LA PRÉVENTION
DE LA PERTE
D’AUTONOMIE
DES PERSONNES
ÂGÉES
Construire une priorité partagée
Rapport public thématique
Novembre 2021
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
9
Récapitulatif des recommandations
...........................................................
17
Introduction
..................................................................................................
19
Chapitre I
Une politique inadaptée à l’enjeu démographique
................
21
I - Des résultats médiocres alors que les besoins sont croissants
...................
21
A - Une situation préoccupante
............................................................................
22
B - Un objet flou, des concepts débattus
...............................................................
25
C -
L’absence de consensus sur les résultats à attendre d’une politique de
prévention
.............................................................................................................
27
II - Des interventions encore trop dispersées malgré un début de
structuration
...................................................................................................
30
A - Des acteurs nombreux
....................................................................................
31
B - Une quantification approximative des montants mobilisés
.............................
39
C - Malgré des avancées, une coordination encore difficile
.................................
42
Chapitre II Un diagnostic commun sur les bonnes pratiques à
privilégier
......................................................................................................
47
I - Permettre le maintien à domicile dans un logement adapté
.......................
47
A - Une politique encore trop orientée sur les travaux
.........................................
47
B - Un objectif de rationalisation toujours repoussé
.............................................
52
II -
Prévenir les chutes et leur récidive, promouvoir l’activité physique
et lutter contre l’isolement
.............................................................................
55
A - Une politique de prévention des chutes trop timide au regard des
enjeux
...................................................................................................................
55
B -
Le rôle majeur de l’activité physique
..............................................................
61
C -
L’enjeu de la lutte contre l’isolement des personnes âgées
.............................
65
III - Sensibiliser les professionnels pour modifier les pratiques
....................
67
A - Une surveillance et une prise en charge accrues en ville
................................
68
B -
De l’ordre de 400
000 cas de dépendance évitables chaque année
.................
69
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COUR DES COMPTES
4
Chapitre III Une politique publique à redéfinir et à réorganiser
...........
75
I - Bâtir une offre de prévention graduée selon trois niveaux
........................
75
A - Sensibiliser le plus grand nombre
...................................................................
75
B - Détecter et prendre en charge les publics vulnérables
....................................
78
C - Accompagner les plus démunis
......................................................................
86
II - Resserrer et clarifier la gouvernance
........................................................
88
A - Conforter le département, chef de file local
....................................................
89
B -
Faire de la CNSA le maître d’ouvrage national, garantissant l’équité
territoriale
.............................................................................................................
91
Conclusion générale
.....................................................................................
97
Liste des abréviations
..................................................................................
99
Annexes
.......................................................................................................
101
Réponses des administrations et organismes concernés
.........................
157
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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Procédures et méthodes
En application de l’article L
. 143-6 du code des juridictions
financières, la Cour des comptes publie chaque année un rapport public
annuel et des rapports publics thématiques. Le présent rapport est un rapport
public thématique sur une politique publique.
C
es travaux et leurs suites sont réalisés par l’une des six chambres
que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres
et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des r
apports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle
des juridictions financières et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en
toute liberté d’appréciation.
La contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, l
a publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses sont présentées en annexe du texte de la Cour.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le
rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs d’observations et de
recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon
collégiale, par une formation comprenant au moi
ns trois magistrats. L’un des
magistrats assure le rôle de contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
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COUR DES COMPTES
6
L’instruction de cette
enquête, effectuée par deux rapporteurs
1
, s’est
déroulée entre juillet 2020 et mars 2021.
Un comité d’experts constitué à cet effet s’est réuni trois fois au
cours de l’enquête. Ce comité était composé du président de la société
française de gériatrie et gérontologie (SFGG), d’une directrice de recherche
à l’institut national d’études démographiques (I
ned), du directeur général de
la mutualité française, précédemment directeur de Carsat puis directeur de
l’action sociale de la Cnav, d’un
e représentante
de l’association nationale
des directeurs d’action sociale et de santé des départements et métropoles
(Andass), d’un directeur de centre communal d’action sociale (CCAS) et
d’un économiste de la santé.
Les constats de l’enquête ont été partagés avec
le comité d’experts
; les projets de recommandations lui ont été présentés et
ses observations et remarques ont été intégrées à ce document. Son apport a
été déterminant.
Un modèle de projection des dépenses de santé (Pandore) a été établi
par la direction des méthodes et des données de la Cour des comptes afin
d’estimer les dépenses évitées par le gain d’une année supplémentaire
d
’espérance de vie
sans incapacité. Il a été combiné avec des données du
système national des données de santé (SNDS) appariées à celles de
l’enquête Care
ménages
2
(dépenses de santé par classe d’âge et par type de
pathologie). La méthodologie et les résultats sont présentés en annexe 1.
Une convention a par ailleurs été conclue avec le département
d’information médicale et la cellule d’évaluation médico
-économique du
CHU de Toulouse pour la réalisation d’une étude sur les chutes
des
personnes âgées. Cette convention comporte un premier volet,
via
les bases
nationales du programme de médicalisation des systèmes d’information
(PMSI), sur les hospitalisations communément associées aux chutes des
personnes âgées, et un second,
via
l’échantillon généraliste
des bénéficiaires
(EGB) de la caisse nationale d’assurance maladie
, sur les parcours de soins
des « patients chuteurs »
en amont et en aval de l’hospitalisation liée à la
chute. La méthode et les résultats ont été présentés
au cours d’une dizaine
de réunions
à un groupe d’experts spécialistes du sujet des chutes
, constitué
d’un gériatre, d’un économiste de la santé et de deux experts de Santé
publique France
3
.
1
Elle a bénéficié du concours du centre d’appui métier et de celui d’un stagiaire,
étudiant en ingénierie de la santé.
2
Enquête Capacités, aides et ressources des seniors en ménages (Care) de la Drees sur
les conditions de vie des personnes âgées, leurs difficultés à réaliser les activités de la
vie quotidienne et les aides qu’elles reçoivent.
3
Les principaux enseignements de cette étude figurent en annexe 2.
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PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Une approche d’analyse comparée
a été engagée incluant le Japon,
la Suède, le Danemark, la Norvège, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et
l’Espagne,
notamment grâce au concours du réseau des conseillers des
affaires sociales
4
. Une vingtaine de personnalités de ces pays ont été
auditionnées, parmi lesquelles des enseignants-chercheurs, gériatres et
cadres d’
institutions de santé publiques et privées.
En France, deux territoires ont fait l’objet d’un focus particulier
: la
Haute-Garonne par des échanges avec le gérontopôle de Toulouse, la caisse
d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) de Midi
-Pyrénées, la
mutualité sociale agricole (MSA) Midi-Pyrénées Sud, la caisse primaire
d’assurance maladie (Cpam) de Haute
-
Garonne, l’agence régionale de santé
(ARS) Occitanie, la Ville de Toulouse, le département de Haute Garonne et
la région Occitanie ; la Bourgogne-Franche-Comté par des échanges avec
la Carsat, les deux caisses de MSA, le
pôle de gérontologie et d’innovation,
de l’Agirc
-
Arrco, l’ARS,
le maire de Lavoncourt (70), le président du
département de Saône-et-Loire
5
, la mutualité française ainsi qu
’avec
des
acteurs locaux du secteur habitat.
Pour disposer d’une vision globale de leur action sociale, des
questionnaires ont été adressés aux 16 Carsat.
En complément, des contacts ont été pris avec les conseils
départementaux de Seine-et-Marne, de Seine-
Maritime, de l’Yonne, des
Landes et de la Sarthe et avec les Carsat de Normandie et des Hauts-de-
France.
Au total, des entretiens ont été menés
6
avec plus de deux cents
interlocuteurs.
4
Les observations en
résultant irriguent l’ensemble du rapport. Un tableau comparatif
synthétique a été établi en annexe 3 avec un zoom particulier sur la situation du Japon.
5
Entendu principalement en tant que vice-
président de l’Assemblée des départements
de France.
6
Principalement en visio-conférence du fait de la crise sanitaire.
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COUR DES COMPTES
8
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 6 septembre 2021
par la sixième chambre de la Cour, présidée par M. Morin, président de
chambre, et composée de MM. Rabaté, de La Gueronnière, conseillers
maîtres, Mme Mondoloni, conseillère maître et MM. Seiller, Houdebine et
Burckel, conseillers maîtres, ainsi que, en tant que rapporteurs, M. Diricq,
conseiller maître, Mme Assous, conseillère référendaire et Mme Apparitio,
vérificatrice et, en tant que contre-rapporteure, Mme Hamayon, présidente
de section, conseillère maître.
Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de M. Moscovici, premier président, Mme Camby,
rapporteure générale du comité, MM. Morin, Andréani, Mme Podeur,
MM. Charpy, Gautier et Bertucci, présidents de chambre, MM. Martin,
Meddah, Lejeune, Advielle, Mmes Bergogne et Renet, présidents de
chambre régionale des comptes, ainsi que Mme Hirsch, Procureure
générale, a été consulté sur ce rapport le 13 septembre 2021. Le premier
président en a approuvé la publication le 22 novembre 2021.
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Synthèse
La prévention de la perte d’autonomie a été amplement abordée depuis
dix ans dans des travaux parlementaires
7
, de chercheurs et de spécialistes
d’horizons
divers et dans des rapports administratifs. Les analyses sont souvent
convergentes, notamment pour souligner l’importance du vieillissement
prévisible de la population mais aussi l’aspiration de celle
-ci à vivre, de
manière autonome, à domicile le plus longtemps possible.
Cependant, les acteurs de la prévention sont dispersés et leurs
interventions sont souvent concurrentes.
Cette situation est à l’origine
d’une insuffisance marquée d’efficacité de cette politique et d’une forme
d’inertie des acteurs
. Le présent rapport vise à identifier et analyser les
points de blocage, puis à tracer les pistes susceptibles de remédier à ce
défaut d’efficacité.
La situation actuelle
: on vit plus vieux en France qu’ailleurs
mais pas nécessairement en meilleure santé
L’enquête de la Cour se situe en amont de la perte d’autonomie
puisqu’elle traite de sa prévention. En termes médico
-sociaux, la cible ainsi
visée est celle des personnes encore autonomes pour les actes essentiels de
la vie (GIR 6)
8
ou nécessitant seulement une aide ponctuelle (GIR 5). Des
comparaisons ont été menées avec sept autres pays et la Cour s’est
également appuyée sur un comité d’experts.
La population française vieillit, comme celle des pays de l’OCDE
en général, et ce vieillissement va s’accélérer avec l’arrivée des classes
nombreuses du
baby boom
à l’âge où survient le plus souvent la perte
d’autonomie, soit au
-delà de 85 ans. La France comptait 100 centenaires
en 1900, 1 120 en 1970 ; ils sont actuellement 26 300 et approcheront
200 000 en 2060.
7
Dont le rapport d’information
de M. Bernard Bonne et Mme Michelle Meunier pour
la commission des affaires sociales du Sénat
sur la prévention de la perte d’autonomie
(mars 2021) qui
propose notamment d’inscrire le maintien à domicile dans le droit
positif, d’organiser des visites de prévention à 75 ans
et
d’unifier les outils d’évaluation
de la situation des personnes.
8
Les degrés de perte d’autonomie sont classés en six groupes iso
-ressources (GIR)
auxquels correspondent des besoins d’aides différents. Seuls les GIR 1 à 4 ouvrent droit à
l’APA. La personne relevant des GIR 5 (besoin d’une aide ponctuelle pour la toilette, la
préparation des repas et le ménage) ou 6 (encore autonome pour les actes essentiels de la
vie courante) n’a pas droit à l’APA mais peut demander une aide à sa caisse de retraite.
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COUR DES COMPTES
10
Bien qu’elle augmente statistiquement avec l’âge (graphique 1), la
perte d’autonomie n’est pas la conséquence inéluctable du vieillissement.
Par conséquent sa prévention est à la fois indispensable, compte tenu de
l’évolution démographique attendue, et
réalisable.
Graphique n° 1 :
prévalence de la perte d’autonomie
entre 2007 et 2014 par sexe
Source
: Cour des comptes d’après données Drees
Note de lecture : l
a prévalence d’un score V
ie Quotidienne Santé > 40
9
est de 12 % chez les
femmes de 75-79 ans en 2007 contre 10 % en 2014.
En son état actuel, cependant, le dispositif français de prévention
n
’apporte
pas la démonstration de son aptitude à faire face aux problèmes
à venir. Il doit être amélioré.
L’espérance de vie à 65 ans est certes plus longue en France que
dans les autres pays européens. En revanche, les années de vie en bonne
santé représentent la moitié seulement de cette durée espérée alors que bien
d’autres pays –
onze en Europe
–
font mieux.
9
Le « score VQS » est calculé pour synthétiser en un seul chiffre les difficultés
rencontrées par les personnes âgées (limitation fonctionnelle physique, sensorielle,
cognitive, maladie chronique). Un senior déclarant de fortes limitations pour de
nombreuses activités aura ainsi un score VQS élevé. Une personne ayant un score VQS
supérieur à 40 est en situation de perte d’autonomie (sourc
e : M. Brunel
–
A. Carrère,
«
Incapacités et perte d’autonomie des personnes âgées en France : une évolution
favorable entre 2007 et 2014 », cahiers de la Drees n° 13, mars 2017).
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SYNTHÈSE
11
Carte n° 1 :
espérance de vie à 65 ans en 2019
Source :
Cour des comptes d’après données Eurostat
La Cour a calculé qu’un gain d’un an d’espérance de vie sans
incapacité (EVSI) ferait économiser
un montant d’environ
1,5
Md€
à
l’assurance maladie
10
. Outre le bénéfice individuel et collectif pour les
personnes concernées, ces enjeux financiers légitiment pleinement
l’intervention publique en matière de prévention de la perte d’autonomie.
10
La Cour a estimé grâce au modèle Pandore de projection des dépenses de santé, le
gain d’une année d’espérance de vie sans incapacité sur la période 2021
-2031. En
l’absence de données sur les dépenses médico
-sociales moyennes par âge, cette
estimation ne prend pas en compte les économies en matière d’A
PA
, d’hébergement ou
d’accue
il de jour liées à
l’amélioration d’un an de l’EVSI. Elle est donc minorée.
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COUR DES COMPTES
12
La dispersion des intervenants prive de ses effets opérationnels
une politique pourtant consensuelle sur le fond
Les acteurs participant, sous une forme ou sous une autre, à la prise
en charge de la prévention de la perte d’autonomie sont très nombreux
(conseils départementaux
,
caisses de retraite, agences régionales de santé,
caisses primaires d’assurance maladie, Agence nationale de l’habitat,
communes et établissements de coopération intercommunale, conseils
régionaux, bailleurs sociaux, mutuelles, associations…). Un début de
restructuration a certes eu lieu en 2015 avec la création, par la loi
d’adaptation de la société au vieillissement (dite loi ASV) du 28 décembre
2015
11
, des conférences des financeurs, présidées par les présidents des
conseils départementaux. L
’action sociale des caisses de retraite, quant à
elle
, a entamé un processus d’association en «
inter-régimes »
12
.
L’ensemble
est
cependant
encore
foisonnant,
administrativement
complexe, désordonné dans sa progression. On ne sait du reste pas évaluer
le montant des dépenses engagées au titre de la prévention de la perte
d’autonomie. La Cour l’estime à près de 1,5
Md€ par an, dont près de
460
M€ pour les «
aides techniques
» (fauteuils, déambulateurs, cannes…)
de l’assurance maladie et près de 300
M€ pour l’action sociale de la C
nav.
Tableau n° 1 :
estimation des dépenses de prévention
de la perte d’autonomie (2019 ou 2020 selon la source)
Financeurs
M€
Conférence des financeurs
203
Action sociale Cnav
13
297
Action sociale Agirc-Arrco
14
135
Action sociale MSA
42
Action sociale CNRACL
130
Action sociale fonction publique
de l’État
2,3
Adaptation logement y compris crédits d’impôts
224
Aides techniques assurance maladie
458
Total
1 491
Source
: calculs Cour des comptes d’après données des administrations et des organismes de
sécurité sociale
11
Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.
12
L’inter
-régimes des caisses de retraite consiste en la coordination, à compter de 2011,
de la Cnav, de la mutualité sociale agricole (MSA) et du régime social des indépendants
(RSI) afin de délivrer une information commune aux retraités et
d’
organiser des actions
et des ateliers collectifs de prévention.
13
Hors dépenses « habitat et cadre de vie » figurant dans la ligne « Adaptation logements ».
14
Régime de retraite complémentaire des salariés de l’agriculture, du commerce, de
l’industrie et des services.
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SYNTHÈSE
13
Des pans entiers de la politique de prévention échappent encore à la
concertation. Aussi les usagers sont souvent confrontés à une multiplicité
d’interlocuteurs et au risque bien réel de découragement. Par exemple,
la
reconnaissance mutuelle des classements en GIR entre caisses de retraite
et départements, prévue
par la loi ASV, n’est toujours pas effective,
ce qui
conduit à des évaluations redondantes et à renvoyer les demandeurs d’un
guichet à l’autre
. Autre exemple, les
caisses d’assurance
maladie et de
retraites ont développé
deux dispositifs différents de sortie d’hôpital.
Sur le fond, pourtant, il y a des sujets consensuels.
Tel est le cas des comportements à recommander ou inculquer aux
personnes. On considère communément que les moments charnières pour
infléchir préventivement les habitudes se situent, d’une part, vers 40
-45 ans
et, d’autre part, au moment du départ en retraite (par exemple pour
l’exercice physique). Il faut aussi
promouvoir une activité physique
suffisante pour les personnes âgées, à moduler en fonction de leur état. Le
défaut de
mise en œuvre de la prescription médicale d’activité physique
adaptée aux patients souffrant de maladies chroniques, autorisée depuis
2017 mais qui
n’a pas connu le succès escompté, souligne l’importance des
efforts à réaliser en ce domaine.
Il existe également un consensus pour insister sur la prévention des
chutes des personnes âgées, cause de plus de 10 000 décès de personnes de
plus de 65 ans tous les ans. La France connaît une incidence des accidents
frappant l’extrémité du fémur plus forte que le Royaume
-Uni, les Pays-Bas
ou le Danemark. Le surcoût de dépenses de santé associées à la prise en
charge des « patients chuteurs » dépasse, selon les travaux menés par le
CHU de Toulouse en collaboration avec la Cour, 900
M€
dans la seule
année qui suit l’accident.
On peut agir dans le sens de la prévention,
notamment en limitant la iatrogénie
15
médicamenteuse, en aménageant le
domicile, en faisant pratiquer une activité physique adaptée, mais la France
néglige ce domaine
d’action
; elle n’a d’ailleurs
plus d’objectif de santé
publique en la matière et pas de suivi centralisé (recommandation n° 2).
15
L’iatrogénie est définie comme l
a conséquence néfaste pour la santé résultant de
l’intervention médicale (erreurs de diagnostic, prescription inadaptée, complications
d’un acte thérapeutique) ou de l’utilisation d’un produit de santé. On note en particulier
le lien entre l’usage des psychotropes et l’occu
rrence des chutes. Les chercheurs
estiment par ailleurs qu’environ
de 400 000 cas de dépendance iatrogène, acquise lors
d’un séjour hospitalier, seraient
évitables chaque année chez les personnes âgées de
75 ans et plus.
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COUR DES COMPTES
14
L’objectif, consensuel lui aussi, de favoriser le
maintien à domicile
grâce à l’adaptation du logement se heurte à plusieurs facteurs d’inertie ou
d’inefficience
: trop grande complexité pour les bénéficiaires potentiels,
absence de suivi (ni le besoin ni le nombre de logements adaptés ne sont
connus), compétence technique fragmentaire des agents chargés des
diagnostics à domicile (recommandation n° 1).
Enfin, deux domaines de la prévention n’ont encore fait l’objet
que d’une esquisse de prise de conscience
: la lutte contre l’isolement
des personnes âgées, accéléra
teur de perte d’autonomie
, et la
sensibilisation des professionnels de santé au dépistage des pathologies
du
grand
âge
et
aux
techniques
de
maintien
des
capacités
fonctionnelles
16
(recommandation n° 3).
Mieux structurer la prévention
L’offre de prévention est actuellement dispersée et inégalitaire. Il
faut la repenser. La Cour préconise de construire une offre
graduée
de
services, qui comporterait trois niveaux :
-
au premier niveau : une information générale accessible par des
campagnes de communication grand public, une meilleure articulation
entre
information
nationale
et
information
des
collectivités
territoriales,
et
la
création
d’une
plateforme
téléphonique
d’information ;
-
au deuxième niveau : une politique «
d’aller vers
»
17
, assortie de la
possibilité d’une visite conseil à domicile réalisée par des
professionnels formés aux problématiques de prévention, pour ceux
qui en font la demande ;
-
un troisième niveau, réservé aux plus précaires socialement ou aux
personnes isolées, avec des
plans d’aide déployés par l’action sociale
des caisses de retraite, qui doit être, à cet effet, repensée et plus
homogène. Ce point fait l’objet également d’une recommandation
(n°4).
16
C’est
-à-dire la capacité à réaliser les activités de la vie quotidienne.
17
Ce concept, formulé initialement en matière de lutte contre la pauvreté, est utilisé
dans de nombreuses politiques sociales pour inciter les professionnels à aller au-devant
des usagers pour lutter contre le non-recours aux prestations, aux soins, etc.
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SYNTHÈSE
15
L’amélioration de l’impact de cette politique imposera de clarifier
les rôles des acteurs locaux et nationaux. Le pilotage devrait être renforcé
pour assurer l’intégration de la prévention dans les objectifs fondamentaux
de la branche autonomie. Il est ainsi proposé de :
-
conforter le département dans son rôle de chef de file, responsable de
la politique de prévention sur son territoire, en lien étroit notamment
avec l’agence régionale de santé et la Carsat
(recommandation 4) ;
-
au niveau national, permettre à la CNSA de moduler les crédits qu’elle
verse aux départements, dans l
’objectif d’une plus grande équité
territoriale, et la doter de ressources suffisantes, afin qu’elle assure son
rôle de pilote national de la politique de prévention de la perte
d’autonomie (recommandations 5 et 6).
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Récapitulatif des recommandations
1.
Amplifier et suivre l’adaptation des logements tout en simplifiant les
aides et en uniformisant les procédures
(ministères des solidarités et
de la santé et du logement)
.
2.
Définir un objectif de santé publique ambitieux de diminution de
l’incidence des chutes et des décès induits, en donnant aux agences
régionales de santé les outils leur permettant de mobiliser les leviers
identifiés pour y parvenir, dont un recueil statistique systématique des
chutes
(ministère des solidarités et de la santé)
.
3.
Encourager les professionnels de santé à infléchir leurs pratiques
(détection des signes de fragilité, prescription d’activité physique
adaptée, réexamen de la pertinence des médicaments, etc.)
via
des
incitations financières
(ministère des solidarités et de la santé et
Cnam
)
.
4.
Construire une offre graduée de prévention de la perte d’autonomie
que le département serait chargé de mettre en œuvre sur son territoire
(
ministère des solidarités et de la santé).
5.
Moduler les crédits versés par la CNSA aux départements en fonction
de l’atteinte d’objectifs clairs, dans l’objectif d’une plus grande équité
territoriale,
(CNSA)
.
6.
Doter la CNSA, pilote national de la politique de prévention de la
perte d’autonomie
, des ressources suffisantes pour mener à bien ses
missions, au besoin par redéploiement de moyens humains des
caisses nationales de sécurité sociale et mettre à sa disposition les
données nécessaires, relatives à l’accès des retraités à l’offre de
prévent
ion, de l’ensemble des caisses
(ministères des solidarités et
de la santé et du budget)
.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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Introduction
Plus de vingt rapports ont traité en dix ans de la prévention de la
perte
d’autonomie. Les plus récents, dont le présent ra
pport partage nombre
des constats, ont été publiés au printemps 2021
18
. Malgré cette abondante
production assortie de propositions nombreuses, la prévention de la perte
d’autonomie occupe toujours une
place marginale et en tout état de cause
peu lisible dans les politiques publiques.
Alors que les constats et les actions efficaces font largement
consensus, la Cour a cherché à identifier les points de blocage et à tracer
des pistes de progrès opérationnelles
de nature à améliorer la vie d’un quart
de la population française
aujourd’hui
et
demain d’
un tiers.
En 2020, près de 18 millions de personnes ont en effet plus de 60 ans.
Pour autant, le vieillissement est loin d’être synonyme de dépendance. Seuls
8
% d’entre elles sont
bénéficiaires de l’allocation per
sonnalisée
d’autonomie (
APA
). La présente enquête, dont l’objet se situe en amont de
la perte d’autonomie, examinée par la Cour en 2016
19
, s’intéresse
principalement aux personnes classées en GIR 5 et 6
20
vivant à domicile.
À l’intersection du sanitaire et du social et intégrant l’environnement
de vie de la personne, la politique de prévention de la perte d’autonomie n’a
pas d’objectif clairement défini. Les enjeux démographiques liés à la
18
Le rapport d’information du Sénat par M. Bernard Bonne et Mme Michelle Meunier
sur la prévention de la perte d’autonomie (mars 2021), le rapport de Luc Broussy remis
au Gouvernement «
Nous vieillirons ensemble : 80 propositions pour un Pacte entre
générations
» et également celui de l’Institut Montaigne «
Bien vieillir : faire mûrir nos
ambitions
» (mai 2021).
19
Rapport public thématique « Le maintien à domicile des personnes âgées en perte
d’autonomie
: Une organisation à améliorer, des aides à mieux cibler », La
Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
20
La grille nationale Aggir (Autonomie Gérontologie Groupe Iso Ressources) permet
de mesurer le degré de perte d
’
autonomie. Les degrés de perte d
’
autonomie sont classés
en six groupes iso-ressources (GIR) auxquels correspondent des besoins d
’
aides
différents. Seuls les GIR
1 à 4 ouvrent droit à l’A
PA. La personne relevant des GIR 5
(besoin d
’
une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage)
ou
6 (encore autonome pour les actes essentiels de la vie courante) n’a pas droit à l’APA
mais peut demander une aide à sa caisse de retraite.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
20
croissance continue de classes d’âge élevé et le souhait qu’elles man
ifestent
sans ambiguïté de demeurer aussi longtemps que possible à domicile,
conduisent à réfléchir aux moyens de structurer des actions de prévention
aujourd’hui trop dispersées et à fixer des objectifs qu’une politique mieux
coordonnée et accessible à to
us permettrait d’atteindre.
Le paysage est en effet singulièrement éclaté entre des acteurs de
statuts très différents (collectivités locales, organismes de sécurité sociale,
opérateurs publics, etc.), chacun menant, parfois concurremment, un type
d’interventions en faveur d’une catégorie de bénéficiaires.
Cette trop grande dispersion des efforts rend parfois vain le
foisonnement d’idées. C’est à une clarification des enjeux et des moyens à
mettre en œuvre que la Cour invite les pouvoirs publics et à la fi
xation
d’objectifs opérationnels pour accroître l’efficacité des interventions.
Ces éléments, conjugués à l’absence de pilotage national clair et à
l’hétérogénéité des moyens déployés localement, expliquent la lenteur des
progrès effectifs depuis dix ans, en dépit de la création des conférences des
financeurs de la prévention de la perte d’autonomie par la loi d’adaptation de
la société au vieillissement (dite ASV) du 28 décembre 2015 (chapitre 1).
Paradoxalement, les bonnes pratiques, identifiées par les chercheurs
et les professionnels pour préserver aussi longtemps que possible les
capacités fonctionnelles des personnes âgées font largement consensus. La
qualité de l’environnement, et tout particulièrement
un logement adapté, le
maintien de relation
s sociales, la pratique d’une activité physique, y
participent très largement. À la croisée de ces sujets, la prévention des
chutes concentre des enjeux centraux en termes financiers et de santé
publique (chapitre 2).
Ces bonnes pratiques doivent désormais être proposées au plus
grand nombre et prioritairement aux personnes rendues plus vulnérables
par leurs conditions de vie passées ou présentes, leurs difficultés sociales
ou économiques. Ce besoin de systématisation de l’offre de prévention
suppose un effort conséquent de structuration et de simplification. Un
meilleur ciblage et une gradation des interventions en fonction des besoins
des demandeurs serait de nature à élargir l’accès à l’offre sans la diluer.
La redéfinition des rôles respectifs des acteurs locaux et nationaux
permettrait par ailleurs d’améliorer la lisibilité et par là l’impact de cette
politique. L’action sociale des caisses de retraite, insuffisamment
structurée et coordonnée, gagnerait à être mieux intégrée. La place des
départements en chefs de file de la politique locale de prévention devrait
être confortée, ainsi que la capacité de la CNSA à en assurer un pilotage
national renforcé (chapitre 3).
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Chapitre I
Une politique inadaptée
à l’enjeu
démographique
I -
Des résultats médiocres alors que les besoins
sont croissants
Le paradoxe français tient à ce que l’espérance de vie
, parmi les plus
élevées dans le monde,
s’accompagne d’
incapacités au-delà de 65 ans plus
fréquentes que dans de nombreux pays.
Cette situation est d’autant plus
préoccupante que les générations nombreuses du baby-boom commencent
à atteindre des âges élevés.
Si le vieillissement n’induit pas systématiquement une perte
d’autonomie,
la définition de celle-ci
n’est pas aisée.
Pour mieux
appréhender les patients les plus à risque, les gériatres ont développé le
concept de fragilité clinique, en amont de la dépendance
. L’objectif est le
même que celui mis en avant par
l’
organisation mondiale de la santé
(OMS), promouvant le concept de fragilité fonctionnelle : repérer et cibler
les personnes pour lesquelles il est possible d’agir avant que la perte
d’autonomie ne s’installe durablement.
Dans un pays où la place de la prévention est limitée et compte tenu
des di
fficultés à mesurer les résultats d’une politique de prévention
,
l’objectif
opérationnel même de cette politique fait encore débat.
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COUR DES COMPTES
22
A -
Une situation préoccupante
Avec des différences significatives entre régions (cf. annexe 4), la
France est engagée dans un processus de transition démographique,
caractérisé par une augmentation de la longévité et par une croissance forte
des classes d’âge les plus élevées.
Seule une faible part des personnes âgées
de plus de 85 ans est dépendante mais la prévalence de la pert
e d’autonomie
croît de manière exponentielle
avec l’âge. Or, l
e nombre de personnes
âgées
de plus de 85 ans devrait doubler d’ici 2050.
Un premier défi se situe
en 2030, au moment
de l’arrivée des générations nombreuses du baby
-
boom à
l’
âge où la prévalenc
e de la perte d’autonomie
devient plus
importante.
En 1970, l’espérance de vie était
, dans la plupart des pays européens,
de 65 ans. En 2020, malgré une diminution liée à la pandémie de covid 19
de près de 6 mois par rapport à 2019, elle est de 85,3 ans pour les femmes
et 79,5 ans pour les hommes. Dans les conditions de mortalité de 2020, les
femmes de 80 ans peuvent espérer vivre encore 11 ans en moyenne et les
hommes 9 ans
21
.
À 65 ans, les femmes, en France, ont encore 23,7 années à vivre (les
hommes ont pour leur part une espérance de vie à 65 ans de 19,6 années),
ce qui situe la France au 1
er
rang des pays européens.
21
En 1907, en France 2
% des femmes atteignaient l’âge de 90 ans, un siècle plus tard
c’est le
cas de 40 % des femmes. La population ne vieillira pas forcément au-delà de
l’espérance de vie maximale observée (120 ans aujourd’hui), mais plus de personnes
atteindront ces âges extrêmes.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
23
Carte n° 2 :
espérance de vie en bonne santé à 65 ans en 2019
Source
: Cour des comptes d’après données Eurostat
L’espérance de vie sans incapacité (
EVSI), ou « années de vie en
bonne santé
», mesure le nombre d’années passées sans limitation
d’activité
22
. La situation française est paradoxale : les Français vivent plus
longtemps que les autres Européens mais en moins bonne santé que la
plupart d’entre
eux.
22
À l’échelle européenne, les données recueillies pour calculer l’EVSI reposent sur la
réponse
–
nécessairement subjective
–
à une question : «
Êtes-vous limité depuis au moins
six mois à cause d’un problème de santé, dans l'activité que les gens font habituellement
?
Oui, sévèrement limité(e)/ oui, limité(e) / non, pas du tout limité(e)
» (sont considérées
comme sans incapacité les personnes répondant à cette question « non, pas du tout limité
(e)
»). Pour l’enquête 2015, en France, l’échantillon était composé de 11
390 ménages.
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24
Les années de vie en bonne santé représentent en effet en France la
moitié seulement de ces années de vie supplémentaires. En Europe, 11 pays
présentent un résultat plus favorable ; en Suède, les années de vie sans
incapacité représentent 78 % de l
’
espérance de vie.
Or,
toute année d’espérance de vie sans incapacité supplémentaire
représente un gain financier non négligeable que la Cour a évalué à 1,5
Md€
par an sur les seules dépenses de santé. Outre le bénéfice individuel et
collectif pour les personnes concernées, ces enjeux financiers légitiment
l’intervention publique en matière de prévention de la perte d’autonomie
.
1,5
Md€ de dépenses de santé évitées
pour une année gagnée
d’espérance de vie sans incapacité sur la période 2021
-2031
Entre 2013 à 2021, les Français ont gagné, à 65 ans, une année
d’espérance de vie supplémentaire.
Ils vivront une année de plus au cours
de la période 2021-2031.
Pandore, un modèle de projection des dépenses de santé développé
par la Cour,
a permis d’estimer le
gain d’une année d’espérance de vie sans
incapacité (cf. en annexe 1 la présentation du modèle et des résultats).
Pour la période 2021-2031, ce gain peut être estimé à 1,5
Md€
par
an (pour la période 2013-
2021, le gain s’élève à 1
Md€
, la différence entre
les deux périodes tient à la structure démographique des plus de 65 ans dont
une plus grande part atteindrait 75 ans à partir de 2021, âge à partir duquel
l’incapacité
est plus fréquente).
Ces estimations constituent le bas de la fourchette des économies
prévisibles. En effet, elles ne prennent pas en compte, faute de données sur
les dépenses médicosociales par âge, les économies en matière
d’A
PA,
d’
hébergement ou
d’
accueil de jour liées à
l’amélioration d’un an de l’EVSI
,
ni les progrès en matière de qualité de la vie et de socialisation. De plus, les
données utilisées
23
, excluant les personnes en Ehpad, les dépenses de santé
évitées sont elles-mêmes sous-estimées.
23
Ce sont celles de l’enquête Care
ménages appariée au système national des données
de santé (SNDS).
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
25
B -
Un objet flou, des concepts débattus
1 -
Vieillissement naturel ou pathologique
Si l’on vieillit dès le début de l’âge adulte, la notion de vieillesse
pose la question des rapports entre âge chronologique et âge biologique. Le
vieillissement
physiologique
normal
entraîne
progressivement
la
diminution de la force musculaire et plus globalement des performances
physiques, alors que le vieillissement pathologique peut conduire à la perte
d’autonomie. Une personne qui avance en âge risque de développer une ou
plusieurs maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancers,
maladies neurodégénérative
s, diabète) auxquelles peuvent s’ajouter des
affections aigües (infections, inflammations) ou des traumatismes (chutes).
Le vieillissement n’est pas uniforme. Il dépend du patrimoine
génétique et du vécu de chacun
: niveau d’éducation, hygiène de vie,
traumatismes, etc. La prévention des maladies chroniques peut contribuer
à éviter la dépendance, de même que - dans des registres très différents -
l’activité physique
, un régime alimentaire de type méditerranéen ou le
maintien de liens sociaux.
2 -
La perte d’autonomie conséquence de l’état de santé
L’état de santé est souvent à l’origine d’une perte d’autonomie
, mais
tous les problèmes de santé n’y conduisent pas de façon inéluctable
: un
déficit sensoriel peut être corrigé (appareil auditif, lunettes)
s’il est d
épisté
à temps
, un diabète de type 2 bien contrôlé n’a pas d’impact sur le maintien
des capacités fonctionnelles.
Le nombre de personnes en
perte d’autonomie
peut être approché
par le
nombre de personnes percevant l’allocation personnalisée
d’
autonomie (APA), à laquelle sont éligibles les personnes âgées évaluées
en GIR 1 à 4, soit 8 % des plus de 60 ans (1,35 million de personnes) fin
2018. La Drees estimait pour sa part
qu’en 2014
24
, 1,5 million de personnes
de plus de 60 ans à domicile cumulaient les trois composantes du processus
de dépendance (maladie chronique, limitations fonctionnelles et difficultés
pour se laver).
L’écart entre les deux données peut provenir soit d’un non
recours aux prestations comme de différences de mesure.
24
Enquête Vie quotidienne et santé (VQS) 2014.
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26
Si des restrictions dans les activités de base de la vie quotidienne
sont généralement synonymes de dépendance, des difficultés, par exemple,
à faire ses courses ou préparer ses repas peuvent être compensées (par le
portage de repas par exemple). Le recours à des aides techniques simples
(barres d’appui, planches de bain
installées sur la baignoire) participe au
maintien de l’autonomie.
C
’est
aussi en fonction
de l’environnement
de la
personne
que s’apprécie le besoin d’aide
: le maintien à domicile n’est pas
simple pour une personne isolée en milieu rural sans moyen de se déplacer.
3 -
Le concept ambigu et non consensuel de fragilité
La fragilité désigne, en gériatrie, les sujets qui présentent un haut
risque de perdre leur autonomie, ne disposant plus de la réserve
fonctionnelle pour faire face à une tâche ou affronter un stress. Il s’agit
d’un syndrome
clinique et non d’une maladie
, souvent en lien avec la
diminution de la masse musculaire et une
perte d’appétit.
Le même terme est utilisé par les caisses de retraite, qui ont
développé depuis 2012 des observatoires régionaux des fragilités. Il
désigne dans ce cas la fragilité sociale, résultant de la précarité, de
l’isolement (veuvage) et des conditions d’accès aux soins.
Le fait d’utiliser le même mot pour désigner deux concepts
différents n
’
en facilite pas la compréhension. Ils sont toutefois liés : des
difficultés financières, l’origine sociale, comme les comportements à
risque (notamment la co
nsommation d’alcool) ou l’isolement, favorisent la
fragilité « clinique » aux âges avancés
25
.
A contrario
, l’éducation protège
relativement de la fragilité « clinique » : 23,7 % des femmes de 75 ans et
plus avec un haut niveau d’éducation sont fragiles cont
re 37,8 % des
femmes faiblement qualifiées
26
.
Le ciblage des actions de prévention sur les personnes les plus fragiles
socialement fait consensus.
S’agissant de la «
fragilité clinique »
l’intérêt d’
un
dépistage ainsi que le principe de sa réversibilité sont débattus. Certains
gériatres estiment que la détection de la fragilité ne permet pas d’intervenir
avec succès pour prévenir la perte d’autonomie (sauf pour ce qui concerne les
chutes).
Les modes d’interventions les plus ap
propriés sont eux-mêmes
discutés. Les interventions multi-domaines (conseils en nutrition, activité
physique adaptée, etc.) par exemple sont efficaces mais leurs effets ne sont pas
nécessairement durables. La pré-fragilité, en amont de la fragilité, est
considérée comme plus facilement réversible.
25
Sirven N. & Rapp T. (2014).
Who becomes frail in Europe ? On the socioeconomic
determinants of frailty using SHARE data
. Document de travail Liraes.
26
Sirven N. et al
Persistence in inequalities of frailty at older age : a comparison of
nine EU countries
, présentation conjointe des résultats de l’enquête SHARE.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
27
4 -
La démarche Icope
de l’OMS
L’organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté en 2018 la
démarche Icope (
integrated care for older
people
), qui, partant des
difficultés rencontrées par les personnes âgées, préconise la surveillance et
le maintien de cinq fonctions essentielles de l’individu
: la mobilité, la
cognition, le sensoriel, l
’état
psycho-social et la vitalité (nutrition et
préhension). À l’opposé d’une approche centrée sur les pathologies, elle
vise à ce que chacun conserve ses capacités intrinsèques afin de continuer
à vivre le mieux possible.
Centre c
ollaborateur de l’OMS depuis 2017, le gérontopôle du CHU
de Toulouse est ainsi passé d’une approche centrée sur le dépistage
à
l’hôpital
des fragilités à la promotion du maintien des capacités
intrinsèques
, en s’appuyant davantage sur les soins primaires, plus adaptés
,
à travers l’application de
cette démarche Icope.
L’OMS avait initialement proposé d’associer à la mise en œuvre
d’Icope une cible de
réduction de 15 millions de personnes dépendantes dans
le monde d’ici 2025, mais cette cible n’a finalement pas été approuvée
27
.
Même si la démarche est encore peu déployée, la France est de loin
le pays le plus impliqué
28
. Ce programme peut constituer le l
evier d’un
changement bénéfique,
pour peu que les professionnels s’en saisissent et
en fassent un outil de « monitorage » des capacités fonctionnelles de leurs
patients. L
’enjeu est
aussi de réussir à organiser, en aval, une prise en
charge adaptée aux difficultés repérées.
C -
L’absence de consensus sur les résultats à attendre
d’une politique de prévention
1 -
La faible place de la prévention dans notre système de soins
La prévention est en France très associée aux campagnes de
vaccination ou de dépistage (comme le rendez-vous «
M’T dents
») et
marquée par une approche sanitaire prenant peu en compte les conditions
et les habitudes de vie.
La place prépondérante de la tarification à l’acte et
de la prescription dans la pratique médicale peut expliquer cet état de fait,
à la différence des pays nordiques ou du Royaume-Uni.
27
Elle figure
néanmoins dans une publication de l’équipe du gérontopôle de Toulouse
sur la mise en œuvre d’I
cope (revue Regards, EN3S, septembre 2020).
28
Aucun des experts des pays inclus dans le benchmark de la Cour
n’a indiqué que son
pays entendait la rejoindre activement
–
la plupart n’avait pas entendu parler d’I
cope.
Par ailleurs, i
l existe d’autres programmes sérieux de détection de la fragilité en France.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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28
L’impact de la prévention sur les dépenses de santé et le chiffrage des
économies qu’elle peut induire sont toujours discutés. Le rendement des
actions de prév
ention de la perte d’autonomie est rarement étudié, en raison de
la complexité de l’exercice, dans un champ impliquant des déterminants
individuels
de
santé
mais
aussi
sociaux,
comportementaux
et
environnementaux,
d’autant que
l
’efficacité d’une politique
ne peut se mesurer
qu’au terme de dizaines d’années. L’évaluation
des actions de prévention est
donc longue et coûteuse à mettre en œuvre
, à la différence
d’un essai
thérapeutique dont les résultats sont plus rapides et faciles à interpréter.
Certains économistes, constatant que les personnes plus favorisées
ont davantage recours à la prévention, ce qui accroît les inégalités initiales,
s’
interrogent sur la pertinence même de cette politique.
Enfin, s’il y a consensus sur le fait qu’il n’est j
amais trop tard pour
mettre en œuvre des actions de prévention, même limitées à une petite
activité physique, aucune étude n’indique où l’euro investi sera le plus
efficace, entre des cours de sport gratuits pour les seniors, ceux dispensés
en entreprise et ceux offerts
durant l’adolescence.
2 -
Un objectif et des cibles à définir
Le plan « Vieillir en bonne santé : une stratégie globale pour
prévenir la perte d’autonomie
», présenté en janvier 2020 par la ministre
des solidarités et de la santé, entendait constituer un changement de
perspective. Son objectif était
d’améliorer l’espérance de vie en bonne
santé et de faire de
la perte d’autonomie
une exception
29
.
Les incertitudes sont en réalité nombreuses sur les résultats que
permet d’atteindre cette politique.
Un objectif tangible pourrait être le
maintien, aussi longtemps que possible, du maximum de capacités
fonctionnelles, en recourant à des aides techniques et en faisant évoluer, au
besoin,
l’environnement
de la personne âgée, notamment son logement.
Toutefois, la prévention en amont, à des moments charnières de
l’existence (milieu de vie vers 40
-45 ans
–
âge auquel peuvent apparaître
de premières vulnérabilités rendant les individus plus réceptifs aux
messages de prévention
30
–
et au moment du départ à la retraite) est
désormais également identifiée comme un axe prioritaire de prévention de
la perte d’autonomie.
29
Grâce à des mesures phares de nature à provoquer des réflexes de prévention le plus tôt
possible, préserv
er l’autonomie des personnes âgées fragiles, lutter contre l’isolement des aînés,
prévenir la perte d’autonomie liée à l’hospitalisation des personnes âgées, diffuser dans tous les
territoires les innovations les plus probantes pour prévenir la perte d’aut
onomie.
30
Les avis d’experts et notamment celui du Haut Conseil de la santé publique sur la prévention
de la maladie d’Alzheimer estiment nécessaire d’amplifier la prévention de la perte
d’autonomie dès le milieu de la vie
: les déterminants des troubles neurocognitifs sur lesquels
il est possible d’agir sont communs aux principales maladies chroniques non transmissibles
(activité physique et sédentarité, alimentation, réduction des habitudes toxiques, etc.).
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
29
Les prévalences de la plupart des maladies chroniques, de plus en
plus fréquentes avec la sédentarité et le vieillissement de la population, sont
très corrélées au niveau socio-économique des individus. Cibler les actions
de prévention de la perte d’autonomie sur les plus précaires a donc tout
particulièrement du sens au regard des inégalités de santé
et d’espérance
de vie existantes.
3 -
L’absence de centre de
ressources en charge des évaluations
La complexité de l’évaluation et la multiplicité des acteurs rendent
indispensables la mise en commun et le partage des ressources et des
expériences pour éviter la dispersion des initiatives, l’h
étérogénéité des
protocoles et éclairer les financeurs sur les interventions efficaces.
À la suite d’un travail réalisé avec l’Institut national de prévention
et d’éducation en santé (Inpes)
en 2014, l’inter
-régimes a mis en place à
compter de 2016 une série de référentiels
31
visant à harmoniser
l’action
sociale des caisses.
Bien qu’ils ne soient pas partagés par l’ensemble des
membres des conférences des financeurs,
qu’ils
ne couvrent pas tous les
types d’interventions (lutte contre l’isolement notamment)
et mériteraient
pour certains
d’être précisés (atelier mémoire en particulier), il s’agit d’une
initiative bienvenue qui contribue à homogénéiser les prestations
proposées aux retraités.
L’inter
-régimes des caisses de retraite
L’inter
-régimes des caisses de retraite consiste en la coordination, à
compter de 2011, de la Cnav, la mutualité sociale agricole (MSA) et du
régime social des indépendants (RSI) afin de délivrer une information
commune aux retraités et organiser des actions et des ateliers collectifs de
prévention.
Cette démarche a abouti à la formalisation, en 2014,
d’une
convention sur « La retraite pour le bien vieillir
–. L’offre commune
interrégimes pour la prévention et la préservation de l’autonomie
».
31
Précisant l’objectif de l’action, le public cible, l’ap
proche pédagogique, la forme et
le contenu, la formation des animateurs et les modalités d’évaluation. Sur ce dernier
point cependant, le plus complexe à mette en œuvre, les données recueillies
via
des
questionnaires remplis par les participants lors de la première séance (T0), lors de la
dernière séance (T1) et 3 à 6 mois après (T2), restent trop peu exhaustives pour mesurer
le changement de comportement induit ou non par la participation à une action de
prévention.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
30
Dans ce cadre, l
es caisses se sont dotées d’un outil commun,
la grille
Fragire, en vue de l’évaluation de la fragilité et de ses causes au sein des
retraités.
La loi ASV a prévu que tout organisme chargé de la gestion d’un
régime obligatoire de retraite pouvait
rejoindre l’inter
-
régimes. L’Agirc
-
Arrco est en cours d’intégration.
La création d’un centre ressources
32
à la CNSA en revanche, annoncée
par la ministre des solidarités et de la santé en janvier 2020, bute toujours sur
la création d’un poste de préfigurate
ur dans les effectifs de la caisse.
Les trois missions de ce centre seraient de capitaliser les enseignements
de la recherche, de diffuser des référentiels de bonnes pratiques dans une
logique d’essaimage et de coordonner les expérimentations.
Partenarial, il
aurait vocation à s’appuyer sur les neuf gérontopôles
33
qui gagneraient à
travailler de concert.
L’articulation
du centre de ressources avec Viva Lab
34
,
créé en 2019 par la Cnav afin d’accompagner l’émergence en régions de
solutions (technologiques, techniques, servicielles) à potentiel national, devrait
également être réfléchie
ainsi qu’avec les centres d’expertise nationaux sur les
aides techniques.
II -
Des interventions encore trop dispersées
malgré un début de structuration
Les acteurs en charge de la
prévention de la perte d’autonomie des
personnes âgées sont nombreux : départements, caisses de retraite, agences
régionales de santé (ARS),
caisses primaires d’assurance maladie
(CPAM),
mutualité française, Agence nationale de l’habitat (Anah), bailleurs
sociaux, associations, communes, etc.
Cette variété d’intervenants, tantôt
partenaires, tantôt concurrents, mais agissant aussi souvent seuls, explique
les difficultés particulières de mise en œuvre de cette politique et le besoin
accru de concertation et de coordination.
32
Ce qui constitue une nuance par rapport aux ambitions initiales de constituer un centre
de preuves, dont les capacités d’expertise sont supérieures.
33
CHU de Toulouse (2007), Seine Estuaire Normandie (2017), PGI Bourgogne-Franche-
Comté (2010), Kozh Ensemble (2016, Nantes), Gérond’if (2016, Ile
-de-France),
Provence-Alpes-
Côte d’Azur (2020), Auvergne
-Rhône-Alpes (Saint-Etienne, 2015),
Champagne-Ardenne (2016), Nouvelle-Aquitaine (2020).
34
Valoriser l’innovation pour vivre autonome
.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
31
Conjuguée à l’éclatement des interventions, l’insuffisance des
systèmes d’information rend impossible une quantification précise des
montants
mobilisés pour la prévention de la perte d’autonomie, dont une
partie, sans doute substantielle,
ne fait pas l’objet de consolidation.
En outre, de nombreuses thématiques font
encore l’objet d’une
concertation insuffisante. Cette situation n’induit pas seulement un risque
d’inefficience administrative, elle confronte trop souvent les usagers à des
interlocuteurs multiples, pouvant les conduire à renoncer à entreprendre les
démarches dont ils auraient besoin.
A -
Des acteurs nombreux
La politique de prévention repose, pour l’essentiel, sur les
collectivités locales (départements, communes et EPCI
35
et, également,
pour certains aspects, régions).
Le rôle des départements a été sensiblement renforcé avec la mise
en œuvre des conférences des financeurs
, présidées par les président de
conseil départemental. Celui des communes est particulièrement important
en mat
ière d’environnement de la personne âgée et de lutte contre
l’isolement. L’action sociale des
caisses de retraite, dispersée entre de
nombreux organismes, s’est quant à elle modernisée
,
même s’il existe des
marges de progrès importantes.
1 -
Une mission nouvelle pour les départements : la présidence
des conférences des financeurs
Les départements accompagnent les personnes de plus de 60 ans
reconnues dépendantes en leur servant l
’A
PA, après une évaluation à
domicile réalisée par un professionnel de l’équipe
médico-sociale.
La conférence des financeurs de la prévention de la perte
d’autonomie, instaurée par la loi
ASV est, depuis 2016, le lieu de
concertation et de coordination des actions de prévention.
La loi en a confié la présidence aux départements, chefs de file de
l’action sociale, et la vice
-présidence aux ARS. Cette instance a permis à
la fois de développer des actions de prévention grâce aux financements
alloués par la
caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (
CNSA),
190
M€ en 2021, et d’amél
iorer la coordination entre ses différents
membres (24 en moyenne).
35
Établissement public de coopération intercommunale. On compte, en France, en
2020, 1 254 EPCI à fiscalité propre dont 997 communautés de communes. Communes
et intercommunalités sont chefs de file pour la mobilité, l’organisation des services
publics de proximité et l’aménagement de l’espace.
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32
L’
objectif premier des conférences des financeurs est de définir
collectivement des modalités d’intervention en faveur des personnes âgées
du département après avoir établi un diagnostic des besoins, recensé les
initiatives locales et défini un programme coordonné. Les programmes
d’actions s’articulent autour de six axes, inégaux en termes de montants
mobilisés, les axes 1 et 6 représentant près de 80 % des 203
M€ d’actions
identifiées et financées en 2019.
Tableau n° 2 :
les actions financées par les conférences en 2019
Axes
Montants
(€)
Poids
1
Équipements et aides techniques individuelles
49 905 982
25 %
2
Forfait autonomie
33 636 454
17 %
3
Services d’aide à domicile (
Saad)
1 718 242
1 %
4
Services polyvalents d’aide et de soins à
domicile (Spasad)
2 844 934
1 %
5
Soutien aux proches aidants
4 846 158
2 %
6
Actions collectives de prévention
110 264 351
54 %
Total
203 216 121
100 %
Source : CNSA -
Synthèse des rapports d’activité 2019
des conférences des financeurs
Jusqu’alors, l’implication des conseils départementaux en matière
de prévention de la perte d’autonomie
était peu visible, sauf parfois en
matière de téléassistance. Ainsi, par exemple, le département de Haute-
Garonne finance-t-il intégralement, depuis 1986, une prestation de
téléassistance qui équipe près de 32 000 personnes âgées. Au total, les
départements financent à hauteur de 24
M€
des aides techniques
36
(axe 1
de la conférence des financeurs), bien au-delà de ce que font les autres
partenaires et la CNSA.
Globalement, les conférences ont permis une meilleure coordination
des actions collectives (
de l’
axe 6) menées, souvent, jusque-là, en ordre
dispersé. Elles ont également cherché à atteindre des publics plus éloignés
de la prévention, grâce à un repérage effectué par les observatoires
régionaux des situations de fragilité, et à faire émerger des thématiques
nouvelles.
36
Qui sont à 50 % de la téléassistance (donnée 2019).
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
33
Le manque de fluidité des relations entre département, caisses de
retraite et ARS affecte cependant la qualité des travaux.
L’implication des
autres acteurs (Anah, Cpam, communes notamment) est variable. Or, la
mise en œuvre d’une politique
de prévention, avant tout partenariale,
repose sur la bonne volonté des participants et sur les moyens humains ou
fin
anciers qu’ils acceptent d’y
consacrer. Ainsi,
d’un territoire à l’autre
,
«
il peut en résulter des bonnes pratiques qui inspirent et des inégalités
territoriales qui s’aggravent
»
37
.
La nature des actions financées et les montants attribués par action,
varient ainsi
d’un département à l’autre et leur caractère innovant
ou
probant
n’est
pas toujours démontré (salons seniors notamment). De même,
le repérage des « zones blanches » infra-départementales, dans lesquelles
les actions de prévention sont moins développées, ne constitue pas toujours
une priorité des conférences.
Malgré une progression importante de la consommation des crédits
alloués par la CNSA,
l’examen
des flux financiers des conférences conduit
à souligner deux points de vigilance.
Le premier tient à la consommation des fonds attribués à chaque
département par la CNSA. Les données disponibles, quoique de qualité très
insuffisante, font apparaître des taux de consommation des crédits
particulièrement bas dans certains départements (Indre, Indre-et-Loire,
Loire-Atlantique, Seine-Saint-Denis et Bouches-du-Rhône notamment).
Le second tient à la valorisation inégale par les membres de la
conférence et tout particulièrement les départements, de leurs propres
actions. Outre les fonds attribués par la CNSA, les conférences de
financeurs agrègent en effet les dépenses complémentaires que chaque
financeur alloue à la prévention de l’autonomie. En 2019, seuls
77 départements ont valorisé ces financements, pour un total en diminution
(29,5
M€ contre 34
M€ en 2018).
Un nombre non négligeable de
départements (24 en 2019 contre 20 en 2018) ne déclarent aucune dépense
en propre, parmi lesquels 12 départements de métropole
38
n’ont déclaré
aucun financement au cours des deux années.
37
Rapport d’information sur la mise en application de la loi ASV présenté par A. Firmin
Le Bodo et C. Lecocq, Assemblée nationale, 5 décembre 2017.
38
Bouches-du-Rhône, Finistère, Hérault, Loiret, Lozère, Mayenne, Nièvre, Pyrénées
Orientales, Haute Saône, Tarn, Vaucluse et Hauts de Seine.
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34
2 -
Le rôle central, mais diffus, des communes et EPCI
Alors que l’implication des départements dans la prévention de la
perte d’autonomie est assez récente, de nombreuses actions en direction
des personnes âgées sont menées depuis longtemps par les communes et
les EPCI. Leur rôle dans le repérage des personnes âgées isolées pendant
la pandémie a notamment été souligné.
Les personnes âgées constituent le premier public de
l’action sociale
communale
39
. Fin 2014, les deux tiers des communes, couvrant 90 % de la
population, réalisaient une action sociale spécifique en leur faveur, contre
moins de 40 % pour des actions en direction de la jeunesse ou la lutte contre
la pauvreté. Les communes
ne sont tenues qu’à peu d’obligations légales,
mais peuvent mettre en place de nombreuses actions, notamment par
l’intermédiaire
des centres communaux d’action sociale
(CCAS) : aides
financières,
portage de repas, gestion d’
Ehpad,
d’
accueil de jour ou de
services à la personne.
D’autres domaines de la politique communale
(programme local de l’habitat, aménagement urbain, politique
culturelle,
offre de transport, etc.) jouent également un rôle important dans la
prévention et la possibilité de maintien à domicile. Le programme « Petites
villes de demain »
40
engagé en 2020 peut également y contribuer.
Le réseau des « Villes amies des aînés » est une bonne illustration
de l’implication de certaines collectivités
41
dans le déploiement d’une
politique locale bienveillante à l’égard des plus âgés. Il offre un cadre
méthodologique aux municipalités qui souhaitent s’engager ou conforter
leur démarche.
La ville de Toulouse offre un exemple assez complet de la palette
des services qu’une municipalité peut proposer (dont aucune n’est
d’ailleurs valorisée par la conférence des financeurs de Haute Garonne).
Les dispositifs de la Ville de Toulouse en faveur des seniors
Le vieillissement figure parmi les axes prioritaires du contrat local
de santé et du contrat de ville. Des collaborations ont été nouées avec le
gérontopôle, la faculté de médecine et le réseau des pharmaciens, pour la
mise en œuvre d’un
programme de détection de la fragilité.
39
L’aide et l’action sociales en
France
: perte d’autonomie, handicap, protection de
l’enfance et insertion (D
rees 2019).
40
Ce
programme d’appui du Gouvernement
déployé en 2020
s’adresse aux vil
les de
moins de 20 000 habitants. Il vise notamment à conforter leur rôle de pôle central et à
leur permettre de faire face aux enjeux à venir.
41
172 communes adhérentes regroupant 16 millions d’habitants.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
35
Les champs d’intervention sont variés mais reposent avant tout sur
un dispositif d’information et d’orientation composé d’un «
point info
seniors
» et d’un accueil téléphonique spécialisé (Allô seniors)
, tenu par des
volontaires du service civique et orienté vers les publics fragiles.
La ville développe une offre de restauration sociale solidaire
(15
restaurants), d’inclusion numérique ou d’amélioration de l’habitat. Elle
a été récompensée du prix européen pour
l’innovation sociale en faveur de
la mobilité des seniors (carte Montoulouse Senior).
De nombreuses communes ont entrepris de réfléchir à un
environnement local favorable aux habitants quel que soit leur âge (« ville
du quart d’heure
»
42
notamment).
Il ne
s’agit d’ailleurs pas d’initiatives limitées aux zones urbaines.
Des projets existent aussi dans les territoires ruraux ou péri-urbains. Un
programme intitulé «
Garantir l’accès à un socle de services universels à
moins de 30 minutes de trajet » figure à l
’Agenda rural
depuis juillet 2019.
La commune de Lavoncourt, en Haute-Saône, a ainsi imaginé une
réponse aux problèmes cumulés d’in
adaptation d
e l’habitat des personnes
âgées isolées, qui ont perdu leur mobilité et peinent à accéder aux
commerces de proximité ou aux services de santé
en l’absence d’offre de
transports en commun.
L’habitat regroupé à Lavoncourt (70)
Lorsque le logement est inadaptable ou quand son inadaptation se
cumule avec des problèmes de mobilité, la solution de l’amé
nagement de petits
logements HLM en centre bourg et/ou
en proximité d’un établissement social
ou médico-social peut être intéressante pour une mutualisation des services.
Lavoncourt, commune de 320 habitants, centre bourg
43
, dispose
d’un
foyer logement géré par le
centre intercommunal d’action sociale
(9
communes, 1 200 habitants) qui a servi de levier de développement local. Une
convention conclue avec une
association d’aide à domicile
a permis
l’organisation d’un portage à
domicile des repas préparés dans la cuisine du
foyer-logement. Un bâtiment neuf a été construit à proximité : il regroupe des
opticiens et audioprothésistes mutualistes, des kinésithérapeutes, un espace
France service avec accès au numérique, une borne visio-services (accès aux
droits, MSA, Caf, pôle emploi...) et un bureau de poste.
42
Trouver près de chez soi tout ce qui est essentiel : pour faire ses courses, pour
travailler, pour pratiquer des loisirs, pour se soigner, sans prendre sa voiture, à moins
de 15 minutes à pied. Le concept commence à être appliqué dans des villes comme
Paris, Copenhague, Utrecht ou Édimbourg.
43
Il n’y a pas de ville de plus de 1
000 habitants à moins de 15 km.
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36
Une convention avec la société d’HLM de Haute
-Saône a permis la
construction de quatre, puis huit, logements (compte tenu du succès de la
formule), toujours à côté du foyer-logement, pour des personnes âgées
autonomes. Les locataires y sont indépendants mais,
lorsqu’ils
ne peuvent plus
préparer leur repas, ont accès à la restauration du foyer-logement. Les
animations du foyer logement leur sont également ouvertes.
3 -
La modernisation inachevée
de l’action sociale
des caisses de retraite
L’action sociale
44
a longtemps consisté à accorder aux personnes
âgées une aide dite « ménagère ». La Cnav a ensuite cherché à diversifier
son
offre en proposant plus d’ateliers collectifs de prévention
.
Les montants consacrés aux actions collectives restent cependant
peu importants : en 2019, 1,5
M€ sur un total d’action sociale retraite de
42 M
€
à la MSA et 15,7
M€ sur 3
44 M
€ à la Cnav. L’essentiel des
dépenses continuent d’être consacré à des aides indivi
duelles.
Les aides individuelles de la Cnav en 2019
Le budget d’action sanitaire et sociale de la
Cnav est principalement
consacré aux aides individuelles au maintien à domicile
45
, pour un montant
de 215,7
M€.
L’essentiel de cette enveloppe finance les
«
plans d’actions
personnalisés » (PAP), pour un total de 160
M€. 23
M€ ont servi à
rémunérer les évaluations à domicile.
203 000 personnes ont bénéficié des PAP soit seulement 2 à 3 % des
retraités.
C’est sur la faible part des budgets consacré
e aux actions collectives,
que la coordination inter-régimes a le plus progressé. Une convention a
acté en 2014 la coordination des politiques d’action sociale de la Cnav, de
la MSA et du RSI
46
. Les trois régimes ont entrepris de développer des
ateliers inter-régimes
47
, avec l’objectif de délivrer des messages sur la
prévention de la perte d’autonomie et d’informer les nouveaux retraités sur
les structures proposant des activités près de leur domicile. Cette offre
commune est régulièrement complétée par de nouvelles actions
48
.
44
L’annexe 5 apporte des précisions complémentaires
sur l’action sociale des caisses
de retraite.
45
Aide au ménage, à la préparation des repas et à l'entretien du linge.
46
Le régime social des indépendants a été supprimé au 1
er
janvier 2018.
47
Aux thématiques variées : vitalité, mémoire, équilibre, sommeil, nutrition, etc.
48
Ateliers d’inclusion numérique, «
En voiture, je me rassure », pièces de théâtre à
visée de sensibilisation, etc.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
37
En 2017, une convention pluriannuelle liant l’État et
les principales
caisses de retraite a fixé des axes de progrès : plus grande synergie dans
l’attribution
des
aides
individuelles
(convergence
des
barèmes,
professionnalisation de l’évaluation,
etc.) ; repérage accru des fragilités ;
politique commune de lutte contre l’isolement des personnes âgées
;
poursuite du développement de dispositifs communs autour de l’aide au
retour à domicile, représentation commune dans les gouvernances locales.
La convergence de
l’éventail de
s aides individuelles offertes
n’a
toutefois pas significativement évolué. Le seul progrès consiste en
l’utilisation d’un outil commun
d’évaluation de la fragilité clinique des
retraités classés en GIR 5 et 6, la grille dite Fragire. Les équipes
d’évaluation
, externalisées, ne sont pas toujours partagées, les règlements
d’action sociale prévoient des aides individuelles différentes et les
pratiques d’attribution restent diverses.
Par ailleurs, l
a structuration locale de l’int
er-
régimes s’est
faite de
manière désordonnée au cours des dix dernières années, sans cadrage
suffisant. Il en résulte une organisation administrative inutilement
complexe et source d’inefficience. Le constat dressé en 2017 par la
Cnav,
le RSI et la MSA, d
’une
grande hétérogénéité des pratiques de
gouvernance, de pilotage et de ressources humaines est resté sans suite. La
carte ci-après
illustre l’intrication des organisations.
L’objectif de la structuration de l’
inter-régimes au niveau local, tel
que visé dans la convention inter-
régimes nationale de 2017, en vue d’une
meilleure coordination mais également d’une
«
meilleure visibilité de
l’offre commune d’action sociale des caisses de retraite
»
est loin d’être
rempli par l’organisation actuelle.
Celle-ci
est appelée à évoluer puisque l’Agirc
-Arrco devrait intégrer
l’inter
-
régimes en 2021, d’abord au niveau national puis au niveau
territorial, ce qui accentuera le besoin de coordination et de convergence.
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38
Carte n° 3 :
structuration locale
de l’inter
-régimes
Source : Cour des comptes
Légende :
- sont entourés de
rouge
, les territoires des 16 Carsat, ;
-
de
vert
les deux caisses de MSA dont les territoires ne correspondent pas à ceux
d’une Carsat
;
- figurent en
violet
les structures inter-régimes (hors Asept
49
) ;
-- figure en
rose
, le nombre de structures d’évaluation déléguées du territoire ou le nom de la structure
d’évaluation inter
-régimes.
Note de lecture : En Moselle on compte une structure inter-régimes (Label Vie), une Asept et un GCSMS
(Evadopa)
chargé de l’évaluation (les territoires ne coïncident pas entre
la Carsat Alsace Moselle et la MSA). En
Centre Val de Loire, c’est l’Asept qui constitue la structure inter
-régimes ; les évaluations y sont déléguées à 9
associations.
49
Associations de s
anté d’
éducation et de prévention sur les territoires, créées par la
MSA à partir de 2006.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
39
Les dépenses de prévent
ion de la perte d’autonomie
de l’Agirc
-Arrco
Trois orientations prioritaires ont été définies par la fédération Agirc-
Arrco, les deux premières en direction des personnes âgées : «
agir pour le
bien vieillir
» (108,8
M€
en 2019) et «
accompagner l’avancée
en âge en
perte d’autonomie
» (120,3
M€)
et la dernière pour «
soutenir et
accompagner les proches aidants
» (29,9
M€
). Les dépenses en faveur de
la prévention de la perte d’autonomie
représentent environ un tiers des
402
M€ d’action sociale du régime
.
La multiplicité des organismes de retraite complémentaire (AG2R la
Mondiale, Klésia, Agrica…)
regroupés au sein de la fédération Agirc-Arrco
rend toutefois complexe le suivi des actions menées.
La fédération impose aux groupes de consacrer au moins 80 % de
leurs financements à ces orientations prioritaires, mais faute de contrôle, ces
derniers ne respectaient que formellement cette obligation, selon les
précédents constats faits par la Cour
50
.
B -
Une quantification approximative des montants
mobilisés
L’est
imation des dépenses dédiées à la prévention de la perte
d’autonomie n’est pas aisée. Les données des conférences des financeurs
sont d’une fiabilité limitée et, en tout état de cause, elles ne retracent pas la
totalité des dépenses réellement engagées par
l’ensemble des acteurs
, ainsi
que mentionné
supra
.
Le ministère des solidarités et de la santé a évalué à 1,3
Md€ en 2019
le montant des dépenses de « prévention de la fragilité » des personnes
âgées, soit 6 % des dépenses publiques consacrées cette même année à la
compensation de la perte d’autonomie elle
-même (soins, dépendance,
hébergement, etc.)
51
.
50
Cour des comptes,
L’action sociale de l’Agirc
-Arrco : un dispositif à recentrer
(Rapport public annuel 2019, page 163 et suivantes). L’Agirc
-Arrco a indiqué à la Cour
avoir, depuis lors, engagé des travaux «
au niveau de la fédération et au sein des
institutions de retraite complémentaires, pour renforcer les contrôles et améliorer les
processus de recueil de données
».
51
Évaluées à 21,7
Md€
(r
apport d’évaluation des politiques de sécurité sociale pour la
branche autonomie annexé au PLFSS pour 2021).
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40
Tableau n° 3 :
dépenses de prévention 2019 (document budgétaire)
Dépenses en faveur de la prévention
de la fragilité des personnes âgées
Montants 2019
(millions €)
Part
en %
CNSA
Actions de la loi sur l’adaptation de la société
au vieillissement (conférence des financeurs…)
Établissements et services accueillant des
personnes âgées (nets des transferts Assurance
maladie), GIR 5-6
223
180
43
17 %
14 %
3 %
Sécurité sociale
Assurance maladie
ONDAM médicosocial
–
personnes âgées
Unités de soins de longue durée (USLD)
Assurance retraite
Action sociale
874
373
369
4
501
501
66 %
28 %
28 %
0 %
38 %
38 %
Total des personnes âgées
1 315
100 %
Source
: Rapport d’évaluation
des politiques de sécurité sociale pour la branche autonomie annexé au
PLFSS pour 2021
NB
: sont exclues les dépenses d’action sociale collectives des caisses de retraite
Sur le périmètre de son enquête, un peu différent, soit le seul
domicile, l’
estimation réalisée par la Cour aboutit à un montant annuel
proche de 1,5
Md€
. Il inclut notamment les aides techniques financées par
l’assurance maladie
52
dont une partie est à visée préventive, ou encore les
dépenses
en faveur de l’amélioration de l’habit
at.
52
Aides techniques inscrites à la LPPR remboursées en 2018 aux plus de 60 ans hors
lits et accessoires.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
41
Tableau n° 4 :
estimation des dépenses de prévention de la perte
d’autonomie
(2019 ou 2020 selon la source)
Financeurs
M€
Conférence des financeurs
203
Action sociale Cnav
53
297
Action sociale Agirc-Arrco
135
Action sociale MSA
42
Action sociale CNRACL
54
130
Action sociale
fonction publique de l’État
2,3
Adaptation logement y compris crédits d’impôts
224
Aides techniques assurance maladie
458
Total
1 491
Source
: calculs Cour des comptes d’après données des administrations et des
organismes de
sécurité sociale
Ce montant est cependant sous-estimé car il repose sur le socle des
seules dépenses identifiables. Or, les sommes engagées par les collectivités
locales sont rarement identifiées car elles sont réparties entre différentes
politiques municipales dont la plupart ne concernent pas uniquement les
personnes âgées.
Même les dépenses sociales au sens strict du terme (restaurants
sociaux, activités ciblées sur les personnes âgées des CCAS…) ne sont
quasiment jamais recensées dans le cadre des conférences des financeurs,
en lien certainement avec la trop faible participation des communes à ces
dernières.
53
Hors dépenses « habitat et cadre de vie » figurant dans la ligne « Adaptation
logements ».
54
Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
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42
Tableau n° 5 :
dépenses des conférences des financeurs
de la prévention de la perte d’autonomie
(2019)
Financeur
Montant (M€)
CNSA
130
Autres financeurs
73
dont
- Conseils départementaux
29,5
- Carsat
17
- ARS
7,6
- Inter-régimes
6,8
- MSA
4,9
- Collectivités territoriales/EPCI
3,1
- Mutualité Française
2,8
- Cpam (hors aides techniques)
0,6
- Agirc-Arrco
0,3
- Autres membres
0,1
Total
203
Source
: Données 2019 de la CNSA d’après les déclarations des conférences des
financeurs (hors financements Anah et Cpam)
Selon les données ci-dessus, la participation des communes et des
EPCI
au financement de la prévention de la perte d’autonomie n’est
retracée que dans 19 départements, pour un montant très limité de 3,1
M€
en 2019.
C -
Malgré des avancées, une coordination
encore difficile
Les conférences des financeurs ont permis d’amorcer un
dialogue
au niveau local. Leur champ initial de compétence a par ailleurs été étendu
à deux reprises
: d’une part par la loi portant évolution du logement, de
l’aménagement et du numérique (dite loi E
lan) du 23 novembre 2018 en
matière d’habitat inclusif
; d’autre part par la loi du 22 mai 2019 visant à
favoriser la reconnaissance des proches aidants et la prévention des
difficultés physiques et psychiques auxquelles ils peuvent être confrontés.
Pour autant, des pans significatifs de politiques publiques échappent
encore à cette concertation locale.
C’est le cas, par exemple, des questions
de mobilité, dont les conférences se sont peu emparées.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
43
1 -
L’absence de
reconnaissance mutuelle des GIR
entre Carsat et départements
Des difficultés importantes demeurent également sur des sujets
réputés résolus, comme la reconnaissance mutuelle des évaluations de la
perte d’autonomie entre les caisses de retraite et les départements, prévue
par l’
article 7
55
de la loi ASV
, afin d’éviter le renvoi des usagers d’un
guichet à l
’autre et
des évaluations redondantes. Cinq ans après la
promulgation de la loi, en raison des réticences des acteurs, de leur crainte
de perdre la maîtrise de la dynamique des plans d’aide, cette mesure n’est
mise en œuvre que dans une poignée de départem
ents.
Afin de dépasser ces difficultés, la
convention d’objectifs et de gestion
(COG) 2018-
2022 entre la Cnav et l’État a prévu que le taux de couverture
de reconnaissance réciproque passerait de 20 % à 100 % sur la période.
Mi-2021, la Cnav indique que des conventions ont été signées avec
70 départements. En réalité, dans de nombreux cas, les conventions,
quoique signées, ne sont pas
mises en œuvre ou
ne prévoient
qu’
un groupe
de travail sur les modalités de reconnaissance mutuelle. La MSA, qui, à la
différence de la Cnav, ne suit pas encore
d’indicateur sur ce sujet, d
ispose,
grâce à une enquête flash, d’une vision certainement plus proche de la
réalité avec une application dans sept départements seulement (Ain, Rhône,
Côtes-
d’Armor, Manche, Calvados,
Orne, Ille-et-Vilaine).
L’exemple de la Carsat et des département
s de Normandie
Dans cette région, l
a reconnaissance mutuelle a été mise en œuvre
56
,
passées les réticences initiales de certains acteurs.
Les réorientations des demandeurs
d’une entité
vers
l’autre sont
rares
57
.
La démonstration qu’une mauvaise orientation de la demande initiale générait
un retard de quatre à six mois avant le déclenchement effectif de l’aide a été
déterminant pour convaincre les acteurs locaux de s’engager dans
la voie de la
reconnaissance mutuelle
. L’autre facteur clef de succès
a été
l’implication du
médecin départemental en charge des évaluations APA, à qui a été donné un
pouvoir
d’arbitr
age si nécessaire.
55
Codifié dans l’article L.
113-2-
1 du code de l’action sociale et des fa
milles
–
«
Le
département et les organismes de sécurité sociale définissent les modalités assurant la
reconnaissance mutuelle de la perte d'autonomie des personnes âgées selon la grille
nationale d'évaluation mentionnée à l'article L. 232-2
».
56
Dans certains départements avant même le vote de la loi (Calvados, Seine-Maritime
et Orne dès 2013)
et sur l’ensemble du territoire régional dès 2019
.
57
702 personnes en 2019 de la Carsat vers le département, soit 4,8 % des évaluations
réalisées ; 607 des départements vers la caisse (entre 53 et 279 par département).
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
44
Malgré les satisfecit que se délivrent les caisses et l’administration,
la conséquence concrète, du point de vue des usagers, est que, sur une
grande partie du territoire, le demandeur sera évalué deux fois. Si le
département réalise l’évaluation et estime
qu’il relève d’un
GIR 5 ou 6, il
devra entamer une nouvelle procédure auprès de la caisse de retraite (avec
une nouvelle évaluation à la clé) et vice versa pour le demandeur qui aura
été évalué en GIR 4 par la caisse de retraite.
Pour aider
à la mise en œ
uvre effective de la reconnaissance
mutuelle, est prévue la mise à disposition en
2021 d’un téléservice de
demande d’aide, commun aux départements et aux caisse
s de retraite
58
. Ce
service exclura cependant encore
les bénéficiaires de l’aide sociale
légale.
L’aide sociale légale
: une évolution législative nécessaire
Certains rejets de plans
d’aide personnalisé
s par les Carsat sont
motivés par le fait que les ressources du demandeur sont inférieures à
l’allocation de solidarité pour personnes âgées (Aspa), et le rendent de ce
fait éligible à l’aide sociale légale
59
et non à l’action sociale de la Carsat.
Cette disposition du code de l’action sociale et des familles
60
ne
contribue ni à la clarification des compétences ni à la simplification des
démarches pour les personnes âgées. La revalorisation récente de l’Aspa
pourrait mécaniquement accroître le nombre de retraités potentiellement
éligibles à l’aide sociale
légale (estimés à 20 000 en 2014).
2 -
Entre organismes de sécurité sociale, des dispositifs de sortie
d’hospitalisation
insuffisamment articulés
L’absence de coordination touche les organismes de sécurité sociale
eux-mêmes, comme le montre l
’intervention de la
branche retraite et de la
branche maladi
e autour des dispositifs de sortie d’hospitalisation.
58
En parallèle la CNSA a initié l’élaboration d’un formulaire commun aux
départements, aux Carsat et à la MSA
de demande d’aides
APA, bien-vieillir et carte
mobilité inclusion (CMI). Expérimenté en 2020 il a vocation à être généralisé dès son
homologation Cerfa.
59
L’aide sociale légale est
soumise à récupération sur succession ce qui peut conduire
les personnes âgées à lui préférer le plan d’action personnalisé de la Carsat
.
60
Article L. 231-1.
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UNE POLITIQUE INADAPTÉE
À L’ENJEU DÉMOGRAPHI
QUE
45
Pour parer le risque de perte d’autonomie après l’hospitalisation
d’une personne âgée
61
, les caisses de retraite du régime général proposent
depuis 2003 aux pensionnés en GIR 5 ou 6 une aide au retour à domicile
après hospitalisation (ARDH), qui consiste en un plan d’aide à domicile
dans la limite de 1 800
€ pendant 3 mois. En 2019, un peu moins de
60 000 assurés en ont bénéficié
62
.
L’assurance maladie déploie quant à elle, depuis 2019,
un dispositif
dénommé « Prado personnes âgées »
63
,
d’accompagnement médical et
social des patients de 75 ans ou plus après hospitalisation. En assurant une
prise de relais par les professionnels de ville, il vise à accompagner des
hospitalisations plus courtes et à réduire le risque de réhospitalisation. La
montée en charge de ce dispositif est lente : 58 Cpam ont réalisé
3 329 adhésions en 2020 sur un potentiel de 700 000 séjours.
Les deux offres sont partiellement complémentaires, puisque Prado-
PA peut comprendre une aide à
domicile qui correspond à l’offre ARDH
.
Mais elles ne sont pas intégrées, ce qui ne peut que générer
incompréhension pour l’usager et complexité de gestion pour les équipes
hospitalières en charge d’organiser le retour à domicile
64
. En réponse aux
difficultés constatées, u
n formulaire unique de demande d’aide
à la sortie
d’hospitalisation
est annoncé pour le second semestre 2021.
La Cnav et l’Agirc
-Arrco expérimentent à Paris, depuis décembre
2020, un « guichet unique
» de sortie d’hospitalisation
. Mais il n
’intègre
pas davantage l’offre de service de l’assurance maladie.
61
Risque de développer des incapacités permanentes 60 fois plus élevé chez les sujets
qui sont hospitalisés, taux de réhospitalisation à 1 mois de 18 %, réhospitalisation
évitables estimées à 32 % (source : Cnam, bilan Prado-PA 2020).
62
L’évaluation étant
réalisé dans 82
% des cas par le service social de l’assurance
maladie, alors que les évaluations des plans d’action personnalisés sont externalisées
dans 94 % des cas.
63
Programme d'accompagnement du retour à domicile des personnes âgées.
64
La COG 2018-20
22 de la Cnav a prévu l’expérimentation d’une ARDH
interbranches. L
’expérimentation, non concluante, a
finalement
concerné l’attribution
d’une ARDH forfaitaire en parallèle de Prado
-PA.
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COUR DES COMPTES
46
______________________ CONCLUSION ______________________
La France connaît une situation paradoxale avec une longévité
enviable mais de longues années passées avec des incapacités. La moindre
place faite à la prévention par rapport à
d’autres pays constitue l’une des
explications possibles.
La perte d’autonomie n’est
, en effet, pas un corollaire automatique
du vieillissement
: c’est l’accumulation de pathologies qui peut conduire à
la dépendance si elles ne sont pas compensées.
Clarifier les objectifs opérationnels de la politique de prévention de
la perte d’autonomie apparaît
un préalable nécessaire. Maintenir le plus
longtemps possible le maximum de capacités fonctionnelles des personnes
pourrait constituer l’ambition raisonnable de
cette politique.
La Cour a chiffré à 1,5
Md€
les dépenses de santé annuelles
évitables p
our une année gagnée d’espérance de vie sans incapacité
, sur
la période 2021-2031. Mais au-delà de cet impact financier, ce gain
représente une amélioration significative de la qualité de vie et de
l’autonomie des seniors.
La mise en œuvre
actuelle des actions de prévention, réparties entre
de nombreux acteurs, parfois partenaires, souvent concurrents,
n’aide
pas
à appréhender leurs contours, leurs contenus et par là même leurs
résultats. Si des sommes non négligeables leur sont consacrées, l’essentiel
des interventions menées en proximité par les communes échappent au
recensement. La coordination des intervenants, qui a progressé fortement
depuis l’instaurati
on des conférences des financeurs, laisse de côté des
domaines et des procédures dont la complexité peut décourager les
potentiels bénéficiaires.
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Chapitre II
Un diagnostic commun sur les bonnes
pratiques à privilégier
I -
Permettre le maintien à domicile
dans un logement adapté
Enquête après enquête, les Français réaffirment leur souhait de vivre
aussi longtemps que possible à domicile. Encore faut-
il que l’état du
logement y permette leur maintien, moyennant, le cas échéant, des
aménagements ou des travaux d’adaptation.
Des aides publiques
accompagnent les démarches d’adaptation des
logements des personnes
âgées. Complexes et dispersées, elles ne sont pas à la hauteur des besoins.
A -
Une politique encore trop orientée sur les travaux
Les constats déjà
portés par la Cour en 2016 en matière d’habitat,
dans son rapport relatif aux conditions du maintien à domicile des
personnes âgées en
perte d’autonomie
,
sont toujours d’actualité, avec
, pour
certains, un degré d
’acuité
supplémentaire.
1 -
Le maquis des aides financières
à l’adaptation des logements
La réponse des pouvoirs publics à ce besoin d’adaptation
consiste
en une aide au financement des travaux pour les ménages les plus
modestes, doublée de crédits
d’impôt
dont le ciblage interroge.
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COUR DES COMPTES
48
Des
crédits d’impôt à réorienter
Il existe deux crédits d’impôt
pour les personnes âgées ou
handicapées,
l’un
en faveur
de l’adaptation, l’autre
de
l’accessibilité des
logements.
Le crédit d’impôt
«
adaptation » a bénéficié, en 2019, à
21 000 foyers fiscaux, pour un montant total de 17
M€
. Il est soumis à une
condition de perte d’autonomie
, le contribuable ou un membre de son foyer
fiscal devant être classé en GIR 1 à 4. Il est donc plus contraignant que le
crédit d’impôt «
accessibilité » qui, lui,
n’est soumis à aucune condition
, ce
qui explique qu’un nombre plus important de foyers fiscaux en aient
bénéficié en 2019 (38 550 pour un montant total de 26,1
M€
).
Les listes des équipements autorisés diffèrent selon les deux cas.
Seule celle relative au crédit « adaptation » comprend les bacs à douche
extra-plats, les volets roulants électriques ou les revêtements de sol
antidérapant
65
.
I
ls répondent l’un et l’autre à un besoin spécifique de ménages
vieillissants
66
. Il est probable néanmoins que la contrainte du GIR 1 à
4 limite fortement le recours au crédit « adaptation »
et retarde d’autant la
réalisation des travaux.
Les crédits d’impôt pourraient constituer un élément
incitant à la
réalisation des travaux d’adaptation à condition d’en faciliter l’obtention à
des gens encore autonomes, en supprimant par exemple la condition du
GIR et en fusionnant les deux listes d
’
équipements autorisés. Cette piste
mériterait d’être étudiée
en intégrant des dispositifs permettant le cas
échéant de garantir sa neutralité financière.
Le dispositif d’aide proprement dit
repose sur trois opérateurs
principaux
67
: l’
Anah (pour un montant de dépenses de 50
M€
en 2020), la
C
nav (pour 53
M€
) grâce à son action sociale
68
et plus récemment Action
logement (78
M€). Hors crédits d’impôt, le total des dépenses publiques
engagées pour l’adaptation des logements s’élève donc à
181
M€ en
2020.
65
Ces équipements ne sont pas inclus dans la liste des équipements favorisant
l’accessibilité qui comprend essentiellement des éviers et lavabos à hauteur réglable,
sièges de douche muraux, w-
c surélevés, mains courantes ou barres d’appui
, etc.
66
80 % des foyers fiscaux bénéficiaires en 2019 avaient plus de 70 ans pour le crédit
« adaptation » ; 73 % des foyers fiscaux bénéficiaires en 2019 avaient plus de 70 ans
pour le crédit « accessibilité ».
67
Pour des montants globalement moins élevés, certains départements et certaines
communes participent également à ces actions, ainsi que
d’
autres caisses de retraite.
68
Dont le bénéfice est donc réservé à ses seuls assurés.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
49
Les travaux d’adaptation
constituent une lourde charge financière
pour les demandeurs mais le cumul des aides est quasiment la règle. En
revanche, les critères d’éligibilité
diffèrent selon les financeurs (niveau de
dépendance, âge, ressources). En annexe 6 figure un tableau qui recense
les conditions d’attribution des aides fixées par
neuf caisses de retraite,
l’A
nah et Action logement.
Pour se repérer dans ce labyrinthe administratif et être épaulés dans le
choix des entrepreneurs et
l’analyse des devis, les bénéficiaires peuvent
, ou
doivent selon les cas
69
, recourir à une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO)
dont la mission, essentielle, est de gérer la complexité à leur place et de garantir
la mise en œuvre effective du chantier.
De facto
, plus de 95 % des personnes
ayant déposé un dossier auprès de
l’Anah y ont recours.
La rémunération de
l’AMO est le plus souvent
prise en charge par les organismes financeurs.
L’Ana
h et la Cnav ont versé à ce titre 5,3
M€ en 2020.
L’harmonisation souhaitable des questions techniques (critères
d’éligibilité, montants de l’aide, recours ou non à une AMO…) ne dispense
pas de s’interroger sur la finalité de cette politique. La résolution de questions
de principe est même un préalable po
ur définir l’architecture du dispositif.
Les travaux n’interviennent
-ils pas à un âge trop tardif pour modifier
substantiellement le parcours de vie des bénéficiaires ?
Si l’on
estime
qu’il
faut agir plus tôt, comme des études le suggèrent, alors la condi
tion d’âge
d’Action Logement (70 ans) imposée par le ministère des finances, est trop
restrictive. Si l’on veut toucher un public moins dépendant, alors la
condition de GIR
posée par l’Anah est contre
-productive.
Si la conviction est partagée par les décid
eurs qu’une action précoce
est nécessaire pour prendre le « virage domiciliaire », il faut mettre fin aux
demi-
mesures et à une complexification dont l’effet premier est de
dissuader les potentiels bénéficiaires.
2 -
Un parc de logements peu adapté, des résultats en trompe-
l’œil
Il est complexe d’estimer le besoin d’adaptation du parc de
logements et même le niveau d’adaptation actuel des logements en France.
Sur ce dernier point, les données sont anciennes : elles se fondent sur
l’enquête comparative eur
opéenne Share de 2006-2007
70
. La France se
situait alors juste dans la moyenne des pays de l
’
Union européenne avec
6 % de logements adaptés pour les plus de 65 ans.
69
Le caractère obligatoire ou facultatif de recours à une assistance varie, pour un même
opérateur, selon la qualité du demandeur ou le type d’opération.
70
Cette enquête comportait une question permettant de déterminer le taux de logements
équipés pour faire face au handicap.
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COUR DES COMPTES
50
S
’agissant de
la mesure du besoin
d’adaptation
du parc de logements
privés, une étude
71
a été conduite en 2020 par le Cerema
72
. Elle évalue le
besoin potentiel à 2,65 millions de logements occupés par leurs
propriétaires, dont 462 000 ménages modestes
considérés par l’étude
comme prioritaires.
L’objectif d’adaptation retenu par les pouvoirs pub
lics dans le cadre
des travaux dits « objets de la vie quotidienne » (OVQ
73
) est de
170 000 logements sur la période 2019-2021
74
, représentant le cumul des
objectifs propres de chaque opérateur (Action logement, Anah, Cnav).
Mais cette dispersion entre plusieurs acteurs induit une difficulté de suivi
du nombre des logements adaptés : le chiffrage réalisé par le ministère du
logement est en réalité surestimé.
Un nombre
de logements adaptés moindre qu’annoncé
Le comité de suivi, réunissant les principaux f
inanceurs sous l’égide
du ministère du logement, décomptait, en mars 2021, 121 000 « logements
adaptés »
depuis 2018, soit un rythme propice à l’atteinte de l’objectif
de
170 000 fixé.
En réalité, ce décompte ne porte que sur des « dossiers traités » par
les trois opérateurs et non sur des logements. La majorité des dossiers fait
en effet
l’objet de plusieurs financements
et un logement correspond donc à
deux voire trois ou plus dossiers d’aides
. Les informations de la Cnav et de
Soliha sont concordantes de ce point de vue : près de 80 % des dossiers sont
co-financés.
Rapportée
au nombre de dossiers décomptés, l’application de telles
proportions réduit sensiblement les résultats des opérateurs. Comparé aux
chiffres annoncés, le nombre de logements effectivement adaptés est
probablement moitié moindre.
71
« Accélérer l’adaptation du parc de logements privés au vieillissement : Volet 1 :
Essai de mesure, territorialisation et caractérisation des besoins » Cerema, 2021.
72
Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et
l'aménagement (Cerema) : établissement public placé sous la double tutelle du
ministère de la transition écologique et du ministère de la cohésion des territoires et des
relations avec les collectivités territoriales.
73
Les « objets de la vie quotidienne » correspondent à des priorités gouvernementales définies
en 2019. L’objectif «
Adapter des logements aux personnes âgées » a été confié au ministre
chargé de la ville et du logement en lien avec le ministère des solidarités et de la santé.
74
Il était initialement de 395 000 entre 2019 et 2022 mais a été revu à la baisse en raison
de la crise sanitaire.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
51
L
’effet d’un logement adapté sur la
diminution des chutes est
démontré
75
. L
’estimation
du temps supplémentaire que la personne âgée
passe à son domicile après les travaux est en revanche peu documentée.
Les données obtenues par la Cour auprès de bailleurs sociaux sont toutefois
encourageantes. En Bourgogne-Franche-Comté, le bailleur social Néolia
76
a calculé que l’ancienneté dans un logement adapté de ses locataires était
de 8,4 ans pour les locataires âgés de 60 à 69 ans, de 11,1 ans pour ceux de
70 à 79 ans et de 14,7 ans pour ceux de 80 ans et plus. La durée
d’occupation moyenne d’un logement
est,
dans l’ensemble du parc
, de
six ans
77
.
3 -
Le rôle décisif de l’évaluateur
et l
’intérêt d’un recours
plus
fréquent au diagnostic d’ergothérapeutes
L’orientation de la personne âgée vers une solution d’adaptation du
logement repose le plus souvent sur l’
intervenant à domicile chargé de son
évaluation (
membre de l’équipe
APA
du département ou d’une
structure
évaluatrice pour le compte des caisses de retraite). Or, il y a peu de certitude
sur la façon dont le besoin initial est apprécié et sur la pertinence de la
solution qui lui est proposée.
L’évaluateur a la faculté d’
orienter le demandeur vers des solutions
variées (intervention humaine régulière, mais aussi aides techniques,
diagnostic d’ergothérapeute,
portage de repas, etc.) et doit dès lors être
capable d’arbitrer en faveur de la solution la plus appropriée.
Il faut donc que ce premier professionnel amené à rencontrer la
personne âgée dans son environnement quotidien soit formé à la réalisation
d’un diagnostic aussi complet que possible, qui ne peut se résumer
à la
recommandation de substituer un bac à douche à une baignoire. Or la
réalisation de travaux semble encore trop souvent préférée au recours à des
aides techniques par exemple.
75
Gillespie et al. (2012).
Interventions for preventing falls in older people living in the
community
. Cochrane database systematic review.
76
Filiale du groupe Action Logement, Néolia gère plus de 27 000 logements. 12,5 %
de son parc de logements familiaux sont adaptés au vieillissement et/ou au handicap,
soit plus de 3 200 logements.
77
Ainsi que l’a suggéré l’Anah lors de l’enquête, les opérateurs nationaux
pourraient
contribuer à ce
suivi, par le biais d’une collecte régulière
(tous les deux, quatre ou
six ans) de données évaluant la satisfaction des bénéficiaires, le maintien dans les lieux
et la pérennité des travaux effectués.
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52
Un recours plus fréquent au diagnostic d’un ergothérapeute peut
également permettre de passer en revue l’ensemble des solutions existantes et
de déterminer lesquelles sont les plus appropriées à chaque cas particulier.
L’Agirc
-Arrco le propose à ses ressortissants de 75 ans et plus
78
.
B -
Un objectif de rationalisation toujours repoussé
1 -
La brève intervention
d’Action logement
Pour remédier à la pluralité des financements, des procédures de
demande d’aide et des critères d’éligibilité,
le rapport «
France : année
zéro ! »
79
préconisait en 2013
, la création d’un guichet unique. Début 2019,
au lieu du guichet unique, un nouvel acteur, Action logement, a été
introduit dans le dispositif avec la mission de financer des travaux
d’adaptation de salles de bains
80
dans le parc privé, pour 1
Md€
81
.
Fin
2019,
une
plateforme
informatique
dédiée,
dont
le
développement a coûté 11
M€, a été déployée par Action logement
82
lui
permettant d’initier l’examen des demandes de financement. En mars 2021,
alors que le dispositif montait enfin en puissance, Action logement, invité
à réorienter ses crédits afin d’accompagner le plan de relance
gouvernemental, a annoncé que l’aide à l’adaptation s’éteindr
ait lorsque
l’enveloppe
, réduite de moitié (500
M€
, soit 100 000 dossiers) serait
atteinte, courant 2021.
Quoique brève,
l’
intervention
d’Action logement
a contribué à
complexifier davantage encore une organisation déjà peu lisible.
Action logement
finançant déjà l’Anah (à hauteur 100
M€ en 2017),
un abondement des crédits de l’Agence aurait permis une mise en œuvre
plus rapide. Les logiques institutionnelles particulières ont prévalu sur la
rationalisation de la gestion, contribuant à rendre les démarches plus ardues
encore pour les personnes âgées.
78
Ce diagnostic « Bien chez moi », pour lequel une participation de 15
€
est demandée
a été utilisé par 5 202 bénéficiaires en 2019 (pour un coût de 2,4
M€)
.
79
Une actualisation de ce rapport a été demandée à son auteur, Luc Broussy. Il a été remis
au Gouvernement en mai 2021 et préconise à nouveau la création d’un guichet unique.
80
J
usqu’à
5 000
€
pour l
a fourniture et la pose d’une douche
,
d’un lavabo pour per
sonne
à mobilité réduite ou
d’une cuvette de WC rehaussée
.
81
Dans le cadre d’un plan d’investissement volontaire 2018
-2022 (PIV) signé en avril
2019 permettant de mobiliser les réserves d’Action logement. Un milliard d’euros
permet de réaliser des travaux dans 200 000 logements.
82
L’outil traite deux autres aides du PIV à destination des particuliers.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
53
2 -
L’intérêt d’un
e plateforme
unique en matière d’adaptation
des logements
Le projet de
guichet unique n’a pas connu
de progrès
, jusqu’à la
saisine en mars 2021 de la délégation interministérielle à la transformation
publique (DITP), afin de construire un dispositif unifié.
Action logement se retirant, l’Anah et la Cnav seraient les deux
principaux acteurs de
cette politique avec l’appui des organismes
d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO).
Mais la place des autres
financeurs potentiels (départements, villes, autres caisses de retraite) dans
ce dispositif
n’est pas précisée à ce stade.
La plateforme digitale mise en place par Action logement permettait
de traiter 1 200 dossiers par semaine avec 20 ETP, en intégrant des règles
anti-fraudes
83
. Selon la DITP, 44 ETP gèrent ces dossiers pour la Cnav et
42 pour le compte de l’Anah
. C
ompte tenu de la nécessité d’augmenter
sensiblement le volume de logements adaptés, une attention doit être portée
à l’efficien
ce du processus métier, notamment lors de la conception d
’
une
plateforme nationale des aides à l'adaptation.
L’aide d’Action logement présentait également l’intérêt de ne pas
laisser de reste à charge à l’assuré. L’aide de la Cnav
est beaucoup plus
limitée
84
. La modicité de cette aide impose dès lors la recherche de
financements complémentaires et contribue à l
’alourdissement de la
démarche.
Dans les pays examinés par la Cour, les aides semblent
souvent d’un
montant plus important.
83
Appels aléatoires des clients pour vérifier la réalité des travaux et suivi du nombre de
dossiers cumulés par entreprise (source : Action logement).
84
30 % de 2 500
€
par exemple pour une personne seule ayant 1 454
€ de ressources,
soit 750
€
.
La prise en charge de l’AMO représente alors plus du tiers de la somme
effectivement versée au bénéficiaire.
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54
L’adaptation des
logements d
’autres pays
européens
En
Angleterre
, les actions sont principalement mises en œuvre à
l’échelle des communes en charge de traiter la demande d’adaptation du
logement et de faire réaliser le cas échéant, par un ergothérapeute, une
évaluation
85
des besoins ou des équipements nécessaires. Les adaptations
d
’un
coût inférieur ou égal à 1 150
€ sont prises en charge par la commune,
quels que soient les revenus des foyers
86
. Pour les adaptations supérieures à
ce montant, le principal mécanisme mobilisé est la
Disabled Facilities
Grant (DFG)
, une aide sous conditions de ressources. Le montant de la prise
en charge peut s’élever jusqu'à 30
000 £ (le montant moyen attribué est de
9 000 £ soit 10 400
€).
La politique d’adaptation des logements apparaît toute
fois nettement
en-deçà des besoins liés au vieillissement de la population : en 2016, seuls
7 % des logements disposaient des quatre caractéristiques les rendant
adaptés à une personne à mobilité réduite.
En
Suède
, des subventions, attribuées par les communes et suivies
par l’agence nationale du logement (
Boverket
), couvrent les aménagements
et réparations nécessaires pour permettre à l´usager de continuer à vivre
dans son logement. Elles consistent principalement à l’aménagement de
barres de maintien, ram
bardes d’escalier et autres suppressions de paliers
,
pour un montant moyen de 1
920 €
par logement.
Aux
Pays-Bas
, chaque municipalité étudie les dossiers de demande
d’aide financière qui lui sont présentés et décide de l’octroi d’une aide. Le
seuil approximatif au-delà duquel la municipalité estime que le
déménagement est préférable à l’adaptation du logement actuel se situe
autour de 10 000
€.
L’annexe 6 présente la variété, en France, des conditions d’âge, de
conditions de ressources ou de montant de la subvention, selon le régime
d’affiliation ou l’organisme financeur.
85
En application du
Care Act
de 2014, les autorités locales sont tenues de procéder
gratuitement à cette évaluation.
86
En Ecosse, la prise en charge de ces adaptations mineures peut aller jusqu’à 1
500 £
soit 1 730
€. En Irlande du Nord, la prise en charge (ou non) est à la discrétio
n de la
commune. Au Pays de Galles, elle dépend des ressources financières du bénéficiaire.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
55
II -
Prévenir les chutes et leur récidive,
promouvoir l’activité physique et lutter
contre l’isolement
A -
Une politique de prévention des chutes trop timide
au regard des enjeux
Les chutes s
ont un marqueur d’entrée dans la dépendance. Elles
représentent la grande majorité des recours aux urgences pour un accident
de la vie courante chez les 65 ans et plus. Sept chutes sur 10 surviennent à
domicile. Elles peuvent notamment avoir pour conséquence
l’entrée en
institution ou la réduction des activités et de la mobilité par peur de chuter
de nouveau. Elles sont aussi une cause importante de décès.
En termes de dépenses publiques, un travail original mené par le
département
de l’information médicale
et
l’
unité
d’évaluation médico
-
économique du CHU de Toulouse
87
pour le compte de la Cour, a permis de
cerner non seulement les coûts des « prises en charge hospitalières
communément associées aux chutes » (Peccac)
88
des personnes âgées de
75 ans et plus, mais également les coûts induits par leur parcours de soins
dans les deux années précédant et suivant cet événement.
Les résultats de la France en termes d’incidence ont
par ailleurs été
comparés à ceux de six pays. Ils la situent dans une position moyenne qui
illustre les marges de progrès possibles.
1 -
Un nombre important de décès en raison de chutes
En 2016, plus de 10 000 décès liés aux chutes de personnes de plus
de 65 ans ont été constatés. Par comparaison, la même année,
3 477 personnes ont perdu la vie dans un accident de la route.
87
Costa N., Fabre D., Mounié M., Molinier L. «
Évaluation de l’incidence et du coût
des Prises En Charge hospitalières Communément Associées aux Chutes (Peccac) des
personnes âgées et des parcours de soins correspondants » CHU de Toulouse, février
2021.
88
Pour faciliter la lecture, on parlera dans les développements qui suivent de « patients
chuteurs » ou de séjour lié à une chute et pas systématiquement de Peccac. Une
présentation de cette étude figure dans l’annexe
2.
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56
La baisse du taux de mortalité dû à une chute, amorcée au début des
années 2000, semble marquer le pas sur la fin de la période, comme le
montre le graphique ci-dessous.
Graphique n° 2 :
évolution des taux standardisés de décès par chute
chez les 65 ans et plus selon le sexe entre 2006 et 2016 en France
(taux pour 100 000)
Source : Santé publique France à partir des données Cépidc ; Champ : France entière
.
Le CHU de Toulouse a calculé, pour sa part, un taux de décès, lors
de leur séjour, de patients de plus de 75 ans hospitalisés suite à une chute.
En 2019, sur 105 000 séjours hospitaliers enregistrés en France pour ce
motif, 3,6 % se sont conclus par un décès (3 832). La mortalité des hommes
est le double de celle des femmes (6 % versus 3 %)
alors qu’ils sont
très
minoritairement concernés par ce type de séjours (24 %
d’
hommes et 76 %
de femmes).
Le CHU de Toulouse a également examiné les décès survenus
pendant les deux années qui ont suivi le séjour hospitalier
d’
un échantillon
de « patients chuteurs » comparé à un groupe témoin. Le tableau ci-dessous
qui décompte les
décès survenus jusqu’à quatre ans après l’hospitalisation
,
montre que le risque de décès ne se limite pas au séjour hospitalier
proprement dit.
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57
Tableau n° 6 :
description du nombre et du taux des décès après
une prise en charge communément associée à une chute
(non cumulés)
Patients chuteurs
(1 495)
Témoins
(4 484)
Nombre
%
Nombre
%
Décès à 1 an
349
23,3
334
7,4
Décès à 2 ans
147
12,8
283
6,3
Décès à 4 ans
165
16,5
529
12,6
Source : CHU de Toulouse (2015-2018)
Note de lecture : un an après leur prise en charge hospitalière, 23,3
% des patients de l’échantillon
étaient décédés contre 7,4 % dans le groupe témoin.
2 -
Un objectif de santé publique non reconduit
malgré le coût élevé des chutes
La loi de santé publique de 2004
89
fixait un objectif de réduction de
25 % du nombre annuel de chutes des personnes de 65 ans et plus, à un
horizon de cinq ans.
À l’issue de cette période, l’objectif n’a pas été
reconduit, ni repris dans la stratégie nationale de santé 2018-2022 qui
mentionne les chutes comme un facteur, parmi d’autres, d’hospitalisation
évitable des personnes âgées.
L
’
adoption
et l’affichage
d’un
nouvel objectif de diminution du
nombre de chutes, des passages aux urgences
qu’elles engendrent
, du
nombre d’hospitalisations associées
et du nombre de décès induits
permettraien
t de remobiliser l’ensemble des professionnels de santé autour
de ce problème de santé publique
90
.
Le suivi d’un tel objectif
rencontrerait néanmoins
, à l’heure actuelle,
des difficultés méthodologiques. Le nombre de décès décomptés par le
Cépidc comme celui des hospitalisations recensées par le CHU de
Toulouse résultent
en effet d’estimations, agrégeant différents
libellés sur
les certificats de décès dans un cas ou différents diagnostics principaux
d’hospitalisations dans l’autre cas.
Contrairement à ce que l’on peut observer dans la plupart des pays
que la Cour a interrogés, il n’y a pas en France de suivi centralisé spéc
ifique
sur cette question. Au Royaume-Uni, la
National hip fracture database
89
Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la santé publique.
90
L’élaboration d’un «
plan triennal anti-chutes des personnes âgées
» d’ici la fin de
l’année, a été confiée en septembre 2021 à Mme Chr
istine Abrossimov.
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58
répertorie les données et statistiques relatives aux fractures de la hanche.
Les Pays-
Bas, l’Espagne,
la Norvège, la Suède et le Danemark disposent
également de registres suivant ces résultats annuellement. Pour faire
diminuer l
’incidence
des chutes, la France doit elle aussi
se doter d’un outil
de suivi de ce type, à la mesure du coût très élevé de ces prises en charge.
Le coût financier pour l’assurance maladie de
s hospitalisations pour
chutes
s’est élevé
en 2019 à 600
M€
: 534
M€ pour les établissements
publics et 67,5
M€ pour les établissements privés (hors honoraires
médicaux). Mais les parcours de soins de ces patients, avant et après leur
prise en charge hospitalière, génèrent également des dépenses importantes
comme l’a montré la comparaison
, par le CHU de Toulouse, avec les
parcours
d’un groupe de patients témoins.
L’intérêt de ce travail est de chiffrer les dépenses engagées pendant
les deux années qui suivent, tant il est vrai que le séjour hospitalier,
relativement bref, ne constitue qu’une partie des prises en charge dont
bénéficiera le patient. Les coûts des deux années qui précèdent ont
également été estimés et il s’avère que ces patients ont, avant même l
a
chute, une consommation de soins plus élevée, révélant leur fragilité.
L’analyse économique des parcours
Le coût de prise en charge
91
deux ans avant et deux ans après la chute
a été calculé pour les deux groupes (« patients chuteurs » et témoins) :
-
entre
2 ans et 1 an avant la chute, le surcoût annuel s’élevait à 1
294
€ pour
les « patients chuteurs » ;
-
1 an avant la chute le surcoût annuel était de 2 378
€
;
-
entre la chute et 1 an après, le surcoût annuel atteint 11 796
€ pour les
« patients chuteurs » (p
rincipalement en raison de l’hospitalisation).
-
entre 1 an et 2 ans après la chute, le surcoût annuel persiste par rapport
aux témoins mais il n’est plus que de 1
656
€.
Appliqué aux 96 000 patients de plus de 75 ans hospitalisés en 2019
pour une chute, le surcoût de
l’année sui
vant
la chute par rapport à l’année
précédente serait donc de
0,9
Md€
. Ce calcul constitue une fourchette
basse qui
n’inclut pas les dépenses d’APA et d’hébergement en Ehpad
survenant
fréquemment à la suite d’une chute.
91
Hospitalisations, soins ambulatoires, médicaments, transports, etc.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
59
3 -
Des marges de progrès illustrées par les comparaisons
internationales
Comme la plupart des pays européens, la France est mal classée en
matière d
’incidence
des chutes
92
. Un des facteurs explicatifs fréquemment
avancé tient au poids de l’ostéoporose
lié au manq
ue d’exposition au soleil
.
Les habitants des pays nordiques (la Norvège tout particulièrement) sont
davantage touchés que des pays du sud de l’Europe (la Grèce notamment)
(cf. carte n° 1 en annexe 7).
La Cour a recueilli auprès de six pays des données sur le nombre
d’hospitalisations en raison d’une fracture de l’extrémité du fémur. La
France a un taux d’incidence plus élevé que les Pays
-Bas, le Danemark et
le Royaume-Uni
93
, pays pourtant situés plus au nord.
Graphique n° 3 :
t
aux d’incidence des fractures du col du fémur
94
en 2019 pour les 65 et plus dans six pays
Source
: Cour des comptes, d’après DHFA
-DICA registration pour les Pays-Bas,
Danish multidisciplinary hip fracture registry
95
. CHU de Toulouse et Insee pour la
France, Conseiller aux affaires sociales pour l’Espagne, Ministère des affaires
sociales suédois, Norwegian Hip fracture register.
92
Cf. annexe 7 : les chutes : une mise en perspective internationale.
93
Au Royaume-
Uni (hors Ecosse), où il n’a été possible d’obtenir que les données 2018
pour les 60 ans et plus, ce taux est de 0,45 % contre 0,49 % en France.
94
Col du fémur (S72.0), trochantérienne (S72.1), sous-trochantérienne (S72.2).
95
Période : du 1
er
décembre 2018 au 30 novembre 2019.
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60
Au regard des résultats observés dans ces pays et des écarts existants
entre régions françaises
96
, une diminution de l’ordre de 25
% de ce taux
d’incidence à horizon
de cinq ans apparaît atteignable
97
. Elle permettrait
d’
améliorer la qualité de vie et
d’économiser
a minima 225 M
€
98
de
dépenses de santé par an
99
.
4 -
Des causes multifactorielles sur
lesquelles il est possible d’agir
Des facteurs de nature très différente peuvent créer ou aggraver des
fragilités chez les personnes très âgées et préparer le terrain aux chutes : la
présence de comorbidités, la prise de psychotropes (et de façon plus générale
la iatrogénie médicamenteuse), la sédentarité, l’inadaptation du logement
, etc.
Le poids des comorbidités et des psychotropes
L’analyse des comorbidités du groupe des
« patients chuteurs » et du
groupe témoin par le CHU de Toulouse montrent des différences significatives
et notamment l’importance du nombre de démences dans le premier groupe.
La prise de psychotropes
100
avant et après la chute a également été
examinée. Quelle que soit la période considérée, leur consommation est plus
importante chez les « patients chuteurs » que chez les témoins (le risque de
chute est d’ailleurs un effet secondaire identifié).
Des profils de « chuteurs » ont été établis par Santé publique
France
101
.
À l’issue de ces travaux, des pistes de prévention ont été
identifiées. Une analyse des interventions efficaces pour prévenir les
chutes à domicile a par ailleurs été publiée dans le Bulletin
épidémiologique hebdomadaire en 2017
102
. Les analyses des deux équipes
sont largement convergentes.
96
En 2019, le taux d’incidence des prises en charge pour chute
s était en France de 1,55 % pour
les personnes âgées de 75 ans et plus. Entre régions, les taux d’incidence standardisé varient de
1,37 % pour le Poitou-Charentes à 1,74 % pour le Nord-Pas de Calais. Entre départements,
l’écart est nettement plus élevé : i
l peut atteindre 0,65 points (cf. annexe 2).
97
Pour information, le rapport «
Nous vieillirons ensemble…
» de Luc Broussy (2021) propose
pour sa part un objectif de diminution de 30
% du nombre de chutes mortelles d’ici 2030.
98
25 % des 0,9
Md€ de
surcoût de dépenses de santé liées à la chute
l’année sui
vante.
99
Hors dépenses évitées d
’APA et d’hébergement en Ehpad qui ne peuvent être
isolées
et donc quantifiées.
100
Antipsychotiques, anxiolytiques-hypnotiques, sédatifs, antidépresseurs.
101
Torres M, Pedrono G, Lasbeur L, Carcaillon-Bentata L, Rigou A, Beltzer
N. : « Chutes des personnes âgées à domicile : caractéristiques des chuteurs et des
circonstances de la chute ». Enquête ChuPADom, 2018. Santé publique France, 2020.
102
Dargent-Molina P, Cassou B. : « Prévention des chutes chez les personnes âgées de
plus de 75 ans vivant à leur domicile : analyse des interventions efficaces et perspectives
de santé publique ». Bull Epidémiol Hebd. 2017.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
61
La pratique de l’activité physique,
évoquée infra est
l’un des
messages clé. Ses bienfaits sont démontrés
, quel que soit l’état physique
des personnes âgées, l’intensité des exercices devant être adaptée
à leurs
capacités. Le renforcement musculaire peut réduire significativement le
taux de chutes, y compris chez les personnes de plus de 75 ans qui sont à
plus haut risque.
Le repérage et la prise en charge des personnes dès leur première
chute sont essentiels pour prévenir le risque de récidive. Des exercices
spécifiques relatifs à
l’équilibre
sont particulièrement utiles, d
e même qu’il
est important d’apprendre aux personnes âgées
à se relever après une chute
car une station prolongée au sol est un facteur de mauvais pronostic. La
peur de (re)tomber doit également
faire l’objet d’un
e attention particulière
de la part des professionnels de santé qui doivent inciter les patients à
continuer de se déplacer. Le rôle du médecin traitant est à cet égard central.
La perte de poids, d’acuité visuelle, la fatigue sont des
signes de fragilité
qui doivent être surveillés en routine.
D’autres mesures telles que l’aménagement de l’habitat par des
mesures simples (barres d’appui, fixation des tapis,
chemin lumineux, etc.),
la correction des troubles de la vision, la révision des prescriptions de
médicaments, avec en particulier la diminution progressive de la prise de
médicaments psychotropes, sont également efficaces.
L’accroissement de la longévité
a pour
effet d’augmenter le nombre
de personnes
susceptibles de chuter et d’être hospitalisées pou
r des
traumatismes divers. La fracture du col du fémur survient le plus souvent
après 85 ans. Son incidence, et les dépenses associées, pourraient
augmenter au rythme de la progression du nombre de personnes de plus de
80 ans,
en l’absence de mesures
fortes de prévention.
Contrairement à d’autres sujets de santé publique, les bonnes
pratiques à mettre en œuvre sont connues, les études interventionnelles
convergentes. Au regard des coûts engendrés par ces accidents et des
conséquences majeures qu’
ils ont sur la qualité de vie des personnes âgées,
le « retour sur investissement
» d’une politique de prévention plus
résolue
paraît évident.
B -
Le rôle majeur d
e l’activité physique
L
e manque d’activité physique et sportive est un problème global de
la population française, particulièrement aigu chez les jeunes (enfants et
adolescents). La sous-activité est générale, malgré les bienfaits avérés de
cette pratique.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
62
Les recommandations de l’OMS ont été révisées en 2020 et doublées
(au moins 2h30 à 5h par semaine d’une activité d’intensité modérée). L’OMS
ajoute que toute activité physique est préférable à l’absence totale d’exercice
et que l’on peut atteindre aisément les niveaux d’activité recommandés par
des moyens relativement simples. Les recommandations pour les seniors
sont identiques à celles des autres adultes.
1 -
L’échec de la prescription médicale
d’
activité physique adaptée
Selon une expertise collective de l’Inserm parue en 2019
103
,
l’activité physique adaptée réduit la mortalité, les récidives et retarde
l’ent
rée dans la dépendance pour les groupes de pathologies étudiées
(maladies cardiaques et vasculaires, maladies respiratoires, cancers,
dépression, schizophrénies, maladies ostéo articulaires, diabète et obésité).
Son développement est un des quatre axes prioritaires de la stratégie
nationale sport santé 2019-2024.
Depuis 2016 et la loi de modernisation de notre système de santé, la
prescription par le médecin traitant
d’une activité physique
, adaptée à la
pathologie et au risque médical de ses patients
atteints d’une affection de
longue durée
104
, est autorisée. Ni la prescription, ni la dispensation de cette
a
ctivité ne font l’objet d’un remboursement par l’assurance maladie.
Sont autorisés à dispenser cette activité aussi bien des professionnels
de santé (masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes et psycho-motriciens)
que les professionnels issus de la filière universitaire Staps
105
ou des
éducateurs sportifs. Les limitations présentées par le patient déterminent le
professionnel compétent pour intervenir.
Cette variété d’intervenants dénote
un souci louable de ne pas enfermer le dispositif dans une filière unique mais
n’a pas empêché l’apparition de difficultés soulignées dans un rapport
conjoint de
l’inspection générale des affaires sociales (Igas)
et de
l’
inspection
générale des finances (IGF)
106
et tenant en particulier :
-
à la restriction de la prescription aux seuls médecins traitants, alors
que des médecins spécialistes sont très mobilisés sur ce sujet ;
-
à une présentation par profil de limitations fonctionnelles, familière
aux éducateurs sportifs mais qui apparaît comme complexe à
appréhender pour les médecins généralistes non formés.
103
« Activité Physique : prévention et traitement des maladies chroniques ».
104
Articles L. 1172-1 et D. 1172-1 à D. 1172-5 du code de la santé publique.
105
Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
106
Rapport IGAS-
IGF sur l’«
Évaluation des actions menées en matière d’activité
physique et sportive à des fins de santé
», mars 2018.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
63
Cinq ans après l’inscription de cette mesure dans le code de la santé
publique, il n’est toujours pas possible d’établir un bilan de sa montée en
charge. La
prescription médicale d’
activité physique adaptée
n’est pas
recensée dans la nomenclature générale des actes professionnels et elle est
peu utilisée car non conventionnée
107
. Il est surprenant qu
’un dispositif que
l’ensemble des
professionnels de santé
appelaient de leurs vœux soit ainsi
laissé en déshérence.
L’inclusion d’indicateurs liés à la prescription d’activité physique
adaptée dans la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP)
pourrait contribuer à faire évoluer les pratiques. De la même façon,
l’élargissement de la prescription à d’autres praticiens que le seul médecin
traitant ouvrirait la voie à un déploiement plus large de cette prescription.
2 -
Des ateliers collectifs à repenser
En 2019, les conférences des financeurs ont consacré 21
M€ aux
actions en faveur de l’activité physique et de la prévention des chutes
, qui
constituent l’un des piliers des actions collectives de prévention des caisses
de retraite, principalement sous la
forme de séances d’activité physique en
groupe.
Ces séances, qui ont
fait l’objet d’un référentiel
, appellent cependant
des observations quant à leurs conditions de réalisation (nombre et durée
de séances) et au public bénéficiaire.
S’agissant, en premier
lieu, des conditions de réalisation, le nombre
de séances et leur durée (le format minimum promu par le référentiel est
de 3 mois et 20 séances) sont probablement trop faibles pour constituer une
véritable
action efficace au sens où l’entend Santé publique
France
108
.
L’effet positif de ces ateliers
du point de vue de la lutte contre
l’isolement des participants a été souligné par plusieurs interlocuteurs.
Mais s’agissant de l’amélioration de la forme physique, il convient plutôt
de les considérer comme une occasion de prise de conscience par les
seniors de l’intérêt de la démarche et surtout de sa faisabilité
109
. Les
bénéficiaires devraient systématiquement être orientés à l’issue des ateliers
107
Une codification même sans prise en charge par l’assurance maladie faciliterait
pourtant une intervention éventuelle des complémentaires santé.
108
Les programmes validés impliquent deux ou trois séances de groupe non
consécutives de 60 à 90 minutes par semaine (minimum six mois), animées par un
professionnel, complétées par une activité personnelle quasi quotidienne (Santé
publique France a établi une revue de littérature listant les
dix types d’intervention
s
favorables à la santé des seniors : La santé en action
–
n
o
446
–
décembre 2018).
109
La Haute autorité de santé a mis au point un argumentaire en fonction des obstacles
invoqués par les potentiels bénéficiaires.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
64
vers des clubs sportifs ou des associations susceptibles de prendre le relai
ou vers les « maisons sport santé » dont la création a été inscrite dans la
stratégie nationale sport-santé 2019-2024.
S’agissant en second lieu du ciblage des bénéficiaires, le référentiel
des caisses de retraite
précise que les ateliers s’adressent en priorité aux
publics relevant des territoires identifiés comme fragilisés et à ceux qui ne
pratiquent pas ou plus d’activités physiques de manière régulière.
Cependant, selon les données de bilan disponibles pour 2019
110
, près
d’un répondant au questionnaire d’évaluation sur deux (44
%) était inscrit
dans un club par ailleurs, pour pratiquer une activité physique ou sportive.
Seulement moins
d’un tiers des participants avaient souvent le sentiment
de manquer de force
ou d’être essoufflés lors d’un effort physique au
quotidien. La difficulté est donc bien pour les caisses de retraite, comme
pour les autres acteurs, d’améliorer le ciblage vers les
publics les plus
éloigné
s de l’activité sportive.
3 -
Pour une action publique plus déterminée
L
’après
-crise sanitaire devrait être mise à profit pour porter
prioritairement un message de santé publique et, au travers de campagnes
de communication généralistes et inter-générationnelles, pour rappeler en
quoi consiste une activité physique bénéfique pour la santé au quotidien.
De le même façon, l’
organisation des Jeux Olympiques de 2024 pourrait
être l’occasion d’
inciter à une pratique de loisir.
S’agissant plus précisément des seniors, les besoins sont tels qu’il
paraît
indispensable
de
d
émultiplier
les
canaux
d’accès
et
de
communication sur l’
activité physique et sportive, dans une optique de
maintien de l’autonomie.
Toutes les occasions d’élargir le nombre de
pratiquants devraient être examinées. Il pourrait
s’agir d’ouvrir les séances
organisées dans les Ehpad et les résidences autonomie aux seniors du
quartier, de proposer des ateliers inter-générationnels dans le cadre des
centres de loisirs organisés hors temps scolaires par les communes et de
s’assurer qu
e les équipements sportifs scolaires sont effectivement ouverts
aux associations en quête de terrains, de locaux ou de matériels.
110
Source : « Données du web-report bien vieillir sur les participants et leurs
changements de comportement ». 2 167 participants (activité physique adaptée).
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
65
C -
L’enjeu
de la lutte contre l’isolement
des personnes âgées
Selon le baromètre publié par les Petits Frères des Pauvres
111
, en
2021, 530 000 personnes âgées sont en situation de « mort sociale », ne
rencontrant quasiment jamais ou très rarement
d’autres personnes (réseau
familial, amical, voisins, réseau associatif).
Le maintien du lien social suppose une articulation, au plus près des
personnes concernées, des bénévoles agissant pour le compte des
associations engagées sur ce sujet et des communes responsables du
repérage des populations à risque. Dans les pays que la Cour a pu
interroger, les communes sont l’acteur de référence sur ce sujet, au cœur
des préoccupations notamment des pays nordiques et du Japon (annexe 3).
Le pilotage national de cette politique connaît cependant en France
une phase de transition compliquée, alors même que la pandémie a fait
ressortir l
’impact de l’isolement sur ces populations fragiles.
Un comité
stratégique
de lutte contre l’isolement des personnes âgées
a été installé, en
février 2021, curieusement co-animé par la DGCS et la CNSA alors même
que la loi
112
a récemment confié cette compétence à la CNSA
1 -
Un dispositif lancé en 2013 autour de Monalisa
que la CNSA peine à reprendre
Les premières actions de lutte contre l’isolement émanent de
bénévoles, sur le terrain, au plus près des personnes âgées. En 2013, ces
initiatives ont été agrégées en une association, Monalisa
113
, chargée de
mettre en cohérence des actions menées par des acteurs distincts, d’assurer
un meilleur maillage territorial et de créer un label national contribuant à
la visibilité et à la promotion de ces actions.
Pour des parties prenantes de natures très diverses mais adhérentes
à une même charte (associations, collectivités territoriales, centres
communaux d’action sociale
, caisses de retraite, mutuelles, Agence du
service civique, etc.), Monalisa consistait à déployer des équipes de
citoyens bénévoles dans les lieux non couverts par des initiatives
préexistantes ou auprès de personnes particulièrement fragilisées
114
.
111
« Baromètre solitude et isolement : quand on a plus de 60 ans en France en 2021 ».
112
Aux termes de l’article
L. 14-10-1
3° du code de l’action sociale et des familles, la
CNSA est chargée de contribuer au pilotage d'une politique de lutte contre l'isolement,
mission pour laquelle elle peut confier la réalisation d'opérations aux organismes des
régimes obligatoires de sécurité sociale.
113
MObilisation NAtionale contre L’ISolement des Agés.
114
Pour un coût du programme évalué en 2018 à 653
K€
.
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COUR DES COMPTES
66
Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge
(HCFEA) a
néanmoins considéré, en 2019
115
, que l’actio
n de Monalisa pâtissait de
difficultés de financement et de la relative complexité du dispositif. Faute
d’évaluation, il estimait en outre qu’il était difficile d’en mesurer l’impact réel.
La gouvernance du programme a donc été revue en janvier 2020,
pour être confiée à la CNSA. Toutefois, les ressources humaines que la
caisse nationale est en capacité d’allouer à cette mission sont
insuffisantes
116
, sans perspective
d’être
rapidement augmentées.
2 -
Des besoins aigus mis en lumière par la crise sanitaire
La crise sanitaire de 2020 a réactivé les signaux d’alerte déjà relevés
lors de la canicule de 2003. Une réflexion en deux temps
117
a été conduite
dès mars 2020 par Jérôme Guedj, ancien président du conseil
départemental de l’Essonne,
à la demande du Premier ministre. Seront plus
particulièrement évoquées ici les mesures ayant trait au repérage et à la
coordination locale des intervenants.
La question du repérage des personnes isolées est en effet cruciale
et la période de confinement a souligné la dispersio
n de l’information
disponible, l’absence ou l’impossibilité de coopération (avec des
exceptions) entre détenteurs des informations, le plus souvent pour des
motifs légitimes de protection des données.
En l’état actuel du droit, ni les fichiers
APA des départements, ni
celui des bénéficiaires de l’action sociale de la
Cnav ne peuvent être
communiqués aux mairies et aux CCAS.
D’autres sources d’informations existent
, permettant de repérer les
personnes potentiellement isolées : elles pourraient également être
mobilisées, soit pour délivrer une information spécifique, soit pour relayer
des informations dans un contexte de crise climatique ou sanitaire. Les
caisses de retraite connaissent par exemple l’identité des retraités isolés et
leur âge. Les opérateurs de téléphonie mobile peuvent relayer des SMS à
leurs abonnés. Un système « modernisé
» d’alerte et d’information des
populations est d’ailleurs attendu en 2022 après des débuts décevants lors
de sa mise en service en 2017.
115
Avis du Conseil de l’âge sur la démarche M
onalisa et sur la politique de maintien
du lien social et de lutte contre l’isolement des pe
rsonnes âgées, adopté le 16 mai 2019.
116
Monalisa comptait cinq salariés. A la CNSA, seul un poste de chef de projet a été
réorienté
pour travailler à l’élaboration de la stratégie de la
caisse.
117
Rapport d’étape
en avril 2020 (Lutter contre l’isolement de
s personnes âgées et
fragiles isolées en période de confinement) et rapport final en juillet 2020 (Déconfinés
mais toujours isolés ? La lutte contre l’isolement, c’est tout le temps !).
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
67
La réflexion engagée pendant cette première phase de la crise
sanitaire a débouché sur la publication par le m
inistère d’un guide d’aide
au montage des « cellules de coopérations locales de veille contre
l’isolement social
des âgés (Visa) ».
Il s’agit d’une boîte à outils
,
permettant par exemple de mettre en place une ligne téléphonique dédiée,
d’établir un guide d’entretien pour mener
une campagne de veille, etc. Elle
doit
permettre
aux
communes
d’organiser
le
recensement
et
l’accompagnement des personnes vulnérables en fonction des ressour
ces
locales disponibles.
3 -
Une absence
d’évaluation des actions menées
La question soulevée par le HCFEA en 2019 au sujet de
l’évaluation
de Monalisa
se pose pour l’ensemble des actions menées en la matière
. Il
existe en effet peu de référentiels pour ces actions qui bénéficient pourtant
de financements relativement importants : près de 22
M€ en 201
9.
Les éléments d’évaluations disponibles
mentionnent cependant un
effet induit positif des interventions inter-générationnelles et des
interventions collectives d’activité physique, pour peu qu’elles s’inscrivent
dans la durée.
III -
Sensibiliser les professionnels
pour modifier les pratiques
Les professionnels intervenant auprès des personnes âgées sont
nombreux (professionnels de la santé, travailleurs sociaux, aides à
domicile). Dans leurs pratiques professionnelles, la place de la prévention
est souvent réduite à la portion congrue.
Malgré un début d’intégration de la prévention de la perte
d’autonomie et du repérage des fragilités
dans la formation des
professionnels de santé
, les pratiques de soins s’éloignent de ces standards
comme en témoigne la faible mobilisation face à la dépendance iatrogène
à l’hôpital.
L
’essentiel des prises en charge ne se déroule pas en secteur
hospitalier et les médecins généralistes sont en première ligne dans le suivi
de leurs patients âgés. La surveillance en routine de signaux faibles de
fragilité mériterait
d’être renforcée.
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68
A -
Une surveillance et une prise en charge
accrues en ville
L’essentiel de la
prise en charge sanitaire des personnes âgées se
déroule en ville.
L’importance d’une surveillance
par les médecins traitants
d’affections bénignes, courantes, qui peuvent à terme affecter plus
profondément la qualité de vie des patients (mycoses buccales,
inadaptation d’un dentier,
problèmes de chaussage et de pieds, déficits
sensoriels…) a été soulignée par les gériatres au cours de l’enquête.
Ce repérage incombe également à tous les professionnels de santé
qui participent au suivi des personnes âgées :
infirmiers à l’occasion des
soins dispensés en cabinet ou au domicile, masseurs-kinésithérapeutes, etc.
La dénutrition en particulier,
ne fait pas l’objet d’une surveillance
suffisante.
Repérage et prise en charge de la dénutrition
400 000 personnes âgées à domicile et 50 % des personnes âgées
hospitalisées souffrent de dénutrition.
L
es messages portés à l’occasion de la première semaine de la
dénutrition (en novembre 2020), créée dans le cadre du Programme national
nutrition santé 2019-2023, doivent être relayés et intégrés dans les pratiques
professionnelles en routine, en particulier :
-
le dépistage systématique et le traitement des affections bucco-dentaires ;
-
l
’extension des formules de portage de repas, de restaurants sociaux
;
-
la formation des aidants et des professionnels à domicile au repérage des
troubles de la nutrition.
La correction des déficits sensoriels, parfois imparfaitement assurée,
pourrait connaître une sensible amélioration avec la mise en
œuvre
du
« 100 % santé »
sur les frais d’optique, d’audioprothèses et de prothèses
dentaires, le montant du reste à charge constituant un motif majeur de
renoncement à ces équipements.
Le traitement des troubles auditifs est tout particulièrement
important pour le maintien du lien social qui concourt à prévenir la
dépression de la personne âgée, souvent non diagnostiquée.
Le choix a été fait dans ce rapport d’approfondir les enjeux relatifs
à la prévention des chutes qui sont plus facilement quantifiables et mènent
très directement à la dépendance, mais la correction des troubles de la vue,
de l’audition et la surveillance dentaire constituent également des axes
essentiels pour mieux prévenir
la perte de l’autonomie.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
69
L’inclusion d’indicateurs liés
au suivi et à la surveillance des
patients âgés et fragiles dans la « rémunération sur objectifs de santé
publique » (ROSP) notamment, pourrait contribuer à faire évoluer les
pratiques et améliorer la prévention et la prise en charge de ces patients.
B -
De l’
ordre de 400 000 cas de dépendance évitables
chaque année
La santé des personnes âgées bénéficie, depuis peu, de médecins
spécialistes. Au-
delà d’une prise en charge spécifique en établissements
118
,
les programmes de recherche qu’ils mettent en œuvre partici
pent à
l’amélioration globale de la connaissance des besoins.
La gériatrie hospitalière, une spécialité récente
La réforme du troisième cycle de médecine a créé le diplôme
d’études spécialisées
de gériatrie qui permet aux étudiants, depuis 2017, de
se former à cette spécialité en quatre ans. Près de 200 postes sont ouverts
chaque année. Si le taux de vacance était relativement élevé au cours des
trois premières années, il
n’est plus que de 3
% en 2020-2021.
Auparavant, depuis 2004, les étudiants de troisième cycle pouvaient
suivre une formation au diplôme d’études spécialisées complémentaire
s en
gériatrie après obtention d’un premier diplôme d’études spécialisées.
2
877 praticiens gériatres exerçaient à l’hôpital public
en 2019 et
1 069 dans des établissements privés.
Si l’on peut attendre que la
prise en charge des personnes âgées au
sein de services hospitaliers spécialisés soit plus adaptée à leurs besoins
particuliers, la plupart des séjours hospitaliers se déroulent au sein de
services généraux
119
.
Or, une prise en charge inadéquate, insuffisamment vigilante aux
risques spécifiques des patients âgés, peut induire une dépendance
iatrogène.
La dégradation de l’autonomie est alors en partie
due au séjour
118
La gériatrie est une spécialité essentiellement hospitalière. Au 31 décembre 2018,
216 professionnels de santé libéraux seulement avaient déclaré une spécialité ou une
compétence en gériatrie.
62 départements ne disposaient d’aucun spécialiste
.
119
L’objectif « zéro passage par les urgences » d’ici
cinq ans du plan de prévention de
janvier 2020 concourt par ailleurs à une meilleure anticipation des séjours hospitaliers,
quand toutefois ils ne peuvent être évités par une meilleure organisation des prises en
charge en ambulatoire.
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COUR DES COMPTES
70
hospitalier et pas seulement à la pathologie qui l’a rendu nécessaire.
Ce
sujet est moins connu que celui de la iatrogénie médicamenteuse de la
personne âgée, qui bénéficie de solutions techniques diverses pour la
prévenir, par exemple le recours à des
logiciels d’aide à la prescription.
La prise en charge hospitalière des patients âgés à Nacka
120
(Suède)
En Suède, l’approche pluridisciplinaire et l’évaluation sont au cœur
de l’approche gériatrique. Un bilan gériatrique complet est réalisé à l’arri
vée
d’un patient au sein du service de gériatrie de l’hôpital de Nacka, incluant
l’évaluation de son niveau de fragilité (
Clinical Frailty Scale
). Les réunions
d’échanges autour des cas sont systématiques et fixent un objectif
fonctionnel à la prise en charge (permettre à un patient de remarcher par
exemple). Alors que les unités de soins de l’hôpital sont orientées
« diagnostic et guérison »
d’une pathologie, les unités gériatriques
recherchent avant tout, de manière globale, le maintien des capacités
fonctionnelles des patients.
Les kinésithérapeutes, très présents dans le service, travaillent avec
d’autres praticiens comme les ergothérapeutes. Ils mobilisent les patients
dans tous les actes de leur vie quotidienne, ce qui permet de maintenir leurs
capacités.
La prévention de la « dépendance iatrogène liée à l
’
hospitalisation
chez les personnes âgées »
a fait l’objet de recommandations de la
Haute
autorité de santé (HAS) en octobre 2017, en vue de réduire les risques ou
l’aggravation d’un déclin fonctionnel.
Elle identifie six causes principales
de
décompensation lors d’une hospitalisation qui peuvent provoquer une
dépendance iatrogène
: le syndrome d’immobilisation, la c
onfusion aiguë,
la dénutrition, les chutes, l’incontinence urinaire et les effets indésirables
des médicaments.
La HAS a également introduit cette notion dans les critères de
certification des établissements de santé en 2020
. Il s’agit cependant d’un
critère standard et non impératif
121
.
120
Ces informations ont été
recueillies en janvier 2021 lors d’un entretien avec deux
gériatres de l’hôpital de Nacka (commune proche de Stockholm).
121
Un critère standard correspond aux attendus de la certification, un critère impératif
à ce que l’on ne veut plus voir au sein d’un
établissement, un critère avancé à une
exigence souhaitée mais non exigible à ce jour.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
71
Les travaux quantitatifs sur la dépendance iatrogène sont peu
nombreux. Ils supposent en effet de coter la dépendance en début et en fin
de séjour et de neutraliser les effets propres de la pathologie. Le
gérontopôle de Toulouse a néanmoins procédé à une étude sur 503 patients
de 75 ans et plus, hospitalisés pendant au moins deux jours en 2011-2012.
L’incidence de la dépendance iatrogène
a été évaluée à 11,9 % (60 patients
sur 503). Sur ces 60 cas, 49 ont été jugés comme potentiellement évitables,
soit près de 10 %. Rapporté au nombre de séjours hospitaliers de personnes
âgées chaque année (environ quatre millions), le nombre de cas de
dépendance iatrogène évitable pourrait donc être estimé à près de 400 000.
Un décalage important existe entre la connaissance théorique du
problème
et les solutions pratiques mises en œuvre
. La mesure imparfaite
de la dépendance iatrogène et
l’absence de conséquence pour les
établissements qui resteraient inactifs indiquent que ce sujet est encore trop
peu traité.
La
création d’un score, rendu public, sur le modèle du score sur les
infections nosocomiales, pourrait constituer une incitation forte pour les
établissements de santé à mettre en œuvre les bonnes pratiques recensées
par la HAS.
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COUR DES COMPTES
72
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Les déterminants sociaux, environnementaux et culturels de la perte
d’autonomie sont bien connus
. Ils aggravent le cas échéant des problèmes
de santé existant par ailleurs. Les conditions et parcours de vie des
personnes (ressources, contraintes, environnement, etc.), le contexte dans
lequel elles évoluent (protection sociale, système de santé ou services
disponibles) entravent ou favorisent tout aussi sûrement le vieillissement
en bonne santé.
Le vœu formulé par le plus grand
nombre de demeurer à son
domicile aussi longtemps que possible appelle une rationalisation de la
politique
d’adaptation
des
logements
qui
n’a
que
trop
tardé.
Principalement portée par les acteurs du logement, cette politique, malgré
le constat ancien d’un
e pluralité des financements et de critères
d’éligibilité
illisibles,
ne fait pas l’objet d’un suivi satisfaisant
: ni le
besoin, ni le nombre de logements adaptés ne sont connus. La pertinence
des travaux ou des équipements financés n’est que peu interrog
ée.
La crise sanitaire aura mis en évidence avec une acuité nouvelle les
effets délétères de la sédentarité sur l’ensemble de la population.
La
promotion et l’accès aux activités physique
s des personnes âgées doivent
changer d’échelle
et s’adapter aux atte
ntes et aux capacités variables des
personnes, avec une attention particulière à celles éloignées de cette
pratique pour des raisons sociologiques ou de santé.
Les chutes sont
un marqueur d’entrée dans la dépendance et un bon
témoin de l’état de santé global de
la population âgée. Elles ne constituent
pas une fatalité et nombre d’entre elles pourraient être évitées. Une action
plus déterminée de prévention améliorerait la qualité de vie des individus
(et leur survie dans de très nombreux cas) et constituerait une source non
négligeable d’économies pour le système de soins.
Une meilleure surveillance de la santé au quotidien des personnes
âgées par leur médecin traitant doit être
promue pour éviter l’aggravation
d’affections ou de problèmes bénins. Dans les établissements de santé, une
prise en charge adéquate, conforme aux recommandations de la Haute
autorité de santé, doit permettre de réduire les cas de dépendance
iatrogène évitables.
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UN DIAGNOSTIC COMMUN SUR LES BONNES PRATIQUES À PRIVILÉGIER
73
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
a
mplifier et suivre l’adaptation des logements tout en simplifiant les
aides et en uniformisant les procédures (ministères des solidarités et
de la santé et du logement) ;
2.
définir un objectif de santé publique ambitieux de diminution de
l’incidence des chutes et des décès induits, en donnant aux agences
régionales de santé les outils leur permettant de mobiliser les leviers
identifiés pour y parvenir, dont un recueil statistique systématique des
chutes (ministère des solidarités et de la santé) ;
3.
encourager les professionnels de santé à infléchir leurs pratiques
(détection des signes de fragilité, prescription d’activité physique
adaptée, réexamen de la pertinence des médicaments, etc.)
via
des
incitations financières (ministère des solidarités et de la santé et
Cnam).
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Chapitre III
Une politique publique à redéfinir
et à réorganiser
I -
Bâtir une offre de prévention graduée
selon trois niveaux
Une offre de prévention graduée doit permettre de proposer à chaque
personne âgée une intervention adaptée à son besoin spécifique, tout en
absorbant
l’augmentation
numérique
importante
des
potentiels
bénéficiaires.
A -
Sensibiliser le plus grand nombre
1 -
Formuler des messages clairs, bien articulés et accessibles
Malgré quelques progrès, la communication autour de la prévention
de la perte d’autonomie souffre de dispersion. Les campagnes de
communication grand public, dont
l’efficacité a été démontrée sur d’autres
sujets (sécurité routière notamment), font particulièrement défaut.
Un site www.pourbienvieillir a été créé en 2016 en partenariat avec
Santé publique France (SPF), afin
d’apporter des conseils communs en
prévention ainsi qu’une présentation unique des offres.
Géré par la Cnav et
la MSA, le site propose dorénavant une géolocalisation des actions
collectives de prévention, ce qui constitue un progrès notable.
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COUR DES COMPTES
76
Faute de publicité toutefois, la fréquentation de ce
site n’augmente
pas. Elle est toutefois bien plus importante pour le grand public
(1,46 million de visiteurs en 2016-2019) que pour les professionnels
(60 385 visiteurs sur la même période). La sensibilisation des
professionnels aux ressources disponibles sur ce site ainsi que la réflexion
sur la bonne manière de diffuser ces conseils de prévention
122
, sans
provoquer de rejet ou de déni, constituent deux axes potentiels
d’amélioration importants.
La CNSA gère pour sa part le portail pour-les-personnes-
agees.gouv.fr
, axé sur l’aide à l’autonomie
123
. Ces deux sites constituent
les principaux points d’entrée pour s’informer mais l’optimisation pr
évue
des référencements réciproques, en vue d’une meilleure coordination,
inscrite dans une convention entre la CNSA, la Cnav et la MSA (2016-
2019) n’a pas encore été mise en œuvre.
Ce référencement croisé, élargi
aux sites des collectivités locales et des Carsat, donnerait une continuité et
une cohérence aux informations délivrées aux usagers.
La stratégie précitée « Vieillir en bonne santé » (janvier 2020)
prévoit enfin le déploiement d’une application
dénommée « agir à mi-vie
pour une avancée en âge en santé », à destination des 40-45 ans, dont le
développement a pris du retard en raison de la crise sanitaire
124
.
Au-
delà des actions ciblées de prévention de la perte d’autonomie,
il est important que les messages relatifs à la prévention primaire soient
mieux relayés, tout au long de la vie. Le levier des organismes de sécurité
sociale paraît à cet égard insuffisamment exploité : le compte Ameli par
exemple, souvent consulté par les assurés, ne porte pas de message de
prévention.
122
En s’appuyant sur les travaux en matière de littératie (c’est
-à-dire la capacité à
comprendre et s’approprier les messages écrits
) ou de sciences comportementales.
123
Informations nationales et départementales sur les aides et les droits, annuaires,
comparateur des prix et des restes à charge en Ehpad.
124
L’application, développée par Santé publique France, guidera les personnes pour
aller vers des comportements de vie sains, partant des habitudes de vie de chacun. Elle
visera à agir sur la prévention des maladies chroniques au cours de cette deuxième
moitié de vie mais aussi à prévenir les troubles neurocognitifs qui représentent la cause
principale de perte d’autonomie (
source : Stratégie « Vieillir en bonne santé » de 2020).
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UNE POLITIQUE PUBLIQUE À REDÉFINIR ET À RÉORGANISER
77
2 -
Proposer des conseils et une orientation pour tous
Le recours à l’information en ligne peut paraître complexe, voire
inacessible, à de nombreuses personnes âgées. La délivrance d’une
information généraliste, dans un lieu d’accueil physique doit demeurer
possible
125
, sous une forme à définir qui pourrait être celle des « Maisons
des aînés et des aidants » proposée dans le rapport Grand âge et
autonomie
126
.
La proposition d’un co
-pilotage de ces maisons par les ARS et les
conseils départementaux semble en revanche d’une
mise en œuvre
complexe et exclut
l’inter
-régimes qui a un rôle en matière de prévention.
La création d’une
plateforme téléphonique axée sur
l’orientation et
des conseils personnalisés en prévention comme
sur l’accès au droit à la
compensation de la perte d’autonomie pourrait utilement compléter l’offre
de portails d’information, en particulier pour les publics éloignés du
numérique.
Les maisons sport-santé,
en cours de déploiement sous l’égide du
ministère des sports, sont spécifiquement chargées de
l’information et
l’orientation du public, avec l’objectif d’attirer à la pratique sportive les
publics qui en sont les plus éloignés. Cinq cents structures devraient être
labellisées en 2022, près de trois cents le sont
à l’été
2021.
Enfin, au sein des Carsat, les propositions d’orientation
après une
décision de rejet d’une demande d’aide sont trop peu nombreuses. Seules
trois caisses (Rhône-Alpes, Bretagne et Centre) renvoient vers le site
internet généraliste ou les ateliers de prévention. Un progrès sensible, à
court terme, consisterait à assortir systématiquement les courriers de refus
d’une orientation vers un autre type d’intervention de la caisse ou de l’un
de ses partenaires.
125
En janvier 2021, u
ne mission sur la généralisation d’un guichet unique pour les
personnes en perte d’autonomie
a été confiée à l’ancien directeur de la sécurité sociale,
Dominique Libault.
126
Proposition 117 «
Généraliser une offre de service d’information, d’orientation,
d’aide aux démarches administratives et gestion de cas complexe au sein d’un guichet
unique, la Maison des aînés et des aidants
».
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COUR DES COMPTES
78
B -
Détecter et prendre en charge les publics
vulnérables
1 -
Repérer les publics vulnérables
a)
Réorienter les actions collectives
Malgré des disparités entre territoires
127
, les actions collectives
touchent un nombre non négligeable de personnes âgées (1,5 million en
2019 pour un coût de 110,2
M€)
grâce aux financements des conférences
des financeurs. Toutefois, les données de
reporting
disponibles, certes
incomplètes, montrent que les ateliers ne bénéficient pas assez à ceux qui
en ont le plus besoin : 52 % des participants ne sont pas isolés, 80 %
utilisent leur voiture au quotidien, 60 % pratiquent une activité
intellectuelle ou culturelle plusieurs fois par mois, 63 % ont six contacts ou
plus par semaine, 79 % pratiquent une activité physique et 87 % ont
consulté un médecin généraliste au cours des douze derniers mois.
Cela tient à ce que des méthodes empiriques (affichage, relais par
les communes, publication d’encarts dans la presse, bouche à oreille)
alimentent à ce jour les inscriptions aux ateliers. Le ciblage des retraités
fragiles d’un point de vue socio
-
économique se limite à l’organisation
d’ateliers sur les territoires où ils sont réputés plus nombreux
, selon les
observatoires régionaux des fragilités.
Le profil sociologique des participants traduit une sur- ou sous-
représentation, selon les cas, de certaines catégories par rapport à la
population générale.
127
Entre 1,78 % et 32,63 % de la population âgée de 60 ans et plus concernés en 2019
selon des territoires (rapport CNSA).
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UNE POLITIQUE PUBLIQUE À REDÉFINIR ET À RÉORGANISER
79
Graphique n° 4 :
profil sociologique des participants aux ateliers
du bien vieillir (comparé à la population générale)
Sources : Web report (MSA) 2019 pour les données sur les ateliers du bien vieillir et Insee (enquête emploi) pour
les données population française.
Globalement, l’utilisation par les Carsat des informations dont elles
disposent pour adresser des invitations aux assurés plus à risque est encore
trop marginale.
L’article 6 de la loi d’adaptation de la société au
vieillissement (ASV) autorise le croisement de données nominatives entre
organismes de sécurité sociale afin
de repérer les retraités en risque de perte
d’autonomie
. Il n
’a
cependant
pas été mis en œuvre
, privant les caisses
d’un
outil de ciblage indispensable.
b)
Déployer le rendez-vous « jeune retraité »
Annoncée en mars 2019, l’organisation d’un rendez
-vous de
prévention « jeune retraité »
128
, à moyens constants, connaît des débuts
difficiles
qu’explique, au moins partiellement, la crise sanitaire
128
Une convention entre l’
É
tat, la Cnam, la Cnav, la MSA et l’Agirc
-Arrco a été signée
en janvier 2020.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
80
Le rendez-vous « jeune retraité »
Ciblant plus particulièrement les personnes éloignées des soins
129
, ce
dispositif doit apporter de la cohérence aux consultations existantes
130
par
la définition d’un référentiel commun de pratiques et organiser la
coordination entre les acteurs du territoire, faute de quoi, une personne âgée
peut se retrouver à la croisée de multiples sollicitations comme
d’aucune
.
Ce rendez-vous, qui vise les personnes retraitées depuis 6 à 18 mois,
est l’occasion d’évaluer leur situation dans une approche médico
-psycho-
sociale, avec l’objectif de promouvoir le bien vieillir, de prévenir et
diagnostiquer les maladies chroniques et de repérer les freins à l’accès
aux
soins. Une synthèse est communiquée au médecin traitant et une orientation
est faite vers les ressources du territoire.
Moins de 1 000 personnes auraient bénéficié de ce rendez-vous en
2020. La crise sanitaire explique certainement le faible taux de retour
positif aux invitations (2
% à l’Agirc
-Arrco pour 32 000 personnes
invitées). Les centres d’examen de santé de l’assurance maladie, chargés
de la mise en œuvre
pour le régime général, ont été très mobilisés par le
contact-tracing
, et n’ont pas propos
é ce rendez-vous. Les premières
invitations devaient être lancées au second semestre 2021. Ces centres
devront en tout état de cause compléter leur offre habituelle
pour qu’elle
réponde au cahier des charges du rendez-vous « jeune retraité ». Compte
tenu d
u volume d’examens de santé qu’ils réalisent habituellement, bien
supérieurs à ceux de l’Agirc
-Arrco, leur place dans le dispositif est
essentielle. Leur mobilisation pourrait
contribuer à l’atteinte de l’objectif
de 200 000 personnes conviées à ce rendez-vous
d’ici
2022.
Des doutes subsistent toutefois sur la capacité des acteurs (centres
d’examen de santé, Agirc
-Arrco et MSA) à se coordonner. Le risque de
doublonnage n’a pas disparu. Il pourrait facilement être évité par la
transmission des listes de
personnes invitées par l’Agirc
-Arrco à ses
partenaires, et réciproquement.
129
Absence de complémentaire santé, de déclaration de médecin traitant, de
consommation de consultation de médecine générale en ambulatoire dans les
12 derniers mois, titulaire de la complémentaire santé solidaire (l
’
Agirc-Arrco
n’ayant
pas accès à ces informations a notamment ciblé la situation fiscale).
130
Rendez-vous ciblés sur les plus éloignés du système de soins proposés par les centres
d’examen de santé de la C
nam, Instants santé de la MSA, dispositif Pari de
l’
ex-RSI,
centres de prévention de l’
Agirc-Arrco, etc.
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81
2 -
Intégrer à l’offre de services
une visite conseil à domicile
Une évolution des visites à domicile réalisées pour le compte des
caisses de retraite, débouchant
aujourd’hui uniquement
sur des plans
d’aide
, vers des « visites conseils prévention » permettrait à la fois de
proposer l’intervention d’un personnel qualifié
aux retraités en demande et
d’être en mesure de repérer les situations critiques nécessitant une
réponse
rapide.
a)
Des évaluations à domicile conçues
aujourd’hui
pour donner accès
à un plan d’aide
avec des différences fortes entre régions
Les évaluations à domicile étant conçues pour donner accès à un
plan d’aide
, les Carsat en calibrent le nombre par le biais
d’un pré
-
ciblage
131
, en fonction des plans d’aide que leurs budgets d’action sociale
contraints leur permettent d’accorder.
En Midi-Pyrénées, en 2019, 38 % des retraités faisant une
demande d’aide à domicile ne remplissaient pas ces critères d
e fragilité se
sont donc vu opposer un rejet de leur demande sans visite à domicile.
À contrario
, en Ile-de-France, «
afin de prendre en compte les
fragilités liées à la période de confinement
», le pré-ciblage a été suspendu
depuis mai 2020 au profit de l’organisation systématique
de visites à
domicile mettant la caisse en position de capter les signaux faibles de
difficultés.
Il semblerait souhaitable de proposer aux retraités dont la demande
d’aide a été rejetée, quel que soit leur régime de retraite, une visite conseil
à domicile leur permettant de recevoir des conseils sur la prévention, sur
l’adaptation éventuelle de leur logement et
d
’être
orientés vers les
ressources de leurs territoires
132
.
131
La grille de pré-ciblage permet de limiter la
commande d’évaluations à domicile aux
personnes ayant un score suffisamment élevé de fragilité (pouvant évoluer en cours
d’année pour respecter l’enveloppe budgétaire prévue), dépendant notamment de leurs
réponses à des questions sur leurs ressources, leur âge, sur une éventuelle
hospitalisation, une chute, etc.
Les Carsat qui utilisent cet outil (toutes ne le font pas et certaines se contentent d’un
critère d’âge) révisent ainsi, si besoin, en cours d’année, le score ouvrant droit à une
évaluation à domic
ile, pour ne pas dépasser l’enveloppe budgétaire disponible.
132
Le surcoût de cette mesure est estimé à environ 10
M€
pour le régime général, à
comportements constants, si l’ensemble des retraités dont la demande a été rejetée
bénéficiaient d’une telle visi
te.
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82
b)
Proposer de telles visites aux plus vulnérables
Une visite à domicile peut permettre d
’atteindre un public qui ne
souhaite pas ou ne peut pas répondre à une proposition de rendez-vous à
l’extérieur
. Le repérage des personnes fragiles les plus à même de
bénéficier de cette offre constitue, là également, la difficulté essentielle.
Comme indi
qué plus haut, la mise en œuvre, prévue depuis 2016
par
la loi ASV, du croisement de données nominatives entre organismes de
sécurité sociale devrait permettre de systématiser le repérage des personnes
fragiles pour leur proposer des visites à domicile ciblées, dans une
démarche «
d’aller vers
»
133
.
La Cnav expérimente, en 2021, en lien avec le gérontopôle de
Toulouse, le projet dit « Nacre » (« Nouvel accompagnement co-construit
des retraités »), un rendez-vous à domicile avec un évaluateur (de profil
travailleur social) en direction de retraités âgés de 68 ans non assujettis à
la CSG
134
. Ce rendez-vous doit permettre de répondre au questionnaire
Icope (cf.
supra
), délivrer des messages de prévention ciblés et orienter
vers l’offre proposée par les caisses
de retraite.
Pour affiner le ciblage au-delà du critère de non assujettissement à
la CSG, il pourrait être utile de s’inspirer du Programme d’action pour une
retraite indépendante (Pari
), qu’avait mis en œuvre le RSI avant sa
dissolution. Le risque de fragilité des cotisants âgés de 60 à 79 ans était
évalué par croisement de données administratives, médicales et sociales et
une offre d’accompagnement était faite en partenariat avec leur médecin
traitant
135
. Ce programme aurait permis aux assurés, principalement des
hommes, de reprendre contact avec le système de santé. Il a cessé en 2018
et n’a été repris ni par la Cnav, ni la Cnam
.
Le projet Nacre, sous réserve
d’évaluation et d’adaptation (
on peut
ainsi imaginer que les invitations ne visent pas un âge chronologique
unique
mais plutôt l’âge biologique résultant des comorbidités), mériterait
d’être
étendu.
133
Le projet Slims (suivi longitudinal individuel multimodal du senior) mené dans les
Hauts de France a pour objet d’évaluer des algorithmes de détection de la pré
-fragilité
à partir de ces données. Ces algorithmes ont vocation à être utilisés à grande échelle.
134
C’est
-à-dire dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 11 408
€
en métropole.
135
Pour Nicolas Sirven (question d’économie de la santé n°224
-mars 2017), ce
dispositif de ciblage permet bien de repérer des personnes présentant des besoins non
révélés.
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83
c)
Professionnaliser et homogénéiser le contenu des visites à domicile
L
’
évolution du contenu des « visites conseils » nécessite des
transformations profondes en matière de formation des professionnels et
d’
organisation.
En effet, outre le
service social de l’assurance maladie
mobilisé
notamment pour les sorties d’hospitalisation
, la majorité des Carsat
recourent à plusieurs partenaires (26 dans le cas extrême des Pays-de-la-
Loire, cf. carte n°1), majoritairement des associations et des Clic
136
.
Clarifier le rôle du service
social de l’assurance maladie
dans la prévention de la perte d’autonomie
Inscrits dans la COG 2018-2022
de l’assurance maladie, l’accès aux
soins, les sorties d’hospitalisation et la santé et le bien vieillir à domicile
font partie des priorités du service social, placé sous la responsabilité des
Carsat tout en étant hébergé pour l’essentiel dans les Cpam.
Mais, à défaut d’indicate
ur associé, contrairement à la COG
précédente, la part des personnes âgées suivies par le service social (environ
20 %) fléchit, au profit de la prévention de la désinsertion professionnelle,
nouvelle priorité.
La Cour a recommandé en 2020
137
le rattachement des services
sociaux de l’assurance maladie
aux Cpam
, ce qui devrait s’accompagner
d’une clarification de leur positionnement.
Cette dispersion ne permet pas de garantir une qualité de service
homogène.
D’ailleurs, d
ans quatre régions, les caisses de retraite ont fait le
choix de créer une structure
ad hoc
inter-régimes, afin de disposer de
personnels au savoir-faire et aux compétences validés par une formation
spécifique.
Les départements, disposant de travailleurs sociaux pour réaliser les
évaluations
préalables à l’attribution de l’A
PA, étaient historiquement
nombreux à assurer les évaluations pour le compte des Carsat. Pour
différentes raisons, dont la faible rémunération des évaluations
138
,
on ne
136
Centre local d'information et de coordination
, cf. annexe 5 sur l’action sociale.
137
Cour des comptes,
L’organisation territoriale des réseaux de caisses de sécurité
sociale du régime général : des évolutions nécessaires
, Ralfss 2020, La Documentation
française, disponible sur www.ccomptes.fr.
138
Les évaluations étaient rémunérées 108
€ en 2012, elles le sont à hauteur de 120
€
en 2021, soit 3
€ de plus que l’inflation cumulée
,
alors que la grille d’évaluation utilisée
est plus exigeante en temps passé au domicile de la personne.
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COUR DES COMPTES
84
comptait plus en 2018 que quelques départements dans ce cas. Si le
contexte local s’y prête, les
Carsat pourraient être encouragées à
conventionner avec les équipes d’évaluations des département
s, ce qui
faciliterait en outre
la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle des
GIR.
Plus généralement, une rationa
lisation de l’organisation
, permettant
aux caisses de piloter la qualité du service rendu aux personnes âgées,
constitue un préalable à la montée en puissance d’une visite conseil.
Dans
ce dispositif, l’évaluateur
évoluerait vers une mission de conseiller en
prévention ou «
care manager
» (cf. exemple du Japon en annexe 3), ce qui
nécessiterait des formations adaptées (capacité à délivrer des conseils à
domicile, formation sur
l’habitat
, etc.).
Dans l’hypothèse d’un rattachement des services sociaux aux Cpa
m,
il conviendrait que les structures délégataires des caisses de retraite
montent encore en compétence, car elles assureraient également des
interventions plus délicates, comme les
sorties d’hospitalisation
.
3 -
Faciliter le recours aux aides techniques
Les aides techniques
139
sont centrales pour compenser certains
déficits fonctionnels et ainsi préserver
l’autonomie.
Le diagnostic sur les difficultés d’accès à ces aides a été réitéré dans
le rapport Denormandie-
Chevalier d’octobre 2020
140
, qui relève,
notamment, que les personnes âgées sont moins aidées financièrement que
les personnes en situation de handicap
pour l’acquisition de ces aides
techniques et
qu’elles n’achètent pas les aides techniques qui
leur seraient
les plus adaptées mais plutôt celles sans reste à charge.
139
Cannes,
déambulateurs,
audioprothèses,
fauteuils
roulants,
appareils
de
verticalisation, barres d’appui, sièges baignoires, etc.
140
«
Des aides techniques pour l’autonomie des personnes en situation de handicap ou
âgées : Une réforme structurelle indispensable
», rapport au ministre des solidarités et
de la santé du Dr Philippe Denormandie et de Mme Cécile Chevalier, octobre 2020.
Lors du Comité interministériel du handicap de novembre 2020, le Premier ministre a
annoncé la mise en place d
’équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques
(EqLAAT) dans le cadre des expérimentations de
l’article 51.
24 équipes seront
chargées de
créer une offre accessible aisément et rapidement, subsidiaire à l’existant
(soins de suite ou établissements médico-sociaux par exemple) et assurant une bonne
information aux personnes et aux adresseurs.
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85
Les financements, multiples
141
, ne sont pas accessibles à tous les
âges ni selon les mêmes critères. Le périmètre des aides techniques et les
modes de calcul diffèrent selon les financements.
Une meilleure connaissance des aides techniques par les équipes
chargées de l’évaluation à domicile
des personnes âgées constituerait une
première étape
en vue d’une plus grande diffusion
. Le développement
d’initiatives comme celle mise en œuvre par
le département de Seine-et-
Marne
devrait contribuer à l’at
teinte de ces objectifs.
L’initiative du département de Seine
-et-Marne en matière
d’ergothérapie et d’aides techniques
En Seine-et-Marne, le
diagnostic d’
un ergothérapeute est accessible
par l’intermédiaire
des équipes en charge de l
’
évaluation ou
via
une
demande directe de la personne âgée de plus de 60 ans, sans condition de
ressources.
La démarche, lancée en 2018, visait à remédier aux constats critiques
sur le manque de connaissances et sur les difficultés financières d
’accès aux
aides techniques, sur
l’absence
d’accompagnement des usagers et des
aidants dans leur utilisation et de réflexion autour de leur recyclage.
Le porteur de projet « Merci Julie » est chargé de
l’évaluation de la
situation de la personne à son domicile, ainsi que de l
’accompagne
ment à la
prise en main d’aides techniques
en lien avec son proche aidant si besoin.
Cette action est financée par la conférence des financeurs tout comme
certaines aides techniques individuelles. Sur ses fonds propres, le
département a, en parallèle, trav
aillé à la formation de l’ensemble de
ses
équipes
sur les questions d’aménagement
réversible du logement.
Les équipes APA
sollicitent la visite d’ergothérapie puisqu’elles
savent déterminer dorénavant si une aide technique est nécessaire. Les
ergothérapeutes de « Merci Julie » réalisent une contre-visite, préconisent
et forment à l’usage de l’aide
, à son installation et à la formation à son
utilisation (auprès des proches aidants, des intervenants extérieurs…)
après
avoir expliqué les choix techniques possibles.
141
Assurance maladie, complémentaires santé, APA, caisses de retraite, fonds
départemental de compensation et conférence des financeurs pour les 60 ans et plus.
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COUR DES COMPTES
86
C -
Accompagner les plus démunis
L’aide apportée par les caisses de retraite
par l’intermédiaire de
services d’aide à domicile
, bénéficiant à des personnes isolées, âgées, dont
les ressources sont faibles, favorise le maintien à domicile de nombreuses
personnes. La baisse des ressources consacrées
aux plans d’aide
personnalisés (PAP) au sein du régime général (160
M€ en 20
19 contre
173
M€ en 2018, soit
-8
%) réduit néanmoins les marges de manœuvre des
caisses.
Les écarts territoriaux observés entre départements (concernant le
nombre de bénéficiaires de l
’APA
par exemple) malmènent le principe
d’un même droit pour tous, partout. Mais l’action sociale des caisses de
retraite, reposant sur le versement de prestations extra-légales décidées de
façon autonome par les organismes de sécurité sociale, est tout aussi
hétérogène.
1 -
Réduire l’hétéro
généité des aides individuelles
entre caisses de retraite
La part que les caisses consacrent à leur action sociale (0,3 % des
dépenses pour la Cnav
,
la MSA et
l’Agirc
-Arrco et 0,6 % pour la
CNRACL
142
) se traduit directement en nombre de pensionnés aidés : 6,2 %
en 2019 pour la CNRACL contre moins de 2 % pour le régime général et
0,11
% des retraités de la fonction publique d’État
.
Les critères d’éligibilité aux
aides individuelles des différents
régimes ne sont pas non plus identiques. Les caisses de MSA appliquent
les quatre premières tranches du barème de la Cnav
143
, conformément à un
engagement de la COG, depuis 2020 seulement
. En matière d’adaptation
des logeme
nts, aucune harmonisation entre caisses n’est intervenue
(cf. annexe n°6).
Il conviendrait que la CNSA, chargée de veiller à
l’harmonisation
progressive, entre régimes, des actions de prévention (cf. chapitre III), soit
consultée, pour avis, sur les dispositions des COG
relatives à l’action
sociale en faveur des personnes âgées.
142
Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
143
Soit aucune aide accordée au-delà de 1 400
€ pour une personne seule.
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87
E
ntre Carsat, l’hétérogénéité est grande
également, aussi bien dans
les ressources qu’elles consacrent à la gestion de l’action sociale
144
qu’en
pourcentage de pensionnés bénéficiaires
d’aides individuelles.
Des PAP ne
sont attribués qu’à 0,9
% des retraités en Aquitaine contre 2,4 % en Alsace
Moselle. Pour ce qui concerne l’ARDH ou l’aide aux situations de rup
ture
(Asir), les écarts sont encore plus importants, le Languedoc-Roussillon
comptant 1
324 bénéficiaires de l’Asir en 2019 contre moins de 100 en
Bretagne
145
et la Bourgogne-Franche-Comté accordant une ARDH à 1,7 %
des retraités de 75 ans et plus contre 0,5 % en Ile-de-France.
Enfin, même les outils diffusés par la Cnav ne sont pas utilisés de
manière uniforme : pour cibler leurs aides individuelles, au moins cinq
Carsat n’utilisent pas la grille de pré
-ciblage nationale et se contentent des
seuls critères d’âge et/ou de ressources.
Les spécificités des territoires ne suffisent pas à expliquer ces disparités
et la poursuite d’une plus grande convergence semble
indispensable.
2 -
Moderniser l’
offre de service
Les prestations accordées dans le cadre des PAP du régime général
sont déterminées en fonction des besoins du retraité, dans la limite de
3 000
€
146
par bénéficiaire et par an, y compris sa participation, comprise
entre 10 et 75 % selon son revenu.
Les PAP ont permis une diversification des aides accordées
. L’aide
à domicile représentait certes encore 60 % des prestations en 2019, mais
de la téléassistance, des aides techniques, des sorties accompagnées ou de
l’aide à la gestion administrative
peuvent également être financées. Les
bénéficiaires d’un
PAP sont des femmes dans 77 % des cas, la moyenne
d’âge, stable dans le temps, s’établit à 82 ans.
Le conseil d’administration de la
C
nav a validé en 2017 un nouveau
dispositif
d’accompagnement
des
retraités,
l’«
offre
de
services
coordonnée pour l’accompagnement à la retraite
»
(Oscar), qui n’a
toutefois pas encore été mis en œuvre, dans l’attente d’évolutions plusieurs
fois repoussées du système d’information.
Oscar devrait financer, outre les
PAP,
l’intervention d’un coordinateur pour les situations complexes et
inclurait un forfait de prévention de 500
€ sans reste à charge, pour lever
les premiers freins au recours.
144
72 ETP en Rhône-
Alpes, soit une vingtaine d’ETP de plus qu’en Ile
-de-France, pour
un total France entière de 539 ETP.
145
Soit rapporté à au nombre de retraités, un écart de 1 à 46.
146
Montant qui n’a pas été revalorisé depuis la création des PAP en 2007, se traduisant
par la diminution mécanique de l’enveloppe d’heures d’aide humaine financ
ée.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
88
Cette évolution, programmée pour 2021, permettrait de limiter les
plans comprenant des heures récurrentes d’accompagnement à domicile au
profit d’interventions plus limitées mais gratuites, dans le but de régler une
difficulté ponctuelle du bénéficiaire (changer une ampoule par exemple
–
évitant ainsi à la personne de prendre le risque de monter sur un escabeau,
obtenir de l’aide dans les démarches administratives
, etc.).
Enfin, non déployée en inter-
régimes, ni même dans l’ensemble des
Carsat,
l’
aide aux situations de rupture (Asir
147
)
n’a bénéficié qu’à
6 000 retraités en 2019. À la différence de la pratique des Caf en cas de
décès, le versement d’une pension de réversion ne
déclenche pas la
proposition de cette offre d’accompagnement spécifique.
Repensée et
généralisée, cette prestation aurait toute sa place dans une offre
d’accompagnement graduée.
II -
Resserrer et clarifier la gouvernance
Malgré les avancées
qu’elle a
permises, l
a loi ASV n’a pas eu d’effet
sur la simplification de l’accès
d
es usagers aux différents opérateurs et n’a pas
permis de préciser leurs
champs d’intervention respectifs. En résulte
le
maintien d’une situation d’
« entre-deux institutionnel », source de complexité.
Pour être mise en œuvre de façon efficiente, l’
offre de prévention
graduée suppose que les rôles des acteurs locaux et nationaux soient
préalablement clarifiés et organisés dans un dispositif de gouvernance plus
resserré. L
es mauvais indicateurs relatifs à l’espérance de vie sans
incapacité ou aux chutes résultent en partie du manque de lisibilité de
l’organisation et de l’absence d’un responsable
in fine
de cette politique
publique. La dispersion des efforts et le manque de mise en commun des
bonnes pratiques ont un coût.
Quelques principes pourraient guider cette redéfinition de la
gouvernance :
simplifier les organisations et les procédures et en tout état de cause,
rendre la complexité transparente pour l’usager ;
s’appuyer sur les expertises et les ressources
propres à chaque territoire ;
valoriser dans chaque organisme
l’atteinte des objectifs partenariaux
pour favoriser la réalisation d’actions communes
148
.
147
Versée en cas de veuvage ou de départ du conjoint en établissement.
148
En effet, la bonne dynamique partenariale dépend avant tout des hommes et des
femmes chargés de la mettre en œuvre, soutenus par la volonté politique des élus
locaux.
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UNE POLITIQUE PUBLIQUE À REDÉFINIR ET À RÉORGANISER
89
P
our améliorer l’impact de cette politique en
simplifiant
l’organisation
, il apparaît ainsi à la fois nécessaire de conforter le
département dans son rôle de chef de file et de responsable de la politique
de prévention et de renforcer la capacité de la CNSA à assurer le pilotage
national de cette politique
pour en garantir l’équité territoriale
et à fédérer
un inter-régimes élargi, y compris aux autres branches.
A -
Conforter le département, chef de file local
Les départements sont en charge des politiques sociales mais ont
aussi des compétences diverses en matière de sport, de culture, d
’
insertion,
permettant la mise en œuvre à la fois d’une politique transversale
d’
adaptation au vieillissement et de parcours de prévention pour les plus
précaires. Il serait logique que le département, en cohérence avec son rôle
de président de la conférence des financeurs, soit responsable des résultats
de la politique de prévention d
e la perte d’autonomie sur son territoire.
1 -
Des contrats départementaux pour l’autonomie entre conseils
départementaux, inter-régimes et ARS
Un
contrat départemental pour l’autonomie formaliserait les
coopérations des trois principaux acteurs sur des sujet
s d’intérêt commun
(appels à projets, délégations de crédits, reconnaissance mutuelle des
évaluations, etc.). Pour une meilleure articulation, les calendriers des
projets régionaux de santé et celui de ces contrats pourraient être
harmonisés.
En cohérence avec les orientations portées par le projet de loi dit
« 3DS »
149
, ce contrat pourrait également désigner
l’acteur le mieux placé
pour assurer telle ou telle compétence et ainsi suppléer la possible inaction
de l’un des acteurs.
Le choix de confier la présidence des conférences des financeurs aux
départements et sa vice-
présidence aux ARS n’allait pas de soi
150
. L
’inter
-
régimes pourrait se voir reconnaître un rôle plus important, si on lui
attribuait la vice-présidence des conférences des financeurs, aux côtés des
149
Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et
portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, adopté par le
Sénat le 21 juillet 2021.
150
L
’action sociale des caisses de retraite constituant une source
significative et
ancienne de financement de la politique de prévention, elles ont développé une
expertise et des moyens d’ingénierie
propres sur ces sujets.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
90
départements. Des évolutions substantielles sont toutefois nécessaires au
préalable
, au premier rang desquelles la structuration locale de l’inter
-
régimes, à ce jour hétéroclite.
Un inter-régim
es unifié, rejoint par l’Agirc
-Arrco, pourrait avoir, si
les départements le souhaitaient, un rôle d’appui et d’opérateur pour la mise
en œuvre de
la politique de prévention
. Pour sa part, l’ARS s’assurer
ait que
les actions mises en œuvre au niveau départemental s’inscrivent bien dans
les priorités régionales.
2 -
Renforcer
le rôle d’ensemblier du département
La politique de prévention de la perte d’autonomie concerne le cadre
de vie de la personne au sens large, c’est
-à-dire non seulement la mobilité,
l’adaptation du logement ou la lutte contre l’isolement mais aussi les
services de proximité, l’aménagement du territoire, l’urbanisme
, etc. Des
orientations relatives à ces thématiques pourraient être incluses dans un
schéma de transition démographique qui se substituerait, pour les
personnes âgées,
aux schémas d’organisation sociale et médico
-sociale
151
aujourd’hui c
entrés
sur l’offre de service. Son champ serait élargi à
l’adaptation du cadre de vie, les départements gardant naturellement la
possibilité d’arrêter
un schéma commun pour l’ensemble des secteurs
relevant de leur responsabilité, le volet « transition démographique
» n’en
constituant dans ce cas qu’une partie
152
.
Ce schéma serait déclinable à un niveau infra-départemental (celui
des EPCI par exemple) pour assurer la coordination des acteurs et le
portage d’un certain nombre d’actions à une échelle locale. Le
département, chef de file des politiques en direction des âgés, pourrait ainsi
coordonner l’action des EPCI,
voire
mettre directement en œuvre des
actions sur les territoires concernés en cas de carence de ces derniers.
La lutte contre l’isolement, comme le sujet de la mobilité,
pourraient
constituer des axes obligatoires de ce schéma. Des plans d’actions élaborés
en concertation avec les parties pren
antes permettraient de s’assurer d’un
bon maillage du territoire.
151
Prévus par l’article L.
312-
5 du code de l’action sociale et des familles
.
152
Cette proposition figure dans
le récent rapport interministériel sur l’adaptation des
logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique
(«
Nous vieillirons ensemble... 80 propositions pour un nouveau pacte entre
générations
», Luc Broussy mai 2021).
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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UNE POLITIQUE PUBLIQUE À REDÉFINIR ET À RÉORGANISER
91
La mise en œuvre d’une telle politique nécessite toutefois des
moyens d’animation locale. À titre illustratif, le pilotage d’une charte de
solidarité avec les aînés
153
sur un territoire rural donné mobilise un salarié
à mi-temps de la MSA pendant trois ans.
B -
Faire de la CNSA le
maître d’
ouvrage national,
garantissant l’équité territoriale
La mise en place de la 5
ème
branche « autonomie » constitue un
moment propice au renforcement du pilotage de la politique de prévention
de la perte d’autonomie. Aucun pilote n’a été
expressément désigné parmi
les nombreux acteurs qui contribuent à sa mise en œuvre au niveau national
(directions du ministère de la santé, Cnav, Cnam, Santé publique France,
Direction de l
’
habitat, de l
’
urbanisme et des paysages, etc.).
La CNSA, qui anime les conférences des financeurs, a vocation à
assurer cette fonction. Au demeurant, elle la tient déjà de la loi
154
.
1 -
Renforcer la
CNSA au service d’une poli
tique
interministérielle
La CNSA, «
maison commune de l’autonomie
», née au lendemain
de la canicule de 2003, avait principalement un rôle de péréquation
interdépartementale et d’expertise
. Elle
s’est vu confier progressivement
un nombre croissant de missions
155
.
153
Depuis 2011, les caisses de MSA signent de telles chartes avec leurs partenaires
locaux, dans l’objectif de lutter contre l’isolement et de développer des solidarités et
des services autour des personnes âgées vivant dans les territoires ruraux les plus isolés.
Elles entendent redynamiser les liens de solidarité (familiaux, voisinage, associatifs,
etc.) autour et avec les aînés et reconstituer une offre de services adaptée et
dimensionnée aux besoins sociaux et médicaux prioritaires.
154
L’article
L. 14-10-
1 2° du code de l’action sociale et des familles dispose qu’elle
doit « piloter et assurer l’animation et la coordination, dans le champ des politiques de
soutien à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, des acteurs
partici
pant à leur mise en œuvre en vue de garantir l'équité, notamment territoriale, la
qualité et l'efficience de l'accompagnement des personnes concernées ». « À ce titre,
elle assure la collecte et la valorisation des données relatives aux besoins et à l'offre de
services et de prestations. Elle conçoit et met en œuvre des systèmes d'information
pouvant comporter l'hébergement de données de santé ».
155
Cour des comptes,
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
: des missions
mieux assurées, des progrès à poursuivre
. Rapport public annuel 2018, La
Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
92
La
proposition
des
auteurs
du
rapport
d’information
sur
l’application de la loi ASV
156
de créer une délégation interministérielle à
l’adaptation de la société au vieillissement n’a pas prospéré, la CNSA étant
réputée déjà remplir ce rôle. En pratique, cependant, la caisse ne dispose ni
d’un mandat clair de coordination des autres acteurs, ni
des moyens
suffisants
pour mettre en œuvre les transformations nécessaires.
M
algré un consensus sur les mesures à mettre en œuvre et des enjeux
financiers li
mités, la prévention de la perte d’autonomie n’a jamais
bénéficié d’un portage politique dans la durée.
Ainsi, le comité « avancée
en âge » créé en 2012 a cessé ses travaux en 2015 après avoir dévoilé un
plan d’action de prévention de la perte d’autonomie
. De même, la mise en
œuvre des objectifs annexés à
la loi ASV
n’a pas fait l’objet d’un suivi
.
Dans ce rôle, la CNSA pourrait être épaulée par un comité de suivi
interministériel présidé par une personnalité reconnue ayant toute autorité
pour s’assurer de
la bonne avancée de la stratégie
157
.
Mais l
’effectif limité de la CNSA (
117 ETP en 2020 pour un budget
d’intervention de
plus de 27
Md€) ne lui permet
tant
d’assurer certaines de
ses missions
158
que difficilement, la question se pose d
’un
e révision
substantielle de son
plafond d’emplois
,
au besoin par transfert d’effectifs
des caisses nationales.
2 -
Promouvoir une réponse plus homogène
entre les territoires
La diversité des pratiques entre départements, qui conduit à des
écarts importants en matière de droits rapportés au nombre de bénéficiaires
éligibles est connue. Les études explicatives de ces écarts sont
insuffisantes. Mais p
lus qu’une égalité mathématique, c’est à une réduction
des écarts non justifiés par des facteurs socio-économiques (qui en
ex
pliquent près de la moitié) qu’il conviendrait de s’atteler.
156
Rapport d’information sur la mise en application de la loi ASV présenté par
A. Firmin Le Bodo et C. Lecocq, Assemblée nationale, 5 décembre 2017.
157
Sur le modèle de la présidence par Florence Lustman du Plan Alzheimer 2008-2012.
158
Ainsi, les remontées d’information des conférences des financeurs et leur animation
ne sont-elles supervisées que par 0,8 ETP et un seul ETP suit le sujet à enjeux des aides
techniques.
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UNE POLITIQUE PUBLIQUE À REDÉFINIR ET À RÉORGANISER
93
a)
Renforcer le cadre national
Certaines disparités sont justifiées par des publics ou des contextes
territoriaux différents. Les délais de traitement des demandes, les règles de
facturation,
la
dématérialisation
des
procédures,
les
modalités
d’information devraient en revanche être harmonisés.
La mise à disposition d’outils comme le téléservice
commun aux
départements et aux caisses de retraite,
de demande d’aide à domicile (
déployé
en principe en septembre 2021
), la création d’un système d’information
national pour la gestion de l
’APA
et des crédits des conférences des financeurs,
participent à l’objectif de convergence des pratiques.
La publication annuelle, par la CNSA, de données départementales
reflétant le service rendu à l’usager
et les résultats atteints, constituerait un
autre levier utile d’amélioration.
b)
Mettre en place des conventions pluriannuelles départements-
CNSA et une modulation des crédits
L’article L.
14-10-7-2 du code de
l’action sociale et des familles
prévoit la signature d’une convention pluriannuelle entre chaque président
de conseil départemental et la CNSA, afin de définir leurs engagements
réciproques dans le champ de l’autonomie. À défaut, les départements ne
perçoivent pas les concours de la CNSA.
Le premier exercice de conventionnement (2016-
2020) n’a pas fait
l’objet d’un suivi adapté, de l’avis des départements et de la CNSA. Le
renouvellement de ces conventions a été préparé en vue de contribuer au
renforcement
de l’équité territoriale.
Une convention-socle renouvelée a
été validée en 2020. Elle doit être complétée par des feuilles de route
territorialisées pour la période 2021-2024.
La capacité de la CNSA à conclure 104 conventions adaptées aux
enjeux locaux
n’
est pas assurée
, d’autant que des tensions
sur les ressources
humaines sont signalées.
L’avenant à la
COG 2016-2020 de la CNSA
prévoit que sera constituée, à moyens quasi constants, une équipe dédiée
159
à la négociation de ces feuilles de route
et que l’État
tiendra compte de cette
mobilisation exceptionnelle (500 jours/h) en adaptant le programme de
travail 2021 de la CNSA.
Sous réserve d’
une évolution législative, il conviendrait de confier
à la CNSA, qui assure le suivi des objectifs fixés par ces conventions, la
capacité à moduler les crédits octroyés aux départements sur la base des
résultats constatés.
159
Équipe qui pourrait utilement consulter les
ARS et l’inter
-régimes.
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COUR DES COMPTES
94
De la même façon, la non application de la loi par un département
160
,
à ce jour très rarement sanctionnée dans le cadre du contrôle de légalité
exercé par le préfet de département, devrait entraîner une réduction du
montant des concours versés.
3 -
Fédérer un inter-régimes élargi partageant ses données
On comptait en 2017 en France 17,2 millions de retraités
et 42 régimes de retraites dont la branche retraite du régime général est le
plus important avec 14,2 millions de retraités. Les ateliers organisés par
l’inter
-
régimes sont ouverts à l’ensemble des retraités quel que soit leur
régime de rattachement
161
. Mais, seuls le régime général, la MSA et la
CNRACL réalisent des actions de promotion de ces ateliers auprès de leurs
pensionnés et peuvent donc mettre en œuvre des actions ciblées.
Tout comme le GIP « Union retraite », c
hargé de l’animation de
l’inter
-régimes en matière de
droit à l’information
ou de demande de
retraite unique, il appartient à la CNSA de veiller à
l’harmonisation
et à
l’intégration des politiques d’action sociale de
ces mêmes régimes, pour
garantir qu’une offre homogène est proposée
à tous les pensionnés.
Sa connaissance approfondie des besoins et des politiques
départementales la met en position de
s’assurer que tous l
es retraités ont
accès à une offre de prévention et que des outils de repérage des plus
vulnérables sont mis en œuvre, quel que soit leur régime d’affiliation
.
Dans cet objectif, la mise en commun des données relatives à
l’ensemble des retraités est indispensable.
Les caisses de sécurité sociale
sont détentrices de données précieuses pour identifier les publics les plus à
risque. Mais ces informations sont insuffisamment exploitées et quasiment
jamais croisées,
chacune s’en réservant l’usage.
S
ous l’égide de la CNSA
,
la mise en commun de ces données, croisées avec celles que la Cnam
détient sur les pensionnés, doit permettre
un meilleur ciblage ainsi qu’un
suivi du parcours de prévention pour les retraités.
160
Auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à
l’occasion du rapport
sur la mise en application de la loi ASV le 5 décembre 2017,
Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, indiquait : «
il faut que l’État puisse
être informé de la mise en œuvre pratique des textes. Actuellement, il est quasiment
l’aveugle
».
La loi prévoit par exemple que l’APA peut ê
tre attribuée en urgence en
sortie d’hospitalisation, mais de nombreux départements refusent explicitement de
mettre en œuvre cette disposition
.
161
Les actions de prévention organisées par l
’Agirc
-Arrco sont en revanche réservées
à ses 15,6 millions d’assur
és.
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UNE POLITIQUE PUBLIQUE À REDÉFINIR ET À RÉORGANISER
95
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Le contexte d
’
accroissement du nombre de personnes très âgées
susceptibles de devenir dépendantes
impose de repenser l’offre de
prévention actuelle (dispersée, éclatée et par bien des aspects inégalitaire).
La construction d’un
e offre graduée est de nature à apporter à chacun une
réponse adaptée à son besoin. Cette offre comprendrait trois niveaux :
Une information générale très accessible (campagne de communication
grand public, sites internet mis en cohérence, articulation entre
information nationale et information des collectivités territoriales) et la
création d’une plateforme téléphonique d’information de premier niveau
qui répondrait aux questions sur la prévention ;
Une politique de ciblage en direction des plus fragiles pour que les
actions collectives bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin, assortie
d
’une offre de
visite conseil à domicile, réalisée par des professionnels
formés aux problématiques de prévention ;
Des plans d’aide à domicile pour les plus modestes et les plus isolés
attribués par
les caisses de retraite au titre de l’
action sociale, à rendre
moins hétérogènes.
L’internalisation de la complexité inhérente au nomb
re élevé
d’acteurs est une condition nécessaire de réussite de cette politique. Or,
c’est certainement là que résident les transformations les plus complexes,
le système actuel résultant de l’accumulation de strates et de décisions
opportunes à un moment donné mais qui ne présentent pas de cohérence
d’ensemble. La mise en œuvre de guichets uniques
et le renforcement de la
coordination entre les acteurs doivent guider l’action publique.
Au niveau national, la position de la CNSA
, maître d’
ouvrage de la
prév
ention de la perte d’autonomie
,
garante de l’équité entre territoires
doit être soutenue avec un mandat interministériel clair et des moyens
renforcés. Au niveau local, le département, responsable de la politique sur
son territoire, doit prendre toute sa place dans un cadre national rénové.
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COUR DES COMPTES
96
La Cour formule les recommandations suivantes :
4.
construire
une offre graduée de prévention de la perte d’autonomie
que le département serait chargé de mettre en œuvre sur son
territoire
; dans l’objectif d’une plus
grande équité territoriale,
moduler les crédits versés par la CNSA aux départements en fonction
de l’atteinte d’objectifs clairs (ministère des solidarités et de la santé
et CNSA) ;
5.
p
ermettre à la CNSA d’assurer le pilotage national de la politique de
prév
ention de la perte d’autonomie en la dotant de ressources
suffisantes pour mener à bien ses missions, au besoin par
redéploiement de moyens humains des caisses nationales de sécurité
sociale ; en particulier, afin qu’elle s’assure que l’offre de prévention
concerne tous les retraités, quel que soit leur régime d’affiliation,
garantir la mise à sa disposition des données utiles de l’ensemble des
caisses (ministères des solidarités et de la santé et du budget).
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Conclusion générale
Les effets de la transition démographique liée à l’allongement de la
vie sont assez mécaniques. Une étude de la Drees
162
indique que, à taux de
placement en établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)
inchangé, 108
000 nouvelles places d’hébergement seraient nécessaires
dans les 10 ans qui viennent, pour faire face au vieillissement, soit plus
qu’un doublement du nombre de places créées chaque année.
Il demeure néanmoins possib
le d’agir sur la prévalence de la perte
d’autonomie. La découverte d’un traitement pour la maladie d’Alzheimer
ou une meilleure compréhension de ses causes pourraient permettre de
limiter le nombre de personnes dépendantes. Une politique de prévention
à mi-
vie de l’hypertension artérielle et du diabète
163
, de même qu’un niveau
d’éducation plus élevé, l’activité physique, la préservation des liens
sociaux et un régime dit « méditerranéen » pourraient également avoir un
impact notable sur le nombre de personnes dépendantes. Il est donc temps
que notre système de santé prenne ce « virage préventif », tant de fois
préconisé.
Les transformations nécessaires pour passer d’une
trop grande
dispersion des efforts à une politique nationale structurée sont
substantielles. C
ette évolution est nécessaire si l’on souhaite améliorer la
qualité de vie des âgés et pouvoir continuer à accompagner dignement les
personnes en perte d’autonomie.
Néanmoins, une politique de prévention plus efficace, outre ses
effets sur la qualité de vie, peut permettre d’atténuer mais pas d’absorber
le choc démographique à venir. Il demeure
fondamental d’anticiper
des
besoins d’accompagnement qui seront croissants
164
.
162
Études et résultats n°1172, décembre 2020.
163
Et avec un moindre niveau de preuve le tabac ou l’obésité (Haut conseil de la santé
publique,
Prévention de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées
, 2018).
164
L
a situation de la Suède dont le processus de vieillissement est plus avancé qu’en
France est à cet égard éclairante : ayant adopté un modèle domiciliaire il y a une
cinquantaine d’années, le pays ne dispose plus aujourd’hui de suffisamment de places
en Ehpad. Certains aidants réclament en conséquence un droit opposable à la prise en
charge en établissement (Source : rapport Grand âge et autonomie, mars 2019).
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Liste des abréviations
Agirc-Arrco .. Association générale des institutions de retraite des cadres-
Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés
ALD
.............
Affection de longue durée
Anah
.............
Agence nationale de
l’habitat
ANDASS
......
A
ssociation nationale des directeurs d’action sociale et de santé
des départements et métropoles
APA
..............
Allocation personnalisée à l’autonomie
ARDH
..........
Aide au retour à domicile après hospitalisation
ARS
..............
Agence régionale de santé
Asir
...............
Aide aux situations de rupture
ASV
..............
Adaptation de la société au vieillissement (loi de 2015)
Care
.............
Capacité, Aides et Ressources des seniors (enquête)
Carsat
...........
Caisse d'assurance retraite et de santé au travail
CCAS
...........
Centre communal d’action sociale
CHU
.............
Centre hospitalier universitaire
CIAS
............
Centre intercommunal d’action sociale
Cim
...............
Classification internationale des maladies
CLIC
............
Centre local d'information et de coordination.
Cnav
.............
Caisse nationale d’assurance vieillesse
CNSA
...........
Caisse nationale de solidarité pour l’
autonomie
CNRACL
.....
Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
COG
.............
Convention d’objectifs et de gestion
Cpam
............
Caisse nationale d’assurance maladie
CPTS
............
Communauté professionnelle territoriale de santé
CTA
..............
Coordinations territoriales d’a
ppui
DGCS
...........
Direction générale de la cohésion sociale
DGFIP
..........
Direction générale des finances publiques
DGOS
...........
Direction générale de l’organisation des soins
DGS
..............
Direction générale de la santé
DHUP
...........
Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages
Dim
..............
Département d’information médicale
Drees
............
Direction de la recherche, des études, de l
’é
valuation
et des statistiques
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COUR DES COMPTES
100
DSS
..............
Direction de la sécurité sociale
EGB
.............
Échantillon global des bénéficiaires
Ehpad
...........
Établissement d’hébergement pour personnes âgées
dépendantes
EPCI
.............
Établissement public de coopération intercommunale
EVSI
.............
Espérance de vie sans incapacité
Gali
...............
Global Activity Limitation Indicator ou indicateur de restriction
globale d'activité
GIP
...............
Groupement d’intérêt public
GIR
...............
Groupe iso-ressources
HAS
..............
Haute Autorité de santé
HCFEA
........
Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge
IADL
............
instrumental activities of daily living (activités instrumentales
de la vie quotidienne)
Icope
.............
Integrated care for older people
Igas
...............
Inspection générale des affaires sociales
Insee
.............
Institut national de la statistique et des études économiques
Inserm
..........
Institut national des sciences et de la recherche médicale
LFSS
............
Loi de financement de la sécurité sociale
MCO
............
Médecine, chirurgie, obstétrique
MDPH
..........
Maison départementale des personnes handicapées
MSA
.............
Mutualisé sociale agricole
OCDE
...........
Organisation de coopération et de développement économiques
OMS
.............
Organisation mondiale de la santé
PAP
..............
Plan d’action personnalisé
Peccac
..........
Prise en charge communément associée aux chutes
PMSI
............
Prog
ramme de médicalisation des systèmes d’information
PRADO
........
Préparer le retour à domicile
PRS
..............
Projet régional de santé
RSI
...............
Régime social des indépendants
SNDS
...........
Système national des données de santé
SSR
..............
Soins de suite et réadaptation
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Annexes
Annexe n° 1 :
le gain d'une année d'espérance de vie sans
incapacité : premiers résultats du modèle Pandore
..........
102
Annexe n° 2 :
principaux enseignements de l’étude du CHU de
Toulouse sur les prises en charge communément
associées aux chutes (PECCAC)
.....................................
107
Annexe n° 3 :
approche comparée des politiques de prévention
de la perte d’au
tonomie dans sept pays et focus
sur l’expérience japonaise
................................................
121
Annexe n° 4 :
vieillissement, espérance de vie et espérance de vie
en bonne santé : des écarts importants entre territoires
....
132
Annexe n° 5 :
l’action sociale des caisses de retraite
..............................
137
Annexe n° 6 :
les conditions d’attribution des aides à l’adaptation
au logement
......................................................................
148
Annexe n° 7 :
les chutes : une mise en perspective internationale
..........
149
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COUR DES COMPTES
102
Annexe n° 1 :
le gain d'une année d'espérance
de vie sans incapacité : premiers résultats
du modèle Pandore
165
Méthodologie
Le modèle Pandore, un modèle par classes inspiré du modèle de la
direction générale du Trésor, Promede
166
, cherche à projeter l’évolution des
dépenses de santé en prenant en compte la dépendance ou l’incapacité. Il
s’appuie sur trois modules
: démographique (scénario c
entral de l’Insee pour
la France métropolitaine), de prévalence de l’incapacité ou de la dépendance
et de dépenses de soins.
L’état de santé de notre population est analysé à travers le prisme de
la dépendance ou de l’incapacité dont la prévalence, au
-delà de 65 ans, est
estimée
via
l’enquête Care
-
ménages. Pour chaque classe d’âge, les taux de
prévalence sont appliqués aux données du module démographique. Les
dépenses de santé moyennes par an et par classe d’âge sont issues de
l’appariement de l’enquête Ca
re-ménages au SNDS.
Schéma n° 1 :
sources et définition des indicateurs utilisés
Source : Cour des comptes
165
Ce travail doit beaucoup à la disponibilité des équipes de la Drees qui ont réalisé les
extractio
ns de l’enquête Care alimentant le modèle et dont l’aide a été précieuse dans
l’interprétation des résultats.
166
« Projection des dépenses de sant
é́
à
l
’
horizon 2060, le modèle PROMEDE »,
Charlotte Geay, Grégoire de Lagasnerie, Documents de travail de la DG Trésor, 2013.
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ANNEXES
103
L’enquête Care (Capacité, Aides et REssources des seniors)
comprend deux volets : le premier porte sur les seniors vivant en
établissements pour personnes âgées (Care-institutions), le second sur les
seniors vivant à domicile (Care-
ménages). Ce volet est précédé d’une courte
enquête intitulée « Vie Quotidienne et Santé » (VQS, 2014).
L'enquête Care ménages utilisée a été réalisée en 2015 auprès de
15 000 personnes nées avant 1955 vivant à domicile en France
métropolitaine. Seront présentés ici les résultats des projections en fonction
de deux indicateurs :
-
la réponse à la question
167
« Êtes-vous limité(e), depuis au moins
six
mois, à cause d’un problème de santé,
dans les activités que les gens
font habituellement ? » :
-
Oui, fortement limité(e)
-
Oui, limité(e), mais pas fortement
-
Non, pas limité(e) du tout.
Sont considérés comme « sans incapacités », les personnes ayant
répondu « Non, pas limité(e) du tout ».
-
la dépendance estimée (le GIR des répondants est estimé à partir de la
question sur les limitations fonctionnelles
168
).
L'estimation des dépenses supplémentaires liée à une année de vie
supplémentaire en bonne santé résulte de la différence des dépenses de santé
entre un scénario optimiste et un scénario pessimiste.
Schéma n° 2 :
deux scénarios
Source : Cour des comptes
167
Il s’agit du
Global Activity Limitation Indicator
(Gali) utilisé au niveau européen pour
calculer notamment l’espérance de vie sans incapacité.
168
Variable nommée dans l’enquête
Care-Ménages
« groupelarge » dans lequel sont
classés tous les individus ayant un GIR large estimé inférieur ou égal à 4.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
104
Dans le scénario pessimiste, l
’
évolution démographique prévue par
l
’
Insee se fait
à
état de sant
é
constant. Dans la modélisation, la traduction de
cette hyp
othèse passe par un taux de prévalence de l’incapacité et de la
dépendance par âge égal à celui observé à la période précédente.
Dans le scénario optimiste,
à
l
’
inverse, tous les gains d
’
espérance de
vie sont considérés comme étant en bonne santé. La modélisation de cette
hypothèse implique le décalage d
’
un an (intégralité des gains d
’
espérance de
vie), pour les classes d
’
âge supérieures
à
65 ans, des taux de prévalence. Cela
revient donc
à
projeter une amélioration de l
’
état de sant
é
moyen
à
âge
donn
é
.
Résultats
Le modèle a été testé sur deux périodes correspondant à un gain d’une
année d’espérance de vie.
Tableau n° 7 :
deux périodes de projection avec le même gain
d’espérance de vie
Espérance de vie
à 65 ans
Début de période
Espérance de vieà
65 ans
Fin de période
Gain d’espérance
de vie
2013-2021
21,0
22,0
1,0
2021-2031
22,0
23,0
1,0
Source
: Cour des comptes, d’après données Insee
Tableau n° 8 :
résultat des projections sur la période 2013-2021
Indicateur
Scénario
Dépenses de santé
des plus de 65 ans
en 2013
(en M€)
Dépenses de santé
des plus de 65 ans
en 2021
(en M€)
Écart
(en M€)
Estimation
surcoût
(en M€)
Surcoût
(en %)
Incapacité
Optimiste
102 571
121 289
18 718
1 069
Incapacité
Pessimiste
102 571
122 359
19 787
6 %
Dépendance
estimée
Optimiste
102 314
121 817
19 503
732
Dépendance
estimée
Pessimiste
102 314
122 549
20 235
4 %
Source : Cour des comptes, modèle Pandore
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ANNEXES
105
Tableau n° 9 :
résultat des projections sur la période 2021-2031
Indicateur
Scénario
Dépenses de santé
des plus de 65 ans
en 2021
(en M€)
Dépenses de santé
des plus de 65 ans
en 203
1 (en M€)
Écart
(en M€)
Estimation
surcoût
(en M€)
Surcoût
(en %)
Incapacité
Optimiste
121 289
146 970
25 680
1 566
Incapacité
Pessimiste
122 359
149 605
27 247
6 %
Dépendance
estimée
Optimiste
121 817
147 702
25 885
1 326
Dépendance
estimée
Pessimiste
122 549
149 760
27 211
5 %
Source : Cour des comptes, modèle Pandore
Pour la période 2021-
2031, le gain d’une année d’espérance de vie
sans incapacité (EVSI) est de 1,5
Md€, soit 6
% de la hausse des dépenses
de santé intervenue. Pour la période 2013-
2021, le gain s’élève à 1
Md€.
Le gain d’une année sans dépendance est
plus faible sur les deux périodes
(entre 0,7 et 1,3
Md€) que le gain d’une année sans incapacité. Ce résultat n’est
pas surprenant, les personnes les plus dépendantes, en établissement aux âges
élevés, étant exclues de l'enquête Care-Ménages, ce qui se ref
lète d’ailleurs dans
la courbe en cloche des dépenses de santé par âge.
Graphique n° 5 :
dépenses moyennes par âge
(en fonction du statut de dépendance estimée)
Source
: Cour des comptes, d’après données D
rees (enquête Care-M appariée au SNDS)
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106
Pour
l’indicateur
«
incapacités
»
comme
pour
l’indicateur
« dépendance estimée
», le gain d’une année d’espérance de vie
supplémentaire est beaucoup plus élevé sur la période 2021-2031 que sur la
période 2013-2021. Cela tient principalement à la structure démographique
des plus de 65 ans dont une plus grande part atteindra 75 ans à partir de 2021,
âge à partir duquel la prévalence de l’incapacité augmente nettement chaque
année.
L’ordre de grandeur des
économies que pourrait permettre un gain
d’une année d’espérance de vie sans inc
apacité, évalué à 1,5
Md€ sur la
période 2021-2031, constitue une fourchette basse.
En effet, faute de données précises,
cette estimation n’intègre pas les
économies potentielles en matière d
’APA
et dans le domaine médico-social
(hébergement, accueil de jour), sans même évoquer les gains en matière de
qualité de vie et d’implication sociale de personnes âgées en meilleure santé
.
Enfin, les données de santé utilisées excluant les personnes hébergées
en Ehpad, les dépenses de santé évitées sont elles-mêmes sous-estimées.
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ANNEXES
107
Annexe n° 2 :
principaux enseignements
de l’étude du CHU de Toulouse
sur les prises
en charge communément associées aux chutes
(PECCAC)
169
Le Département de l’information médicale (Dim) et l’Unité
d’évaluation médico
-économique (UEME) du CHU de Toulouse ont réalisé
en collaboration avec la Cour une étude
170
comportant deux volets :
-
un travail sur l’incidence et le coût des séjours hospitaliers correspondant
à des prises en charge communément associées à une chute, à partir des
bases du PMSI de 2015 à 2019 ;
-
un travail sur les parcours de soins avant et après une hospitalisation
identifiée comme étant la prise en charge initiale communément associée
à une chute à partir de l’Échantillon généraliste des bénéficiaires
(EGB)
171
.
Les méthodes appliquées par l’équipe et les résultats produits ont été
discutés en cours d’étude avec les experts suivants
: Laure Carcaillon-
Bentata, Santé publique France, Nathalie Beltzer, Santé publique France,
Thomas Rapp, laboratoire interdisciplinaire de recherche appliquée en
économie de la santé (Liraes) et Pr Achille Tchalla, chef du pôle de
gérontologie clinique au CHU de Limoges. À l’issue de l’étude, l’examen
des résultats a bénéficié des analyses du Pr Yves Rolland, du Gérontopôle
du CHU de Toulouse, et du Pr Hubert Blain, responsable du pôle
gérontologie au CHU de Montpellier.
169
Dans la suite de la note, pour la compréhension du lecteur, le terme de PECCAC est
parfois remplacé par celui de chutes, ceux de patients PECCAC par patients chuteurs.
170
Costa N., Fabre D., Mounié M., Molinier «
Évaluation de l’incidence et du coût des
Prises En Charge hospitalières Communément Associées aux Chutes (PECCAC) des
personnes âgées et des parcours de soins correspondants » CHU de Toulouse, mars 2021.
171
Échantillon permanent (au 1/97ème) représentatif de la population protégée par
l'assurance maladie, l’EGB contient des informations anonymes sur les caractéristiques
sociodémographiques et médicales des bénéficiaires et les prestations qu'ils ont perçues.
Il permet de réaliser des études longitudinales et de reconstituer le parcours de soins des
patients sur une longue période, que ce soit en ville ou à l'hôpital. Il comprend des données
de consommation de soins de 660 000 personnes (source Ameli.fr.)
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108
Les séjours associés à une chute dans les bases
du PMSI 2015-2019
Les principaux enseignements de ce travail sont présentés après un
rappel de la méthode utilisée.
Le repérage des chutes dans les données du PMSI
Les codes de la classification internationale des maladies (CIM-10)
relatifs aux chutes
172
sont généralement peu ou mal utilisés dans le PMSI.
L’équipe a donc procédé en plusieurs étapes pour identifier les «
prises en
charge communément associées aux chutes » (PECCAC) :
-
repérage dans la base PMSI 2019 du CHU de Toulouse des diagnostics
principaux (DP) de tous les séjours hospitaliers des patients âgés de 75 ans
et plus, pour lesquels un diagnostic de chute (W00 à W19) était codé en
diagnostic associé significatif (DAS) ;
-
audition d’experts (gériatres et chirurgien orthopédique) pour sélectionner
les DP spécifiques des chutes ;
-
validation de cette sélection dans les données PMSI de cinq établissements
qui ont un taux de codage en DAS des codes chutes (W00-W19) élevé
173
;
-
la sélection des DP associés fréquemment à un code chute en DAS a été
recherchée dans la base nationale du PMSI des années 2015 à 2019. 8 codes
ont été retenus.
172
CIM 10 : Du W00 à W19 (Chutes sans précision) et le R29.6 (Chutes à répétition non
classées ailleurs).
173
Supérieur au 75
ème
percentile des principaux établissements de la base PMSI nationale.
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ANNEXES
109
Tableau n° 10 :
codes CIM-10 permettant d'identifier les patients
ayant eu une PECCAC
Code CIM
10
Libellé CIM 10
Taux
d’association
avec un code
de chute en
diagnostic
associé
S72 00
Fracture fermée du col du fémur
87 %
S72 10
Fracture fermée du trochanter
91 %
S72 20
Fracture fermée sous-trochantérienne
79 %
S72 30
Fracture fermée de la diaphyse fémorale
77 %
S72 40
Fracture fermée de l’extrémité inférieure du fémur
74 %
S42 40
Fracture fermée de l’extrémité inférieure de
l’humérus
77 %
S52 60
Fracture fermée de l’extrémité inférieure du
cubitus et du radius
90 %
T796
Ischémie traumatique d’un muscle
74 %
Des femmes âgées, présentant majoritairement une fracture
de l’extrémité supérieure
du fémur
La progression du nombre de séjours PECCAC sur la période est
comparable à l’augmentation des séjours totaux dans le PMSI. L’âge moyen
est élevé
: il atteint 87 ans en 2019. La tranche d’âge des 85
-89 ans est
majoritaire (près d’un tiers des séjours entre 2015 et 2019). Les séjours
concernent majoritairement des femmes (76 % en 2019), même si la part des
hommes progresse de façon continue. Les hommes parviennent en effet plus
souvent qu’autrefois à des âges très avancés, les exposant plus qu’auparavant
au risque de fracture de l’extrémité supérieure du fémur. L’ostéoporose
masculine
174
, assez peu prise en com
pte jusqu’à présent, devient un sujet de
santé publique du fait de la progression de l’espérance de vie masculine.
La durée moyenne de séjours (DMS) baisse légèrement, passant de
10,2 à 9,4 jours entre 2015 et 2019. La DMS en chirurgie tend à diminuer au
c
ours des années (de 10,72 jours en 2015 à 9,82 jours en 2019) alors qu’elle
reste stable en médecine.
174
Les premières recommandations françaises sur ce sujet ont été publiées en mars 2021
par un groupe de gériatres et de rhumatologues.
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110
Le DP le plus fréquent est la fracture fermée du col du fémur (42,5 %
des séjours en 2019), suivi de la fracture fermée du trochanter et de
l’ischémie tra
umatique d'un muscle.
Les caractéristiques des séjours retenus figurent dans le tableau
ci-dessous.
Tableau n° 11 :
caractéristiques des séjours totaux pour PECCAC
(75 ans et plus)
2015
2016
2017
2018
2019
N
%
N
%
N
%
N
%
N
%
Nombre total de séjours
dans le PMSI
6 455 682
6 793 943
7 113 755
7 263 803
7 474 350
Nombre de séjours PECCAC
(N,%)
94 230
1,5 %
97 513
1,4 %
101 282
1,4 %
103 527
1,4 %
105 305
1,4 %
Nombre de patients
nouvellement pris en charge
pour une PECCAC (N,%)
88 156
90 599
93 674
95 270
96 714
Sexe (N, %)
84 568
95,9 %
86 431
95,4 %
89 131
95,2 %
90 446
94,9 %
91 927
95,1 %
Masculin
21 523
22,8 %
22 378
22,9 %
23 846
23,5 %
24 664
23,8 %
25 234
24,0 %
Féminin
72 707
77,2 %
75 135
77,1 %
77 436
76,5 %
78 863
76,2 %
80 071
76,0 %
Âge moyen
86,5
86,8
86,7
86,9
87
Fréquences en fonction
des tranches d’âges
75-79 ans
12 618
13,4 %
12 466
12,8 %
12 820
12,7 %
12 683
12,3 %
12 819
12,2 %
80-84 ans
21 905
23,2 %
22 332
22,9 %
22 915
22,6 %
22 747
22,0 %
22 530
21,4 %
85-89 ans
29 852
31,7 %
30 697
31,5 %
31 686
31,3 %
32 235
31,1 %
32 619
31,0 %
90-94 ans
23 414
24,8 %
24 150
24,8 %
24 930
24,6 %
25 790
24,9 %
26 524
25,2 %
95 ans et plus
6 441
6,8 %
7 868
8,1 %
8 931
8,8 %
10 072
9,7 %
10 813
10,3 %
Diagnostics (N, %)
S4240
–
Fracture fermée
de l’extrémité inférieure
de l’humérus
1 457
1,5 %
1 541
1,6 %
1 477
1,5 %
1 465
1,4 %
1 478
1,4 %
S5260
–
Fracture fermée
de l’extrémité inférieure
du cubitus
2 492
2,6 %
2 497
2,6 %
2 380
2,3 %
2 184
2,1 %
2 145
2,0 %
S7200
–
Fracture fermée
du col du fémur
43 528
46,2 %
44 574
45,7 %
44 801
44,2 %
44 644
43,1 %
44 732
42,5 %
S7210
–
Fracture fermée
du trochanter
24 606
26,1 %
24 604
25,2 %
25 537
25,2 %
26 349
25,5 %
27 773
26,4 %
S7220
–
Fracture fermée
sous-trochantérienne
4 440
4,7 %
4 397
4,5 %
4 392
4,3 %
4 289
4,1 %
3 836
3,6 %
S7230
–
Fracture fermée
de la diaphyse fémorale
3 529
3,7 %
3 613
3,7 %
3 599
3,6 %
3 679
3,6 %
3 734
3,5 %
S7240
–
Fracture fermée
de l’extrémité inférieure
du fémur
2 513
2,7 %
2 616
2,7 %
2 677
2,6 %
2 730
2,6 %
2 691
2,6 %
T796
–
Ischémie traumatique
d’un muscle
11 665
12,4 %
13 671
14,0 %
16 419
16,2 %
18 187
17,6 %
18 916
18,0 %
Durée Moyenne de séjours
(Moyenne, Min-Max)
10,2
1 - 166
9,9
1 - 363
9,5
1 - 226
9,4
1 - 161
9,4
1 - 268
Source : CHU de Toulouse
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ANNEXES
111
Un coût pour l’assurance maladie des dépenses en lien avec les séjours
hospitaliers de l’ordre de 600
M€ en 2019
Le coût financier pour l’assurance maladie des PECCAC, sous la
forme de recettes versées aux
établissements de santé, s’est élevé en 2019 à
0,6
Md€
: 534
M€ pour les établissements publics et 67,5
M€ pour les
établissements privés (hors honoraires médicaux).
Le coût moyen d’un séjour dans un établissement public s’établit à
6 000
€ en 2019, en dim
inution sur la période de 6 %. La progression de la
dépense sur la période (un peu moins de 9
%) s’explique donc par la
progression du nombre des séjours au sein des établissements publics de
santé (EPS).
Un taux d’incidence deux f
ois plus faible pour les hommes
que pour les femmes
Le taux d’incidence cumulée est le rapport annuel du nombre de
patients PECCAC divisé par la population d’individus âgés de 75 ans et plus.
Afin de les rendre comparables entre zones géographiques
(départements et régions), les t
aux d’incidence ont été standardisés par sexe
et par classe d’âge de 5 ans.
En 2019, le taux d’incidence standardisé des PECCAC était de 1,55
%
pour l’ensemble de la population âgée de 75 ans et plus (contre 1,50
% en
2015, soit une légère progression
175
). I
l s’établit à 0,96
% pour les hommes
et à 1,92 % pour les femmes : une femme a donc une probabilité deux fois
supérieure d’être hospitalisée à la suite d’une chute avec blessure qu’un
homme.
Entre régions, l’écart maximum de taux d’incidence s’élève à
0,38 point en 2019. Il varie de 1,37 % pour le Poitou-Charentes à 1,74 %
pour le Nord-
Pas de Calais. Le taux d’incidence standardisé des PECCAC
pour les hommes varie de 0,85 % pour le Poitou-Charentes à 1,10 % pour le
Nord-Pas-de-Calais. Pour les femmes, il varie de 1,71 % pour le Poitou-
Charentes à 2,10 % pour la Corse.
Entre départements, l’écart maximum de taux d’incidence est de
0,65 point en 2019. Il varie de 1,23 % pour le Cher à 1,88 % pour le Gers.
Ci-
après les taux d’incidence par département.
175
Les taux d’incidence pour les fractures de l’extrémité supérieure du fémur
(S72.0,
S72.1, S72.2) pour les 60 ans et plus sont en revanche stables sur la période s’établissant
à 0,49 % (0,28 % pour les hommes et 0,66 % pour les femmes).
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112
Carte n° 4 :
t
aux d’
incidence des prises en charges hospitalières
communément associées à une chute des hommes
de plus de 75 ans en 2019
Source
: Cour des comptes d’après taux calculés par le CHU de Toulouse
(données PMSI et INSEE)
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ANNEXES
113
Carte n° 5 :
t
aux d’incidence des prises en charges hos
pitalières
communément associées à une chute des femmes
de plus de 75 ans en 2019
Source
: Cour des comptes d’après taux calculés par le CHU de Toulouse (données PMSI et INSEE)
Peu de retours à domicile après une prise en charge majoritairement
réalisée dans un hôpital public
Plus de 80 % des entrées se font par les urgences, chiffre stable sur la
période. La majorité des sorties se font en direction d’un service de soins de
suite et de réadaptation (46 %), seul un tiers a lieu vers le domicile. 80 % des
prises en charge sont réalisés dans les établissements publics de santé.
Sur la période 2015-2019, le nombre de séjours médicaux augmente
fortement (+ 45 %) alors que les séjours chirurgicaux, quoique toujours
majoritaires (70,5
% du total), n’augmentent
que de 2 %. Cela pourrait
s’expliquer par la très forte progression des ischémies traumatiques d’un
muscle (+ 62 % entre 2015 et 2019), provoquant une rhabdomyolyse
176
, qui
constituent à la fois un signe très grave de fragilité clinique (le patient n’a
pas été capable de se relever et est resté très longtemps au sol) et de mauvais
pronostic mais ne nécessite pas de prise en charge chirurgicale.
176
Situation dans laquelle des cellules des muscles squelettiques, se dégradant
rapidement, libèrent leur contenu dans la circulation sanguine et peuvent entraîner une
insuffisance rénale aigue.
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114
Un taux de décès stable au cours de l’hospitalisation,
important dans les deux années qui suivent
Le taux de décès
au cours d’une PECCAC est estimé à 3,6
%, en 2019.
La classe d’âge des plus de 95 ans est celle qui décède le plus, quelle que soit
l’année considérée. Le taux de décès des hommes (6 à 7
% selon l’année) est
le double de celui des femmes (3 %). En effet, si la chute en général, et en
particulier avec blessure conduisant à l’hospitalisation, est moins fréquente
chez l’homme, elle doit être considérée comme un marqueur de grande
fragilité sous-jacente, surtout si elle est associée à une blessure, expliquant
l
a surmortalité masculine en cas de fracture de l’extrémité supérieure du
fémur.
Le CHU de Toulouse a également examiné, à l’occasion du travail
réalisé sur l’EGB sur un échantillon de patients ayant eu une PECCAC, le
nombre de décès survenus pendant les deux années qui ont suivi le séjour,
comparé à un groupe témoin. Le tableau ci-dessous décompte les décès
survenus jusqu’à quatre ans après l’hospitalisation. Un an après leur prise en
charge hospitalière initiale, 23,3
% des patients de l’échantillon étaien
t
décédés contre 7,4 % dans le groupe témoin. Un an après, dans le groupe
survivant, 12,8 % des patients ayant eu une chute étaient décédés contre
6,3
% dans le groupe témoin. Quatre ans après, l’écart se réduit entre les deux
groupes (16,5 % contre 12,6 %) mais demeure en défaveur des patients
PECCAC. Ces données confirment que la chute avec blessure doit être
considérée comme un marqueur de fragilité sous-jacente chez la femme
comme chez l’homme (plus encore chez l’homme bien que moins fréquente),
exposant à un sur-risque de mortalité dans les quatre années qui suivent.
Tableau n° 12 :
description du nombre et du taux des décès
après une prise en charge communément associée à une chute
(non cumulés), 2015-2018
Patients chuteurs (1 495)
Témoins (4 484)
Nombre
%
Nombre
%
Décès à 1 an
349
23,3
334
7,4
Décès à 2 ans
147
12,8
283
6,3
Décès à 4 ans
165
16,5
529
12,6
Source : CHU de Toulouse
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ANNEXES
115
L’analyse des parcours de soins et des profils de patients
dans l’EGB
L’équipe du CHU de Toulouse a examiné les parcours de
soins avant
et après la PECCAC à partir de deux groupes de patients : un groupe
PECCAC et un groupe témoin.
Constitution du groupe de cas et du groupe témoin
Ont été intégrés dans le groupe des cas, des patients métropolitains
ayant bénéficié d’une PECCAC
entre le 1
er
janvier 2015 et le 31 décembre
2016, afin de disposer de données suffisantes dans les années qui suivent la
prise en charge initiale. Les patients récidivants (c’est
-à-dire présentant un
code CIM-10 pour une PECCAC dans les deux ans avant la date de la
PECCAC index) ont été exclus afin de réaliser les analyses sur une population
homogène. La population de témoins, trois témoins par cas, a été appariée sur
le sexe et des classes d’âge de 5 ans.
Le groupe des cas comprend 1 495 patients ayant bé
néficié d’une
PECCAC entre 2015 et 2016 et celui des témoins, 4 484 individus.
Les caractéristiques du groupe des cas correspondent à celles
observées dans les bases du PMSI en termes d’âge, de sexe, de diagnostic
principal.
L’examen du parcours a porté su
r les deux ans qui ont précédé la
PECCAC et les deux ans qui ont suivis. Ces quatre années ont été divisés en
quatre périodes :
-
période 1 : de 2 ans à 1 an avant la chute
-
période 2 : de 1 an à la chute
-
période 3 : 1 an après la chute
-
période 4 : 2 ans après la chute.
Des comorbidités et une prise de psychotropes plus importantes
chez les patients chuteurs
Un score de comorbidité
177
a été calculé pour les patients PECCAC et
les témoins à partir de leur consommation de soins traceurs ou
discriminants
178
et de leu
r diagnostic d’affection de longue durée (ALD).
177
Comprenant quatre catégories : de 0 (aucune pathologie) à 4 (une pathologie avec un
fort poids ou plusieurs pathologies).
178
Diagnostics hospitaliers, consommation médicamenteuse et actes médicaux
discriminants.
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COUR DES COMPTES
116
Des fréquences de comorbidité (cf. graphiques ci-dessous) assez
similaires entre patients PECCAC et témoins avant la date index ont été
observées, à part pour les démences, le diabète sans complication, plus
fréquents chez les PECCAC. Après la chute, ces comorbidités restaient plus
fréquentes avec une différence qui s’accroît. Quelques comorbidités étaient
plus fréquentes après la chute, suggérant que la chute avec blessure va mettre
en évidence ou aggraver des pathologies sous-jacentes, en particulier la
démence. Le diabète sans complication était la seule morbidité moins
fréquente après la chute.
Graphique n° 6 :
proportion des démences dans les deux groupes
en fonction des périodes d'étude.
Source : CHU de Toulouse
Note de lecture : Période 1 : de - 2 ans à - 1 an avant la chute ;
Période 2 : de - 1 an à la chute ; Période 3 : de la chute à + 1 an.
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ANNEXES
117
La prise de psychotropes
179
avant et après la chute a également été
examinée. Quelle que soit la catégorie de psychotropes et la période
considérée, leur consommation est plus importante chez les patients ayant eu
une hospitalisation liée à une chute par rapport aux témoins, confirmant que
la réduction de la consommation de psychotropes est probablement l’une des
mesures les plus effectives pour réduire le risque de chutes.
Une consommation de soins plus élevée avant même la chute
avec blessure
La consommation de soins
180
deux avant et deux ans après la chute
des patients PECCAC a été étudiée comparativement au groupe témoin. Il
s’avère que les patients chuteurs ont, avant même la chute, une
consommation de soins plus élevée :
-
entre 2 ans et 1 an avant la chute, le surcoût annuel moyen s’élevait à
1 294
€ pour les patients chuteurs, majoritairement expliqué par des
actes paramédicaux (46 %), des hospitalisations (28 %) et des
médicaments (11 %) ;
-
1 an avant la chute le surcoût annuel était de 2 378
€, majoritairement
expliqué par des hospitalisations (53 %), des actes paramédicaux (27 %)
et des médicaments (7 %) ;
-
entre la chute et 1 an après, le surcoût annuel atteint 11 796
€ pour les
patients chuteurs, principalement en raison de l’hospitalisation.
-
entre 1 an et 2 ans après la chute, le surcoût annuel persiste par rapport
aux témoins mais il n’est plus que de 1
656
€, constitué
majoritairement
du coût des hospitalisations (70 %), des actes paramédicaux (24 %) et
des transports (10 %).
Le surcoût total, à la charge de l’assurance maladie, sur l’ensemble de
la période (deux ans avant et deux ans après la chute) est ainsi de 17 124
€.
Les dépenses de SSR réalisées dans des établissements publics ne
figurant pas dans l’EGB, le surcoût réel est vraisemblablement minoré.
L’ensemble de ces éléments suggèrent que la chute avec blessure n’est
pas un accident, mais qu’elle va apparaître s
ur un terrain de fragilité sous-
jacente (sur-consommation de soins, de psychotropes, etc.). Ils invitent à
mettre en œuvre
des mesures préventives ciblées sur ces patients, visant à
réduire le risque de chute, comprenant en particulier la réduction de
prescription de psychotropes.
179
Antipsychotiques, anxiolytiques-hypnotiques, sédatifs, antidépresseurs.
180
Hospitalisation (MCO, HAD, tous établissements ; SSR et psychiatrie, privé
seulement), soins de ville (consultations, actes médicaux et paramédicaux, examens
complémentaires), médicaments, équipements médicaux et transports médicaux.
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COUR DES COMPTES
118
Des classes homogènes de parcours repérables
au travers de la consommation de soins
En utilisant notamment des méthodologies d’
optimal matching
(OM),
qui permettent d’évaluer la similarité entre deux séquences, et de
classification hiérarchique ascendante, qui permet de regrouper les parcours
similaires entre eux, l’équipe du CHU
de Toulouse a défini des classes
homogènes de parcours des patients PECCAC en fonction de la quantité et
de la répartition de leur consommation de soins
181
sur les 24 mois suivant la
chute avec blessure et a évalué les coûts associés à chaque classe.
La sommation des consommations quotidiennes de soins, leur
pondération en fonction de leur nature
182
et leur agrégation sur un pas de
temps mensuel (qui aboutit pour chaque patient à 24 séquences successives)
permet
in fine
de dessiner cinq types de parcours.
La visualisation des consommations de soins, quotidiennes puis
mensuelles, de chaque patient est représentée dans les graphiques ci-dessous.
Graphique n° 7 :
répartition de la consommation de soins
discriminante par jour et par patient
181
Consommations de soins discriminants ou traceurs de la prise en charge des personnes
âgées, tels que les actes de soins infirmiers et de kinésithérapie, les consultations de
médecins généralistes et spécialistes ainsi que les hospitalisations en MCO, HAD et SSR.
182
Pas de soins (personne vivante) =0, soins infirmiers et kinés =1, consultations =5, etc.
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ANNEXES
119
Graphique n° 8 :
représentation de la consommation de soins
discriminante par patient, par niveau de consommation
et par pas de temps de 1 mois
Note de lecture :
Chaque ligne correspond au parcours d’un
patient. La bande rouge en début de parcours correspond à
l’hospitalisation initiale, la noire correspond à des patients décédés.
Dans le graphique 7, chaque point correspond à une consommation journalière
Dans le graphique 8, les consommations de soins journalières ont été agrégées sur des périodes mensuelles.
Graphique n° 9 :
représentation des 5 types de parcours
de soins agrégés
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COUR DES COMPTES
120
Cinq types de parcours homogènes ressortent ainsi de l’analyse
:
-
Type 1 : 41
% de l’ensemble des patients PECCAC
; patients plus
jeunes et majoritairement de sexe féminin, avec peu de comorbidités,
suivis de façon régulière (grand nombre de consultations réparties sur
l’ensemble du parcours).
-
Type 2 : 19
% de l’effectif
; patients avec comorbidités décédés en
début de suivi (en moyenne dans les 80 jours) ; prise en charge 34 %
moins coûteuse que les patients du type 1.
-
Type 3 : 12
% de l’effectif
; patients avec comorbidités décédés dans un
second temps, durant la suite du parcours (en moyenne dans les 449 jours) ;
prise en charge 45 % plus coûteuse que les patients du type 1.
Les types 2 et 3 comprennent plus fréquemment des hommes, des
patients d’un âge moyen plus élevé et présentant les comorbidités les plus
sévères ou de multiples comorbidités.
-
Type 4 : 15
% de l’effectif
; patients vivants à la fin du parcours, avec
des consommations importantes de soins, continues durant les deux
années ; plus jeunes que les patients des types 2 et 3, avec moins de
comorbidités ou d’une gravité moindre, ces patients ont bénéficié des
soins infirmiers et
de kinésithérapie très fréquents. C’est le groupe qui
présente le taux de deuxième PECCAC le plus important. Il s’agit de la
prise en charge la plus coûteuse (2,17 fois plus coûteuse que celle des
patients relevant du type 1).
-
Type 5 : 12
% de l’effectif
;
patients d’un âge moyen avancé, avec une plus
grande proportion de femmes, pour lesquels aucun soin n’était retrouvé
dans la majorité du parcours ; ce type de parcours pourrait aussi bien être
composé de patients robustes ne nécessitant pas de soin que de patients très
peu suivis ; leur prise en charge est 40 % moins coûteuse que le type 1.
Ces travaux constituent un premier jalon dans l’analyse et la
compréhension des prises en charge communément associées aux chutes. La
richesse des informations obtenues par le CHU de Toulouse ouvre la voie à
un approfondissement des recherches sur le sujet.
Ils
permettent
néanmoins
d’ores
et
déjà
de
tirer
quelques
enseignements. Ainsi que le souligne Santé publique France dans son étude
sur les profils de patients chuteurs
183
, peu de chutes correspondent à des
accidents imprévisibles liés à une prise de risque. La plupart adviennent sur un
terrain que les co-morbidités, les pathologies préexistantes ont rendu
favorable. Parmi ces facteurs de pré-
disposition, l’étude du CHU
de Toulouse
incite à penser qu’il est possible d’agir de façon déterminée sur certains (la
prise de médicaments notamment) et d’en surveiller d’autres activement pour
anticiper et prévenir. La chute n’est pas une fatalité et l’enchaînement des
causes et des effets qui y mènent peut-être efficacement dévié.
183
Torres M, Pedrono G, Lasbeur L, Carcaillon-Bentata L, Rigou A, Beltzer N. « Chutes
des personnes âgées à domicile : caractéristiques des chuteurs et des circonstances de la
chute ». Enquête ChuPADom, 2018. Santé publique France, 2020.
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ANNEXES
121
Annexe n° 3 :
approche comparée des politiques
de prévention de la perte d’autonomie
dans sept
pays et focus sur l’expérience japonaise
Le positionnement de la France en matière de prévention de la perte
d’autonomie a
été comparé à sept pays, choisis sur la base de leurs
dynamiques démographiques, économiques et politiques : Danemark,
Norvège, Suède, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni et Japon.
Des trajectoires de vieillissement assez proches
En 2018, le poids des classes d’âges les plus élevées est assez
comparable dans les différents pays étudiés. La France se situe dans une
dynamique intermédiaire de vieillissement, comparable à celle de la majorité
des autres pays européens. Le Japon présente néanmoins un profil atypique.
La proportion de personnes âgées, voire très âgées, y est supérieure aux
autres et proche au total de 30 %. La part des 80 ans et plus, notamment, est
le double de celle de la Norvège.
Graphique n° 10 :
part des 65 ans et plus dans la population en 2018
Source : données OCDE
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COUR DES COMPTES
122
Le Japon est depuis les années 2000 le pays où le vieillissement est le
plus avancé, aussi bien en proportion de la population qu’en rapidité du
phénomène qui s’est accéléré à partir des années 1990
184
. Le Japon et la
F
rance bénéficient tous deux d’une espérance de vie relativement longue. Le
taux de natalité au Japon est toutefois très faible (1,4 enfant par femme)
contrairement à la situation en France, le nombre de décès excédant celui des
naissances. La population po
urrait ainsi atteindre 90 millions d’individus en
2060, soit - 36 millions de personnes par rapport à 2019.
Tableau n° 13 :
espérance de vie et espérance de vie en bonne santé
à 65 ans en 2019 pour les pays européens étudiés
Espérance
de vie
à 65 ans
Dont espérance de vie
en bonne santé
Rang
(en Europe)
France
22,0
50%
12*
Danemark
19,8
57%
7
Suède
20,9
78%
1
Pays-Bas
20,3
49%
13
Espagne
22,0
56%
8
Royaume-Uni
20,1
52%
10
Source : Eurostat, données 2019 (sauf pour le Royaume-Uni, données 2018)
* Les pays qui ont
un meilleur classement que la France sont la Suède, la Norvège, Malte, l’Irlande,
l’Allemagne, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la Suisse, le Royaume
-Uni et la Belgique.
Les échanges menés avec des experts des sept pays inclus dans cette comparaison ont permis de
passer en revue les politiques de prévention.
184
Le poids des 65 ans et plus est passé de 7 % à 14 % de la population totale sur une
période de 114 ans pour la France (1864-1979) et de seulement 24 ans pour le Japon
(1970-1994) (source : Miyako Nakamura Fujimori,
A la recherche de la viabilité de
l’assurance de soins de longue durée dans une société de longévité : le cas japonais
, La
découverte, 2017).
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ANNEXES
123
Tableau n° 14 :
tableau synoptique des politiques de prévention
de la perte d’autonomie
Danemark
Suède
Norvège
Pays-Bas
Espagne
Royaume-
Uni
Japon
Gouvernance de la prévention
Les municipalités
sont responsables
et autonomes :
services à
domicile, portage
de repas,
logements
médico-sociaux
adaptés, soins de
suite et de
réadaptation.
L’Agence de
Santé publique
apporte un
soutien théorique
et
méthodologique
Le Conseil des
Seniors joue un
rôle consultatif
Trois niveaux :
- national :
financement et
stratégie
- régional :
organisation de la
prise en charge et
des soins
- communal :
responsable du
secteur médico-
social et acteur
unique de l’offre
de services et de
biens aux
personnes âgées
Responsabilités
partagées :
- État : financement
et stratégie,
contrôle et
évaluations des
communes ; -
communes et
autorités régionales
de santé : offre de
services de soins et
de santé (avec large
recours aux
prestataires privés)
- conseils (national
et communaux) des
seniors
régulièrement
consultés
Le cadre légal est
national
La gestion et la
mise en œuvre
sont opérées par
les municipalités
L’encadrement
légal est
national.
La gestion et
mise en œuvre
se font par les
17
gouvernements
régionaux.
Un conseil
national
s’assure de
l’ég
alité de
traitement entre
régions.
Le financement
est partagé entre
le système de
santé national et
les autorités
locales.
Les autorités
locales sont en
charge de la
prévention.
Le secteur
associatif joue
également un
rôle significatif.
La politique et les
objectifs sont
fixés par le
gouvernement.
En 2000, le
gouvernement
japonais a créé un
système
d’assurance pour
les personnes
dépendantes
appelé « Kaigo
hoken ». C'est un
système géré par
les municipalités.
Maintien à domicile
Un des principes
de l’approche
danoise est le
maintien à
domicile
(plus de
construction
d’Ehpad depuis
1987).
Les personnes
âgées en
hébergement
collectif vivent
dans des maisons
de retraite non
médicalisées.
La Suède accorde
dès les années
1940 la priorité
au maintien à
domicile.
En 1956 sont
affirmés les
droits à
bénéficier de
soins et à être
pris en charge à
domicile aussi
longtemps que
possible.
Le programme
gouvernemental
Langer Thuis
promeut le
maintien à
domicile
Dès 2008, le
Royaume-Uni
s’est doté de la
stratégie
Lifetime Homes,
Lifetime
Neighbour-
hoods
, une
stratégie globale
d’adaptation de
la ville et du
logement au
vieillissement.
Vue l’ampleur du
vieillissement que
connait le Japon,
le maintien à
domicile est très
fortement préféré.
De ce fait, la part
de personnes
hébergées en
établissement est
moindre qu’en
France.
Adaptation des logements
Aménagement
gratuit de
l’appartement ou
de la maison par
la commune, ou,
proposition d’un
logement adapté
de superficie
équivalente à
proximité.
Des aides
financières sont
proposées pour
l’achat
d’équipement de
la vie courante.
Très ancienne
politique de
subventions
(années 50).
Les communes
étudient les
demandes et
payent les
travaux (à
l’usager ou
directement à
l’entrepre
neur).
L´Agence
nationale du
logement assure
le suivi.
Les projets sont
financés par les
municipalités
dans la limité de
10 000
€
Le programme
« ageing on
place »
(2017-2021)
disposait de
340
M€
Il existe un
plan national
pour équiper ou
réhabiliter les
logements des
+ 65 ans.
Les
subventions
pour des
travaux
d’adaptation
sont
dépendants des
revenus du
foyer.
La réduction
des crédits a
entraîné une
baisse du
nombre des
bénéficiaires.
Les collectivités
locales en sont
responsables
Aide sous
condition de
ressources au-
delà de 1 000 £
de travaux
Des
compléments
peuvent être
versés par les
ONG et
associations
locales.
Budget
important :
600 M£ au total
mais en deçà des
besoins.
La loi sur
l’assurance des
soins de longue
durée prévoit la
versement d’une
aide à la
réparation et à
l’adaptation du
logement en vue
de soins de longue
durée pour un
montant maximal
individuel de
1 500
€ environ.
Certaines
municipalités,
comme Tokyo,
proposent en outre
un financement
complémentaire
pour les
logements situés
dans certaines
zones prioritaires.
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COUR DES COMPTES
124
Visites préventives
- Dès 65 ans
des visites
préventives à
domicile sont
proposées aux
personnes qui se
trouvent dans une
situation difficile
(perte
d’autonomie,
du conjoint,
personnes
isolées, etc.).
- Visite de
prévention à
l’occasion
des 75 et 80
ème
anniversaire pour
tous les résidents
d’une commune
- Au-delà
de 82 ans, visite
médicale
préventive à
domicile
obligatoire
De nombreuses
municipalités
organisent des
visites à domicile
(souvent à partir
de 70 ans). Mais
leur efficacité est
incertaine.
La ville de
Stockholm a
cessé les siennes.
Des visites
d’évaluation des
besoins et
d’information sont
organisées par les
communes à
domicile ou dans
les centres
communaux.
Un suivi de
l’efficacité de ces
visites est réalisé
par le
gouvernement.
Certaines
communes les
pratiquent mais
il n’y pas
d’orientation
nationale en ce
sens
Au niveau
national, il n’a
pas de système
de visites
institutionna-
lisées
Il n’existe pas de
programme
systématique,
certaines
municipalités
pouvant organiser
des visites
préventives. Les
professionnels de
santé et le
personnel de
livraison sont
vigilants aux
besoins des
seniors lors de
leurs visites
Prévention des chutes
Un guide national
de prévention est
publié par
l’Agence de
Santé publique
qui insiste sur
l’identification
des facteurs à
risque
Les actions
varient selon les
municipalités :
cours collectifs,
programmes
d’entraînement à
domicile
entretiens
individuels avec
un médecin…
Les municipalités
organisent des
campagnes de
communication et
sensibilisation
Programme
national pour la
prévention des
chutes sur la
période 2009-2018
avec un objectif de
réduction de 10 %
des fractures du col
du fémur et de
consolidation du
registre des patients
Des recomman-
dations de
prévention des
chutes ont été
émises en
commun par
les physiothéra-
peutes de
quatre régions
Un guide de
prévention est
publié par le
gouvernement
britannique à
destination des
personnes âgées
Il n’existe pas de
programme
spécifique mais
la promotion
de l’activité
physique adaptée
contribue à la
prévention des
chutes
Activités physiques et sociales
Des programmes
financièrement
très accessibles
sont proposés par
les municipalités.
Les employeurs
subventionnent la
pratique sportive.
Les activités
sportives, les
musées et les
transports publics
sont
subventionnés
pour les + 65 ans.
Les centres
sociaux
municipaux
proposent des
activités
physiques,
ludiques et
culturelles.
Les communes
développent des
programmes
d’activité physique
La majorité des
municipalités
(77 %) emploient
des personnels
(‘buurtsportcoach’
) qui encouragent
les plus âgés à
rester actif en
pratiquant sport et
exercice. Pendant
la crise sanitaire,
les seniors
faisaient du sport
sur leur balcon (le
coach étant à
l’extérieur).
Des aides
individuelles aux
activités physiques
et sportives sur
critères de
ressources sont
disponibles.
Deux actions
pour faciliter
l'accès des
personnes
âgées aux
programmes de
loisirs et de
santé :
- tourisme
social (a aussi
pour objectif
d’atténuer la
saisonnalité des
emplois dans le
secteur)
- thermalisme
social : sur
ordonnance,
accès à prix
réduits aux
traitements.
Prévu dans le
cadre du
programme
« Anticipatory
Care »
(avril
2021) : approche
multidiscipli-
naire pour les
populations
ayant des
besoins
complexes
proposant des
interventions à
la fois sur le
plan physique et
mental, sous la
responsabilités
d’un
coordinateur
Des événements
de promotion sont
organisés par le
gouvernement.
Les clubs de sport
sont éligibles à
des aides
financières
gouvernementales
et municipales
pour leurs
programmes pour
séniors
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ANNEXES
125
Nouvelles technologies
Des centres
d’aides
techniques
municipaux
mettent à
disposition des
objets connectés
pouvant être
empruntés par
les personnes.
Chaque
commune doit
obligatoirement
proposer un
panier de biens et
de services défini
par la loi,
garantissant des
« conditions de
vie
raisonnables ».
La téléalarme est
le service le plus
proposé.
Programme
spécifique de 2013
à 2020 de
subventions des
communes par
l’État pour
développer le
recours aux
nouvelles
technologies
dans les soins.
Attention
particulière portée à
l´amélioration des
soins aux personnes
atteintes de
démence grâce aux
nouvelles
technologies
Des aides sont
utilisées,
notamment des
systèmes de
téléassistance
La
téléassistance
est déployée de
façon
importante à
travers tout le
pays
La téléassistance
semble très
présente
L’objectif du
gouvernement est
d’introduire la
robotisation et
l’intelligence
artificielle dans la
plupart des
établissements
médicalisés pour
effectuer les soins
quotidiens en
2040.
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COUR DES COMPTES
126
Focus sur l’expérience
japonaise
185
Le défi démographique que connaît le Japon l’a conduit à mettre en
place en 2000 un système d’assurance dépendance
obligatoire, le
Kaigo
Hoken
et une politique active de prévention visant à améliorer l’espérance
de vie sans incapacité de sa population, avec un certain succès. Selon une
évaluation du NLI Research Institute
186
, l’espérance de vie a augmenté entre
2016 et 2019 de 0,43 point pour les hommes et de 0,31 point pour les femmes
alors que l’espérance de vie en bonne santé a augmenté, sur la même période
de 0,6 point tant pour les hommes que pour les femmes. Le différentiel entre
l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé moyenne
tend donc
à diminuer.
Graphique n° 11 :
évolution de l’espérance de vie
et de l’espérance de vie en bonne santé
Source : Ambassade de France au Japon, Service économique régional
NB : Les chiffres entre parenthèses indiquent la différence entre les deux chiffres à leur verticale.
185
Ces développements ont été rédigés à partir d’éléments transmis par
:
-
l’Ambassade de France au
Japon (service économique régional) ;
-
le Ministère du travail, de la santé et des affaires sociales du Japon (un
remerciement particulier à M. Naoaki Kunishiro, directeur adjoint de
l’assurance maladie, ancien Premier secrétaire aux Affaires sociales près
l’Ambassade du Japon en France)
;
-
le
Board of Audit of Japan
(homologue de la Cour des comptes) ;
-
Mme Miyako Nakamura Fujimori, professeur honoraire au Japon et docteure
en sciences sociales de l’Université de Paris Descartes
;
-
M. Takao Kobayashi, directeur de « Fami-town Musashi-koyama », organisme
des services d’accueil de jour et de services de prévention et de soutien
qui a
sollicité le département de Tokyo et l’arrondissement de
Shinagawa.
186
Du groupe Nippon Life, première compagnie d’assurance vie jap
onaise.
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ANNEXES
127
L’assurance dépendance obligatoire à partir de 40 ans poursuit trois
objectifs :
-
soulager les familles et améliorer le taux d’emploi des femmes
;
-
améliorer la qualité de la prise en charge par la professionnalisation de
l’aide ;
-
optimiser les dé
penses de santé en retardant l’entrée en établissement
grâce aux aides à domicile.
Un système intégrant d’emblée la prévention et privilégiant
le maintien à domicile
Ce système est géré par les municipalités et financé en partie par des
cotisations payées par chaque citoyen japonais à partir de 40 ans mais dont
le bénéfice ne peut être activé qu’à partir de de 65 ans, sauf exceptions. Les
cotisations financent 50
% de l’assurance, l’État, les départements et les
municipalités l’autre moitié (25
% pour l’Éta
t, 12,5 % pour les départements
et 12,5 % pour les municipalités). Le reste à charge pour les assurés est
généralement de 10 %, mais il peut être réduit à zéro dans certains cas et
atteindre 30 % pour les plus aisés.
Afin d’évaluer leurs besoins, toutes le
s personnes de plus de 65 ans
répondent à 74 questions sur leur situation. En fonction, un niveau de
dépendance provisoire est calculé. Un comité de spécialistes de la
municipalité se réunit ensuite pour l’attribution du niveau dans lequel se
situera l’ass
uré.
Chaque niveau de dépendance est calculé en unité et chaque service
correspond à un nombre d’unités. Le «
care manager
»
187
chargé de
l’établissement du plan d’aide indique à la personne âgée le catalogue de
services auquel elle peut prétendre.
Une fois
l’évaluation effectuée par les services municipaux, en lien
avec le « care manager
» qui lui a été affecté, l’assuré bénéficie de prestations
correspondant à un panier d’offres (installation d’équipements à domicile,
aides-soignants, séjour temporaire ou permanent en maison de retraite, etc.)
qui sont plafonnées pour chaque niveau de dépendance. L’essentiel de ces
prestations est assuré par des entreprises privées.
187
La fonction de « care manager
» est accessible à la suite d’un examen spécifique. Elle
nécessite d’avoir travaillé dans le domaine médical ou d’avoir été assistant social pendant
au moins cinq ans. Une formation de quelques mois est alors dispensée.
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COUR DES COMPTES
128
Le rôle important des municipalités
Les municipalités sont donc en première ligne pour assurer des actions
de prévention variées mais avec des lignes directrices communes. Les
actions
de
prévention
portent
notamment
sur
l’importance
d’une
alimentation équilibrée et sur le caractère décisif de l’activité physique pour
une vieillesse en bonne santé.
Les autorités japonaises ont également mis en place des mécanismes
incitatifs qui favorisent l’entraide et la socialisation entre personnes âgées,
notamment pour que les personnes valides puissent soutenir les personnes
dépendantes.
Les difficultés des métiers liés au grand âge
Comme la France, le Japon est confronté à une urbanisation pénalisant
les régions les plus reculées, plus âgées, et où la concentration de médecins
est moindre que dans les aires urbaines. Pour endiguer ce phénomène, le
gouvernement japonais a développé une école de médecine qui offre la
gratuité de la formation en échange d’un engagement des étudiants à aller
exercer pour leur premier poste dans des zones en déficit de médecins.
Le Japon accorde également de plus en plus de visas de travail à des
professi
onnels médicaux en provenance d’Asie du Sud
-Est.
Alors que le Japon fait face à une forte tension de l’offre de main
d’œuvre, les employés du secteur des services aux personnes âgées, tels que
les aides-soignants, ont un salaire inférieur à la moyenne nationale. Pour y
faire face, le gouvernement japonais s’est engagé dans une revalorisation de
ces carrières en favorisant l’embauche en CDI et en instaurant un salaire
minimum dans cette branche d’activité.
Par ailleurs, le programme « Parcours de vie intégrée »
qui vise, d’ici
2025, à offrir aux personnes âgées une gamme de services allant des premiers
secours aux biens de première nécessité, en passant par les activités
associatives dans un périmètre de 30 min à pied depuis leur domicile. Cette
zone de vie à taille humaine doit permettre de favoriser le vieillissement en
bonne santé. Elle est toutefois difficile à mettre en œuvre pour les localités
rurales qui font face à un exode massif de leur population.
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ANNEXES
129
Source : Ministère des affaires Ministère du travail, de la santé et des affaires sociales du Japon
La municipalité de
Shiga
a mis en place de nombreuses actions de
prévention il y a près de 30 ans. C’est aujourd’hui la ville avec l’espérance
de vie la plus élevée pour les hommes (elle se classait dans la moyenne
nationale dans les années 1970
188
).
La lutte contre l’isolement social
: une priorité
Au Japon, les personnes âgées ayant des échanges avec d’autres
personnes «
entre une fois par semaine et moins d’une fois par mois
», ont
un risque de démence ou de soins de longue durée accru de 1,3 à 1,4 par
rapport à celles qui ont des contacts quotidiens
189
. De plus, les morts
prématurées sont multipliés par 1,3 pour les personnes âgées qui bénéficient
de moins d’un contact par mois.
188
Compte-
rendu de l’audition du 3 juillet 2019, la prise en charge de la dépendance et
la
prévention de la perte d’autonomie
au Japon. Regards croisés avec la France. Les
comptes rendus des groupe d'études : Prévention santé - La prévention de la perte
d'autonomie au Japon - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr).
189
Source : Audition Assemblée nationale du 3 juillet 2019,
Favoriser les synergies entre
les nouvelles technologies et la « silver economy »
.
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130
Le portage des repas à domic
ile constitue l’une des voies de repérage
des personnes isolées. Les municipalités contractualisent avec les sociétés
qui délivrent des repas à prix réduits une fois par jour, pour que l’équipier
s’assure
de
la
sûreté
de
la
personne
âgée.
Le
maillage
des
« mukôsangenryôdonari »
190
met quant à lui l’accent sur la réactivation des
liens de voisinage et encourage le bénévolat.
Les communes développent également des
« Kayoi-no-ba »
, lieux de
rencontre favorisant les activités physiques et sociales des personnes âgées.
Les effets bénéfiques sur l’élargissement de la vie sociale des participants,
au-delà de ce lieu de rencontre, ont été mesurés (60 % des personnes
interrogées ont déclaré une participation accrue à d’autres activités après
avoir commencé à fréquenter le
« Kayoi-no-ba »
).
Un accent fort mis sur l’entraide et sur l’activité sportive
En participant aux activités sociales comme l’accompagnement des
enfants à l’école, les personnes âgées retrouvent confiance en elles
(et rendent service aux familles). Dans plusieurs villes, un système de points
échangeables contre de l’argent a été mis en place pour inciter les personnes
âgées à participer à des activités.
Enfin, le ministère de la santé, du travail et du bien-être organise un
festival de sensibilisation à la santé des seniors, leur intégration à la société
et au développement de leur bien-être quotidien. Des aides financières sont
en outre accordées par le gouvernement aux collectifs organisant des
activités sportives
à destination des séniors. C’est le cas par exemple de
Tororen
, la confédération des clubs pour seniors de Tokyo, dont 60 % du
budget annuel provient du gouvernement et de la métropole de Tokyo.
Un nouveau plan à horizon 2040
En 2019, a été votée la
Basic Policy on Economic and Fiscal
Management and Reform
dont le principal objectif est que l’espérance de vie
sans incapacité atteigne 75 ans à l’horizon 2040. Il s’agit de maintenir sur le
marché du travail une population ayant la volonté de travailler et de soutenir
le rôle des seniors dans la société. Les trois principaux axes de ce plan sont :
d’inciter les personnes âgées à rester en activité après leur départ à la
retraite en favorisant le cumul d’une activité professionnelle avec la
retraite ;
190
Les trois maisons d’en face et les deux maisons latérales (source
: rapport du HCFEA,
Politiques de sou
tien à l’autonomie des personnes âgées
: quelques comparaisons
internationales
, mars 2019).
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ANNEXES
131
de maintenir les personnes âgées en bonne santé le plus longtemps
possible, ce qui passe notamment par des actions de prévention et des
accès facilités aux services de proximité ;
de développer les nouvelles technologies pour faciliter la prise en charge
de la pert
e d’autonomie.
Le Japon compte sur le développement des nouvelles technologies
pour faire face au défi que représentent le vieillissement et la dépendance.
Les produits commercialisés par des entreprises japonaises se divisent en
deux grandes catégories
191
:
1/
Personnes âgées à domicile
: des entreprises japonaises
développent des systèmes de téléalarme pour que les personnes âgées à
domicile puissent prévenir rapidement les secours en cas de problème. Les
alarmes à distance peuvent en outre surveiller plusieurs actions de la vie
quotidienne, telles que la fréquence d'ouverture du réfrigérateur (notification
si le réfrigérateur ne s’ouvre pas pendant une certaine période), la fréquence
de sortie du lit, la surveillance de la zone de mouvement par un tapis de
détection. Des recherches sont également menées pour détecter des
irrégularités dans la consommation d’électricité ou dans la consommation
d’eau des toilettes qui peuvent permettre une alerte précoce des services de
secours ;
2/
Personnes âgées en établissement :
dans ce domaine, les
entreprises japonaises cherchent plutôt à développer des systèmes de capteur
physiologique qui permettent un suivi en temps réel de l’état de santé des
patients dont certains ne peuvent facilement faire part de leurs douleurs. Les
autorités japonaises ont pour objectif d’introduire des mécanismes
numériques, robotiques et/ou domotiques dans l’ensemble des institutions
médicales accueillant des personnes âgées à l’horizon 2040 pour faciliter le
travail des soignants.
191
Audition Assemblée nationale du 3 juillet 2019,
op. cit
. p. 34.
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132
Annexe n° 4 :
vieillissement, espérance de vie
et espérance de vie en bonne santé : des écarts
importants entre territoires
192
La France est, comme les autres pays d’Europe, confrontée à un
phénomène de vieillissement, malgré une fécondité plutôt élevée. Ce
vieillissement ne revêt pas la même forme selon les territoires.
Carte n° 6 :
part des 75 ans et plus en 2017 par EPCI
Source
: Cour des comptes, d’après données Insee
192
Cette annexe a été réalisée principalement à partir de l’étude de
Maude Crouzet,
Amélie Carrère, Caroline Laborde, Didier Breton, Emmanuelle Cambois, « Différences
d’espérance de vie sans incapacité dans les départements français
: premiers résultats à
partir de l’enquête Vie Quotidienne et Santé
», Revue Quetelet/Quetelet Journal, Vol. 8,
n°1, à paraître.
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ANNEXES
133
Le vieillissement est très prononcé dans les espaces peu denses et sur
certains littoraux, quoique les causes en soient différentes : les littoraux sont
attractifs pour la population retraitée tandis que la « diagonale du vide » est
plutôt confrontée à un vieillissement de la population résidente associé à un
exode des jeunes.
Malgré les progrès sanitaires que le pays a connus depuis les années
1950, les inégalités spatiales de mortalité restent importantes en France. Les
espérances de vie les plus faibles se situent au nord-est du pays (du Nord-
Pas-de-
Calais à l’Alsace), tandis que la région parisienne, les départements
du sud-ouest et de la région Rhône-
Alpes bénéficient d’une plus grande
longévité.
L’enquête vie quotidienne et santé (VQS)
Si l’espérance de vie est calculée à partir des données de l’Insee
193
, le
calcul de l’espérance de vie sans incapacité, promu par le réseau international
Reves (réseau espérance de vie en santé) pour surveiller l’évolution de l’état
de santé de la population nécessite de combiner des données de mortalité et
d’incapacité (connues à partir de la réponse à la question
: « Êtes-vous limités
depuis au moins six mois à cause d’un problème de santé, dans l'activité que
les gens font habituellement ? Oui, sévèrement limité(e)/ oui, limité(e) / non,
pas du tout limité(e) » -
Global Activity Limitation Instrument
).
Cette enquête est la première à offrir une représentativité à l’échelle
départementale des données d’incapacité, permettant ainsi une comparabilité
entre tous les départemen
ts. Le questionnaire VQS s’adresse aux personnes âgées
de 60 ans et plus résidant en ménage ordinaire (n = 166 800) et recueille
notamment des informations sur les limitations physiques, sensorielles et
cognitives des individus et sur des gênes dans les activités liées à un problème de
santé. Il n’existe pas de données sur l’incapacité des personnes résidant en
institution représentatives au niveau départemental.
L’hypothèse faite pour le calcul de l’EVSI est alors que toutes les
personnes institutionnalis
ées sont en situation d’incapacité.
Les données sur
l’institutionnalisation comprennent l’ensemble des personnes résidant en
« service de moyen ou long séjour, maison de retraite, foyer ou résidence
sociale », on compte donc parmi elles des personnes habitant ce type de logement
pour des raisons économiques et non liées à leur état de santé, de ce fait on risque
de surestimer d’autant plus l’incapacité dans cette population.
L’impact de cette hypothèse est d’autant plus important que le nombre
de places d’hébergement par habitant n’est pas homogène sur le territoire.
193
Les tables de mortalité départementales sont calculées à partir des données de l’état
-
civil et du recensement de la population de l’I
nsee (décès et populations départementales
par sexe et âge pour l’année 2014).
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134
En 2014, les espérances de vie à 60 ans varient entre 21 et 25 ans chez
les hommes et entre 26 ans et 29 ans chez les femmes (cf. cartes
infra
).
Carte n° 7 :
espérance de vie à 60 ans des hommes (en orange)
et des femmes (en violet) en 2014
Source
: Cour des comptes d’après données Crouzet et al. (2020)
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ANNEXES
135
Quant aux espérances de vie sans incapacité (EVSI) à 60 ans, elles se
situent entre 11 et 17 ans pour les hommes et entre 11 et 18 ans pour les
femmes.
Carte n° 8 :
espérance de vie sans incapacité à 60 ans des hommes
(en orange) et des femmes (en violet) en 2014
Source
: Cour des comptes d’après données Crouzet et al. (2020)
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136
On retrouve les mêmes tendances pour l’EVSI que pour l’espérance
de vie : les départements dont la population vit le plus longtemps sans
incapacité se situent majoritairement dans les régions Ile-de-France et
Rhône-
Alpes, ainsi que dans l’ouest du pays. Néanmoins, les cartes d’EV et
d’EVSI ne sont pas tout à fait superposables.
Selon l’étude de Crouzet et al. (2020),
« On relève en effet des
départements qui bénéficient de nombreuses années sans incapacité malgré
une longévité moyenne voire faible. Ainsi, chez les femmes, la zone de
longues EVSI s’étend sur tout le littoral atlantique y compris en Bretagne,
ce qui n’est pas le cas pour l’EV, les départements le plus à l’ouest de cette
région présentant des valeurs moyennes voire faibles pour l’EV. De même,
dans le nord-est, zone de faible longévité, on retrouve quelques départements
dont l’EVSI est particulièrement longue (Territoire de Belfort et Haut
-Rhin
pour les hommes, Vosges pour les femmes).
Inversement, les régions Auvergne et Limousin connaissent des EVSI
parmi les plus faibles de France, quel que soit le sexe. Si plusieurs
départements de ces régions ont aussi une faible EV, ce n’est pas le cas de
tous (par exemple la Haute-Loire ou la Haute-Vienne). On retrouve
également la même situation dans plusieurs départements du Sud chez les
femmes : les Bouches-du-
Rhône, l’Ariège, la Haute
-Corse, ou encore la
Drôme et l’Ardèche ont des EVSI plutôt faibles, malgré une EV moyenne
voire longue.
Sans surprise, les départements ayant un double désavantage (faible
longévité et faible part de vie sans incapacité) sont ceux que l’on sait les
moins favorisés économiquement (Nord-Pas-de-Calais, outre-mer) ou très
ruraux (Limousin). En faisant référence aux différences entre autres groupes
de population évoquées en introduction, ces résultats soulignent le cumul
d’expositions à des risques de santé jouant à la fois sur la mortalité et sur
l’incapacité. Ces situations s’apparentent aux constats faits pour les groupes
sociaux défavorisés (niveau d’étude, qualifications professionnelles…). On
suppose que le contexte de ces départements est étroitement lié à la structure
socioprofessionnelle de la population. Inversement, les départements qui
cumulent longévité et absence d’incapacité correspondent souvent à des
territoires économiquement aisés avec des profils de population plutôt actifs
et socialement avantagés (Ile-de-
France, Savoie…).
»
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ANNEXES
137
Annexe n° 5 :
l
’action sociale des caisses
de retraite
Une action sociale professionnalisée et mieux coordonnée
entre la Cnav et la MSA
Le fonds nation
al d’action sanitaire et sociale pour les personnes
âgées (FNASSPA) de la Cnav finance notamment, en 2020, l’aide au
maintien à domicile (242
M€), des actions collectives de prévention
(17,8
M€, en augmentation de 14
% par rapport à 2019), ainsi que les aides
« habitat et cadre de vie
» à l’adaptation du logement (53,1
M€, +12
%).
Le montant total
des dépenses d’intervention d’action sociale pour
l’exercice 2020 s’élève à 377,3
M€
194
, ce qui représente une augmentation
de 9,75% par rapport à 2019 (343,7
M€), induite en grande partie par la
reprise à compter du 1
er
janvier 2020 de l’action sociale retraite de l’ex
-
Sécurité sociale des indépendants (abondement du FNASSPA 2020 à
hauteur d
e 43 M€). Cette hausse des dépenses a principalement financé des
subventions à certains acteurs associatifs venus en aide aux personnes âgées
fragilisées pendant la crise (Petits frères de pauvres, Croix rouge, centre
sociaux, etc.) et aux lieux de vie collectifs (résidences autonomie, petites
unités de vie, habitat inclusif) désormais financés par le FNASSPA
(l’investissement reposait précédemment sur des fonds CNSA).
Tableau n° 15 :
é
volution des dépenses de l’aide au maintien
à domicile entre 2017 et 2020
Évaluations
des besoins
PAP et autres
aides
Subventions
Total
2017
21 031
030,00 €
182 124
987,68 €
27 879
128,12 €
231 035
145,80 €
2018
20 769
566,00 €
182 466
888,25 €
15 562
860,58 €
218 799
314,83 €
2019
23 028
687,00 €
165 361
683,69 €
27 292
882,75 €
215 683
253,44 €
2020
23 866
299,00 €
170 315
058,89 €
48 003
706,71 €
242 185
064,60 €
Source : Cnav
–
NB
: en 2020 est intervenue l’intégration de l’action sociale retraite de l’ex
-RSI
Une coordination des politiques d’action sociale de la Cnav, de la
MSA et du RSI
195
a été actée, en 2014, dans une convention intitulée « La
retraite pour le bien vieillir
–
l’offre commune interrégimes pour la
194
Y compris contributions (versement à la Cnam pour le service social et à diverses
caisses), les dépenses 2020 du FNASSPA s’élèvent à
404
M€
contre 364 M€ en 2019.
195
Le régime social des indépendants a été supprimé au 1
er
janvier 2018.
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COUR DES COMPTES
138
prévention et la préservation de l’autonomie
». Dans le même temps, ces
caisses se sont dotées de la grille Fragir
e, outil commun d’évaluation de la
fragilité sociale des retraités classés en GIR 5 et 6
196
. L’article 6 de la loi
ASV a ensuite prévu la signature d’une convention entre l’État, ces trois
caisses et la CNRACL en ouvrant la possibilité à d’autres organismes
chargés de la gestion d’un régime obligatoire de signer cette convention
197
.
En complément de la création d’un site internet commun, des
ateliers
198
interrégimes ont été développés localement, avec l’objectif de
délivrer des messages sur la prévention de la p
erte d’autonomie et d’informer
les nouveaux retraités sur les structures proposant des activités près de leur
domicile.
De nombreuses avancées sont intervenues dans le cadre de cette
coopération qui a été confortée par une nouvelle convention en 2017. Les
caisses créent régulièrement de nouvelles actions de prévention pour
compléter
199
et adapter au mieux les modalités d’intervention
- la crise
sanitaire a d’ailleurs été l’occasion de tester la réactivité des différents
acteurs.
L’adaptation à la crise sanit
aire
La
réalisation
d’actions
au
format
collectif,
format
très
majoritairement financé par les conférences des financeurs, a été suspendue.
Plusieurs porteurs de projets ont spontanément modifié leurs modalités
d’intervention et proposé des appels quotidi
ens dits de convivialité ou
d’autres actions en distanciel.
L’accent a été mis, dans les orientations nationales, sur la nécessité de
prioriser les actions portant sur le maintien du lien social, la lutte contre
l’isolement et le risque de dépression, le maintien d’une activité physique et
d’une alimentation adaptée.
Exceptionnellement, au regard des articles de loi qui encadrent les
conférences, des formats d’actions individuelles ont pu être mis en œuvre et
financés pendant cette période.
196
Adossée à un outil d’évaluation, SIREVA (Support Inter Régimes d’EVAluation) que
la MSA n’utilisait pas jusqu’à présent.
197
Aucun autre régime ne s’est saisi de cette possibilité.
198
Cycle de 3 à 12 ateliers « Bienvenue à la retraite », vitalité, mémoire (PEPS Eureka),
équilibre (prévention des chutes), sommeil, nutri activ’, etc.
199
Ateliers d’inclusion numérique, «
En voiture, je me rassure », pièces de théâtre à visée
de sensibilisation
…
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ANNEXES
139
En Bourgogne-Franche-Comté, les modalités de dispensation des
« Ateliers Bons Jours » ont été revisitées :
-
ateliers en présentiel suspendus mais poursuivis avec du coaching
individuel téléphonique portant sur la thématique de l’atelier interrompu
;
-
digitalisation accélérée : les contenus ont été adaptés, comme les modalités
pédagogiques, afin de proposer des ateliers à distance et les animateurs ont
été formés à la gestion de classes virtuelles ;
-
des conférences sur les thèmes de la prévention du bien vieillir ont été
rendues accessibles au grand public grâce à un partenariat avec Happy
Visio.
L’Agirc
-Arrco, un acteur important qui devrait être intégré
à l’interrégimes
L’Agirc
-
Arrco, qui doit intégrer l’interrégimes en 2021, d’abord au
niveau national, puis au niveau territorial, a consacré pour sa part en 2019
plus de 402
M€
à des dépenses d’action sociale, toutes n’étant pas dirigées
vers les personnes âgées.
La structuration de ce régime en groupes de protection sociale
200
(AG2R la Mon
diale, Klésia, Agrica…) fédérés au sein de l’Agirc
-Arrco rend
toutefois complexe la connaissance des actions menées
201
. De plus, dans leur
communication, les groupes de protection sociale omettent souvent de
rappeler qu’ils agissent pour le compte de la retr
aite complémentaire : leurs
interventions contribuent à améliorer leur image et servent, au moins
indirectement, la cause de leurs actions concurrentielles
202
.
Trois orientations prioritaires en direction des personnes âgées ont été
définies : « agir pour le bien vieillir » (108,8
M€), «
soutenir et accompagner
les proches aidants » (29,9
M€) et «
accompagner l’avancée en âge en perte
d’autonomie
» (120,3
M€), la première, dont le détail figure dans le tableau
ci-dessous, étant pleinement dans le champ de cette enquête.
200
Qui proposent, outre la retraite complémentaire obligatoire, une protection sociale
complémentaire en matière de frais de santé, de prévoyance, d’épargne salariale.
201
La fédération ne dispose d’aucune remontée de données fines des groupes de
protections sociale sur les bénéficiaires des aides individuelles.
202
Action soci
ale de l’
Agirc-Arrco
. Observations définitives de la Cour, 2018.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
140
Tableau n° 16 :
détail des dépenses « Agir pour le bien vieillir »
En €
2019
Développer et soutenir des dispositifs de prévention primaire
dès 45 ans
48 057 580
Favoriser les dispositifs conçus pour un accompagnement
global de la personne vers le bien vieillir
27 543 436
Anticiper les ruptures administratives et sociales
et les prévenir
15 560 412
Participer sur les territoires au déploiement des actions
de prévention avec les régimes de base
6 842 600
Centres de prévention bien vieillir Agirc-Arrco : pilotage
et publications
10 805 070
Total général
108 809 098
Source : Fédération Agirc-Arrco
Les 14
centres de prévention
de l’Agirc
-Arrco (pour un budget
annuel d’un peu plus de 10
M€) réalisent des bilans de prévention médico
-
psycho-sociaux pour les personnes de plus de 50 ans salariées du secteur
privé
203
. Leur particularité, reconnue, consiste en l’intervention d’un binôme
médecin/psychologue qui favorise la prise de conscience des leviers
existants pour que la personne agisse et modifie ses habitudes de vie
204
. La
feuille de route de l’action sociale pour la période 2019
-2022 prévoit de faire
de ces centres de prévention, des références reproductibles, accessibles au
plus grand nombre, orientation pertinente vu le nombre limité de centres.
De nombreuses actions de prévention sont réservées aux seuls
ressortissants des groupes de protection sociale. Toutefois, quelques-unes
so
nt mutualisées et portées par un ou plusieurs groupes pour l’ensemble de
l’Agirc
-
Arrco. Elles sont alors plus visibles. L’offre proposée aux plus de
75 ans (qui peut bénéficier à tous les retraités quel que soit leur
GIR moyennant contribution) comprend une action dénommée « Sortir
plus » qui met à la disposition des personnes âgées un accompagnement pour
le déplacement (courses, coiffeur, loisirs, etc.), une aide à domicile
momentanée, attribuée en cas d’incapacité temporaire ou d’absence de
l’aidant et le
diagnostic « Bien chez moi
» qui permet, avec l’aide d’un
ergothérapeute de repérer les éventuels facteurs de risques d’accidents
domestiques. Le nombre de bénéficiaires de ces actions est toutefois limité.
203
Dans certains régions, d’autres partenaires (collectivités locales, …) adhèrent au centre
de prévention (statut associatif) afin de permettre à leurs publics d’y accéder.
204
Il ne s’agit pas
d’un bilan de santé du type de ceux réalisés par les centres d’examen
de santé des Cpam
, il n’y a notamment pas d’examen biologique.
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ANNEXES
141
Tableau n° 17 :
montant et bénéficiaires de trois prestations modélisées
au niveau national
En €
Montant
Nombre
de bénéficiaires
Sortir plus
15 790 431
65 764
Aide à domicile
momentanée
8 163 609
34 899
Bien chez moi
2 450 379
5 202
Total général
26 404 419
105 865
Source : Fédération Agirc-Arrco
Une offre «
retour d’hospitalisation
» est également expérimentée à
Paris avec l’assurance retraite.
Au total, on peut considérer que l’Agirc
-Arrco consacre environ 135
M€
(109+26
M€) à la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées.
Si une convention a
été signée en 2012 entre la Cnav, l’Agirc et
l’Arrco, ces dernières n’ont pas souhaité depuis participer au mouvement de
convergence des régimes. Par ailleurs, les comités régionaux de coordination
de l’action sociale, créés en 2007 sans personnalité moral
e, fonctionnent de
manière inégale
205
. Les Carsat disposent d’une faible visibilité sur l’action
sociale menée par les groupes de protection sociale.
L’Agirc
-
Arrco doit intégrer l’interrégimes en 2021, d’abord au niveau
national, puis au niveau territorial (expérimentation fin 2021). La
structuration actuelle des groupes de protection sociale, sans compter les
réticences de certains d’entre eux à s’engager dans cette coopération rend le
projet complexe à mener à bien.
Une structuration de l’interrégimes sour
ce de risques juridiques
La structuration locale de l’interrégimes s’est construite de manière
désordonnée au cours des dix dernières années, sans cadrage suffisant. Il en
résulte un patchwork d’initiatives plus ou moins heureuses. L’état des lieux
conjoint dressé en 2017 par la
C
nav
, le RSI et la MSA n’a amené aucun
changement, malgré le constat d’une extrême hétérogénéité des pratiques de
gouvernance, de pilotage et de ressources humaines.
205
Leur composition dépend de la volonté de chaque groupe de protection sociale
d’en
faire partie et ces derniers ont très inégalement souhaité participer à la dynamique
proposée.
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COUR DES COMPTES
142
Des statuts disparates
À partir de 2011, pour répondre à la demande des caisses nationales
(Cnav, MSA et RSI) de créer des structures interrégimes, cinq Carsat
206
ont
fait le choix de rejoindre les associations d’éducation et prévention sur les
territoires (Asept) de la MSA, les autres créant des structures ad hoc, prenant
la forme d’associations, de groupements d’intérêt économique (GIE) ou de
groupements de coopération sociale ou médico-sociale
207
(GCSMS)
associant notamment MSA et RSI.
La carte n° 4
du rapport illustre l’intrication des organisations.
« Offre de service MSA » et interrégimes
Pour répondre aux besoins sociaux du monde rural, la MSA a développé
dès 2001, une « offre de services sur le territoire »
208
et a encouragé ses caisses
locales à créer en 2006 des Asept, opérateurs de promotion de la prévention sur
les territoires ruraux. Le législateur a accompagné cette orientation stratégique,
mais comme l’a souligné la Cour dans son rapport récent
209
, le manque de
pilotage de l’offre de service au niveau national est patent.
Parmi les 19 Asept
210
, 6 sont interrégimes tandis que 13 sont uniquement
des structures opératrices. Les Asept, qui comptent en moyenne 5,8 ETP (105
ETP au total, dont 20 mises à disposition) sont financées à hauteur de 40 % par
les conférences des financeurs
211
. Elles s’appuient également sur des
animateurs
bénévoles (205 personnes) dont le nombre a beaucoup diminué. Elles assurent
des actions de prévention en collaborant dans la majorité des cas avec des
prestataires
212
. En 2019, près de 80 000 personnes, majoritairement des seniors,
ont bénéficié des actions collectives organisées
213
.
206
Les Carsat d’Alsace
-Moselle (1993) et de Bourgogne-Franche-Comté (2006) avaient
devancé ce mouvement et entamé plus tôt une coordination interrégimes.
207
La possibilité pour un organisme de sécurité
sociale de pouvoir s’associer dans un
GCSMS est incertaine à ce stade et fait l’objet de controverses juridiques au sein de
l’Assurance retraite, la Cnav estimant une analyse juridique plus poussée nécessaire. On
compte quatre GCSMS interrégimes : Evadora en Alsace Moselle, Défi autonomie dans
le Hauts de France, Prif en Ile de France, Atout prévention en Rhône-Alpes, Preva (MSA)
en Midi-Pyrénées.
208
Articles L. 723-3 et L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime.
209
La mutualité sociale agricole
, Rapport publique thématique, Cour des comptes.
210
Ne sont pas couverts par une Asept les territoires en blanc sur la carte.
211
25 CMSA déclarent avoir subventionné l’Asept de leur territoire pour un total estimé
à 1,6
M€ en 2019 (source CCMSA, enquête flash).
212
Recrutement, organisation de la formation et suivi des animateurs de ces actions.
213
Source
: Rapport d’activité
Asept 2018-2019.
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ANNEXES
143
Si quelques structures ont une réelle autonomie de gestion
214
,
d’autres, dirigées par les cadres des caisses et/ou bénéficiant uniquement de
salariés mis à disposition, sont intégrées de facto à la Carsat ou à la MSA.
Cette situation ambigüe comprend des risques juridiques, la solidarité
financière de la Carsat ou de la MSA pouvant être mise en jeu et ces caisses
pouvant être considérées comme le réel employeur des salariés de la
structure.
Le tableau 2 de l’annexe 7 inf
ra détaille statuts et organisations dans
les territoires des 16 Carsat. Quelle que soit la structure interrégimes, le poids
de la MSA varie fortement allant de la parité des voix avec la Carsat
(Bourgogne-Franche-Comté, Nord-Est, Alsace-
Moselle …) dans la
moitié
des structures à 20 % des voix (Hauts-de-France).
Par ailleurs, les 20 structures interrégimes examinées par la Cour
disposaient, en 2019, de près de 13,6
M€ de disponibilités pour un budget
consolidé de 24
M€. Cette accumulation de trésorerie pos
e la question du
calibrage des subventions aux projets financés, du suivi de l’exécution des
programmes par les financeurs. Il n’apparaît ni utile, ni de saine gestion que
se constituent de telles réserves.
Des organisations illisibles
Indépendamment du st
atut retenu, les organisations de l’inter
-régimes
rencontrées sont de trois types :
-
Asept (MSA), parfois chapeautées lorsqu’elles sont plusieurs par une
structure faîtière (Aquitaine) ;
-
structure mettant en commun les financements de l’inter
-régimes et
fin
ançant des projets dans le cadre d’appels à projet communs. La
structure a peu de salariés directs, le plus souvent mis à disposition ;
-
structure inter-
régimes assurant également l’évaluation à domicile avec
des salariés qu’elle encadre, soit au sein de la
même entité (en
Bourgogne-Franche-Comté avec un GIE
215
et en Auvergne avec une
Asept), soit dans une seconde structure
216
.
214
Avec un salarié chargé de la coordination, un site internet et des adresses méls dédiées.
215
En outre, l’organisation et le suivi des actions est réalisé par
un coordonnateur
départemental différent dans chaque département (mutualité française, fédération des
centres sociaux dans la Nièvre, Asept BFC, etc.).
216
GCSMS en Alsace-Moselle, GIE dans le Nord-Est.
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144
L’association imparfaite des petits régimes aux interrégimes locaux
L’association de l’ensemble des régimes de retraite aux interrégimes
locaux est nécessaire pour déployer sur les territoires une politique commune
de prévention de la perte d’autonomie qui ne délaisse pas une partie des
retraités rattachés à de plus petits régimes.
Toutefois, l’exemple de l’adhésion de la CNRACL aux structures
locales de l’inter
-régimes
217
, processus complexe et chronophage et inachevé
outre-
mer, ne peut raisonnablement pas être étendu à l’ensemble des régimes
spéciaux.
À titre d’exemple, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel
de la SNCF (250
000 retraités), intégrée à l’interrégimes retraite au sein du
GIP Union retraite, regrette son isolement sur les thématiques du « bien
vieillir » et la difficulté à nouer des partenariats locaux au vu de
l’hétérogénéité de la gouvernance.
Pour ajouter encore à la complexité, les caisses de MSA de Lorraine
et de Mayenne-Orne-Sarthe
218
étant à cheval sur deux Carsat, ces caisses
travaillent donc avec deux associations inter-
régimes, l’association Label
Vie et une Asept, dont le périmètre ne coïncide pas avec celui de leur région.
La mise en cohérence des territoires MSA avec les régions administratives
apparaît nécessaire.
En 2020
219
, la Cour avait mis en évidence l’expansion d
ésordonnée
de l’offre de services de la MSA ainsi que des risques juridiques et financiers
insuffisamment maîtrisés liés à la présence d’administrateurs et d’agents de
direction des caisses de la MSA dans les instances dirigeantes de ces
associations. Or, cette situation perdure.
Des objectifs hétérogènes
Les objectifs assignés à la structure inter-régimes ne sont pas
homogènes entre financeur et opérateur. De ce point de vue, la place des
Asept
conservant des fonctions d’opérateur est particulièrement amb
iguë.
217
Le financement des structures partenaires de la CNRACL s’effectue au prorata du
nombre de retraités domiciliés dans chaque territoire. En fonction des structures, la
CNRACL est simple financeur (à hauteur d’1 M€ environ au total) ou membre du conseil
d’administration. Elle tente alors de promouvoir certains sujets comme l’inclusion
numérique même si elle participe rarement aux instances en l’a
bsence de représentation
régionale de la CNRACL.
218
De plus, cette caisse relève également deux agences régionales de santé.
219
La mutualité sociale agricole
, Rapport publique thématique, Cour des comptes.
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ANNEXES
145
L’appartenance à une structure inter
-
régimes n’interdit pas par
ailleurs les caisses de mener leurs propres actions, en autonomie. Le cas de
figure, souhaitable, des Carsat Pays-de-la-Loire, Normandie et Auvergne où
l’ensemble des actions transitent
par l’inter
-régimes est minoritaire
220
. La
plupart des autres caisses ont conservé une offre qu’elles financent
directement (notamment les subventions versées aux centres sociaux).
D’autres
encore
(Midi
-Pyrénées,
Languedoc-Roussillon,
Nord-Est)
proposent de nombreux ateliers prévention grâce à un appel à projet propre
ou mené en partenariat avec l’ARS.
A contrario
, en Aquitaine et Rhône-
Alpes, l’inter
-
régimes n’est qu’une des modalités d’action auprès des
retraités
221
. Enfin, certaines réservent l’innovation à
l’inter
-régimes (Rhône-
Alpes par exemple), tandis que la majorité fait le choix contraire.
Ces choix stratégiques opposés expliquent que certaines structures inter-
régimes bénéficient de financements de la conférence des financeurs, alors que
d’autres n’e
n demandent pas (Bretagne, Centre-Ouest, Languedoc-Roussillon),
estimant préférable que les conseils départementaux financent directement les
Asept, opérateurs de la politique de prévention.
Professionnaliser et homogénéiser l’évaluation réalisée par délég
ation
Les Carsat recourent, dans la majorité des régions, à plusieurs
partenaires (26 dans le cas extrême des Pays-de-la-Loire) pour la réalisation
des évaluations des besoins à domicile (cf. carte n°3 du rapport et tableaux 1
et 2 de l’annexe 7). Les Clic
et les associations représentaient la majorité de
ces structures en 2018. Cette situation disparate ne permet pas de garantir
une qualité de service homogène.
Les conseils départementaux, disposant de travailleurs sociaux, étaient
historiquement nombreux à assurer les évaluations pour le compte des Carsat.
Pour des différentes raisons et vue la faible rémunération des évaluations, on ne
comptait plus en 2018 que quatre départements dans ce cas.
220
Par ailleurs, la Cnav Ile de France teste uniquement des offres spécifiques dans le cadre
d’appels à projet et la C
arsat Sud Est a indiqué
qu’un basculement vers l’
Asept des actions
restantes était prévu
afin de concentrer ses ressources internes au développement d’offres
innovantes.
221
La Carsat Rhône-Al
pes fait le choix de faire porter par les caisses membres l’offre
socle, soit 72 % du programme régional.
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146
L’exemple de la Seine
-et-Marne
Les Carsat, ne disposant pa
s d’équipes de travailleurs sociaux pour
réaliser les évaluations à domicile du degré de dépendance des personnes
âgées, les ont déléguées à des associations, aux Clic
222
, aux CCAS ou aux
conseils départementaux, moyennant compensation financière.
En Seine-et-Marne, le département assurait depuis 2008 ces
évaluations et, de ce fait, la reconnaissance mutuelle des GIR entre Carsat et
département était mise en œuvre.
En 2015, comme la plupart des départements, la Seine-et-Marne a
cessé de réaliser ces évaluations à la suite de la création de la plateforme
Cnav’Eval 77 mais la reconnaissance mutuelle s’est poursuivie. Une nouvelle
convention de reconnaissance mutuelle a été signée avec la Carsat en 2019
(mais pas avec la MSA).
Les structures privées sont à peine plus nombreuses. La majorité des
structures emploient moins de 24 salariés. Le nombre d’évaluations
annuelles réalisées varie de moins de 500 pour les CCAS à plus de 10 000
pour les structures interrégimes
223
.
Le « groupe MSA »
224
compte douze associations réalisant des
évaluations à domicile, employant 129 ETP. La taille de ces associations
(2 à 30 ETP) et le nombre variable d’évaluations réalisées par salarié
contribuent à expliquer des situations financières hétérogènes. Le soutien
financier de la MSA reste faible (62 022
€ pour un chiffre d’affaires de
7,6
M€ en 2019).
Les caisses de retraite dans quatre régions
225
ont fait le choix de créer
une structure
ad hoc
pour assurer une évaluation commune : « considérant
que la qualité des évaluations à domicile constitue une pierre angulaire pour
l’action sociale des institutions de retraite, les membres fondateurs comptent
intervenir au domicile des personnes avec des personnels spécialisés, aux
savoir-faire et aux compétences validés par une formation spécifique et un
encadrement dédiés
» (GIE Impa). Il n’en reste plus que trois.
222
Centres locaux d'information et de coordination gérontologique.
223
Bilan de l’évaluation du dispositif national de formation.
224
Le groupe MSA, qui n’a pas d’existence juridique, comprend la MSA et les
203 associations comptant 9 790 salariés de son offre de service.
225
Alsace Moselle, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France (cf. encadré) et Nord-Est.
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ANNEXES
147
La dissolution du GCSMS des Hauts-de-France
La Carsat des Hauts-de-France a dissous fin 2020 sa structure
d’évaluation interrégimes, créée en 2011 avec un statut de GCSMS. Elle
comptait 31 salariés et son délégué était le directeur de la Carsat.
Le modèle économique de cette structure était fragile, les charges de
gestion assurées par la Carsat n’étant pas compensées et les salariés
bénéficiant d’avantages généreux (notamment des voitures de fonction). Le
recrutement était empreint de népotisme. L
’imbrication des structures était
problématique. À l’occasion du licenciement d’une salariée du GCSMS pour
inaptitude, l’inspection du travail a évoqué une obligation de reclassement au
sein de la Carsat.
Les évaluations de la Carsat Hauts-de-France sont désormais prise en
charge par l’association Santélys recrutée dans le cadre d’un appel d’offres
prévoyant le transfert des anciens salariés du GCSMS.
La création d’une structure inter
-régimes
ad hoc
permettant de piloter
la qualité du service rendu aux personnes âgées présente de réels avantages
mais nécessite un investissement en gestion. Assortie d’un pilotage resserré,
le recours à un ou deux prestataires extérieurs solides apparaît une bonne
alternative. En revanche, il apparaît impossible d’avoir une r
elation suivie
avec plus de trois structures, ce qui est pourtant le cas de dix Carsat.
Il est en effet important que les personnels des structures d’évaluation
suivent régulièrement des formations
226
et qu’ils aient une approche de
prévention globale : connaissance du domicile, compétence en matière
d’accès aux droits des retraités, etc. Dans l’hypothèse d’un rattachement des
services sociaux aux Cpam recommandé par la Cour dans le Ralfss 2020, il
conviendra que ces structures montent encore en compétence, assurant alors
des interventions délicates comme les ARDH.
226
En Bourgogne-Franche-
Comté l’équipe du GIE Impa,
ayant le diplôme universitaire
d’évaluateur social de l’autonomie des personnes âgées à domicile suit des formations sur
la grille Fragire, sur la prévention des risques domestiques et professionnels à domicile.
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COUR DES COMPTES
148
Annexe n° 6 :
l
es conditions d’attribution
des aides à l’adaptation au logement
Financeurs
Age
Plafond de ressources
mensuelles pour
une personne seule
Montant subvention
Anah
• 60 ans
• ménages aux ressources
modestes : 1 580
€ pour une
personne seule hors IDF
• taux maximal de 35
%,
plafonné à 20 000
€ HT
• ménages à ressources très
modestes : 1 233
€ pour une
personne seule hors IDF
• taux maximal de 50
%
plafonné à 20 000
€ HT
Action logement
(jusqu’en
2021)
• 70 ans
ou
• 60 ans si perte
d’autonomie
(GIR 1-4)
• 1
766
€ (ville moyenne)
• 5
000
€ maximum
sans reste à charge
Carsat et ex SSI
227
• retraité
(GIR 5-6)
• jusqu’à 1 455 €
• de 30 à 65
% de participation
selon les ressources avec un
plafond de 2
500 € à 3 500 €
Fonction publique
d'État
• 55 ans et +
(GIR 5-6)
• alignement sur barème
Cnav
• alignement sur barème
Cnav
SNCF
• 65 ans et +
(GIR 5-6)
• 1 805 €
• de 804 € à 3
016 € maximum
ENIM
• 65 ans (60 ans
si incapacité totale)
• 1 137 €
• 95
% des frais exposés dans
la limite de 3 000 €
CNRACL
retraité
• revenu fiscal de référence <
17 000 €
amélioration : de 5 000€ à
10 000 €
adaptation
de 7 500 € à 15 000 €
MSA
228
• 60 ans et +
(GIR 5-6)
• 1 100 €
• 750 € maximum
CMCAS IEG
• 55 ans et +
• 1 439 €
• de 2 500 € à 3 500 €
maximum
IRCANTEC
retraité
• 1
872
€
229
• 1 500 € maximum
AG2R
retraité
• 1
550
€
230
• 1
500
€ maximum –
autonomie ;
• 2
700
€ maximum –
énergie ;
• 5
000
€ maximum
- travaux
lourds
Source : ANAH, Action Logement, Soliha.
227
Quelques orientations locales peuvent être prises par les Carsat.
228
Les caisses locales de MSA ont toute latitude pour négocier dans le cadre de leur action
sociale les prestations avec les opérateurs habitat. Une convention cadre nationale de
partenariat pluriannuelle entre la CCMSA et la Fédération Soliha en précise les priorités.
229
22 463
€
annuels.
230
18 598
€
annuels.
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ANNEXES
149
Annexe n° 7 :
les chutes : une mise en perspective
internationale
Des données «
Global burden of disease
» préoccupantes
pour la France…
Une problématique propre à certaines régions du globe
La question des chutes est une problématique propre à certaines
régions du monde. Comme le montre la carte ci-
dessous, l’Europe de l’ouest
est concernée par ce sujet de santé publique avec une incidence globale de
12 766 cas pour 100 000 habitants de plus de 70 ans (données de
Global
burden of disease
). C’est dans cette région que sont localisés les pays qui
enregistrent les plus hauts taux d’incidence. Le Canada et l’Australie sont
également affectés.
Carte n° 9 :
nombre de chutes pour 100 000 habitants de 70 ans
et plus (données déclaratives)
Source : Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME)
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COUR DES COMPTES
150
Parmi les facteurs explicatifs de ces différences, on compte la
prévalence de l’ostéoporose
231
(en lien avec l’exposition au soleil et la
pigmentation de la peau), des facteurs génétiques, l’alimentation et des
habitudes de vie (s’asseoir en tailleur ou dormir sur un futon serait
protecteur).
L’Europe, une région
particulièrement affectée
Les résultats
Global Burden of Disease
232
sont principalement issus
d’enquêtes déclaratives
233
basées sur l’administration de questionnaires à la
population de 22 pays européens en 2017
234
, en particulier à partir de la
réponse à la question
« Pendant les 6 derniers au moins, avez-vous chuté ? »
.
Comme le montre la carte ci-
dessous, la Norvège a le taux d’incidence
le plus élevé (19 796 chutes pour 100 000 habitants de plus de 70 ans). À
l’inverse, la Grèce a le taux d’incidence le plus faible avec 7
594 cas pour
100 000 habitants de plus de 70 ans. Cela est à mettre en relation avec la
prévalence de l’ostéoporose mentionnée précédemment, qui est plus élevée
dans les pays nordiques où l’exposition au soleil est moindre
235
.
Parmi les pays plus particulièrement étudiés dans l
’analyse comparée
de la Cour, la France a les plus mauvais résultats européens, après la
Norvège, avec un taux d’incidence de 17
682 (6
ème
position sur 22), viennent
ensuite la Suède (10
ème
), les Pays-Bas (12
ème
), le Danemark (13
ème
), le
Royaume Uni (16
ème
) et enfin l’Espagne avec un taux d’incidence de 10
161
qui se situe au 18
ème
rang.
231
L'ostéoporose est une maladie diffuse du squelette caractérisée par une diminution de
la densité osseuse et des altérations de la microarchitecture des os. Ces altérations rendent
l'os plus fragile et augmentent le risque de fracture. Des études montrent que la prévalence
de cette pathologie est corrélée au niveau d’ensoleillement et à la carence en vitamine D
associée.
232
Haagsma JA, Olij BF, Majdan M, et al.,
Falls in older aged adults in 22 European
countries : incidence, mortality and burden of disease from 1990
. Inj Prev 2020, i67-74,
accessible sur https://doi.org/
233
Les données déclaratives du GBD
peuvent souffrir d’
imprécision sur les méthodes de
collecte par pays et limiter de ce fait les comparaisons.
234
Börsch-Supan, A.
Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe (SHARE) Wave
5. Release version: 1.0.0
. SHARE-ERIC, 2015 available at https://www.share-
project.org/
et
les
Archives
de
données
de
l’OMS
235
Il
serait intéressant d’analyser ces chiffres en relation avec les données de prévalence de
l’ostéoporose au sein des populations de chaque pays. Cela
ne semble pas avoir été fait.
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ANNEXES
151
Carte n° 10 :
incidence et taux de mortalité des chutes en 2017
pour 100 000 habitants de plus de 70 ans
Source
: Cour des Comptes, données issues de l’outil des données Global Burden
of Disease
236
En ce qui concerne la mortalité associée à ces chutes, la France se
situe derrière la Norvège et les Pays-Bas, qui affichent tous deux des taux de
mortalité liée aux chutes autour de 150 décès pour 100 000 habitants de plus
de 70 ans contre 133,5 pour la France. À la suite du classement se trouvent
la Suède (8
ème
), le Danemark (9
ème
), le Royaume-Uni (14
ème
) et l’Espagne
(19
ème
). Le classement est donc assez similaire à celui de l’incidence, hormis
pour les Pays-Bas où les chutes sont assez rares mais conduisent souvent à
un décès.
Cette étude du
Global Burden of Disease
montre également que 2,7 %
des décès en France sont causés par les chutes, ce qui est la plus grande
proportion en Europe de l’Ouest après la Norvège, et que la réduction du
nomb
re d’années de vie sans incapacité est à 4,1
% due aux chutes, un chiffre
qui place la France 2
ème
, derrière la Suisse.
236
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
152
Tableau n° 18 :
décès par chutes accidentelles en France
chez les 65 ans et plus et taux de mortalité en 2016
Classes d'âge
Chutes totales
Femmes
Hommes
Nb
Taux pour
100 000 hab
Nb
Taux pour
100 000 hab
Nb
taux pour
100 000 hab
65-74 ans
757
11,5
261
7,5
496
16,0
75-84 ans
2 223
54,9
1 121
47,5
1 102
65,0
85 ans et plus
7 267
350,7
4 741
332,3
2 526
391,4
Total
10 247
12,4
6 123
11,3
4 124
14,4
Source : Santé publique France (Cépidc) : Nb de chutes et taux de mortalité par âge et taux de mortalité total
selon l’âge et le sexe, France, 2016.
La comparaison des dynamiques danoises et françaises est
intéressante : comme évoqué
supra
, le Danemark a un classement assez bon
par rapport à la France en terme d’incidence des chutes, ce qui indique que
peu de Danois âgés chutent, bien que l’ostéoporose soit plus répandue au
Danemark qu’en France. De plus, les Danois semblent moins fréquemment
décéder des su
ites d’une chute. Enfin, le nombre d’années de vie perdues ou
vécues en incapacité à cause des chutes est plus faible au Danemark qu’en
France. Ce nombre est de 2 162 années pour 100 000 habitants du Danemark
de plus de 70 ans contre 2 812 années en France, ce qui signifie que les
Danois sont moins impactés par une chute dans leur santé à long-terme que
les Français. L’étude de l’évolution de cet indicateur, montre en outre une
forte décroissance au Danemark entre 1999 et 2017 (- 43 %).
Confirmées par des données objectives sur le nombre
d’hospitalisations à la suite de chutes
Pour éviter les biais liés aux enquêtes déclaratives, la Cour a recueilli
des données auprès de sept pays sur le nombre d’hospitalisations en raison
d’une fracture du col du fémur
237
de 65 ans et plus en 2019. La France a un
taux d’incidence plus élevé que les Pays
-Bas, le Danemark, le Royaume-
Uni
238
, pays pourtant situés plus au nord que la France.
237
Col du fémur (S72.0), trochantérienne (S72.1) ou sous-trochantérienne (S72.2).
238
Au Royaume-
Uni (hors Ecosse), où il n’a été possible d’obtenir que les données 2018
pour les 60 ans et plus, ce taux est de 0,45 % contre 0,49 % en France.
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ANNEXES
153
A contrario
, l’Espagne présente une prévalence élevée (0,7
%) au
regard de sa situation géo
graphique par rapport à la France. L’ostéoporose y
semble une problématique très présente
239
.
Graphique n° 12 :
t
aux d’incidence des fractures du col du fémur
240
en 2019 pour les 65 et plus dans six pays
Source
: Cour des comptes, d’après DHFA
-DICA registration pour les Pays-Bas, Danish
multidisciplinary hip fracture registry
241
.CHU de Toulouse et Insee pour la France
242
, Conseiller
aux affaires sociales pour l’Espagne, Ministère des affaires sociales suédois, Norwegian Hip
fracture register (seules 90% des fractures sont enregistrées).
Ne figurent pas sur ce graphique le taux d’incidence pour le Japon,
qui semble, bien qu’en augmentation, particulièrement faible (0,12
% en
2017 pour la totalité des fractures de la hanche S 72.0 à S 72.9), ce que peut
expliquer en partie un système de recueil de données différent.
239
L'ostéoporose est un trouble squelettique qui affecte trois millions de personnes en
Espagne. L’
altération de la résistance osseuse prédispose la personne à un risque plus
élevé de fractures, en particulier de la hanche (la plus grave), de la colonne vertébrale (la
plus fréquente) et des poignets. Si les hommes y sont moins exposés, ils souffrent plus
sévèrement de cette pathologie.
240
Col du fémur (S 72.0), trochantérienne (S 72.1), sous-trochantérienne (S 72.2).
241
Période : du 1
er
décembre 2018 au 30 novembre 2019.
242
Le taux d’incidence étant légèrement sous
-
estimé, la clef de chainage n’ayant pu être
calculée dans le PMSI pour 0,5 % des séjours.
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COUR DES COMPTES
154
À l’inverse des populations européennes, la prévalence des fractures
vertébrales est au Japon bien plus importante que celle des fractures du col
du fémur
243
. Toutefois, l’écart d’incidence entre ces deux types de fractu
re,
toutes deux liées à l’ostéoporose, se réduit au fur et à mesure de
l’industrialisation rapide et de la disparition du mode de vie japonais
traditionnel (alimentation, utilisation de futons, etc.).
Des politiques de prévention souvent organisées par les communes
et un suivi précis des résultats grâce à des registres
Au
Danemark
, la politique de prévention des chutes prend la forme
d’un guide rédigé par l’Agence de santé publique et mis à disposition des
municipalités. Il insiste sur l’importance de l’ide
ntification des publics à haut
risque de chute. Certaines municipalités offrent des cours collectifs sur
l’importance d’une vie active, des programmes d’entraînement à domicile ou
collectifs, ou encore des entretiens médicaux individuels afin d’identifier
et
réduire les risques.
Pour la
Norvège
, un plan de prévention sur la période 2009-2018 a
été établi. Il vise notamment une meilleure saisie et remontée des données
relatives aux chutes (notamment type et profil du patient) ainsi que la
réduction de 10 % du nombre de fractures du col du fémur sur la période.
En
Suède
, les municipalités organisent des campagnes de prévention
et de communication autour du bien vieillir, par l’intermédiaire par exemple
d’un calendrier annuel d’astuces et conseils à destination
des personnes
âgées, de la promotion des salles de sport en plein-air ou encore des ateliers
d’échanges et de discussion autour des attentes des citoyens âgés. Tous âges
confondus, les fractures du col du fémur coûtent environ 1,5 Mds SEK
(150
M€) au syst
ème de santé par an, 2,3 Mds (230
M€) en prenant en
compte la réhabilitation. Il s'agit de l'intervention chirurgicale qui mobilise
le plus de ressources tout au long du parcours de soins.
Les actions menées au
Royaume-Uni
en matière de prévention des
chutes sont importantes (analyses économiques, kits de prévention, etc.). En
2007, a été créée la
National Hip Fracture Database
(NHFD), qui répertorie
les données et statistiques relatives aux fractures de la hanche à travers le
Royaume-Uni.
Des initiatives similaires de suivi chiffré centralisé de la part d’autres
pays étudiés sont à souligner : les Pays-
Bas, l’Espagne, et les trois pays
nordiques disposent également de registres en ligne répertoriant les
caractéristiques des patients souffrant de fractures de la hanche.
243
Bulletin de l’O
rganisation mondiale de la Santé
, Recueil d’articles
n° 1, 1999.
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ANNEXES
155
Quelques chiffres relatifs à l’Espagne
Selon les données recueillies par le registre national des fractures de la
hanche, en 2018 en Espagne, l’âge moyen des patients hospitalisés était de
87 ans, la durée de séjour était de 10 jours, 76 % étaient des femmes, 75 %
vivaient à domicile, 48
% recevaient un traitement contre l’ostéoporose et
37 % avaient un trouble cognitif. Ces données sont cohérentes avec les
résultats de l’étude réalisée par le CHU de Toulouse
(cf. annexe 1).
D’après le rapport Cequoa du LTC Network
244
, des études sur les
fractures de la hanche en Espagne estiment un coût moyen induit de 25 400
€
par patient atteint (incluant les soins, la réadaptation et le logement)
245
contre
un coût moyen de prévention de 1 197
€ par personne âgée
246
.
Le Collège Professionnel des Physiothérapeutes de la Communauté de
Madrid (CPFM) estime que les personnes âgées qui subissent une chute sont
deux à trois fois plus susceptibles de retomber
dans l’année et rapporte que
plus de 80
% des personnes âgées admises à l’hôpital pour des blessures le
sont suite à une chute (30 % des personnes de plus de 65 ans et 50 % de celles
de plus de 80 ans tombent au moins une fois par an). Selon le secrétaire
général du CPFM, 25 % des personnes âgées qui tombent subissent des
blessures qui réduisent leur mobilité et leur autonomie. Selon cet expert, les
blessures les plus fréquentes chez les personnes âgées sont les fractures de la
hanche, du genou ou du bas de la jambe, les blessures superficielles telles que
les plaies ouvertes et les traumatismes crâniens.
Pour cette raison, les physiothérapeutes des quatre communautés
autonomes susmentionnées ont émis une série de recommandations visant à
prévenir les chutes
247
.
244
M. Guillen, R. Alemany et al., 2017,
Quality and cost-effectiveness in long-term care
and dependency prevention,
Spain Report
,
Cequoa LTC network.
245
De la Torre, M., Rodríguez, J.C., Moreno, N., Jacinto, R.L.,Hernández, A., Deive, J.C.
(2012)
Estudio del impacto económico de las fracturas de cadera en nuestro
medio.
Trauma Fundación Mapfre 23 (1), 15
–
21.
246
Riskcenter (2014).
El programa Adaptació funcional de lallar de les persones grans
i/o dependents durant l’any2012:
avaluació del seu impacte social i econòmic
. Centre de
Vida Independent, Ajuntament de Barcelona i Fundació Vila Casas.
247
Article
Les chutes sont les principales causes de lésions chez les plus de 65 ans
,
magazine
60 y mas
, 2015.
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Réponses des
administrations
et organismes concernés
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Sommaire
Réponse du Premier ministre
..................................................................
161
Réponse du directeur général de la Caisse nationale d’assurance
maladie (CNAM)
....................................................................................
167
Réponse du directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse
(CNAV)
..................................................................................................
170
Réponse du directeur général de la Caisse centrale de la mutualité
sociale agricole (CCMSA)
......................................................................
174
Réponse du président du GIE AGIRC-ARRCO
.....................................
177
Réponse du président de l’as
sociation des maires de France (AMF)
.....
178
Réponse de la directrice
générale de l’agence nationale
pour l’amélioration de l’habitat (An
ah)
..................................................
183
Destinataire n’ayant
pas répondu
Monsieur le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie
Madame la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA)
Monsieur le président de l’Assemblée des départements de France (ADF)
Monsieur le président d’Action Logement Groupe
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
161
RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
Je tiens tout d’abord à saluer la qualité de la contribution de la Cour,
qui
va permettre d’enrichir la feuille de route de l’État, alors que le
Gouvernement structure une véritable politique de l’autonomie, à travers la
création en 2020 de la 5
ème
branche de sécurité sociale et sa concrétisation
par des mesures significatives portées dans le PLFSS pour 2022.
La transition démographique, qui est le reflet de l’arrivée dans le
grand âge des cohortes du baby-
boom et de l’allongement de l’espérance de
vie, est un défi majeur des années à venir, à la fois dans la construction de
nos
politiques sociales et de façon générale en vue d’adapter la société au
vieillissement de la population. Nous devons nous préparer à cette société
de la longévité qui nécessite de repenser le lien intergénérationnel et nous
invite à mieux prévenir et à acc
ompagner la perte d’autonomie, dans tous
les territoires.
Le choix fait par le Gouvernement, conforté par la crise sanitaire, est
d’abord celui de rénover en profondeur les structures d’hébergement qui
sont trop vétustes, et d’améliorer le quotidien des ré
sidents et les conditions
de travail des personnels qui y travaillent. Dans le cadre du Ségur de la
Santé, une enveloppe de 2,1
Md€ a été sanctuarisée pour financer un grand
plan d’investissement des établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépend
antes (EHPAD), qu’il faut rénover en profondeur et ouvrir sur
l’extérieur.
Cette transformation de la politique de l’autonomie doit aussi se
déployer en permettant de rendre plus attractifs les métiers de l’autonomie,
afin de faire face à l’accroissement d
es besoins nouveaux de prise en charge.
Pour les professionnels, le Gouvernement a décidé des mesures de
revalorisations
salariales
inédites
dans
les EPHAD
et
pour
les
professionnels soignants des structures médico-sociales, ainsi que pour les
salariés de
l’aide à domicile.
Enfin, le Gouvernement souhaite permettre aux personnes de vieillir
le plus longtemps chez elles, conformément au vœu quasi
-unanime des
Français. Les besoins d’accompagnement à domicile sont sans précédent si
nous voulons répondre à ce d
éfi, que d’autres pays d’Europe du Nord ont
déjà relevé. À cet égard, les mesures portées dans le PLFSS 2022 sont
inédites pour garantir le développement et l’amélioration de l’offre des
services à domicile.
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COUR DES COMPTES
162
Amplifier et suivre l’adaptation des logements
tout en simplifiant les
aides et en uniformisant les procédures (recommandation n°1)
Je partage le constat dressé par la Cour sur la complexité des aides
à l’adaptation des logements des personnes âgées, qui rejoint celui des
différents diagnostics et rapports existants sur le sujet.
Dans le cadre des réformes prioritaires portées par le ministère
chargé du logement, une gouvernance nationale a été mise en place dès
l’automne 2019, qui a permis d'approfondir la coordination entre opérateurs
nationaux. Ceux-ci, en 3 ans (2019-2021), auront été amenés à délivrer 200
000 aides directes à l'adaptation (Anah, Cnav, Action Logement), résultat
confirmant la réalité du besoin.
Pour aller plus loin, j’ai demandé, dans un courrier du 8 octobre
2021, aux ministres cha
rgées du logement et de l’autonomie, ainsi qu’à la
secrétaire d’
État en charge du handicap, sur la base des diagnostics et
préconisations existants, de me faire d’ici fin 2021 des propositions pour
amplifier, en lien avec les collectivités territoriales, l
’action pour adapter
les logements des personnes qui restent à domicile, harmoniser les aides
existantes, simplifier le parcours des demandeurs et tendre vers la mise en
place d’une
aide unique.
Cette feuille de route s'appuiera sur l'expérience importante acquise
par la CNAV et l’ANAH qui entretiennent déjà des collaborations
fructueuses. Elle bénéficiera notamment de l'expérience dont dispose
l'ANAH depuis deux ans dans le déploiement à grande échelle de l'aide à la
rénovation énergétique des logements privés "MaPrime Rénov'" et des
acquis dont dispose cet opérateur dans le partenariat avec les collectivités
territoriales, ses principaux dispositifs d'intervention étant historiquement
intégrés à des programmes territoriaux contractualisés.
Définir un objectif de santé publique ambitieux de diminution de
l’incidence des chutes (recommandation n°2) et encourager les
professionnels à infléchir leurs pratiques (recommandation n°3)
Chaque année, 2 millions de chutes de personnes âgées de plus de 65
ans sont responsables de 10 000 décès, la première cause de mortalité
accidentelle, et de centaines de milliers de pertes brutales d’autonomie,
souvent fatales ensuite. Ces chiffres persistent depuis plusieurs années, et
vont s’accentuer dans les années qui viennen
t avec la transition
démographique, si rien n’est fait pour enrayer le phénomène.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
163
Au-
delà du bilan humain, l’enjeu de limiter le coût annuel des chutes
pour la collectivité, que la Cour évalue à 1 milliard pour la seule assurance
maladie, hors APA et coût
d’hébergement en EHPAD, justifie d’autant plus
l’intensification des efforts de prévention.
Les diagnostics médicaux et sociétaux de risque de chute sont étayés
et convergents et les bonnes pratiques à mettre en œuvre sont souvent
connues des personnes âg
ées, relayées par l’entourage et les professionnels,
ou font l’objet d’actions de mobilisation.
Certains pays ont eu des actions volontaristes et affichent des
résultats satisfaisants (Pays-Bas, Danemark). En France également, une
politique de prévention v
olontaire d’envergure nationale paraît donc
largement souhaitable.
Ainsi que le recommande la Cour, le ministre des solidarités et de la
santé et la ministre déléguée à l’autonomie ont demandé à Mme Christine
Abrossimov, administratrice générale, par lettre de mission du 22 septembre
l’élaboration d’un «
plan triennal anti-chutes de personnes âgées
» d’ici la
fin de l’année 2021 pour réduire drastiquement à horizon 2025 le nombre
de chutes mortelles ou invalidantes.
Associant les ministères, la CNSA, la CNAM, la CNAV, les divers
opérateurs et les acteurs de la société civile, ce plan identifiera quelques
actions simples en faveur des personnes âgées, ciblées sur la prévention des
chutes et de leurs conséquences.
À
titre d’exemple, le plan encouragera le développement de l’activité
physique, dont je partage avec la Cour le caractère prioritaire, encadrée par
les professionnels, avec une plus grande proximité sur le terrain et une
mobilisation du réseau Sport-Santé piloté par le ministère des sports et le
ministère de la santé ainsi que des clubs sportifs, ou encore un accès élargi
à la téléassistance, avec la réduction du reste à charge et une meilleure
coordination avec les services de prévention.
Ainsi qu’il est recommandé, il s’appuiera sur le réseau des age
nces
régionales de santé (ARS), en charge de l’impulsion des programmes locaux
de santé publique et de leur coordination, qui disposeront d’outils leur
permettant de mobiliser les leviers identifiés pour y parvenir, en particulier
le recueil statistique pour suivre les chutes.
Il a été demandé au laboratoire CépiDC de l’institut national de la
santé et de la recherche médicale (INSERM), en lien avec Santé publique
France, un suivi des décès sur des bases clarifiées et à l’Agence technique
de l’information sur l’hospitalisation, en lien avec la direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), un suivi
du recours aux hospitalisations croisant les diagnostics de chute et de
traumatismes.
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COUR DES COMPTES
164
Outre l’impact attendu sur la réduction
de la mortalité, de la
morbidité, le maintien de l’autonomie des personnes âgées et la réduction
des dépenses de santé, ce plan volontariste et pragmatique permettra
d’intensifier la politique de prévention pratiquée par les professionnels de
santé.
De ce point de vue, le plan pour les métiers du grand âge, qui a permis
de revaloriser massivement les salaires des professionnels, en établissement
ou à domicile, comporte un important volet en faveur de la formation et de
la qualité de vie au travail. À
travers par exemple la création d’une
quarantaine de plateformes départementales de coordination pour les
métiers, des actions de sensibilisation à la prévention de la perte
d’autonomie pourront être menées, et contribuer à enrichir le contenu et
l’attrac
tivité de ces métiers.
Construire une offre graduée de prévention de la perte d’autonomie
que le département serait chargé de mettre en œuvre sur son territoire
(recommandation n°4)
Ainsi que le rappelle la Cour, le conseil départemental préside
actuellem
ent la conférence des financeurs de la perte d’autonomie
(CDFPA), mise en place par la loi d’adaptation de la société au
vieillissement. Les missions et les moyens des conférences des financeurs
continueront d’être renforcés à l’avenir. La mise en œuvre de
la réforme
autonomie votée en PLFSS 2022, qui va mobiliser des moyens considérables
inscrits dans la 5
ème
branche, contribuera aux objectifs partagés d’une
politique de prévention de la perte d’autonomie.
À
titre d’exemple de mesures nouvelles introduites
dans le PLFSS
2022, outre un tarif minimum imposé de 22 euros de l’heure pour les services
à domicile, une nouvelle « dotation qualité
» financée par l’
État à hauteur
de 500 millions d’euros d’ici 2025 pourra être utilisée pour renforcer la
qualité des services à domicile, la formation des personnels, ou encore
mener des actions de prévention de l’isolement.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
165
Le rôle de coordination des politiques de prévention de la perte
d’autonomie ne peut néanmoins pas être confié de manière exclusive aux
conseils d
épartementaux, compte tenu de l’enjeu d’équité territoriale dont
la CNSA doit se porter garante, et surtout de la nécessité d’impliquer
fortement les politiques de santé publique, qu’elles soient portées par les
agences régionales de santé (ARS) ou bien les caisses de sécurité sociale
(CNAM, action sociale des caisses, CNAV, AGIRC-
ARCCO…).
Le cadre des CDFPA doit ainsi être également investi pour
coordonner avec le département, l’
É
tat et l’action sociale des caisses la
politique de prévention de la perte d’
autonomie, en associant étroitement les
autres acteurs pouvant y contribuer, aux premiers rangs desquels les
communes et le monde associatif.
Renforcer le rôle de régulation de la CNSA vis-à-vis des
départements et de pilotage de la politique de prévention, en lien avec les
caisses nationales de sécurité sociale (recommandations n°5 et n°6)
La prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNSA
pour la période 2022-2025 doit permettre de conforter le rôle de la caisse
dans l’atteinte de l’objectif d’équité qui est au cœur de la promesse de la 5
ème
branche de la sécurité sociale.
D’ores et déjà, une nouvelle mission d’appui et de conseil
auprès des
départements, proposée en PLFSS 2022 et positionnée au sein de la CNSA
devra permettre d’accompagner et d’outiller les départements dans la
montée en puissance d’un véritable service public de l’autonomie.
Parallèlement, des moyens seront investis sur l’infrastructure SI de la
branche
autonomie,
notamment
via
le
déploiement
d’un
système
d’information sur l’aide personnalisée à l’autonomie (APA), de façon à
travailler sur un accompagnement plus homogène entre les territoires, et à
disposer de données relatives aux prestations versées et à leurs
bénéficiaires.
L’engagement de la CNSA devra aller au
-delà au service de la
prévention de la perte d’autonomie.
À ce titre, un « centre de ressources »
pour les aides techniques sera également créé dans le cadre de la future
COG, pour mieux prendre en charge l’enjeu que représentent ces aides pour
la prévention et l
a préservation de l’autonomie, en lien avec l’assurance
maladie dont le pilotage de la liste des prestations et produits remboursables
(LPPR) devra aussi faire place à ces enjeux d’autonomie en application du
PLFSS pour 2022.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
166
La mission de la CNSA
en
tant qu’opérateur de la politique de
l’autonomie a été largement confortée dans la période récente, avec en outre
la création d’un «
laboratoire des solutions de demain » pour repenser
l’offre d’hébergement, le déploiement national d’une politique d’habita
t
inclusif pour personnes âgées ou handicapées, ou des initiatives en ce qui
concerne l’isolement des personnes âgées ou les filières territoriales des
métiers, avec le relai dans les territoires des ARS et de leurs délégations
départementales.
Le choix qu
i a été fait dans le cadre de la réforme de l’autonomie est
celui de renforcer les moyens et de responsabiliser les différents acteurs de
la prévention, dans le cadre d’une coordination au plus près des territoires.
De la même manière, le programme ICOPE « Integrated Care for
Older People
» de l’OMS, qui repose sur la surveillance et le maintien de
fonctions essentielles des seniors, constituera un levier majeur de prévention
et de sensibilisation des professionnels, avec le lancement prochain d’une
expérimentation nationale de « dépistage multidimensionnel du déclin
fonctionnel lié à l’âge
» dans le cadre du dispositif expérimental de
«
l’article 51
».
Il convient aussi de mener des actions pour faciliter l’accès des aides
aux personnes âgées et leurs fam
illes. C’est ainsi par exemple que le portail
www.pourlespersonnesagees.fr
, géré par la CNSA, rassemble l’information
disponible
sur
l’offre
d’établissements,
ou
que
le
portail
www.maboussoleaidants.fr
aide à trouver les aides de proximité pour les
aidants.
L’ensemble de ces actions participeront de la construction collective
d’un «
véritable service public de l’autonomie
» pour nos aînés, comme l’a
évoqué le Président de la République lors de son adresse aux Français du 9
novembre dernier, et dont la politique de prévention de la perte d’autonomie
constitue un des maillons essentiels.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
167
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE NATIONALE
D’ASSURANCE MALADIE
(CNAM)
J’ai bien pris connaissance du projet de rapport public thématique
que vous m’avez fait parvenir dans le cadre de l’enquête sur «
Vieillissement
et prévention de la perte d’autonomie
» et je vous en remercie.
Ce rapport développe de nombreuses analyses et recommandations
partagées par l’Assurance Maladie. La Cnam en a pris connaissance non
seulement au regard de sa contribution à plusieurs politiques analysées dans
le rapport, mais également au titre du groupe Ugecam, dont certains
établissements accueillent des personnes âgées. A cet égard plusieurs pistes
(dépistage de la fragilité, réexamen des médicaments pris, prescription
d’activité physique adaptée) sont examinées avec intérêt en vue d’un
déploiement dans ces établissements.
De manière plus détaillée, je tiens à vous faire part des observations
suivantes :
S’agissant de la prévention des chutes
:
Le rapport recommande de mobiliser notamment le levier de
réduction de la prescription de psychotropes afin de lutter contre les chutes
des personnes âgées. La Cnam partage cette recommandation et mène des
actions de prévention de la iatrogénie médicamenteuse chez les personnes
âgées, tant auprès des médecins traitants que des EHPAD. Ainsi, entre 2008
et 2019, six campagnes d’accompagnement des EHPAD i
ncluant des volets
relatifs au recours aux psychotropes chez la personne âgée ont été conduites
par l’Assurance maladie. Cet accompagnement prend la forme de visites des
établissements, s’appuyant notamment sur la remise d’un profil prescripteur
de l’établissement pour amener l’équipe soignante à s’interroger sur sa
pratique
et
l’adéquation
des
prescriptions
dispensées
avec
les
recommandations de la HAS. Une campagne DAM sur la prescription
d’antidépresseurs chez les personnes de plus de 65 ans devait être
par
ailleurs déployée d’ici la fin de l’année.
S’agissant de la mobilisation de la ROSP pour orienter les pratiques
des médecins traitants dans le sens de la prévention de la perte
d’autonomie
:
Le rapport souligne que le levier que constitue la rémunération sur
objectifs de santé publique (ROSP) pourrait être mobilisé pour encourager
les médecins à certaines pratiques pertinentes pour la prévention de perte
d’autonomie des personnes âgées (dépistage de la fragilité, réexamen des
médicaments pris, prescri
ption d’activité physique adaptée). La Cnam
estime que cela pourrait être une piste de réflexion dans la prochaine
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
168
convention médicale, qui comportera parmi ses thématiques une révision de
la ROSP. Il convient toutefois de souligner que le constat établi a
ujourd’hui
avec les médecins est celui d’une ROSP devenue complexe (avec 29
indicateurs) et qu’il s’agira certainement de la simplifier, ce qui appelera
des discussions avec les partenaires conventionnels pour déterminer les
thèmes à promouvoir prioritairement. À noter que le rapport (p. 73) flèche
cette recommandation vers le ministère et la CNSA. Il conviendrait
d’identifier la Cnam comme pilote pour cette recommandation, la ROSP
étant définie par les partenaires conventionnels.
S’agissant du dispositif
PRADO personnes âgées et son articulation
avec les dispositifs d’accompagnement de la Cnav
:
Le rapport évoque une absence de coordination et même une
concurrence entre organismes de sécurité sociale via le dispositif d’Aide au
Retour à Domicile après Hospitalisation (ARDH) de l'Assurance retraite et
l'accompagnement « Prado Personnes âgées » de l'Assurance Maladie. Or
les dispositifs sont articulés et une coordination est en place. En effet :
- l'action sociale de l'Assurance Retraite propose aux retraités un
dispositif visant à financer des aides à domicile en sortie d'hospitalisation
(aide-ménagère, portage de repas, petites aides techniques). Ce dispositif est
sollicité durant l'hospitalisation et peut durer jusqu'à 3 mois. Un évaluateur
de la caisse de retraite prend contact avec le retraité à sa sortie pour évaluer
si les aides à domicile prévues sont adaptées à la situation, si une suite est à
prévoir au-delà des 3 mois et lui proposer l'ensemble des services de
prévention de la caisse de retraite ;
- l'Assurance
Maladie
propose
quant
à
elle
un
service
d'accompagnement du patient pour organiser son retour à domicile qui
intègre la prise de relais entre l'équipe médicale hospitalière et les
professionnels de santé de ville, mais également si besoin, la mise en place
d'aides à domicile dont le dispositif ARDH de l’Action sociale retraite et un
accompagnement par le service social de l'Assurance Maladie sur critères
de fragilité et pour les bénéficiaires d’une affection de longue durée.
Concrètement, lorsq
u’un patient retraité est accompagné dans le
cadre de Prado, il peut bénéficier du dispositif ARDH de sa caisse de retraite
si l’équipe médicale hospitalière a identifié un besoin d’aides à domicile à
sa sortie.
L’équipe médicale hospitalière, le service social de l’établissement et
le conseiller Assurance Maladie Prado vont œuvrer pour que le patient
retraité accède à l’ARDH de sa caisse de retraite.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
169
En outre, l’Assurance Maladie collabore régulièrement avec la Cnav
dans le cadre de la sortie d'hospitalisation au-delà de Prado. Deux exemples
peuvent être cités :
- Afin d'harmoniser les pratiques et de simplifier l'accès aux aides au
retour à domicile, la Cnam, la Cnav, la CCMSA et la CNRACL finalisent un
formulaire de demande unique pour tous leurs ressortissants. Ce formulaire
pourra être utilisé par tous les établissements de santé pour solliciter les
aides pour un patient relevant d'un de ces régimes, qu'il soit actif ou retraité,
adhérent Prado ou non. Sa mise à disposition des assurés est prévue au plus
tard en septembre 2021 ;
- En 2018, une expérimentation Cnam/Cnav s'adossant à Prado a été
menée, pour proposer une aide visant à répondre au besoin de réactivité de
mise en place des aides à domicile en sortie d'hospitalisation. Cette
proposition a été ensuite déployée pour les adhérents Prado non retraités
(20 premières heures d'intervention sans reste à charge pour l'assuré et
mobilisables immédiatement). C'est la même idée qui est reprise dans
l'expérimentation menée par la Cnav et l’Agirc
-Arrco à Paris depuis le 1er
juillet 2021. A nouveau, il n'y a pas d'opposition: si la Cnav et l'Agirc-Arrco
proposent un nombre d'heures sans reste à charge en sortie d'hospitalisation
mobilisables sous 48 heures, Prado utilisera ce nouveau dispositif plus
réactif pour les retraités du régime général.
S’agissant du déploiement du rendez
-vous « jeune retraité » par les
centres d’examen de santé de l’Assurance Maladie
:
S’agissant du démarrage, que la Cour estime insuffisant, du
rendez-
vous de prévention « jeune retraité » (EPS « jeune retraité »), je tiens à
souligner que les centres d’examens de santé de l’Assurance maladie ont vu
leur activité particulièrement perturbée par la crise sanitaire. Parallèlement
à leur mobilisation sur de nouvelles missions, les centres ont constaté des
réticences des assurés à se déplacer pour un examen de prévention. Ces
éléments expliquent la baisse d’activité constatée en 2020 et qui se
poursuivra en 2021. Toutefois, la requête permettant de cibler les assurés
éligibles a pu être mise à disposition du réseau des CPAM et de leurs CES
avec l’ensemble des outils de promotion de cette offre au début du second
trimestre 2021. Les premières invitations trimestrielles ou semestrielles ont
été relancées au second semestre. Par ailleurs, si le rapport mentionne que
les CES devront « redéfinir leur offre
» pour qu’elle réponde au cahier des
charges, assez éloigné de leurs pratiques habituelles, il faut souligner qu’il
n’est pas prévu une redéfinition, mais plutôt un complément de l’offre
habituelle par une attention particulière aux retentissements que le passage
à la retraite est susceptible d’avoir sur la santé des « jeunes retraités ». Dans
cette logique et à la suite de l’EPS, l’Assurance Maladie mobilise également
son service social dans l
’accompagnement des assurés présentant un risque
de répercussions sociales et familiales en raison de leur état de santé.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
170
En outre, les thématiques médicales du référentiel de pratiques,
fondées sur les recommandations de la HAS mises en œuvre dans le cadre
de l’EPS sénior sont tout à fait adaptées pour l’EPS « jeune retraité » qui
est une déclinaison de l’EPS Sénior. Enfin,
le risque de doublon mentionné
par la Cour est extrêmement faible entre la MSA et l’Assurance Maladie qui
restent les principaux opérateurs de ce dispositif.
Enfin, je note que la Cour recommande de faire de la CNSA le pilote
de la politique de prévention
de la perte d’autonomie, et recommande de lui
donner accès à cet effet à tous les systèmes d’informations des différentes
caisses. Il convient de préciser que la CNSA a d’ores et déjà accès aux
données de remboursement du système national des données de santé
(SNDS) et que la Cnam travaille à la mise à disposition de données issues
de RESID-EHPAD et de RESID-ESMS dans cet espace. Nous leur
communiquons par ailleurs régulièrement des données statistiques.
Voilà les principaux éléments de réaction que je souhaitais porter à
votre connaissance.
RÉPONSE DU DIRECTEUR DE LA CAISSE NATIONALE
D’ASSURANCE VIEILLESSE
(CNAV)
Par courrier du 6 octobre 2021, vous m’avez transmis
le rapport
public thématique intitulé «
La prévention de la perte d’autonomie des
personnes âgées » et je vous en remercie.
À titre liminaire, je souhaiterais préciser que la CNAV partage le
constat de la Cour sur la nécessité de renforcer la prévention de la perte
d’autonomie au regard de la transition démographique à laquelle est
conf
rontée la France. À cet égard, je me permets de souligner l’entier
engagement de la CNAV dans cette ambition, en dépit de leviers financiers
contraints et maîtrisés.
Concernant le contenu du rapport public, la CNAV avait déjà formulé
par courrier du 22 juillet 2021
248
des observations sur le relevé
d’observations provisoires. Au
-delà de ces premières observations, qui
demeurent d’actualité, je souhaiterais formuler certaines remarques
complémentaires et apporter quelques précisions.
248
Réponse CNAV du 22/07/2021 joint à la fin du courrier
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171
Le rapport souligne à plusieurs reprises la nécessité de définir un
objectif ambitieux de diminution des chutes des personnes âgées.
La CNAV partage la position de la Cour qui va dans le sens des
actions que mène l’Assurance retraite sur cette thématique
:
Financement d’ateliers collectifs de prévention en matière d’activité
physique adaptée, de prévention des chutes et de sensibilisation à la
thématique de l’habitat qui bénéficient chaque année à environ
55 000 personnes.
Mise à disposition de référentiels sur ces trois thématiques afin
d’homogénéiser les pratiques et de fournir des outils méthodologiques aux
porteurs de ces actions.
Formations des évaluateurs des caisses de retraite aux risques du
domicile, tant pour l’intervenant que la personne âgée.
Financement chaque année de plus de 20
000 aides à l’adaptation du
logement des personnes âgées (parcs social et privé) et d’environ 25
000
aides techniques.
La CNAV est, à cet égard, pleinement associée aux travaux que la
ministre en charge de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, vie
nt de lancer au
mois de septembre 2021 pour élaborer un « plan national anti-chutes
» d’ici
la fin de l’année 2021.
L
a Cour souligne que le domaine de la lutte contre l’isolement social
n’a encore fait l’objet que «
d’une esquisse de prise de conscience
».
La crise sanitaire de la covid 19 a montré que de nombreuses
personnes âgées se trouvaient dans une situation de fort isolement social et
qu’il était impératif d’intensifier les politiques de lutte contre l’isolement
social. Pour autant, il m’apparait im
portant de souligner que la CNAV avait
déjà fait, dans le cadre de sa COG 2018-
2022, de la lutte contre l’isolement
social un objectif majeur. À ce titre, plusieurs actions sont menées, qui me
conduisent à nuancer cette appréciation de la Cour :
Développem
ent d’actions collectives favorisant le maintien du lien
social qui bénéficient à environ 100 000 retraités chaque année.
Développement sur l’ensemble du territoire de partenariats pour
mieux repérer les personnes âgées fragiles et lutter contre l’isolemen
t
social
: Centre sociaux, Petits Frères des Pauvres, Restos du cœur …
Mise en place d’un dispositif d’appels sortants à destination des retraités
fragiles pendant les périodes de confinement lors de la crise sanitaire.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
172
Au sein du chapitre 3, la Cour souligne la fréquentation insuffisante
du portail www.pourbienvieillir.fr qui constitue, avec le site de la CNSA, les
deux principaux points d’entrée pour s’informer sur les questions de
l’autonomie.
Pour
mémoire, l’interrégime (Cnav, Msa, Cnracl) a récupéré en 2020
la gestion du site « pourbienvieillir » qui relevait auparavant de Santé
Publique France (SPF). Conscient de la nécessité de rendre plus attractif ce
site, des travaux de refonte devraient être
engagés par l’interrégime en 2022
et pourraient également être l’occasion de travailler à une meilleure
coordination avec le site de la CNSA.
L
a Cour souligne qu’au sein des Carsat, les propositions
d’orientation vers des ateliers de prévention, à la suite
d’un rejet d’une
demande d’aide individuelle, ne sont pas suffisamment nombreuses.
La CNAV partage ce constat et souhaite renforcer ce principe
d’orientation vers des actions collectives de prévention notamment dans le
cadre du dispositif OSCAR, qui articule plus finement aide individuelle et
action collective : en cours de déploiement, ce dispositif OSCAR a vocation
à remplacer progressivement les Plans d’action personnalisés (PAP) d’ici
la fin de l’année 2023.
La Cour préconise dans son rapport de développer pour les retraités
ne pouvant bénéficier d’une aide individuelle (PAP
-OSCAR), en raison
notamment d’un pré
-
ciblage indispensable au respect du budget d’action
sociale, une « visite conseil à domicile » qui permettrait de diffuser des
conseils en prév
ention, de détecter des besoins en matière d’habitat ou
d’orienter les retraités vers des actions collectives de prévention.
La CNAV partage le point de vue de la Cour sur la nécessité de
développer ce type de « visites conseils à domicile » afin de ne pas laisser
des retraités fragiles sans aucune réponse. L’expérimentation NACRE –
ICOPE que mène actuellement la CNAV dans quatre départements (avec le
CHU de Toulouse, le PGI de Bourgogne Franche-Comté et I2ML) et qui vise
à modéliser et préparer le déploie
ment d’une forme de «
Rendez-vous
retraite et prévention
» (réalisés par des professionnels de l’évaluation) à
destination des jeunes retraités précaires économiquement, contribue à cette
ambition.
Le développement de ce type de « visite conseil à domicile », qui
pourrait s’inscrire dans le cadre de la prochaine COG, nécessitera au
préalable de réaliser une simulation du coût de cette mesure et impliquera
par ailleurs de former les évaluateurs à cette nouvelle nature de visites.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
173
La Cour indique que la mise en place par la CNAV de référentiels sur
les actions collectives de prévention est une « initiative bienvenue » dans la
mesure où cela permet d’harmoniser les pratiques même s’il manque
certaines thématiques (lutte contre l’isolement, inclusion numérique
).
La CNAV souhaite indiquer à la Cour qu’un référentiel sur l’inclusion
numérique a été élaboré en 2020 (en lien avec la CNSA, la MSA, la CNRACL
et l’AGIRC
-ARRCO) et largement diffusé au sein des différents réseaux au
cours de l’année 2021. Par ailleurs,
la CNAV réfléchit actuellement, dans la
perspective de la prochaine COG, à une meilleure diffusion et application
de ses référentiels.
La Cour souligne la nécessaire évolution législative sur l’aide sociale
légale (ASL).
La CNAV partage totalement le constat de la Cour sur ce sujet et a
déjà eu l’occasion de faire remonter cette difficulté auprès des ministères de
tutelle. En effet, les retraités autonomes (Gir 5 et 6) dont les ressources sont
inférieures au montant de l’ASPA ne peuvent bénéficier des pre
stations
d’aide à domicile de l’action sociale de la CNAV au motif qu’ils sont
éligibles à l’ASL (qui permet le financement d’heures d’aide
-ménagère à
domicile). Cela ne contribue pas à la clarification des compétences entre les
conseils départementaux et les caisses de retraite dans la mesure où ces
dernières sont normalement compétentes pour les Gir 5 et 6. Par ailleurs,
cela ne simplifie pas les démarches des personnes âgées pour identifier le
bon interlocuteur. En outre, l’ASL est soumise à un recours s
ur succession
qui peut être à l’origine de refus d’aide par la personne âgée ou ses aidants
familiaux.
Une solution envisageable serait de supprimer l’ASL afin que les
bénéficiaires relèvent de l’action sociale extra
-légale des caisses de retraite.
Cela éviterait le transfert de bénéficiaires vers les conseils départementaux
lors des revalorisations du montant de l’ASPA et permettrait aux retraités
d’avoir des plans d’aides plus diversifiés que la seule aide
-ménagère à
domicile de l’ASL. En outre, l’action
sociale extra-
légale n’est pas soumise
au recours sur succession. Compte tenu du faible volume de bénéficiaires
actuels de l’ASL à domicile, un transfert du «
stock » de bénéficiaires vers
la CNAV ne semble pas, a priori, une opération très lourde.
En conclusion, il me semble important de souligner à nouveau
(comme dans mon courrier du 22 juillet dernier) la forte réserve de la CNAV
sur la recommandation n°6 du rapport qui préconise de renforcer la CNSA
dans le rôle de pilote national de la politique de prévention de la perte
d’autonomie notamment par redéploiement des moyens humains des caisses
nationales de sécurité sociale. En effet, la CNAV porte et pilote un politique
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COUR DES COMPTES
174
de prévention de la perte d’autonomie sur l’ensemble du territoire (via le
réseau des Carsat) pour un coût de fonctionnement extrêmement limité (La
Direction nationale de l’action sociale de la CNAV représente 15 ETPMA).
Un redéploiement de moyens humains vers la CNSA, par construction
extrêmement limité (et donc à faible enjeu pour la CNSA), fragiliserait
fortement la territorialisation de cette politique de prévention sur tout le
territoire métropolitain et ultramarin ; elle aurait en outre pour
conséquence directe une remise en cause de la politique de prévention portée
par l’ensemble des
régimes de retraite.
Par ailleurs, donner à la CNSA un rôle de « fédérateur » de
l’interrégime, qui est piloté par les conseils d’administration des différents
régimes de retraite, risquerait d’ajouter une strate supplémentaire à une
gouvernance déjà jugé
e complexe et irait donc à rebours de l’objectif de
simplification, prélude souvent à l’efficacité.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE CENTRALE
DE LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE (CCMSA)
J’ai pris connaissance avec la plus grande attention
du rapport
thématique intitulé la prévention de la perte d’autonomie des personnes
âgées que la Cour des comptes se propose de publier prochainement.
Ce projet appelle les observations de ma part listées ci-dessous que
je souhaite voir figurer dans le rapport définitif.
Concernant les moyens de la CNSA
(recommandation n°6) : Doter la
CNSA, pilote national de la politique de prévention de la perte d’autonomie, des
ressources suffisantes pour mener à bien ses missions, au besoin par
redéploiement de moyens humains des caisses nationales de sécurité sociale et
mettre à sa disposition les données nécessaires, relatives à l’accès des retraités
à l’offre de prévention, de l’ensemble des caisses (ministères des solidarités et
de la santé et du budget).
Sans remettre en cause le rôle de pilotage que doit prendre la CNSA dans
la prévention de la perte d’autonomie, c’est la coopération efficiente avec les
caisses de retraite qui doit être privilégiée. La mise en place d’une gouvernance
permettant d’assurer une collaboration ave
c la CNSA, plutôt que le basculement
des moyens humains est à préconiser. La CNSA ne disposant pas d’un réseau
local, le redéploiement de moyens humains, des caisses vers la CNSA,
s’effectuerait au détriment d’une action portée actuellement par le réseau d
es
caisses au niveau local à proximité des territoires.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
175
Par ailleurs, la MSA étant un guichet unique, un transfert de
ressources humaines impacterait la prise en charge globale des assurés ainsi
que l’offre de services proposée.
Concernant les rendez-vous jeunes retraités
: Moins de 1 000
personnes auraient bénéficié de ce rendez-vous en 2020. La crise sanitaire
explique certainement le faible taux de retour positif aux invitations (2 % à
l’Agirc
-
Arrco pour 32 000 personnes invitées). Les centres d’examen
de santé
de l’assurance maladie, chargés de la mise en œuvre pour le régime général,
ont été très mobilisés par le contact-
tracing, et n’ont pas proposé ce rendez
-
vous. Les premières invitations devraient être lancées au second semestre
2021. Ces centres devront en tout état de cause compléter leur offre habituelle
pour qu’elle réponde au cahier des charges du rendez
-vous jeune retraité.
Compte tenu du volume d’examens de santé qu’ils réalisent habituellement,
bien supérieurs à ceux de l’Agirc
-Arrco, leur place dans le dispositif est
essentielle. Leur mobilisation pourrait contribuer à l’atteinte de l’objectif de
200 000 personnes conviées à ce rendez-
vous d’ici 2022.
La MSA regrette que ses données d’évaluation n’aient pas été prises
en compte, d’autant plus qu’elle a été la première caisse à avoir déployé les
rendez-vous prévention jeune retraité. En 2020, 2058 assurés de la MSA ont
participé à ce dispositif, en présentiel ou par téléphone (donnée non intégrée
au bilan global).
Concernant les risques juridiques
et financiers
des structures
: Si
quelques structures ont une réelle autonomie de gestion, d’autres, dirigées
par les cadres des caisses et/ou bénéficiant uniquement de salariés mis à
disposition, sont intégrées de facto à la Carsat ou à la MSA. Cette situation
ambigüe comprend des risques juridiques, la solidarité financière de la
Carsat ou de la MSA pouvant être mise en jeu et ces caisses pouvant être
considérées comme le réel employeur des salariés de la structure.
Les dispositions prises pour assurer le pilotage des structures, et
activer les mesures nécessaires en cas de difficulté, permettent de prévenir
les risques juridiques et financiers liés à ces activités.
Concernant l’organisation de la MSA
:
Pour ajouter encore à la
complexité, les caisses de MSA de Lorraine et de Mayenne-Orne-Sarthe
étant à cheval sur deux Carsat, ces caisses travaillent donc avec deux
associations inter-
régimes, l’association Label Vie et une Asept, dont le
périmètre ne coïncide pas avec celui de leur région. La mise en cohérence
des territoires MSA avec les régions administratives apparaît nécessaire.
La MSA ne souscrit pas à ce commentaire qui remet en cause
l'organisation actuelle du régime agricole. Aujourd’hui, aucune incidence
organisationnelle liée à ces doubl
es rattachements n’est constatée.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
176
Concernant l’offre de services de la MSA
: En 2020, la Cour avait
mis en évidence l’expansion désordonnée de l’offre de services de la MSA
ainsi que des risques juridiques et financiers insuffisamment maîtrisés liés à
la p
résence d’administrateurs et d’agents de direction des caisses de la MSA
dans les instances dirigeantes de ces associations. Or, cette situation
perdure.
L’organisation et le fonctionnement de l’offre de services de la MSA
font l’objet d’une attention par
ticulière, afin de garantir les conditions de
sécurisation juridique et financière appropriées. Le dispositif de maîtrise des
risques spécifiquement dédié, et qui a vocation à évoluer pour s’adapter à
l’évolution des risques propres à ces activités, s’insc
rit dans cette logique.
Il est rappelé que l’offre de services de la MSA constitue un axe stratégique
fort de son action au service des territoires.
Concernant les Associations de Santé, d''Éducation et de
Prévention sur les Territoires
–
ASEPT
: Les objectifs assignés à la
structure inter-régimes ne sont pas homogènes entre financeur et opérateur.
De ce point de vue, la place des Asept conservant des fonctions d’opérateur
est particulièrement ambiguë.
Initialement, les ASEPT ont été créées pour réaliser la production
d‘actions collectives seniors (structures opératrices). Lors de la mise en
place de l’interrégimes Bien Vieillir retraite, les ASEPT ont servi de support
pour la création des structures locales interrégimes. Au fil des années, ces
structures locales ont pris une autre identité que celle des ASEPT. Aussi, les
ASEPT sont aujourd’hui principalement et en grande majorité des structures
opératrices (au nombre de 13) et non pas des structures interrégimes (au
nombre de 6).
Concernant les structures interrégimes
: Ces choix stratégiques
opposés expliquent que certaines structures interrégimes bénéficient de
financements de la conférence des financeurs, alors que d’autres n’en
demandent pas (Bretagne, Centre-Ouest, Languedoc-Roussillon), estimant
préférable que les conseils départementaux financent directement les Asept,
opérateurs de la politique de prévention.
Les positionnements stratégiques différents sont liés essentiellement
à la volonté des acteurs locaux.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
177
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU GIE AGIRC-ARRCO
Par courrier en date du 6 octobre 2021, vous nous invitez à formuler
nos remarques sur le rapport sur «
la prévention de la perte d’autonomie
des personnes âgées », rapport que nous avons lu avec la plus grande
attention.
L’objectif
repris
par
votre
titre
« construire
une
priorité
partagée » résume notre constat et notre souhait de contribuer largement à
la mise en place d’une politique ambitieuse.
Au travers de notre mission d’intérêt général, nous souhaitons
contribuer activement à porter une politique publique nationale de
prévention de la perte d’autonomie, politique qui se doit de promouvoir une
approche globale incluant les aspects médicaux psychologiques et sociaux.
Comme vous le soulignez à plusieurs reprises, l'Agirc-Arrco a clairement
exprimé le souhait de rejoindre l'Inter-régimes avec une réelle volonté de co-
construire sa politique, dans une démarche globale en vue d'améliorer
l'accessibilité à l'offre et de participer à la coordination de nos expertises.
C'est dans cet esprit que l'Agirc-Arrco a travaillé avec la CNAV, la
CCMSA, la CNRACL et l'Etat, sur le projet de la nouvelle convention Inter-
régimes, qui sera signée au début de l'année 2022.
Dans la continuité de la convention de 2017, celle de 2022 affirme
l'accompagnement
par
l'Inter-régimes
d'une
politique
organisée
et
coordonnée de la promotion de la santé et du bien-vieillir sur les territoires,
en lien étroit avec l'Etat, la CNSA et les collectivités territoriales, dans le
respect des rôles respectifs des départements et des ARS.
Notre entrée dans l'Inter-régimes se traduira par l'intégration du
Comité de pilotage national, du Comité technique et d'autres instances, afin
de permettre à l'Agirc-Arrco d'apporter son expertise qu'il s'agisse de
l'évolution de l'offre ou du site internet "Pour Bien Vieillir".
Au niveau territorial, les actions prioritaires ont été définies pour
rejoindre la dynamique Inter-régimes déjà installée, dans le respect des
calendriers d'actions prévus par tous les acteurs.
Concernant l'implication des groupes de protection via leurs
institutions de retraite complémentaire (IRC), elle se traduit par une
adhésion au projet de développement de l'action sociale territoriale Agirc-
Arrco, avec ses 16 comités régionaux. Composés des collaborateurs des
IRC, les comités seront chargés du déploiement de l'approche retenue par
l'Agirc-Arrco pour son entrée dans l'Inter-régimes.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
178
Par ailleurs, vous renouvelez le constat déjà formulé par la Cour dans
son rapport public annuel de 2019, de difficultés de l'Agirc-Arrco à contrôler
le respect par les institutions de retraite complémentaire, de la règle de
consacrer au moins 80% de leurs financements aux actions réalisées dans le
cadre des orientations prioritaires.
Nous tenons à préciser à la Cour, qu’à la suite de ces observations
formulées en 2019, de nombreux travaux ont été engagés au niveau de la
fédération et au sein des institutions de retraite complémentaires, pour
renforcer les contrôles et améliorer les processus de recueil de données. Ces
travaux vont permettre à la fédéra
tion d’avoir désormais une vision plus
complète des actions engagées au sein des groupes de protection sociale.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DE L’ASSOCIATION
DES MAIRES DE FRANCE (AMF)
Vous avez bien voulu transmettre, pour avis, à l’Association des
maires de Fr
ance et des présidents d’intercommunalité le rapport de la Cour
des comptes intitulé «
La prévention de la perte d’autonomie des personnes
âgées » et je vous en remercie.
Le 4 mars 2021, l’AMF, représentée par Pierre MARTIN, maire de
Chauvé et référent grand âge, a été auditionné par la Cour des Comptes,
concernant les services de soin à domicile.
Ayant examiné avec attention le projet de rapport de la Cour des
Comptes, l’AMF souhaite faire part des observations suivantes.
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-après les observations de
l’AMF.
1/ Observations générales
L’AMF souhaite que le rapport de la Cour des comptes valorise
davantage le rôle des communes et intercommunalités en recommandant de
les associer systématiquement aux instances d’élabora
tion des politiques à
destination des personnes âgées
Dans le projet de rapport, est souligné le rôle central des communes
et intercommunalités dans la prévention de la perte d’autonomie,
puisqu’elles mettent en œuvre au quotidien de nombreuses actions en
destination des personnes âgées.
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
179
Alors même qu’elles ont peu de compétences obligatoires concernant
la dépendance, elles jouent indéniablement un rôle majeur dans l’inclusion
sociale des personnes âgées, la prévention de la perte d’autonomie, l’accès
au
x droits, la coordination des acteurs, le développement d’une offre de
mobilité adaptée ou de logements inclusifs, l’accompagnement des aidants…
Elles gèrent, par ailleurs, ou soutiennent, de nombreux établissements et
services à destination des personnes âgées.
Par leur très bonne connaissance des spécificités de leur territoire,
ainsi que des besoins de leurs administrés, les maires sont aujourd’hui des
acteurs incontournables des politiques à destination des personnes âgées et
pourtant insuffisamment ass
ociés à l’élaboration de celles
-ci.
L’AMF avait regretté, lors de leur mise en place, que les communes
ne soient pas membres de droit des conférences des financeurs de la perte
d’autonomie.
L’implication des élus locaux a particulièrement été mise en
lumière
depuis le début de la crise sanitaire. Les maires ont porté un regard très
attentif sur l’ensemble des personnes âgées de leur territoire, qu’elles
résident en EHPAD ou à domicile. Leur prise en charge a appelé la mise en
place de multiples mesures pour garantir leur sécurité mais également celle
des professionnels intervenants auprès d’elles en EHPAD ou via les SAAD,
que la gestion soit municipale ou privée.
La question du repérage des personnes âgées isolées a également été
centrale. Les élus ont été nombreux à faire remonter le fait que les règles
RGPD ont pu être un frein au développement d’actions concernant la lutte
contre l’isolement des personnes âgées et leur repérage. Cette difficulté est
également pointée par la Cour des comptes dans son rapport.
Ainsi, l’AMF propose que la réglementation RGPD puisse être
assouplie lorsque la demande émane du pouvoir public et relève de
démarches de solidarités et non commerciales.
L’AMF considère que cette question du repérage doit être à lier avec
celle
de la prévention de la perte d’autonomie.
En effet, si l’AMF est
sensible à la proposition de la Cour des comptes de construire une offre
graduée de services concernant la prévention de la perte d’autonomie, elle
souhaite mettre en avant le fait que la question du repérage des personnes
âgées se posera inévitablement pour les deuxième et troisième niveaux
d’intervention.
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COUR DES COMPTES
180
2/ Observations sur les recommandations
«
Amplifier et suivre l’adaptation des logements tout en simplifiant les
aides et en uniformisant les procédures »
L’AMF partage le constat de la Cour des Comptes sur la pluralité
des financements apportés par différents acteurs et la nécessaire
simplification des aides, amenant à une meilleure lisibilité des dispositifs
d’habitat adapté.
Toutefois, elle tient à rappeler que les communes et leur groupement
apportent des financements aux diverses formes d’habitats adaptés et plus
particulièrement dans le cadre de l’habitat inclusif, en fonction des besoins
locaux exprimés.
Elle souligne que de nombre
ux projets d’habitat inclusif à
destination des personnes âgées sont en cours et ils sont souvent portés par
les collectivités ou leur groupement, en lien avec les acteurs associatifs, les
bailleurs sociaux…
Il est également important qu’il n’existe pas un
modèle unique car
chaque projet possède ses spécificités, en fonction du public accueilli, du
lieu d’implantation, des ressources disponibles, du degré d’autonomie du
bénéficiaire….
Le ministère du logement travaille actuellement sur un dispositif
intitulé «
MaPrim’Adapt’
», aide financière à l’adaptation du logement,
cumulable avec le dispositif « MaPrimeRénov ».
Il est indispensable que ce dispositif ne vienne pas s’ajouter aux
dispositifs déjà existants mais qu’il permette une fusion des multiples aides
d’adaptation des logements au vieillissement en une seule, plus simple et
plus compréhensible pour les futurs bénéficiaires.
« Encourager les professionnels de santé à infléchir leurs pratiques
via des incitations financières »
L’AMF interpelle régulière
ment les pouvoirs publics sur la pénurie
de professionnels de santé pour ce qui concerne la médecine de ville mais
également la médecine hospitalière.
Si les récentes mesures, telles que
l’abandon du numérus clausus au profit d’objectifs nationaux pluri an
nuels
de formation des professionnels de santé à former, permettront, à terme,
d’augmenter le nombre de médecins, les effets de ces mesures ne devraient
se ressentir dans les territoires que dans une dizaine d’année.
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181
Les élus locaux souhaitent que des solutions immédiates soient
mises en place et proposent, par exemple, d’ouvrir le débat sur des sujets
tels que la délégation de tâches ou encore la possibilité pour des étudiants
en dernière année de médecine de faire des remplacements. Ils sont
également favorables, lorsque cela est possible, à la mise en place
d’équipes territoriales de santé afin de répondre à la pénurie de médecins.
Cette suggestion pourrait utilement s’articuler avec la proposition de la
Cour des comptes de mettre en place des professionnels de santé formés aux
problématiques de prévention.
L’AMF constate également que le sujet du maintien à domicile est
aussi à croiser avec celui de la rééducation. Souvent oubliés des politiques
de santé, les soins de rééducation participent activement au maintien des
personnes âgées à domicile.
Concernant le développement du sport santé, l’AMF partage le
constat de la Cour des Comptes sur la nécessité de promouvoir l’activité
physique et sportive auprès des personnes âgées.
Il faut souligner qu’un
nombre croissant de collectivités proposent
des dispositifs à destination des personnes âgées avec l’aide de
professionnels tels que des kinésithérapeutes et ce, sans aucune aide
financière.
Malgré la création d’un réseau de communes engagées en faveur
du
sport sur ordonnance, l’AMF regrette que les collectivités ayant mis en
œuvre ce dispositif ne soient pas accompagnées par les différents
ministères concernés et plus particulièrement par les ARS.
L’AMF note également le besoin des collectivités de disposer d’outils
leur permettant de développer une offre d’équipements de sport santé.
« Construire une offre graduée de prévention de la perte
d’autonomie
» et « doter la CNSA, pilote national de la politique de
prévention de la perte d’autonomie, des ressource
s suffisantes pour mener à
bien ses missions et mettre à sa disposition les données nécessaires de
l’ensemble des caisses
»
L’AMF partage le constat de la Cour des comptes sur la dispersion
des professionnels intervenants après des personnes âgées comme des
instances chargées d’élaborer les politiques de prise en charge des
personnes âgées qu’elles soient dépendantes ou non dépendantes.
Ainsi,
l’AMF plaide pour
un rapprochement de l’ensemble des
ressources et compétences dédiées aux personnes vieillissan
tes d’un territoire
afin de rendre cette offre à la fois plus visible, plus accessible mais également
mieux coordonnée.
Ce rapprochement apparait indispensable afin d’apporter
des réponses globales aux personnes concernées.
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COUR DES COMPTES
182
Cela implique de repenser les mo
des d’intervention, aujourd’hui trop
cloisonnés, ainsi que le mode de fonctionnement des EHPAD afin d’en faire
de réels lieux de vie davantage ouverts sur le territoire, plus en lien avec les
SAAD et les autres structures existantes qu’elles relèvent de la
santé, du
social ou du médico-social.
Cette coordination renforcée doit également
permettre de donner davantage de lisibilité aux personnes âgées sur l’offre
d’établissements et services existants, leurs coûts, mais aussi sur les aides
financières et l’ac
compagnement dont elles peuvent être bénéficiaires, pour
réaliser des travaux d’aménagement de leur logement par exemple.
L’AMF peut partager l’objectif d’un resserrement et d’une
clarification de la gouvernance et souscrire au constat du nécessaire rôle
d’ensemblier joué par les départements.
Toutefois,
les
schémas
de
transition
démographique,
qui
remplaceraient les schémas d’organisation sociale et médico
-sociale tels
que dépeints par la Cour, ne devront pas être prescriptifs. Ils devront
intégrer l’en
semble des actions portées par les communes, acteur
incontournable de la prévention de la perte d’autonomie, et pas
uniquement celles portées par les EPCI.
Enfin, l’AMF, attachée au principe de subsidiarité, émet des réserves
quant à la possibilité pour l
e département de se substituer à l’action du bloc
local en cas de carences constatées localement, considérant que les maires
sont des acteurs de proximité et de fins connaisseurs des besoins de la
population, notamment en matière de lutte contre l’isolemen
t.
L’AMF considère par ailleurs qu’une réflexion doit être ouverte sur
les SAAD. Si de nombreux labels valorisent certains SAAD existants,
d’autres apportent, en revanche, peu de garanties sur la qualité des
prestations proposées.
L’AMF propose également
que la Cour des comptes évoque dans
son rapport la pénurie de professionnels travaillant auprès des personnes
âgées.
Une large réflexion doit être menée autour de la revalorisation des
métiers du grand âge et de leur rémunération afin de répondre à la pénurie
de professionnels mais aussi de fidéliser ceux déjà en exercice. Les élus
locaux font particulièrement état d’importantes pénuries, au sein des
services des CCAS, pour ce qui concerne les aides à domicile et les
auxiliaires de vie.
Enfin, l’AMF regrette qu’en dépit des nombreux rapports montrant
l’importance à agir sur le sujet du vieillissement, la loi grand âge n’ait pas
vu le jour et souhaite insister sur le fait que les objectifs concernant la
prévention de la dépendance, comme la prise en charge des personnes
âgées perdant en autonomie, devront s’appuyer sur des financements
dédiés. Ils ne pourront en aucun cas reposer sur les budgets communaux
aujourd’hui plus que jamais contraints.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
183
RÉPONSE DE LA DIRECT
RICE GÉNÉRALE DE L’A
GENCE
NATIONALE POUR L’AMÉLIORATION DE L’HA
BITAT (ANAH)
Vous avez adressé à l’Anah, le 6 octobre 2021,
le rapport public
thématique relatif à la prévention de la perte d’autonomie des personnes
âgées et je vous en remercie.
J’ai l’honneur de vous faire part ci
-dessous des observations de
l’Anah à ce projet.
En préambule, la prévention de l’autonomie couvre un spectre très
large de politiques et d’interventions. La question plus spécifique de
l’adaptation des logements à la perte d’autonomie est un sujet à l’interface
des politiq
ues de l’habitat et des politiques sociales. L’Anah mobilise ainsi
différents moyens financiers et opérationnels pour favoriser l’adaptation des
logements à la perte d‘autonomie des personnes âgées et des personnes
handicapées
:
-
aides à l’adaptation du
logement en faveur des propriétaires occupants,
propriétaires bailleurs et locataires
;
-
aides à l’accessibilité à destination des syndics de copropriété.
Ces aides sont mobilisables en secteur diffus et en opérations
programmées dans le cadre de partenariats avec les collectivités
territoriales, afin de traiter une grande diversité de cas et de configurations
locales.
S
ynthèse des observations de l’A
nah au projet de rapport public
thematique (rpt)
Finalité de la politique d’adaptation et création d’un dispositif unifié
L’Agence partage la nécessité de simplifier le parcours usager des
bénéficiaires des aides à l’adaptation du logement et d’anticiper les
situations de dépendance, afin de développer une véritable politique de
prévention des impacts de la dépendance. C’est le sens de l’engagement de
l’Anah auprès du ministère du Logement, renforcé depuis la mise en place
de l’une des réformes prioritaires du ministère chargé du Logement en
faveur de l’
adaptation des logements, mais aussi dans le cadre de la mission
confiée au printemps 2021 à la DITP et relative à la démarche de
simplification des aides à l’adaptation de logements.
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184
Comme souligné dans le rapport, il s’agit bien de simplifier le
parco
urs usager, tout en intégrant l’efficience du processus métier à même
de garantir la rapidité de traitement des demandes et de limiter au maximum
les délais d’instruction.
Je souhaite toutefois attirer votre attention sur quelques points de
vigilance dans le paragraphe relatif au «
maquis des aides financières à
l’adaptation des logements
».
La perspective de la création d’un dispositif d’aide unifié est
essentielle pour la simplification du parcours de l’usager. Celle
-ci doit
s’inscrire dans un questionnem
ent global, autant sur la finalité de la
politique d’aide à l’adaptation du logement que sur les impacts collatéraux
sur les dispositifs existants.
La création d’une plateforme unique dédiée à l’adaptation du
logement au vieillissement présentera une réelle plus-value pour le parcours
des demandeurs, en simplifiant le paysage existant entre le portail actuel de
la CNAV, la plateforme de l’Anah et le crédit d’impôt. L’Agence sera
cependant attentive à la bonne articulation du futur système d’aide à
l’ad
aptation du logement
:
-
à
la fois avec les autres politiques d’intervention en faveur de la
rénovation de l’habitat, afin de préserver une incitation forte en faveur
de l’amélioration globale des logements
;
-
mais également avec les aides propres portées par
les collectivités (qu’il
s’agisse des départements ou des collectivités du bloc communal), dont
la complémentarité avec les dispositifs nationaux est indispensable
pour bien accompagner les ménages et réduire au maximum leur reste
à charge.
Un autre point
de vigilance, en cas d’unification des aides à l'adaptation
des logements sur le vieillissement, mériterait de porter sur le maintien d’une aide
à destination des personnes en situation de handicap. Cet axe représente
actuellement 13 % des dossiers «
autonomie
»
traités par l’Anah,
Enfin, l’unification des dispositifs ne doit pas remettre en question le
rôle essentiel de l’assistance à maitrise d’ouvrage (AMO) financée dans le
cadre des aides de l’Anah, qui permet aux ménages de disposer d’un tiers de
conf
iance pour les accompagner dans la gestion de leur demande d’aide. Ce
mécanisme protège efficacement contre la fraude et contribue au bon ciblage
des travaux et des publics prioritaires, ainsi qu’à leur pertinence.
Il conviendrait de préserver cette AMO mobilisée par une majorité
des ménages aidés par l’Agence au titre de l’autonomie, dans l’esprit de
l’accompagnement mis en place sur les travaux de rénovation énergétique
dans le cadre du service public de la rénovation de l’habitat instauré par la
loi Climat et Résilience récemment promulguée. Ainsi, comme souligné dans
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185
le rapport, le recours au diagnostic d’un ergothérapeute est primordial pour
déterminer les solutions les plus adaptées à la personne. L’AMO doit
pouvoir coordonner le conseil social, technique, le montage du dossier y
compris dans sa partie financière, ainsi que le suivi voire la réception des
travaux.
L’Anah souhaite également préciser, qu’à ce jour, le dispositif d’aide
relatif à l’autonomie relève du régime des aides à la pierre dont la
gestion
est assurée au niveau territorial, soit par les services de l’Etat au sein des
directions départementales des territoires, soit directement par les
collectivités délégataires de rang 3. Les services instructeurs concernés
traitent de l’ensemble des
dispositifs gérés par l’Anah en matière
d’autonomie, mais également de rénovation énergétique, de lutte contre
l’habitat indigne, de traitement des copropriétés en difficulté, ceci dans une
optique globale d’amélioration de l’habitat privé.
Dénombrement des logements adaptés
Le rapport souligne l’approximation faite sur le décompte des
logements adaptés dans le cadre de l’OVQ adaptation, les dossiers traités
par Action Logement, la CNAV et l’Anah étant sommés sans prise en compte
d’éventuels doubles comp
tes des dossiers cofinancés.
Le décompte précis des logements traités, en l’absence de système
d’information centralisé, présente des limites certaines. S’agissant des
cofinancements, il convient cependant de souligner qu’ils sont nécessaires
au regard du
coût des travaux et qu’ils constituent un véritable effet levier
pour la prise de décision des ménages.
Ainsi, d’après les éléments issus du système d’information de l’Anah,
les aides des collectivités et des caisses de retraite sont évaluées entre 20 et
2
5 % du montant total des travaux d’adaptation des logements.
Conditions d’éligibilité aux aides
Le rapport fait le constat suivant
:
«
Les travaux n’interviennent
-ils
pas à un âge trop tardif pour modifier substantiellement le parcours de vie
des bénéficiaires ?
Si l’on
estime
qu’il faut agir plus tôt, comme des études
le suggèrent, alors la condition d’âge d’Action Logement (70 ans) imposée
par le ministère des finances, est trop restrictive. Si l’on v
eut toucher un
public moins dépendant, alors la condition de GIR
posée par l’Anah est
contre-productive.
»
La prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées - novembre 2021
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COUR DES COMPTES
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L’Agence partage la nécessité d’anticiper les situations de
dépendance, afin de développer une véritable politique de prévention.
Comme le relève le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge
(HCFEA) dans son rapport sur les mobilités des personnes âgées concernant
les âges de la vie auxquels une personne sera le plus susceptible de se sentir
concernée par la question du vieillissement dans son parcours de vie, il
s’agira de bien définir la cibl
e des aides nationales. La cible des jeunes
retraités et la cible des personnes en période charnière de départ en retraite
apparaissent pertinentes pour prendre en compte l’objectif recherché de
prévention et de sensibilisation, et font d’ores et déjà l’at
tention des réseaux
des professionnels du bâtiment dans la perspective de rendre désirable
l’adaptation des logements.
Toutefois, il convient de signaler qu’une intervention auprès d’une
population plus jeune et moins dépendante implique des impacts budgétaires
potentiellement conséquents. Lever le critère de girage apparait pertinent
dans une logique de massification, mais à ce jour les aides ne sont pas
dimensionnées pour couvrir une population plus large sans le filtre du
girage. Compte-tenu des moyens alloués, ce critère permet de concentrer les
aides sur les personnes qui en ont le plus besoin et dont la dépendance est
avérée et suivie par les professionnels de l’action sociale.
Telles sont les observations que je souhaitais porter à votre
connaissance.
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