ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA GESTION
DES ABSENCES
DES ENSEIGNANTS
Garantir la continuité pédagogique
Rapport public thématique
Synthèse
Décembre 2021
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
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Absences au travail et absences devant les élèves
7
2
Une démarche préalable indispensable :
mesurer et comparer le phénomène
9
3
Compte tenu du poids des absences
pour raisons de santé, consolider la politique
de prévention du ministère
11
4
Réduire drastiquement et compenser
les absences institutionnelles
13
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
L’appréciation des absences des enseignants est une question délicate car la
mesure statistique et la perception qu’en ont les élèves et leurs familles ne
coïncident pas exactement . Une partie de leurs absences n’est pas répertoriée
alors qu’une fraction de leur activité, parce qu’elle s’exerce en dehors de la salle
de classe, est injustement assimilée à une absence .
L’enquête menée par la Cour s’est attachée à éclairer successivement ces
deux volets, qui ont pris un relief particulier au cours de la période récente . La
crise sanitaire a mis en lumière l’importance de la continuité du face-à-face
pédagogique . Qu’il s’agisse d’absences relevant de raisons personnelles, comme
la santé, ou d’obligations professionnelles qui détournent provisoirement
l’enseignant de la classe, l’institution scolaire doit assurer la continuité
pédagogique . Alors que les familles se contentaient, jusqu’à présent, de
manifester leur désapprobation lors des rentrées scolaires ou par l’intermédiaire
des fédérations de parents d’élèves, elles n’hésitent plus à engager la
responsabilité de l’État devant les tribunaux pour défaut de continuité du service
public de l’Éducation .
La Cour des comptes a également tenté de mesurer le coût et l’efficacité des
moyens consentis par l’État pour limiter les atteintes à la continuité pédagogique
au sein du secteur public de l’enseignement et a cherché à identifier les voies
et moyens susceptibles d’en améliorer l’efficacité, au moment où les pouvoirs
publics ont décidé de mettre en œuvre, à compter de la rentrée scolaire 2021, une
prise en charge pédagogique en cas d’absence de courte durée d’un professeur .
Pour la Cour, le ministère doit se doter d’une véritable stratégie reposant sur
plusieurs piliers qui lui font encore défaut : la connaissance du phénomène,
la prévention en matière de santé, les moyens de limiter et de compenser
les absences de courte durée . Parmi celles-ci, les absences ayant des causes
institutionnelles peuvent être réduites en déportant ces missions et obligations
professionnelles hors du temps d’enseignement .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Absences au travail et absences
devant les élèves
Les particularités du métier d’ensei-
gnant, notamment l’emploi du temps
hebdomadaire et le calendrier scolaire,
compliquent la mesure des absences .
Ainsi, un professeur de collège qui
rend visite à sa famille deux jours de
suite parce qu’il n’a pas cours n’est
pas répertorié comme absent ; il en
est de même du professeur des écoles
retenu au lit une semaine pendant les
vacances scolaires . Tous deux échappent
au recensement des salariés absents,
ce qui fausse les comparaisons avec les
autres catégories de travailleurs .
En revanche, des enseignants appelés
par leur hiérarchie à des tâches
pédagogiques autres que la présence
dans la classe, comme la participation
à un jury d’examen par exemple, ne
font pas cours et sont considérés
comme absents par les familles,
bien qu’ils travaillent et contribuent
au fonctionnement de l’institution
scolaire . Cette situation appelle de
la part de l’Éducation nationale une
solution de remplacement pour
garantir la continuité pédagogique .
Si le remplacement des professeurs
des écoles est assuré dans près de
80 % des cas dans le premier degré dès
le premier jour d’absence et l’accueil
des élèves garanti, la situation est plus
complexe dans le secondaire . Alors
que les absences de plus de 15 jours
des enseignants y sont remplacées
à plus de 96 %, près de 10 % des
heures de cours ont néanmoins été
« perdues » lors de l’année scolaire
2018-2019, en progression de 24 %
par rapport à l’année précédente . La
raison principale d’un tel niveau de
temps d’enseignement non assuré
est étroitement liée aux difficultés
tenant aux absences de courte
durée, qui représentent à elles-seules
près de 2,5 millions d’heures, dont
seules un peu plus de 500 000 sont
remplacées . Cette situation est de
moins en moins tolérée par les parents
d’élèves voire les élèves . Ceux-ci
disposent aujourd’hui, grâce à un accès
à des espaces numériques de travail
largement développés dans le second
degré
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, d’un outil d’information en
temps réel leur permettant de savoir
si l’enseignant est absent pour des
raisons personnelles (problèmes de
santé principalement) ou parce que
le ministère le distrait du face-à-face
pédagogique pour exercer d’autres
tâches (formation continue, jurys
d’examen, voyages scolaires, réunions
pédagogiques) .
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Pendant la crise sanitaire, certains territoires ont accéléré le déploiement des ENT vers le
premier degré (académies de Nancy-Metz, Montpellier), d’autres ont décidé un élargissement au
premier degré (académie de Lille) .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Paradoxalement, malgré ces sources
nouvelles de données, les absences des
enseignants, particulièrement celles de
courte durée, continuent à être mal
connues du ministère de l’éducation
nationale, de la jeunesse et des sports
(MENJS)
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Selon les analyses de la direction
générale de l’administration et de
la fonction publique (DGAFP) et de
la direction de l’évaluation, de la
prospective et de la performance
(DEPP), établies à partir des
absences déclarées par les cadres de
terrain de l’éducation nationale, les
enseignants ne sont pas plus absents
que les autres agents de la fonction
publique d’État, et le sont moins que
les agents des fonctions publiques
territoriale et hospitalière . Pour
autant, ces analyses ne prennent pas
totalement en compte la spécificité du
service des enseignants, caractérisé
notamment par un nombre différent
de semaines travaillées . Par ailleurs,
la proportion d’enseignants absents
pour cause de maladie ordinaire sur
une journée donnée est inférieure à
celle des salariés du privé et des autres
ministères .
Absences au travail et absences devant
les élèves
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La Cour avait déjà formulé un tel constat dans son rapport public thématique
Gérer les
enseignants autrement, une réforme qui reste à faire,
octobre 2017 .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le ministère manque encore d’outils
robustes, accessibles à distance, pour
mesurer les absences des enseignants
quelles que soient leurs modalités
d’enseignement, et les rapporter à
leurs obligations de service .
Les données recensées aujourd’hui
sont incomplètes, notamment pour
les absences de courte durée . Si
des progrès ont été réalisés dans le
premier degré, tel n’est pas le cas dans
le secondaire où le recensement des
motifs d’absence survalorise les congés
pour raison de santé au détriment
des autres types d’absences liées
au fonctionnement de l’institution .
Cette insuffisance est d’autant moins
justifiée que les établissements du
second degré sont presque tous
équipés de logiciels qui enregistrent
toutes les absences, informent les
familles et facilitent le remplacement .
Au-delà du recensement exhaustif des
absences, le MENJS doit s’attacher à
quantifier le temps de travail effectif
des enseignants, qui ne se résume pas
au temps d’enseignement devant les
élèves .
L’absence d’interface entre ces
logiciels et les applications nationales
du ministère prive l’institution d’une
information nécessaire . Pourtant, la
démarche qui permettrait de combler
cette lacune avance trop lentement,
même si une étape importante a été
franchie en décembre 2020 en faveur
d’une solution opérationnelle sous
maîtrise d’ouvrage publique que la
Cour préconisait depuis plusieurs
années . Il est nécessaire que le
ministère crée une base de données
nationale, pouvant être déclinée
au niveau de chaque académie,
regroupant les informations sur les
absences .
Faute d’outils, le ministère diligente une
enquête sur les heures d’enseignement
perdues dans le second degré qui ne
fournit que des données approximatives .
En 2018-2019, 9,3 % auraient ainsi été
perdues : plus du tiers (34 %) s’explique
par des absences pour des raisons
individuelles, les deux tiers restant
provenant du fonctionnement même de
l’éducation nationale .
En outre, l’existence d’informations
objectivées avec la définition d’un
cadre d’exercice du métier à distance
et/ou en temps de crise permettrait
d’asseoir l’intervention des cadres
auprès de certains enseignants peu
mobilisés, et notamment, le cas
échéant, de fonder des décisions de
sanctions, quasi inexistantes lors de la
période de confinement .
Une démarche préalable
indispensable : mesurer
et comparer le phénomène
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Bien que les raisons de santé soient
la première cause d’absence, le
ministère ne conduit pas une politique
de prévention structurée . La mise en
œuvre de la règlementation laisse
à désirer : les documents de base
(documents uniques d’évaluation
des risques professionnels - DUERP),
qui permettent de définir une telle
politique, n’existent pas partout, la
médecine de prévention est sous dotée
(87 médecins de prévention pour
900 000 enseignants) et l’institution
n’exploite pas suffisamment les
informations existantes .
Garant de la vision nationale, le
ministère doit retrouver une fonction
de stratège et de régulateur et ne pas
cantonner son action aux initiatives
déployées dans certaines académies,
comme l’illustre la lutte contre
l’épidémie de grippe .
Compte tenu du poids des absences
pour raisons de santé, consolider la
politique de prévention du ministère
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le coût des absences des enseignants
est estimé par la Cour à près de 4 Md€
par an, dont plus du tiers a pour
origine le fonctionnement même du
système éducatif . Ces dernières sont
principalement des absences de courte
durée qui sont mal remplacées dans le
second degré .
Trop d’absences liées à l’organisation
du service public lui-même amputent
les emplois du temps des élèves .
De façon générale, l’écart entre les
obligations réglementaires de service
(ORS)
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et le temps de travail annuel
dû par les enseignants en tant que
fonctionnaires (1 607 heures)
laisse des plages temporelles
suffisantes pour que les absences
dues à l’institution ne s’imputent
pas sur les temps d’enseignement .
L’institution scolaire doit faire
en sorte que l’organisation des
examens ou des concours et des
réunions pédagogiques ne morde
pas systématiquement sur le temps
de cours des élèves, que les stages
de formation aient lieu en dehors
du temps d’enseignement et que
les professeurs participant à des
voyages ou des sorties scolaires soient
systématiquement remplacés .
Pour faciliter le remplacement de
courte durée, la simple relance des
protocoles de remplacement au
sein des établissements du second
degré ne suffit pas, car le chef
d’établissement reste toujours aussi
dépourvu de moyens pour trouver des
remplaçants en dehors des volontaires .
De même, l’annonce de plans d’accueil
pédagogique dans le second degré
à la rentrée 2021 ne sera d’aucune
utilité si les équipes de direction n’ont
pas les moyens pour réussir leur mise
en place . La Cour a déjà recommandé
en 2017 d’inscrire le remplacement
dans les missions des enseignants :
l’intégration d’un forfait annuel
d’heures de remplacement dans des
ORS revues et le renforcement des
prérogatives du chef d’établissement,
en complément de cette mesure,
donneraient une assise solide au
remplacement de courte durée .
Enfin, la crise sanitaire a fait apparaître
la nécessité de prévoir la continuité
administrative à tous les niveaux de
l’institution scolaire pour mieux suivre
la présence des enseignants auprès de
leurs élèves et les accompagner en cas
de difficulté . Dans cette perspective, le
ministère devrait fixer un cadre général
Réduire drastiquement
et compenser les absences
institutionnelles
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Celles-ci peuvent osciller entre 540 heures pour un professeur agrégé du second degré
et 972 heures pour un enseignant du premier degré (1 296 heures pour un professeur
documentaliste) .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Réduire drastiquement et compenser
les absences institutionnelles
des plans de continuité administrative
précisant certains attendus des
relations entre l’administration et
les enseignants, au sein des équipes
enseignantes et entre les professeurs
et les familles, de façon à améliorer
le suivi de l’activité des enseignants
par les inspecteurs de l’éducation
nationale et les chefs d’établissement .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Annualiser les heures de service
des enseignants du second degré afin,
d’une part, de réduire les absences
institutionnelles, notamment
celles liées aux formations et au
travail pédagogique, et, d’autre
part, d’améliorer le remplacement
des absences de courte durée des
enseignants . (MENJS) .
2.
Veiller à l’élaboration dans chaque
structure du service public de
l’Éducation d’un plan de continuité
administrative de l’activité en cas
de crise, en complément du plan
de continuité pédagogique, à partir
d’un cadre fixé au niveau national
(MENJS) .
3.
Mettre en œuvre dans les meilleurs
délais l’obligation de se doter d’un
document unique d’évaluation des
risques professionnels (DUERP) dans
les écoles, les EPLE et les services
(MENJS) .
4.
Mettre en place une politique
de prévention comportant
notamment des mesures incitatives
à la vaccination des personnels de
l’Éducation nationale (MENJS) .
5.
Récupérer les données recensées
dans les logiciels d’emploi du temps
pour nourrir une base nationale des
absences, à créer (MENJS) .
6.
Adapter les systèmes d’information
pour qu’ils permettent la saisie
et le suivi de toutes les absences,
quelle qu’en soit la cause, ainsi que
la prise en compte des activités
d’enseignement à distance, en cas de
perturbation des conditions normales
d’enseignement (MENJS) .