement augmenté entre 2007 et 2018
. Comparé à l’ensemble de
l’Union européenne, il était en 2018 supérieur de 2,1
points pour les gazoles et de 3,4 points
pour les essences.
La France a atteint en 2019 un taux d’énergie renouvelable dans les transports de
9,25 %
23
, soit un pourcentage proche de la cible de 2020 (10
%). Cette part d’énergie
renouvelable est en augmentation régulière : elle était de trois points inférieure en 2008
(6,25 %). Cependant,
le niveau d’EnR dans les transports
en Europe est en léger déficit par
rapport aux prévisions, et comme le précisent les données Eurostat :
les biocarburants représentent une part écrasante des sources d’énergies renouvelables
européennes dans les transports (89 %) ;
seuls trois États : la Suède (30,31 %), la Finlande (21,29 %) et les Pays-Bas (12,51 %) se
situent en 2019 au-
dessus de l’objectif de 10
% d’EnR pour les transports en 2020
;
l’Autriche, la France et le Portugal s’approchent à moins de 1
% de cet objectif ; les autres
États membres auront besoin d’une forte
accélération pour atteindre l’objectif de 10
% ou de
transferts, autorisés par la directive CASI (changement d’affectation des sols indirects).
Graphique n° 5 :
Pourcentages comparés d’EnR dans les transports en 2019 dans l’UE
Source : Eurostat,
tableau sdg_07_40
.
23
Source :
Eurostat, tableau sdg_07_40
0
5
10
15
20
25
30
EU27_2020
EU28
Suède
Finlande
Pays-Bas
Autriche
France
Portugal
Irlande
Italie
Royaume-Uni
Malte
Slovaquie
Slovénie
Hongrie
Bulgarie
Roumanie
Tchéquie
Allemagne
Luxembourg
Espagne
Danemark
Belgique
Pologne
Croatie
Estonie
Lettonie
Grèce
Lituanie
Chypre
%
240
260
280
300
320
340
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Union européenne (UE 28)
Électricité
Carburants
gazeux
renouvelables
Carburants
gazeux fossiles
Carburants
liquides
renouvelables
Carburants
liquides
fossiles
240
260
280
300
320
340
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Union européenne (UE 28)
Électricité
Carburants
gazeux
renouvelables
Carburants
gazeux fossiles
Carburants
liquides
renouvelables
Carburants
liquides
fossiles
36,0
38,0
40,0
42,0
44,0
46,0
48,0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
France
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
21
1.1.4
Les autres choix de politiques retenus dans le reste du monde
Les politiques en faveur des biocarburants sont relativement répandues dans le monde.
On peut regrouper leurs outils en neuf catégories
: objectifs et obligations d’incorporation,
incitations fiscales, soutien à la production et à l’achat, soutien à l’investissement et à la
recherche, soutien aux infrastructures, systèmes d’échanges de quotas et certifica
ts, normes de
durabilité, soutien aux biocarburants avancés, soutiens sectoriels (cf. Annexe n° 6).
La diversité des choix de paramètres dans l’UE
Tous les États membres ont transposé les directives portant sur les biocarburants, en
recourant toutefois à des instruments et des paramètres très hétérogènes (cf. Annexe n° 6).
S’agissant des objectifs d’incorporation (cf.
Tableau n° 19 : en Annexe n° 6), 19 États
membres et le Royaume-Uni ont un objectif global d'incorporation ; 13 ont une obligation
différenciée pour l'essence ou le diesel ou les deux ; six ont à la fois une obligation globale en
matière de biocarburants et des obligations différenciées pour l'essence et ou le diesel ; 20 ont
une obligation d’utilisation de biocarburants avancés
; deux (l’Allemagne et la Suède) n'ont pas
d'incorporation obligatoire de biocarburants mais uniquement des objectifs de réduction de
l’intensité
carbone des carburants. Ces objectifs sont plus souvent formulés en énergie (18 États
dont la France) qu’en volume (neuf États).
S’agissant des réductions des GES, tous les États membres (sauf l’Espagne) et le
Royaume-Uni ont transposé un objectif de réduction de l'intensité de GES des carburants pour
2020. Il est généralement fixé à -6 %, sauf en France et au Portugal (-10 %) et en Suède, où
l'obligation est différenciée pour l’essence (
-4,2 %) et le diesel (-21 %).
L’objectif d’incorporation de biocarbu
rants avancés est de 0,5 % en énergie dans sept
États membres et de 0,1% dans cinq États membres. Quatre États membres ont des objectifs
différents : la Bulgarie (0,05 % globalement, en énergie, et 1 % pour le diesel, en volume), le
Danemark (0,17 % en énergie), la France (0,7 % en énergie), la Grèce (0,2 % en volume). Le
mécanisme de comptage multiple est en place dans tous les États membres et au Royaume-Uni,
sauf cinq (et partiellement en Slovaquie).
Il n’y a aucun mécanisme d’incitation fiscale dans 14
États membres. Il en existe pour
les mélanges à faible teneur en biocarburants dans cinq États membres et pour ceux à haute
teneur en biocarburants dans six États membres. Un seul État membre a une fiscalité fondée sur
la teneur en énergie et en CO2 des biocarburants : la Finlande. Enfin, dans six États membres,
les biocarburants sont non soumis à l’accise ou exonérés de certaines taxes.
Au sein de l’UE, deux pays se distinguent par leurs choix
: l’Allemagne et la Suède.
Leurs stratégies découlent notamment
d’une évolution de la réglementation européenne qui a
ajouté en 2009 un objectif de réduction de 6 % au 31 décembre 2020 des émissions de GES par
rapport aux émissions sur l’ensemble du cycle de vie, par unité d’énergie, imputées aux
carburants fossiles en 2010.
L’Allemagne se distingue, depuis 2015, par un régime relativement original, notamment
fondé sur des objectifs de réduction d’émissions de GES, sans objectifs d’incorporation de
biocarburants. À la suite de la mise en place de ce régime, la consomma
tion et l’incorporation
de biocarburants, qui étaient, depuis quelques années, en baisse tendancielle (pour le biodiesel)
ou en stagnation (pour le bioéthanol), ont recommencé à progresser.
En Suède, le niveau élevé d’incorporation de biocarburants contri
bue aux résultats
exceptionnels de ce pays en matière d’EnR dans les transports. Depuis 2017, son dispositif n’a
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
22
pas d’objectif d’incorporation. Il s’appuie sur une augmentation progressive de la réduction des
émissions de GES par l'ajout de biocarburants dans l'essence et le diesel. Ce nouveau système
a été mis en place à la suite d’un essoufflement de la consommation et de l’incorporation de
biodiesel (qui étaient toutefois très élevés) et d’une baisse tendancielle du bioéthanol. Il est
toutefois top tôt pour en analyser les conséquences (cf. Annexe n° 6).
Analyse des différentes politiques
Les rares études disponibles suggèrent que les politiques efficaces sont celles qui
parviennent à combiner de manière optimale plusieurs outils. Mais la combinaison la plus
efficiente dépend souvent de nombreux paramètres spécifiques à chaque pays. Il est donc
difficile de comparer les différentes politiques nationales dans ce domaine. Un consensus existe
toutefois sur les problèmes que pose l’instabilité des politiques publiques, particulièrement dans
un contexte de défis et d’incertitude marqués pour l’industrie. C’est un des éléments soulignés
par une étude du cabinet EY en 2018
24
, effectuant une comparaison entre la France, les États-
Unis, la Grande-
Bretagne et l’
Allemagne (cf. Annexe n° 6).
S’agissant des
o
bjectifs d’incorporation
de biocarburants, l’Agence internationale de
l’énergie (AIE) estime qu’ils se sont avérés efficaces pour établir des marchés de biocarburants
et les protéger contre les faibles prix du pétrole, mais pas suffisamment pour développer ou
maintenir des marchés robustes sans mesures d'accompagnement. Un exemple est
l’effondrement de la production de biodiesel dans l’état australien de la Nouvelle
-Galles du
Sud, où les objectifs relatifs aux biocarburants en place depuis 2007 sont inefficaces
25
.
Les
objectifs d’
incorporation relatifs aux biocarburants n'ont pas bien fonctionné dans
certaines régions pour différentes raisons, selon l’AIE
: les difficultés d’approvisionnement en
matières premières, leurs coûts élevés en raison des utilisations concurrentes, les faibles prix
du pétrole brut, le manque d'infrastructures (pompes à carburant), les enjeux de sécurité
alimentaire, les problèmes de durabilité (effets néfastes du changement d’affectation des sols
indirect).
Par ailleurs, si les
objectifs d’incorporation
relatifs aux biocarburants ont contribué à
réduire les émissions de GES du secteur des transports, ils ne sont que rarement atteints. L’AIE
attribue principalement ce constat au fait que les obligations en matière de biocarburants
reposent davantage sur leur volume ou leur contenu énergétique que sur leur potentiel de
décarbonation, et que ces objectifs ne fournissent pas toujours des incitations suffisamment
fortes pour que les producteurs continuent d'innover pour réduire l'intensité en carbone de leurs
biocarburants.
De même, dans son étude de 2017, EY estime qu’avec les mesures en « volume »
indifférenciées quant aux biocarburants utilisés, les opérateurs économiques sont incités à se
tourner vers les biocarburants les moins coûteux qui leur permettent d’
atteindre les objectifs à
moindres frais. Au contraire, des obligations liées aux émissions de GES et « neutres »
technologiquement, les poussent à se tourner vers les options les plus performantes et ayant le
moins d’impact négatif, notamment les biocarbu
rants avancés.
24
EY (2018),
Étude pour la détermination d’un mécanisme de soutien à la filière française de biocarburants
aéronautiques durables. Rapport de phase I
Contexte français et analyse comparative
.
Rapport de phase 2
Présentation
générale du mécanisme de soutien
.
25
IEA Bioenergy Task 39 (2019),
Implementation Agendas: 2018-2019 Update Compare and Contrast Transport
Biofuels Policies.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
23
S’agissant des
incitations fiscales
, l’AIE estime qu’elles se sont révélées peu efficaces
comme instrument principal de la politique en faveur des biocarburants. Cela a été le cas
notamment en Nouvelle-
Zélande et en Afrique du Sud, qui n’ont
pas réussi à développer
d’importantes capacités de production et d’utilisation de biocarburants
26
. De même, EY estime
que les mesures d’incitation fiscale présentent l’inconvénient de se révéler parfois trop
coûteuses pour les finances publiques, ce qui amène alors à les réduire et accentue ainsi
l’instabilité des dispositifs
27
.
Les instruments d’
incitation technologique
sont
généralement efficaces pour conduire
le développement technologique d’un stade précoce (comme les biocarburants avancés) vers la
démonstration et la commercialisation. Ces instruments soutenant la R&D permettent de
susciter de nouvelles idées, de réduire les coûts, et d’aider les technologies naissantes à traverser
la « vallée de la mort » qui existe entre le développement initial et la démonstration
28
.
Les
critères de durabilité
sont jugés généralement utiles par l’AIE. Selon elle, les
instruments de soutien à la demande (objectifs d’incorporation, réductions de taxes) sont
pertinents pour soutenir des technologies relativement mures ; mais ils peuvent toutefois avoir
une efficacité plus limitée lorsqu’il s’agit de promouvoir des technologies plus récentes et des
biocarburants avancés (coûteux à produire, encore non viables commercialement, et donc non
compétitifs par rapport aux biocarburants conventionnels, dont les outils industriels sont
amortis et les filières d’approvisionnement structurées
). Au contraire, les cadres réglementaires
tels que les normes californiennes sur les carburants à faible teneur en carbone, la directive
EnR2, le RenovaBio brésilien et la norme canadienne sur les carburants propres (CFS) sont,
d’après l’AIE, des exemples de politiques qui visent à attirer les biocarburants avancés sur le
marché en offrant des incitations financières neutres sur le type de carburant, pour produire des
biocarburants à la plus faible intensité de carbone possible
29
.
Dans son étude de 2017, EY note toutefois qu’aux États
-Unis, les critères de durabilité,
sont moins ambitieux s’agissant des aspects qualitatifs comme la biodiversité ou les
droits
sociaux qu’en matière de réduction de GES. En même temps, d’après lui, ces critères peuvent
paraître moins contraignants que ceux imposés par l’UE, tout en présentant l’inconvénient de
ne pas être très accessibles aux acteurs non américains, en raison de la complexité des relations
avec l’Agence de protection de l’environnement des États
-Unis (EPA), de règles de
reporting
,
des calculs des émissions liées aux changements indirects d’occupation des sols, etc.
Enfin, les systèmes d’
échanges de quotas et de certificats
reçoivent en général des
commentaires très favorables des études disponibles. D
’après l’AIE, le modèle adopté en
Californie a fait la preuve de son efficacité pour augmenter la consommation de biocarburants
avancés, notamment grâce à son caractère « agnostique » quant à la nature des carburants
utilisés. (Cf. graphique en Annexe n° 6).
26
IEA Bioenergy Task 39 (2019),
Implementation Agendas: 2018-2019 Update Compare and Contrast Transport
Biofuels Policies.
27
EY, Ademe (2017),
Pratiques concrètes d'approvisionnement des démonstrateurs et unités commerciales de
biocarburants de 2ème génération et de bioraffineries de biomasse lignocellulosique - Comparaison et retours d'expériences
au niveau international.
28
IEA Bioenergy Task 39 (2019),
Implementation Agendas: 2018-2019 Update Compare and Contrast Transport
Biofuels Policies.
29
IEA Bioenergy Task 39 (2019),
Implementation Agendas: 2018-2019 Update Compare and Contrast Transport
Biofuels Policies.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
24
1.2
Un bilan économique insatisfaisant en France
1.2.1
Une concurrence avec la production alimentaire maîtrisée en Europe
La question de la concurrence entre biocarburants conventionnels et alimentation a fait
l’objet de nombreuses controverses ces vingt dernières années. Leurs conclusions restent
difficiles à tirer. En 2007, l
ONU qualifiait de «
crime contre l’humanité
» le fait de produire
des biocarburants sur un sol productif pour l'alimentation
30
. En 2019, elle estime que convertir
des terres agricoles pour la production de biocarburants contribue à élargir l’accès à l’é
nergie
mais porte atteinte à la lutte contre la faim
31
. Le lobby européen des producteurs d’éthanol
renouvelable estime au contraire que «
l’idée que la politique de l’UE en faveur des
biocarburants ait pu avoir un impact sur l’offre mondiale de denrées ali
mentaires ou contribuer
à la faim dans le monde est un mythe
»
32
.
Mais une étude estime qu’aux États
-
Unis, l’utilisation du bioéthanol de blé engendre
une hausse des prix des produits agricoles de 14% en moyenne
33
. Et, de manière plus générale,
une synthèse
d’une centaine de travaux scientifiques
34
conclut : «
la demande de biocarburants
(et donc la politique en faveur des biocarburants) entraîne une augmentation des prix des
denrées alimentaires
». S’agissant de la crise mondiale des prix alimentaires de 2006
-2008, cette
synthèse
reconnaît qu’il n’existe pas de consensus scientifique sur la part exacte des
augmentations des prix pouvant être attribuée à la demande de biocarburants. Mais elle rappelle
que toutes les études reconnaissent que les biocarburants ont
joué un rôle. S’agissant des
variations de prix au-delà de cette période, elle souligne
que les biocarburants sont loin d’être
le seul facteur déterminant, et qu’il est difficile d’isoler chaque cause. Enfin,
elle
conteste l’idée
selon laquelle les coproduits issus des biocarburants compenseraient les effets négatifs de ces
derniers sur le marché des denrées alimentaires. Cette synthèse (publiée avant la directive ENR2
de 2018 limitant l’utilisation de l’huile de palme et du soja dans l’Union européenne) e
stime
qu’un maintien de l’objectif européen de 7
% de biocarburants issus de cultures alimentaires
dans l’énergie consommée par les transports en 2030 pourrait entraîner une augmentation de
8
% des prix mondiaux de l’huile végétale et de 0,6
% des prix des céréales. Ces hausses
représenteraient 19 Md$ de coûts additionnels pour les consommateurs finaux de ces denrées.
La Commission européenne a publié des chiffres qui se veulent rassurants, à la fois en
termes de superficies consacrées aux biocarburants et
d’impact sur les prix des denrées
alimentaires. En 2018, la superficie totale de terres cultivées consacrées à la production de
biocarburants dans l’UE représentait 3
% des terres cultivées dans l’UE. Dans le reste du
monde, moins de 1 % des terres cultiv
ées totales ont été utilisées pour l’extraction de matières
30
31
Assemblée générale des Nations Unies (2019),
Rapport
d’étape de la Rapporteuse spéciale sur le droit à
l’alimentation.
32
Emmanuel Desplechin (secrétaire général d’ePure), «
Five things you need to know about the ‘food vs fuel’
debate »,
Politico
, 16/03/17.
33
Gal Hochman, David Zilberman, « Corn ethanol and US biofuel policy 10 years later : a quantitative assessment »,
American Journal of Agricultural Economics
, mars 2018.
34
Malins, C. (2017).
Thought for food - A review of the interaction between biofuel consumption and food markets
.
Cerulogy. Étude réalisée par un consultant indépendant, pour Transport & Environment (T&E), fédération d’une cinquantaine
d’ONG,
généralement critiques des biocarburants.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
25
premières destinées à la production de biocarburants produits ou consommés dans l’UE
35
. La
Commission estime que, «
ces dernières années, aucune corrélation n’a été observée entre les
prix des denrées alimentaires et la demande de biocarburants
.
L’incidence sur les prix des
denrées alimentaires est faible par rapport à d’autres dynamiques du marché mondial des
denrées alimentaires
».
Plus récemment, l’OPECST a estim
é que les biocarburants de deuxième génération
étaient
rarement en compétition avec l’alimentation, contrairement à ceux de la première
génération, mais qu’ils p
ouvaient cependant «
conduire à utiliser des surfaces agricoles ou
forestières dont certaines auraient éventuellement pu être utilisées pour la production
alimentaire
»
36
.
Ces dernières années, une nouvelle dimension du débat sur les biocarburants a émergé,
celle de l’autosuffisance alimentaire et protéique. La
culture de matières premières des
biocarburants permet la production en parallèle de tourteaux protéinés et de drêches destinées
à l’alimentation animale. Ces coproduits permettent de diversifier l’alimentation des troupeaux
et de limiter la dépendance protéique de la France. D’après un rapport d
u CGEDD et du
CGAAER de 2016, s
ous l’effet notamment de la production de colza, qui produit 56 % de
tourteaux contre 1 % pour le palmier, l’autosuffisance en protéines végétales de la France est
ainsi passée de 25 % à 50 % depuis les années 1980 (ce qui, par ailleurs, a permis d’éviter
l’importation de soja américain et brésilien, aux fortes externalités négatives en matière de
déforestation)
37
.
Proportion d’huile et de protéines extraites des oléagineux
Source : CGEDD, CGAAER (2016)
En effet, la culture des plantes oléoprotéagineuses produit des protéines en plus de
l’huile, mais dans des proportions très variables selon les espèces. L’
huile de soja est «
presque
un sous-produit de la production de la protéine de soja
», comme le résume le rapport CGEDD-
CGAAER. En revanche, l
huile de palme n
a quasiment aucun sous-produit protéiné. De leur
côté, le colza et le tournesol (produits localement) fournissent des proportions importantes de
tourteau protéiné (cf. tableau précédent).
Le rapport CGEDD-
CGAAER de 2016 rappelle qu’au
plan mondial et par rapport à une
demande prenant en compte tous les usages alimentaires et non alimentaires, l
offre est
légèrement excédentaire en huile et fortement déficitaire en protéine. La France et l
Europe
sont très déficitaires en protéines végétales et ont toujours historiquement importé massivement
du soja américain ou brésilien. Pour lui, «
le développement du colza, induit par l
essor du
biodiesel accompagné par les pouvoirs publics, a permis non seulement de bénéficier d
une
ressource énergétique renouvelable, mais de réduire significativement le taux d
importation et
d
améliorer notre ratio d
indépendance protéique
».
35
Les progrès accomplis dans le secteur des énergies renouvelables
(2020). Rapport de la Commission européenne
COM(2020) 952.
36
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST),
L’Agriculture face au défi
de la production d’énergie
, 2020.
37
CGEDD, CGAAER (2016),
Durabilité de l’huile de palme et des autres huiles végétales.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
26
S’agissant des bioéthanols, la
betterave à sucre fournit à la fois du sucre pour
l’alimentation humaine, de l’alcool pour les boissons, le
s produits biosourcés et les carburants
et de la pulpe pour l’alimentation animale.
Le blé
peut fournir des drêches pour l’alimentation
animale, en plus de
l’amidon pour l’alimentation humaine et d’autres usages ainsi que de
l’alcool. Enfin, le maïs
fournit des
protéines pour l’alimentation animale, d
e l
’alcool et d
u CO2
biosourcé pour les boissons gazeuses.
En conclusion, il n’existe donc pas de consensus sur les avantages et les inconvénients
de l’utilisation de la biomasse issue de l’économie agric
ole pour la fabrication de biocarburants,
notamment en ce qui concerne ses effets sur les ressources alimentaires disponibles, tant en ce
qui concerne l’alimentation humaine que celle des animaux.
Cette question est tranchée par la règlementation européenne qui a plafonné à 7 % de la
consommation finale d'énergie dans les transports dans les États membres en 2020 la part
d'énergie des biocarburants produits à partir de céréales et d'autres plantes riches en amidon,
sucrières et oléagineuses et à partir de cultures cultivées en tant que cultures principales
essentiellement à des fins de production d'énergie sur des terres agricoles. L’Union européenne
est la seule zone au monde à avoir ainsi plafonné le recours aux biocarburants produits à base
de cultures alimentaires.
Il reste que, en ouvrant de nouveaux débouchés pour certaines productions agricoles, la
fabrication et l’utilisation à grande échelle de biocarburants de première génération dans les
t
ransports favorise le maintien voire l’augmentation des prix de ces produits de l’agriculture.
1.2.2
Une stratégie plus favorable aux agro-industries
qu’aux agriculteurs
Des volumes de production de biocarburants qui plafonnent depuis 10 ans
Les productions mondiales et européennes de biocarburants ont été multipliées par deux
pour l’essence et par six pour le diesel depuis 2005
, e
n lien avec les objectifs d’incorporation
croissants dont elles sont très dépendantes, (cf. Annexe n° 9). Dans ce contexte concurrentiel,
les filières ont évolué par diversification des natures de biocarburants (avec plus de produits de
synthèse ou issus de résidus), de leurs matières premières (avec pour le biogazole par exemple
moins de colza et plus de soja et de palme) et de leurs origines.
En France, en termes d’organisation,
les productions de biocarburants sont concentrées
autour de six groupes industriels (trois en biodiesel et trois en biocarburant essence), avec une
vingtaine d’usines sur le territoire, dont la majorité a été construite dans les années 2008.
Par
ailleurs, les filières de production sont intégrées, ce qui constitue une spécificité : les
équipements industriels sont portés pour une part significative par des actionnariats de
coopératives agricoles et la production de biocarburants contribue ainsi pour partie aux revenus
des agriculteurs qui en sont actionnaires. Les achats de matières premières agricoles sont
contractualisés avec les producteurs de biocarburants, ce qui stabilise le premier niveau du
marché aval (ensuite
les ventes de biocarburants aux centrales d’achat des supermarchés ou aux
entreprises pétrolières font
au mieux l’objet de contrats annuels
).
En termes de résultats, la France est au premier et deuxième rang européen des
producteurs d’éthanol et de biodiesel, avec des
productions de biocarburants qui plafonnent
depuis une dizaine d’années (autour de 11 à 12 Ml pour l’éthanol carburant et de 2 à 2,5 Mt
pour le biodiesel). Mais depuis quelques années, avant la crise sanitaire et les difficultés
phytosanitaires des betteraves, les groupes industriels connaissent une période difficile de
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
27
restructuration liée à la concurrence croissante et à la fin des quotas sucriers (en octobre 2017),
à laquelle ils résistent plus ou moins. Ainsi, par exemple, pour les deux plus grands groupes de
chaque filière :
le groupe Avril, après avoir enregistré des pertes cumulées de 133
M€ entre 2015 et 2018
38
,
envisageait fin 2019 de fermer deux sites de production de biodiesel (Sète et Montoir-de-
Bretagne, soit 116 salariés), avant de voir sa situation se redresser début 2020 ;
le chiffre d’affaires du groupe Tereos a baissé de 8
% entre 2016-2017 et 2018-2019, où il
s’établit à 4,4 Md€, avec un résultat net consolidé négatif (
-
260 M€)
39
. En 2019-2020, ce
dernier se redresse à 420
M€ et
le groupe conforte sa place de numéro deux mondial du
sucre
40
. En parallèle, suite à la fin de quotas sucriers, les grands groupes sucriers du territoire
ont rencontré des difficultés et ont fermé plusieurs usines à Bourdon et Toury pour le groupe
Téréos et à Eppeville et Cagny pour le groupe Südzucker.
Enfin, les productions de biocarburants
sont mal connues du fait qu’elles constituent des
données commerciales sensibles
: si le volume total produit est connu (de blé ou d’éthanol par
exemple), le volume des différents marchés l’est moins
(cf. Annexe n° 9 Graphique n° 29 :).
Pour la même raison, les modes de
culture (notamment l’utilisation d’intrants) ne sont pas
différenciés selon leur utilisation (alimentaire ou biocarburants), inconnue au stade de la
production agricole. Et la part des surfaces agricoles consacrées aux biocarburants est
déterminée par esti
mation, à l’issue des campagnes agricoles, à partir des informations sur la
destination des produits.
Une part limitée de SAU, dédiée aux biocarburants
Le mix de matières premières utilisé en France pour la production de biocarburants est
spécifique : il comporte deux fois plus de colza et de betteraves que la moyenne européenne
(cf. Annexe n° 8) ainsi que des résidus viniques (3 %), qui constituent à ce jour les principales
matières premières des biocarburants non conventionnels commercialisés.
Le marché des biocarburants représente donc un
débouché d’importance variable
pour
les différentes matières premières agricoles cultivées en France :
il constitue un marché essentiel pour le colza dont il mobilise plus des trois quarts de la
production et important pour les betteraves (10 % en moyenne des 40 Mt/an produites) ;
il représente un marché significatif pour les céréales et a mobilisé 4,7 % des 34,3 Mt de blé
tendre et 4,4 % des 12,2 Mt de maïs produits entre 2017 et 2019
(source Agreste).
En termes de mobilisation de surface agricole utile (SAU) correspondante par les
biocarburants (mis à la consommation en France et exportés), la méthode pour
l’é
valuer en
France a évolué.
Ainsi, l’estimation des interprofessions et du Ministère de l’agriculture pour
2009, citée dans le rapport 2012 de la Cour, retenait une SAU brute (sans déduction
) d’environ
6 % de la SAU totale et partait des surfaces dédiées aux différentes matières premières
recensées par l’AGRESTE
.
Depuis, FranceAgriMer a proposé une autre
méthode d’évaluation
, également utilisée
par l’ADEME.
Elle part de variables annuelles estimées : le volume de biocarburant produit
41
38
Source : «
le groupe Avril veut se séparer de deux usines d’agrocarburants
», Le Monde, 8 novembre 2019.
39
Source
: rapport d’activité 2019 de la confédération générale des planteurs de
betteraves (CGB).
40
Source : « Tereos conforte sa place de numéro 2 mondial malgré la Covid »,
l’usine nouvelle,
3 juin 2020.
41
Ces volumes annuels de biocarburants produits n
e sont pas disponibles et comportent une marge d’incertitude liée
au secret commercial (voir Annexe n° 9
). Cette incertitude est également associée à l’estimation de la SAU.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
28
et le mix de matières premières employé
42
, puis utilise des ratios de litres de biocarburant par
kilogramme de matière première et des rendements types de matière première par hectare
43
. A
la SAU brute
44
ainsi obtenue, la part énergétique des coproduits pour
l’alimentation (animale)
est soustraite pour conduire à une SAU nette
45
. Enfin, compte tenu de la relative stabilité de la
production de biocarburants, FranceAgriMer retient la moyenne des cinq dernières années, hors
2017, exceptionnelle, pour calculer la SAU nette actuelle.
Selon cette méthode, la France consacre actuellement environ 3,6 % de SAU nette, soit
1 million d’hectares net aux cultures pour les biocarburants.
Ils sont principalement dédiés au
biodiesel (plus 80% des surfaces nettes). La forte baisse des ventes de véhicules légers à
motorisation diesel observée récemment
crée un contexte nouveau porteur d’incertitude sur
l’évolution future des surfaces consacrées à la production de plantes oléagineuses.
Part de SAU totale française allouée aux biocarburants, nette de coproduits
% SAU nette
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
Biodiesel
2,55
2,75
1,91
2,66
2,83
2,03
2,65
2,49
1,80
3,55
3,07
Biocarburants essence
0,55
0,57
0,61
0,67
0,68
0,65
0,66
0,72
0,59
0,70
0,68
Total biocarburants
3,10
3,32
2,52
3,33
3,51
2,68
3,31
3,21
2,39
4,25
3,75
Source : FranceAgriMer
Cette part de SAU nette de 3,6% en augmentation (de 3,1 % à 3,75 % entre 2009 et
2019) est deux fois plus faible que celle
de l’Allemagne, similaire à cel
le des États-Unis et
proche de la moyenne européenne
46
, évaluée à 3
%. L’Europe leur
consacre en effet 3,4 Mha
sur son territoire et 3,8 Mha se trouvent dans des pays tiers (importations).
Si cette part de 3,6 % de SAU nette consacrée aux biocarburants reste limitée en France,
elle participe cependant de la tendance globale
à l’
extension des grandes cultures (passées de
11,8 à 13,3 Mha depuis 1950) alors que les surfaces consacrées aux cultures fourragères et
permanentes diminuent, dans un contexte de réduction de la SAU globale
et d’une
France
exportatrice de blé mais importatrice de protéines, fruits et légumes
47
.
42
Estimé par un comité d’experts bioca
rburants, (voir Annexe n° 8).
43
Sur 2009-2019, les rendements ont présenté des écarts de 15 à 49% entre le minimum et le maximum en betterave
et blé, en passant par 20% en maïs grains, 23% en colza et 40% en tournesol (Source : AGRESTE)
44
Compte tenu des ratios énergétiques de 64% pour le colza, le tournesol et le blé et de 84% et 89% pour les betteraves
et le maïs, la SAU brute en 2017 atteint 1 045 223 ha et la SAU nette 690 199 ha. A noter que 2017 est considérée comme une
année exceptionnelle peu représentative par FranceAgriMer. Les SAU brutes des autres années ne sont pas disponibles.
45
Aucune surface agricole n’est associée aux marcs, lies ou autres résidus (huiles usagées, graisses animales)
46
Pour laquelle aucune indication ne permet de dire qu’elle est basée uniquement sur des SAU nettes
47
Source : Mémento 2019, AGRESTE, février 2020 (page 29)
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
29
Graphique n° 6 :
Parts comparées de SAU nettes biocarburants dans les SAU totales en 2018
Source : FranceAgriMer
Un marché important pour les agro-industries et pour les agriculteurs, qui ne bénéficie
pas aux revenus agricoles
La politique de soutien aux biocarburants était apparue contrastée au plan agricole,
autant lors de son évaluation par la Cour en 2012 que lors son nouvel examen en 2016 : elle a
créé de nouveaux marchés agricoles, réduit les importations de tourteaux et favorisé un
développement agro-industriel permettant une meilleure maîtrise de la filière des oléagineux.
Ces constats sont toujours d’actualité.
Concernant les emplois créés par les filières des biocarburants en France, les évaluations
disponibles varient beaucoup, en fonction des méthodes utilisées, des périmètres considérés
(emplois agricoles, directs, indirects ou induits) et de leurs définitions :
selon FranceAgriMer les filières industrielles biocarburants représentent environ 25 900
emplois en France en 2018 (19 900 pour le biogazole, dont 12 000 emplois directs et 6 000
pour l’éthanol
-carburant, dont 4 500 emplois directs
48
;.
l
’ADEME
49
décompte
, pour l’année 2018
:
-
2 700 emplois directs (production et vente domestique de biocarburants gazole ainsi
qu
exportation de biodiesel, bioéthanol et ETBE),
-
20 680 ETP sur le périmètre plus large des emplois directs et indirects pour les deux filières
biocarburants essence et gazole, dont 10 000 emplois agricoles pour le biogazole et 3 500
emplois agricoles et indirects à
pour l’éthanol
-carburant.
Par ailleurs,
l’étude du SER
50
permet d’apprécier la territorialisation de ces emplois
.
Ainsi, les Régions Hauts-de-France, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val-de-Loire et
Occitanie comptent chacune plus de 3 000 ETP consacrés aux biocarburants (sur les 25 000 au
total évalués par le SER), mais toutes les régions participent (cf. Annexe n° 9 Carte n° 5 :) : la
Bourgogne et la Franche-Comté bénéficient ainsi également de plus de 2 000 emplois et les
régions Ile-de-France, Normandie et Pays de la Loire de plus de 1 000 emplois chacune.
En parallèle, le
Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (
SNPAA) évalue le
chiffre d’affaires actuel de la filière industrielle étha
nol-
carburant à 1 Md€ (hors coproduits) et
48
Emplois directs correspondants à la transformation et à l’acheminement.
Emplois indirects
correspondants aux achats de la filière aux autres secteurs de l’économie.
49
Etude récurrente et Marchés et emplois filières EnR
reprise dans l’é
valuation des impacts de 3 scénarios de
développement des biocarburants pour la LTECV, ADEME, FranceAgriMer, juin 2019.
NB
: L’évaluation 2018 de l’ADEME (agriculture et EnR
: contributions et opportunités), soit 3 360 ETP agricoles,
qu’elle présente comme une approximation et ne reprend pas en 2019, n’a pas été prise en considération
50
Évaluation de la contribution des EnR à l’économie de la France et de ses territoires, SER, juin 2020
0%
2%
4%
6%
8%
bioéthanol
biodiesel
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
30
la direction générale des entreprises indique que la contribution au PIB de la filière biodiesel
EMAG, depuis les coopératives agricoles jusqu’à la production et l’acheminement de biodiesel,
atteint 2 Md€. Enfin, selon l’ADEME
,
en 2017 les biocarburants généraient un chiffre d’affaires
de 1,06 Md€ pour les producteurs agricoles
(0,58 Md€ pour le colza et le tournesol et 0,46 Md€
pour les betteraves, le blé et le maïs)
51
.
En revanche, la Cour avait constaté en 2012 un effet limité et difficile à apprécier sur le
revenu et la situation des agriculteurs. Les exploitations concernées sont celles en orientation
céréales et oléo protéagineux (COP). Selon FranceAgriMer, l
a grande majorité d’entre elles est
concernée par la production de produits agricoles destinés aux biocarburants.
En effet, les biocarburants constituent un marché complémentaire aux tarifs planchers
indirectement soutenus par les dispositifs fiscaux et les exploitations en COP restent
attractives : seul le nombre
d’exploitations en
maraîchage ou en COP a progressé entre 2010 et
2016 (de 49 500 à 61 500 pour les COP) alors que
le nombre total d’exploitations a reculé de
663 800 à 437 400. Cependant,
ce marché complémentaire n’
a
pu contribuer qu’au m
aintien de
l’activité agricole
et de récentes baisses de productions (en particulier du colza) sont
intervenues :
Si la production globale agricole a augmenté de 8 % entre 2001-2005 et 2016-2020 (cf.
Annexe n° 7), elle a baissé de 1 % en céréales et de 8 % pour le tournesol ; elle
a augmenté
de 25 % pour les betteraves et de 20 % en colza
jusqu’en 2017
-2018. Elle accuse depuis une
nette diminution (plus de 30 %, ce qui la
ramène, pour l’instant,
au niveau des années 2000),
plus structurelle pour le colza
Selon l’AGRESTE
, en lien avec les baisses des productions
mondiales et européennes (respectivement de 1% et 10%), les exportations canadiennes
dominantes (30% de la production mondiale et 2/3 des exportations) et potentiellement avec
la baisse des ventes de véhicules neufs à motorisation diesel.
L
’effet à la hausse sur les prix des matières premières et des biocarburants
, observé entre
2005 et 2016-2017
s’est largement réduit avec le développement des filières à l’échelle
mondiale. Les prix des biocarburants et de leurs matières premières restent très volatiles,
d’autant qu’ils sont parfois échangés en dollars,
et pâtissent des variations du taux de change
avec l’euro
(par e
xemple de 1,04 USD/€ en janvier
2017 à
1,24 USD/€ en mars
2018).
Graphique n° 7 :
Évolution et prospective des prix des biocarburants et de leurs matières premières
Source 1 :
Perspectives Agricoles OCDE-FAO 2020-2029, $/ll
Source 2 : Agreste, cotations blé tendre et colza rendu Rouen,
cotations maïs et tournesol rendu Bordeaux
Notes 1: éthanol : prix de gros, États-Unis, Omaha ; biodiesel : prix
à
la production en Allemagne net de droits et de taxe.
Prix des matières premières : cours mondiaux des huiles végétales et moyenne pondérée des prix du sucre brut et du maïs.
51
Agriculture et EnR : contributions et opportunités pour les exploitations agricoles, ADEME, févier 2018
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
31
Enfin, en l’absence d’indicateur économique dédié aux matières premières des
biocarburants, ceux disponibles traduisent une faible rentabilité des exploitations COP, dont la
grande majorité est impliquée dans la production de biocarburants :
le rapport entre la SAU utilisée et le chiffre d’affaires agricole évalué par l’ADEME témoigne
de la faible rentabilité de l’activité
COP : elle mobilisait 3,2 % de la SAU en 2016 pour 1,5 %
du chiffre
d’affaires agricole en France
(
1,06 Md€/an
de vente de matières premières pour la
production de biocarburants
52
.
en lien avec les effets structurels de la concurrence internationale, la fin des quotas sucriers,
plusieurs conditions climatiques défavorables récentes et des effets conjoncturels liés aux
variations de taux de change, la situation économique moyenne des exploitations COP,
suivies par l’AGRESTE
s’est dégradée
, même si les produits destinés aux biocarburants, ont
pu contribuer à limiter cette dégradation :
-
leur
excédent brut d’exploitation
se situe en dessous de la moyenne des exploitations
agricoles françaises (55 247
€ en 2018, pour
une moyenne de 75
047 €
(cf. Annexe n° 10),
de même que leur résultat courant avant impôt (26 954
€, pour une moyenne 2018 de
41 166
€). Seuls les éleveurs obtiennent des résultats moindres ;
-
elles bénéficient de subve
ntions de 31,1 k€/an, inférieures à la moyenne française de
32,4 k€/an (un peu supérieures,
soit
32,7 k€/an, pour les exploitations betteravières
;
-
leur résultat moyen par exploitant est deux fois plus faible qu’en Allemagne et qu’au
Royaume-Uni. Il est identique à celui obtenu en Italie et en Espagne.
53
.
1.2.3
Des infrastructures qui doivent s’adapter à une large gamme de carburants
routiers
Tous les carburants actuellement distribués comportent une part variable de
biocarburants. Notamment de ce fait, la gamme des carburants couramment distribués en France
est large, avec six carburants, dont quatre carburants essence et deux diesel
54
, comparativement
à d’autres pays où elle n’en comporte que quatre ou cinq et
où ne se trouve par exemple plus
d’E5
-SP95 (cas de la
Belgique) ou pas d’E85 (seule la France et la Suède en distribuent
, avec
toutefois des taux d’incorporation plus élevés pour la France
). Leurs teneurs en biocarburants,
en volume, sont les suivantes :
E5-SP95 et E5-SP98 (aux
indices d’octane différents
, 95 ou 98) :
jusqu’à 5
% d’éthanol ou
15% d’ETBE, compatible avec tout le parc automobile essence français
;
E10 (ex-SP95-E10) :
jusqu’à 10
% d’éthanol ou 22
% d’ETBE, compatible avec 99% du parc
de véhicules légers essence (excepté les plus anciens) ;
E85 (superéthanol) : entre 60 % et 85
% d’éthanol, utilisable par les seuls véhicules équipés
flexfuel de série ou
d’
un boitier homologué ;
52
Source : évaluation des impacts de trois scénarios de développement des biocarburants pour la LTECV,
Ademe,
juin 2019, en partenariat avec FranceAgriMer, Icare&Consult et IFPEN
53
Trois facteurs explicatifs émergent de la note de
comparaison européenne de l’AGRESTE de 2019
(DG AGRI,
FADN, 2012_2017, traitement SSP, AGRESTE N°2019-06)
: un emploi plus important d’intrants et de traitements, des
amortissements plus élevés en France ainsi que des subventions dans la moyenne mais envir
on deux fois plus faibles qu’en
Allemagne et au Royaume-
Uni et deux fois plus élevées qu’en Espagne et qu’en Italie
54
Sans compter le GNL hors périmètre du présent rapport, ni l’ED95, le B30 et le B100, réservés à des flottes
spécifiques
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
32
B7 :
jusqu’à 7
% en volume d’EMAG, compatible avec tout le parc diesel
;
B10 :
jusqu’à 10
% en volume d'EMAG, compatible avec une grande majorité du parc
français
55
mais pas avec tout le parc européen.
Cette diversité résulte pour partie des articles L. 6516-
2 et 3 du Code de l’énergie qui
prescrivent que
«
la distribution de carburants […] dont la compatibilité est limitée,
est
conditionnée à la distribution, dans la même station-service, de carburants de cette catégorie
compatibles avec tous les véhicules et engins roulants
». Ainsi l’arrêté du 1
er
juin 2018 relatif
aux modalités de distribution des carburants précise que «
la distribution de carburant B10 est
conditionnée jusqu’au 31 décembre 2025 à la distribution dans la même station
-service du
carburant B7
». Elle résulte également de la volonté de ses acteurs.
Cette gamme large nécessite des adaptations régulières des infrastructures amont
(retraitement des « contaminants » occasionnés entre le transport de deux grades différents par
pipeline) et plus particulièrement aval (distribution). Dans ce contexte, le nombre de stations-
service est en baisse (
d’environ 42
000 en 1975 à moins de 10 000 actuellement) elles sont de
plus en plus détenues par des grandes et moyennes surfaces (qui distribuent 62 % des volumes).
Elles possèdent un nombre limité de cuves (souvent
deux pour l’essence et deux pour le diesel,
ces dernières étant plus volumineuses). Ainsi, 64% des points de vente proposent deux types
de carburants essence et 1 850
proposent de l’E85
fin 2020. Pour le gazole, le nombre de stations
qui distribuent du B7 et/ou du B10 n’est pas disponible.
Ces adaptations vont devoir se poursuivre, potentiellement plus rapidement, avec
l’évolution du parc de véhicules, avec moins de motorisations diesel et plus d’
électriques, ce
qui pose la question du financement des investissements nécessaires. La large gamme française
représente donc un inconvénient pour les stations-service dont le nombre a diminué, en
particulier les petites qui sont plus contraintes en matière d’investissement voire d’espace
physique. Assouplir les obligations en matière de gamme pourrait leur permettre de
s’adapter
plus facilement à l’avenir. Par ailleurs, l’obligation de distribuer du B7 pour pouvoir distribuer
du B10 peut constituer un frein à la distribution du B10.
Dans ce contexte, limiter la gamme large, pénalisante surtout pour les petites stations et
leur permettre de se limiter à la distribution d’E10 pour les carburants essence ou de B10 pour
les carburants diesel, pourrait être utile.
1.2.4
Un solde extérieur des échanges en biocarburants désormais négatif
Des matières premières françaises désormais minoritaires dans les biocarburants mis à
la consommation en France
La composition et l’origine des matières premières de biocarburants mis à la
consommation ont également évolué :
la part en volume des matières premières d’origine
française a chuté de deux
tiers à un peu plus d’un tiers
de 2014 à 2019, au profit de matières
premières non européennes (+11 %) et européennes (+10 %)
, comme l’illustrent le tableau et
le graphique ci-dessus (voir Annexe n° 9)
55
Voir décision du 11 septembre 2018 fixant la liste des véhicules et engins à motorisation diesel compatibles avec
le gazole B10
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
33
Parts 2014 et 2019 produites en France par type de biocarburants (en % de Ml)
Type de
biocarburant
Volume en 2019
Part de biocar-
burant produite en
France en 2019
Part de matière
première produite
en France en 2019
Volume en 2014
Part de matière
première produite
en France en 2014
(Ml)
%
(Ml)
%
Sous-total diesel
3 540
74 %
41 %
25 %
3 073
77 %
58 %
EMHA
18
0,5 %
86 %
57 %
4 %
97 %
EMHU
195
6 %
37 %
15 %
2 %
59 %
EMHV
2 742
77 %
46 %
31 %
89 %
59 %
HVHTG
586
17 %
22 %
3 %
4 %
20 %
Sous-total essence
1 262
26 %
68 %
64 %
1 003
23 %
93 %
ETBE
395
31 %
47 %
40 %
49 %
94 %
Éthanol
773
61 %
83 %
83 %
49 %
95 %
HVHTE
94
7 %
31 %
7 %
0 %
0 %
Total général
4 802
100 %
48 %
36 %
4 076
100 %
66 %
Source : DGEC (biocarburants mis à la consommation en France)
Note
: l’année 2020, moins représentative du fait de la crise sanitaire, n’a pas été retenue
(voir Annexe n°
9)
Graphique n° 8 :
Origine des matières premières des biocarburants diesel et essence mis à la
consommation en France, par type de matière, en 2014 et 2019 (
en Ml de biocarburant
)
Biocarburant diesel
Biocarburant essence
Source : DGEC, données 2014 et 2019 (traitement Cour des comptes)
Un solde extérieur des échanges de biocarburants désormais déficitaire
Globalement en France, les échanges extérieurs cumulés de biocarburants évoluent
défavorablement. Alors qu’ils étaient
légèrement excédentaires entre 2012 et 2015, ils sont
déficitaires depuis 2016 (de 472 M€ en 2019)
, mais moins que si la France utilisait du pétrole
en totalité
(le déficit extérieur énergétique en 2019 est de 45 Md€).
Ces échanges croissants se
font essentiellement avec les États membres de l’Union Européenne (la totalité des échanges
d’éthanol ainsi que
99,9 % des achats et 91
% des ventes d’EMAG. L’évolution e
st contrastée,
avec un déficit historique structurel pour les biocarburants diésel et moins excédentaire au fil
du temps pour l’éthanol et l’ETBE (voir détails en fin d’
Annexe n° 9).
En masse, le bilan des échanges de biocarburants est également déficitaire. Il présente
les mêmes proportions d’échanges que le bilan en euros, de façon plus marquée, témoignant
d’exports croissants à plus forte valeur ajoutée que les im
ports. Ces échanges extérieurs
croissants de biocarburants se font donc au bénéfice des consommateurs (qui paient leur
carburant moins cher), des producteurs de biocarburants français (qui vendent à un tarif
supérieur à l’export)
et des pétroliers français. Ils se font en outre essentiellement dans un
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
34
périmètre européen.
Cette augmentation du déficit extérieur en biocarburants n’est pas sans lien
avec les objectifs d’incorporation.
Graphique n° 9 :
Évolution des échanges extérieurs et des taux cibles d’incorporation de
bio
carburants essence et diesel, en M€ et pourcentages
Source : Douane (traitement Cour des comptes)
Enfin, concernant les matières premières des biocarburants en 2019 : 49 % de celles du
biodiesel mis à la consommation en France (95 % des HVHTG, 49 % des huiles usagées et
40 % des EMHV) et 9 % de celles des biocarburants essence (93
% de l’HVHTE, 9
% de
l’ETBE et 6
% de l’éthanol) proviennent de la zone hors Europe. Ce transport massif
, en
particulier pour le biodiesel et les produits hydrotraités, interp
elle, au regard de l’objectif des
biocarburants de réduction des GES dans le secteur de transports (voir 1.4.2) et des futures
incorporations pour l’aviation, qui passent à ce stade par un hydrotraitement (
voir 2.3.3).
1.3
Un bilan environnemental globalement négatif
1.3.1
Des atteintes à la biodiversité et à la qualité des sols, de l’eau et de l’air
Un consensus s’est formé sur l’idée que les biocarburants de première génération sont
globalement nuisibles à la biodiversité. Depuis la fin des années 1990, la production mondiale
de matières premières agricoles utilisées pour les biocarburants conventionnels a augmenté,
surtout en ce qui concerne l’huile de palme, le soja et le maïs. Pour certaines cultures, cet
te
augmentation découle surtout de gains de productivité. Mais une partie de la demande en
biocarburants a été satisfaite par une expansion des terres utilisées, notamment celles présentant
un important stock de carbone. La Commission européenne a essayé d
e quantifier l’expansion
des surfaces de production de produits agricoles due aux biocarburants sur ces terres
56
. Elle a
toutefois constaté qu’aucune étude scientifique ne fournissait de résultats pour l’ensemble des
matières premières utilisées. Les études sont souvent axées sur des régions et des cultures
spécifique (soja et huile de palme), elles portent sur des périodes différentes et utilisent des
méthodologies également différentes.
56
Commission européenne (2019),
Rapport au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social
européen et au Comité
des régions sur l’état de l’expansion, à l’échelle mondiale, de la production de certaines cultures
destinées à l’alimentation humaine et animale.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
35
Malgré ces limites qui, d’après elle, peuvent conduire à une sous
-estimation des
conséquences en termes de déforestation, la Commission parvient aux estimations suivantes.
Environ 8% de l’expansion mondiale de la culture du soja depuis 2008 s’est faite sur des terres
présentant un stock de carbone important. Cette proportion est beaucoup plus importante pour
l’huile de palme
: 45%. Pour la canne à sucre, des évaluations existent pour certaines régions
comme le Brésil mais sont contradictoires. Au niveau mondial, aucune quantification de la
déforestation par la canne à sucre
n’a pu être calculée. S’agissant du maïs, la Commission cite
une étude montrant que l’expansion des cultures aux États
-
Unis entre 2008 et 2012 s’est faite à
hauteur de 3 % aux dépens de la forêt, de 8 % aux dépens de zones arbustives et de 2 % aux
dépens de zones humides. Mais, là encore, aucune estimation mondiale de la conversion des
terres n’a pu être effectuée. Enfin, s’agissant des autres cultures, il existe trop peu de données
à l’échelle mondiale.
En 2019, l’
Intergovernemental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services
(IPBES), équivalent du GIEC dans le domaine de la biodiversité, a publié un important rapport
hiérarchisant pour la première fois les causes de l’appauvrissement de la biodiversité
:
modifi
cation de l’utilisation des terres et des mers, exploitation directe des organismes,
changements climatiques, pollution, espèces exotiques envahissantes. Ce rapport cite les
biocarburants parmi les sujets faisant l’objet de certaines politiques publiques «
nuisibles
»,
«
associées à des pratiques non durables
», «
souvent liées à des changements dans l’utilisation
des terres et des mers, à la surexploitation des ressources naturelles, ainsi qu’à des moyens de
production et une gestion des déchets inefficaces
», et dont la suppression fait l’objet de la
résistance d’intérêts particuliers
57
.
En 2020, la Commission européenne a indiqué : «
l’appauvrissement de la biodiversité
et l’effondrement des écosystèmes figurent parmi les principales menaces auxquelles
l’h
umanité devra faire face au cours de la décennie à venir
». Dans sa stratégie en faveur de la
biodiversité
58
, elle appelle, s’agissant de la décarbonation du système énergétique, à privilégier
des énergies provenant de sources renouvelables plus durables (énergie océanique, énergie
éolienne en mer, fermes solaires), et à poursuivre la transition vers des biocarburants avancés à
base de résidus et de déchets non réutilisables et non recyclables.
En France, en septembre 2020, le rapport sur l’impact environnemental du budget de
l’État, publié en
Annexe n° 12 au PLF 2021, a classé le tarif réduit de TICPE pour les
biocarburants comme «
défavorable sur l’axe biodiversité
» (et favorable sur l’axe climat).
Enfin, c’est pour lutter contre la «
déforestation importée » que le Conseil économique, social
et environnemental (CESE) a recommandé en 2020
d’accélérer la transition vers les
biocarburants avancés
59
. Face à ces constats, en cohérence avec la Stratégie nationale de lutte
contre la déforestation importée (SNDI), la loi de financ
es pour 2020 a exclu l’huile de palme
de l’incitation fiscale de la TIRIB au 1
er
janvier 2020, et la loi de finances pour 2021 a plafonné
strictement le biodiesel à base de soja.
Aux États-
Unis, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) recense diver
s effets
négatifs des biocarburants en matière de santé de l’écosystème, de biodiversité, de changement
d’affectation des sols, et de qualité de l’eau, de l’air et de sols (cf.
Annexe n° 12)
60
:
57
IPBES (2019),
Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques
.
58
Ramener
la nature dans nos vies (2020). Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030
.
Communication de la Commission COM(2020) 380
59
CESE (2020),
Le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre la déforestation importée
(MM. Jean-Luc
Bennahmias et Jacques Pasquier).
60
U.S. Environmental Protection Agency (2018),
Biofuels and the Environment. Second Triennal Report to Congress.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
36
S’agissant de la qualité de l’air, il est difficile de tirer des conclusions générales sur le
bilan des biocarburants en raison des multiples facteurs à distinguer en plus de la variété des
biocarburants : les types le véhicules et de moteurs, la manière dont ils sont utilisés, et
l’environnement dans lequel ils évoluent. Néanmoins, le consensus scientifique actuel suggère
que ce bilan est mitigé, particulièrement en matière de particules fines. Les biocarburants
apportent peu d’
avantages significatifs par rapport aux autres carburants, et ils ont même parfois
des performances inférieures.
En 2010, l’analyse en cycle de vie pilotée par l’
Ademe, les ministères de l'écologie et
de l'agriculture et FranceAgriMer suggérait que les biodiesels étaient plus émetteurs de
molécules à pouvoir oxydant que les diesels d’origine fossile. Elle montrait au contraire que les
bioéthanols et ETBE étaient plus intéressants que l’essence, avec toutefois de moins bons
résultats pour la canne à sucre
61
. En revanche, pour des carburants à forte teneur en éthanol
(E85 et ED95), l’Ademe a mis en évidence une tendance à l’augmentation de l’acétaldéhyde
pour les véhicules légers et les autocars, et du monoxyde de carbone et des hydrocarbures
imbrûlés pour les autocars (les valeurs obtenues restent toutefois largement inférieures aux
normes)
62
.
L’Ademe
estime
qu’
en matière d
’impact sur l
es polluants atmosphériques, les bilans
doivent être approfondis pour estimer si les biocarburants avancés présentent réellement un
bénéfice en fonction des matières utilisées
63
. Par exemple, «
les voitures fonctionnant à
l’éthanol de première ou de deuxième génération (E85) auraient un impact sur la qualité de
l’air à peine meilleur que celui des voitures essence, aussi bien au niveau des oxydes d’azote
(Nox) que des particules. Cette légère amélioration, qui reste à confirmer, pourrait être causée
par des moindres émissions de précurseurs de particules secondaires
».
L’Ademe montre que les résultats du B30 et de l’E85 en matière
de qualité de l’air sont
relativement décevants
64
. De manière générale, les véhicules légers fonctionnant au GNV (ou
biométhane) et GPL ainsi que les hybrides rechargeables essence ont le moins d’impact, après
les électriques, car ils sont les moins
émetteurs d’oxydes d’azote et de précurseurs de particules
secondaires(cf. compléments en Annexe n° 12).
1.3.2
Des impacts à mieux étayer
Une illustration de l’extrême c
omplexité du débat scientifique sur les effets
environnementaux des biocarburants peut être trouvée dans l’étude de prospective de l’Ademe
de 2020
65
, qui s’appuie sur les travaux les plus complets et les plus récents. Sa conclusion
souligne deux limites maj
eures de l’étude.
D’une part, «
elle ne traite pas de l’impact des différents scenarii sur les puits de
carbone que constituent les forêts par exemple, ni de leur impact précis sur la biodiversité.
L’étude aborde certes l’impact sur la biodiversité par une
Évaluation Environnementale
61
Ademe (2010),
Analyses du cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération consommés en
France.
62
Ademe (2019),
Evaluation des impacts de trois scénarios de développement des biocarburants pour la LTECV.
63
Ademe, Réseau Action Climat (2020),
Usage des biocarburants « avancés » dans les transports : quel bilan
environnemental et quelles perspectives de développement en France ?
64
Ademe, (2020),
Les véhicules légers : quel carburant choisir en France métropolitaine ?
65
Ademe (2020),
Perspectives concernant l’utilisation des biocarburants dans les différents segments de transport
en France en relation avec
l’évolution de la mobilité à l’horizon 2050.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
37
Stratégique (EES) mais cette évaluation ne fournit que des premiers éléments de réponse
qualitatifs et globaux, pour positionner les scenarios les uns par rapport aux autres, mais qu’il
serait intéressant de préciser de façon a
bsolue. De même, l’approche de type ACV quantitative
par définition, alerte sur l’existence d’un problème à traiter sur les Changements d’Affectation
des Sols (CAS) avec des surfaces comprises entre 13 et 66 fois la surface agricole française
utile, mais ne règle pas le problème. Ce double questionnement nécessiterait à lui seul une
étude complémentaire
».
D’autre part, l’Ademe estime que «
l’autre limite essentielle à cette étude concerne les
approximations
utilisées
pour
certains
types
de
biocarburants
d
ans
l’évaluation
environnementale quantitative de type ACV. Par conséquent, les résultats sont à considérer
avec prudence, plus comme des ordres de grandeur d’impacts environnementaux, que des
calculs exacts. L’ancienneté des données peut poser problème, t
out comme le périmètre
géographique considéré pour l’obtention du résultat, ou tout simplement la non existence de
données pour certains types de biocarburants
».
Quoiqu’il en soit, comme le résume l’OPESCT, «
les biocarburants de première
génération n’ont
pas un grand avenir et ne seront pas des débouchés pertinents pour nos
agriculteurs, notamment du fait de leurs implications en termes de conflits d’usage avec
l’alimentation, de changement d’affectation des sols, de tensions sur les prix des denrées
alim
entaires, de rendement énergétique moindre et d’analyses de cycle de vie (ACV) illustrant
un bilan global d’émission de gaz à effet de serre peu satisfaisant, mais aussi compte tenu du
développement des véhicules électriques. (…). En ACV, les biocarburants
importés émettent
probablement beaucoup plus de CO2 que le diesel issu d’énergies fossiles
»
66
.
La concurrence alimentaire reste un point d’attention à affiner. Les éléments
scientifiques manquent encore pour quantifier les externalités positives (statistiques plus
nombreuses d’émissions réelles de GES, rôle mellifère, …) autant que les impacts négatifs
environnementaux (évolution des quantités et nature des intrants et phytosanitaires, suivi des
assolements, …) et sociaux locaux pour les cultures les plu
s utilisées pour les biocarburants
(betteraves, colza, ...) ainsi que les impacts plus globaux (effets sur la biodiversité, …).
L’évolution potentielle de l’alimentation vers des modes moins carnés et moins sucrés est
insuffisamment prise en compte. Enfin, en lien avec les politiques agricoles, se pose également
la question de la PAC, dont les cultures destinées aux biocarburants conventionnels bénéficient,
ce qui n’est pas le cas de toutes les cultures énergétiques pour biocarburants avancés (
le
miscanthus en bénéficie
).
Par ailleurs, si la Commission européenne a précisé des règles pour apprécier le risque
CASI, le risque en matière de biodiversité est plus difficile à évaluer et concerne également
notre territoire.
Les études réalisées sur les biocarburants conventionnels (notamment à partir des
années
2013
par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement)
devraient être poursuivies et affinées. Leurs résultats quantitatifs pourraient le cas échéant servir
de base scientifique pour la mise en place de mesures de gestion, par exemple régionales, qui
pourraient être prises par les organisations professionnelles et les Ministères concernés (MAA,
MTE...). Ce type de mesure a fait ses preuves autant en termes de transparence pour les citoyens
et d’image pour la filière que d’efficacité dans d’autres configurations (par exemple
: gestion
66
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST),
L’Agriculture face au défi
de la production d’énergie
, 2020.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
38
de la coquille Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc)
; il s’agirait de voir si elles pourraient
être adaptées aux principales cultures pour les biocarburants.
De même, les cultures énergétiques ou intermédiaires à vocation énergétique ont fait
l’objet de peu d’expérimentations (test d’implantation et suivi, …). Avant même que des outils
industriels existent sur le territoire, elles pourraient faire l’objet du type de suivi précité voi
re
de préparation de mesures de gestion au niveau agricole. Elles contribueraient d’ailleurs à
l’établissement de valeurs d’émission de GES culture (voire transformation) calculées. Enfin,
elles trouveraient un débouché en Europe dans les nouveaux équipements en cours de
réalisation.
Sur toutes ces problématiques, il n’est pas normal que le législateur n’ait pas accès à des
synthèses de la connaissance scientifique, qui lui permettraient de mieux fonder ses choix de
politique publique en matière de biocarb
urants. Il serait donc souhaitable d’améliorer son
information en produisant un rapport d’impact environnemental des biocarburants, établi avec
le concours des établissements de recherche de l’Etat, par exemple l’INRAE et l’Office français
de la biodiversité (OFB).
Recommandation n° 1.
(DGPE,
DGEC, DGALN, 2022) : Produire
un
rapport
d’évaluation des impacts environnementaux et agronomiques des matières premières
utilisées pour la production de biocarburants et les expérimentations de cultures
énergétiques, en prenant en compte leurs origines géographiques.
1.4
Un bilan climatique décevant
1.4.1
Une politique française sans effet suffisant pour lutter contre le changement
climatique
Une réduction limitée des émissions de GES transports
Par ailleurs, les émissions 2019 du secteur des
transports s’établissent en France à 135
MtC02eq, comparativement à 124 Mt CO2eq en 1990 (+ 9,4%), avec un niveau assez stable
depuis 2008, 2,2% au-dessus de leur budget carbone 2019. Parmi les indicateurs disponibles,
l’observatoire climat
-énergie en identifie quatre en deçà de leur objectif 2019, et qui relèvent
de deux catégories :
Déplacements particuliers : les mobilités des voyageurs (939 382 km en 2019, contre
731 662km en 1990) et les émissions des véhicules particuliers (de 111,4 gCO2/km en 2019
pour un objectif de 87,4 g et comparativement à des émissions de 149g en 2007) ;
Fret : le fret routier en hausse (89,1% des émissions 2019 de fret, contre 76,8% en 1990, avec
un objectif 2019 de 85,7%) et un transport ferroviaire et fluvial limité (10,9% en 2019 pour
un objectif de 14,3%).
Enfin, les objectifs de réduction des émissions de GES des carburants fixés en 2009, dans
le cadre du « paquet énergie-climat », issus de la directive 2009/30/CE du 23 avril 2009 dite
« qualité des carburants
», imposaient aux États membres de s’assurer que les fournisseurs de
carburants réduisent de 6 % à l’horizon 2020 les émissions de GES tout au long de la chaîne de
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
39
production des carburants, comparativement à ce que seraient les émissions de GES en utilisant
uniquement des carburants fossiles : la réduction des émissions de GES obtenue en 2019 en
France est d’environ 4,5% selon la DGEC.
Ainsi, comme la plupart des États membres, la France peine à a
tteindre l‘objectif de 6%.
Elle atteint un résultat honorable et un cinquième rang. En effet, comme l’illustre le graphique
ci-dessus, seules la Suède et la Finlande atteignent actuellement cet objectif et 23 pays
européens restent sous l’objectif interméd
iaire de 4%
67
. Il n’existe pas d’outil fiscal incitatif en
France associé à cet objectif de réduction des émissions de GES des carburants : seule la
Finlande le pratique. L’Allemagne a également mis en place un dispositif de quota et de
pénalité. Un tel outil fiscal conduirait à utiliser les biocarburants les moins émetteurs, qui ne
sont pas souvent produits en Europe
68
.
Graphique n° 10 :
Émissions de GES des transports en France
Graphique n° 11 :
Réduction de l’intensité des émissions de
GES des carburants enregistrées par les fournisseurs européens
de carburants des États membres de 2010 à 2018
Source :
observatoire climat énergie
(MTE, SDES)
Source : AEE
1.4.2
Des émissions de GES non négligeables mais encore mal évaluées
Les effets des biocarburants sont multiples, parfois négatifs, mais toujours extrêmement
difficiles à analyser, notamment en raison du très grand nombre de paramètres et de variables
à prendre en compte. Il est étonnant qu’en France auc
une synthèse ne soit produite pour éclairer
la politique publique biocarburants. Une partie du débat public sur ce sujet se fonde sur des
éléments commandités et publiés par des groupes d’influence, ONG, organisations
professionnelles, etc. Les décideurs publics ont bien sûr accès à diverses études scientifiques
parfois très exhaustives, mais aucune synthèse accessible n’est produite, contrairement aux
États-
Unis, par exemple, où l’Agence de protection de l’environnement (EPA, citée infra)
67
Source :
rapport de la Commission au parlement européens et au conseil, qualité de l’essence et des carburants
diesel utilisés pour le transport routier dans l’Union européenne
(pour l’année de référence 2018)
68
Voir directive EnR, annexe V, qui attribue les forfaits par défaut d’émissions globales de GES suivants:
-
biogazole d’huiles usagées
: 14g de CO2eq/MJ, 44 g s’il est issu d’huile de palme et 52 g s’il est issu de colza,
-
éthanol de canne à sucre : 22 gCO2e
q/MJ, 43 g s’il est issu de maïs produit en Union européenne, 44 g s’il provient de
betteraves, 44 g s’il est issu de blé (avec du gaz naturel combustible)
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
40
publie régulièrem
ent à l’attention du Congrès un intéressant rapport sur les impacts
environnementaux des biocarburants
69
.
Une des dimensions de la complexité du débat sur les effets environnementaux des
biocarburants réside dans les enjeux méthodologiques posés par l’anal
yse du cycle de vie
(ACV). Il s’agit de la méthode la plus communément utilisée pour comparer les performances
des différentes EnR en termes d’impact environnemental, particulièrement d’émission de GES.
Avec cette méthode, les émissions de GES sont quantifiées non pas seulement lors de
l’utilisation finale du produit mais à toutes les étapes de son cycle de vie : extraction et
traitement des matières premières, fabrication, transport, distribution, utilisation et réutilisation
du produit fini, recyclage, gestion des déchets en fin de vie. Cette méthode repose sur une
méthodologie adoptée en 1997 et reposant sur des normes internationales ISO.
Or la méthode ACV est, comme l’a rappelé récemment l’OPESCT, unanimement jugée
par les professionnels comme complexe
à mettre en œuvre. Mais comme elle reste la plus
pertinente
d’un
point
de
vue
théorique,
l’OPESCT
suggère
de
l’utiliser
plus
systématiquement
70
.
La Commission européenne publie régulièrement des estimations des émissions de GES
des différents carburants en décomposant les différentes séquences du processus, de la
production à la combustion
71
. La phase « du puits à la roue » (WTW) est la somme de celle
« du puits au réservoir » (WTT) et de celle « du réservoir à la roue » (TTW). Les graphiques de
ce document (cf. Annexe n° 12
) illustrent un double constat : d’une part c’est lors de la phase
« puits au réservoir » que les émissions de GES sont les plus faibles
; d’autre pa
rt, lors de cette
phase, ces émissions sont même économisées dans le cas des biocarburants avancés, alors que
les émissions de ces derniers dans la phase « réservoir à la roue » sont comparables à celles des
biocarburants conventionnels .
Les performances
en matière d’émissions de GES des biocarburants produits en France,
sont en apparence satisfaisantes : entre 60 % et moins de 80
% de réduction d’émission de GES
par rapport aux carburants fossiles, pour les biodiesels issus d’oléagineux
; autour de 90 % pour
les biodiesels issus de déchets ; entre 50 % et légèrement plus de 70 % pour les éthanols
incorporés directement dans l’essence, entre 25
% et moins de 50 % pour les éthanols
incorporés sous forme d’ETBE
72
. Ce bilan rejoint celui de l’importante étude de l’Ademe en
2010
73
.
Afin d’être considérés comme renouvelables et donc de bénéficier du mécanisme de
soutien à l’incorporation, les biocarburants doivent prouver un potentiel de réduction minimal
des émissions de GES ; ces informations sont envoyées à la DGEC par chaque opérateur dans
ses déclarations de durabilité mensuelles.
69
U.S. Environmental Protection Agency (2018),
Biofuels and the Environment. Second Triennal Report to Congress.
Les conclusions de ce rapport confirment largement celles de la précédente version (2011) : de manière générale,
l’accroissement de la production et de l’usage de biocarburants depuis 2007 a eu un impact sur l’environnement «
négatif mais
limité en intensité
». Ces effets pourront être réduits à l’avenir si les meilleures pratiques de gestion actuelles sont diffusées et
si les biocarburants de deuxième génération se développent.
70
«
Assurer un suivi régulier et rigoureux de la production
d’énergie dans le secteur agricole, en
intégrant autant que possible les approches en termes d’analyses de cycle de vie (ACV)
».
Office parlementaire
d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST),
L’Agriculture face au défi de la production d’énergie
, 2020.
71
Commission européenne (2020),
JEC Well-To-Wheels report v5
.
72
laction/produire-biocarburants/dossier/produire-biocarburants-premiere-generation/impacts
73
Ademe (2010),
Analyses du cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération consommés en
France.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
41
La performance relative de la France par rapport aux autres États européens en matière
de contenus en CO2 des biocarburants incorporés n’est pas facile à évaluer. La DGEC indique
à la Cour ne pas disposer de données précises et fiables sur ce sujet ; cependant les informations
reçues d’un groupe de travail européen et ses échanges avec les autres États membres lui
laissent penser que la France a des résultats légèrement inférieurs à ses voisins européens. La
DGEC rappelle en particulier que l’Allemagne et la Suède ont adopté un mécanisme incitatif
fondé
sur les réductions de CO2 et non sur la quantité d’énergie comme en France, ce qui a
pour conséquence que les biocarburants ayant les meilleurs résultats en GES sont attirés par ces
pays, alors qu’en France il n’y a pas de valorisation supplémentaire pour les GES réduits, dès
lors que le biocarburant respecte le critère de durabilité (tout lot de biocarburant doit réduire
d’au moins 50
% les GES, voire 60
% si l’usine de production a été mise en service après 2015).
D’après la DGEC, la future base de données commune au niveau européen prévue par la
directive EnR 2 simplifiera grandement la comparaison avec les pays voisins, en plus de
permettre une lutte plus efficace contre la fraude.
Quoiqu’il en soit, les données transmises par les producteurs sont celles qui servent de
base au calcul du coût de la tonne de CO2 évitée grâce à l’usage de biocarburants. L’estimation
par le MTE de ce coût
se fonde sur un gain en termes d’émissions compris entre 50
% (seuil de
durabilité fixé par la législation européenne) et 100 % de celles des produits pétroliers
correspondants. En 2018, ce coût s’élèverait ainsi entre 90 €/tCO2 et 181
€/tCO2 pour le
biod
iesel, et entre 113 €/tCO2 et 225 €/tCO2 pour le bioéthanol. Ces valeurs ont globalement
reculé depuis 2011, particulièrement pour le biodiesel, les prix des biocarburants ayant
davantage baissé que ceux des produits pétroliers correspondants
74
.
S’agissant
des performances relatives entre sources d’EnR, l’OPESCT a récemment
établi une hiérarchie de leurs émissions de GES, des plus vertueuses aux moins vertueuses : les
biocarburants sont les moins bien classés (cf. tableau en Annexe n° 12)
75
. Les études de
l’Ademe sur lesquelles l’office se fonde sont toutefois anciennes (entre 2006 et 2010).
L’insuffisante prise en compte du changement d’affectation des sols
Les résultats relativement satisfaisants de la France restent toutefois très parcellaires,
dans la mesure où ils ne prennent pas en compte les effets de changement d’affection des sols
(désigné au sens large comme « CAS »). Cet effet est « direct » lorsque des terres à usage non
agricole sont utilisées pour produire des biocarburants (par exemple des prairies ou des forêts).
Il est « indirect » (CASI) quand la production de biocarburants se fait sur des terres agricoles,
ce qui oblige à transférer les anciennes productions agricoles sur des terres qui ne leur étaient
pas consacrées auparavant.
La conversion de terres à usage non agricole en terres à usage agricole diminue le
stockage de carbone (car les forêts et prairies en stockent davantage que les terres agricoles),
ce qui réduit la performance environnementale des biocarburants de manière générale, et en
matière d’ém
issions de GES en particulier.
Comme l’indique l’Ademe, ce bilan GES «
peut
s’alourdir jusqu’à devenir négatif par rapport aux carburants f
ossiles
»
76
. De même la DGEC
indique à la Cour : «
il faut bien noter que la méthodologie européenne de calcul de ces
émissions ne prend pas en compte les effets indirects (dits effets CASI) que les biocarburants
74
MTES (2020),
Bilan énergétique de la France pour 2018.
75
OPESCT (2020),
L’Agriculture face au défi de la production d’énergie.
76
laction/produire-biocarburants/dossier/produire-biocarburants-premiere-generation/impacts
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
42
de première génération peuvent entrainer sur la déforestation en déplaçant la production
alimentaire vers de nouvelles terres. Cet effet peut considérablement dégrader leur bilan
carbone, en particulier pour les oléagineux
». Dans le bilan énergétique qu’il publie chaque
année, le MTE précise ainsi que les coûts estimés de la tonne de CO2 évitée ne prennent pas en
compte les émissions indirectes liées au changement d’affectation des sol
s
, et qu’ils «
seraient
supérieurs si c’était le cas
»
77
.
Or la prise en compte de ces effets est extrêmement comple
xe d’un point de vue
méthodologique. L’Ademe l’avait déjà souligné en 2010 et les autres travaux menés depuis lors
restent difficiles à interpréter. «
Le CASI ne peut pas être observé ou mesuré dans la réalité car
il est lié à un grand nombre d'autres changements sur les marchés agricoles aux niveaux
mondial et local. Cet effet ne peut être estimé qu'à l'aide de modèles
», comme le résume la
Commission européenne
78
. Les recherches se poursuivent actuellement, notamment dans le
cadre d’une plateforme commune
Ademe-Inrae. Une étude publiée dans ce cadre en 2013
parvient à une estimation des effets de CAS relativement faible (cf. détails en Annexe n° 12)
79
.
Mais une importante étude commanditée par la Commission européenne et publiée en
2015 trouve des résultats plus défavorables
80
. Elle obtient un CAS total engendré par l’objectif
européen de biocarburants en 2020 de 8,8 Mha. Cette surface représente 0,6 % de la superficie
totale des cultures mondiales en 2012. Elle représente environ 4 % de la superficie totale de
l'Indonésie et l’équivalent de la superficie totale de l'Autriche.
Compte-
tenu de cet effet de CAS, l’étude estime que les objectifs de biocarburants de
l’Union européenne pour 2020 ont un impact en termes d’émissions de GES découlant du CAS
de 97 gCO2e/MJ. Ce résultat élevé provient largement de l'huile de palme, qui représente 16 %
de la matière première des biocarburants supplémentaires pour atteindre les objectifs de 2020.
Cet impact est réduit à 74 gCO2e/MJ avec l’introduction d’un plafond de 7
% pour la
consommation de biocarburants conventionnels.
La conclusion générale de l’étude de la Commission européenne de 2015 est la
suivante : «
Les émissions issues du CAS sont susceptibles d'être substantielles, mais une
certaine incertitude inhérente ne peut être évitée dans leur estimation, et de nombreux
paramètres et hypothèses influencent les résultats. De ce point de vue, seules quelques matières
premières peuvent être désignées avec un degré de confiance satisfaisant comme engendrant
des émissions de CAS élevées ou faibles : certaines matières premières suscitent de faibles
émissions de CAS ou créent du carbone organique au sol mais pas d'émissions de CAS ; l'huile
de palme et l'huile de soja engendrent clairement des émissions de CAS substantielles
». Les
résultats font
apparaître des émissions dues au CAS élevées résultant de l'utilisation accrue
d’huile de palme, alors
-même que les critères de durabilité européens (qui sont pris en compte)
interdisent l'expansion dans les forêts et zones à forte biodiversité et le drainage des tourbières.
Comme le souligne la Commission, même si ces restrictions ont un impact positif sur la
durabilité directe de la production
de biocarburants, elles n’empêchent pas pour autant tout
phénomène de conversion « non durable » des terres : «
l’interdiction du CAS non durable
77
MTES (2020),
Bilan énergétique de la France pour 2018.
78
Valin, H. et al.
The land use change impact of biofuels consumed in the EU: Quantification of area and greenhouse
gas impacts
. Ecofys, IIASA, E4tech, EcoFys (2015).
79
Ademe (2013),
Étude complémentaire à l’analyse rétrospective des interactions du développement des
b
iocarburants en France avec l’évolution des marchés français et mondiaux et les changement d’affectation des sols. Volet 2
:
évaluation des effets du développement des biocarburants en France et sur les marchés internationaux des grandes cultures et
le cha
ngement d’affecta
tion des sols
: une analyse à l’aide du modèle MATSIM
-LUCA.
80
Valin, H. et al.
The land use change impact of biofuels consumed in the EU: Quantification of area and greenhouse
gas impacts
. Ecofys, IIASA, E4tech, EcoFys (2015).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
43
aboutit à ce que les matières premières pour biocarburants proviennent principalement
d’exploitations et de pl
antations existantes mais entraîne indirectement une augmentation du
CAS non durable pour répondre à la demande de denrées alimentaires, aliments pour animaux
et autres matières premières, ou pour approvisionner d’autres marchés que l’Union
européenne. Ce n'est que si les critères de durabilité offrant un niveau de protection similaire
sont étendus aux secteurs des denrées alimentaires, aliments pour animaux et autres matières
premières s'ils sont effectivement appliqués à l'échelle mondiale, que ces pratiques non
durables pourront être efficacement réduites
».
Aux États-
Unis, d’après une méta
-analyse de 2018 effectuant la synthèse de nombreuses
études
81
, la réduction de GES du bioéthanol de blé (le plus utilisé) semble négligeable (-0,23 %
par rapport à l’essence classique, à quantité d’énergie équivalente). Cette méta
-analyse souligne
toutefois l’extrême hétérogénéité des méthodes et résultats de ces différentes études. Elle
rappelle par ailleurs que l’utilisation du bioéthanol de blé améliore sensiblement l’indépendance
énergétique des États-Unis ainsi que le niveau de sa balance commerciale, en permettant une
baisse significative des importations de pétrole.
Au niveau mondial, une méta-analyse publiée en 2018 par la revue
Nature
, fondée sur
127 articles scientifiques sur les émissions de GES de la bioénergie (dont 50 incluant des
scenarios de CAS et CASI) a confirmé les mauvaises performances des biocarburants de
première génération : ils ont en moyenne 50 % de chances de ne pas permettre de réduire de
50 % les émissions de GES par rapport aux énergies fossiles
82
. L’étude confirme que le
potentiel des biocarburants de seconde génération est nettement plus élevé. En revanche, parmi
ces derniers, ceux qui nécessitent d’utiliser des ressources forestières ont
des performances
inférieures.
Des calculs contestables des forfaits d’émissions de GES
En 2020, la mesure d’exclusion de la palme de la taxe incitative relative à
l’incorporation de biocarburants (TIRIB) a principalement bénéficié aux matières premières
non européennes (canola canadien, soja argentin) et très peu aux productions françaises (voir
Annexe n° 9
). Compte tenu de l’objectif global escompté de réduction des
GES du secteur
transport, ce report significatif vers des matières premières produites très majoritairement hors
d’Europe questionne la prise en compte du transport dans le système de durabilité,
comparativement à l’effet prix, d’autant plus
en temps de crise et de surproduction locale. Les
éléments suivants examinent donc ce dispositif.
Conformément à l’annexe V de la Directive EnR, les émissions de GES de chaque lot
de biocarburant
correspondent à la somme des émissions pour la culture de ses matières
premières, leur transformation, le transport et la distribution (voir Annexe n° 13). Elles peuvent
être évaluées selon deux méthodes, cumulables entre elles pour les différentes étapes
:
forfaits par défaut (point D de l’annexe V), conçus comme des valeurs hautes a priori
: leur
usage facilite la logistique (lots plus importants), mais ne permet pas l’accès au marché
européen pour certaines matières premières dont les émissions de GES globales par défaut
excèdent 50
% de la référence fossile, ce qui oblige à utiliser au moins partiellement des
valeurs calculées auditées (cas de l'éthanol de maïs ou de betterave et du biogazole de colza)
;
81
Gal Hochman, David Zilberman, « Corn ethanol and US biofuel policy 10 years later : a quantitative assessment »,
American Journal of Agricultural Economics
, mars 2018.
82
El Akkari, M., Réchauchère, O., Bispo, A. et al. « A meta-analysis of the greenhouse gas abatement of bioenergy
factoring in land use changes ».
Nature Scientific Reports
8, 8563 (2018).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
44
calculs audités par les schémas volontaires
: certains opérateurs en France les utilisent même
si les valeurs obtenues peuvent être supérieures aux valeurs par défaut car elles n’y sont pas
pénalisants, à l’inverse du système allemand. Enfin, certains produits, tels que l’éthanol de
résidus viniques n’ont pas de valeur par défaut, ce qui oblige à la calculer
83
.
Or, en premier lieu, les valeurs par défaut des émissions de GES transport et distribution
sont indépendantes de la provenance du biocarburant(
84
), ce qui interroge la cohérence avec
l’objectif de la directive EnR et donne un avantage notable aux producteurs extra
-européens.
Elles sont en outre parfois basses, selon la DGEC, notamment pour le biogazole de colza avec
1 gC02eq/MJ (1,8 gCO2eq/MJ dans la directive EnR2) ou
comparativement à d’autres
(biogazole de soja : 13 gCO2eq/MJ ou de palme : 5 gCO2eq/MJ). En effet, un calcul rapide à
partir de l’évaluation
du GIEC
des émissions d’un pétrolier (de 20 à 70 g CO2e
q/t.km, voir
Graphique n° 37 :), conduit à des émissions de GES de 1,1 à 3,9 gCO2eq/MJ pour le transport
maritime du canola à partir du Canada (avec environ 5 500 km du Havre à Montréal), sans
compter le transport des matières premières et biocarburants en amont et en aval des ports.
Ce constat se retrouve dans la base de données DGEC pour la France,
où pour la majorité
des biocarburants (deux tiers en volume), les GES moyens transport et distribution issus d’une
même matière première sont très peu différenciés voire inversement proportionnels à la distance
de leur lieu de production. Comme l’illustre le tableau ci-après, on observe ainsi en 2019
85
:
des émissions moyennes plus élevées pour l’EMHV, s’il est issu de soja non européen
qu’européen (respectivement 5,38 et 7,51 gCO2eq/MJ – et 1,56 g en Europe hors France),
un écart infime entre les émissions moyennes issues de matières premières d’origine
lointaine ou non pour les EMHV de colza, les EMHU (huiles usagées) ainsi que l’éthanol de
blé français ou non européen (1,98 et 2,00 g CO2eq/MJ).
des valeurs moyennes très faibles pour l’EMHV d’effluents d’huile de palme et rafles
(1,01 gCO2eq/MJ), correspondant à des valeurs de transport de produits français ou
européens. Dans ce cas il s’agit en totalité de valeurs calculées (il n’existe pas de forfait).
Émissions moyennes de GES en 2019 pour le transport et la distribution de types de
biocarburants, selon l’origine de leurs matières premières (en gCO2eq/MJ)
Type de biocarburant
Type de matière
première
GES par origine géographique
France
Europe(hors France)
Hors Europe
EMHU
huiles usagées
0,967
0,969
0,932
EMHV
effluents palme
1,01
EMHV
colza
1,01
1,01
1,01
EMHV
soja
4,69
7,51
5,38
Total Biodiesel
tous
1,01
1,05
3,75
ETBE
betteraves
2,52
1,99
ETBE
blé
2,31
2,08
3,8
Éthanol
betteraves
1,99
Non disponible
Éthanol
blé
1,98
1,56
2,00
Total biocarburant essence
tous
2,23
5,21
3,36
Source : DGEC
En second lieu, les valeurs par défaut des émissions de GES culture et transformation
par biocarburant sont également uniques, ce qui interroge, au vu de la variabilité des rendements
83
et
elle est élevée pour transport par camion des résidus, qui émet plus que le transport par bateau. A noter qu’ils
sont peu employés hors d’Europe pour la production de biocarburants essence (d’où une moyenne basse dans le tableau 18)
84
excepté pour de rares cas comme l’éthanol de maïs
, associé à une valeur par défaut
s’il est produit dans l’UE
85
ainsi qu’
en 2018 et 2020 (voir
Erreur ! Source du renvoi introuvable.
), y compris pour les émissions transports d
’effluents de palme (en
EMHV cette fois)avec plus d’écart en 2020 entre émissions transports de soja européen et non européen
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
45
moyens actuels par pays (cf. Annexe n° 7), des conditions pédoclimatiques et des modes de
culture et de transformation. En effet pour
ce type d’évaluation environnementale, il est
nécessaire de réaliser des estimations, qui peuvent être perfectibles. Il convient de conserver à
l’esprit que les mesures d’émissions de GES sont complexes et que leur évaluation en ACV
constitu
e un système vertueux, dans le cadre d’un dispositif d’amélioration continue. Elles
restent à améliorer par enrichissement des données pour étayer les ratios et rendre ceux qui le
nécessitent plus représentatifs. Par ailleurs, on observe aussi (Annexe n° 14) des émissions
moyennes basses pour la culture et la transformation de l’ETBE de blé hors d’Europe en 2018
ou l’éthanol de blé d’Europe en 2020 ainsi que l’existence surprenante d’EMHV d’effluents de
palme français et européen en 2018. Les dispositions de la directive EnR2 permettront
dorénavant à la DGEC de questionner les opérateurs concernés sur ces valeurs.
En conclusion, afin de s’assurer de l’atteinte de l’obj
ectif européen de réduction de 6%
des émissions de GES des carburants à fin 2020
86
et d’apprécier l’efficience des dispositions
françaises dans le temps, il conviendrait d’afficher dans les bilans annuels publiés, en
complément des parts EnR dans les transports, les réductions de GES obtenues en France grâce
aux biocarburants, comparativement à celles obtenues en Europe. Par ailleurs, il serait utile
d’engager en France les opérateurs à mesurer progressivement (par exemple à partir d’un
certain seuil de volume ou de GES ou
au titre d’expérimentations
) les émissions de GES culture
et transformation réelles pour constituer une base de données représentative sur laquelle
s’appuyer pour
affiner les ratios. Ces mesures viendraient utilement compléter les bilans
carbone d’exploitations actuellement en cours.
Enfin, concernant la modulation géographique des forfaits transports et distribution, la
DGEC a précisé qu
’elle avait entamé cette démarche, qu
e cette demande faisait partie des
positions portées par la France dans les notes des autorités françaises adressées à la Commission
et qu’elle constituerait un point d’attention lors phases de négociation de la révision de la
directive. Pour autant, cela reste à porter au niveau gouvernemental. La Cour prend donc acte
de cette première démarche et
recommande une action à l’échelle européenne de demande
d’une révision de ces forfaits qui tiendrait compte de leur origine géographique (en distinguant
a minima les origines européennes et non européennes).
Recommandation n° 2.
(DGEC, 2022)
: Porter auprès de l’Union européenne une
demande de modulation selon l’origine géographique des forfaits d’émissions de GES
pour le transport et la distribution des biocarburants et de leurs matières premières (en
particulier les esters méthyliques d’huiles végétales de colza, l’éthanol de blé et les huiles
usagées).
86
Article 7bis-1-a) de la directive 98/70/CE consolidée (modification introduite par le directive 2009/30/CE).
Cette réduction cible de 6% se mesure comparativement aux normes pour les carburants de l'annexe II de la directive 2015/652
(c’est
-à-dire comparativement à une utilisation de carburants fossiles, compte tenu des biocarburants, GNV et véhicules
électriques, cf. 1.2.4). Elle est assortie de deux objectifs intermédiaire et indicatif de 2% chacun, hors biocarburants. Pour
mémoire, la réduction actuelle obtenue en Fra
nce est de l’ordre de 4,5%. Parallèlement, les émissions actuelles de GES du
secteur transport ont augmenté de 13% comparativement à celles de 1990 (cf. 1.1.1).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
46
1.4.3
De nouveaux objectifs de réduction des émissions de CO2 pénalisants pour les
biocarburants
En 2019, le Parlement et le Conseil européen ont règlementé les émissions de CO2 par
les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers et lourds neufs
87
. À partir du
1
er
janvier 2020, les exigences de performance en matière d'émissions de CO2 sont les
suivantes :
95 grammes de CO2/km pour les émissions moyennes des voitures particulières neuves
immatriculées dans l’Union et 147 grammes de CO2/km en moyenne pour les véhicules
utilitaires légers,
réduction de 15
% à compter de l’année 2025 et de 30
% à compter de 2030 pour les véhicules
utilitaires lourds neufs.
Pour toutes les catégories de véhicules, ces objectifs seront progressivement renforcés
à partir de 2025
88
.
De surcroît, les constructeurs se voient fixer des objectifs d’émissions
moyennes de CO2 pour les véhicules qu’ils mettent en
circulation, sous peine du paiement
d’une prime sur les émissions excédentaires
89
. Les règlements prévoient par ailleurs que la
mesure des émissions de CO2 des véhicules devra être effectuée en conditions d'utilisation
réelles à compter de 2021, et non sur la base de protocoles.
Destinées à contribuer aux objectifs de l’accord de Paris et fondées sur la nécessité
« de
réduire de manière drastique et sans tarder les émissions de polluants atmosphériques
provenant des transports qui sont extrêmement nocifs pour la santé et l'environnement »
, ces
nouvelles règles sont regardées par les constructeurs automobiles comme très restrictives et
hors de portée des performances environnementales des moteurs thermiques. Elles induisent
une évolution de leur offre de véhicules neufs, dans laquelle la priorité est donnée aux véhicules
électriques ou à la rigueur dotés d’une double motorisation (soit des véhicules dits
« hybrides »).
Cette nouvelle règlementation se distingue de celle mise en œuvre sur le fondement des
directives sur les énergies renouvelables ou la qualité des carburants, singulièrement en ce
qu’elle repose sur les émissions brutes de GES et de polluants à l’échappement et non sur les
économies d’émissions par rapport à celle de carburants fossiles en analyse
en cycle de vie
90
.
Elle présente donc des risques significatifs de marginalisation du recours aux carburants
liquides et gazeux d’origine renouvelable, dont les émissions brutes de GES et polluants à
l’échappement
sont
très
proches
de
celles
des
carburants
fossiles
et
ne
sont
conventionnellement réduites que par référence à l’absorption préalable de CO2 qui a résulté
87
Règlement (UE)2019/631 du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO2
pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) no 443/2009
et (UE) no 510/2011.
Règlement (UE)2019/1242 du 20 juin 2019 établissant des normes de performance en matière
d’émissions de CO 2
pour les véhicules utilitaires lourds neufs et modifiant les règlements (CE) n o 595/2009 et (UE) 2018/956 du Parlement
européen et du Conseil et la directive 96/53/CE du Conseil
88
S’agissant des voitures particulières et véhicules utilitaires légers, la règlementation européenne fera l’objet de
mesures additionnelles visant à réaliser une réduction supplémentaire de 10 grammes de CO2/km jusqu'au 31 décembre 2024,
se poursuivant par des réductions supplémentaires à compter de 2025 (-15 % par rapport aux objectifs de 2021) et de 2030 (-
37,5 % par rapport aux objectifs de 2021 pour les voitures particulières et -31 % pour les véhicules utilitaires légers).
89
Pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers, cette prime sera de 95
€ par gramme/km correspondant
au dépassement de l’objectif d’émissions moyennes de CO2 du constructeur. Elle sera de 4
250
€/gCO2/tonne
-km pour les
véhicules utilitaires lourds.
90
Certaines organisations, comme European Technology and Innovation Platform Bioenergy,
recommandent à la Commission de
faire évoluer la réglementation d’une app
proche « émissions au pot
d’échappement
» à une approche « analyse de cycle de vie » (ETIP Bioenergy, avis n°F1291593 du 26/11/20).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
47
de la culture ou de la croissance de la biomasse dont ils sont issus. En réponse à ces risques,
certains comme l’IFPEN suggèrent de faire
évoluer la règlementation des émissions de
véhicules en substituant,
à l’approche
« émissio
ns de CO2 au pot d’échappement
», une
méthode de type « berceau à la tombe » par analyse de cycle de vie (ACV).
___________________CONCLUSION INTERMÉDIAIRE____________________________
Dans le cadre des objectifs de l’Union européenne, la France veut atteindre 10°
%
d’énergie renouvelable dans le secteur des transports en 2020 et 15
% en 2030 ainsi qu’une
réduction de 6°% en 2020 des émissions de GES des carburants tout au long de leur chaîne de
production (comparativement à l’usage de seuls carburants fossiles). Les moyens retenus par
les États membres de l’UE pour atteindre ces pourcentages cibles dans les transports sont
différents, de même que les politiques de développement des biocarburants dans le monde.
La France a mis en œuvre une politique principalement centrée sur l’augmentation
progressive des taux d’incorporation de biocarburants dans les carburants liquides. Par ce
moyen, elle réussit à atteindre
en 2019 un taux d’énergie renouvelable dans les transports de
9,25
%, soit un pourcentage proche de la cible de 2020. Cette part d’énergie renouvelable était
de trois points inférieure en 2008 (6,25 %). Son augmentation est presque exclusivement due à
l’utilisation de biocarburants de première génération, issus de la transformation d’oléagineux,
de plantes sucrières et de céréales, produits par l’agriculture.
En revanche comme nombre de
ces voisins, la France peine à réduire les émissions de GES des carbur
ants via l’incorporation
de biocarburants : celle-
ci permet d’atteindre une réduction d’environ 4,5% en 2019.
Cette politique a favorisé un développement agro-industriel dans les années 2000, qui
conduit actuellement la France à occuper les premier et deuxième rangs européens pour la
production d’éthanol et de biodiesel. Les
productions annuelles plafonnent depuis une dizaine
d’années (autour de 11 à 12 Ml pour l’éthanol carburant et de 2 à 2,5 Mt pour le biodiesel).
Mais depuis quelques années, sans parler de la crise de la Covid-19 et des difficultés
phytosanitaires
des
betteraves,
ces
groupes
industriels
connaissent
de
difficiles
restructurations liées à la concurrence croissante et à la fin des quotas sucriers (octobre 2017).
Du point de vue agricole, les biocarburants mobilisent en France plus des trois quarts
de la production de colza, environ 10 % des betteraves produites et 4,5 % du blé et du maïs,
avec une destination alimentaire ou industrielle inconnue au stade de la culture. Ils utilisent
une part
limitée de la surface agricole utile, d’environ 3,6
% de la SAU nette française (hors
part énergétique des coproduits, qui reviennent à l’alimentation du bétail), principalement pour
le biodiesel. Ils constituent un appréciable marché complémentaire dont les tarifs planchers
sont indirectement soutenus par les outils fiscaux dédiés. Ce marché est important pour les
agro-industries et les exploitations agricoles, au sein desquelles ils représentent respectivement
18 600 et 13 500 emplois. Dans le contexte agricole difficile, structurel (fin des quotas sucriers,
concurrence internationale) ou plus conjoncturel (conditions climatiques défavorables,
variation des taux de change), l
’intérêt des biocarburants est cependant plus nuancé pour les
agriculteurs spécialisés en oléo-protéagineux, plantes sucrières et céréales qui, malgré ce
soutien, ont vu leurs revenus agricoles par exploitation devenir inférieurs à la moyenne.
Par ailleurs, si les productions industrielles de biocarburants sont relativement stables,
la part en volume des matières premières agricoles françaises au sein des carburants mis à la
consommation en France a chuté de deux tiers en 2014 à environ un tiers en 2019, au profit
d’acquisitions européennes, avec une situation contrastée
: le biodiesel contient un quart de
matières premières françaises seulement (la moitié en 2019
vient d’hors d’Europe)
et les
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
48
biocarburants essence proviennent à deux tiers de betteraves et céréales françaises. Alors que
les objectifs d’incorporation augmentent, le solde global des échanges commerciaux en
biocarburants est déficitaire depuis 2016, avec un déficit structurel pour le biodiesel dès 2010
et un excédent qui se réduit en éthanol et ETBE.
Enfin, le bilan environnemental et climatique critiquable des biocarburants de première
génération est désormais étayé par de nombreuses études scientifiques, malgré la grande
complexité méthodologique des analyses en cycle de vie (ACV).
D’une part,
les biocarburants
conventionnels sont responsables d
’atteintes à la biodiversité, à la qualité de l’eau, de l’air et
des sols de plus en plus documentées par les études scientifiques.
D’autre part,
leur bilan
climatique est décevant et le serait davantage si étaient pris en compte plus systématiquement
les effets de changement d’affectation des sols (CAS).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
49
2
UNE STRATEGIE A CLARIFIER, DES OUTILS A ADAPTER
Cette partie analyse les outils de la politique en faveur des biocarburants, ainsi que les
enjeux posés
par l’émergence des biocarburants de nouvelle génération. Elle appelle à une
clarification de la stratégie de l’Etat.
2.1
Des outils manquant de cohérence
2.1.1
Une gouvernance éclatée et une concertation à mieux organiser
Au niveau communautaire comme national, il
n’existe pas d’entité de coordination de
l’action publique sur la question des biocarburants, ce qui peut s’expliquer par la nature
multidimensionnelle de ce sujet. Il s’ensuit un manque de vision stratégique de l’action
publique, une complexité et une variabilité excessives des politiques élaborées et une réponse
défaillante face aux intérêts catégoriels multiples, bien organisés et influents.
Au sein de la Commission européenne, le thème des biocarburants est partagé entre la
direction générale de l’énergie et la direction générale de l’action pour le climat. En France, les
acteurs publics sont nombreux à intervenir sur cette question, sans que l’un ait une vision
complète ou soit chargé par la loi d’un rôle de centralisation des données et/ou de coordina
tion.
La principale entité ministérielle concernée est la direction générale de l’énergie et du
climat (DGEC), au MTE. Elle a notamment un rôle de rédaction des textes. Elle doit interagir,
dans des conditions qui ne sont pas toujours optimales (par exemple pour la certification de
durabilité) avec deux principales directions au ministère de l’économie
: la direction générale
des douanes et droits indirects (DGDDI), qui a un rôle majeur à la fois dans l’élaboration des
dispositions fiscales et dans leur mi
se en œuvre, et la direction de la législation fiscale (DLF).
La DGEC doit aussi prendre en compte les données et points de vue de la direction générale de
la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de
l’agriculture et de l’alimentation, compétente en matière de filières de valorisation des produits
de l’agriculture. D’autres administrations sont concernées par les biocarburants
91
et doivent se
coordonner avec cinq principaux organismes publics (dont elles ont parfois la tutelle
92
).
Face
à
l’administration,
de
nombreux
organismes
(syndicats,
associations,
interprofessions, etc.) font valoir leurs points de vue
souvent opposés, notamment auprès du
Parlement : représentants du secteur agricole
93
, représentants des producteurs de biocarburants
91
Commissariat général au développement durable (CGDD),
direction générale de l’aménagement, du logement et
de la nature (DGALN), direction générale de l’aviation civile (DGAC), direction générale de la recherche et de l’innovation
(DGRI).
92
Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’environnement (ADEME), FranceAgriMer
(FAM) IFP
Énergies nouvelles (IFPEN), Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)
Agence nationale de la recherché (ANR).
93
Notamment : Assemblée permanente des
chambres d’agriculture (APCA), Association Générale des Producteurs
de Blé et autres céréales (AGPB), Association générale des producteurs de maïs (AGPM), Confédération générale des
producteurs de betteraves (CGB), Fédération Française des Producteurs
d’Oléagineux et de Protéagineux (FOP)
.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
50
(au sein desquels les groupes Avril et Cristal Union sont particulièrement représentés)
94
,
représentants des secteurs pétrolier et automobile
95
, ONG environnementales, etc.
Il existe peu d’enceintes de concertation entre les acteurs publ
ics et ces divers
organismes. La concertation a souvent lieu, en fonction des thèmes et des acteurs, par des
canaux
ad hoc
. La principale enceinte identifiée, le comité technique de l'utilisation des produits
pétroliers (CTUPP), qui rassemblait les acteurs publics et la plupart des acteurs concernés par
la dimension aval du secteur des biocarburants (producteurs, pétroliers, motoristes, organismes
de recherche, utilisateurs, etc.) été supprimé à la fin de l’année 2019
96
. Le CTUPP, qui était
prévu par le code
de l’énergie, ne se réunissait qu’une fois par an. Sa suppression semble
découler d’une volonté de simplification de la sphère publique. Pourtant,
cette enceinte ne
coûtait rien aux finances publiques et tous les acteurs rencontrés lors de l’instruction o
nt indiqué
qu’elle était efficace pour partager l’information et dissiper les problèmes en amont en matière
d’élaboration de réglementations. Étant donné la complexité technique, les enjeux multiples et
la diversité des points de vue relatifs aux biocarburants, la concertation avec les différentes
parties prenantes est un facteur d’efficience non négligeable pour l’action publique. Une
concertation plus informelle et plus bilatérale (sans compte-rendu) a remplacé le CTUPP,
notamment organisée par la DGEC. I
l n’est pas certain qu’elle soit aussi efficace. La DGEC
elle-même regrette cette suppression.
Le CTUPP pourrait utilement être rétabli afin d’assurer
une meilleure coordination entre les acteurs. La concertation sur les biocarburants gagnerait
également à intégrer la DGALN pour une meilleure prise en compte concrète des enjeux
environnementaux autres que climatiques, notamment la préservation de la biodiversité.
L’évolution erratique de la réglementation sur l’huile de palme
La loi de finances pour 2019 a exclu, à compter du 1
er
janvier 2020, les biocarburants à base
d’huile de palme de la liste officielle des EnR
97
. Cette décision inattendue a anticipé, et donc rendue
plus contraignante pour les acteurs économiques, l’évolution prévue par la réglementation
européenne
pour renforcer les conditions de durabilité des biocarburants
98
. Elle a pris à contrepied la décision du
groupe Total de reconvertir son ancienne raffinerie de La Mède en une unité de production de
biocarburants de première génération HVO, pour u
n investissement de 300 M€.
Cette disposition a été adoptée contre l’avis du gouvernement, à la suite d’un amendement
parlementaire. Elle a été supprimée puis rétablie par deux votes successifs intervenus le même jour dans
le cadre de la préparation du PL
F 2020. Elle se fonde sur le risque élevé de changement d’affectation
des sols indirect (CASI) imputé à la culture de palmiers à huile, en particulier en Indonésie et en
Malaisie.
94
Notamment
: Syndicat national des producteurs d’alcools agricoles (SNPAA), ESTERIFRANCE (syndicat français
des producteurs de biodiesel), Terres Univia (interprofession des huiles et protéines végétales), Fédération Nationale des
Distilleries Coopératives Viticoles (FNDCV), Syndicat des énergies renouvelables, ePURE (
producteurs d’éthanol
renouvelable
au niveau européen), etc.
95
Notamment : Union française des industries pétrolières (UFIP), Comité des constructeurs
français d’automobiles
(CCFA).
96
Il existe aussi un groupe de travail « biocarburants » hébergé par FranceAgriMer, mais il se concentre sur les
acteurs de la production de matières premières et de la production de biodiesel et d’éthanol
-carburant.
97
Cette
disposition introduite dans l’article 266 quindecies du code des douanes a pour effet d’exclure les E
MAG
produits à partir de l’huile de palme des biocarburants dont l’incorporation permet une réduction du taux de la TIRIB.
98
La directive 2018/2001/UE du 11 décembre 2018 et le règlement délégué du 19 mars 2019 prévoient un
abaissement progressif de 7 à 0 % entre le 31 décembre 2023 et le 31 décembre
2030 de l’incorporation de biocarburants de
première génération contenant des EMHV produits à partir de plan
tes oléagineuses dont il n’est pas démontré qu’elles
présentent un faible risque de CASI. La règlementation européenne laisse en théorie envisageable l’incorporation de
biocarburants renouvelables produits à partir d’une huile de palme dont il serait démontré qu’elle provient d’exploitations de
palmiers présentant un faible risque de CASI.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
51
Total a engagé un contentieux sur ce point et a obtenu la saisine du Consei
l constitutionnel d’une
question prioritaire de constitutionnalité sur l’interdiction d’admettre les
carburants renouvelables
produits à partir d’huile de palme dans les biocarburants pris en compte dans la liquidation de la taxe
incitative à l’incorporati
on des biocarburants (TIRIB). Le groupe a été débouté de sa demande
99
.
Dans une circulaire datée du 12 juin
2019, le ministre de l’action et des comptes publics a
semblé revenir en arrière par rapport à la loi de finances pour 2019. Il a précisé que les dis
tillats d’acides
gras d’huile de palme (PFAD) relèvent de la catégorie des produits éligibles et sont donc soumis au
plafond de 7 % d’incorporation venant en déduction de la TIRIB. Une note d'information de la Douane
100
reprenant cette position en décembre 2
019 a été annulée par le Conseil d’
État en février 2021
101
. Le
législateur a toutefois réduit l’enjeu de ce contentieux en introduisant dans la loi de finances pour 2021
une disposition qui entrera en vigueur le 1
er
janvier 2022 et dont il résulte que : « Ne sont pas considérés
comme des biocarburants les produits à base d’huile de soja et d’huile de palme incluant les PFAD.
»
S’agissant de la bioraffinerie de la Mède, elle est opérationnelle depuis juillet 2019. Total s’est
engagé à ne traiter de l’huile de
palme que pour moins de 50% des matières premières traitées sur le
site. Du fait de l’interdiction française, le biocarburant produit sera exporté.
Par ailleurs, en septembre 2020, Total a annoncé avoir l’intention de transformer sa raffinerie
de Grandpuits (Seine-et-Marne) en une plateforme produisant notamment des biocarburants
(majoritairement destinés au secteur aérien) à horizon 2024. L’investiss
ement nécessaire se monte à
500
M€.
2.1.2
Des objectifs d’incorporation de biocarburants dans les transports atte
ints
grâce à la taxe incitative
à l’incorporation de biocarburants
Les aides au développement des énergies renouvelables dans les transports viennent en
complément des incitations à l’incorporation de biocarburants dans les carburants fossiles. Elles
reposent principalement sur deux dispositifs fiscaux :
la taxe incitative
à l’incorporation des biocarburants dans les transports (TIRIB),
la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE).
Présentation simplifiée de la TIRIB
Cette taxe a remplacé depuis 2019 la composante carburant de la taxe sur les activités
polluantes (TGAP) dont elle reprend la finalité et les principes, poursuivis sous un autre nom.
À compter du 1er janvier 2022,
elle sera d’ailleurs renommée
:
taxe d’incitation à l’utilisation
d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT), pour tenir compte de la prise en compte
à compter de cette date des quantités d’électricité d’origine renouvelable consommées en
France par les gestionnaires d’infrastructures de recharge ouvertes au public pour l’alimentation
de véhicules routiers ainsi que, à compter du 1er janvier 2023, des quantités d’énergies
contenues dans l’hydrogène produit par électrolyse à partir d’électricité renouvelable pour les
besoins du raffinage de produits pétroliers en France.
99
Conseil Constitutionnel, décision n°2019-808 QPC du 11 octobre 2019 (requête de la société
Total Raffinage France).
100
Note d'information de la Douane du 19 décembre 2019, dans laquelle il est confirmé que les produits à partir de
PFAD ne seront pas exclus du mécanisme de la TIRIB à compter du 1
er
janvier 2020.
101
CE, décisions du 24 février 2021, n°437277, n°438782, Association Canopée et autre ; Association Greenpeace
France.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
52
Comme hier la TGAP et demain la TIRUERT, la TIRIB est une taxe comportementale
dont l’objectif est atteint lorsque
son produit tend vers zéro.
Cet objectif n’est toutefois pas
exprimé en termes environnementaux mais uniquement en part
d’énergie renouvelable
incorporée, principalement sous forme de biocarburants.
La TIRIB est assise sur le volume des carburants mis à la consommation, c'est-à-dire
sortis du régime dit de suspension de droit
102
. Elle est calculée séparément pour les essences (y
compris l’éthanol diesel) et les gazoles, sur la base d’un montant forfaitaire par hectolitre,
diminué en fonction d’un taux d’incorporation de biocarburants atteint par référence à un taux
d’incorporation cible, l’un et l’autre calculés en pourcentage d’énergie contenue dans les
biocarburants incorporés, soit :
TIRIB =
Tarif forfaitaire x volume
x (
taux cible d’incorporation –
taux constaté d’incorporation plafonné
)
Le tarif forfaitaire de la TIRIB est en augmentation depuis 2019, de telle sorte que la
pénalisation financière des distributeurs de carburants pour défaut d’atteinte du taux
d’incorporation cible est de plus en plus élevée.
Tarif de la TIRIB
En euros par hectolitre
2019
2020
2021
2022
Essences et gazoles
98
101
104
104
Carburéacteurs
-
-
-
125
Source : Code des douanes, article 266 quindecies.
Le taux cible d’incorporation est également en augmentation régulière et ses objectifs
s’élargissent à compter de 2022 aux carburants pour l’aviation.
TIRIB
Pourcentages cibles d’incorporation d’énergie renouvelable dans les
carburants
% en valeur énergétique (PCI)
2019
2020
2021
2022
103
Gazoles
7,9 %
8,0 %
8,0 %
8,4 %
Essences
7,9 %
8,2 %
8,6 %
9,2 %
Carburéacteurs
-
-
-
1,0 %
Source : Code des douanes, article 266 quindecies.
La TIRIB fonctionne donc comme une pénalité, calculée chaque année au mois d’avril,
à partir du volume global des stocks et flux d’entrée et de sortie des essences et gazoles de
chaque entrepositaire pendant l’année écoulée.
Il est fait masse de tous les carburants essence
d’une part, gazole d’autre part, entreposés et distribués par l’entrepositaire sans distinction de
s
spécifications de chaque carburant au sein des deux filières
104
.
Par hypothèse, un distributeur de carburant avait le choix en 2020 entre le paiement
d’une
pénalité de 8,28
€ pour la mise à la consommation de 100 litres d’essence fossile (soit
une quantité d’énergie de 3
200 MJ) ou la mise à la consommation sans pénalité de 100 litres
de carburant contenant 11,98 litres d’éthanol et 88,02 litres d’essence fossile, dont le contenu
102
La sortie du régime de suspension de droit autorise la circulation des produits « en droits acquittés »,
notamment à leur sortie des entrepôts fiscaux de stockage.
103
Loi de finances pour 2021.
104
L
e fait que le taux d’incorporation du SP95 est inférieur au taux cible est compensé par le taux d’incorporation
supérieur du SP95E10 et du E85, comme la mise à la consommation du gazole B10 dont le taux d’incorporation est supérieur
au taux cible compense le taux d’incorporation inférieur du B7.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
53
énergétique atteint 3 068,21 MJ.
Pour que la TIRIB demeure incitative pour l’opérateur, il
fallait que le surcoût de l’incorporation de
11,98 litres
d’éthanol à la place du
même volume de
carburant fossile
n’at
teigne pas 0,69
€ par litre.
Sachant que pour obtenir la même quantité
d’énergie, le
consommateur devait utiliser 104,30 litres de carburant composé de 12,50 litres
d’éthanol et 91,80 litres d’essence fossile.
Montant de la TIRIB acquitté par un opérateur qui ne procéderait à aucune
incorporation dans les carburants routiers qu’il met à la consommation (hypothèse)
Année
Tarif de
la TIRIB
(€/hl)
Taux cible
d'incorporation en
énergie
Pourcentage
d'incorporation à
atteindre en volume
Taxe due par hectolitre de
carburant en l'absence
d'incorporation (€)
Essence
Gazole
Essence
Gazole
Essence
Gazole
2019
98,0
7,90 %
7,90 %
11,56 %
8,56 %
7,74
7,74
2020
101,0
8,20 %
8,00 %
11,98 %
8,66 %
8,28
8,08
2021
104,0
8,60 %
8,00 %
12,54 %
8,66 %
8,94
8,32
2022
104,0
9,20 %
8,40 %
13,37 %
9,09 %
9,57
8,74
Source : Code des douanes, article 266 quindecies (calculs Cour des comptes).
Pour la liquidation de la TIRIB, les opérateurs qui procèdent à une incorporation de
biocarburants au-delà du taux cible de chaque filière peuvent céder, y compris à titre onéreux,
leurs droits de comptabilisation de quantités d’énergie renouvelable excédentaires à un autre
opérateur n’ayant pas atteint le taux cible. Ce dispositif légalise la circulation séparée des
biocarburants et de leurs certificats de durabilité.
Une taxe qui atteint globalement ses objectifs
En 2019, le taux d’incorporation, calculé selon les modalités applicables pour la TIRIB,
a atteint 7,95 % pour la filière des essences et 7,87 % pour la filière des gazoles, pour un objectif
commun aux deux filières de 7,90
%. Le taux d’incorporation atteint
105
est quasiment stable
pour les gazoles depuis 2014.
.
À l’inverse, il augmente continument pour les essences. La filière
gazole atteint ses objectifs d’incorporation depuis
au moins 2012. C’est également le cas de la
filière des essences depuis 2016.
Graphique n° 12 :
Taux d’incorporation des filières essence et gazole (TGAP et TIRIB)
Source : Douane
105
Taux atteint
jusqu’en 2018 sous le régime de la TGAP
et à partir de 2019 sous celui de la TIRIB.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
54
Si par hypothèse, les carburants mis à la consommation en 2019 n’avaient contenu
aucun biocarburant, le produit de la TIRIB se serait élevé à 4 246
M€, alors qu’il s’est élevé à
moins de 0,6
M€. Il s’en déduit que la TIRIB a un fort pouvoir d’incitation à l’incorporation
de
biocarburants dans les carburants routiers tant que le surcoût qui en résulte ne dépasse pas un
montant compris entre huit et 10 euros par hectolitre de carburant.
Produits de la TGAP et de la TIRIB, par filière de carburants
En M€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
Filière essence
156,85
149,00
95,63
59,05
1,01
0,98
0,41
0,38
Filière gazole
0,09
0,14
0,01
0,14
0,63
0,93
0,48
0,22
Produit total
156,94
149,15
95,65
59,19
1,64
1,90
0,90
0,60
Source : Douane
Récapitulatif des
modalités de prise en compte de l’énergie contenue dans les
biocarburants éligibles à la minoration de la TIRIB
Le taux cible global d’incorporation de biocarburants par filières (essence et gazole), en
part d’énergie se décompose en plusieurs sous
-objectifs résumés au tableau ci-dessous
106
.
Comptabilisation et plafond de prise en compte en 2022
de l’énergie contenue dans
les biocarburants pour la minoration de la TIRIB
107
Biocarburants
Catégorie de matières premières
Coefficient
multiplicateur
Limite de prise en compte pour
la liquidation de la TIRIB
Essences
Gazoles
Carburéacteurs
De première
génération
Cultures destinées à l’alimentation humaine ou
animale et résidus assimilés
1
7 %
7 %
0 %
Dont palme
Sans objet
0 %
0 %
0 %
Dont soja
1
0 %
0,35 %
108
0 %
Égouts pauvres après deux extractions de la
betterave (EP2), à hauteur de 50 % de leur
contenu énergétique, et amidons résiduels
1
1,0 %
1,0 %
Aucun seuil
Avancés
Tallol
109
1
0,1 %
0,1 %
0,1 %
Énergie issue des matières premières avancées,
autres que le tallol
2
2,2 %
1,1 %
aucun
Directive EnR,
annexe IX-B
Énergie issue des graisses et huiles usagées
2
0,2 %
0,9 %
aucun
Autres
Électricité renouvelable (à compter de 2022)
4
aucun
aucun
Sans objet
Hydrogène (à compter de 2023)
2
aucun
aucun
Sans objet
Source : Code des douanes, article 266 quindecies (présentation Cour des comptes).
Dans certains cas, la règlementation incite à un
taux d’incorporation aux marges des
possibilités offertes par la règlementation européenne : grâce au traitement spécifique réservé
aux égouts pauvres après deux extractions de la betterave (EP2) et aux amidons résiduels de
l’extraction des céréales,
la TIRIB encourage un
taux d’incorporation des biocarburants
106
Les limites mentionnées au tableau ne signifient pas qu’il est interdit aux opérateurs de les dépasser mais les parts
d’énergie incorporées en excédent n’alimentent
pas le taux constaté d’incorporation pris en compte pour la liquidation de la
TIRIB.
107
Cette taxe prendra le nom de taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les
transports (TIRUERT) à partir de 2022.
108
À partir du 1
er
janvier
2022, les produits à base d’huile de soja ne seront plus considérés comme des biocarburants
(2 du B du I de l’article 266
quindecies du code des douanes). Pour autant, leur incorporation reste admise en déduction de la
TIRIB dans la limite de 0,70
% d’énergie en 2021 et de 0,35
% à partir de 2022.
109
Le tallol, ou huile de tall, est un sous-produit de la fabrication du papier, c'est-à-
dire de l’exploitation du bois de
certains conifères par l’industrie papetière. Les pays scandinaves (Suède, Finlande, Norvège) où cette industrie est fortemen
t
présente, sont les principaux fournisseurs de tallol et de brai de tallol. Bien que les esters issus de ces matières premières
appartiennent à la catégorie des biocarburants avancés, le traitement qui leur est réservé est moins favorable que celui des EP2
et amidons résiduels
.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
55
conventionnels
pouvant aller jusqu’à
8 %
en part d’énergie
, soit plus que la limite de 7 %
autorisée par la réglementation européenne. Ce dispositif
a fait l’objet d’un accord de principe
du directeur général de l’énergie de la Commission européenne, à la demande du syndicat
national de production des alcools agricoles. Il a été validé dans son principe par deux arrêts de
la CJUE du 20 septembre 2017 et du Conseil d’État du 31 décembre 2020.
À l’inverse, certaines matières premières permettant la fabrication de biocarburants
avancés dont l’éner
gie est, selon la règlementation européenne, éligible à la double
comptabilisation, font l’objet d’un simple comptage, dans une proportion limitée.
Des objectifs diversement atteints selon les matières premières
Si le taux cible d’incorporation de biocarbu
rants de la TIRIB est globalement atteint
depuis 2016, il ne l’est pas en 2019 pour toutes les catégories de biocarburants. C’est le cas
:
des biocarburants produits à partir de tallol et brai de tallol
qui, simple comptés, n’ont donné
lieu à aucune incorporation déclarée à la Douane pour être admise en déduction de la TIRIB,
des biocarburants issus d’EP2 et amidons résiduels
110
dont le taux d’incorporation constaté
en 2019 atteignait 0,0291 %, correspondant à 48
200 hl, alors que l’atteinte du taux cible
(0,2
%) aurait nécessité l’incorporation de 331
000 hl.
Les incorporations en 2020, soit 80 000 hl,
n’ont pas non plus attein
t
l’objectif de 0,4
%
fixé pour cet exercice.
Même si le volume potentiel d’éthanols issus d’EP2 et amidons résiduels
est évalué annuellement à 4,42 Mhl
111
, il n’est donc pas non plus certain que pourra être atteint
l’objectif de
1
% d’incorporation d’EP2 et
amidons résiduels déplafonnés en 2022, soit un
volume de plus de 1,65 Mhl sur la base des mises à la consommation de carburant en 2019.
Taux d’incorporation constatés et plafonds autorisés par catégories de biocarburants
en 2019
Coefficient
multiplicateur
Plafond
Taux atteint
Carburants essence
Biocarburants conventionnels
1
7,00 %
7,06 %
EP2 et amidons résiduels
1
0,20 %
0,03 %
Tallol et brai de tallol (biocarburant avancé)
1
0,60 %
0,00 %
Autres biocarburants avancés de l'annexe IX-A
112
2
1,20 %
0,83 %
Biocarburants de l'annexe IX-B
113
2
0,10 %
0,04 %
Carburants gazole
Biocarburants conventionnels
1
7,00 %
6,96 %
EP2 et amidons résiduels
1
0,20 %
0,00 %
Tallol et brai de tallol (biocarburant avancé)
1
0,60 %
0,00 %
Autres biocarburants avancés de l'annexe IX-A
2
1,00 %
0,91 %
Biocarburants de l'annexe IX-B
2
0,90 %
0,91 %
Source : Douane.
110
Les mesures incitatives à l’incorporation d’éthanols issus de ces matières premières sont présentées supra.
111
Évaluation du Syndicat national des producteurs d’alcools agricoles (SNPAA).
112
Biocarburants issus de la biomasse végétale et animale insusceptible de concurrencer les cultures vivrières, soit
notamment : les marcs de raisin et lies de vin, la paille, les résidus de la sylviculture et la filière bois, la bagasse, les algues, les
biodéchets faisant l’objet d’une collecte séparée et la
biomasse correspondant aux déchets industriels ou agricole (fumiers)
impropres à un usage dans la chaîne alimentaire humaine ou animale.
113
Biocarburants produits à partir des huiles de cuisson usagées et des graisses animales des catégories C1 et C2,
considérées comme impropres à la consommation humaine ou animale.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
56
2.1.3
Des modalités contestables de modulation de la TICPE pour favoriser
l’augmentation des taux d’incorporation des biocarburants
Présentation simplifiée de la TICPE
La TICPE est une accise régie par des directives européennes
114
qui fixent notamment
des niveaux minimums de taxation des produits énergétiques et autorisent l’
application par les
États membres d’exonérations
ou de réductions du niveau de taxation des produits imposables
utilisés dans le cadre de projets pilotes visant au développement technologique de produits
moins polluants, ou en ce qui concerne les combustibles ou carburants provenant de ressources
renouvelables
, ainsi qu’aux produits issus de la biomasse
. Ces exonérations ou réductions de
taxation
constituent des régimes d’aides
compatibles avec le marché intérieur et exemptés de
l'obligation de notification à la Commission européenne prévue à l'article 108 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne
, pour autant que les conditions prévues par le règlement
(UE) n ° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides
compatibles avec le marché intérieur soient remplies. Elles doivent être modulées en fonction
de l'évolution des cours des matières premières, sans conduire à une surcompensation des coûts
additionnels liés à la production des produits
115
.
Les tarifs de la TICPE appliqués aux produits pétroliers et assimilés, notamment les
carburants routiers et non routiers dont la mise à la consommation est autorisée différentient les
carburants essence et gazole et en fonction du contenu en biocarburants
116
. Ces tarifs sont
inchangés depuis 2018.
Tarifs de TICPE sur les carburants routiers et non routiers
117
En euros par hectolitre
Montant
SP95 et SP98
68,29
SP95E10
66,29
E85
11,83
ED95
6,43
B7, B10 et B30
59,40
B100
11,83
GNR
18,82
Source : Code des douanes, article 265.
La TICPE devient exigible au moment de la mise à la consommation du produit
pétrolier, c'est-à-dire lors de la sortie du régime dit de suspension de droit, applicable
notamment aux produits pétroliers stockés dans les entrepôts fiscaux de stockage (EFS). Son
produi
t total en 2019 s’est élevé à 33,3
Md€
118
, auxquels s’ajoute le produit de la TVA sur les
produits pétroliers : 11,4
Md€. C’est un impôt indirect, que le redevable répercute sur le
consommateur dans son prix de vente
119
. Les écarts de tarif de TICPE entre les carburants mis
à la consommation constituent la principale explication des différences de prix de vente aux
consommateurs des carburants routiers et non routiers.
114
Notamment la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des
produits énergétiques et de l'électricité.
115
Directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003, article 16.
116
Article 265 du code des douanes.
117
Non compris les modulations selon les régions décidées par les Conseils régionaux.
118
Dont 18,1
Md€ pour l’État, le reste étant réparti entre différents attributaires
: sécurité sociale, régions, AFITF.
119
Un
automobiliste qui s’approvisionne en carburant ne paie pas la TICPE mais acquitte un prix fixé par le
distributeur incluant le coût de la taxe antérieurement payée lors de la sortie du carburant d’un entrepôt fiscal de stockage
.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
57
Prix de vente moyens nationaux hebdomadaires des produits pétroliers
Montants en euros par litre
Prix de
vente
moyen
Dont
TVA
(20 %)
Dont
TICPE
Prix de vente hors
TVA et TICPE
SP98
1,3960
0,2327
0,6829
0,4805
SP95
1,3326
0,2221
0,6829
0,4276
SP95 E10
1,3180
0,2197
0,6629
0,4354
E85
0,6507
0,1085
0,1183
0,4240
Gazole
1,2216
0,2036
0,5940
0,4240
Gazole non routier (livraisons<5000 l)
0,7129
0,1188
0,1882
0,4059
Source :
(période du 12 juin au 11 décembre 2020)
Des tarifs différenciés afin d’alléger le prix de certains carburants
Les tarifs de TICPE sont différenciés selon les carburants, en fonction du pourcentage
volumique de biocarburants pouvant être incorporés.
S’agissant des essences, le SP95 est le carburant contenant le moins d’éthanol (7,2
litres
pour 100 litres
120
), alors que le SP95E10 en contient 10,2 litres et le carburant E85, en moyenne
75 litres et le ED95, 100 litres
121
. Le montant de TICPE acquitté pour ces carburants est
également différent : par rapport au SP95, le SP95E10 supporte un montant de taxe inférieur
de deux euros par hectolitre (hl), le E85 de 56,46
€/hl et le ED95 de 61,86
€/hl.
Il en résulte que par rapport au carburant SP95, le SP95E10 bénéfic
ie d’une aide de
0,67
€ par litre de biocarburant incorporé en remplacement d’un litre d’essence, de même que
le carburant ED95. Le E85 bénéficie d’une aide de 0,83
€ par litre d’éthanol substitué à un litre
d’essence, sous la forme
d’une diminution de taxe de 82,7
%
(11,83
€ au lieu de 68,29
€/hl)
.
Évaluation du montant d’aide accordée sous la forme d’une réduction du tarif de
TICPE pour l’incorporation d’un litre de biocarburant (éthanol) dans les carburants SP95
E10, E85
et ED95
Carburant
Tarif de
TICPE
en euros
par hl
Volume de
biocarburant
pour 1 hl
(en litres)
Écarts par rapport au carburant SP95
Réduction
de taxe
par hl
(en euros)
Contenu en biocarburant
supplémentaire (en litres
pour 100 litres de
carburant)
Réduction de taxe par litre
de biocarburant incorporé
en remplacement d'un litre
fossile (en euros)
SP95
68,29
7,2
SP95E10
66,29
10,2
2,00
3,0
0,67
E85
11,83
75,0
56,46
67,8
0,83
ED95
6,43
100,0
61,86
92,8
0,67
Source : calculs Cour des comptes
Au surplus, pour un consommateur particulier, la baisse de prix du carburant permise
par la diminution de taxe accordée au distributeur sous la forme de réduction de TICPE est
mécaniquement augmentée de 20
% du fait de la réduction de l’assiette de la TVA qui en
120
S
ur l’évaluation des cont
enus moyens en énergie renouvelable des carburants
: le pourcentage d’incorporation
prévu par la règlementation sur les carburants est exprimé sous forme de plafond, c'est-à-dire que le contenu réel en biocarburant
peut être inférieur voire nul. Dans le pr
ésent rapport, on a pris en compte le taux d’incorporation généralement pratiqué par les
opérateurs, tel qu’il est exposé dans cette annexe.
121
Pour le contenu en biocarburant du carburant E85, on a pris pour référence la moyenne du contenu règlementaire
en biocarburant autorisé selon les saisons, soit entre 65 et 85 % (pourcentages en vigueur avant la modification règlementaire
de la composition de ce carburant, telle qu’elle résulte de l’
arrêté interministériel du 18 décembre 2020
. S’agissant du ED95,
l’éthanol qui représente entre 86,6
et 93,3 % de la masse de ce carburant est compté pour 100
% dès lors qu’il apporte la totalité
de son contenu énergétique.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
58
résulte, ce qui représente pour un consommateur final une aide totale de 0,80
€ par litre de
biocarburant pour le SP95 E10 et de 0,996
€ pour le E85.
En contrepartie, le contenu énergétique du carburant diminuant avec l’augmentation du
taux d’incorporation d’ét
hanol, les consommations de SP95E10 et a fortiori du carburant E85
par un moteur à allumage commandé sont augmentées, ce qui induit une augmentation de
l’assiette de la TICPE liée à celle du carburant consommé pour une même quantité d’énergie.
Le consommat
eur restitue donc par l’augmentation de sa consommation une partie de
l’avantage fiscal dont il bénéficie en utilisant un carburant faisant l’objet d’un plus fort taux
d’incorporation que le SP95.
Concernant les gazoles, seul le carburant B100 bénéficie d’
une réduction de TICPE de
de 80 %, soit par rapport aux carburants B7, B10 et B30 une aide de 47,57
€ par hectolitre
(11,83
€/hl au lieu de 59,40
€/hl)
, ce qui correspond à une aide de 0,51
par litre
d’EMAG
ajouté en
remplacement d'un litre de gazole.
Évaluation du montant d’aide accordée sous la forme d’une réduction du tarif de
TICPE pour l’incorporation d’un litre de biocarburant (EMAG) dans le gazole B100
Carburant
Tarif de
TICPE
en euros
par hl
Volume de
biocarburant
pour 1 hl
(en litres)
Écarts par rapport au carburant B7
Réduction de
taxe par hl
(en euros)
Contenu en
biocarburant
supplémentaire
(en litres pour 100
litres de carburant)
Réduction de taxe par litre de
biocarburant ajouté en
remplacement d'un litre
fossile
(en euros)
B7
59,40
7,0
B10
59,40
10,0
0
3
0
B30
59,40
27,0
0
20
0
B100
11,83
100,0
47,57
93
0,51
Source : calculs Cour des comptes
Compte tenu des volumes de carburants mis à la consommation en 2019, le montant de
l’aide allouée par l’État pour la commercialisation
des carburants SP95 E10, E85 et B 100, dont
bénéficient les consommateurs et à travers eux les opérateurs pétroliers et les producteurs de
biocarburants peut être évaluée à 299,76
M€.
Un traitement fiscal avantageux
des biocarburants dont la rationalité n’
est pas
démontrée
La règlementation européenne autorise une réduction des tarifs d’accise appliqués au
produits pétroliers pour tenir compte des surcoûts de production entraînés par l’incorporation
d’énergie renouvelable sous la forme de biocarburants.
Les écarts de coût de production entre les carburants fossiles et les biocarburants
(éthanol, ETBE, EMAG) n’ont pu être évalués lors de l’instruction, ce qui peut s’expliquer par
le fait que ces informations relèvent du secret industriel et des affaires. Les écarts de prix relevés
sur les différentes places de marché, outre qu’ils sont volatils, reflètent beaucoup plus les
fluctuations des offres et des demandes que les variations des coûts de production
122
: ils ne
122
Selon des informations
données à la Cour, la décision d’autoriser en 2020 pendant la période estivale
l’incorporation d’EMAG normalement incorporés dans le gazole que les caractéristiques de filtrabilité réservent pour la saiso
n
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
59
peuvent donc être raisonnablement pris en compte pour vérifier la conformité du dispositif
d’aide à la règlementation.
L’administration n’a pas non plus été en mesure de fournir des éléments d’appréciation
sur les conditions dans lesquelles les tarifs réduits de TICPE ont été déterminés en faveur des
biocarburants, ce qui est plus critiquable s’agissant de données qui auraient pu permettre au
Parlement de se prononcer sur les écarts de tarifs de la TICPE à partir de critères de décision
rationnels.
Il est possible de se référer aux données disponibles sur
les prix d’échange, tels qu’ils
sont publiés par le Commissariat général au développement durable,
dont il résulte qu’un litre
de gazole s’est vendu au détail au prix de 0,59
HT en moyenne sur 2018. Par comparaison,
les prix moyens à l’importation et
à l’exportation
123
d’un litre de biodiesel (EMAG) étaient la
même année respectivement de 0,71
€ et de 0,76
€. Ces données ne sont pas exactement
représentatives des coûts de production mais des prix d’échange incluant de ce fait une part de
valeur ajoutée sensible aux équilibres des offres et des demandes. On peut cependant estimer
que l’écart de coût lié à la substitution d’une quantité de gazole par la même quantité d’EMAG
n’était pas supérieur en 2018 à un montant de l’ordre de 0,17
€ par litre, ou de 0,
19
€ dans le
cas du remplacement d’une même quantité d’énergie
124
; cette évaluation pouvant être
légèrement majorée pour tenir compte du fait que le gazole pris pour référence supporte déjà
un surcoût lié à l’incorporation de 7
% volumique d’EMAG. Ces données ne justifient pas l’aide
de 0,51
€/litre résultant de la réduction de TICPE appliquée pour l’incorporation de
biocarburant gazole.
De même, le prix hors taxe d’un litre de SP95, contenant 7,2
% volumique d’éthanol,
était de 0,56
€, égal à celui d’un lit
re de SP95°E10, qui en contient 10,2 %. Les données
disponibles depuis 2013 montrent que l
’écart d’incorporation d’éthanol n’entraîne pas de
différence du prix de vente hors taxe de ces deux carburants. En revanche, les prix de vente
toutes taxes comprises
reflètent l’écart de
deux centimes par litre de la fiscalité qui leur est
applicable : le prix TTC moyen du SP95 était en 2018 de 1,50
€/litre et celui du SP95E10 de
1,48 €/litre
. La réduction du tarif de TICPE est donc ici une mesure incitative financée
par l’État
au bénéfice du consommateur et non une mesure de compensation du surcoût de production de
l’éthanol.
Si un litre de SP95 ou de SP95 E10 (contenant déjà une part de 7,2 ou 10,2
% d’éthanol)
était vendu hors taxe 0,56
€ par litre en 2018, les prix
moyens à l’importation et à
l’exportation
125
d’un litre d’éthanol étaient la même année respectivement de 0,50
€ et de
0,47
€. Ces données ne font pas ressortir de surcoût de l’éthanol par rapport au carburant fossile.
Elles ne permettent donc pas non plus
de justifier l’aide de 0,67
€ (hors effet TVA) accordée
pour l’incorporation d’un litre d’éthanol dans le carburant SP95 E10, ni a fortiori celle de
0,83
€/litre accordée pour l’incorporation d’un litre d’éthanol dans le carburant
E85.
hiver, soit une tenue à froid garantie jusqu’à
-10 C généralement obtenue grâce aux EMAG de colza (mesure décidée pour
compenser le manque à gagner des opérateurs du fait de la baisse de consommation liée aux mesures de confinement sanitaire
entre mars et mai 2020) et de valoriser exceptionnellement pour 120 % leur contenu énergétique (loi de finances rectificative
n° 2020-935 du 30 juillet
2020, article 9) a eu un effet significatif à partir de l’été
2020 sur les prix de marché des biocarburants
concernés.
123
Les notions d’importation et d’exportation ici
invoquées incluent les échanges intra-européens, normalement
appelés acquisitions ou livraisons intracommunautaires.
124
La quantité d’énergie contenue dans un litre d’EMAG est de 33 MJ quand celle d’un litre de gazole est de 36
MJ :
il faut 1,09 litre d’EMAG pour obtenir la même quantité d’énergie que dans un litre de gazole.
125
Échanges intra-européens inclus.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
60
Dans un référé du 4 décembre
2009, la Cour avait déjà appelé l’attention sur le niveau
de défiscalisation empirique dont bénéficiaient les biocarburants, faute d’une expertise de l’État
sur les coûts de production. Un rapport de l’inspection générale des finances et du consei
l
général de l’agriculture en juillet
2008 avait d’ailleurs conclu à une large surcompensation pour
l’éthanol. Ces observations sont confirmées
: une application plus rigoureuse de la
règlementation européenne sur les accises nécessiterait de réexaminer les réductions de TICPE
prévues par la loi pour les carburants SP95 E10, E85, ED 95 et gazole B100, en tenant plus
précisément compte des surcoûts liés à l’incorporation de biocarburants.
Recommandation n° 3.
(DGFIP, DGEC, 2022) : Proposer de fonder les réductions de
tarif de TICPE accordées pour la mise à la consommation de carburants SP95 E10, E85,
ED 95 et gazole B100 sur des données fiables et objectives de surcoûts.
Le E85 : un carburant surconsommé, au détriment de la fiabilité des moteurs
Le carburant E85, mis à la consommation à partir de 2007, se caractérise par un taux élevé
d’incorporation en éthanol (entre 60
% et 85 %). Il
n’
est normalement utilisable que dans des véhicules
essence spécialement adaptés pour son utilisation. Sa consommation est passée entre 2015 et 2019 de
0,9
à 3,4 millions d’hectolitres.
Dans un premier temps, plusieurs constructeurs automobiles ont développé des motorisations adaptées
pour l’utilisation de ce carburant. Depuis 2007, environ 39
000 véhicules neufs compatibles de série ont
été mis en circulation. Ce flux s’est cependant tari à partir de 2013, les constructeurs automobiles
européens ayant renoncé à la commercialisation de ces véhicules en raison d’un marché trop étroit et de
coûts de dévelop
pement trop élevés. Un rebond s’est produit en 2019 (6
356 immatriculations), un
constructeur ayant proposé dans son catalogue un véhicule adapté au carburant E85 dont il a abandonné
la commercialisation en 2020. Depuis 2021, quelques autres véhicules compatibles de série pour
l’utilisation de ce carburant sont
proposés par le même constructeur.
Un arrêté ministériel du 30 novembre 2017 a règlementé l’homologation et l'installation de dispositifs
de conversion des véhicules à motorisation essence pour la consommation du carburant E85. Cette
initiative a fait l’objet de réserves des constructeurs automobiles qui ont fait valoir que l’utilisation de
ce carburant présentait des risques à la fois en termes de fiabilité, de corrosion, de prestations pour le
clien
t et de dépollution. En conséquence, ils n’accordent pas leur garantie en cas de dysfonctionnement
des moteurs équipés d’un dispositif d’adaptation homologué, celle
-ci étant en principe prise en charge
par l’installateur du dispositif d’adaptation, à condition que l’imputation de la panne à la consommation
du carburant E85 soit démontrée.
En supposant que tous les véhicules neufs compatibles de série immatriculés depuis 2007 et ceux dont
le certificat d’immatriculation a été modifié pour tenir compte de l’installation d’un dispositif
d’adaptation homologué (environ 14
000) sont toujours en circulation, le nombre de véhicules
susceptibles d’utiliser
ce carburant est inférieur à 53 000 en 2019. Or, environ 281 000 véhicules, soit
cinq fois plus, ont circulé cette année-là en consommant le carburant E85
126
.
126
Évaluation à partir du volume de carburant E85 mis à la consommation en 2019,
sur la base d’une distance
moyenne parcourue de 10 000 kilomètres par an et d’une consommation de 12 litres au 100 kilomètres pour tenir compte du
fait que l’installation de dispositifs d’adaptation au carburant E85 est possible pour tous les véhicules de
transport de personnes
jusqu’à un poids maximal de 3,5 tonnes (camionnettes).
L’INSEE et le SDES
estiment que le parcours moyen d’un véhicule
léger à essence est inférieur à 9 000 km.
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
61
Il s’agit
:
-
de véhicules équipés de dispositifs d’adaptation homologués dont le certificat d’immatriculation n’a
pas été modifié,
-
de véhicules équipés de dispositifs d’adaptation non
homologués,
-
de véhicules non équipés de dispositifs d’adaptation.
Pour pallier au moins en partie ces inconvénients, l’arrêté du 30
novembre 2017 devrait être complété
afin de rendre obligatoire, à l’initiative de l’installateur du dispositif, le changem
ent du certificat
d’immatriculation des véhicules équipés d’un dispositif de conversion permettant l’utilisation du
carburant E85.
2.2
Un contrôle de la durabilité des biocarburants à renforcer
Pour que leur production soit comptabilisée au titre des objectifs
d’EnR de la directive
EnR de 2009 et puisse bénéficier de soutiens publics, les biocarburants doivent être certifiés
comme respectant deux critères de « durabilité » : la matière première ne doit pas provenir de
terres prises sur la forêt ou renfermant un important stock de carbone ou riches en biodiversité,
et les biocarburants doivent permettre d'éviter au moins 35 % d'émissions de GES (50 % à partir
de 2017, puis 60 % pour les installations nouvelles) par rapport aux énergies fossiles. Afin de
démontrer le respect de ces critères de durabilité, les opérateurs doivent s'inscrire dans un
schéma volontaire reconnu par la Commission européenne, ou dans un système national ciblant
en général la dernière étape d’incorporation et
géré en France par la DGEC. Ces règles
européennes et leurs déclinaisons dans la réglementation française sont décrites en
Annexe n° 13.
2.2.1
Une traçabilité jusqu’alors
mal assurée pour les États
Au-delà des limites identifiées dès 2016 par la Cour des comptes européenne, qui restent
en partie d’actualité, notamment en matière de défaut de transparence et de supervision (
voir
Annexe n° 13), ces schémas volontaires présentent des limites en matière de contrôle,
identifiées par les autorités néerlandaises, suite à une fraude massive en 2019 et détaillées dans
les paragraphes suivants.
En premier lieu, les autorités nationales n’ont de remontées d’informations que pour la
dernière étape d’incorporation, via leur schéma national. Elles manquent d’outils à l’échelle
européenne. Les certificateurs n’ont pas de pouvoir d’investigation
. Et les schémas volontaires
pratiquent entre eux des reconnaissances mutuelles, aux procédures plus ou moins formalisées,
permettant à leurs opérateurs adhérents d’utiliser les certificats établis par l’autre.
Par ailleurs,
l’attente d’éventuels outils eu
ropéens de supervision auxquels se conformer et fournir des
données compatibles (de type base de données ou précisions sur les règles de certification) a pu
constituer un frein pour la constitution de référentiels et donc pour les contrôles de cohérence
127
.
127
Par exemple aux Pays bas, le dépassement des capacités de l’usine de production en cause n’a alerté les autorités
néerlandaises qu’après un certain temps. Non transmise dans le cadre des schémas volontaires, ce type de donnée doit être
r
assemblé auprès d’autres administrations, le cas échéant d’autres pays
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
62
Schéma n° 1 :
Suivis de la durabilité et du mécanisme fiscal de minoration de TIRIB
Source : Ministère de la Transition écologique, DGEC, mise en forme Cour des comptes
En second lieu, les certificateurs n’ont pas d’autorité pour mener des investigations ou
prélever des échantillons : leur rôle consiste à vérifier ex ante la conformité des moyens prévus
et in itineris l’effectivité administrative des moyens mis en place. Cette limite est à nuancer
pour la filière résidus, plus internationale que celle des cultures, où au contraire seule une
supervision privée, validée par la Commission européenne et les États concernés, peut s’opérer.
En outre, les certificateurs ne sont pas informés des cours des biocarburants qui peuvent en
rendre certains plus attractifs, de façon à adapter leurs vérifications aux marchés. Ils ne sont pas
formés pour reconnaître un biocarburant.
En troisième lieu, les fréquences mensuelles ou annuelles de transmission de données
déclaratives (fichiers Excel échangés par messagerie électronique) sont inadaptées pour
permettre des recoupements rapides d’informations à l’échelle des marchés concernés ou des
contrôles sur place (par exemple pour garantir qu’un certificat ne ser
t
qu’une fois).
En quatrième lieu, la directive EnR prévoit un abandon
d’ici 2030
des biocarburants
produits à partir de cultures destinées à l'alimentation humaine et animale, présentant un risque
élevé d'induire des changements indirects dans l'affectation des sols et dont la zone de
production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de carbone. Seule
l’huile de palme entre actuellement dans cette catégorie. À ce jour, la France a adopté des
dispositions plus rapides, qui excluent les biocarburants
à base d’huile de palme au
1
er
janvier 2020 des avantages fiscaux (minoration de TIRIB), sans les interdire
128
.
Cette exclusion est appliquée depuis janvier 2020. Elle conduit cependant à affecter à
un lot résultant d’un mélange des caractéristiques au prorata des lots initiaux, qui peut ensuite
être comptablement cédé en sous-lots, sans cession physique.
Ainsi, par exemple, un lot de biodiesel d’EMHV de volume 100, composé de 50
%
d’hui
le de palme et 50
% d’huile de colza peut être alloti en deux sous
-lots de volumes 50,
associés chacun à un certificat de durabilité à 100
%, de palme pour l’un et de colza pour l’autre.
Ce second sous-lot pourra être mis à la consommation en France et bénéficier de la minoration
de TIRIB, alors que le produit physique des deux sous-lots restera composé de 50 % de palme.
Le premier sous-
lot pourra être cédé jusqu’en 2030 à un opérateur européen
.
L’exclusion de l’huile de palme
de la TIRIB par la France a donc un impact limité sur
la réalité des flux physiques mis à la consommation sur le territoire, qui peuvent toujours en
128
La même exclusion s’appliquera à compter de 2022 pour les biocarburants produits à partir de distillats d’acides
gras d’huile de palme et d’huile de soja (voir supra).
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
63
contenir.
Les volumes en jeu n’ont pas pu être quantifiés lors de cette enquête. Leur meilleure
valorisation en Allemagne les attire cependant préférentiellement vers ce pays.
2.2.2
De nouveaux moyens restant encore à déployer
À l’échelle européenne, la Commission révise actuellement le procédé de validation des
schémas volontaires, notamment pour être en accord avec la nouvelle directive EnR 2.
129
Un
acte délégué est envisagé sur le co-
processing, pour l’incorporation des biocarburants de
synthèse. La Commission européenne est également de plus en plus vigilante envers les
opérateurs et prononce des sanctions, plus fréquentes, suite aux audits annuels transmis par les
certificateurs : après un premier cas en 2019 (fraude précitée au Pays-Bas), un second retrait
d’agrément a été prononcé en 2020
, envers la société Sun Oil.
La directive EnR 2 donne surtout un certain rôle aux États
130
, qui doivent désormais
prendre des mesures pour veiller à la fiabilité des informations des opérateurs et peuvent les
questionner voire réaliser des contrôles. Par ailleurs sont prévues,
la mise en place d’une base
de données centrale des carburants renouvelables, que les opérateurs renseigneraient
131
, ainsi
que la définition de règles de certification détaillées. À ce sujet, le fonctionnement intégré à
l’échelle nationale
allemande
d’ISCC (
ex-schéma national, qui en a gardé les fonctions et est
devenu un schéma volontaire
) constitue un exemple intéressant : il interroge ponctuellement ou
pour des bilans intermédiaires la chaine des opérateurs,
qu’il suit complètement.
En France, dans la mesure où le risque de fraude est plus important pour les produits
potentiellement doubles-comptés en termes énergétiques, le système national de durabilité
prévoit depuis 2017, une
procédure
complémentaire préalable de reconnaissance des opérateurs
incorporateurs concernés (cf. décrets du 17 juin 2019, révisé en décembre 2020). Ainsi
désormais, chaque usine souhaitant bénéficier du double comptage en France doit se soumettre
à un nouvel audit qui a notamment pour but de vérifier sur le terrain la cohérence entre la
capacité de production réelle de l'usine et les lots déclarés. Par ailleurs, certains aspects (comme
le volume réel de biocar
burant du lot et l’analyse en laboratoire qui peut être réalisée
pour
l’établir en vertu de la circulaire TIRIB du 18 août 2020
) ont généré des questions
, dont l’une
fait l’objet actuellement d’un recours auprès du Conseil d’État.
Enfin, la DGEC mène actuellement le projet CarbuRe de plate-forme interactive en
temps réel de suivi de la traçabilité des biocarburants. Porté par une start-up d'État incubée à la
Fabrique numérique, CarbuRe gérera des versions numérisées des attestations de durabilité,
utilisables par les opérateurs pétroliers et leurs fournisseurs et prendra également en charge les
certificats et déclarations de durabilité. A ce stade, la base de données « Carbure » est
fonctionnelle au printemps 2021, les opérateurs devant y enregistrer leurs lots depuis le mois
d'avril. Co-
financée par FranceAgriMer, au titre du développement de l’approfondissement des
missions de l’observatoire des biocarburants, cette plate
-forme permettra également de mieux
connaître la nature et les lieux de production des matières premières. En parallèle, les opérateurs
129
Une méthode est en cours d’élaboration et devrait être publiée dans un acte d’exécution début 2021, dans l’objectif
d’une nouvelle certification des schémas volontaires avant le 1er juillet 2021 (délai de transposition)
130
L’article 30, point 3 prévoit not
amment que « Les États membres prennent des mesures afin de veiller à ce que
les opérateurs économiques soumettent des informations fiables concernant le respect des seuils de réduction des émissions de
GES. […] Ils exigent des opérateurs économiques qu'il
s veillent à assurer un niveau suffisant de contrôle indépendant des
informations qu'ils soumettent et qu'ils apportent la preuve que ce contrôle a été effectué. À des fins de conformité [..], il est
possible de recourir à des contrôles internes ou de seconde partie. »
131
Voir article 28, point 2, de la directive EnR2, a
rticle 661-
9 du Code de l’énergie
(décembre 2015) en France
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS
64
ont développé une application qui a pour but la dématérialisation des documents de suivi des
biocarburants (certificats d’incorporation, d’acquisition et d
e teneur ainsi que comptabilités
matières relatives à la TIRIB) et la DGDDI développe une application pour la déclaration de
TIRIB en ligne (qui évoluera prochainement en TIRUET). Ces trois applications
communiqueront entre elles, de façon à être opérationnelles début 2022, avant la mutation du
contrôle douanier
des biocarburants à la DGFIP en 2024. Cela permettra d’éviter les erreurs de
report et de garantir qu’un certificat n’est
utilisé qu’une fois.
En conclusion, cette base de données interactive devrait pallier le manque de référentiel.
Ce partage de données plus complètes en temps réel ainsi que leur analyse plus automatisée
devraient constituer une véritable avancée
en termes d’efficacité et d’amélioration de la
traçabilité, autant pour les serv
ices de l’État que pour les opérateurs.
Il convient de finaliser et
de développer ces outils, notamment
de les doter d’interfaces
. Ils ne constituent pour autant
qu’un support à des moyens
, notamment humains, qui devraient être renforcés pour ce faire
ainsi que pour croiser les données, réaliser des bilans intermédiaires, interroger régulièrement
les opérateurs,
à l’instar des pratiques allemandes
, et si nécessaire, procéder à des contrôles
ciblés. Enfin plus largement, la France a co-signé le 25 mai 2021, avec la Belgique, l'Allemagne,
le Luxembourg et les Pays-Bas un courrier à la Commission demandant un renforcement de la
supervision et du contrôle de la durabilité et de la
traçabilité, ainsi qu'une mise en œuvre rapide
de la base de données au niveau européen
, avec laquelle Carbure aura à s’interfacer.
Recommandation n° 4.
(DGEC, FranceAgriMer, 2022) : Achever de déployer la base
de données interactive biocarburants en 2021,
et renforcer les moyens d’observation,
d’analyse
, si nécessaire de contrôle ainsi que leur coordination.
2.3
La difficile transition vers les biocarburants avancés
L’incorporation de biocarburants de première génération étant strictement limitée par la
règlementation européenne, la croissance de la part biosourcée dans les carburants doit se faire
par les biocarburants avancés. Si l’on fait abstraction de la question
de leur coût, il existe une
quasi-
unanimité sur leurs avantages. Cela s’est traduit par une réévaluation des objectifs de
développement des biocarburants avancés dans la réglementation européenne, qui ont été
intégrés dans la réglementation française.
2.3.1
Des investissements mondiaux et un effort de recherche en baisse
Une production limitée dans le monde, absente en France
Alors que les biocarburants avancés sont présentés comme une solution d’avenir, les
investissements qui leur sont consacrés ont nettement diminué dans le monde ces dernières
années (cf. compléments en Annexe n° 15
). Le développement des biocarburants avancés n’a