Chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie
13, Boulevard Vauban - BP 2392 - 98846 Nouméa cedex - Nouvelle-Calédonie
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la chambre le 23 juin 2021.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
Nouvelle-Calédonie Energie (NCE)
Exercices 2016 à 2020
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
2
TABLE DES MATIÈRES
PREAMBULE
............................................................................................................................
8
INTRODUCTION
....................................................................................................................
10
1.
LA GENESE DU PROJET DE CENTRALE « PAYS »
....................................................
11
1.1.
Une centrale électrique en fin de vie
.............................................................................
11
Les études menées par la SLN en vue du remplacement de la centrale B
....................
16
Les difficultés de la SLN et le soutien encadré de l’Etat
..............................................
21
Le projet de centrale « pays » au gaz située à Doniambo, mutualisant les besoins
de la SLN et ceux de la distribution publique
...............................................................
26
Le véhicule juridique du projet : la société Nouvelle Calédonie Energie (NCE)
.........
32
Le financement de la future centrale « pays »
..............................................................
33
Une place nouvelle à occuper dans le système électrique calédonien
..........................
34
UNE CONDUITE DE PROJET MARQUEE PAR UNE SUCCESSION
D’ERREMENTS
.................................................................................................................
34
NCE peine à se structurer
.............................................................................................
35
L’incapacité à décider du combustible
.........................................................................
39
L’incapacité à déterminer les besoins à satisfaire
.........................................................
44
L’incapacité à contenir le montant de l’investissement et le coût de production
.........
48
Les revirements sur le type de centrale
.........................................................................
52
Une renonciation à conduire le projet
...........................................................................
53
L’incapacité à respecter son calendrier
.........................................................................
55
DES INTERETS AFFIRMES QUE NCE N’ARRIVE PAS A FEDERER
........................
56
La SLN
..........................................................................................................................
56
ENERCAL
....................................................................................................................
58
Le gouvernement et l’agence calédonienne de l’énergie
..............................................
63
L’Etat appelle au recentrage du projet sur ses fondamentaux
......................................
66
La présidence de NCE
..................................................................................................
68
LA COMPOSITION DU CAPITAL, LA GOUVERNANCE ET LE
FONCTIONNEMENT DE NCE
.........................................................................................
71
L’évolution de la composition de son capital et de son comité de direction
................
72
La gouvernance
.............................................................................................................
73
La situation financière et le pilotage budgétaire
...........................................................
78
Les ressources humaines
...............................................................................................
85
Le contrôle interne
........................................................................................................
88
REPONSES
..............................................................................................................................
93
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
3
SYNTHESE
La centrale « pays », devant remplacer la centrale de Doniambo, présentée comme un
projet phare de la Nouvelle-Calédonie, dont la construction a été qualifiée d’urgente et
indispensable par toutes les expertises successives, n’entrera en production, au plus tôt, que
début 2025, soit huit ans après la création de la société NCE, en charge de sa réalisation.
La centrale électrique de Doniambo, ou centrale B, qui est en service depuis le début
des années 70, est le cœur de l’usine pyro-métallurgique de la SLN. Cette centrale, en fin de
vie, poursuit son exploitation jusqu’à son renouvellement au prix d’investissements
substantiels.
Participant à la stabilité du système électrique calédonien, elle en est aujourd’hui le talon
d’Achille en raison d’une maintenance difficile, qui ne la met pas à l’abri d’une panne durable,
voire irréversible.
La SLN, qui en est propriétaire, a engagé de longue date une série d’études pour en
assurer le remplacement, marquée par une succession d’hésitations sur le combustible et la
technologie à mettre en œuvre. Alors que le choix du charbon est finalement arrêté, après avoir
été confirmé comme meilleure technologie disponible par deux expertises, la SLN est contrainte
de renoncer à cet investissement, faute de capacité à le financer.
Appelé à la rescousse par les élus calédoniens, l’Etat apporte son soutien à un projet de
centrale pays porté par le gouvernement, mutualisant les besoins de l’industriel avec ceux de la
distribution publique. Il le fait à travers le dispositif de défiscalisation et par une garantie portée
sur l’emprunt qui devra être contracté pour son financement. Ce projet est confié à la société
NCE, composée d’un actionnariat à majorité publique. Il va de la conception à l’exploitation et
à la maintenance d’une centrale électrique de 200 MW située à Nouméa, en passant par son
financement et sa réalisation.
S’appuyant sur deux nouvelles études rendues en 2016, contredisant les précédentes,
dont une émise trois ans auparavant par les même experts, le combustible retenu est le gaz.
Malgré la légèreté de l’une de ces deux études et les interrogations de la SLN sur la capacité de
cette future centrale à proposer une baisse significative du coût de l’énergie produite, le projet
est lancé en l’état.
Une inertie qui contraste avec l’urgence affichée suivie du lancement de nouvelles études
Alors que la feuille de route parait simple, soit « vite, robuste et pas cher », NCE peine
à faire avancer le projet en raison d’une succession d’errements dans son pilotage et de remises
en cause des fondements du projet initial.
Tout d’abord, malgré l’urgence du projet, NCE met presque deux ans à composer une
équipe technique complète. Une fois constituée, au lieu de lancer un appel d’offres à partir des
conclusions des études déjà disponibles qui indiquent que la solution la plus adaptée est une
centrale électrique sur barge, alimentée au gaz, NCE choisit de commander de nouvelles études
de faisabilité et de conception.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
4
Les résultats de ces études doublent l’estimation du montant des investissements à
réaliser qui s’élève désormais à 120 Md F CFP. Ce doublement tient aux choix technologiques
imposés par les associés qui aboutissent in fine à un projet de construction de deux
demi-centrales.
La solution préconisée à l’origine du projet est écartée avant de réapparaitre
et de s’imposer
La société NCE se voit alors contrainte de revoir sa méthode de travail et d’abaisser les
exigences techniques émises par les associés. Elle lance un appel à manifestation d’intérêts
sollicitant un large panel d’industriels du secteur de l’énergie auxquels il est demandé de
proposer les solutions qui leur semblent les mieux adaptées pour la future centrale pays, ouvrant
largement le champ du possible en matière de combustible et de technologie.
Compte tenu de la taille réduite du projet, il ressort des propositions émises par les
producteurs d’énergie que la seule solution apte à offrir une baisse significative du coût de
l’énergie produite à partir d’un investissement raisonnable est une centrale sur barge.
Cette solution, pourtant recommandée par l’une des études initiales datant de 2016,
décrite comme robuste technologiquement, rapide à mettre en œuvre et pouvant proposer le
prix du KWh le plus bas, avait été écartée par les associés lors des études complémentaires
qu’ils avaient engagées. C’est elle qui sera finalement retenue pour l’appel d’offres lancé le
19 novembre 2020, balayant toutes les études de faisabilité et de conception commandées par
NCE depuis sa création. Presque quatre ans ont été perdus.
Des besoins instables et une stratégie interne concurrente, non conforme à
l’objet social
Le pilotage du projet par NCE se révèle inconstant du fait de l’instabilité des besoins
exprimés par les associés et de la remise en cause des fondements mêmes du projet par sa
gouvernance.
Des données de base comme la production attendue par la future centrale fluctuent en
permanence.
De son côté, ENERCAL affirme quatre ans après le début du projet que la distribution
publique n’aurait pas besoin de cette future centrale, ce qui remet en question le fondement
même du projet.
Dans un souci de réduire les risques du projet, le gouvernement souhaite en confier la
réalisation en intégralité à un producteur indépendant d’énergie, sans que soient examinés les
risques et les menaces liés à ce choix et sans que soit initiée une réflexion sur les moyens de
contrôle, voire les vetos éventuels, dont pourrait disposer la Nouvelle-Calédonie à chaque stade
de réalisation. En cela, elle renonce à la souveraineté énergétique, qui était un axe fort de
l’intervention de la puissance publique dans ce dossier.
En parallèle, et à son initiative, NCE développe une deuxième stratégie concurrente de
la stratégie « gaz », basée sur une solution « tout énergies renouvelables », alors qu’elle ne
dispose pas des ressources internes pour la mener et que le gestionnaire du réseau ENERCAL
indique qu’elle lui semble irréaliste en l’état. De plus, cette stratégie n’entre pas dans son objet
social.
Les travaux de la chambre ont fait apparaître l’absence d’affection societatis au sein de
NCE.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
5
Une centrale surdimensionnée
La conduite du projet est aussi marquée par les intérêts affirmés mais non convergents
des associés, exacerbés par l’absence de définition d’une trajectoire énergétique à l’échelle de
la Nouvelle-Calédonie. A côté et en complément des énergies renouvelables qui se développent
massivement, la future centrale pays peine à trouver sa place.
Au lieu de tourner à plein régime, comme doit le faire ce type d’outil de production, elle
est conçue pour s’effacer devant la production photovoltaïque, par nature intermittente et
concentrée sur quelques heures dans la journée, puis pour prendre le relais la nuit ou les journées
non ensoleillées. De ce fait, elle sera surdimensionnée et son taux de charge grèvera
inévitablement le coût de sa production.
A ce jour, deux solutions sont à l’étude :
la première menée par NCE pour la construction d’une centrale pays sur barge ;
la seconde, conduite par ENERCAL, qui vise à transformer la centrale de Prony
pour l’alimenter au gaz, suivie de son agrandissement progressif pour devenir la
centrale pays.
Ces deux solutions concurrentes, bien que menées par deux sociétés contrôlées par la
Nouvelle-Calédonie, n’ont pas fait l’objet d’arbitrage. De ce fait, les deux équipes techniques
continuent à les développer en parallèle, mobilisant des compétences et faisant appel à des
expertises coûteuses.
La question de la prise en charge des surcoûts
En raison de son surdimensionnement, la centrale pays génèrera des surcoûts croissants
qui ne pourront être compensés par le coût décroissant des énergies renouvelables. Restera à
déterminer qui de la SLN, de ENERCAL, de l’usager ou du contribuable les prendra à sa charge
et à quelle hauteur.
Les errements successifs dans la conduite du projet, qui voient le jour dès la création de
NCE, ne sont pas que le résultat d’un pilotage inconstant, voire déficient. Ils sont aussi le fruit
d’un montage réalisé dans l’urgence, construit à partir d’études perfectibles, dans un paysage
énergétique non défini, sans mesurer que cette centrale « tout en un », serait amenée à remplir
des objectifs contradictoires.
Au 30 juin 2020, 929 MF CFP ont été engagés sur une enveloppe prévisionnelle de
1 996 MF CFP, les salaires de l’équipe projet et les frais de fonctionnement de la structure
s’élevant à eux seuls à 364 MF CFP et les études à 499 MF CFP.
L’appel d’offres lancé le 19 novembre 2020, porteur de nombreuses incertitudes, a
repoussé de nouveau l’échéance de réalisation de la centrale pays au premier semestre 2025.
En l’attente, l’actuelle centrale B est maintenue en service.
Malgré l’urgence affichée, le projet de centrale s’est progressivement enlisé du fait des
hésitations de NCE sur les besoins à satisfaire, la technologie et le combustible à retenir mais
aussi en raison des interrogations sur sa capacité à financer et à mener à bien le projet.
Aussi, au vu des éléments recueillis, rien ne permet d’affirmer que le projet de centrale
pays conduit par NCE verra le jour.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
6
RECOMMANDATIONS
Recommandation n°1 :
La chambre territoriale des comptes recommande à NCE de prévoir dans ses statuts des
dispositions permettant de s’assurer de la présence régulière des membres de son comité de
direction………………………………………………………………………………………77
Recommandation n°2:
La chambre recommande à la société NCE d’établir un outil de prévision et de suivi budgétaire
permettant au comité de direction d’assurer le pilotage de l’entreprise………………………85
Recommandation n° 3:
La chambre recommande à la société NCE de faire adopter ses procédures d’achat par son
comité de direction……………………………………………………………………..……..90
Recommandation n°4 :
La chambre recommande à la société NCE de se doter d’un outil de suivi des achats afin de
s’assurer du respect de ses procédures………………………………………………..……….90
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
7
RAPPELS D’OBLIGATIONS JURIDIQUES
Rappel d’obligation juridique n°1 :
La chambre rappelle à la société NCE qu’elle doit se conformer à son objet social….………...43
Rappel d’obligation juridique n°2 :
La chambre territoriale des comptes rappelle à la société NCE qu’elle doit se mettre en
conformité avec l’article 196 de la loi organique qui interdit à tout membre d’une assemblée de
province ou du Congrès d’accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil
d’administration d’une société d’intérêt général……………………………………….….…..76
Rappel d’obligation juridique n°3 :
La chambre territoriale des comptes rappelle à la société NCE que la décision de rémunérer son
président relève de la compétence exclusive de l’assemblée générale………………………...78
Rappel d’obligation juridique n°4 :
La chambre rappelle à NCE qu’elle doit se conformer aux termes de la convention d’objectifs
et de moyens du 28 février 2019 en remettant au gouvernement une copie des études réalisées
et en organisant tous les trois mois une réunion de présentation des résultats intermédiaires et
finaux…………………………………………………………………………………………81
Rappel d’obligation juridique n°5 :
La chambre rappelle que la société NCE doit se conformer à l’article 16.2 de ses statuts et
présenter pour autorisation aux membres de son comité de direction un budget annuel
d’exploitation et d’investissement…………………………………………………………….84
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
8
PREAMBULE
La chambre territoriale des comptes (CTC) a inscrit à son programme de travail pour
l’année 2020 le contrôle des comptes et de la gestion de la société par actions simplifiée
Nouvelle-Calédonie Energie (NCE).
Par lettre recommandée, avec avis d’accusé de réception, en date du 30 juillet 2020, le
président de la SAS NCE alors en fonctions, M. Pierre Kolb, a été informé de l’ouverture du
contrôle des comptes et de la gestion portant sur les exercices allant de sa création en 2016
jusqu’au 30 juin 2020, sous réserve de l’approbation de ses comptes par décision collective de
ses associés.
Les comptes ayant été approuvés le 17 décembre 2020 par décision collective des
associés, le contrôle a été étendu à l’exercice clos le 30 juin 2020, l’exercice social de la société
NCE commençant le 1
er
juillet de chaque année et se clôturant le 30 juin de l’année suivante.
Le président de la SAS NCE a accusé réception de cette lettre recommandée le
8 août 2020.
Les trois prédécesseurs de M. Kolb, MM. Gomès, Kerjouan et Frogier, ont également
été informés par courrier recommandé de l’ouverture du contrôle des comptes et de la gestion
de la SAS NCE. Ils en ont accusé réception.
Conformément à l’article L.211-3 du code des juridictions financières, la chambre a
procédé à l’examen de la gestion de la société NCE portant sur la régularité des actes de gestion,
sur l’économie des moyens mis en œuvre et sur l’évaluation des résultats atteints par rapport
aux objectifs fixés
En application des possibilités offertes par les dispositions de l’article L.262-64 du code
des juridictions financières, des entretiens de fin de contrôle ont eu lieu le 18 décembre 2020
avec MM. Frogier, Gomès et Kerjouan, et le 19 janvier 2021 avec M. Kolb.
L’intégralité du rapport d’observations provisoires a été notifié aux cinq présidents de
la société, au directeur de l’agence calédonienne de l’énergie et au président du gouvernement
de la Nouvelle-Calédonie. En réponse à la contradiction, les cinq présidents successifs de la
société NCE ont adressé un courrier à la chambre, exprimant des points de vue parfois
divergents.
Le premier président de NCE, qui a sollicité un délai de réponse jusqu’au 29 mai 2021,
a adressé un courrier le 11 juin où il donne « son éclairage sur certains aspects essentiels de ce
dossier ».
Le second président de NCE, a exposé ses observations portant sur l’ensemble du
rapport, y compris sur les périodes antérieures et postérieures à sa présidence, ou sur des
éléments extérieurs à la société. Elles ont été prises en compte pour autant qu’elles concernent
la gestion de l’entreprise sur la période de sa présidence ou les faits qu’il qualifie d’erronés.
Il a aussi demandé à être auditionné par la chambre en application de l’article L.262-66
du code des juridictions financières. Après avoir indiqué qu’il n’était pas disponible à la
première date d’audition proposée par la chambre, le second président de NCE a demandé à
bénéficier de la prise en charge des honoraires d’avocat par la société NCE. En réponse, le
président de la chambre a indiqué que NCE étant une société de droit privé, elle n’entre pas
dans le champ du caractère obligatoire de la prise en charge des honoraires d’avocat fixée par
le 3
ème
alinéa de l’article L. 262-54 du code des juridictions financières. Par lettre du 14 juin
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
9
2021, enregistrée au greffe de la chambre le jour même, le second président de NCE a annoncé
qu’il ne serait « …donc pas, en l’absence de l’assistance demandée, en mesure de développer
demain l’argumentaire que j’avais prévu à ce jour, ce qui m’empêche de répondre à votre
convocation ». La chambre constate qu’il a ainsi renoncé à l’audition qu’il avait lui-même
sollicitée. Même en l’absence d’avocat, il aurait pu présenter l’argumentaire annoncé.
Le troisième président de NCE, indique quant à lui qu’il a pris connaissance avec une
particulière attention du rapport qui lui a été adressé et que les éléments indiqués le concernant
n’appellent aucune observation de sa part. Dans sa réponse à la contradiction, le président au
moment de l’instruction, précise qu’il a démissionné de la présidence de NCE et que son
courrier n’engage pas la société NCE. Il affirme ensuite que « les principales conclusions du
rapport provisoire sur les « errements » historiques ainsi que sur la difficulté structurelle de
pilotage de NCE n’appellent pas d’observations particulières de [son] côté » car « elles
rejoignent en grande partie [sa] propre analyse et constituent une des raisons qui ont présidé à
[sa] décision de démissionner ». Enfin, il apporte des observations sur la mise en œuvre de la
stratégie alternative basée sur les énergies renouvelables.
Le président en fonctions, a adressé quelques précisions sur certaines observations,
recommandations et rappels d’obligations juridiques formulés dans le rapport provisoire.
Le président de la Nouvelle-Calédonie, indique dans son courrier qu’à ce stade du
rapport, il n’a pas de remarques particulières à formuler.
Un membre du comité de direction, tiers mis en cause, après avoir apporté des éléments
de réponse par courrier en date du 18 mi 2021, a été auditionné à sa demande le 14 juin 2021.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
10
INTRODUCTION
La SAS NCE est une société de projet dédiée dont l’objet est l’étude, la conception, le
financement, la construction et l’exploitation d’une centrale électrique et de ses installations
connexes aux fins de contribuer à la satisfaction des besoins en électricité du réseau public de
la Nouvelle-Calédonie et des installations industrielles de la société Le Nickel (SLN).
Cette centrale électrique, dénommée centrale « pays », a pour objet de mettre fin à
l’exploitation de la centrale B, propriété de la SLN, située sur le site industriel de Doniambo, à
Nouméa, dont les quatre tranches ont été mises en service entre 1970 et 1972.
Compte-tenu de l’indissolubilité du lien entre la société NCE et son objet (la conception,
la construction et l’exploitation de la centrale « pays »), le contrôle a porté sur cet ensemble.
Dans un premier temps, il s’est attaché à examiner la genèse de ce projet passant du
remplacement de la centrale électrique vieillissante et polluante, alimentant le site
électro-intensif de Doniambo par son propriétaire, la SLN, à un projet de centrale pays au gaz,
mutualisant les besoins de la distribution publique et ceux de l’industriel (I).
Alors que sa mise en œuvre est décrite comme urgente, le projet peine à démarrer et est
marqué par une succession d’errements et de remises en cause de ses fondements (II) qui
mettent en lumière l’incapacité de NCE à piloter le projet.
En faisant le choix de conduire le projet par la recherche permanente du compromis
entre ses associés, et en l’absence de définition d’une trajectoire énergétique pour le territoire,
la présidence de NCE et le gouvernement n’ont pas permis l’émergence d’un intérêt
général (III).
La gouvernance de la société présente quant à elle une grande instabilité et son
fonctionnement reste perfectible (IV).
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
11
1.
LA GENESE DU PROJET DE CENTRALE « PAYS »
Le complexe industriel pyro-métallurgique de Doniambo, exploité par la société
Le Nickel
1
, (SLN), situé à Nouméa, transforme le minerai en nickel métal. A cet effet, ce site,
qui est électro-intensif
2
, dispose d’une centrale électrique fonctionnant au fioul lourd.
Raccordée au réseau public d’électricité, cette centrale, dénommée centrale B, participe, au-
delà des besoins de l’industriel, à ceux de la distribution publique ainsi qu’à la stabilité du
réseau.
Accolée à l’usine pyro-métallurgique, elle est située sur un espace remblayé dans la
grande rade de Nouméa, qui est aujourd’hui entièrement cerné de quartiers résidentiels et de
commerces.
A plusieurs reprises, la SLN a engagé des études pour la remplacer, évaluant plusieurs
choix de combustibles et de technologies, avant de renoncer, faute de capacité à financer cet
investissement.
1.1.
Une centrale électrique en fin de vie
Conçue dans les années 1960, la centrale B, d’une puissance de 160 MW bruts, est mise
en service en 1972.
Elle couvre environ 80 % des besoins des installations du site industriel de Doniambo,
qui s’élèvent à 1 300 GWh, le reste étant assuré par la centrale hydro-électrique de Yaté
3
et par
un mix énergétique proposé par ENERCAL
4
, qui est le gestionnaire du réseau électrique
calédonien
5
.
Cet adossement d’une centrale électrique au site électro-intensif répond à un schéma
classique, car il permet de garantir la disponibilité et la sécurité de la production et de
l’alimentation électrique au plus près de ses installations de fonte et de transformation.
1
La société Le Nickel (SLN) est une entreprise minière et métallurgique française, filiale du groupe
ERAMET. Son siège social est à Nouméa. Elle a été fondée en 1880. C’est le premier employeur privé de
Nouvelle-Calédonie.
2
Le statut de site électro-intensif est défini à l’article D. 351-1 du code de l’énergie.
3
La production de la centrale hydro-électrique de Yaté est réservée à la SLN en vertu d’un accord de
concession jusqu’en 2031. Cela représente 90% du productible du barrage. L’énergie produite est acheminée vers
Nouméa par une ligne HT de 150 kV. La centrale de Yaté a une puissance de 68 MW et une productibilité de
300 GWh.
4
Dans le cadre de la convention d’échange d’énergie du 1er juillet 2013.
5
ENERCAL, société anonyme d’économie mixte détenue à plus de 54 % par la Nouvelle-Calédonie, est
le principal producteur d’électricité du territoire (97 %), le gestionnaire du réseau et un distributeur d’électricité.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
12
Une centrale polluante
Du fait de sa conception ancienne, la centrale de Doniambo n’incorpore pas les
meilleures technologies en matière de prévention des pollutions. Ainsi, elle n’est équipée ni de
dispositif de désulfuration des effluents, ni de dispositif de dénitrification.
Tableau n°1 : Niveaux d’émission de dioxyde de soufre (SO
2
), d’oxydes d’azote (NO
x
)
et de poussières selon le type de centrale électrique
En mg/Nm
3
Normes
2002
charbon
métropole
Centrale de
Prony
Centrale du
Nord
(KNS)
Centrale
Doniambo
Nouvelle
norme charbon
métropole
Nouvelle
norme gaz
métropole
SO
2
200
980
300
1 500 à
2 000
150
15
NO
x
200
650
300
200 à 400
150
100
Poussières
30
30
40
150 à 200
10
5
Source : Rapport d’expertise CGEIET/CGEDD n°2013/21 septembre 2013
6
Le dioxyde de soufre (SO
2
)
Les émissions de SO
2
trouvent leur origine dans le combustible utilisé car la totalité du
soufre contenu dans le fioul lourd est transformé, lors de sa combustion, en SO
2
. La centrale B,
ne disposant pas d’un système de désulfuration, présente des rejets significatifs. La seule façon
de réduire les émissions est d’utiliser du fioul lourd à basse ou à très basse teneur en soufre
(BTS ou TBTS), mais celui-ci est plus cher.
Selon une expertise rendue en 2013, la quasi-totalité de la pollution en SO
2
de
l’agglomération de Nouméa vient de la centrale B
7
. Le régime de vents dominants tend à
favoriser sa dispersion vers le large. Toutefois, dans certains cas, les vents peuvent rabattre les
fumées vers des zones habitées, en particulier celles situées sur les hauteurs dominant la centrale
qui se trouvent au niveau des exutoires des cheminées.
L’association de surveillance de la qualité de l’air, SCAL’AIR,
8
qui gère le réseau de
surveillance de la qualité de l’air à Nouméa dispose de stations de mesure autour de l’usine.
Lorsque les conditions météorologiques sont défavorables, elle alerte la SLN pour que celle-ci
alimente la centrale B avec du fioul disposant d’une basse ou très basse teneur en soufre.
6
Le CGEIET est le conseil général de l’économie, de l’industrie et des technologies et le CGEDD est le
conseil général de l’environnement et du développement durable régis respectivement par le décret n° 2009-64 du
16 janvier 2009 et le décret n°2015-1229 du 2 octobre 2015.
7
Rapport d’expertise sur le renouvellement de la centrale de production d’électricité de la Société Le
Nickel, CGEIET/CGEDD n°2013/21 – septembre 2013
8
L’Association de Surveillance Calédonienne de la Qualité de l’Air (Scal'Air) a pour objet de surveiller
la qualité de l’air en Nouvelle-Calédonie, d’informer et de sensibiliser la population à ce sujet. Sur le modèle des
associations de surveillance de la qualité de l’air métropolitaines, l’association Scal’Air est constituée de quatre
collèges disposant d’un même nombre de voix délibératives dans lesquels siègent entre autres le gouvernement de
la Nouvelle-Calédonie et les collectivités locales.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
13
Les émissions de la centrale ne respectent pas les normes environnementales récentes,
qui ont été rendues obligatoires par la province Sud
9
, compétente en la matière. Le maintien en
service de la centrale de Doniambo est conditionné à des dérogations accordées par arrêté de la
province Sud.
Dans le dossier de demande de prolongation des conditions d’exploitation de cette
centrale, adressé le 28 mars 2019 par la SLN au directeur de l’industrie, des mines et de
l’énergie de la Nouvelle-Calédonie, trois hypothèses de réduction des émissions de dioxyde de
soufre ont été présentées et comparées sous l’angle du bénéfice environnemental rapporté au
poids financier supporté par la SLN :
la première prévoit un statu quo par rapport aux règles fixées par l’arrêté précédent
10
avec un basculement vers des fiouls à basse ou très basse teneur en soufre en
fonction des mesures de concentration ou des conditions météorologiques. Ce
scénario présente un effet environnemental nul et un impact économique significatif
pour la SLN ;
la seconde prévoit l’utilisation de deux types de fioul basse et très basse teneur en
fonction des conditions environnementales avec le remplacement du fioul à très
basse teneur en soufre (0,7 %) par un fioul dont la teneur en soufre serait de 0,5 %.
Ce scénario présente un effet environnemental positif et un impact économique fort
pour la SLN
11
;
la troisième consiste à utiliser systématiquement du fioul à très basse teneur en
soufre par vent faible en journée. Ce scénario présente un bénéfice environnemental
important mais dégrade très fortement la rentabilité de la SLN
12
.
Le scénario du statu quo a été retenu et, est actuellement mis en œuvre.
Les oxydes d’azote (NO
x
)
La production d’oxydes d’azote (NO
x
) résulte de l’oxydation de l’azote contenu dans
l’air ambiant lors d’une combustion. Les oxydes d’azote proviennent de nombreuses sources,
en particulier des moteurs automobiles. Ces gaz à effet de serre ont un impact sur
l’environnement et sur la santé, notamment le dioxyde d’azote (NO
2
) qui pénètre profondément
les poumons.
Selon SCAL’AIR, l’agglomération de Nouméa ne souffrirait pas de niveaux de
pollution particulièrement sensibles au NOx
13
. Les émissions de la centrale de Doniambo
seraient donc contenues à un niveau acceptable.
9
Province Sud : délibération n°29-2014 du 17 février 2014.
10
Arrêté n°2772-2016/ARR/DIMENC du 27 décembre 2016.
11
Il est estimé à 1 300 t de SO
2
contre 1 820 t, soit une réduction de 520 t pour un surcoût de 6,3 M USD
contre 2,2 M USD pour l’année 2020.
12
La réduction d’émission de
SO2
serait de 780 t dans ce scénario pour un surcoût de 12,4 M USD.
13
Expertise CGEIET/CGEDD – septembre 2013.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
14
Les poussières
Les poussières sont un sujet sensible pour les populations car elles constituent le
caractère le plus visible de la pollution.
Si les poussières rejetées par la centrale B sont importantes (voir tableau n°1) leur
impact global était peu sensible car elles ne représentaient en 2013 que 10 % des poussières
totales émises par le site de Doniambo, l’essentiel étant produit par l’usine métallurgique
elle-même.
14
Selon la SLN, la part des poussières émises par la centrale B représenterait désormais
25 % du total des poussières émises par le site. L’arrêt ou le remplacement de la centrale par
une installation plus moderne aurait donc un effet certain sur leur volume.
Les épisodes de pollution
Les quartiers adjacents au site de Doniambo font régulièrement l’objet d’épisodes de
pollution, avec des dépassements des seuils d’information et de recommandation
15
. En douze
ans, les seuils d’information ou d’alerte ont été dépassés à 172 reprises, quasi-exclusivement
pour le dioxyde de soufre.
Ainsi, par exemple, le 18 et 28 octobre 2018, des dépassements des seuils en dioxyde
de soufre, associés à des concentrations quart-horaires
16
élevées ont été constatés sur la station
de surveillance de la qualité de l’air ambiant du quartier de Montravel. Les concentrations
maximales quart-horaires atteintes étaient de l’ordre de 1 300 à 1 600 µg/m
3
alors que
l’historique des dépassements dans cette station pour les trois dernières années montrait une
valeur maximale quart-horaire de 872 µg/m
3
et que la valeur seuil de pollution de l’air qui
présente
des
risques
pour
la
santé
s’élève
à
500
µg/m
3
sur
une
période
de
10 minutes
17
18
.
Les conditions météorologiques ainsi que le type des polluants laissent supposer que le
principal émetteur de cette pollution est la centrale thermique du site de Doniambo
19
.
L’impact sur la santé
Deux études ont été menées par SCAL’AIR
20
sur les effets à court terme de la pollution
de l’air à Nouméa sur la santé.
14
CGEIET/CGEDD – septembre 2013.
15
Liste des épisodes sur le site de l’association SCAL’AIR.
16
La mesure de la concentration des polluants les plus nocifs est faite en continu avec des relevés tous les
quarts d’heure par SCAL’AIR.
17
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : Lignes directrices relatives à la qualité de l’air : particules,
ozone, dioxyde d’azote et dioxyde de soufre – synthèse de l’évaluation des risques – Mise à jour mondiale 2005.
18
L’unité de temps est différente entre les préconisations de l’OMS et les relevées des stations à Nouméa,
ce qui rend les comparaisons difficiles.
19
SLN : Annexe à la note DE 2019-011 « Centrale électrique de Doniambo, conditions de basculement
fioul – Etude du cas particulier de la station de Montravel ».
20
Dont une conjointement avec la direction des affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie,
l’Ecole des hautes études en santé publique et l’unité 1136 de l’INSERM.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
15
La première étude
21
confirme « que les variations des niveaux de pollution observées
pendant la période d’étude provoquent la survenue de symptômes chez les enfants scolarisés de
Nouméa. Le SO
2
apparait être le polluant le plus irritant, entrainant des symptômes touchant
les yeux, les sphères ORL et respiratoire chez tous les enfants. Les enfants asthmatiques et
allergiques, dont le nombre a probablement augmenté ces quinze dernières années, apparaissent
les plus susceptibles aux effets des deux autres polluants étudiés, le NO
2
et les PM
10. »
22
Elle témoigne des effets à court terme de la pollution issue de la centrale B sur la santé
des enfants de Nouméa.
Il ressort des conclusions de la seconde étude
23
que de légers excès de mortalité et
d’hospitalisations pour certaines causes, notamment cardiovasculaires, sont mis en avant dans
les quartiers les plus pollués, et ce malgré des teneurs inférieures aux seuils réglementaires
européens.
Une centrale qui représente à elle seule 10 % des gaz à effets de serre du
territoire
Selon le rapport spécial sur le projet de loi du pays pour le financement de la transition
énergétique de la Nouvelle-Calédonie
24
, la centrale de Doniambo rejetterait à elle seule 10 %
de la totalité des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie.
Pour sa part, l’étude EDF-PEI, indique que, comparée à une centrale électrique moderne
au gaz de puissance équivalente, la centrale de Doniambo rejetterait deux fois plus de CO
2
dans
l’atmosphère
25
.
Tableau n°2 : Emissions annuelles de CO
2
selon le combustible et le rendement
Centrale actuelle
Centrale actuelle
optimisée
Centrale
charbon
Production(MWh)
1 030 000
1 030 000
1 030 000
Rendement
29 %
30,12 %
36 %
Emission de GES (tonnes CO
2
eq)
1 008 796
971 345
973 001
Source : Carbone 4 « Compensation des émissions de GES de la centrale C Doniambo », note de synthèse
21
Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, SCAL’AIR, EHESP, INSERM, SEPIA santé, ASPA : Etude
sur la santé des écoliers en relation avec la qualité de l’air à Nouméa. Etude de panel du 15 juillet au
2 septembre 2012 – synthèse des premiers résultats.
22
Les PM 10 sont des particules en suspension dans l'air dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres,
d'où leur nom de « particulate matter 10 », ou PM 10.
23
SCAL’AIR : Etude sur la santé en relation avec la qualité de l’air à Nouméa. Etude écologique
géographique – Rapport final 2014.
24
Rapport spécial déposé sur le bureau du Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 10 avril 2018.
25
Selon l’étude EDF – PEI Doniambo 2016, les émissions d’une centrale gaz serait de 440 000 tonnes de
CO
2
par an.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
16
Un rendement faible et des coûts d’entretien qui vont croissants
Selon la SLN, le rendement de la centrale actuelle, qui s’élèverait à 29 %, est faible
comparé à celui des centrales thermiques. Il ne pourrait être amélioré sans un remplacement
quasi-complet de toutes les installations
26
.
Même si la centrale B a réussi à passer le cap de la cinquième visite décennale, visite
ayant pour objectif de procéder à des opérations de maintenance et des modifications de
matériels pour améliorer le niveau de sûreté des unités de production, sa maintenance est
compliquée par l’absence de disponibilités de pièces sur le marché.
Au regard de sa vétusté, elle ne serait pas à l’abri d’une défaillance pouvant durablement
interrompre le fonctionnement de l’une de ses unités, ce qui est préoccupant à la fois pour le
réseau électrique calédonien et pour la distribution publique, mais aussi pour l’usine
métallurgique
27
.
Pour maîtriser ces risques, ERAMET et la SLN ont validé un plan de maintien des
performances pour la période 2017-2021 pour un montant de 5,3 Md F CFP.
Les études menées par la SLN en vue du remplacement de la centrale B
La SLN a débuté en 2006 une succession de quatre études, en s’appuyant dans sa
démarche, à partir de 2008, sur sa filiale, la société de projet Doniambo Energie :
deux solutions avec une centrale au gaz, en 2006 avec une entreprise une entreprise
d’un groupe spécialisé dans l’énergie
et en 2011 avec EDF ;
deux solutions avec une centrale au charbon avec plusieurs entreprises différentes,
en 2008 puis en 2014.
2008 : création de Doniambo Energie, société de projet au service de la
construction et de l’exploitation de la centrale C
« Doniambo Energie », est une société par actions simplifiée au capital social de
15 MF CFP, immatriculée au registre du commerce de Nouméa le 18 mars 2008
28
. Filiale à
100 % de la SLN, son objet social est de développer et d’exploiter la nouvelle centrale,
dénommée « Centrale C », dont elle sera l’exploitant au titre de la réglementation des
installations classées pour la protection de l’environnement.
26
Doniambo Energie : Dossier de demande d’autorisation d’exploiter – centrale C – Livre II : Etude
d’impact – juillet 2014.
27
La source d’énergie électrique qui alimente l’usine doit être disponible 24h sur 24 car une interruption
totale d’alimentation ne peut excéder 24 h et un fonctionnement au ralenti (90 MW) ne peut dépasser trois jours
(source : Doniambo Energie).
28
Sous le numéro B 891 606.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
17
Cette société, exclusivement dédiée à la gestion du projet, s’est appuyée sur une équipe
technique mise à disposition par la SLN. Les capacités d’investissement de Doniambo Energie
reposent sur les capacités financières de la SLN et de ERAMET
29
.
2008-2009 : le premier projet de centrale au charbon
Une première société, spécialisée dans l’ingénierie pour l’industrie pétrochimique,
associée à une filiale d’un groupe spécialisé dans l’énergie et l’ingénierie en assistance à
maîtrise d’ouvrage, est retenue en 2008 pour la construction d’une centrale charbon de 210
MW, soit trois chaudières de 70 MW, par le biais d’un contrat convertible de construction avec
livraison clés en main.
La nouvelle centrale devait être construite sur le site de la fonderie de nickel de
Doniambo et être équipée d’une chaudière à lit fluidisé circulant, technologie peu polluante
permettant de brûler le charbon tout en minimisant les émissions atmosphériques.
L’autorisation d’exploiter délivrée par la province Sud sera obtenue en 2009 mais le
projet sera mis en sommeil à la suite de la faillite de la maison mère de la société.
Le montant de l’investissement était estimé à 550 M EUR
30
, soit 65 Md F CFP.
2011-2012 : un nouveau projet de centrale au gaz
Dès 2006, la SLN s’est intéressée à une solution de centrale au gaz. A cet effet, elle a
étudié un projet avec une solution classique nécessitant un terminal méthanier à terre. Cette
solution restera à l’état de projet.
A la fin de l’année 2010, Doniambo Energie sollicitait EDF-PEI
31
pour réaliser un
avant-projet sommaire d’une centrale de quatre tranches d’une puissance totale de 200 MW
fonctionnant au gaz.
En parallèle, la SLN avait mandaté deux sociétés pour la réalisation de
l’avant-projet sommaire d’une centrale au charbon d’une puissance de 180 MW (deux tranches
de 90 MW), ce projet étant concurrent du projet gaz.
Devant l’essor de l’exploitation des gisements de gaz non conventionnels
32
, et
l’apparition de concepts logistiques de taille plus réduite sur des solutions de stockage flottant
de type FSRU
33
proposé par EDF-PEI, la SLN a souhaité approfondir à nouveau l’option d’une
centrale au gaz compte-tenu de ses avantages environnementaux.
29
Dossier de demande d’autorisation d’exploiter – Centrale C. Livre I : Description du projet.
30
Doniambo Energie : Dossier de demande d’autorisation d’exploiter – Centrale C – juillet 2014.
31
EDF-PEI est une filiale d’EDF en charge des systèmes énergétiques insulaires.
32
Les gaz non conventionnels sont le gaz de schiste et le gaz de charbon.
33
FSRU (de l’anglais Floating Storage Regasification Unit) est un terminal gazier flottant sur lequel
viennent s’amarrer les méthaniers. Le gaz naturel liquéfié y est temporairement stocké avant d’être remis sous
forme gazeuse.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
18
Si le montant de l’investissement est chiffré à 330 M EUR (soit 39 Md F CFP), les frais
de fonctionnement s’avèrent bien plus élevés que ceux d’une centrale charbon, avec un surcoût
annuel estimé à 6 M EUR (soit 716 MF CFP) par an.
Malgré le surcoût par rapport à la solution charbon, le projet de centrale au gaz est retenu
avec le lancement d’un avant-projet définitif en février 2011.
Les conclusions de l’avant-projet définitif ont montré un coût final 25 % plus élevé
qu’estimé lors des études préliminaires ce qui conduit à son abandon.
Par ailleurs, des études complémentaires commandées par la SLN auprès d’EDF-PEI
n’ont pas confirmé la fiabilité technique et économique d’une solution au gaz naturel liquéfié
en raison de la spécificité du projet
34
, des caractéristiques du marché Asie-Pacifique et des
tensions liées à l’augmentation de la demande de gaz.
Néanmoins, dans sa communication institutionnelle, la SLN affirmera que l’entreprise
donne sa préférence à la filière gaz sous réserve de trouver les moyens appropriés permettant
de remédier au surcoût inhérent à cette solution
35
.
2012-2014 : le projet de centrale au charbon pulvérisé
Devant les difficultés de la solution gaz, le groupe ERAMET a repris en 2012 l’étude
de l’option charbon, mais en préférant cette fois la technologie du charbon pulvérisé
36
.
Le projet consistait en l’installation d’une centrale de 180 MW, constituée de deux
chaudières de 90 MW chacune auxquelles venait se greffer une turbine à combustion (TAC) de
secours de 40 MW. Le charbon devait être importé d’Australie.
Le montant de l’investissement était estimé à 550 M EUR (65 Md F CFP).
A l’issue de l’appel d’offres, le groupe ERAMET accordait sa préférence à un
consortium conduit par un groupe spécialisé dans la construction, les routes et l’énergie pour
une proposition comprenant le financement, la construction et l’exploitation de la centrale.
Un choix économique pertinent confirmé par deux contre-expertises de l’Etat
A l’appui de sa demande d’autorisation d’exploiter la centrale C
37
, la SAS Doniambo
Energie reproduit les résultats d’une étude justifiant l’intérêt économique du projet de centrale
charbon qui, associé au plan de productivité, permettrait à terme de repositionner le coût de
production final dans le troisième quartile des usines de production de nickel concurrentes et
34
Le projet présentait des contraintes logistiques particulières dues à l’accessibilité de la grande rade de
Nouméa.
35
SLN : communiqué de presse du 12 février 2011.
36
Dans la technologie du charbon pulvérisé, ce dernier est broyé avant combustion à une granulométrie
de 75 µm.
37
Doniambo Energie : dossier de demande d’autorisation d’exploiter – Centrale C, Livre II, chapitre D :
raisons du projet, juillet 2014
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
19
de sécuriser l’avantage compétitif de la SLN, notamment par rapport aux producteurs NPI
38
chinois.
Tableau
n°3 :
Comparaison
des
coûts
annuels
de
production
d’électricité
selon le combustible à production constante
Coûts annuels de production en M USD
39
/ MWh (USD constants valeur 2011)
Centrale B (actuelle)
Projet centrale gaz
Projet centrale
charbon
Investissement
Sans objet
48
64
Autre coûts
22
55
22
Combustible
186
96
51
Total
208
199
137
Source : Doniambo Energie
Afin de disposer d’une appréciation critique des éléments fournis par la SLN, les
pouvoirs publics ont demandé une contre-expertise à la mission pour les grands projets miniers
au ministère des outre-mer d’expertiser le dossier. Celle-ci conclut que les écarts resteraient
difficiles à combler et surtout que l’option gaz serait plus volatile que l’option charbon, ne
mettant pas à l’abri la SLN de l’envolée du prix du pétrole.
Tableau n°4 : Comparaison des coûts annuels de production entre une centrale
électrique au gaz et une centrale au charbon
Coûts annuels de production en M USD
Charbon
Gaz
Ecart
Investissement
67,7
42
Exploitation
23,6
21
Divers
‘
- 2
‘
Combustible
34
115
Bilan A
123,3
178
54,7
Défiscalisation
‘
- 12,3
0
Bilan
B
123,3
165,7
42,4
Avec une augmentation de 50% du prix des combustibles
Bilan A
137,3
220
82,7
Bilan B
137,3
207,7
70,4
Source : Rapport d’expertise CGEDD/CGEIET sur le renouvellement de la centrale de production d’électricité de la Société Le Nickel à
Nouméa – septembre 2013
L’incompréhension d’associations et élus calédoniens face au choix du charbon
La préférence donnée au charbon par rapport au gaz a suscité l’incompréhension de la
part d’associations et de responsables de Nouvelle-Calédonie. Se faisant écho de ces
interrogations, la députée du territoire, interpelait, le 24 avril 2013, la ministre de l’écologie et
du développement durable lors des questions au gouvernement. En réponse, cette dernière
38
Le NPI (Nickel Pig Iron) est un alliage de nickel à faible teneur (13 %) destinée à la production d'acier.
Il a été développé par les fondeurs chinois afin de le substituer au nickel conventionnel.
39
Le dollar n’ayant pas de parité fixe avec le F CFP, les montants ne sont donc pas convertis.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
20
indiquait que le gouvernement restait prêt à expertiser toute solution alternative au choix du
charbon, « qui pose évidemment un problème environnemental ».
A cet effet, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ministre
du redressement productif et le ministre des outre-mer ont demandé aux vice-présidents du
conseil général de l’économie, de l’industrie et des technologies (CGEIET) et du conseil général
de l’environnement et du développement durable (CGEDD) de diligenter une expertise
complémentaire pour apprécier le choix d’une centrale à charbon et le processus de décision
retenu par la SLN et ERAMET, son actionnaire de référence
40
.
Les
deux
experts
mandatés
rendaient
notamment
les
conclusions
suivantes
en
septembre 2013 :
d’un point de vue économique, le choix d’une centrale au charbon, plutôt que d’une
centrale au gaz, paraît pertinent car il existerait un écart significatif entre les deux
solutions
41
;
une centrale au gaz aurait un impact positif sur l’environnement plus important
qu’une centrale au charbon, mais l’impact essentiel est d’avoir une installation
neuve répondant aux dernières normes ;
une centrale au charbon rejetterait plus de CO
2
qu’une centrale au gaz, ce qui rend
indispensable des mesures de compensation de la part de l’entreprise ;
l’investissement envisagé serait, quelle que soit l’option, bénéfique pour la sécurité
du système électrique calédonien car il contribuerait à en réduire la fragilité ;
les propositions de variantes du projet (évolution du procédé industriel,
délocalisation de la centrale
42
, recours plus ou moins important aux énergies
renouvelables,..) n’apparaitraient pas réalisables, soit à cause des contraintes
techniques, soit en raison de leur caractère non-économique.
Le financement du projet et sa mise en œuvre
Doniambo Energie, pilote du projet, affirme en juillet 2014 que le projet sera financé en
partie en capitaux propres de la SLN et d’ERAMET.
Selon cette société, les projections financières de la SLN et d’ERAMET leur offrent la
capacité de s’adapter aux fluctuations économiques du marché sur le long terme et cela
constitue une sécurité supplémentaire au financement et à la réalisation du projet. Elle affirme
également
que
de
façon
générale,
la
SLN
est
adossée
à
des
actifs
solides : un marché en croissance soutenue, un actif minier de classe mondiale, une expertise
technique et marketing reconnue et un plan de compétitivité crédible. Toujours dans le dossier
de demande d’autorisation, Doniambo Energie précise qu’au plan financier, la structure de la
SLN est très saine et sans dette. Quant au groupe ERAMET, il ferait preuve d’une très bonne
santé financière qui repose sur une stratégie de diversification de ressources de financement et
40
Lettre datée du 6 juin 2013
41
Dans le cas de base, la facture énergétique totale de la SLN serait ramenée de 200 M EUR par an avec
la centrale B actuelle à 189 M EUR dans le cas d'une centrale au gaz et à 128 M EUR avec une centrale au charbon.
42
La mission avait étudié également la possibilité d’installer la nouvelle centrale à Prony.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
21
une trésorerie brute de 911 M EUR
43
renforcée par l’émission d’obligations et par un emprunt
obligataire.
Le remplacement de la centrale B est décrit comme un
projet phare en ce qu’il
conditionne la longévité du site de Doniambo
44
.
Comme l’indiquent les deux experts mandatés par le gouvernement, il ne fait guère de
doutes qu’il y a urgence, du point de vue technique, économique et de la protection de
l’environnement, à investir dans une nouvelle centrale électrique pour alimenter l’usine
métallurgique de Doniambo. Il pourrait même être souligné que cet investissement a trop tardé.
Les difficultés de la SLN et le soutien encadré de l’Etat
Alors que le projet de centrale au charbon est lancé, la SLN et ERAMET sont confrontés
à des difficultés qui les conduisent à renoncer à tout nouvel investissement à la fin de l’année
2015.
Compte tenu du poids de la SLN dans l’économie du territoire, des élus calédoniens
appellent l’Etat à la rescousse pour qu’elle dispose d’une énergie électrique à un tarif lui
permettant de redevenir compétitive.
2015-2016 : Les difficultés de la SLN et d’ERAMET
Une compétitivité grevée par le coût de l’énergie
L’étude comparative et prospective des coûts de l’électricité des principaux producteurs
de nickel menée par un analyste de référence pour les questions industrielles liées à l’énergie
aurait situé la SLN en queue de classement avec un coût de 201 USD/MWh soit deux fois le
montant du coût médian supporté par ses concurrents
45
. Selon la SLN, le coût du KWh produit
par la centrale B serait de l’ordre de14 F CFP/KWh, soit 140 USD/MWh, et resterait deux fois
supérieur à celui de ses concurrents.
Selon Doniambo Energie, cette position est d’autant plus fragile que bon nombre de
producteurs moins compétitifs seraient dans des projets en phase de démarrage et que leurs
coûts s’amélioreraient une fois la capacité nominale atteinte. Aussi elle affirme que
l’investissement dans une nouvelle centrale, en divisant par deux le coût de l’énergie électrique,
devrait permettre de rétablir durablement la compétitivité de la SLN et que seule une baisse
importante du coût de l’électricité pourrait garantir la pérennité de la SLN dans un contexte de
marché du nickel incertain
46
.
43
Soit plus de 108 Md F CFP.
44
SLN : rapport de gestion, exercice 2014.
45
Etude citée dans Doniambo Energie, dossier de demande d’autorisation d’exploiter – juillet 2014.
46
Doniambo Energie, dossier de demande d’autorisation d’exploiter – juillet 2014.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
22
L’annonce du groupe sur les investissements nouveaux
Le 9 septembre 2015, lors du conseil d’administration de la SLN, un des représentants
d’ERAMET fait part de la détérioration de la situation financière du groupe dans un contexte
de très fort et rapide ralentissement de l’économie chinoise et de baisse généralisée des cours
des matières premières. Il annonce que le groupe doit revoir à la baisse son programme
d’investissement et que cela inclut le projet de centrale électrique
47
.
Le 14 octobre 2015, le conseil d’administration d’ERAMET décide de limiter ses
investissements industriels à la sécurité et à la stricte maintenance, mettant en suspens tous ses
grands projets, y compris le remplacement de la centrale électrique de Doniambo.
Présent par visioconférence lors du comité de direction de la SLN du 19 novembre 2015,
le président directeur général d’ERAMET indique qu’il s’agit d’une mesure de suspension et
que la nécessité d’une nouvelle centrale électrique pour la SLN n’est pas remise en cause.
En parallèle, la situation financière de la SLN se dégrade rapidement et, toujours au
conseil d’administration du 19 novembre 2015, son directeur administratif et financier annonce
que la société est passée en trésorerie nette négative au mois de septembre
48
.
L’intervention de l’Etat
La sollicitation des parlementaires calédoniens
Devant la crise du secteur du nickel et ses répercussions sur l’économie calédonienne,
deux parlementaires du territoire adressent le 8 décembre 2015 un courrier commun au
président de la République pour faire part de leurs inquiétudes.
Ils évoquent la situation de la SLN, dont l’usine historique de Doniambo ferait face à la
vétusté de ses installations et à l’obsolescence de sa centrale électrique, et dressent le constat
que malgré les efforts consentis par ses salariés et ses sous-traitants, la SLN se placerait parmi
les producteurs les moins compétitifs.
En conclusion, les deux parlementaires affirment que les calédoniens attendent de savoir
si l’Etat, actionnaire majoritaire d’ERAMET, souhaite ou non s’engager dans l’investissement
de cette centrale électrique qui conditionnerait, très largement, l’avenir à long terme.
En réponse à ce courrier, l’exécutif décide d’organiser à Paris une réunion du comité
des signataires
49
le 6 février 2016 consacrée aux questions relatives au nickel en
Nouvelle-Calédonie.
Selon le premier président de NCE, les responsables politiques calédoniens ont dû
s’investir dans le dossier du fait de l’inaction de l’Etat actionnaire et de l’état-major de
ERAMET qui n’ont pas su mener à bien ce projet malgré cinq études et deux dossiers
d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).
47
SLN : procès-verbal du conseil d’administration du 9 septembre 2015.
48
SLN : Compte-rendu du conseil d’administration, séance du 19 novembre 2015.
49
Le comité des signataires a été créé pour suivre l’application de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. Il
est institué par le point 6.5. de l’accord.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
23
Le groupe de travail des présidents et signataires sur le nickel
En vue de la préparation du comité des signataires du 6 février 2016,
le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie réunit le 12 janvier 2016 le
groupe de travail des présidents et des signataires (GTPS).
Conformément aux souhaits des membres de ce groupe de travail, les représentants des
trois usines métallurgiques du territoire
50
sont successivement auditionnés pour présenter leur
situation financière et leurs perspectives de développement
51
.
A cette occasion, le directeur général de la SLN met en avant les actions qui pourraient
être entreprises par les pouvoirs publics
52
.
Le comité des signataires
Réuni sous la présidence du Premier ministre, en présence de la ministre des outre-mer,
le comité des signataires de l’accord de Nouméa du 6 février 2016 examine les enjeux liés au
nickel. A l’issue de leurs travaux, les partenaires calédoniens et l’Etat font part de leur forte
mobilisation face à la dégradation de la situation de la SLN.
Les partenaires calédoniens relèvent que l’Etat, actionnaire de référence d’ERAMET,
s’impliquera résolument dans la recherche de solutions aussi bien sur le plan des
investissements indispensables à l’entreprise que sur celui des financements nécessaires à sa
pérennité. En ce qui concerne la centrale électrique de Doniambo, les partenaires et l’Etat sont
convenus d’un réexamen rapide et approfondi du dossier, afin de dégager les modalités de
réalisation de la nouvelle centrale, condition de la compétitivité de la SLN
53
.
En dernier lieu, le Premier ministre annonce qu’il consacrera une partie de son
programme à cet enjeu à l’occasion de sa visite en Nouvelle-Calédonie prévue à la mi-mars.
La nouvelle piste proposée par le Premier ministre lors de sa visite à Nouméa.
A l’occasion de sa visite du site de Doniambo, le Premier ministre affirme, dans son
discours, la volonté de l’Etat de garantir l’avenir de la SLN sur les prochaines décennies et
d’aborder de front l’incontournable question d’une nouvelle centrale électrique.
Le Premier ministre donne un premier calendrier en précisant que la centrale actuelle
doit impérativement être remplacée à l’horizon 2020 car son obsolescence handicaperait la
rentabilité de l’usine. Il annonce que « Rien ne semble désormais s’opposer à ce qu’un schéma
alternatif de construction et de financement soit examiné, qui ne pèse pas sur les comptes
d’ERAMET, avec un financement non seulement par la SLN mais aussi éventuellement par des
50
La SLN, Koniambo Nickel SAS et VALE NC.
51
Groupe de travail des présidents et signataires : relevé de conclusions du mardi 12 janvier 2016.
52
La SLN face à la crise, - Diaporama présenté lors de la réunion du groupe de travail des présidents et
signataires.
53
XIVème comité des signataires de l’accord de Nouméa : déclaration commune des Partenaires
calédoniens et de l’Etat sur les enjeux liés au nickel, point 5, samedi 6 février 206 – Hôtel de Matignon.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
24
groupes industriels spécialisés dans l’énergie, qui pourraient participer et vendre l’électricité à
la SLN »
54
.
Pour concrétiser cette démarche nouvelle, le Premier ministre annonce qu’il s’engage à
ce que l’Etat puisse apporter, en temps utile, dans le respect des règles européennes et avec
l’autorisation du Parlement en loi de finances, une garantie sur le financement bancaire du
projet de centrale, pour en faciliter la réalisation.
Suite à des réunions de travail associant des élus calédoniens et l’agence des
participations de l’Etat, il est arrêté que la garantie de l’Etat sera posée sur une société détenue
en majorité par un établissement public calédonien qui pourrait apporter les capitaux
nécessaires en levant un emprunt couvert par l’affectation du produit d’un nouvel impôt.
En parallèle, la direction de ENERCAL est chargée de faire réaliser une étude pour
confirmer la faisabilité technique d’un projet de centrale « pays » au gaz, apte à satisfaire les
besoins croissants de la distribution publique et ceux de la SLN.
Les options possibles et la nécessité de légiférer
Plusieurs options étaient offertes pour déterminer l’apport de l’Etat dans le financement
du projet de centrale électrique mutualisée entre la SLN et la distribution publique, allant de
l’absence d’intervention à un investissement public direct pour couvrir l’intégralité du besoin
de financement.
Le choix sera porté sur une intervention de l’Etat sous forme d’une garantie à titre
onéreux de 80% des emprunts contractés par la société de projet.
Elle présente un coût immédiat limité pour les finances publiques et évite d’immobiliser
de l’argent public dans la société de projet. Cette garantie doit permettre de faciliter la mise en
place du financement, même si elle ne conduit pas à en abaisser notablement le coût, car elle
sera fournie à des conditions de marché
55
.
Le risque final est que la garantie soit appelée par les prêteurs en cas de défaut de la
société de projet, conduisant à une dépense publique.
La transcription législative de la garantie de l’Etat
A la suite de la transmission d’éléments sur le montage et le financement retenu pour le
projet de renouvellement de la centrale électrique de Doniambo
56
, le ministre de l’économie et
des finances informe le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
57
que,
conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de sa visite à Nouméa en avril
2016, l’Etat travaille à la définition d’un cadre législatif pour permettre d’accorder une garantie
54
Intervention de M. Manuel Valls, Premier ministre – Nouméa, le 29 avril 2016. Pendant longtemps, le
groupe ERAMET avait considéré que la centrale ne pouvait être réalisée qu’en interne, sans pour autant
programmer concrètement son financement.
55
Projet de loi de finances rectificative pour 2016 – Évaluations préalables des articles du projet de loi.
56
Courrier du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, 5 octobre 2016.
57
Courrier du 28 octobre 2016.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
25
aux emprunts contractés pour le financement du projet de centrale et qu’un article du projet de
loi rectificative 2016 est en cours de préparation à cet effet.
Au final, la garantie de l’Etat, apportée au projet, est inscrite à l’article 129 de la
loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 :
« Le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat aux
emprunts contractés par la société de projet Nouvelle-Calédonie Energie sous la forme soit
de prêts auprès d'établissements de crédit et de sociétés de financement mentionnés à
l'article L. 511-1 du code monétaire et financier ou d'établissements de crédit et autres
organismes financiers ayant leur siège social dans un Etat qui n'est ni membre de l'Union
européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, soit d'émission de titres
de créances. Ces emprunts sont affectés au financement des études et des travaux de
construction et de mise en service d'une centrale électrique d'une puissance d'au moins 200
MW à Nouméa.
Cette garantie est accordée dans la limite d'un montant total de 320 millions d'euros en
principal, pour une durée courant jusqu'au 31 décembre 2037 au plus tard. Elle ne peut en
aucun cas excéder, pour chacun des emprunts mentionnés au premier alinéa, 80 % de son
montant restant dû en principal, intérêts, frais et accessoires.
Elle donne lieu au versement à l'Etat d'une rémunération qui ne saurait être inférieure aux
conditions normales du marché pour la couverture de risques comparables.
Pour pouvoir bénéficier de la garantie de l'Etat, chaque emprunt contracté par la société
de projet Nouvelle-Calédonie Energie doit préciser l'usage exclusif des fonds au
financement des études et des travaux de construction et de mise en service de la centrale
électrique susmentionnée et encadrer strictement les distributions de dividendes résultant
de l'activité liée au projet aux personnes morales détenant au moins 5 % du capital de ladite
société. »
Selon le second président de NCE, c’est après quelques mois seulement de réflexions et
d’échanges que l’Etat a figé, en 2016, dans une loi de finances les principales caractéristiques
du projet alors que la garantie de l’Etat ne pouvait pas avoir d’utilité avant 2018. La chambre
relève dans un premier temps que cette affirmation du second président de NCE porte sur une
période antérieure à sa présidence. Elle relève aussi que l’intervention de l’Etat fait suite à la
sollicitation des élus calédoniens en vue d’une intervention rapide au regard de la situation et
que cette « précipitation » contraste avec l’inaction de NCE durant les dix-huit premiers mois
de son existence.
L’approbation formelle de la SLN
Lors du conseil d’administration du 9 septembre 2016 de la SLN, il est annoncé que le
projet de centrale a été relancé début juin et qu’il servira à la fois les besoins de la distribution
publique et de la SLN.
Le directeur financier de la SLN précise que la SLN ne participera au financement de
l’investissement qu’à hauteur d’environ 2 %, le reste étant assuré par des fonds publics, des
fonds
privés
et
des
emprunts
bancaires
essentiellement
garantis
par
l’Etat.
Par conséquent, le projet de centrale devient désormais pour la SLN un projet de
contractualisation de l’approvisionnement électrique sur le long terme.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
26
Selon la SLN, les trois objectifs majeurs du contrat, qui devra être négocié avec le
fournisseur d’électricité, seront :
de sécuriser la fourniture des besoins en électricité de la SLN pour une durée
minimale de 25 ans, selon des mécanismes de fixation du prix déterminés sur la
durée ;
de permettre à la SLN de ne pas consolider les engagements pris au travers de ce
contrat ;
d’améliorer la compétitivité de la SLN dès le début et sur la durée du contrat en
réduisant fortement le coût d’approvisionnement par rapport à la situation actuelle
et en diminuant significativement la sensibilité aux variations du prix des
combustibles
58
.
Le projet de centrale « pays » au gaz située à Doniambo, mutualisant les
besoins de la SLN et ceux de la distribution publique
Le nouveau projet de centrale pays constitue une rupture par rapport aux projets
précédents conduits par la SLN. Le dimensionnement envisagé, qui excède les besoins propres
de la SLN, permet de dédier une part de la production de la centrale à l’alimentation de la
distribution publique. Cela constitue la condition nécessaire pour conférer à la centrale une
dimension « pays », autorisant l’intervention de la puissance publique.
Selon le rapport spécial sur le projet de loi du pays pour le financement de la transition
énergétique de la Nouvelle-Calédonie
59
« en première analyse, la puissance installée se situe
entre 200 et 220 MW, se répartissant comme suit :
-
160 MW pour alimenter l’usine métallurgique de la SLN (…) ;
-
Entre 40 et 60 MW pour alimenter le réseau public d’électricité ».
Tant en puissance qu’en production, le dimensionnement de la centrale pays excèdera
donc bien les besoins propres de la SLN.
L’intégration de la centrale au réseau public calédonien
Bien que propriété de la SLN et cœur de son site industriel de Doniambo, la centrale
actuelle est intégrée au réseau public d’électricité puisqu’elle assure une alimentation de secours
de la distribution publique. ENERCAL et la SLN collaborent en effet depuis de nombreuses
années dans le domaine de la production d’électricité en Nouvelle-Calédonie ce qui s’est traduit
par des contrats de cession d’énergie
60
et de réserve tournante
61
.
58
SLN : procès-verbal du conseil d’administration du 9 septembre 2016.
59
Rapport spécial déposé sur le bureau du Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 10 avril 2018.
60
Par contrat successifs dont le premier a été signé le 1er juin 1988.
61
Signé le 30 mars 1994.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
27
Tableau n°5 : Centrale électrique de Doniambo : production, consommation usine et
cession à la distribution publique (en KWh)
Production totale
Consommation usine SLN
Cession estimée vers la
distribution publique
% Cession /
Distribution
2010
1 017 368 794
992 697 900
24 670 894
2,49 %
2011
1 005 289 495
974 906 100
30 383 395
3,12 %
2012
990 375 091
950 310 800
40 064 291
4,22 %
2013
888 946 642
842 353 900
46 592 742
5,53 %
2014
1 038 140 498
991 459 100
46 681 398
4,71 %
2015
1 088 230 895
985 715 600
102 515 295
10,40 %
2016
1 134 871 291
1 036 514 126
98 357 166
9,49 %
2017
1 015 489 890
970 674 492
44 815 398
4,62 %
2018
1 051 691 893
964 414 043
87 277 850
9,05 %
2019
981 980 393
919 585 650
62 394 743
6,79 %
2020 (janvier-juin)
433 875 293
426 958 973
6 916 320
1,62 %
Total général
10 646 260 175
10 055 590 684
590 669 492
5,87 %
Moyenne 2010-2019
1 021 238 488
962 863 171
58 375 317
6,06 %
Source : DIMENC
Ainsi, la SLN participe à l’équilibre du réseau électrique calédonien par l’adaptation de
la puissance de ses fours. Cela se matérialise par la mise en œuvre d’un service de délestage et
d’effacement
62
qui permet d’améliorer la fiabilité et la disponibilité de l’alimentation électrique
des clients de la distribution publique.
Par ailleurs, la SLN s’est engagée à absorber l’énergie provenant de moyens de
production d’énergies renouvelables lorsque le système électrique comporte des excès de
production que la distribution publique n’est pas en mesure de consommer
63
.
Un projet affirmant la souveraineté énergétique de la Nouvelle-Calédonie
Pour les acteurs politiques calédoniens, ce projet porte l’idée de la souveraineté
énergétique avec la maîtrise de la production de son électricité via des structures contrôlées par
la Nouvelle-Calédonie.
La fiche d’impact du projet de loi de pays pour le financement de la transition
énergétique de la Nouvelle-Calédonie indique également les bénéfices attendus pour l’emploi.
Les bureaux d’études locaux devraient être mobilisés pour la phase études et sur le dossier de
la demande d’autorisation d’exploitation, notamment en ce qui concerne la collecte des données
locales. Ensuite, les entreprises locales compétentes en matière de génie civil devraient être
impliquées dans la phase de construction.
62
L’effacement a pour objet une diminution partielle de la consommation d’un ou plusieurs fours de la
SLN, tandis que le délestage consiste à un arrêt total d’au moins un four pour rétablir quasi-instantanément
l’équilibre entre l’offre et la demande du système électrique calédonien.
63
Contrat signé le 24 août 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
28
Le projet a fait l’objet de critiques en séance portant à la fois sur l’implication financière
jugée symbolique de la SLN et sur son financement par le contribuable à travers l’instauration
d’une nouvelle taxe sur les carburants.
Le choix d’une technologie au gaz confirmée par deux nouvelles expertises
contredisant toutes les expertises précédentes
Le projet de centrale « pays » conduit à une relance des études de faisabilité avec pour
objet de déterminer le combustible le mieux adapté.
A cet effet, trois ans après la remise d’un rapport sur le même sujet, le CGEIET et le
CGEDD sont à nouveau chargés par leurs ministères de tutelle respectifs d’une mission
commune relative au remplacement de la centrale B.
En parallèle, la Nouvelle-Calédonie, qui est compétente en matière de production, de
transport et de règlementation de la distribution électrique, mandate ENERCAL pour actualiser
les études réalisées entre 2010 et 2012 relatives à la mise en service d’une centrale utilisant le
gaz comme combustible. L’actualisation de ces études devait notamment permettre de statuer
sur la faisabilité d’un approvisionnement en gaz, de manière à pouvoir le figer et l’inscrire dans
le projet de loi de finances rectificative
64
.
Ces deux études, rendues le 28 septembre 2016 pour EDF-PEI et le 30 septembre 2016
pour la mission CGEDD/CGEIET concluent l’une comme l’autre que le choix du gaz serait le
mieux adapté compte-tenu de l’évolution du marché Asie-Pacifique.
L’étude d’EDF-PEI
L’étude réalisée par EDF-PEI affirme que la question de l’approvisionnement en gaz
sur le marché Asie-Pacifique n’est plus un problème et qu’au contraire, la conjoncture actuelle
est favorable et qu’il est essentiel d’enclencher les négociations rapidement. Elle recommande
d’avoir recours à la technologie éprouvée des moteurs dual-fioul (gaz-fuel domestique) pour
garantir la fourniture d’une électricité de qualité à un prix compétitif.
Elle estime le coût complet, selon qu’il s’agisse de la technologie des moteurs ou de
cycle combiné, à 103,2 €/MWh et à 103,9 €/MWh injecté dans le réseau, soit 12,32 F CFP
65
et 12,40 F CFP/KWh pour un prix du brent à 50 USD et à 15,7 F CFP avec un brent à 80 USD
66
.
Ces données s’appuient sur une estimation d’énergie nette livrée de 1 600 GWh/an.
Le montant de l’investissement est évalué à 400 M EUR, hors fondations profondes
(325 M EUR pour la centrale et 75 M EUR pour l’unité flottante de stockage et de
64
Courrier du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie adressé au président d’ENERCAL,
29 juillet 2016.
65
Compte-tenu des volumes produits et achetés, les montants en francs comportent des décimales.
66
Le prix de revient actuel serait de 13,7 F CFP pour un baril à 50 USD et 19,7 F CFP pour un baril à
80 USD, selon la fiche d’impact annexée au projet de loi de pays pour le financement de la transition énergétique
de la Nouvelle-Calédonie.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
29
regazéification (FSRU)
67
), les frais de fonctionnement fixes à 19 M EUR par an et les frais de
fonctionnement variables à 104 M EUR pour un baril à 50 USD et à 148 M EUR pour un baril
à 80 USD
68
.
Le planning prévisionnel s’étale sur 42 mois soit 12 mois pour la demande d’autorisation
d’exploitation et 30 mois d’études et de travaux. Une mise en service serait envisageable dès la
fin de l’année 2021.
L’étude conclut que la mise en œuvre d’une centrale de 220 MW fonctionnant au gaz
naturel à partir d’un approvisionnement en gaz naturel liquéfié est techniquement et
économiquement la meilleure solution pour la Nouvelle-Calédonie.
La deuxième étude CGEDD/CGEIET
La nouvelle mission, menée en 2016 par le CGEDD et le CGEIET, conclut quant à elle
que :
la faisabilité et la sécurité de la filière gaz naturel liquéfié seraient maitrisées ;
le choix de moteurs plutôt que de turbines apporterait plus de souplesse, de
simplicité et de robustesse ;
le coût de production de l’électricité au gaz naturel liquéfié amènerait une baisse des
coûts de l’ordre de 30 % par rapport au niveau actuel, et que ce coût reste inférieur
à celui d’une centrale à charbon jusqu’à un prix du baril de 60 à 70 USD.
Le rapport indique par ailleurs que les énergies renouvelables permanentes pour
produire de l’électricité sont chères et inadaptées et que celles qui sont intermittentes ne
répondent pas au besoin de puissance électrique continue de la SLN.
Compte-tenu de l’urgence exprimée pour le remplacement de la centrale actuelle, qui
est un objectif fort, le rapport recommande de faire appel à une technologie mûre et d’examiner
des solutions de préfabrication telles que les barges flottantes qui minimisent les risques de
retard et facilitent la réception clé en main.
Il indique enfin que le risque majeur pour ce projet porte sur la nécessité de constituer
une équipe projet qui aura de nombreuses décisions à faire prendre en 2017.
Les conclusions de ce rapport sur l’intérêt économique du choix du gaz comme
combustible contredisent en tous points celles de l’étude rendue trois ans auparavant par les
mêmes experts.
Selon le vice-président du conseil général de l’économie les conditions du projet ont
évolué compte tenu des changements de perspectives énergétiques et des avancées
technologiques (systèmes d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié à partir de barges
flottantes notamment), ce qui explique que les propositions soient différentes.
67
FSRU (de l’anglais Floating Storage Ragasification Unit) est un terminal gazier flottant sur lequel
viennent s’amarrer les méthaniers. Le gaz naturel liquéfié y est temporairement stocké avant d’être remis sous
forme gazeuse.
68
Soit 48 Md F CFP pour l’investissement, 2,3 Md F CFP pour les frais de fonctionnement fixes et
12 Md F CFP pour les frais de fonctionnement variables.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
30
Selon le second président de NCE, l’expertise du CGEDD-CGEIET n’a pas, dans les
délais de l’étude, appréhendé l’ensemble du projet, sa date de mise en service et la question des
conséquences du schéma pour la transition énergétique de Nouvelle-Calédonie. Les experts
auraient omis de relever ses conséquences sur la production attendue de la centrale pays et
auraient retenu une hypothèse de production trop élevée. De plus, le taux d’utilisation de la
future centrale doit être analysé car il est critique :
un faible taux d’utilisation ne permet pas d’amortir correctement un investissement
élevé dans une infrastructure gaz et peut rendre plus compétitif d’autres
combustibles ;
le taux d’utilisation de la centrale va décroitre au fil des ans, avec l’augmentation de
la production en énergies renouvelables, et donc le combustible optimum, ou la
technologie optimum, ne seront pas les mêmes selon que l’on se place dans les
conditions d’utilisation de 2022 ou celles de 2030 ;
si le gaz naturel liquéfié est retenu, le contrat d’achat de combustible doit anticiper
la baisse des besoins de gaz au fil de la montée en production des renouvelables ;
le faible taux d’utilisation de la centrale renchérit son prix de revient par kWh et,
s’agissant d’une conséquence du schéma pour la transition énergétique de Nouvelle-
Calédonie, ce surcoût ne devrait pas être imputé à la SLN.
La chambre note que la problématique introduite par le schéma pour la transition
énergétique d’augmentation de la production des énergies renouvelables a été prise en compte
dans l’expertise du CGEDD-CGEIET mais que celle-ci ne pouvait intégrer l’accélération du
calendrier de leur production, au-delà même des objectifs du schéma pour la transition
énergétique. Concernant le calendrier prévisionnel proposé par le rapport rendu par le
CGEDD-CGEIET, il n’est pas en dysharmonie avec les délais habituellement constatés pour ce
type de réalisation. Aussi, pour minimiser les risques de retard et faciliter la réception clé en
main, l’expertise préconisait une solution de préfabrication sur barge, solution qui a été écartée
par NCE dans un premier temps, avant d’être retenue presque cinq ans plus tard.
La localisation de la centrale
Plusieurs sites ont été étudiés pour la localisation de la centrale nouvelle. Seuls deux
répondaient aux exigences techniques requises à savoir Prony et Doniambo.
Prony a été écarté car, selon l’expertise rendue par le CGEIET et le CGEDD :
la ligne électrique Prony-Nouméa (150 KV) a une capacité de transport de 180 MW.
Sur ces 180 MW, 50 MW sont réservés à la distribution publique ce qui laisse un
disponible de 130 MW, insuffisant pour l’alimentation de la SLN. La construction
d’une nouvelle ligne est indispensable et un nouveau tracé devra probablement être
trouvé
69
;
le risque cyclonique avéré pesant sur les lignes de transport électrique ferait courir
des risques importants pour l’industriel. En effet, une interruption électrique de plus
69
L’emprise actuelle autoriserait un passage en double ternes mais serait insuffisante pour un passage en
triple ternes.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
31
de 24 heures peut faire apparaitre des fissures dans le revêtement réfractaire des
fours et les endommager irrémédiablement ;
les liaisons électriques dans le sud calédonien ont fait l’objet d’actes de vandalisme
ou de sabotage dans des zones d’insécurité ce qui avait retardé les réparations,
pourtant techniquement simples, de plusieurs mois
70
.
En fonction des contraintes techniques et de sécurité exprimées par la SLN, le choix de
Doniambo apparait, selon l’étude, comme le plus pertinent d’autant que la superficie nécessaire
pour l’emprise au sol est disponible.
Cette analyse est contestée par ENERCAL qui affirme qu’il n’est pas nécessaire de
construire une nouvelle ligne
entre la centrale de Prony Energies et Nouméa.
La section de la ligne existante serait plus du double de celle de toutes les autres lignes de
transport du territoire car il avait été envisagé, dès l’origine du projet Prony Energies au début
des années 2000, qu’une extension de la centrale de deux à cinq tranches unitaires de 50 MW
soit possible.
La localisation de la centrale à Nouméa sera inscrite dans l’article 129 de la loi de
finances rectificative pour 2016 ainsi que dans l’objet social de NCE.
Un projet qui peut permettre d’atteindre les objectifs fixés par le schéma pour
la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie
Si les engagements pris par la France lors de la COP 21
71
ne concernent pas la
Nouvelle-Calédonie, cette dernière s’est néanmoins engagée à prendre sa part dans la lutte
mondiale contre le dérèglement climatique par l’adoption par le Congrès le 23 juin 2016 du
schéma pour la transition énergétique qui a retenu trois objectifs quantitatifs à l’horizon 2030 :
une réduction de 20 % de l’énergie dite primaire et, grâce à une amélioration du
rendement moyen des équipements, une baisse de 25 % de la consommation
d’énergie finale
72
;
couvrir 100 % de la distribution publique par des énergies renouvelables, soit passer
la part de production des énergies renouvelables de 12 à 24 % ;
réduire de 10 % les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de la mine et de
la métallurgie.
Selon l’étude EDF-PEI de septembre 2016, le remplacement d’une centrale obsolète au
fioul par une centrale moderne au gaz permettrait de réduire de 54 % les émissions de CO
2
, à
production constante. Cette baisse représenterait la partie la plus importante et la plus
structurelle de la baisse de 10 % pour le secteur de la mine et de la métallurgie affichée dans le
schéma pour la transition énergétique.
70
Doniambo Energie : dossier de demande d’autorisation d’exploiter, juillet 2014.
71
La COP21 est la 21
e
Conférence des parties (COP) à la convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques qui s’est tenue à Paris en décembre 2015.
72
L'énergie primaire est l'énergie contenue dans les ressources naturelles, avant une éventuelle
transformation. L'énergie finale est l'énergie utilisée par le consommateur, c'est-à-dire après transformation des
ressources naturelles en énergie et après le transport de celle-ci.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
32
Le véhicule juridique du projet : la société Nouvelle Calédonie Energie
(NCE)
Le choix du portage par une société de projet et de sa forme
Dès l’émergence de ce projet de centrale mutualisée, le portage par ENERCAL a été
écarté. Elle ne disposait pas des moyens financiers pour assumer seule la maîtrise d’ouvrage
car
devant faire face entre 2019 et 2023 à des investissements majeurs comme le renforcement
géotechnique du barrage de Yaté, le remplacement des moteurs de la centrale de Népoui et le
renforcement des lignes haute et moyenne tensions rendu nécessaire par le développement des
énergies renouvelables (EnR). Il a donc été rapidement convenu que le projet serait porté par
une société dédiée, à l’image de la société Doniambo Energie constituée en son temps par la
SLN.
Compte-tenu des délais impartis, le format d’une société par actions simplifiée, filiale à
100 % d’ENERCAL, a été retenu.
Ce choix fera l’objet de critiques, lors des débats au Congrès le 25 mai 2018 sur le
financement de la transition énergétique, où des élus déploreront qu’au regard de l’intérêt public
porté par NCE, dotée de fonds publics, la composition de son conseil d’administration ne soit
pas élargie à l’ensemble des partis politiques pour qu’un contrôle puisse être exercé sur le projet
et sur sa mise en œuvre
73
.
En attendant que la composition du capital soit arrêtée, ENERCAL est actionnaire
unique de NCE, la structure de l’actionnariat devant évoluer par la suite.
La création de Nouvelle-Calédonie Energie et son objet social
A la demande de son président, le conseil d’administration d’ENERCAL décide le
13 octobre 2016 de la création de la société de projet destinée à une nouvelle centrale électrique
pour le territoire, fonctionnant au gaz et à son infrastructure d’approvisionnement.
La société Nouvelle-Calédonie Energie est créée sous forme de société par actions
simplifiée et dotée d’un capital de 1 000 000 F CFP. Son objet social est l’étude, le financement,
la conception, la construction et l’exploitation d’une centrale au gaz et de ses installations
connexes sur le site de Doniambo aux fins de contribuer à la satisfaction des besoins d’une part
du réseau public et d’autre part des installations industrielles et métallurgiques de la SLN.
La création de Nouvelle Calédonie Energie est adoptée à l’unanimité du conseil
d’administration de ENERCAL.
La société est immatriculée le 15 décembre 2016. Elle est domiciliée dans les locaux de
ENERCAL et son premier président est M. Philippe Gomès qui assure à ce titre la direction de
la société.
73
Interventions de MM. Jacques Lalié et Philippe Blaise.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
33
Le financement de la future centrale « pays »
Si les recommandations proposées par les deux expertises confirment l’intérêt d’une
centrale au gaz, reste à réaliser le montage du financement des études préalables, et celui de sa
construction.
Le financement des études préalables se fera:
au travers du contrat de développement État / Nouvelle-Calédonie ;
par une avance de trésorerie d’ENERCAL ;
par une avance de trésorerie de la SLN, suivie d’une montée au capital ;
par l’affectation pour partie d’une taxe à venir sur le carburant, via l’agence
calédonienne de l’énergie (ACE).
L’estimation des besoins de financement
S’appuyant sur les études préalables menées par EDF-PEI et le CGEDD, l’estimation
de l’investissement est évalué à 500 M EUR
74
(59,665 Md F CFP) auquel s’ajouteront des
charges complémentaires relatives au coût des intérêts intercalaires, des garanties associées aux
prêts et aux premiers stocks de combustibles.
Selon le rapport spécial sur le projet de loi du pays pour le financement de la transition
énergétique de la Nouvelle-Calédonie
75
, le financement du projet reposera sur :
le recours à l’emprunt pour 47 Md F CFP, facilité par la garantie de l’État octroyée
dans la limite d’un montant de 38 Md F CFP ;
des apports en fonds propres de ses actionnaires, pour 11 Md F CFP, dont 6 à la
charge de l’agence calédonienne de l’énergie ;
un apport de l’Etat sous forme de défiscalisation, pour environ 13 Md F CFP.
Les produits d’exploitation seront constitués par la vente d’électricité de NCE à
ENERCAL qui la revendra ensuite à la SLN. Ils auront vocation à couvrir le remboursement
des emprunts et la rémunération des capitaux investis.
Le recours à l’emprunt et son remboursement
L’apport en fonds propres de l’agence calédonienne de l’énergie, soit 6 Md F CFP, sera
financé par un emprunt levé par l’agence qui sera garanti par les recettes fiscales nouvelles qui
lui seront affectées.
Les recettes fiscales nouvelles sont constituées par un élargissement de l’assiette de la
taxe sur les énergies renouvelables (TER) au gazole et à une révision à la hausse des taux
appliqués. L’objectif est d’assurer à l’agence un complément de recettes annuelles de l’ordre
de 600 MF CFP, ce qui lui permettra de rembourser l’emprunt levé pour doter NCE en capital.
74
Assemblée Nationale, Rapport n°4272, Tome I.
75
Rapport spécial déposé sur le bureau du Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 10 avril 2018.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
34
Cette disposition, contenue dans le projet de loi de pays pour le financement de la
transition énergétique, sera approuvée le 19 avril 2018 par le Congrès.
Une place nouvelle à occuper dans le système électrique calédonien
Une fois ce projet adopté, la commission de régulation de l’énergie, sollicitée pour
expertiser le projet par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a rendu son avis le 25
octobre 2018
76
.
La commission de régulation de l’énergie estime que la double vocation de la centrale
pays, visant à assurer l’approvisionnement en électricité de la SLN tout en la mettant également
au service du système électrique, répondrait à des objectifs potentiellement contradictoires.
Elle affirme qu’il ressort des études que « la centrale pays a un rôle très polyvalent au
sein du système électrique, répondant à la fois à des besoins de base, de modulation liés à
l’intégration de la production photovoltaïque, et de pointe. La centrale pays constitue à ce titre
une réponse « tout en un » aux multiples problématiques auxquelles est confronté le système
électrique calédonien. La compatibilité de ce mode de sollicitation avec sa vocation à alimenter
le besoin de la SLN dans les meilleures conditions de coût pose cependant fortement question ».
Selon la commission, les études d’adéquation mettent en évidence une sous-utilisation
de la centrale pays au regard de sa vocation à servir de moyen de base et d’alimenter la SLN.
Ce régime de fonctionnement insuffisant, dû à la quantité importante de production
renouvelable dans le système, pénaliserait la performance économique de la centrale pays et
soulèverait des enjeux de compétitivité pour la SLN.
Contredisant les conclusions des études précédentes, la commission indique que le
niveau très élevé du coût d’investissement et d’opération de l’infrastructure gaz, notamment en
regard de la taille et surtout de la sollicitation de la centrale pays interroge sur la pertinence
économique de l’option gaz, d’autant que le coût complet de production d’une centrale fuel
serait significativement inférieur à celui d’une centrale gaz.
Selon le premier président de NCE, les conclusions de la commission de régulation de
l’énergie ont permis d’apporter des éclairages utiles sur le dimensionnement de la centrale pays
et sur son régime de fonctionnement ainsi que sur les problématiques de coûts d’investissement.
UNE CONDUITE DE PROJET MARQUEE PAR UNE SUCCESSION
D’ERREMENTS
Nourri par les nombreuses études successives menées par la SLN et par celles
commandées par ENERCAL et par l’Etat, le projet de centrale pays affirme la volonté de
construire une centrale moderne, mutualisant les besoins de l’industriel SLN et ceux de la
76
CRE : expertise portant sur la PPI 2019/2030 de Nouvelle-Calédonie, Orientations sur le
dimensionnement de la centrale pays, 25/10/2018.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
35
distribution publique. La commande d’origine, résumée par le haut-commissaire de la
République, est simple : pas cher, robuste et vite. Malgré un cadrage précis et l’urgence
affichée, le calendrier est régulièrement repoussé en raison des difficultés de NCE à :
se structurer ;
arrêter le choix du combustible ;
décider du type de centrale ;
déterminer les besoins à satisfaire ;
maîtriser le budget initial ;
conduire elle-même le projet.
NCE peine à se structurer
Alors que le projet est qualifié d’urgent, la société NCE connait une activité initiale
réduite, suivie de retards dans la constitution de l’équipe projet et d’une période sans réunion
du comité de direction. A peine actées, les premières décisions sont remises en cause et le
calendrier est repoussé.
Une activité initiale réduite
Durant les dix-huit premiers mois de l’existence de la société, la société n’a que très peu
d’activité. Ces dernières se sont limitées :
à des présentations du projet et de son plan de développement à destination des
diverses parties prenantes sur le territoire et en métropole ;
à des visites de centrales basées sur les technologies moteurs et cycle combiné ;
au lancement de pré-études pour l’établissement de documents de base et l’analyse
du marché GNL dans la zone pacifique ;
au recrutement de l’équipe de projet ;
à la recherche de bureaux.
Selon le premier président de la société, le projet de centrale pays a connu dans sa phase
de démarrage un programme particulièrement dense avec :
la création de l’agence calédonienne de l’énergie ;
les adaptations de l’actionnariat public ;
la mise en place du financement des études ;
la préparation du projet de loi pays du 9 mai 2018 pour le financement de la
transition énergétique ;
la négociation juridique du protocole d’accord sur l’entrée de l’agence calédonienne
de l’énergie et de la SLN au capital de NCE ;
l’apparition en 2017 des premières analyses des effets du schéma de transition
énergétique de Nouvelle-Calédonie sur le prix du KWh produit par la centrale.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
36
Selon lui, la question n’était pas de construire une centrale mais surtout de mettre
préalablement en place les outils juridiques, techniques, administratifs et financiers nécessaires
à la réalisation de l’investissement. De ce fait, les calendriers annoncés par le Premier ministre,
le CGEDD/CGEIET et EDF-PEI relevaient d’un exercice prédictif et seule l’annonce d’une
mise en service en 2022 ou 2023 annoncée le rapport spécial sur le projet de loi du pays pour
le financement de la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie déposé sur le bureau du
Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 10 avril 2018.
Selon le second président de la société, si l’engagement du projet a été long, les
conditions normales de déroulement d’un projet n’étaient pas réunies, notamment du fait du
mode de travail partenarial avec ERAMET, privilégié à l’époque.
En outre, il fallait s’assurer de l’accord du Congrès pour faire avancer les sujets
juridiques, administratifs et financiers, du projet. Selon lui, la mise en place de l’agence
calédonienne de l’énergie, l’écart d’interprétation entre NCE et le haut-commissaire au sujet de
l’évolution de la composition capitalistique de la société, la mise en place de la subvention de
646 MF CFP prévue au contrat de développement, la préparation du projet de loi de pays sur le
financement de la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie et la négociation de l’entrée
au capitale de l’agence calédonienne de l’énergie et de la SLN seraient à l’origine du retard pris
dans les dix-huit premiers mois de l’existence de NCE. L’ampleur de ces travaux est souligné
par le second président de la société.
Selon la chambre, ces éléments cités par les deux premiers présidents de la société
n’entravaient en rien la constitution rapide d’une équipe projet et la rédaction d’un cahier des
charges en vue du lancement d’un appel d’offres. La chambre relève que le rapport financier
établi par le président de NCE pour l’exercice allant du 15 décembre 2016 au 30 juin 2017
indique, dans la partie consacrée aux faits marquants de l’exercice, que « la société n’a eu
aucune activité ». Quant à celui allant du 1
er
juillet 2017 au 30 juin 2018, il mentionne que « la
société n’a eu que très peu d’activité sur l’exercice ».
Une équipe projet au complet deux ans après la création de NCE
Partant du postulat que l’une des clés de la réussite du projet était que le groupe
ERAMET et la SLN soient parfaitement convaincus de la pertinence des choix techniques et
économiques effectués, le président de NCE, prend contact avec la présidente directrice
générale du groupe, pour qu’elle sollicite son réseau Ressources Humaines afin de proposer des
candidatures dont le profil serait en parfaite adéquation avec les attendus du poste.
Après deux rencontres en début d’année 2017 à Paris, le choix se porte sur une cadre
expérimentée, qui exerce les fonctions de directrice de projet au sein de la branche minière du
groupe ERAMET. Cette dernière prend ses fonctions le 1
er
novembre 2017 en application de la
convention de mise à disposition entre la société ERAMET SA et NCE.
Elle s’installe en
Nouvelle-Calédonie en février 2018, après avoir effectué deux missions sur place.
A partir de son installation, les recrutements de l’équipe projet sont lancés. Cette équipe
est au complet au cours de la première quinzaine d’octobre, soit presque deux ans après la
création de la société, permettant enfin au projet de démarrer. Cette inertie dans la constitution
de l’équipe projet contraste avec l’urgence manifestée lors de la création de NCE.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
37
Selon la directrice de projet, son recrutement a pris beaucoup de temps par manque de
décision de la part du président de NCE dans un contexte électoral récurrent, et par une absence
totale d’organisation au sein de NCE avant son arrivée.
Malgré
l’arrivée
de
nouveaux
actionnaires,
le
comité
de
direction
ne se réunit pas
La composition capitalistique de NCE évolue et, conformément au protocole d’accord
du 5 mars 2018, la SAEM ENERCAL n’est plus actionnaire unique. Son capital s’ouvre à
l’agence calédonienne de l’énergie, qui devient l’actionnaire majoritaire (50 %) et à la SLN,
qui dispose désormais de 10 % des parts sociales. Le comité de direction compte cinq membres,
puis sept en juin 2018 suite à une modification statutaire, et s’affirme comme l’organe en charge
du pilotage stratégique du projet.
Alors que l’ouverture du capital et l’augmentation du nombre de membres du comité de
direction aurait dû alimenter la dynamique du projet, aucun comité de direction ne sera réuni
entre le 2 mars 2018 et le 21 décembre 2018, soit durant neuf mois. Pourtant, comme le
précisent les statuts, il doit se réunir au moins une fois par trimestre, avec une possibilité de
dérogation lui permettant de se réunir une fois par semestre.
Les membres du comité représentant ENERCAL, l’agence calédonienne de l’énergie et
la SLN, qui ont la possibilité de demander une convocation de ce dernier au président de NCE
et qui ont même la faculté de le convoquer s’ils sont deux à le faire, n’exerceront pas ce droit.
Cette inertie, qui selon les termes de la directrice de projet est de nature à nuire au bon
déroulement du projet, ne répond pas à l’urgence affichée.
La fin prématurée du contrat de la première directrice de projet
Peu de temps après son arrivée en Nouvelle-Calédonie, les relations entre la directrice
de projet et le président de la société se dégradent.
Le 13 septembre 2018, cinq mois après son arrivée en Nouvelle-Calédonie, il lui est
annoncé qu’il sera mis fin à son contrat le 13 novembre 2018. Elle occupera pleinement ses
fonctions jusqu’à l’arrivée de son successeur et rendra compte de l’avancement du projet, même
si, selon ses affirmations, aucune réponse n’aurait été apportée à ses questions à partir du mois
de mai 2018
Interrogée sur les difficultés rencontrées durant son mandat, la directrice de projet a
souhaité indiquer que la faible disponibilité du président de NCE, par ailleurs député, n’aurait
pas été compatible avec la tenue d’un planning tendu pour la mise en œuvre d’un tel projet.
La remise en cause du planning
La directrice de projet a présenté un premier planning prévisionnel aux membres du
comité de direction, lors de la réunion du 22 décembre 2017, avec les principales étapes, le
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
38
schéma structurel, l’organisation cible de l’équipe projet, et le budget allant jusqu’à la décision
finale d’investissement.
Selon ce planning, l’achèvement des études de faisabilité et de conception, que NCE
propose de commander, est annoncé pour la fin de l’année 2018. La décision finale
d’investissement est fixée fin 2019, la réception mécanique de la centrale fin 2021 et la
réception définitive, avec mise en production et raccordement au réseau fin 2022.
Mais dès le départ de la directrice de projet, les choix qu’elle a préconisés, sont remis
en cause. Alors que la directrice de projet avait proposé de retenir une société d’ingénierie
globale spécialisée dans les questions de l’énergie en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage, il
est décidé de consulter à nouveau les trois candidats ayant présenté les meilleures offres, en
modifiant notamment plusieurs points de la consultation, comme :
l’élargissement à de nouvelles solutions (notamment concernant le combustible) ;
la rédaction d’un contrat rédigé en français et relevant du droit français
77
.
Le 11 avril 2019, le comité de direction de NCE approuve le nouveau projet de contrat
avec la société d’ingénierie globale proposée précédemment par la directrice de projet portant
sur les études de faisabilité et de conception de la centrale pays ainsi qu’un projet de contrat
avec une société de conseil et de négoce spécialisée dans l’énergie et le transport
transcontinental pour la poursuite des études relatives au marché du gaz.
Le planning initial, jugé incohérent
78
, est modifié. Le nouveau calendrier recule de cinq
trimestres la décision finale d’investissement, auxquels il faut ajouter deux trimestres du fait de
la nouvelle consultation pour les études de faisabilité et de conception, décidée par le comité de
direction le 21 décembre 2018. Selon la première directrice de projet, le planning initial n’était
pas incohérent à partir du moment où l’ensemble des décisions prévues étaient prises dans le
calendrier prévu.
La mise en production de la centrale est désormais prévue au dernier trimestre 2023,
soit trois ans de retard par rapport au calendrier initial annoncé par le Premier ministre pour un
projet présenté comme urgent en 2016.
Selon le second président de NCE, le calendrier de réalisation initial annoncé par le
Premier ministre, n’était pas tenable et celui proposé par EDF, prévoyant une mise en service
fin 2021 n’était pas non plus réaliste. Pour lui, la date de mise en service à prendre en
considération est celle annoncée dans le rapport spécial sur le projet de loi du pays pour le
financement de la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie
79
, date comprise entre fin
2022 et 2023.
La chambre relève que le calendrier proposé par EDF-PEI dans son étude Doniambo
2016 détaille avec précision toutes les étapes de réalisation. Elles s’étalent sur 42 mois, ce qui
correspond aux délais constatés pour les projets qui ont été portés antérieurement par la SLN.
77
Le choix de la langue anglaise et du droit international privé visait à élargir la possibilité de candidater
pour des cabinets anglo-saxons.
78
NCE : note sur variations planning, 30 août 2019.
79
Rapport spécial déposé sur le bureau du Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 10 avril 2018.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
39
L’incapacité à décider du combustible
Le projet présenté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, sur lequel repose la
garantie de l’Etat, prévoyait que la centrale fonctionnerait au gaz. Ce combustible était décrit
comme un combustible de transition, plus vertueux que le charbon ou le fioul lourd. Deux
études préliminaires le présentaient comme la meilleure solution technique et économique pour
la Nouvelle-Calédonie. Les solutions hybrides ou photovoltaïques étaient alors écartées car
jugées inaptes à répondre aux besoins du site électro-intensif de la SLN.
Malgré les deux rapports d’expertise qui ont fondé le projet, NCE a remis en cause le
choix initial du combustible gaz en commandant des études pour explorer des solutions
hybrides, puis en construisant une stratégie parallèle basée sur les énergies renouvelables.
Une étude sans suite sur une solution de centrale hybride
S’appuyant sur l’expertise de la commission de régulation de l’énergie, qui dans un
rapport commandé par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en 2018, recommande une
poursuite de l’analyse de la pertinence de solutions hybrides
80
, associant un moyen thermique,
du photovoltaïque et du stockage centralisé, NCE annonce le lancement de deux études
complémentaires à celles déjà engagées :
l’une commandée auprès de son assistant à maitrise d’ouvrage sur une centrale au
gaz d’une puissance de 140 MW ;
l’autre menée par ENERCAL sur une centrale photovoltaïque de 200 MW
complétée par des batteries de 150 MW ayant une autonomie de 4 heures.
La consolidation de ces deux études complémentaires avait vocation à être comparée
aux résultats des études d’esquisse et d’avant-projet sommaire sur la solution au gaz.
L’avancement de ces deux études, présenté au comité de direction de NCE du mois de
juin 2019
81
fait ressortir que les solutions de centrale hybride ne seront économiquement pas
intéressantes avant 2030, sauf si elles peuvent bénéficier d’une défiscalisation, ce qui en
l’espèce est exclu par la réglementation. La solution d’une centrale hybride présente :
un investissement de 136 Md F CFP, soit deux fois celui des estimations initiales
pour une centrale au gaz ;
un prix de revient de 15 ,3 F CFP/KWh (14,6 F CFP avec défiscalisation sur les
panneaux photovoltaïques et les batteries), loin des attentes de la SLN qui attend
une baisse significative du coût de l’énergie produite ;
un prix de vente de 19,2 F CFP, avec un rendement de 8 % pour les investisseurs,
(17,7 F CFP avec défiscalisation sur les panneaux photovoltaïques et les batteries).
La chambre constate que NCE a commandé des études complémentaires qui remettent
en cause le choix du combustible, en s’appuyant sur une étude de la commission de régulation
de l’énergie, dont les résultats avaient pourtant été jugés incohérents par les associés de la
80
Commission de régulation de l’énergie : Expertise portant sur la PPI 2019-2030 de Nouvelle-Calédonie
- synthèse et recommandations, 25 octobre 2018.
81
NCE : comité de direction du 21 juin 2019, document de séance page 17.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
40
société
82
. Le montant de l’étude complémentaire engagée sur une solution hybride s’est élevé
à 141 606 EUR, soit 16 898 090 F CFP.
Selon le second président de NCE, le choix du combustible dépendait de la quantité
d’électricité à produire et ce paramètre avait été pris en compte de façon erronée dans les études
rendues en 2016 par le CGEDD/CGEIET et par EDF-PEI. Il était donc nécessaire d’étudier
d’autres pistes (fioul et une variante hybride, dont l’examen était aussi rendu indispensable par
les conclusions du rapport de la commission de régulation de l’énergie), sans qu’il soit possible
de préjuger du résultat de ces études qui, au demeurant, n’ont eu aucun impact, selon lui, sur le
coût et les délais
83
. Le second président de la société a rassemblé ses arguments dans une note
de synthèse détaillée, présentée au comité de direction de NCE le 21 décembre 2018, dont les
conclusions ont été approuvées à l’unanimité des membres présents et représentés.
La chambre maintient que cette étude était inutile car ses résultats n’ont fait que
confirmer ceux indiqués par les rapports du CGEDD/CGEIET et de EDF-PEI menés deux ans
plus tôt concluant qu’une solution hybride n’était pas adaptée aux besoins du site
électro-intensif de la SLN.
Le développement d’une stratégie « tout énergies renouvelables (EnR) »
Le choix du combustible qui alimentera la centrale pays est à nouveau remis en cause à
l’issue des études de faisabilité et de conception sous la forme du lancement d’une stratégie
parallèle. Même si elle n’est pas conforme à l’objet social de NCE, elle bénéficie du soutien du
gouvernement.
Une deuxième stratégie portée par la présidence de NCE, présentée comme
complémentaire ou parallèle
Dès sa nomination, le président de NCE en fonctions au moment de l’instruction menée
par la chambre présente la nouvelle orientation qu’il entend donner à NCE avec la mise en
œuvre d’une stratégie « tout Enr », en parallèle de la stratégie gaz.
Au vu de la volonté du gouvernement qui souhaite pousser de manière très volontariste
les EnR, il propose de mener au sein de NCE une stratégie alternative consistant principalement
à définir une trajectoire de développement énergétique pour la Nouvelle-Calédonie sur une
vision long terme, notamment en promouvant l’intégration des énergies renouvelables et avec
un premier objectif de diminution rapide du prix de l’énergie pour la SLN
84
.
Cette trajectoire se veut « progressive, agile et robuste », l’ambition étant de contribuer
à placer la transition énergétique au cœur du développement de la Nouvelle-Calédonie.
82
Procès-verbal de la réunion du 15 octobre 2018 au gouvernement à propos du dimensionnement de la
centrale pays.
83
C’était d’ailleurs, selon le second président de la société, une obligation posée par le code de
l’environnement. Ce code oblige le maître d’ouvrage à démontrer qu’il a étudié les différentes solutions plausibles
et à justifier la pertinence de la solution qu’il a retenue, nonobstant le fait que la solution d’une centrale entièrement
thermique de 200 MW ait été inscrite en loi de finances rectificative pour 2016.
84
NCE : document de séance 2a du comité de direction du 19 mai 2020.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
41
Selon le dossier de presse établi à l’occasion, cette stratégie vise à organiser un réseau
performant de production et de stockage d’électricité à base d’énergies renouvelables
compétitives (solaire et hydro-électrique). C’est une stratégie échelonnée dans le long terme,
qui consiste en une trajectoire basée sur les énergies renouvelables
85
.
Dès le lancement de cette stratégie alternative, un comité de pilotage impliquant
l’agence calédonienne de l’énergie, la SLN, ENERCAL et la direction de l’industrie, des mines
et de l’énergie de Nouvelle-Calédonie (DIMENC) voit le jour, avec la constitution de cinq
groupes de travail.
En parallèle, des rencontres sont organisées avec l’AFD
86
, l’ADEME
87
et la Caisse des
dépôts
88
pour étudier les modalités de financement qui pourraient être mises en œuvre.
Malgré les alertes lancées par ENERCAL sur le fait que le réseau n’accepterait pas ce
qui est prévu
89
, les groupes de travail continuent de se réunir pour explorer tous les axes
possibles, allant du photovoltaïque à l’hydrogène, en passant par une station de transfert de
l’énergie par pompage (STEP)
90
.
Présentée comme alternative, ou complémentaire, cette stratégie évolue pour devenir
concurrente. A cet effet, NCE indique qu’elle travaille sur la définition de critères qui pourraient
être retenus pour comparer les deux stratégies, gaz et énergies renouvelables, une fois qu’elles
auront maturé et pourront être comparées.
La poursuite de cette stratégie est actée par deux délibérations prises au comité de
direction du 27 août 2020 où les associés décident à l’unanimité des membres présents ou
représentés de poursuivre l’étude de la stratégie alternative et de valider le principe de son
extension aux autres métallurgistes
91
.
Cette double stratégie amène plusieurs interrogations.
La première est relative à l’objet social même de NCE. La définition d’une trajectoire
de développement énergétique pour la Nouvelle-Calédonie n’est pas au nombre des missions
de la société, mais relèverait plutôt de la compétence de l’Agence calédonienne de l’énergie.
85
NCE : dossier de presse – point d’avancement du remplacement de la centrale de Doniambo,
4 juin 2020.
86
L'Agence française de développement, est une institution financière publique qui met en œuvre la
politique de développement de la France, agit pour combattre la pauvreté et favoriser le développement durable.
87
L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est un établissement public à
caractère industriel et commercial français créé en 1991. Il est placé sous la tutelle des ministères chargés de la
Recherche et de l'Innovation, de la Transition écologique et solidaire, de l'Enseignement supérieur.
L'ADEME suscite, anime, coordonne, facilite ou réalise des opérations de protection de l'environnement
et la maîtrise de l'énergie.
88
La Caisse des dépôts et consignations (CDC), parfois simplement appelée Caisse des dépôts, est une
institution financière publique française créée en 1816. Placée sous le contrôle direct d'une commission de
surveillance rendant compte au Parlement, elle exerce des activités d'intérêt général pour le compte de l'État et des
collectivités territoriales ainsi que des activités concurrentielles.
89
NCE : comité de direction du 29 juillet 2020, intervention du directeur technique de ENERCAL.
90
Une STEP est une station de transfert d’énergie par pompage. Composée de deux bassins situés à des
altitudes différentes, elles permettent de stocker de l’énergie en pompant l’eau du bassin inférieur vers le bassin
supérieur lorsque la demande est faible ou lorsque le système électrique est en surproduction. Lorsque la demande
électrique augmente, elles restituent de l’électricité sur le réseau en turbinant l’eau du bassin supérieur.
91
NCE : délibération n°5 et 6, comité de direction du 27 août 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
42
La seconde est celle des compétences requises pour mener une réflexion sur les énergies
renouvelables qui ne sont pas les mêmes que celles attendues pour concevoir et réaliser une
centrale au gaz. A cet effet, la société NCE a été amenée à faire appel à une société de conseil
pour l’assister dans cette mission, grevant ainsi le budget destiné à son objet social.
La troisième tient au fonctionnement même de la société. Il est en effet inédit et
contreproductif, de mettre en place au sein d’une même structure deux stratégies concomitantes
concurrentes.
Le soutien affirmé du gouvernement à la stratégie alternative
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie s’est associé pleinement à cette démarche.
Son président affirme dans un courrier adressé au Premier ministre que, même si le projet
n’écarte pas, à ce stade, des solutions thermiques, la stratégie alternative entrevoit la possible
création d’une centrale fondée sur le système de transfert par pompage (STEP) adossée à une
production photovoltaïque
92
.
Annoncée dans un courrier du membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en
charge de l’énergie adressé au ministre des Outre-mer
93
, la visite du président de NCE pour
rencontrer tous les acteurs du dossier afin de leur présenter cette stratégie alternative recevra un
accueil réservé chez ses interlocuteurs.
En effet, moins de quatre ans après avoir sollicité les pouvoirs publics pour obtenir un
accompagnement de l’État matérialisé sous la forme d’une défiscalisation et d’une garantie
d’emprunt sur un projet de centrale pays, présenté comme robuste, indispensable et exemplaire,
un tel retournement de stratégie parait difficilement audible.
Un axe non conforme à l’objet social
Au-delà de la rupture par rapport au projet initial, ce nouvel axe n’est pas conforme à
l’objet social de NCE.
Selon le président en fonctions au moment de l’instruction menée par la chambre, si
l’objet social principal de la société ne prévoit pas l’étude de la stratégie fondée sur des énergies
renouvelables telle que décidée par le comité de direction, celui-ci prévoit explicitement la
possibilité de toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et
immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ou à tous objets
similaires ou connexes de nature à favoriser son extension ou son développement. Il considère
donc que l’objet social est respecté puisque la stratégie fondée sur les énergies renouvelables
correspond bien à favoriser une extension ou un développement de la société dans la réalisation
de l’objectif prévu aux statuts.
Néanmoins, NCE s’est engagée dans une procédure en vue de modifier ses statuts pour
les mettre en conformité avec cette stratégie alternative. Une proposition a été présentée aux
associés en vue de son adoption par l’assemblée générale. A l’unanimité de ses membres
92
Courrier du président du gouvernement, en date du 10 septembre 2020 adressé au Premier Ministre.
(ref : CS20-70000-000173)
93
Courrier CS20-7200-0030du 10 septembre 2020.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
43
présents ou représentés, le comité de direction a décidé finalement de ne pas approuver la
modification de l’objet social de la société
94
.
Pour la chambre, le développement d’une stratégie autre que celle visant à l’étude, la
conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une centrale au gaz ne relève pas
de son objet social.
Rappel d’obligation juridique n°1 :
La chambre rappelle à la société NCE qu’elle doit se conformer à son objet social.
Selon le président en fonctions au moment de l’instruction menée par la chambre, le
travail mené sur la stratégie fondée sur les énergies renouvelables a été décidé à l’unanimité par
le comité de direction comme une alternative en cas d’impasse de la stratégie gaz. Cette vision
d’un « plan B » était, selon lui, justifiée par les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre
de la solution gaz. Il estime que la problématique concernant l’objet social n’est pas essentielle
notamment car :
d’un point de vue juridique, toute installation de production électrique relève bien
d’un objet similaire ou connexe à celui d’une installation de production au gaz ;
la stratégie fondée sur les énergies renouvelables développée par NCE respecte par
nature la double destination d’alimentation du réseau public et de la SLN ;
d’un point de vue stratégique, une société commerciale comme NCE a non
seulement la possibilité mais aussi le devoir d’anticiper les difficultés susceptibles
de contrarier l’atteinte de ses objectifs stratégiques. Dès lors qu’il apparait un risque
sur la faisabilité du projet, la recherche d’une alternative s’impose ;
d’un point de vue général, la recherche permanente d’alternatives ou de complément
à l’objet social doit être considérée comme un élément positif de la gestion d’une
société ;
le schéma qui prévaut dans une société de droit privé est de privilégier le lancement
d’études de faisabilité avant d’entamer une modification des statuts et non de
modifier les statuts pour lancer des études de faisabilité.
S’appuyant sur deux études complémentaires présentées au conseil d’administration,
qui aboutissent à un prix du KWh compris entre 8 et 9 F CFP (en intégrant une défiscalisation
que la réglementation n’autorise pas à ce jour), le président au moment de l’instruction menée
par la chambre affirme que le travail mené sur la stratégie fondée sur les énergies renouvelables
est pleinement opportun. Selon lui, au-delà des retombées directes ou indirectes, cette dernière
présenterait des performances nettement supérieures à celles susceptibles d’être atteintes par la
solution gaz, tant en matière de prix que de délais de réalisation ou d’impact environnemental.
De son côté, le président de la société en fonction à la date de la contradiction menée
par la chambre souligne que cette stratégie « tout EnR » a reçu, lors de son lancement, le soutien
du gouvernement de Nouvelle-Calédonie et que la poursuite de cette stratégie a été actée par
les membres du comité de direction du 27 août 2020.
NCE tient à indiquer qu’elle est parfaitement consciente de devoir se conformer à son
objet social, raison pour laquelle une modification de celui-ci avait été envisagée lors du
94
NCE : comité de direction du 1er décembre 2020 – décision n°4.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
44
développement de la stratégie alternative. La société a missionné ses conseils pour étudier les
modifications à apporter à son objet social. Un projet de modification statutaire intégrant une
proposition de modification de l’objet social a été soumis au comité de direction. Compte tenu
de l’abandon de la stratégie « tout EnR», NCE a décidé de ne pas l’adopter et de ne pas le
présenter à l’assemblée générale.
La chambre prend note de l’annonce par NCE de l’abandon de la stratégie alternative.
L’incapacité à déterminer les besoins à satisfaire
La conduite du projet par NCE est marquée par l’incapacité des associés à déterminer
les besoins que la centrale devra satisfaire.
Dans un premier temps, bien que disposant de tous les éléments pour lancer rapidement
des appels d’offres, elle décide de relancer des études de faisabilité et de conception.
Après avoir fixé des conditions techniques strictes, au vu des résultats des études
commandées, la société NCE revoit ses besoins, affichant une diminution de moitié de la
production attendue, avant de la rétablir.
En dernier lieu, elle est confrontée, trois ans après sa création, aux affirmations de son
associé ENERCAL qui assure que l’évolution des données d’entrée fait que les besoins de la
distribution publique peuvent désormais être satisfaits sans la construction de la centrale, ce qui
remet en cause les fondements et le financement du projet en raison de la disparition de sa
dimension « pays ».
Selon le président en fonction à la date de la contradiction, les besoins de la centrale, à
savoir sa puissance, l’énergie à fournir et la disponibilité attendue, sont à identifier par
ENERCAL en sa qualité de gestionnaire du réseau électrique calédonien, ce dernier devant
ensuite définir le cahier des charges pour le moyen de production via la « centrale pays ». Par
ailleurs, il précise qu’il est important de dissocier la conduite de projet, qui relève du directeur
de projet et de son équipe, de la définition des besoins et de la stratégie qui dépend de la capacité
des associés à les définir.
Le choix de relancer des études
Forte des deux études convergentes préconisant une solution gaz, NCE aurait pu lancer
rapidement deux appels d’offres, soit un premier pour la centrale électrique et un second pour
l’infrastructure gaz complétés par un appel à manifestation d’intérêts pour l’approvisionnement
en gaz. La seule contrainte aurait été de définir plus finement les attendus techniques, ce qui ne
présentait pas de difficulté d’autant que la SLN avait parfaitement identifié les siens à l’occasion
des études qu’elle avait déjà menées en vue du remplacement de la centrale B.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
45
Au regard de l’urgence dictée par la situation critique de la SLN, les préconisations du
rapport CGEIET/CGEDD de 2016 étaient de faire appel à une technologie mûre, de type
moteur, et d’examiner des solutions de préfabrication, telles que des barges flottantes.
95
Pourtant, NCE va faire le choix de lancer de nouvelles études de faisabilité et de
conception, retardant à nouveau le processus.
Ces études préalables ne débuteront qu’en avril 2019.
Les résultats de ces études se révélant non conformes aux attentes des associés, tant en
ce qui concerne le montant de l’investissement à réaliser que le prix final du KWh, NCE est
contrainte de revoir sa méthode de travail.
Elle décide de repartir d’une feuille blanche en lançant un appel à manifestation
d’intérêts (AMI) qui sollicite les industriels du secteur de l’énergie afin qu’ils fassent des
propositions sur la définition d’une centrale apte à proposer une baisse significative du coût de
l’électricité et à satisfaire les besoins de la distribution publique et de la SLN.
Les études commandées par NCE auront donc été inutiles. Plus de quatre ans après la
création de la société, le projet est ramené à son point de départ.
Contrairement aux affirmations du second président de la société qui conteste que les
études menées en 2016 par EDF-PEI et par le CGEDD/CGEIET puissent être assimilées à des
études de faisabilité et de conception et qui rappelle que la définition des attendus techniques
de la centrale présentait des difficultés, la chambre maintient que les études menées par EDF-
PEI et par le CGEDD/CGEIET, définissant la meilleure technologie disponible à partir d’une
analyse multicritère doivent être regardées comme des études de faisabilité et de conception.
S’appuyant sur la réponse faite par le directeur de projet, elle maintient également qu’un appel
d’offres de type dialogue compétitif aurait pu être lancé dès la création de NCE.
Elle réitère que la définition des besoins devant être satisfaits par la future centrale
n’aurait pas présenté de difficultés particulières si NCE avait exigé plus de transparence de la
part de ses associés et avait réalisé les arbitrages nécessaires.
Les attendus techniques
Dès le démarrage de ces études, la SLN et ENERCAL ont fait état d’attendus techniques
particuliers qui ont eu également un impact fort sur la conception du projet et sur le montant de
l’investissement et du prix du KWh.
Ainsi, il était demandé à la centrale pays :
une puissance minimale permanente de 100 MW ;
une taille unitaire des groupes ne dépassant pas les 40 MW ;
une puissance minimale acceptable en conditions cyclonique qui soit au minimum
de 100 MW.
95
CGEIET/CGEDD : Mission relative au remplacement de la centrale de production d’électricité de
Doniambo de la SLN en Nouvelle-Calédonie 30 septembre 2016 – Conclusions et recommandations.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
46
Pourtant, la taille unitaire des groupes et la puissance minimale garantie n’étaient pas
au nombre de ceux exigés lors des projets de remplacement de la centrale B menés
précédemment par la SLN
96
.
Des besoins et des attendus techniques fluctuants
Le lancement de l’appel à manifestation d’intérêt, le 26 mars 2020, est présenté comme
une étape intermédiaire faisant suite aux études commandées en 2019, amenant NCE, à partir
des réponses reçues, à préparer un appel d’offres, cette phase servant à clarifier les besoins
réels.
Lors des discussions préalables au lancement de l’appel à manifestation d’intérêt, les
associés n’arrivent pas à se mettre d’accord sur des données de base comme la puissance
minimale garantie ou la puissance nominale de la future centrale.
Le directeur de projet déplore cette situation et affirme que beaucoup d’argent a été
dépensé pendant une année, beaucoup d’études ont été lancées et si tous les associés avaient
partagé les mêmes données au même moment, du temps et de l’argent auraient pu être
économisés
97
. Selon le directeur de projet, la quantité d’énergie à produire par la future centrale,
dont la variation a un impact fort sur le prix du KWh, était aussi sujet à discussion,
Il indique que la quantité d’énergie attendue par le client est primordiale dans un modèle
d’affaires pour assurer la rentabilité du projet et l’optimisation du prix du KWh et que cette
dernière a varié considérablement jusqu’au lancement de l’appel d’offres.
Lors du même comité de direction, le président de NCE indique que les difficultés
viennent de données mouvantes. Il affirme que pour avancer dans le processus, il faut cesser
d’itérer sur ces questions et il propose aux associés de se donner la possibilité d’être plus
réalistes, plus intelligents dans le travail qui a été fait, peut-être plus transparents aussi entre
eux.
Les attendus techniques, présentés comme incontournables lors des études commandées
en 2019 par NCE sont revus à la baisse. Ainsi :
la puissance minimale disponible en période de maintenance qui était de 160 MW
n’est plus imposée ;
la puissance nominale garantie passe de 100 MW à 15 MW si l’indisponibilité ne
dépasse pas 24 heures et à 90 MW si elle dépasse les 24 heures ;
la taille unitaire des groupe ne dépassant pas les 40 MW est supprimée pour laisser
la place à l’obligation de garantir qu’aucune défaillance de la centrale n’entraine de
perte de puissance supérieure à 90 MW ;
la puissance minimale acceptable en conditions cycloniques passe de 100 MW à
0 MW pendant une période de 7 jours.
De même, l’affichage de la production d’énergie que devra fournir la future centrale est
abaissée à 900 GWh/an et contraste avec les 1 300 GWh en 2024 et 1 150 GWh en 2030 sur
96
Les projets développés par la SLN via Doniambo Energie prévoyaient des chaudières allant de
50 à 90 MW.
97
NCE : comité de direction du 9 mars 2020, intervention du directeur de projet.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
47
lesquels avait travaillé la société qui avait été mandatée pour réaliser les études de faisabilité.
Cela constitue une baisse qu’aucun élément ne permet d’expliquer puisque les besoins de la
SLN sont inchangés et ceux de la distribution publique ne connaissent pas de modification
significative.
Les attendus techniques fixés lors de l’appel à manifestation d’intérêt, qui semblaient
pourtant avoir été stabilisés, seront de nouveau modifiés pour l’appel d’offres.
L’absence de besoins pour la distribution publique
La dimension « pays » de la centrale, qui était un axe fort du projet, mutualisant les
besoins de la distribution publique avec ceux de la SLN et permettant l’intervention de la
puissance publique, est remise en cause à son tour.
Lors du comité de direction du 7 janvier 2020, le directeur général délégué en charge
des opérations de ENERCAL, faisant le point sur l’évolution du projet, indique que sa société
a revu l’ensemble des conditions qui ont prévalu à l’origine à la réalisation de la centrale pays.
Il affirme que depuis 2016, beaucoup d’événements sont intervenus et ont modifié les
besoins de la distribution publique et de l’industriel VALE NC. En raison du retard pris dans le
projet, ENERCAL a ainsi investi pour accroitre la durée d’exploitation de la turbine à
combustion (TAC)
98
n°1 située à Ducos.
Au vu de ces éléments, le directeur général de ENERCAL affirme que si la centrale pays
n’est pas réalisée, si la centrale B se prolonge et si Yaté fournit toujours 90% de l’énergie
produite à la SLN, alors, pour la distribution publique, ENERCAL n’aurait pas besoin de la
centrale pays jusqu’en 2040. Il n’y aurait donc pas lieu pour ENERCAL de continuer à
participer à ce projet qui n’a plus vocation à alimenter en partie la distribution publique mais
uniquement la SLN.
Cette question est de nouveau évoquée lors du comité de direction du 19 février 2020 et
le directeur général de ENERCAL confirme que la distribution publique n’aurait pas besoin de
moyens de production complémentaires pour assurer son équilibre jusqu’en 2040 en gardant
une probabilité de défaillance acceptable et en restant dans le cadre du contrat actuel de
délestage et d’effacement des fours de la SLN
99
.
Face à cette nouvelle donnée, NCE va saisir ses conseils à deux reprises pour analyser
les incidences du retrait d’ENERCAL du projet et les conséquences juridiques du défaut de
raccordement de la centrale au réseau de distribution publique
100
car l’évolution du projet au
bénéfice exclusif de la SLN pose des difficultés sur la poursuite du projet tel qu’il a été construit.
La première concerne les statuts mêmes de NCE qui a été créée aux fins de réaliser et
d’exploiter une installation mutualisée de production d’électricité, pour répondre aux besoins
de la SLN et de la distribution publique, ce qui avait justifié sa dénomination de « centrale
pays ».
98
Une TAC est une turbine à combustion, principalement utilisée comme moyen de secours pour la
production électrique.
99
NCE : comité de direction du 19 février 2020 – intervention du directeur général d’ENERCAL.
100
Les réponses sont apportées par les mémoires du 12 février 2020 et du 18 août 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
48
La disparition de cet objet – l’approvisionnement en électricité de la distribution
publique – implique nécessairement une modification des statuts de NCE et une recomposition
de son actionnariat pour permettre à ENERCAL de sortir de son capital. Selon ENERCAL, le
pacte d’actionnaire conclu le 2 mars 2018 prévoyait son retrait progressif du capital pour aboutir
à terme à 1 % des parts. La poursuite par NCE d’un projet n’ayant plus vocation à
approvisionner la distribution publique pourrait être considéré comme étrangère à son objet
social.
La question du maintien au sein de NCE de l’agence calédonienne de l’énergie, qui
détient 50 % de ses parts sociales, se pose également. En effet, la reconfiguration de la centrale
pays vers un usage exclusivement privé est de nature à faire obstacle à la conservation par
l’agence de sa participation au sein de NCE, eu égard à son objet et aux contraintes liées au
principe de la spécialité des établissements publics
101
.
En outre, se pose la question du financement des études, inscrite au contrat de
développement Etat/Nouvelle-Calédonie, qui a permis l’attribution d’une subvention de
646 MF CFP. Le changement de destination de la centrale pays aurait pour conséquence de
faire naitre une obligation de reversement de tout ou partie de cette subvention.
La présentation de ce point de droit au comité de direction n’a pas donné lieu à débat
102
,
ce dernier étant repoussé à une date ultérieure non déterminée.
L’incapacité à contenir le montant de l’investissement et le coût de
production
NCE a mis aussi en évidence son incapacité à inscrire le projet dans les attendus initiaux
d’investissement de 59 Md F CFP et un prix du KWh présentant une baisse significative.
Les études commandées en 2019 ont révélé l’écart entre les prévisions financières du
projet tel que conçu par l’assistant à maîtrise d’ouvrage, à partir des données et indications
transmises par NCE et les attentes des associés.
Cet écart s’explique par :
-
des problématiques qui n’auraient pas été communiquées lors des études initiales
réalisées en 2016 ;
-
des estimations initiales faites à partir d’un cahier des charges allégé.
101
Le principe de spécialité signifie, selon le juge administratif, qu'« un établissement public ne peut se
livrer à des activités excédant le cadre des missions qui lui ont été assignées par les textes qui l'ont institué ». (CE,
3 décembre 1993 « Association de sauvegarde du site Alma Champ de Mars », req. n° 139.021).
102
NCE : comité de direction du 8 octobre 2020, point 2d.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
49
Des problématiques qui n’auraient pas été communiquées dans le cahier des
charges des études initiales réalisées en 2016
Plusieurs problématiques sont venues se greffer du fait des attentes exprimées par les
associés tout au long de la conception du projet par NCE avec son assistant à maîtrise
d’ouvrage. Ainsi, au-delà de sa mission de production de base, la centrale pays s’est vu devoir :
s’effacer devant les énergies renouvelables lorsque leur production excède la
consommation de la distribution publique ;
s’adapter aux fluctuations importantes de demandes d’énergie ;
redémarrer tout le réseau calédonien en cas de black-out ;
disposer d’une réserve de gaz flottante (de type FSRU
103
) apte à résister aux
conditions cycloniques et aux coups d’ouest
104
pour garantir la sécurité
d’approvisionnement de la SLN en continu ;
assurer des retombées économiques locales en phase de construction.
A cela s’est ajoutée la problématique du tirant d’eau dans la Grande rade de Nouméa
qui rend complexe l’acheminement du gaz par des méthaniers de taille standard, ainsi que celle
des autorisations nécessaires à une installation d’une réserve de gaz flottante et d’une centrale
sur barge.
Hormis la question des autorisations requises pour ce type de projet, qui n’a pu échapper
ni aux experts d’EDF-PEI ni à ceux du CGEDD/CGEIET en 2016, les autres problématiques
citées n’auraient pas été communiquées.
Les résultats des études de faisabilité et de conception commandées par NCE
Les résultats des études de faisabilité et de conception commandées en avril 2019 par
NCE, ont vocation à confirmer les estimations faites par EDF-PEI en 2016 lors de la
construction du projet de centrale pays à savoir :
un investissement pour la centrale et l’unité flottante de stockage et de
regazéification de 500 M EUR, soit 59 Md F CFP ;
un prix du KWh présentant une baisse significative, de nature à redonner de la
compétitivité à la SLN.
Les choix technologiques qui ont émergé au regard des attendus et contraintes exprimés
par NCE ont conduit à concevoir un projet fort diffèrent de celui qui avait prévalu lors des
études initiales réalisées en 2016.
La meilleure solution possible, à partir de l’analyse multicritères retenue, devient la
construction non pas d’une centrale mais de deux demi-centrales équipées chacune de deux
turbines à combustion de 36 MW (soit 144 MW) et d’une turbine vapeur de 26 MW
(soit 52 MW) d’une puissance totale de 196 MW, fonctionnant en base au gaz naturel liquéfié
103
FSRU (de l’anglais Floating Storage Ragasification Unit) est un terminal gazier flottant sur lequel
viennent s’amarrer les méthaniers. Le gaz naturel liquéfié y est temporairement stocké avant d’être remis sous
forme gazeuse.
104
Vents froids et forts d'ouest, entraînant des phases d'importantes précipitations sur la côte ouest
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
50
et au diésel en secours. Le tout est relié à un réservoir de gaz posé hors de la grande rade avec
une unité de regazéification.
Dans l’hypothèse où NCE n’est pas propriétaire de l’infrastructure gaz et achète du gaz
regazéifié livré au pied de la centrale, le coût de production de l’énergie avec un taux de charge
à 69 %, le Brent à 60 USD et un rendement des investisseurs à 8 %, est de 14,20 F CFP/KWh,
pour une production annuelle de 1 150 GWh/an. Le montant de l’investissement pour la centrale
seule s’élève à 65 Md F CFP, et en incluant les autres charges (études, provisions, intérêts,
assistance à maîtrise d’ouvrage) avec la constitution de stocks et de charges de pré-exploitation,
le coût s’élève à 83 Md F CFP.
En y ajoutant l’infrastructure gaz, le coût est estimé par l’assistant à maîtrise d’ouvrage
à 120 Md F CFP
105
.
Du fait de la défaillance de pilotage de NCE, le projet est passé d’un projet financé à
500 M EUR à un projet de 1 Md EUR, excédant les capacités de financement de NCE. Avec
un montant d’investissement doublé par rapport aux prévisions initiales, le projet n’est plus
finançable.
Selon le second président de NCE, le projet issu des études commandées par NCE ne
diffère pas du projet initial tel que conçu par EDF-PEI et le CGEDD/CGEIET et la nouvelle
estimation du projet ne résulte pas d’une défaillance de pilotage de la société.
La chambre relève que ni EDF-PEI ni le CGEDD/CGEIET n’ont proposé la
construction de deux demi-centrales et elle maintient que l’émergence de ce choix résulte d’une
défaillance de pilotage de NCE qui n’a pas réalisé les arbitrages nécessaires, notamment pour
ce qui est de la continuité de production par temps cyclonique.
Un chiffrage initial fait à partir d’une étude au cahier des charges allégé
Devant l’incompréhension des associés de NCE face aux résultats de ces études de
conception réalisées en 2019, le directeur général d’ENERCAL explique que l’écart constaté
viendrait aussi du chiffrage initial du projet en 2016.
Selon ses affirmations, l’étude qui aurait permis le chiffrage initial du projet était une
étude rapide, réalisée en deux mois et qui a coûté 100 000 EUR. C’était une étude qui avait
pour but d’actualiser celle de 2011, faite pour la SLN. Son objectif était de répondre à des
questions qui portaient sur la disponibilité du gaz dans la zone et la capacité à réaliser une unité
de stockage au gaz, de type FSRU
106
, de petite taille. Elle aurait ensuite proposé un plan
d’affaires qui aurait conduit, selon l’hypothèse la plus favorable, à un coût complet de 12,3 F
CFP/KWh pour une production de 1 600 GWh/an avec un baril à 50 USD.
La chambre relève que l’ensemble du projet de centrale pays a été construit à partir
d’une étude dont le cahier des charges était muet sur les exigences techniques attendues et
conduite rapidement, sans porter réellement sur les coûts.
105
Rapport de fin de phases esquisse et APS, octobre 2019.
106
FSRU (de l’anglais Floating Storage Regasification Unit) est un terminal gazier flottant sur lequel
viennent s’amarrer les méthaniers. Le gaz naturel liquéfié y est temporairement stocké avant d’être remis sous
forme gazeuse.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
51
C’est en outre à partir du chiffrage contenu dans cette étude que le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie a sollicité la garantie de l’Etat, sans s’assurer de la robustesse des données
transmises.
Une répartition des surcoûts qui pourrait aboutir à une augmentation du tarif
pour les consommateurs
Le coût du KWh produit par une centrale électrique est déterminé pour partie par le
montant de l’investissement et principalement par celui du fonctionnement. Plus la centrale
est utilisée, plus son coût de fonctionnement diminue. Il est important d’ajuster au mieux la
puissance de la centrale pour avoir un facteur de charge
le plus élevé possible
107
.
Or, la future centrale d’une puissance de 200 à 220 MW présentera
immanquablement une surcapacité qui découle de la mise en œuvre des objectifs du schéma
pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie avec la matérialisation d’une
production photovoltaïque considérable en journée
108
. Cette situation va affecter
notablement le régime de fonctionnement de la centrale pays qui devra s’effacer devant la
production des énergies renouvelable, celles-ci étant moins chères et plus vertueuses.
La logique économique du projet se trouve perturbée par la priorité à donner aux
énergies renouvelables en forte croissance, qui vont dégrader le facteur de charge de la
future centrale. En outre, la nouvelle centrale devra recourir à des technologies plus
complexes et plus coûteuses, capables de s’adapter au caractère très variable de la
production d’énergies renouvelables.
La commission de régulation de l’énergie a estimé la majoration du coût du KWh
due à l’effet schéma pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie, soit le prix à
payer pour la priorité donnée à des combustibles plus vertueux, entre 2,1 et 3,9 F CFP par
KWh
109
.
Reste à déterminer comment sera répartie cette majoration de coûts. Cette question
a
été
évoquée
lors
d’une
réunion
tenue
au
siège
de
NCE
le
14 août 2019 en présence de NCE, la SLN et la direction de l’industrie, des mines et de
l’énergie de Nouvelle-Calédonie (DIMENC). La solution proposée était que la SLN ne paie
que le prix qui découlerait d’une centrale au gaz dimensionnée pour elle, et fonctionnant
entièrement pour elle.
Dans tous les cas, il y aura nécessairement une différence entre le prix payé par
ENERCAL à ses fournisseurs, à savoir NCE et les producteurs d’énergies renouvelables, et
le prix payé par la SLN à ENERCAL. Cette différence devrait être intégrée dans le système
tarifaire public, donc potentiellement augmenter les tarifs de l’électricité
110
.
107
Le facteur de charge d’une unité de production électrique est le ratio entre l’énergie qu’elle produit sur
une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite durant cette période si elle avait constamment fonctionné à
puissance nominale.
108
La production photovoltaïque se concentre entre 12 h 00 et 14 h 00 quand les besoins de la SLN se
situent à leur maximum entre 17 h 00 et 20 h 00.
109
CRE : expertise portant sur la PPI 2019/2030 de Nouvelle-Calédonie, Orientations sur le
dimensionnement de la centrale pays, 25/10/2018.
110
NCE : note de cadrage ref : NCE-CDI-RK-190814-A.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
52
Les revirements sur le type de centrale
Compte tenu de l’urgence affichée et de la taille réduite du projet, l’étude
CGEDD/CGEIET de 2016 recommande de faire appel à une technologie mûre et d’examiner
des solutions de préfabrication telles que les barges flottantes qui minimisent les risques de
retard et facilitent la réception clé en main.
La réalisation et la mise en exploitation de ce type de structures se révèlent moins chères
et plus rapides à mettre en œuvre. Néanmoins, cette solution est immédiatement écartée lors
des études de faisabilité lancées en 2019 et NCE retient le choix de construire deux
demi-centrales.
La solution sur barge
Bien que l’assistant à maîtrise d’ouvrage note que cette solution présente l’intérêt
majeur de ne pas nécessiter d’emprise foncière, elle est écartée par NCE car :
en conditions cycloniques, l’amarrage de cette installation sur un poste fixe ne
pourrait être garanti dans la grande rade de Nouméa, ce qui ne permettrait plus
d’assurer la disponibilité et la fiabilité du réseau électrique. Cette spécificité
technique correspond au besoin d’une alimentation en continue pour la centrale de
l’usine de Doniambo, ce qui implique des niveaux de redondance et de sécurisation
élevés, qui n’auraient pas été compatibles avec une solution sur barge ;
la localisation en pleine mer, qui aurait pu être envisageable, se heurte à la longueur
du câble d’alimentation à installer jusqu’à la passe d’Uitoé ;
ce type d’objet est habituellement construit dans un chantier spécifique (cale sèche
de grande taille, grue de manutention de gros colis, etc.) ce qui n’est pas possible à
intégrer dans le tissu industriel local en Nouvelle-Calédonie. Cet objet serait donc
réalisé en dehors de Nouvelle-Calédonie et ramené du chantier, prêt à être installé.
Les retombées locales seraient donc extrêmement limitées.
Le lancement d’un appel d’offres retenant une solution sur barge
Au vu des études de faisabilité et de conception commandées en 2019 qui proposent la
construction de deux demi-centrales, conduisant à la multiplication par deux du montant de
l’investissement, sans atteindre la cible de prix du KWh, NCE revoit le projet.
Durant le processus de l’appel à manifestation d’intérêts lancé en mars 2020, qui ouvrait
le champ du possible à toutes les solutions autres que celles utilisant le charbon et le fioul, les
propositions les plus conformes aux attentes exprimées en matière de coût du KWh émanaient
de projets de centrales préfabriquées sur barge ou lestées sur fond marin.
Aussi, revenant sur ses exigences techniques, NCE décide donc de lever les derniers
obstacles qui avaient conduit à écarter la solution sur barge. Ces derniers portaient sur la non-
garantie de disponibilité de l’alimentation électrique en période cyclonique et le risque qu’un
incident majeur sur une barge combinant stockage et production rende la centrale indisponible
pour une période indéterminée et enfin l’absence de retombées économiques locales.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
53
Ce revirement est consacré lors du comité de direction du 8 octobre 2020, à l’unanimité
de ses membres, NCE décide de lancer un appel d’offres restreignant la technologie à une
centrale sur barge ou lestée sur le fond marin
111
.
Ce dernier rend caduques les études commandées par NCE bâties sur une solution de
centrale sur terre. Si ce choix avait été acté en 2016 comme recommandé par le rapport
CGEDD/CGEIET, plus de trois ans et demi d’études et de réflexions auraient été économisés.
Une renonciation à conduire le projet
Le gouvernement et NCE recherchent une solution pour ne plus porter seuls ce projet.
Cette solution passerait par une évolution de la composition capitalistique de la société.
Selon son président, les appels d’offres préciseront qu’il sera attendu des entreprises
privées soumissionnaires, qu’elles montent au capital de la société et ce critère sera très
important dans la mise en concurrence
112
.
Le président de l’agence calédonienne de l’énergie, membre du gouvernement en charge
de l’énergie, indique quant à lui que faire porter la propriété de la centrale à NCE, et donc
indirectement à la Nouvelle-Calédonie, revient à signer la fin du projet, car la Nouvelle-
Calédonie ne dispose pas des ressources suffisantes.
Désormais, NCE cherche à identifier et à sélectionner les opérateurs économiques
disposant des capacités techniques, économiques et financières pour étudier, concevoir,
financer, construire, maintenir et exploiter une ou plusieurs installations de production
d’électricité pour remplacer la centrale B au prix le plus compétitif possible
113
.
La maîtrise d’ouvrage du projet a donc vocation à être confiée à un producteur
indépendant d’énergie (IPP)
114
.
Ce changement de stratégie n’a pas fait l’objet d’une analyse sur les risques et les
menaces, se limitant uniquement aux avantages et opportunités.
Les avantages identifiés étaient que le producteur indépendant d’énergie :
fournit les fonds nécessaires à la construction et l’opération de la centrale via des
emprunts et des fonds propres ;
supporte les risques de conception et de construction (retards et dépassement
budgétaire) ;
s’engage sur une date de démarrage pour la livraison d’électricité et paie des
pénalités en cas de retard ;
exploite à ses propres risques la centrale pour une période donnée et endosse les
dépassements budgétaires pour maintenance ou autre ;
111
NCE : délibération n°4, comité de direction du 8 octobre 2020.
112
NCE : comité de direction du 13 novembre 2019.
113
NCE : cahier des charges technique AMI – NCE-CR-2020-04.
114
NCE : dossier de presse – Point d’avancement du remplacement de la centrale de Doniambo,
4 juin 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
54
commence à recouvrer son investissement uniquement lorsque la centrale produit
de l’électricité ;
prédétermine les charges et rend les prix prévisibles via une formule de révision ;
prend tous les risques de diminution de revenus lorsque la centrale n’est pas en
opération ou que la production diminue, suivant les modalités contractuelles
convenues.
Cette présentation omet d’indiquer que le transfert de l’intégralité des risques
mentionnés sur le producteur indépendant d’énergie représente une charge qui sera intégrée
dans le prix final du KWh.
Ce choix est aussi porteur de risques et de menaces.
Ainsi, en confiant l’ensemble du projet à un producteur indépendant d’énergie absorbant
NCE, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se prive de la maîtrise de la conception, de la
réalisation, de l’exploitation et de la maintenance de la centrale. Dans ces conditions, il
perd sa
capacité à s’assurer :
d’une conception répondant parfaitement aux besoins de la SLN et de la distribution
publique ;
d’une réalisation conforme ;
d’une exploitation continue et respectueuse de la sécurité des riverains ;
d’une maintenance adaptée apte à garantir la pérennité de l’outil pour toute la durée
du contrat.
La chambre remarque qu’en cas de conflit, ou de simple désaccord sur la rémunération
du KWh, le producteur indépendant d’énergie pourrait interrompre la production, voire retirer
l’outil si c’est une centrale sur barge, condamnant immédiatement et irrémédiablement le site
de Doniambo et plongeant le réseau électrique calédonien dans l’instabilité.
La Nouvelle-Calédonie, en confiant la réalisation du projet à un producteur indépendant
d’énergie, renonce de fait à sa souveraineté énergétique, qui était pourtant un axe clé du projet
initial.
En outre, au vu du développement rapide et de la baisse des coûts des énergies
renouvelables et des solutions de stockage associées, la centrale pays sera amenée à terme à
jouer un rôle de simple système de secours pour le réseau électrique et n’aura plus de rôle
significatif de production d’énergie. Dans cette configuration, il vaudrait mieux que la centrale
pays soit la propriété d’une entité publique, qui pourra optimiser les dépenses de
fonctionnement, plutôt que la propriété d’une société de droit privé protégée par un contrat.
Malgré cette rupture stratégique majeure, notamment par rapport aux choix politiques
initiaux en matière de souveraineté et de transition énergétique, ce choix a été maintenu dans le
cadre de l’appel d’offres où il est indiqué que le candidat s’engage à reprendre l’intégralité des
parts de la société NCE.
Selon l’agence des participations de l’Etat, interrogée par la chambre sur les
conséquences éventuelles d’un changement de composition du capital de NCE, et de la sortie
de l’agence calédonienne de l’énergie désignée comme actionnaire de référence dans l’exposé
des motifs du projet de loi rectificative pour 2016, ce changement d’actionnariat n’aurait pas
de conséquence sur la capacité de l’Etat à octroyer sa garantie.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
55
Selon le président en fonction de la société, celle-ci s’est interrogée sur les conséquences
de son absorption par le producteur indépendant d’énergie retenu pour concevoir, construire et
exploiter la future centrale et notamment sur les conditions permettant à l’un ou plusieurs des
actionnaires actuels de continuer d’exercer un contrôle sur la réalisation du projet. A cet effet,
NCE a interrogé ses conseils qui ont indiqué que la maitrise du projet pourrait s’opérer :
en procédant à une cession échelonnée des actions, en fonction de l’avancement des
travaux de construction de la centrale pays, la cession intégrale des actions
intervenant au plus tard au jour de la mise en service de celle-ci ;
en détenant une ou plusieurs actions dites de préférence, conférant un droit de veto
qui pourrait concerner les décisions stratégiques à prendre pendant la phase de
réalisation du projet.
La chambre relève que ces modalités ne sont pas indiquées dans le cahier des charges
de l’appel d’offres et ne sont donc pas opposables au futur acquéreur de NCE.
Par ailleurs, le président de NCE indique que dans le cadre du contrat d’achat
d’électricité, la société ENERCAL pourra exercer un contrôle appuyé sur le respect des
engagements pris par le producteur indépendant d’énergie ayant absorbé NCE.
La chambre maintient que, dans le schéma d’une acquisition de la totalité de NCE par
un producteur indépendant d’énergie, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie perdra la
maitrise de ce projet qui avait une dimension « pays » et limitera son action à un simple contrôle
de la bonne exécution de ses obligations via ENERCAL, dans le cadre du contrat de fourniture
d’électricité.
L’incapacité à respecter son calendrier
Selon le premier planning présenté, NCE annonçait une décision finale d’investissement
fin 2019, une réception mécanique de la centrale fin 2021 et une réception définitive, avec mise
en production et raccordement au réseau fin 2022. Ce planning était déjà allongé par le choix
de relancer des études de faisabilité et de conception au lieu de lancer immédiatement un appel
d’offres pour une solution de centrale sur barge.
Au lancement de l’appel d’offres le 19 novembre 2020, le nouveau calendrier présenté
aux associés prévoit la réception des offres initiales en janvier 2021, la finalisation du contrat
et du pacte d’actionnaires avec le candidat retenu en septembre 2021.
Compte-tenu des délais de construction de la barge et de la délivrance des autorisations
d’exploitation, la livraison et la mise en service sont donc repoussées à la fin de l’année 2024,
voire le début de l’année 2025, soit huit ans après la création de NCE.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
56
DES INTERETS AFFIRMES QUE NCE N’ARRIVE PAS A
FEDERER
L’intérêt social d’une société est fondamental car il indique que la société a un intérêt
propre, distinct de celui de ses associés. Cette notion, qui a été construite au fil du temps par la
jurisprudence, se base sur l’article 1833 du code civil, qui prévoit que « Toute société doit avoir
un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ».
Aussi, il appartient à la présidence de NCE, voire au gouvernement, du fait de son poids
direct ou indirect au sein du comité de direction, de fédérer les intérêts des associés pour
constituer l’intérêt social de NCE.
En faisant le choix de conduire le projet par la recherche permanente du compromis
entre ses associés, NCE n’a pas permis de faire émerger une dynamique de projet commun. Au
contraire, il a conduit à la crispation périodique de chaque associé sur ses intérêts propres. La
mise en œuvre du projet s’en est trouvée contrariée. La remise en cause continuelle des choix
initiaux ayant prévalu à la conception du projet a conduit l’État, qui s’est fortement exposé
financièrement, à rappeler aux associés et au gouvernement les fondamentaux qui ont prévalu
à son engagement.
La première directrice de projet de NCE avait perçu la difficulté à concilier ces intérêts
contradictoires, sentiment confirmé en 2020 par le président en fonctions
115
. A cet effet, elle
avait proposé que soit approuvée en amont du pacte d’associés à venir une déclaration d’intérêts
communs autour de la survie de la SLN, avec un engagement sur un calendrier, et du bénéfice
attendu pour le réseau public d’électricité calédonien
116
. Cette proposition restera sans suite.
La SLN
La SLN, en sa qualité de client final attend de ce projet, conçu en grande partie pour
elle, qu’il lui permette de retrouver, par une baisse significative du coût de l’énergie que
produira la centrale pays, une compétitivité sur le marché du ferro-nickel.
Aussi, les arbitrages réalisés sur le choix du combustible, le dimensionnement de la
centrale, la nécessité d’avoir une technologie permettant un effacement devant les énergies
renouvelables, génèrent des surcoûts significatifs qu’il sera délicat de faire supporter à
l’industriel, sauf à prendre le risque de dégrader son coût de production final et à compromettre
la pérennité de son activité.
115
Intervention du président de NCE lors du comité de direction, 9 mars 2020.
116
NCE : comité de direction du 22 décembre 2017.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
57
Une mise à disposition régulière de moyens pour encadrer au mieux le projet
Dès le début du projet de centrale « pays », la SLN se montre proactive car la réussite
de ce projet est l’un des piliers de son plan de relance.
Ainsi, la SLN consent une avance de trésorerie de 280 M F CFP pour permettre à NCE
de disposer de fonds suffisants pour démarrer de nouvelles études. En cela, elle entend s’assurer
de la mise en œuvre sans délai du projet.
Par ailleurs, la SLN et ERAMET mobilisent leurs réseaux en matière de ressources
humaines pour rechercher une personne présentant le meilleur profil pour occuper les fonctions,
répondant à la demande du président de NCE. Ce dernier estimait que l’une des clefs de la
réussite de cet investissement était que le groupe ERAMET et la SLN soient parfaitement
convaincus de la pertinence des choix techniques et économiques effectués par NCE.
La direction d’ERAMET propose alors de mettre à disposition gracieusement un cadre
expérimenté de son groupe pour exercer les fonctions de directeur de projet. Ce dernier qui
devait prendre ses fonctions en mai 2018, commence à travailler à distance sur le dossier dès
novembre 2017 en vue d’anticiper la constitution d’une équipe technique et de ne pas perdre de
temps dans le démarrage du projet
117
. Même s’il est placé sous l’autorité du président de NCE,
il rend compte de l’avancement du dossier à la direction d’ERAMET.
Dans cette même logique, la SLN mettra de nouveau à disposition à titre gracieux l’un
de ses cadres en octobre 2020 pour rejoindre l’équipe opérationnelle
118
. Présentée comme un
accompagnement technique, cette mise à disposition constitue surtout l’occasion pour la SLN,
à la suite de l’appel à manifestation d’intérêts dont l’analyse a été abandonnée, de communiquer
avec les candidats pour voir quels seraient les leviers à activer pour réduire le coût du KWh.
Les attentes de la SLN
En sa qualité d’industriel présent sur un marché concurrentiel, soumis à de fortes
variations des cours, la SLN est attentive à la maîtrise de l’ensemble de ses coûts et notamment
celui de son énergie car il représente le quart du coût de son produit final.
Aussi, dès les premières difficultés rencontrées en 2015, la SLN a inscrit comme
objectif, dans ses plans de relance successifs, une baisse de sa facture énergétique, bien qu’elle
ne dispose pas de leviers pour l’atteindre.
Elle sait, à partir des études qu’elle a pu mener, que si l’investissement initial est plus
conséquent pour une centrale au charbon, son coût de fonctionnement et le prix du KWh sont
bien plus réduits qu’une centrale au gaz. Même avec une défiscalisation, un KWh produit par
une centrale au charbon sera toujours moins cher qu’un KWh produit au gaz.
Dès la publication du rapport EDF-PEI en septembre 2016, la SLN et ERAMET ont
analysé avec une grande attention son contenu qui affirmait qu’une centrale fonctionnant au
gaz est techniquement et économiquement la meilleure solution pour la Nouvelle-Calédonie.
117
SLN : compte-rendu du conseil d’administration du 16 novembre 2017.
118
NCE : procès-verbal du conseil d’administration du 8 octobre 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
58
Aussi, le 26 octobre 2016, le directeur général de la SLN adressait un courrier
119
au directeur
général de ENERCAL, commanditaire l’étude EDF-PEI, pour lui indiquer qu’
« il constate que
le coût de production du KWh de la centrale tel que calculé par EDF
120
ne semble pas
compatible avec un prix d’électricité permettant d’apporter l’amélioration du cash-cost
nécessaire au maintien de la compétitivité de la SLN sur le long terme »
121
.
En cela, le projet, tel qu’il est construit, ne semble pas de nature à répondre aux attentes
de la SLN, qui est pourtant désignée comme le principal bénéficiaire.
Néanmoins, la SLN indique dans ce courrier que cette valeur peut être revue à la baisse
notamment en prenant en compte la solution d’une centrale sur barge, préconisée par l’étude
menée en 2016 conjointement par le CGEDD et le CGEIET.
ENERCAL
ENERCAL, société d’économie mixte de la Nouvelle-Calédonie
122
est tout à la fois :
un producteur d’électricité ;
le gestionnaire du réseau de transport et du système électrique calédonien ;
un distributeur d’électricité.
Si les équipes de ENERCAL se sont investies lors de la mise en route de NCE, elles se
sont effacées devant la reprise en main des dossiers par l’équipe technique de NCE.
Ecartée progressivement du futur contrat d’exploitation et de maintenance (O&M)
123
,
ENERCAL voit, en outre, le projet de centrale contrarier ses intérêts de producteur en menaçant
le devenir de la centrale électrique de Prony, détenue par sa filiale Prony Énergies. Après avoir
défendu la sortie de la distribution publique du projet de centrale pays, et le raccordement direct
de la future centrale à l’usine de la SLN, elle rebondit en construisant un projet concurrent.
Une focalisation sur le contrat d’exploitation et de maintenance
Dès la création de NCE, ENERCAL s’est focalisée sur le contrat d’exploitation et de
maintenance dont elle a souhaité s’assurer l’attribution, comme cela avait été envisagé dans les
projets de remplacement de la centrale B conduits par la SLN. A cet effet, un projet de MOU
124
entre NCE et ENERCAL est établi par le comité de pilotage de NCE dès 2017, soit quand NCE
119
SLN : courrier référencé-DG-964-16.
120
Selon l’étude Doniambo 2016 réalisée par EDF-PEI, le coût complet de production pour un KWh
produit par une centrale au gaz située à Nouméa s’élèverait à 12,3 F CFP (+/- 10 %) pour un cours du Brent à
50 USD/bbl et à 15,7 F CFP (+/- 10 %) pour un cours du Brent à 80 USD/bbl.
121
Les termes sont soulignés dans le courrier.
122
Voir le rapport d’observations définitives de la chambre sur ENERCAL publié le 28 décembre 2020
123
Contrat Opération et Maintenance ou Exploitation et Maintenance.
124
MOU : Memorandum of Understanding. C’est un type d'accord qui exprime une convergence de
volonté n'impliquant pas d'engagement juridique. En l’espèce, il aurait permis à ENERCAL et à NCE de travailler
de manière plus étroite sur la conception de la centrale afin d’optimiser les conditions de sa maintenance.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
59
n’était encore qu’une filiale de ENERCAL. L’objectif était de garantir un avenir aux employés
d’ENERCAL opérant dans la centrale B par la poursuite de leur activité au sein de la centrale
pays. Or, le souhait rappelé par le ministre de l’économie et des finances d’organiser une mise
en concurrence pour l’ensemble des contrats passés par NCE a éloigné la possibilité pour
ENERCAL d’être un « offreur préférentiel ».
Face au risque de tension sociale lié à l’incertitude du devenir des employés
d’ENERCAL en charge de la maintenance et de l’exploitation de la centrale B, ENERCAL a
demandé et obtenu que l’appel impose aux candidats qu'ils reprennent tout ou partie du
personnel de la centrale B
125
.
Un projet de centrale pays qui contrarie ses intérêts de producteur d’électricité
En sa qualité de gestionnaire du réseau, ENERCAL produit ou commande régulièrement
des études sur l’évolution de l’offre et la demande d’électricité. Les éléments d’analyse établis
par ENERCAL sont remis ensuite au gouvernement pour lui permettre d’établir un plan
pluriannuel d’investissements visant à garantir la stabilité du système électrique.
Interrogée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur la pertinence de son plan
pluriannuel d’investissement, la commission de régulation de l’énergie attirait dès 2018
l’attention sur le risque de surproduction des moyens de production de base
126
.
Compte-tenu du ralentissement de la consommation publique et du fort développement
des énergies renouvelables, le système électrique calédonien, intégrant la centrale pays, se
trouverait à court terme dans une situation de surcapacité croissante de production électrique.
Deux solutions s’offrent alors :
soit la réduction de la puissance de la future centrale pays, pour accroitre son taux
de charge ;
soit la mise en sommeil ou l’abandon d’un moyen de production de base existant,
moins vertueux d’un point de vue environnemental, soit présentant un coût de
production marginal plus élevé que la future centrale pays.
Devant ce choix, le président de NCE, adresse le 5 septembre 2019 un courrier au
directeur général de ENERCAL
127
lui indiquant que « le coût marginal de la centrale pays au
GNL sera inférieur d’au moins 1 F CFP/kWh à celui de la centrale au charbon de Prony [détenue
par Prony-Energies
128
, filiale à 75% de ENERCAL], ce qui pourrait rendre intéressant de
moduler la production de cette dernière plutôt que celle de la centrale pays ». Il l’informe qu’il
mandate l’assistant à maîtrise d’ouvrage pour qu’il modifie les études en cours en intégrant
dans son hypothèse de travail la fermeture d’une tranche de la centrale de Prony.
125
NCE : comité de direction du 8 octobre 2020 – décision unanime.
126
CRE : expertise portant sur la PPI 2019/2030 de Nouvelle-Calédonie, Orientations sur le
dimensionnement de la centrale pays, 25/10/2018.
127
NCE : courrier du 5 septembre 2019 – Ref : NCE-ECA-RK 19905.
128
Prony Energies est la société de projet qui a piloté la construction de la centrale électrique située en
baie de Prony, fonctionnant au charbon et alimentant en tant que moyen de base VALE NC et la distribution
publique. Son capital est réparti entre ENERCAL (75%) et Engie (25%).
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
60
A l’appui de cette décision, il liste les avantages qu’il entrevoit grâce à cette nouvelle
organisation de la production électrique calédonienne. Selon le président de NCE, cette solution
nouvelle devrait résoudre le problème du surdimensionnement de la production et redonner à
la centrale pays un taux de charge plus élevé, permettant « de retrouver des conditions correctes
d’amortissement des coûts d’investissement ». « Cette solution induirait aussi des gains
environnementaux considérables » et « faciliterait le placement des énergies renouvelables ».
Dans cette configuration, la part de la production de la centrale pays destinée à la
distribution publique passerait de 20 à 40 %.
Il conclut en indiquant que ce nouveau dimensionnement de la centrale pays
« bouleverserait en profondeur le système électrique calédonien, au point qu’il doit revenir au
gouvernement de la valider ».
Cette solution lèse les intérêts d’ENERCAL en condamnant l’un de ses outils de
production bien avant qu’il ne soit amorti.
Selon le directeur général d’ENERCAL, il n’a pas été démontré que le coût marginal de
la future centrale pays serait plus faible que celui de la centrale de Prony.
Malgré l’intérêt que peut présenter la fermeture d’une tranche de la centrale de Prony
pour le projet de centrale pays, cette solution ne fera pas l’objet de l’arbitrage attendu.
La construction d’un projet « parallèle » par une filiale de ENERCAL
La présentation du projet « parallèle »
Devant la menace que fait peser la construction de la centrale pays sur le devenir de la
centrale de Prony, ENERCAL élabore, via sa filiale Prony-Energies, un projet alternatif pour
le renouvellement de la centrale de Doniambo. Il est présenté en octobre 2020 au gouvernement,
à la SLN et le 12 novembre au comité de direction de NCE.
Décrit comme un projet qui n’est pas forcément concurrent mais « qui est à côté », il a
néanmoins pour ambition de faire l’objet d’une comparaison de ses avantages et inconvénients
avec le projet porté par NCE.
Ce projet nommé « Prony 2.0 » prévoit la transformation et l’extension de la centrale
actuelle située en baie de Prony, au sud de la commune de Mont Dore. Les chaudières existantes
seraient converties pour fonctionner au gaz et une troisième tranche de 150 MW fonctionnant
également au gaz serait construite. En outre, une unité de stockage au gaz, de type FSRU
129
,
serait amarrée dans la baie.
Selon le directeur général d’ENERCAL, le projet serait viable au regard du coût du kWh
qu’il est susceptible de produire, mais aussi par comparaison au projet conduit par NCE
130
.
129
FSRU (de l’anglais Floating Storage Regasification Unit) est un terminal gazier flottant sur lequel
viennent s’amarrer les méthaniers. Le gaz naturel liquéfié y est temporairement stocké avant d’être remis sous
forme gazeuse.
130
NCE : comité de direction du 12 novembre 2020, présentation du projet Prony 2.0 par le directeur
général d’Enercal.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
61
Sa présentation reçoit un accueil favorable de la part de la SLN et des représentants de
l’agence calédonienne de l’énergie ainsi que du gouvernement. Cependant, le représentant de
l’Etat fait remarquer que par sa nature et sa localisation, il n’entre pas dans le cadre d’un
engagement qu’a pris l’Etat en termes de garantie financière et de défiscalisation
131
.
Les risques liés à une rupture d’égalité
NCE se trouve donc confrontée à une situation inédite où l’un de ses principaux associés
construit un projet concurrent. Siégeant à son comité de direction, il dispose librement de ce
fait de toutes les études techniques engagées depuis l’origine. En outre, ENERCAL se retrouve
à participer à la définition et la mise en œuvre d’une stratégie concurrente de la sienne.
Dans une note juridique détaillée
132
, le cabinet d’avocats accompagnant NCE indique
que sauf à s’exposer aux risques liés à une rupture d’égalité entre les participants à l’appel
d’offres lancé par NCE, il est indispensable qu’ENERCAL :
ne participe pas à l’élaboration des règles de l’appel d’offres, y compris pour le
cahier des charges ;
ne dispose pas d’informations qui ne seraient pas mises à disposition des autres
candidats ;
ne participe pas au processus de sélection.
Il continue en préconisant qu’ENERCAL, via ses représentants, ne siège plus au comité
de direction de NCE.
Néanmoins, en sa qualité d’associée, même si ENERCAL n’assiste pas aux comités de
direction, elle dispose des comptes rendus et des dossiers de séance, ce qui lui permet de détenir
des éléments auxquels les participants à l’appel d’offres n’auront pas accès et de prendre
connaissance de l’état d’avancement de l’appel d’offres.
Les conséquences sur le fonctionnement de NCE
La note relative aux risques de rupture d’égalité sera présentée en comité de direction
de NCE et amènera ENERCAL à prendre la décision de ne plus y siéger
133
.
Pourtant, ENERCAL, en sa qualité de gestionnaire du réseau doit avoir vocation à
analyser les offres remises par les candidats pour s’assurer que les solutions techniques
proposées sont compatibles avec :
l’effacement attendu devant les énergies renouvelables ;
les attendus en terme de stabilisation du réseau ;
les courbes de consommations cumulées de l’industriel et de la distribution
publique.
131
NCE : comité de direction du 12 novembre 2020, intervention du secrétaire général du Haut-
commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.
132
NCE : comité de direction du 28 octobre 2020, point n°3.
133
ENERCAL : courrier du 18 novembre 2020 adressé au président de NCE (ref : JFG/ST n°2020-029).
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
62
C’est donc sans l’analyse du gestionnaire de réseau (ou avec une analyse qui pourrait
être biaisée) que pourrait être faite la sélection des soumissionnaires à l’appel d’offres.
Par ailleurs, se pose la question de la négociation du contrat d’achat d’électricité où la
présence d’ENERCAL est incontournable sans aucune garantie d’impartialité.
En dernier lieu, l’absence de ENERCAL du comité de direction, où elle détenait deux
sièges est préjudiciable au fonctionnement même de la société NCE, puisque les intérêts de la
distribution publique et du réseau ne seront plus représentés, laissant s’installer un face à face
entre le gouvernement et la SLN.
Selon le président actuellement en fonctions :
la société ENERCAL, au vu des recommandations des conseils de NCE saisis de
cette question, qui concernait tant les aspects de droit des sociétés et de droit de la
concurrence que les règles de l’appel d’offres en cours, a pris dans un premier temps
la décision de ne plus siéger au comité de direction ;
consciente des risques de dysfonctionnement que cette décision pourrait à terme
entraîner pour
son
fonctionnement,
NCE
a,
toujours
sur
la base
des
recommandations de ses conseils, décidé de mettre en place une commission de
projet, dont l’objet sera d’instruire et de suivre le processus d’appel d’offres ;
la mise en place de cette commission, au sein de laquelle la société ENERCAL ne
siègerait pas, occasionnera des modifications statutaires.
NCE annonce que le projet de modification de ses statuts devrait être présenté lors de
sa prochaine assemblée générale et que l’ensemble des actionnaires auraient donné leur accord
à ces modifications, y compris la société ENERCAL. A cette occasion, NCE intègrerait dans
ces modifications statutaires des dispositions renforçant les obligations de confidentialité
incombant aux actionnaires et à leurs représentants.
Dans l’attente de l’adoption de ses nouveaux statuts et de la mise en place de la
commission de projet, le comité de direction a constitué un groupe de travail, dont la société
ENERCAL ne fait pas partie, pour poursuivre le processus d’appel d’offres tout en préservant,
vis-à-vis de la société ENERCAL, la confidentialité attachée aux informations y afférentes.
NCE annonce la mise en place de dispositifs tendant à assurer une étanchéité entre les
projets Centrale Pays et Prony 2.0. Ils devraient permettre que la société ENERCAL ne puisse
ni interférer sur le déroulement et l'issue de l'appel d'offres de la centrale pays, ni favoriser son
projet Prony 2.0. Dans cette configuration, ENERCAL ne devrait pas disposer d'informations
privilégiées sur la procédure et les résultats de l’appel d'offres qui seraient de nature à
l’avantager.
Selon le directeur général d’ENERCAL, maintenant que serait écarté le risque de conflit
d’intérêts par la création d’une commission ad-hoc pour traiter l’appel d’offre à laquelle
ENERCAL ne participe pas, ENERCAL participerait aux comités de direction puisque les
données confidentielles liées à l’appel d’offres n’y seraient pas traitées.
ENERCAL indique, en sa qualité de gestionnaire du réseau, avoir transmis les exigences
d’exploitation et de raccordement de la future centrale pour qu’elles puissent être
communiquées aux soumissionnaires à l’appel d’offres.
Concernant le futur contrat à établir entre le producteur indépendant d’énergie qui
absorbera NCE, en sa qualité de producteur d’électricité, et ENERCAL, qui sera son unique
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
63
client, le directeur général de ENERCAL précise qu’un cadre de référence aurait été élaboré
avec la SLN.
La chambre prend note des précautions prises par NCE et par ENERCAL.
Le gouvernement et l’agence calédonienne de l’énergie
L’agence
calédonienne
de
l’énergie
est
un
établissement
public
de
la
Nouvelle-Calédonie créé pour piloter la mise en œuvre des actions découlant du schéma pour
la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie (STENC).
Au travers de l’article 3 de la délibération n°222 du 12 janvier 2017, portant création de
l’agence calédonienne de l’énergie, l’agence dispose d’une feuille de route qui comprend un
axe intitulé « contribution au financement d’installations de production électriques compatibles
avec le STENC », ce qui correspond au projet de la centrale pays.
Ses administrateurs sont nommés par le gouvernement et représentent la diversité des
formations politiques calédoniennes.
Ils nomment à leur tour les quatre administrateurs amenés à siéger au sein du comité de
direction de NCE tout en respectant le principe de la représentation de plusieurs formations
politiques.
Les quatre administrateurs nommés disposent de la majorité absolue des voix au sein du
comité de direction. Les administrateurs représentant l’agence ont donc toute capacité à orienter
le projet et à réaliser les arbitrages
134
.
Le gouvernement, représenté via les administrateurs désignés par l’agence, l’est
également via les deux administrateurs d’ENERCAL, société d’économie mixte détenue en
majorité par la Nouvelle-Calédonie. Il est donc le véritable porteur du projet, apte à définir sa
trajectoire et à garantir sa réalisation pour la satisfaction de l’intérêt général.
Même fort de cette position au sein du comité, le gouvernement et l’agence
calédonienne de l’énergie n’ont pas réussi à s’imposer comme pilote du projet, laissant
ENERCAL s’éloigner du projet et construire un projet concurrent. Enfin, face aux incertitudes
sur l’avenir du site et à l’absence d’engagement du groupe ERAMET, tout en continuant à
mener le projet, le gouvernement exprime ouvertement ses doutes et prône des solutions
alternatives qui ne répondent plus à l’objet social de NCE.
Le site de Doniambo
Afin de se prémunir du risque d’une cessation de paiement ou du retrait de la
maison-mère de la SLN, amenant à une fermeture du site, le gouvernement a tenté de solliciter
directement auprès d’ERAMET la garantie d’achat de la production de la centrale pays. Aussi
lors du comité de direction du 13 novembre 2019, le président de NCE soulignait qu’un
134
Selon le président de l’agence calédonienne de l’énergie, dans un souci de cohérence, les quatre
administrateurs sont réunis avant chaque comité de direction de NCE.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
64
engagement dans quelques investissements que ce soit, sans avoir derrière soi un contrat sur le
long terme de rachat d’électricité, mettrait la société NCE en péril. A cette même séance, le
président de l’agence calédonienne de l’énergie précisait que pour construire la centrale, la
Nouvelle-Calédonie demandait un engagement à long terme de la part de la société ERAMET
pour permettre d’obtenir les concours bancaires. La société ERAMET a répondu que ce n’était
pas possible car cela revenait à inclure un investissement dans les comptes de la société
135
. En
cela, ERAMET et la SLN s’en tiennent aux engagements pris par le Premier ministre lors de
son discours du 29 avril 2016 qui parlait d’une solution alternative qui ne pèse pas sur les
comptes d’ERAMET.
Devant le refus d’engagement d’ERAMET, la stratégie du gouvernement et de NCE
évolue pour diminuer le risque inhérent au projet, avec dans un premier temps la recherche de
l’investissement le moins élevé, puis dans un deuxième temps, la recherche d’un producteur
indépendant d’énergie (IPP) qui prendrait le relais.
Selon une information rendue publique, le 2 septembre 2020, le directeur général de la
SLN dépose une demande auprès du tribunal de commerce de Nouméa visant à désigner un
mandataire ad-hoc chargé d’aider l’entreprise à résoudre ses difficultés
136
.
Le souhait de se sortir d’un projet « mal engagé »
Nouvellement élu, le troisième président de NCE, déclarait le 18 novembre 2019 aux
Nouvelles Calédoniennes ne pas savoir comment la centrale pays pouvait être financée par
NCE, alors que son actionnariat est composé à 90% par la puissance publique. « Nous ne
souhaitons pas –c’est-à-dire (…) la société NCE, et surtout le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie – porter ce projet tout seuls ». Il affirme qu’il attend une montée au capital
de NCE par des investisseurs privés souscrivant à l’appel d’offres pour pouvoir se
désengager
137
.
Ce choix est confirmé par le président de l’agence calédonienne de l’énergie, également
membre du gouvernement en charge de l’énergie qui annonce que des directives ont été données
aux représentants de l’agence au sein de NCE pour qu’un appel à manifestation d’intérêts soit
lancé afin de céder le projet à un opérateur privé qui puisse financer lui-même la centrale et
l’exploiter en lien avec la SLN
138
.
Concernant le pilotage du projet, il déplore que beaucoup de retard ait déjà été pris ces
dernières années, ce qui doit interroger le gouvernement sur la capacité de NCE à porter le
projet. Il estime que ce projet est mal engagé dès le début et qu’il aurait dû être porté soit par
ENERCAL, soit par la SLN directement. Selon lui, cela aurait permis d’avancer plus
rapidement. Par ailleurs, l’annonce d’ENERCAL relative aux moindre besoins de la distribution
publique poserait même la question de la poursuite de NCE dans sa forme actuelle.
135
NCE, conseil d’administration du 13 novembre 2019.
136
France TV info : « Nickel : Hélène Bourbouloux, mandataire ad hoc, au chevet de la SLN ».
137
Les
Nouvelles
Calédoniennes :
Entretien
avec
Brieuc
Frogier,
président
de
Nouvelle-Calédonie Energie, 18 novembre 2019.
138
Les Nouvelles Calédoniennes, mercredi 8 juillet 2020, page 3.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
65
Un rôle et une place de la centrale pays non définis dans le paysage énergétique
calédonien
L’objectif du schéma pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie
d’alimenter à 100 % la consommation de la distribution publique à partir d’électricité d’origine
renouvelable implique un développement massif des filières d’énergies renouvelables, ce qui
pose des enjeux technico-économiques considérables pour le système électrique tant pour
l’équilibre et le coût du système que pour le dimensionnement de la centrale
139
.
L’apport d’une production d’énergie fatale
140
importante pose la question de
l’écoulement de la production d’énergies renouvelables excédentaire et des coûts induits pour
la collectivité, notamment si les producteurs de photovoltaïque sont compensés pour l’énergie
non produite en cas de déconnexion de leurs moyens.
La part importante et croissante de la production d’énergies renouvelables dans le mix
énergétique calédonien rend celui-ci tributaire de l’abondance des productibles
141
, par nature
incertains et variant d’année en année. De ce fait, le parc thermique doit être dimensionné de
manière à pouvoir prendre le relais des énergies renouvelables dans les années où la production
est faible.
Au-delà du problème de la stabilité du réseau du fait de la très forte variabilité de la
production photovoltaïque et de la valorisation des volumes d’énergie fatale excédentaire,
l’enjeu est de déterminer la place de la centrale pays dans ce paysage. En effet, cette dernière
ne peut être à la fois le principal moyen de production de base, un moyen de production de
modulation et un moyen de production de secours. Aucune technologie n’est en capacité de
répondre à ces trois besoins. C’est pourquoi il est indispensable que le gouvernement détermine
le rôle et la place attendus de cette centrale dans le paysage énergétique calédonien car la
répartition et la cadence de développement des différentes filières de production électrique
relèvent de sa compétence.
L’absence de visibilité sur la trajectoire du développement des énergies renouvelables,
dont la mise en production s’accélère et dépasse les prévisions, ne permet pas de définir
clairement les choix technologiques les mieux adaptés pour la centrale. Elle constitue l’un des
facteurs ayant conduit aux errements dans la conduite du projet.
La sollicitation de l’Etat par le gouvernement et NCE pour une mise en œuvre
de projets alternatifs défiscalisés
Malgré le scepticisme du gestionnaire du réseau public d’électricité calédonien
ENERCAL, le 16
ème
gouvernement promeut une solution avec une production sous forme
d’énergies renouvelables (EnR), alors que tous les rapports produits rejettent cette solution
décrite comme incapable de répondre aux besoins de la SLN.
139
CRE : Expertise portant sur la PPI 2019-2030 de Nouvelle-Calédonie, 25 octobre 2018.
140
L’énergie fatale est une énergie non stockable qui est perdue si on ne l’utilise pas au moment où elle
est disponible.
141
Quantité d’énergie susceptible d’être produite, dépendant notamment des conditions météorologiques.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
66
Néanmoins, le président du gouvernement, le membre du gouvernement en charge de
l’économie, et le président de NCE sollicitent l’Etat pour obtenir une modification des règles
de défiscalisation afin de favoriser l’émergence d’une solution « tout EnR ».
Dans un courrier adressé au ministre délégué en charge des comptes publics
142
, le
président de NCE déplore que la défiscalisation outre-mer exclue le volet solaire d’une
éventuelle alimentation. Selon lui, cela conduirait à un regrettable paradoxe puisque qu’une
solution 100 % thermique pourrait être favorisée au détriment à la fois du respect des objectifs
de l’accord de Paris et de la compétitivité de la SLN. Il sollicite à cet effet de corriger ce
paradoxe par une modification législative.
De son côté, le président du gouvernement adresse le 10 septembre 2020 un courrier au
Premier ministre pour soutenir la démarche du président de NCE dans sa demande de
modification législative
143
.
Le membre du gouvernement en charge de l’énergie interpelle également le ministre des
outre-mer pour lui faire part de l’émergence d’une deuxième option basée sur un mix
photovoltaïque associé à des batteries, voire une station de transfert d’énergie par pompage. Il
indique que cette option suppose qu’elle puisse être financée dans les mêmes conditions qu’une
centrale au gaz, à travers une modification de la législation sur la défiscalisation
144
.
Ces courriers recevront une réponse via le haut-commissaire de la République en
Nouvelle-Calédonie
rappelant les fondamentaux du projet initial construit par la
Nouvelle-Calédonie
145
, sur lesquels l’Etat s’est engagé, à savoir une centrale au gaz d’une
puissance de 200 MW mutualisant les besoins de la SLN et ceux de la distribution publique.
L’Etat appelle au recentrage du projet sur ses fondamentaux
Depuis vingt ans, l’Etat apporte un soutien constant aux entreprises métallurgiques de
la Nouvelle-Calédonie. Il a ainsi accordé un prêt en urgence en 2016 à la SLN, complété par
l’octroi d’une garantie pour financer la centrale pays. Au-delà de ces aides financières directes,
l’Etat est également sollicité pour mettre en place un mécanisme de défiscalisation complexe
au profit de la centrale pays, mécanisme qui représente une charge financière et administrative
significative pour une efficacité économique jugée incertaine et une exposition élevée au risque
de fraude
146
.
Avant le démarrage du projet, le ministre de l’économie et des finances, indiquait, dans
un courrier adressé au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ce qui lui semblait
de nature à permettre la réussite du projet, à savoir :
142
NCE : courrier du 20 juillet 2020 réf : NCE-MEF-PK-200720
143
Courrier du président du gouvernement en date du 10 septembre 2020 n° CS20-7000-000173.
144
Courrier en date du 10 septembre 2020. Ref : CS 20-7200-0030.
145
Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie : courrier en date du 24 août 2020 adressé
au président de NCE.
146
Cour des comptes : Vingt ans de soutien financier de l’Etat à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie ;
3 janvier 2020.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
67
s’appuyer sur des professionnels expérimentés du financement de projet pour
accompagner le projet dans ses principales étapes ;
mettre en place un comité de pilotage au niveau technique, afin de tenir informées
les différentes parties intéressées, notamment l’agence calédonienne de l’énergie,
ENERCAL, la SLN et l’État ;
avoir recours à des appels d’offres ouverts pour bénéficier de coûts compétitifs et
pour rassurer les prêteurs quant à la robustesse des contrats passés
147
.
L’exigence d’un droit d’information directe
Au regard de sa forte exposition dans le dossier
148
et des informations parcellaires dont
pouvait disposer l’État sur l’avancée du projet, par ailleurs actionnaire d’ERAMET, le
commissaire aux participations de l’État adresse un courrier le 21 janvier 2019 au président de
NCE pour que l’État soit associé à la gouvernance du projet en étant membre de droit du comité
de direction, sans voix délibérative. Après avoir tergiversé, NCE prendra en compte cette
demande (voir 4.1.2).
Ce courrier souligne aussi les lenteurs constatées et indique que des progrès rapides dans
la mise en œuvre de ce projet sont indispensables.
Au vu des projets alternatifs étudiés, il rappelle enfin que les conditions fixées dans le
cadre de l’exposé des motifs de la loi de finances rectificatives pour 2016, qu’il s’agisse de la
capacité de production de la centrale, de l’alimentation en gaz, ou des modalités de mise en
concurrence, devront en outre être pleinement respectées.
Un rappel au recentrage du projet
Siégeant au comité de direction de NCE, l’État est régulièrement informé par le
haut-commissaire ou son représentant, de l’avancée du dossier.
Constatant les errements dans la conduite du projet, le haut-commissaire adresse un
courrier le 24 août 2020 au président de NCE pour préciser à nouveau que la garantie de l’Etat
couvre les emprunts affectés au financement des études et des travaux de construction d’une
centrale électrique d’une puissance d’au moins 200 MW, située à Nouméa, qui conformément
aux éléments qui ont été transmis par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie fonctionnera
au gaz.
Il rappelle également que ce choix technologique a été réaffirmé par le Premier ministre
le 10 octobre 2019 dans le cadre du 19
ème
comité des signataires
149
.
147
Courrier en date du 28 octobre 2016.
148
L’État a accordé en 2016 un prêt de 200 M EUR (23 Md F CFP) à la SLN en substitution de la société
territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI). Il contribue par ailleurs indirectement, au travers
de sa participation dans ERAMET au prêt de 325 M EUR (38 Md F CFP) accordé à la SLN.
149
Le Premier ministre, confirmant le soutien de l’Etat au plan de sauvetage de la SLN, avait appelé à « la
création la plus rapide possible de la future centrale au gaz à Doniambo ».
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
68
Le courrier cite ensuite la réponse du Premier ministre au référé de la Cour des
comptes
150
en précisant que les discussions à propos de l’évolution de la part des énergies
renouvelables dans le mix énergétique calédonien constituent un élément légitime de la
réflexion des autorités calédoniennes, sans pour autant devoir conduire à différer le lancement
de la procédure de mise en concurrence de la centrale gaz. Pour la suite, il conviendrait que le
cahier des charges définitif retienne des critères précis de nature à permettre le succès de la
centrale :
une technologie gaz ;
une couverture suffisante du besoin en énergie de la SLN (soit 1 300 à 1 400 GWh
par an) ;
une diminution des coûts de fourniture d’électricité en ligne avec l’objectif de baisse
du prix du KWh payé par la SLN de l’ordre de 30 % (soit un prix de l’électricité
inférieur à 10 F CFP par KWh dans l’hypothèse d’un prix du baril de 60 USD)
évoqué lors des discussions ayant conduit à la création de NCE ;
une mise en œuvre rapide.
En conclusion, le haut-commissaire demande l’inscription d’une discussion sur ce
courrier au prochain comité de direction et que soient prises sans délai les décisions attendues
sur la suite du processus de sélection des candidats susceptibles de construire rapidement la
centrale gaz.
Ce recadrage ferme rappelle les fondamentaux : le projet de centrale pays est un projet
qui a été initié par la Nouvelle-Calédonie et pour la Nouvelle-Calédonie, selon des modalités
(choix du combustible, puissance de la centrale, montant prévisionnel de l’investissement,
localisation) qu’elle a elle-même arrêtées pour que l’État puisse intervenir en apportant sa
garantie.
En dernier lieu, lors du comité de direction du 29 juillet 2020, le haut-commissaire
rappelait que si l’objet devait évoluer, y compris pour des raisons de choix stratégique de la
Nouvelle-Calédonie sur son orientation énergétique, la garantie de l’Etat ne serait pas
transposable ipso facto. Cela nécessitera l’ouverture d’un nouveau dialogue sur de nouvelles
garanties qui seraient appelées auprès de l’Etat, sous réserve de leur approbation par le
Parlement.
La présidence de NCE
Au-delà de la conduite du projet, marquée par un pilotage défaillant, NCE ne parvient
pas imposer un mode de fonctionnement efficient.
Ainsi, sous la pression de ses associés, NCE lance un appel à manifestation d’intérêts
sans fixer en amont les règles d’évaluation des candidats, ne procède pas à une analyse complète
de ses résultats et lance ensuite un appel d’offres ne permettant pas de recueillir des réponses
fermes et engageantes de la part des soumissionnaires.
150
Réponse en date du 24 avril 2020.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
69
L’absence d’arbitrage de NCE
La présidence de NCE n’a pas réalisé les arbitrages attendus dans ce type de projet.
Pourtant, les rapports CGEDD/CGEIET et de la commission de régulation de l’énergie
indiquaient bien la nécessité d’un pilotage politique et technique fort en raison des divergences
d’intérêts entre les associés et du caractère complexe d’une centrale pays « tout en un ».
La première directrice de projet de la société NCE le rappelait dès sa prise de fonctions
en indiquant que les intérêts contradictoires imposent une coordination étroite du projet entre
le gouvernement, ENERCAL et la SLN pour définir le cahier des charges de NCE
151
.
Le choix opéré a été celui de la recherche constante du consensus car, selon le président
de NCE, la réalisation d’arbitrages sans convergence des positions de toutes les parties
prenantes serait en pratique quasi impossible. Cet avis est partagé par son directeur de projet
qui indique qu’imposer des arbitrages contre l’avis d’ENERCAL ou de la SLN aurait pu
conduire à une situation de blocage.
L’appel à manifestation d’intérêts
Avec le lancement de son appel à manifestation d’intérêts, NCE a sollicité directement
80 entreprises du secteur. Sur les 55 sociétés qui ont demandé à recevoir le dossier de
consultation,18 candidats ont répondu pour un total de 27 propositions
152
.
Le délai initial qui était d’un mois et demi s’est avéré trop juste pour nombre
d’entreprises qui ont demandé un report, notamment en raison de la crise du COVID. Même
porté à deux mois, ce délai paraît contraint pour proposer des solutions robustes et des prix
garantis
153
.
Les risques liés à ce délai contraint ont été signalés par la direction de NCE aux associés
qui n’ont pas souhaité en tenir compte.
De ce fait, NCE a reçu des offres hétérogènes, faisant de 6 à plus de 1 000 pages, ce qui
n’a pas permis de réelle comparabilité. Compte-tenu des délais de réponse, aucun producteur
indépendant d’énergie ayant répondu ne proposera de prix ferme et engageant.
Les critère de pondération seront validés postérieurement à la remise des offres et
l’analyse des offres ne sera pas conduite à son terme
154
.
Faute d’homogénéité dans les propositions présentées et d’engagement sur les prix de
production, et à défaut d’analyse complète des réponses, cette étape intermédiaire entre les
études commandées en 2019 par NCE et l’appel d’offres lancé en novembre 2020 se révèle
donc inutile dans le processus de décision, sauf à redécouvrir l’intérêt d’une solution sur barge.
151
NCE : compte-rendu de la réunion du 15 octobre 2018 au gouvernement à propos du dimensionnement
de la centrale pays.
152
Certains candidats ont présenté plusieurs solutions techniques, ce qui était autorisé.
153
La date de réponse fixée au 30 juin 2020 est reportée au 15 juillet.
154
NCE : comité de direction du 29 juillet 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
70
L’appel d’offres
A l’issue de ce processus de l’appel à manifestation d’intérêts, NCE lance son appel
d’offres.
Lors de l’élaboration de son cahier des charges, deux points structurants restent sans
réponse, à savoir l’engagement d’achat d’électricité et les modalités de fourniture d’électricité.
L’engagement d’achat d’électricité, et sa robustesse, est la première donnée analysée
par tout soumissionnaire car elle lui permet d’avoir l’assurance que toute sa production va être
achetée et que son risque est couvert.
Ensuite, le soumissionnaire s’attache à analyser les conditions auxquelles le client final
acquiert l’électricité, avec la précision du volume d’achat, des modalités de calcul et
d’actualisation ou de révision du prix, et de la durée de l’engagement. Ce contrat doit aussi
indiquer les conséquences d’une production insuffisante ou ne répondant pas à la courbe
fournie.
Or, à l’unanimité, et contre l’avis de la direction technique et du conseil juridique de
NCE, les associés décident de reporter les décisions relatives à l’engagement d’achat
d’électricité et aux modalités de transmission du contrat d’achat.
Cette décision présente trois risques importants :
l’absence de candidature, car peu ou pas de candidats sérieux ne se manifestent s’ils
estiment que le projet n’est pas garanti par des conditions fermes ;
des propositions assorties de réserves ou conditions, ce qui rendra complexe leur
comparaison ;
un prix, critère principal de sélection, qui ne sera ni ferme, ni engageant, et
susceptible d’évolutions tout au long des discussions pour aboutir, in fine, à un
résultat en dysharmonie avec les attentes des associés.
Le cahier des charges, tel qu’approuvé par les associés, suscite des interrogations de la
part de la direction technique de NCE, s’appuyant sur les mémos juridiques commandés à ses
conseils. Certains aspects lui paraissent en effet de nature à perturber le processus
155
. Le délai
de deux mois et demi, donné aux candidats pour remettre des offres fermes et engageantes,
parait trop court d’autant qu’il inclut les périodes de fêtes de fin d’année, et intervient dans le
contexte d’un confinement partiel qui perturbe le travail de toutes leurs équipes. Les candidats
potentiels, interrogés dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt, indiquaient qu’un délai
de six mois leur semblait nécessaire pour répondre de manière documentée.
L’équipe projet s’inquiète également de l’intégration dans l’appel d’offres d’une courbe
de consommation « optimisée » du site SLN de Doniambo qui pourrait fausser l’analyse des
soumissionnaires et amener un choix technologique qui ne serait pas compatible avec les
attendus de la centrale.
Enfin, l’équipe alerte de nouveau sur la philosophie même de l’appel d’offres, qui ne
précise pas suffisamment d’éléments impactant le prix de l’électricité et laisse à la discrétion
des candidats des choix structurant, ce qui rendra délicate la comparaison des offres tant
initiales que finales.
155
NCE : courrier en date du 11 novembre 2020 ref : NCE-CDI-CF-201111a.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
71
Une mission d’alerte
A défaut de réaliser elle-même des choix politiques ou techniques, NCE s’est
régulièrement astreint à rappeler aux parties concernées l’importance des arbitrages nécessaires
et à leur indiquer les risques que cette absence éventuelle faisait porter à l’aboutissement final
du projet. Cette mission d’alerte, NCE l’a remplie de deux manières :
en sollicitant régulièrement des sociétés d’avocats spécialisés ;
et en adressant des courriers aux associés et membres du comité de direction.
Les demandes adressées à ses conseils concernaient des questions structurantes sur le
projet, comme :
l’importance du maintien de la distribution publique dans le projet de centrale pays ;
le devenir de NCE et l’évolution de sa composition capitalistique ;
le transfert de la maîtrise d’ouvrage à un producteur indépendant d’énergie, suivi de
la cession de l’intégralité du capital ;
les conditions à respecter pour la mise en concurrence exigée par le ministère de
l’économie et des finances.
D’autres demandes ont concerné des points plus ponctuels, relatifs à ses relations avec
un co-contractant, la situation d’un associé ou les conséquences de la mise en examen de la
société pour recel de prise illégale d’intérêt.
Par ailleurs, afin d’éclairer les débats, certaines notes juridiques ont été adressées aux
associés et ont fait l’objet d’une présentation en comité de direction, toujours par l’un des
avocats de NCE.
Cette mission d’alerte, fort utile pour sécuriser le projet n’a pas toujours bien été
acceptée par les associés qui y ont vu une forme de blocage. Il ressort de ces constatations
l’absence d’affectio societatis au sein de NCE.
LA COMPOSITION DU CAPITAL, LA GOUVERNANCE ET LE
FONCTIONNEMENT DE NCE
D’abord filiale à 100 % d’ENERCAL, NCE voit la composition de son capital évoluer
pour acter l’entrée de l’agence calédonienne de l’énergie (à hauteur de 50 %) et de
la SLN (10 %), 40 % restant à ENERCAL, se mettant ainsi en conformité avec les éléments
transmis au Parlement lors de la discussion sur la loi de finances rectificative pour 2016
permettant l’octroi de la garantie de l’Etat.
A la tête de NCE, le président, nommé par le comité de direction, assure la direction de
la société. Il dispose de larges pouvoirs. A ses côtés, le comité de direction détermine les
orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre.
Alors qu’un projet de cette importance nécessite un pilotage fort et une continuité, la
gouvernance de NCE connait une grande instabilité, avec la succession de quatre présidents et
de trois directeurs de projet en quatre ans.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
72
Son fonctionnement interne reste perfectible avec un organigramme non stabilisé, un
recours constant à des prestations externes et une politique de ressources humaines non cadrée.
L’évolution de la composition de son capital et de son comité de
direction
L’entrée au capital de la SLN et de l’agence calédonienne de l’énergie
Le schéma de participation de la société de projet NCE n’a pas été détaillé avec précision
dans l’exposé des motifs de la présentation de la loi de finances rectificative pour 2016. Il est
juste indiqué que « la société de projet devrait être principalement détenue par l’agence
calédonienne de l’énergie
156
, qui entrera en activité début 2017», la SLN devant quant à elle se
porter acquéreur de 10 % des parts sociales
157
.
Le 5 mars 2018, NCE, ENERCAL, l’agence calédonienne de l’énergie et la SLN signent
un protocole d’accord dans lequel est affirmé en préambule que la réalisation de la nouvelle
centrale de Doniambo, désormais dénommée centrale pays est confiée à un opérateur dont le
capital est majoritairement détenu, directement ou indirectement, par la Nouvelle-Calédonie, et
minoritairement par la SLN, ENERCAL et d’autres investisseurs.
La représentation de la Nouvelle-Calédonie est déléguée à l’agence calédonienne de
l’énergie, établissement public chargé notamment de contribuer aux financements
d’installations de production électrique compatibles avec le schéma pour la transition
énergétique de la Nouvelle-Calédonie. Affectataire du produit de la taxe sur les énergies
renouvelables, elle est en capacité de jouer son rôle d’actionnaire. Sa part dans la composition
du capital, de 51 % lors du protocole d’accord, est portée ensuite à 50 % par l’avenant n° 1 du
18 juin 2018
158
.
La SLN, principal bénéficiaire de l’énergie électrique qui sera produite, entre au capital
à hauteur de 10 % des parts et dispose d’une voix délibérative au comité de direction.
Le comité de direction est alors composé de sept membres, personnes physiques ou morales
soit :
deux membres désignés par ENERCAL ;
un membre désigné par la SLN ;
quatre membres désignés par l’agence calédonienne de l’énergie.
156
La création de cette agence, qui a vocation à remplacer le comité territorial pour la maîtrise de l’énergie,
a été décidée dans le cadre du schéma de transition énergétique adopté par le congrès le 23 juin 2016.
157
Assemblée nationale, rapport n°4272, décembre 2016.
158
Au titre de sa mission de contrôle de légalité, le haut-commissaire de la République demande le
20 mars 2018 à la présidente de l’agence calédonienne de l’énergie le retrait de la délibération n°2018-02/ACE
l’autorisant à ratifier ce protocole d’accord au motif qu’elle est irrégulière en droit car un établissement public ne
peut participer à plus de 50 % du capital d’une société par actions simplifiée en application de la combinaison des
articles 53 de la loi organique et de l’article L.233-2 du code de commerce.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
73
La présence de l’Etat au comité de direction
Compte tenu de l’exposition financière de l’Etat dans le projet et les enjeux majeurs
qu’il comporte pour la SLN et pour ERAMET, et conformément aux exigences de transparence
et de concurrence posées par la loi de finances rectificatives pour 2016, le commissaire aux
participations de l’Etat adresse un courrier au président de NCE le 21 janvier 2019 pour
demander que l’Etat soit associé à la gouvernance du projet
159
.
Ce courrier marque l’impatience de l’Etat devant les lenteurs de l’avancée du projet et
les atermoiements qui voient le jour, que ce soit pour la puissance de la centrale ou le choix du
combustible. Il sollicite une modification des statuts de NCE, afin que le haut-commissaire de
la République en Nouvelle-Calédonie ou son représentant, soit associé aux réunions du comité
de direction de NCE en tant que personnalité qualifiée, sans voix délibérative.
Après un premier refus, les associés reviennent sur leur position et les statuts sont
finalement modifiés par l’assemblée générale du 13 novembre 2019
160
.
La gouvernance
Une présidence instable
Une présidence aux pouvoirs étendus
La société est dirigée par un président, qui est membre du comité de direction. Il est
nommé par ce dernier, statuant à la majorité simple des voix des membres présents ou
représentés
161
.
La durée des fonctions de président de la société est de quatre ans et prend fin à l’issue
de l’assemblée des associés qui statue sur les comptes de l’exercice écoulé, cette dernière devant
se tenir dans l’année au cours de laquelle expire son mandat.
Le président est révocable à tout moment par une décision du comité de direction, qui
peut ne pas être motivée.
Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la
société, en conformité avec l’objet social. Il peut, dans la limite de ses attributions, conférer
toute délégation de pouvoirs en vue de la réalisation d’opérations déterminées.
Il peut percevoir une rémunération sur décision de la collectivité des associés et obtenir
remboursement sur justificatif des dépenses effectuées dans le cadre de sa mission pour le
compte de la société.
159
Commissariat aux participations de l’Etat : courrier du 21 janvier 2019.
160
Article 16.1.2 des statuts.
161
Statuts de la société NCE, article 15.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
74
Depuis sa création, les fonctions de président ont été exercées sans donner lieu à
rémunération, à l’exception du président en fonctions au moment de l’instruction menée par la
chambre.
Une succession de présidents
Depuis sa création, la SAS NCE a connu cinq présidents :
M. Philippe Gomès du 15 décembre 2016 au 20 décembre 2018 ;
M. Roger Kerjouan du 21 décembre 2018 au 19 septembre 2019 ;
M. Brieuc Frogier, du 20 septembre 2019 au 18 février 2020 ;
M. Pierre Kolb, du 19 février 2020 au 28 février 2021 ;
M. Yves Lefevre, depuis le 1
er
mars 2021.
Le premier président de NCE, par ailleurs député de la Nouvelle-Calédonie, quitte ses
fonctions après la décision du Conseil constitutionnel confirmant l’incompatibilité des
fonctions de parlementaire avec celles de président de la SAS NCE. Cette décision a été suivie
de sa mise en examen pour prise illégale d’intérêts et celle de NCE pour recel de prise illégale
d’intérêts. Son mandat a duré deux ans.
M. Roger Kerjouan, alors secrétaire général de la province Sud et président du conseil
d’administration de ENERCAL, lui succède. Lors de sa séance du 20 août 2019, le conseil
d’administration de ENERCAL met fin à sa fonction de membre du comité de direction de
NCE. Il n’a occupé ses fonctions que neuf mois.
M. Brieuc Frogier, élu de la province Sud, le remplace et quitte son poste cinq mois plus
tard. Il annonce sa démission lors d’un comité de direction en indiquant qu’elle fait suite à une
étude demandée sur les risques juridiques liés à son statut d’élu et de président de NCE
162
. M.
Frogier précisera à la chambre que sa démission a aussi été liée à l’annonce par ENERCAL de
l’absence de besoin de la centrale pour la distribution publique ce qui, selon lui, remettait en
cause l’intérêt général du projet.
Nommé à la suite de M. Frogier, M. Pierre Kolb est dirigeant de société et ne dispose
pas de mandat électif public. Il démissionne le 28 février 2021 pour être remplacé par
M. Yves Lefevre.
La question des incompatibilités
Lors du comité de direction de NCE du 21 décembre 2018, le premier président de NCE
annonce qu’il ne souhaite pas le renouvellement de son mandat.
Cette décision fait suite à la saisine par ses soins
163
du Conseil constitutionnel qui
indique en réponse que ses fonctions de parlementaire de la République sont incompatibles avec
celles de président de la société NCE au motif, non pas de la garantie de l’Etat qui serait
attribuée à l’emprunt que devra lever NCE pour construire la centrale pays, mais parce que
NCE doit être regardée comme une société dont l’activité consiste, au moins pour partie, dans
162
NCE : conseil de direction du 7 janvier 2020.
163
Saisine en date du 2 juillet 2018.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
75
l’exécution de travaux et la prestation de services destinés spécifiquement à une collectivité
publique et à un établissement public
164
.
La problématique des incompatibilités de fonctions n’est pas nouvelle. Elle était déjà
présente en 2017, lorsque le président de la SAEM ENERCAL a été amené à démissionner en
indiquant que « la loi organique n°2014-125 du 16 février 2014 relative au cumul des mandats
dispose que le mandat de député devient désormais incompatible avec toute fonction exécutive
locale, parmi lesquelles figure la présidence d’une société anonyme d’économie mixte »
165
.
Malgré le risque pesant sur des élus ayant des fonctions de direction dans des sociétés
sur lesquelles ils peuvent exercer un contrôle ou à laquelle ils peuvent attribuer aides ou
avantages
166
, la société NCE a nommé à sa présidence un élu de la province Sud, membre du
congrès.
Après de longs débats lors de deux comités de direction
167
, « dans un souci éthique de
transparence », NCE a fait le choix de mentionner l’existence et la nature de la procédure en
cours dans l’appel d’offres, malgré les risques encourus en termes d’image.
Le comité de direction
Son rôle et sa composition
La société NCE est administrée par un comité de direction, composé de sept membres,
président compris, qui peuvent être des personnes physiques ou morales, associées ou non,
ayant voix délibérative. Ils sont élus par les associés. Leur mandat est d’une durée de quatre ans
renouvelable.
Siège également de droit, avec voix consultative, le haut-commissaire de la République
en Nouvelle-Calédonie
Le comité de direction détermine les orientations de l’activité de la société et veille à
leur mise en œuvre.
164
Par décision n°2018-40 I du 29 novembre 2018, art. 2 : « Aux termes de l’article LO 146 du code
électoral : sont incompatibles avec le mandat de parlementaire les fonctions (…) de président de conseil
d’administration (…) exercées dans les sociétés ou entreprises dont l’activité consiste dans (…) la prestation de
fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l’objet d’autorisation discrétionnaire de la part
de l’Etat, d’une collectivité (…). ». L’article 4 précise que « (…) les fonctions de président de la société NCE (…)
sont (…) équivalentes à celles de président du conseil d’administration (…). »
165
Enercal : conseil d’administration du 1er août 2017.
166
La décision du premier président de la société de ne pas se représenter à la présidence de NCE est
suivie le 4 avril 2019, de sa mise en examen puis de son renvoi devant le tribunal correctionnel du chef de prise
illégale d’intérêts. Les faits reprochés concernent l’attribution d’une subvention à la SAS NCE, dans le cadre du
contrat de développement Etat-Nouvelle-Calédonie 2017-2021, d’un montant de 646 M F CFP pour laquelle il a
participé au vote, alors qu’il présidait la société bénéficiaire. La société NCE n’a pas provisionné le risque
financier, estimé à 223 747 017 F CFP
dans le rapport annuel des commissaires aux comptes, alors qu’elle est
inculpée pour recel de prise illégale d’intérêts.
167
NCE : procès-verbaux des comités de direction des 12 et 19 novembre 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
76
Des nominations irrégulières
En application du IV de l’article 196 de la loi organique 99-209 du 19 mars 1999, « Il
est interdit à tout membre d'une assemblée de province ou du Congrès d'accepter, en cours de
mandat, une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance dans l'un des
établissements, sociétés ou entreprises visés au I (du même article) ». Ce dernier vise
expressément dans le 6° du paragraphe I « les sociétés mentionnées à l’article 53 », à savoir
« les sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général ». NCE, dont l’objet social
vise à construire et à exploiter une centrale électrique destinée à satisfaire les besoins de la
distribution publique, est à ce titre une société d’intérêt général.
La chambre relève que les nominations au comité de direction de quatre membres du
congrès, sont irrégulières et invite la société NCE à se mettre en conformité avec l’article 196
de la loi organique susmentionnée.
Selon le président en fonctions de NCE, les dispositions du 6° du paragraphe I de
l’article 196 de la loi organique n°99-209 qui dispose expressément que le mandat de membre
d’une assemblée de province est incompatible avec les fonctions de dirigeant ou de membre de
l’organe délibérant d’une société privée gérant un service public ou d'intérêt général,
lorsqu'elles sont rémunérées et les dispositions du 6° du paragraphe IV de l’article 196 de la loi
organique ne sont pas applicables car il n'existe ni conseil d’administration, ni conseil de
surveillance, au sein de NCE. Il indique que néanmoins les quatre membres concernés ont tous
démissionné de leurs fonctions. Deux d’entre eux ont précisé par courrier à la chambre que
leurs fonctions n’étaient pas rémunérées et donc que, selon eux, leur nomination était régulière.
L’un d’entre eux a confirmé son analyse juridique et a contesté que sa situation soit régie par le
6° du paragraphe IV de la loi organique en audition à la chambre.
Un autre élu a précisé que sa nomination est intervenue pour assurer une représentation
équilibrée entre indépendantistes et non indépendantistes au sein du comité de direction de
NCE. Au regard de l’observation de la chambre, il a adressé sans délai sa démission de membre
du comité directeur de NCE au président de la société.
La chambre prend note des démissions des membres du comité de direction concernés
et maintient son rappel d’obligation juridique. Elle invite NCE à s’y conformer pour les
prochaines nominations des membres de son comité de direction.
Rappel d’obligation juridique n°2 :
La chambre territoriale des comptes rappelle à la société NCE qu’elle doit se mettre en
conformité avec l’article 196 de la loi organique qui interdit à tout membre d’une
assemblée de province ou du Congrès d’accepter, en cours de mandat, une fonction de
membre du conseil d’administration d’une société d’intérêt général.
4.2.2.3. Des membres du comité de direction peu présents
Les comptes rendus des comités de direction qui se sont tenus entre le 21 décembre
2018 et le 1
er
décembre 2020 font ressortir le manque d’assiduité de certains administrateurs.
Ainsi, sur les dix-huit séances ayant eu lieu pendant cette période, deux membres du comité de
direction de la société se sont absentés respectivement à quatorze et douze reprises. Le dernier
comité de direction où l’un des membres concernés a siégé remonte au 13 novembre 2019.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
77
Quant à l’autre membre concerné, sur quatorze réunions de comité de direction ayant eu lieu
entre le 20 septembre 2019 et le 8 octobre 2020, il n’aura été présent qu’à une seule séance
168
.
Devant la désaffection de ses administrateurs, le président de la SAS NCE a adressé le
10 août 2020 un courrier à deux élus régulièrement absents dans lequel il constate qu’il n’avait
pas eu le plaisir de faire leur connaissance lors des quatre réunions du comité de direction qui
ont eu lieu depuis sa nomination. En conséquence, il leur proposait de se rencontrer pour leur
faire part de l’avancement des travaux de NCE. Par ailleurs et dans la mesure où ils seraient de
nouveau indisponibles lors d’un prochain comité de direction, il indique qu’il leur serait très
reconnaissant de bien vouloir établir une procuration pour faire entendre leur voix et faciliter le
bon fonctionnement du comité de direction de la société. Ce courrier restera sans réponse.
Si aucune disposition relative à l’absentéisme des membres du comité de direction n’est
prévue dans les statuts, il ressort que l’agence calédonienne de l’énergie et ENERCAL ne sont
représentés que par la moitié des membres qu’ils ont désignés ce qui qui fragilise le bon
fonctionnement de cette instance qui joue un rôle clé dans l’un des projets structurant les plus
importants de la Nouvelle-Calédonie.
Selon l’un des membres régulièrement absents, les réunions du comité de direction de
NCE ont toujours lieu à Nouméa, parfois en fin de journée ce qui ne facilite pas la participation
quand les réunions sont programmées en des lieux différents.
Le président en fonctions de NCE indique constater l’absentéisme des membres de son
comité de direction et prendre acte de la recommandation de la chambre. Il entend en faire part
à ses actionnaires pour envisager éventuellement des dispositions pour remédier à cet
absentéisme.
La chambre maintient sa recommandation et invite NCE à engager dès à présent une
modification statutaire apte à s’assurer de la présence régulière des représentants de ses
actionnaires.
Recommandation n°1 :
La chambre territoriale des comptes recommande à NCE de prévoir dans ses statuts des
dispositions permettant de s’assurer de la présence régulière des membres de son comité
de direction.
4.2.3.
L’assemblée générale
L’assemblée générale est l’instance compétente pour la prise des décisions collectives
des associés
169
. Elle doit notamment être saisie pour :
l’évolution de son capital social (augmentation, réduction ou amortissement du
capital social) ;
la dissolution ou la prorogation de la société ;
la nomination des membres du comité de direction ;
l’approbation des comptes annuels et des conventions réglementées ;
168
Le 20 septembre 2019.
169
Article 19 des statuts.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
78
la modification des statuts ;
la transformation de la société ;
la rémunération du président de la société.
Parmi la liste des décisions collectives qui doivent être prises par les associés en
assemblée ou par consultation écrite figure la rémunération du président.
La chambre relève que la décision de rémunérer le président de NCE en fonction lors
de l’instruction a été entérinée par le comité de direction et non par l’assemblée générale.
Selon le président actuellement en fonction, la rémunération du président de la société
est un élément de son budget et, qu’à ce titre, le comité de direction qui lui semble compétent
pour l’approuver. Il précise en outre que l’assemblée générale tenue le 17 décembre 2020 a
approuvé les comptes de NCE qui intégraient cette rémunération.
La chambre maintient son rappel d’obligation juridique et rappelle qu’en application de
l’article 19 de ses statuts, la décision de rémunérer le président de la société relève de la
compétence exclusive de son assemblée générale et que cette dernière a vocation à être saisie
avant la prise de décision et non à la valider a posteriori.
Rappel d’obligation juridique n°3 :
La chambre territoriale des comptes rappelle à la société NCE que la décision de
rémunérer son président relève de la compétence exclusive de l’assemblée générale.
La situation financière et le pilotage budgétaire
Les comptes de la société NCE couvrent la période sociale qui va du 1er juillet de chaque
année au 30 juin de l’année suivante.
Pour les deux premiers exercices de la société, les comptes ont été élaborés par
ENERCAL, dont elle était la filiale, jusqu’au 5 mars 2018 en vertu d’une convention
d’assistance administrative.
A compter du 1er juillet 2018, la tenue de la comptabilité a été confiée à un cabinet
d’expertise comptable.
Les comptes sont audités par un commissaire aux comptes dont le mandat couvre les
exercices 2016/2017 à 2022/2023. Pour les quatre exercices contrôlés, les comptes ont été
certifiés sans réserves.
Dans son rapport sur les comptes clos le 30 juin 2020, le commissaire aux comptes a
néanmoins formulé une observation pour attirer l’attention de la société sur l’incertitude liée à
l’évolution de sa stratégie et à la poursuite des études liées à la stratégie fondée sur les énergies
renouvelables.
Les règles et méthodes comptables appliquées
La société NCE est une structure dédiée au projet de construction de la centrale pays.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
79
En application du plan comptable général, lorsqu’une société a pour activité en tout ou
partie la conception et la construction d’une immobilisation, l’ensemble des dépenses engagées,
y compris les frais généraux et administratifs, peuvent être incorporés au coût de
l’immobilisation
170
. C’est le choix qui a été fait et les règles mises en œuvre ont fait l’objet
d’une note réalisée par le cabinet d’expertise comptable. Cette note présente les règles
comptables applicables au coût de production d’une immobilisation corporelle.
La décision d’investissement dans l’usine pays a été prise par le protocole d’accord du
5 mars 2018 qui entérine l’engagement de NCE dans le projet de construction d’une centrale
électrique au gaz à Nouméa.
L’incorporation des dépenses de NCE au coût de la future centrale a donc été engagée
à compter de l’exercice 2018/2019. Les dépenses enregistrées au compte de résultat sont soldées
par une recette de production immobilisée qui équilibre le compte de résultat. Ainsi en
2018/2019, les 270 271 340 F CFP de dépenses courantes de NCE ont été équilibrés par une
recette du même montant (voir annexe n°1). De par cette présentation, à partir de l’exercice
2018/2019, le compte de résultat ne fait apparaitre ni bénéfice, ni perte.
La contrepartie au bilan de la production immobilisée est l’inscription de cette
production à l’actif du bilan, en immobilisation corporelle en cours (voir annexe n°2). Au
30 juin 2020, le montant cumulé des dépenses valorisées comme immobilisation en cours
s’élevait à 847 561 040 F CFP.
En application de cette règle, les dépenses relatives à la stratégie fondée sur les énergies
renouvelables, qui ne relèvent pas de l’objet social de la société, doivent être comptabilisées en
charges d’exploitation
171.
Le commissaire aux comptes confirme l’analyse de la chambre au vu de la décision de
NCE de ne pas étendre l’objet social et indique qu’il conviendra au cours de l’exercice se
terminant le 30 juin 2021, soit de céder les études menées dans ce cadre, soit de procéder à leur
mise au rebut en l’absence de repreneur.
Par ailleurs, l’annexe de présentation des comptes de l’exercice 2019/2020 rappelle que
l’inscription à l’actif des dépenses réalisées est subordonné à la poursuite du projet de
construction d’une centrale électrique fonctionnant au gaz à Nouméa et à l’acquisition du
capital de la société NCE par un producteur indépendant d’énergie, comme prévu à l’appel
d’offres.
A défaut de reprise du projet de construction et de sa réalisation, ces études devront, en
tout ou partie, être comptabilisées en pertes.
Si l’opération n’aboutit pas, les associés seront de ce fait confrontés à des pertes
budgétaires et comptables.
170
Articles 213-8 et suivants du plan comptable général.
171
Article 213-11 du Plan comptable général.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
80
Les ressources et les emplois
4.3.1.1.Les ressources
Elles sont constituées par l’apport des associés en compte courant ainsi que par la
subvention prévue au contrat de développement entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie.
Tableau n°9 :
Plan prévisionnel d’apport des fonds jusqu’à la décision finale
d’investissement en année civile et versements effectués
En MF CFP
Plan prévisionnel d’apport des
fonds jusqu’à la décision
d’investissement en année civile
Versement effectué en année comptable
2018
2019
Total
Part
2017/2018
2018/2019
2019/2020
Total
Part
Nouvelle-Calédonie
(subvention)
346
300
646
32 %
346
346
20,4 %
ENERCAL (avance de
trésorerie)
150
150
8 %
150
150
8,84 %
ACE (avance de
trésorerie)
600
600
30 %
600
600
35,38 %
SLN (avance de
trésorerie)
280
320
600
30 %
280
320
600
35,38 %
TOTAL
776
1 220
1 996
100 %
430
666
600
1 696
100 %
Source : CTC d’après le protocole d’accord du 5 mars 2018 entre l’ACE, la SLN et ENERCAL et comptes de résultat 2017/2018, 2018/2019
et 2019/2020
Selon les termes de l’avenant au protocole d’accord du 5 mars 2018, le déséquilibre
entre le pourcentage détenu par la SLN dans NCE (10 %) et le financement des besoins apporté
par l’industriel (30 %) pendant la période précédant la décision finale d’investissement est
temporaire et ne pourra s’étendre au-delà de cette période.
Les avances en compte courant d’associé ne sont pas rémunérées.
Pour accompagner le développement économique et social, l’État conclut, depuis 1990,
avec les provinces et la Nouvelle-Calédonie, des contrats de développement pluriannuels
172
. La
Nouvelle-Calédonie a fait inscrire dans le contrat 2017-2021 le financement des études en vue
de la construction de la centrale pour un montant contractualisé de 646 MF CFP. Un premier
versement de 346 MF CFP a été effectué durant l’exercice 2018-2019 et inscrit en subvention
d’investissement
173
. Le solde restant à percevoir de 300 MF CFP a fait l’objet d’une demande
de versement par courrier le 24 août 2020.
Tableau n°11 : Echéancier financier en KF CFP
2018
2019
2020
2021
Total
Etat
103 800
90 000
0
0
193 800
Nouvelle-Calédonie
242 200
210 000
0
0
452 200
Total
346 000
300 000
0
0
646 000
Source : CTC d’après contrat de développement Etat/NC
172
Prévus par les articles 84 et 85 de la loi référendaire n°88-1028 du 9 novembre 1988
173
Enregistré en comptabilité le 07 juin 2019 (grand livre).
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
81
Aux termes des articles 2 et 5 de la convention d’objectifs et de moyens n°001 du
28 février 2019, liant la Nouvelle-Calédonie et la société NCE, cette dernière s’engage :
« à son initiative et sous sa responsabilité à réaliser l’opération VI-2 : « Energie :
études et prestations pour la réalisation de la centrale thermique au gaz naturel et sa
chaîne logistique » inscrite au contrat de développement 2017/2021 (…) » ;
« à remettre à la Nouvelle-Calédonie une copie des études réalisées dans le cadre de
la présente convention et organiser tous les trois mois une réunion de présentation
des résultats intermédiaires et finaux » ;
« à fournir un compte-rendu financier de l’utilisation des fonds versés, signé par son
représentant légal ou toute personne habilitée au plus tard dans les six mois après la
clôture de l’exercice fiscal 2019 ».
Ces obligations n’ont jamais été réalisées, sinon de manière informelle à la demande du
gouvernement, ce qui conduit la chambre à adresser un rappel d’obligation juridique.
Selon le président en fonction de la société, NCE a rempli cette obligation puisque le
gouvernement de Nouvelle-Calédonie a eu régulièrement connaissance des études réalisées par
l’intermédiaire de l’agence calédonienne de l’énergie siégeant au comité de direction de la
société et agissant sous la tutelle du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
La chambre maintient son rappel d’obligation juridique et rappelle que, pour garantir la
complétude des études réalisées, leur remise ne peut se faire via l’agence calédonienne de
l’énergie et que la présentation des résultats intermédiaires, compte-tenu des enjeux pour la
Nouvelle-Calédonie ne peut se faire de manière informelle.
Rappel d’obligation juridique n°4:
La chambre rappelle à NCE qu’elle doit se conformer aux termes de la convention
d’objectifs et de moyens du 28 février 2019 en remettant au gouvernement une copie des
études réalisées et en organisant tous les trois mois une réunion de présentation des
résultats intermédiaires et finaux.
Les emplois
Durant le premier exercice, qui couvre six mois et demi en 2016 et 2017, les seules
dépenses, d’un montant de 378 431 F CFP, sont relatives à la constitution de la société.
Pour l’exercice suivant allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, la société n’a eu que
très peu d’activité. L’équipe projet n’étant pas constituée à la date de clôture de l’exercice, les
comptes annuels n’ont recensé que quelques études préliminaires commandées par ENERCAL,
ainsi que des honoraires de consultants dans le cadre de la mise en place de la gouvernance de
la société.
Pour cet exercice social, les charges d’exploitation se sont élevées à 11 263 113 F CFP.
Les études – dont environ 15% ont été effectuées par des sociétés locales - représentent
presque 60 % des dépenses. En plus des études s’inscrivant dans le cycle normal de conduite
de projet, la société NCE recourt régulièrement à des cabinets d’expertise pour l’assister sur
des questions juridiques ou financières.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
82
Elle sollicite des cabinets d’avocats pour la rédaction de mémoires ou courriers
juridiques
174
. Les montants engagés sont significatifs en raison des errements dans la conduite
du projet qui ont nécessité un cadrage juridique constant.
Certains de ces cabinets assistent aux comités de direction et sont désignés comme
secrétaires de séance, chargés de la rédaction des procès-verbaux.
De plus, NCE a conclu une convention avec une société pour l’accompagner dans sa
stratégie alternative tout énergies renouvelables d’un montant de 4,14 MF CFP pour la période
de juin à août 2020. La chambre constate que cette convention porte sur une mission ne relevant
pas de l’objet social et aurait dû à ce titre être comptabilisée en compte de charges d’exploitation
et non en immobilisation.
La masse salariale représente plus du quart du total des charges. Son augmentation
s’explique par deux facteurs :
la rémunération du président de la société, à compter du 19 février 2020 ;
le versement de trois indemnités de rupture de contrat.
Le poids de la masse salariale a vocation à décroitre du fait de l’abandon de la maîtrise
d’ouvrage par l’équipe technique de NCE. Cela a conduit la société à supprimer deux postes.
Durant l’exercice 2018/2019, les voyages et déplacements représentaient 8 % du total
des charges. L’importance de ce poste de charges s’explique par l’organisation de sessions de
travail à Lorient, siège de la société en charge des études esquisse et avant-projet sommaire, et
à Paris avec le groupe ERAMET.
Les frais de réceptions sont quant à eux contenus à 0,11 % du total des charges.
NCE dispose de locaux situés au sud de Nouméa. Le loyer mensuel s’élève à 423 500 F
CFP hors charges et hors parking.
Le suivi budgétaire
Pour permettre un pilotage budgétaire de la société, l’article 16.2 de ses statuts prévoit
que le comité de direction doit autoriser chaque année un budget d’exploitation et
d’investissement.
Lors de la signature du protocole d’accord le 5 mars 2018, un budget prévisionnel,
préalable à la décision finale d’investissement, a été présenté aux membres du comité de
direction.
Les dépenses étaient réparties dans cinq grands ensemble :
la maîtrise d’ouvrage, intégrant les dépenses de fonctionnement de la société
(salaires, déplacements, locations immobilières,…) ;
les études préalables ;
les contrats d’assistance ;
l’ensemble des études relatives aux données de terrain qui seront faites en amont
pour faciliter les demandes d’autorisations ;
174
13 au total entre le 30 octobre 2019 et 02 octobre 2020 dont 11 pour la seule année 2020.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
83
les crédits à mobiliser en amont pour la phase située entre la décision finale
d’investissement et la réalisation (commande de matériel spécifique notamment).
La ventilation était la suivante :
Tableau n°14 :
Document prévisionnel figurant au protocole d’accord du 5 mars 2018
Budget dépenses préalables à la décision finale d’investissement
En MF CFP
%
MOA
334
17%
Etudes Ingénierie, danger, etc
780
39%
Contrats d'assistance (juridique, financière, etc)
114
6%
Campagnes de relevés terrain (topo, geotech, etc)
48
2%
Début de la phase de réalisation
720
36%
TOTAL
1 996
100%
Source : NCE
Le 30 juin 2020, prenant en compte l’évolution du projet, la présidence de NCE
présentait une répartition prévisionnelle remaniée des dépenses préalables à la décision finale
d’investissement.
Tableau n°15 :
Document prévisionnel revu au 30 juin 2020
DEPENSES PRE-FID
(MF CFP)
PREVI
SIONS
Poids
DEPENSE
S AU
30/06/20
Consommati
on budget
ENGAGE AU
30/06/20
Consommation
budget
SOLDE
DISPONIBLE
JUSQU'AU
30/09/21
MOA
427
21 %
305
71 %
364
85 %
63
Phase APS (création
NCE-28/02/2020)
499
25 %
508
102 %
539
108 %
- 40
Stratégie gaz (à
compter du
01/03/2020)
893
45 %
21
2 %
21
2 %
872
Stratégie Enr (à
compter du
01/03/2020)
177
9 %
3
2 %
5
3 %
172
TOTAL
1 996
100 %
837
42 %
929
47 %
1067
Source : NCE
La prévision budgétaire n’est pas établie par exercice comptable et ne s’appuie pas sur
des comptes de charges. Elle est utilisée comme outil de suivi interne, présenté par grandes
masses, de l’enveloppe allouée pour la phase précédant la décision finale d’investissement qui
doit intervenir en septembre 2021, date de remise définitive de l’offre par le producteur
indépendant d’énergie sélectionné dans le cadre de l’appel d’offres et par l’acquisition par ce
dernier de la société NCE.
La structure du document n’est pas la même que celle du document présenté en 2018 ce
qui n’autorise aucune comparaison.
Sous ces réserves, la chambre remarque que la prévision relative à la maîtrise d’ouvrage
a été révisée à la hausse, malgré le recours à un producteur indépendant d’énergie, et que deux
nouveaux postes de dépenses ont été créés pour différencier les dépenses relatives à la stratégie
gaz de celles de la stratégie alternative tout énergies renouvelables, alors que cette stratégie ne
relève pas de son objet social.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
84
NCE justifie l’augmentation de la prévision de dépenses « MOA Equipe projet » de
28 %, qui pèse désormais pour 21 % dans l’enveloppe globale, par le report de la décision finale
d’investissement de vingt-et-un mois, soit en septembre 2021.
La chambre constate par ailleurs que le montant de 63 MF CFP, indiqué pour financer
la maîtrise d’ouvrage jusqu’au 30 septembre 2021 ne permet pas de couvrir les dépenses de
masse salariale et sera épuisé en début d’année 2021. En cela, cette prévision n’est pas fiable.
Les dépenses relatives aux contrats d’assistance prévues initialement pour un montant
de 114 M F CFP (tableau n°13) puis reparties dans les trois phases (avant-projet sommaire,
stratégie gaz, stratégie alternative énergies renouvelables) ont été sous-estimées puisqu’entre
mars 2018 et août 2020, le coût des principales prestations s’élève à 129 M F CFP.
Il ressort de ces constats que le pilotage budgétaire est non conforme aux statuts et
parcellaire. De plus, à défaut de point d’étape régulier et formalisé, les outils développés ne
permettent tout au plus qu’un suivi au fil de l’eau par type d’opération et par phase d’exécution
du projet.
Le faible niveau d’information dont disposent les membres du comité de direction ne
leur permet pas d’avoir une vision précise des principaux postes de charges autres que la masse
salariale. Ils ne disposent donc que d’une vision a posteriori, sans indication de la trajectoire
budgétaire.
Certes, les deux documents prévisionnels mentionnés ont été présentés pour approbation
aux membres du comité de direction. Comme ils se limitent à de grandes masses, ils n’ont pu
faire l’objet du débat que doit engager toute société sur les orientations de son activité.
Concernant le premier document prévisionnel, il n’a pas donné lieu à un bilan de son exécution
au moment de la présentation du document remanié.
La chambre relève que la règle, édictée par les statuts, relative à la présentation pour
autorisation d’un budget annuel d’exploitation et d’investissement n’a jamais été respectée et
adresse à ce titre un rappel d’obligation juridique.
Selon la société, son budget est développé et suivi pour atteindre un objectif défini à une
certaine date et elle ne réalise pas de budgets par année. Elle assure cependant un suivi mensuel
des dépenses réalisées et de ses engagements, établi par les services de NCE et présenté à son
président, le tout accompagné d’un prévisionnel pour les mois à venir. Les répartitions
budgétaires ne sont pas figées mais font l’objet de réajustements suivant les priorités
stratégiques qui sont définies. NCE précise que l’ensemble des dépenses engagées ont
systématiquement fait l’objet d’une validation préalable par le comité de direction, en
application de l’article 16.2 de ses statuts.
Quoiqu’il en soit, NCE déclare avoir bien pris note du rappel d’obligation juridique n°5
formulé par la chambre et fera en sorte, pour les exercices fiscaux à venir, d’en tenir compte.
La chambre prend note de cet engagement et en l’attente de sa mise en œuvre pour les
exercices à venir, maintient son rappel d’obligation juridique.
Rappel d’obligation juridique n°5 :
La chambre rappelle que la société NCE doit se conformer à l’article 16.2 de ses statuts et
présenter pour autorisation aux membres de son comité de direction un budget annuel
d’exploitation et d’investissement.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
85
Recommandation n°2 :
La chambre recommande à la société NCE d’établir un outil de prévision et de suivi
budgétaire permettant au comité de direction d’assurer le pilotage de l’entreprise.
NCE indique qu’elle a bien pris en compte la recommandation de la chambre et qu’un
outil de prévision et de suivi existe en son sein depuis l’arrivée du dernier directeur de projet.
Le reporting serait fait mensuellement.
La chambre maintient sa recommandation et rappelle que l’état des données issues de
l’outil de suivi et de prévision doit être présenté devant le comité de direction et non
exclusivement au président de la société.
Les ressources humaines
Société de projet, NCE dispose d’une équipe réduite, composée d’experts, recrutés au-
delà de la Nouvelle-Calédonie en raison des profils et des compétences recherchées. Sa
constitution a été lente en raison du recrutement tardif du directeur de projet.
La constitution de l’équipe projet
Le rôle du directeur de projet
A la tête de l’équipe administrative et technique de NCE se trouve le directeur de projet
dont le rôle et les responsabilités sont définis une première fois dans la lettre de mission qui lui
est adressée.
Le directeur de projet doit :
s’assurer que le projet est développé puis mis en œuvre en respectant la
réglementation applicable dans tous les domaines concernés, les règles relatives à
l’information du public et à l’éthique économique, les attentes des parties prenantes
dans la définition du besoin ;
recruter l’équipe technique de préférence localement ;
mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour que la sécurité des personnes et
des biens soit considérée comme prioritaire dans le déroulement du projet ;
contribuer à trouver le meilleur équilibre entre l’investissement et le fonctionnement
afin que le plan d’affaires réponde aux attentes des actionnaires et permette de
contribuer significativement à la compétitivité de la SLN ;
optimiser le plan de financement du projet ;
mettre en place les outils de pilotage (contrôle des coûts, suivi du planning, maîtrise
des risques,..) ;
veiller à tenir informer les membres du comité de direction de l’état d’avancement
du projet.
Cette lettre de mission est complétée par une liste des principales activités à réaliser et
par une large délégation de pouvoirs et de responsabilités.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
86
Les successeurs à la première directrice de projet n’auront pas de lettre de mission mais
se verront remettre une délégation de pouvoirs et de responsabilités dont les attendus seront
identiques.
Une succession de directeurs de projet
A l’image des fonctions de président, celles de directeur de projet sont également
marquées par l’instabilité.
Le premier directeur de projet est une cadre du groupe ERAMET. Annoncée lors du
comité de direction du 11 mai 2017, sa prise de fonction n’interviendra que le
1
er
novembre 2017, sous forme d’une mise à disposition gracieuse
175
.
Une première convention de mise à disposition entre ERAMET et NCE couvre la
période du 1
er
novembre 2017 au 30 avril 2018. Elle sera suivie d’une nouvelle convention
signée le 26 avril 2018 qui prolongera sa mission jusqu’au 31 décembre 2018.
La chambre relève que le cadre et les attendus du poste de directeur de projet ne feront
l’objet d’une lettre de mission que le 28 mai 2018, soit près de sept mois après la prise de
fonction de la directrice de projet.
Il est mis fin à son contrat le 31 octobre 2018 et à compter du 1
er
décembre 2018, elle
est remplacée par un cadre de nationalité canadienne, issu de l’industrie pétrolière, qui signe un
contrat de travail le 14 septembre 2018. Le comité de direction ne sera informé de ce
recrutement qu’a posteriori.
Ce remplacement sera de courte durée, puisqu’en juin 2019, il quitte ses fonctions pour
des raisons personnelles.
Après avoir échoué à recruter un candidat qui présentait le profil attendu, la SAS NCE
fonctionne sans directeur de projet pendant quatre mois.
Le 1
er
novembre 2019, le membre de l’équipe technique en charge du lot « centrale
électrique » est désigné pour lui succéder. Sa nomination en qualité de directeur de projet est
approuvée lors de la séance du comité de direction du 31 octobre 2019.
L’étendue de sa mission et les attendus le concernant ne sont précisés dans aucun
document. Il dispose uniquement d’une délégation de pouvoirs et de responsabilités remise par
le président de NCE.
Un organigramme mouvant
Lors du comité de direction du 22 décembre 2017, un organigramme cible est présenté
par la directrice de projet. Il prévoit la création de trois postes de chefs de projet (centrale,
infrastructure gaz et lots annexes), d’un responsable coûts, finance et budget, et d’un juriste
projet.
175
Seuls les frais de mission et de logement à Nouméa sont à la charge de NCE, à compter de la signature
de la deuxième convention.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
87
Cet organigramme cible sera affiné pour aboutir à un plan de recrutement. Etabli le
17 janvier 2018 par la directrice de projet, il indique l’âge des candidats retenus, s’ils ont été
recrutés localement et si la société de conseil et d’accompagnement mandatée par NCE a
conduit le processus de sélection.
Enfin, en décembre 2018, l’équipe projet est constituée. La société NCE compte sept
salariés en plus du directeur de projet. La mission relative aux contrats et risques est
externalisée.
Organigramme au 1er décembre 2018
Source : NCE
En raison de l'évolution du projet, qui a vocation à être développé par un producteur
indépendant d’énergie, NCE prend la décision, mi-2020, de mettre fin au contrat du responsable
du lot « Commun & Interfaces »
176
et à celui du responsable « Finance et Administratif »
177
.
L’équipe fonctionne désormais avec cinq personnes, directeur de projet inclus.
Ces modifications de l’organigramme révèlent la difficulté de la société à se structurer,
et ce malgré l’assistance d’un cabinet de conseil en charge des opérations de recrutement.
La politique de recrutement et de rémunération
Pour le poste de directeur de projet, la SAS NCE s’est attachée les services de la
direction des ressources humaines du groupe ERAMET, qui lui a soumis plusieurs
candidatures. Le choix est revenu ensuite à un jury de recrutement composé du président, d’un
représentant de la SLN, du directeur général de ENERCAL, pour une approbation finale en
comité de direction.
Parallèlement, la SAS NCE a sollicité une société de conseil en ressources humaines
pour l’accompagner dans le recrutement du reste de son équipe. Cette dernière était en charge
de :
l’identification des profils adaptés au descriptif des fonctions ;
176
Départ négocié par convention le 13 juillet 2020.
177
Licenciement pour cause économique notifié par LRAR le 13 juin 2020.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
88
la proposition de candidats ;
l’organisation des entretiens ;
l’assistance du directeur de projet dans l’analyse finale pour le choix des candidats
retenus.
Pour ses prestations de conseil et d’accompagnement, la société sollicitée par NCE, a
perçu 6 380 400 F CFP HT sur l’exercice 2018-2019. Elle a également perçu
1 123 200 F CFP HT sur l’exercice 2019-2020 pour le recrutement du responsable administratif
et financier, intervenu le 5 août 2019.
Les niveaux de rémunération ont été le résultat de négociation de gré à gré.
A poste identique, les rémunérations sont restées stables.
Le contrôle interne
La mise en œuvre progressive de procédures
Chaque directeur de projet a initié la mise en place de procédures tendant à définir ou à
améliorer l’organisation et le fonctionnement de la SAS NCE. Cette formalisation des
procédures contribue également à garantir toute la transparence attendue dans la gestion d’un
projet financé par des fonds publics.
La première directrice de projet a rédigé trois procédures portant sur :
l’organisation des équipes et les attendus de chaque poste, rédigée le 25 février 2018
et mise à jour le 2 octobre 2018 ;
la gestion de la correspondance, rédigée le 11 septembre 2018 ;
la maîtrise documentaire, l’identification et la numérotation des documents, rédigées
les 28 septembre 2018 et 4 octobre 2018.
Son successeur a poursuivi cette pratique par la mise en place d’une procédure relative
aux voyages et déplacements en février 2019.
Enfin, le troisième directeur de projet a enrichi ces procédures en les inscrivant dans une
démarche de qualité
178
. Il s’est aussi attaché à formaliser une procédure relative à la dépense en
s’appuyant sur les principes de la commande publique.
L’encadrement de la dépense
De par son statut, la société NCE n’est pas soumise à la réglementation applicable en
matière de commande publique. Néanmoins, la SAS NCE s’est employée à s’en inspirer afin
de se conformer à la demande exprimée par le ministre de l’économie et des finances par
courrier en date du 28 octobre 2016, qui soulignait « l’importance d’avoir recours à des appels
178
Avec la mise en place d’une charte éthique le 3 décembre 2019.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
89
d’offres ouverts pour bénéficier de coûts compétitifs et pour rassurer les prêteurs quant à la
robustesse des contrats passés ».
Une procédure d’achat est mise en place à compter de 14 janvier 2020. Elle définit,
selon les seuils et dans le cas des contrats dits majeurs du projet, les modalités:
de définition du besoin ;
d’obtention de devis ;
de mise en concurrence et de validation.
La chambre relève qu’il aurait été préférable, dans un souci de transparence, que cette
procédure soit formalisée en amont du lancement des premières études.
Une règle qui souffre d’exceptions
Du fait de cette absence de règles formalisées, certaines commandes ont été passées sans
aucune mise en concurrence comme :
l’acquisition d’un véhicule de fonctions, pour 4 322 300 F CFP ;
l’engagement d’une prestation d’assistance à maîtrise d’ouvrage par lettre
d’intention
en
date
du
5
juin
2018
pour
un
montant
forfaitaire
de
3 727 7272 F CFP HT ;
le recours aux cabinets conseils juridiques et financiers ;
la proposition commerciale conclue le 29 juin 2018 pour des prestations de
recrutement, dont le coût s’élève à ce jour à 7 503 600 F CFP HT ;
la proposition technique et commerciale en date du 14 juin 2018, pour des
prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage d’un montant forfaitaire de
2 300 000 F CFP HT, se traduisant par la mise à disposition pour une période de
23 jours d’un salarié au profit de NCE. Cette période sera prolongée pour
700 000 F CFP HT.
Bien qu’une procédure soit formalisée, quelques exceptions sont constatées. Ainsi, le
12 mai 2020, la SAS NCE conclut un contrat avec une société sans mise en concurrence. Son
objet est l’étude de la stratégie photovoltaïque. Après signature d’un avenant le
19 août 2020, la mission est prolongée jusqu’en décembre 2020. Le coût journalier du
prestataire est facturé 180 000 F CFP HT. Le coût total de son intervention est estimé à
10 440 000 F CFP HT, auquel s’ajoutent 200 000 F CFP HT pour la validation du rapport final
qu’il doit remettre en fin d’année.
Selon le directeur de projet, ce contrat et la négociation qui l’a précédé ont été gérés
directement par le président en fonctions lors de l’instruction menée par la chambre. Il précise
en outre que les seules exceptions qu’il a pu constater concernaient la stratégie fondée sur les
énergies renouvelables.
Selon le président en fonctions au moment de l’instruction menée par la chambre, la
spécificité de la compétence recherchée, les restrictions du champ de recherche en dehors du
territoire, liées au Covid-19 et l’urgence d’apporter un renfort au directeur de projet sur le volet
des énergies renouvelables, auraient justifié l’absence de mise en concurrence. La chambre
relève qu’il ne peut y avoir urgence à s’assurer le concours d’un prestataire externe pour une
mission ne relevant pas de l’objet social de NCE. La chambre recommande à la société de se
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
90
conformer aux procédures internes prévues en matière d’achat et de les faire approuver par son
comité de direction.
Par ailleurs, elle invite NCE à se doter d’un outil de suivi des achats afin de s’assurer du
respect systématique de ses procédures.
Le président actuellement en fonctions, indique qu’un outil de suivi des achats a été mis
en place et que les procédures d’achat devraient faire l’objet d’une présentation pour adoption
lors d’un prochain comité de direction.
La chambre prend note de cette réponse et maintient les deux recommandations en
l’attente de la présentation de l’outil de suivi et des procédures d’achat au comité de direction.
Recommandation n°3 :
La chambre recommande à la société NCE de faire adopter ses procédures d’achat par
son comité de direction.
Recommandation n°4 :
La chambre recommande à la société NCE de se doter d’un outil de suivi des achats afin
de s’assurer du respect de ses procédures.
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
91
Annexe n°1 : Compte de résultat de NCE
En F CFP
2016/2017
2017/2018
2018/2019
2019/2020
Production immobilisée
270 265 217
559 928 428
Reprises sur dépréciations et provisions, transferts de
charges
469 902
Autres produits
2 960
2 208
Total produits d'exploitation
270 268 177
560 400 538
Autres achats et charges externes
378 431
165 130 985
431 693 675
Achats non stockés, fournitures
Autres charges et services extérieurs
Autres services extérieurs
Autres achats et charges externes
378 431
11 121 751
165 130 985
431 693 675
Impôts, taxes et versements assimilés
141 362
333 460
451 464
Salaires et traitements
79 342 379
99 991 062
Charges sociales
22 943 689
27 053 895
Charges de personnel
102 286 068
127 044 957
Autres charges de gestion courante
302 708
344 047
Dotations aux amortissements et aux provisions
2 200 703
2 820 040
Total charges d'exploitation
378 431
11 263 113
270 253 924
562 354 183
RESULTAT D'EXPLOITATION
-378 431
-11 263 113
14 253
-1 953 645
Produits financiers de participations
Autres intérêts et produits assimilés
1 971 010
Différence positive de change
3 163
7
Reprises sur provisions financières
Total
produits financiers
3 163
1 971 017
Charges d'intérêts
Abandons de créances
Perte sur créances rattachées suite à liquidation
Différence négative de change
2 416
17 372
Dotations financières aux provisions et dépréciations
Total charges financières
2 416
17 372
RESULTAT FINANCIER
747
1 953 645
RESULTAT COURANT AVANT IMPÔT
-378 431
-11 263 113
15 000
0
Produits exceptionnels sur opérations de gestion
Produits exceptionnels sur opérations en capital
Subvention d'investissement virée au résultat
Reprises sur provisions et dépréciations
Total des produits exceptionnels
Charges exceptionnelles sur opérations de gestion
15 000
Charges exceptionnelles sur opération en capital
Total charges exceptionnelles
15 000
RESULTAT EXCEPTIONNEL
-15 000
Total des produits
270 271 340
562 371 555
Total des charges
378 431
11 263 113
270 271 340
562 371 555
BENEFICE OU PERTE
-378 431
-11 263 113
0
0
Source : CTC d’après rapport de présentation des comptes NCE
RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES
92
Annexe n°2 : Bilan de NCE
Actif (en FCFP)
2016/2017
2017/2018
2018/2019
2019/2020
Immobilisations incorporelles
Concessions, brevets et droits similaires
233 075
141 231
Immobilisations corporelles
Constructions sur sol d'autrui
Agencements et aménagements
Autres immobilisations corporelles
9 773 924
7 125 808
Immobilisations corporelles en cours
17 367 395
287 632 612
847 561 040
Immobilisations financières
Titres de participation
Créances rattachées
Autres immobilisations financières
220 878
1 100 118
879 240
Total actif immobilisé
0
17 588 273
298 739 729
855 707 319
Avances et acomptes versés aux
fournisseurs.
Créances d'exploitation
Créances clients et comptes rattachés
Autres créances
501 617
2 418 614
Autres créances d'exploitation
Disponibilités
853 000
428 980 367
838 258 392
861 354 579
Total actif circulant
853 000
428 980 367
838 760 009
863 773 193
Charges constatées d'avance
242 639
952 500
TOTAL ACTIF
853 000
429 223 006
838 760 009
864 725 693
TOTAL GENERAL
853 000
446 811 279
1 137 499 738
1 720 433 012
Passif (en F CFP)
2016/2017
2017/2018
2018/2019
2019/2020
Capitaux propres
1 000 000
1 000 000
1 000 000
1 000 000
Capital social
Prime d'émission
Réserve légale
Report à nouveau
-378 431
-11 641 544
-11 641 544
Résultat de l'exercice
-378 431
-11 263 113
situation nette
Subventions d'investissement
346 000 000
346 000 000
346 000 000
Provisions pour risques et charges
Provisions pour risques (dépassement sur
Provisions pour charges (IDR)
Dettes financières
0
430 000 000
750 000 000
1 350 000 000
Emprunts et dettes auprès établissements
de crédit
Emprunts et dettes financ divers
430 000 000
750 000 000
1 350 000 000
Dettes sur fonds défiscalisés
Dettes d'exploitation
231 000
17 730 395
52 141 282
35 074 556
Dettes fournisseurs et comptes rattachés
231 000
17 730 395
36 721 489
13 300 677
Dettes fiscales et sociales
15 419 793
21 773 879
Dettes diverses
9 722 428
Total dettes
TOTAL PASSIF
1 231 000
794 351 964
1 137 499 738
1 720 433 012
Source : CTC d’après rapport de présentation des comptes NCE
NOUVELLE-CALEDONIE ENERGIE (NCE)
93
REPONSES
Réponse de Monsieur Yves Lefevre, président de Nouvelle-Calédonie Energie
En application de l’article L. 262-68 du code des juridictions financières, cette réponse
n’engage que la seule responsabilité de son signataire.
Réponse de Monsieur Pierre Kolb
En application de l’article L. 262-68 du code des juridictions financières, cette réponse
n’engage que la seule responsabilité de son signataire.
Réponse de Monsieur Philippe Gomes
En application de l’article L. 262-68 du code des juridictions financières, cette réponse
n’engage que la seule responsabilité de son signataire.
Réponse de Monsieur Roger Kerjouan
En application de l’article L. 262-68 du code des juridictions financières, cette réponse
n’engage que la seule responsabilité de son signataire.
Chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie
13, Boulevard Vauban - BP 2392 - 98846 Nouméa cedex - Nouvelle-Calédonie
www.ccomptes.fr/